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Les communautés virtuelles. https://pixabay.com

Les groupes Facebook, une forme de déconfinement virtuel ?

Le lundi 16 mars 2020, alors que l’épidémie du coronavirus progressait en France, le président de la République Emmanuel Macron annonçait au journal télévisé une stricte restriction des déplacements se traduisant par un confinement de la population à domicile. Dans ce contexte de distanciation sociale, les usages numériques explosent au point que certains s’interrogent sur les capacités de nos réseaux Internet à faire face à cette intensification du trafic (le trafic lié au télétravail a été multiplié par 7, celui sur la messagerie WhatsApp multiplié par 5).

Le géant américain Facebook a annoncé que son activité avait augmenté comme jamais. Fin 2019, Facebook comptait 37 millions d’utilisateurs actifs chaque mois en France et selon Harris Interactive, Facebook était le réseau social le plus populaire en France avec 44 % d’utilisateurs quotidiens (loin devant YouTube et Instagram).

En février 2019, Facebook était le réseau social le plus populaire en France.

Depuis le début du confinement, de nouveaux groupes Facebook ont vu le jour. C’est le cas par exemple des groupes « Covid-19 : Groupe Entraide et Solidarité Dordogne » ou « Le Coin des confinés ». Ces rassemblements, qui comptent plus ou moins de membres, se positionnent comme des groupes d’entraide, de solidarité ou de partage pour faire face à la situation exceptionnelle que vivent les populations. Le groupe « Le coin des confinés » a vu son nombre de membres s’envoler au cours des premiers jours du confinement.

Le groupe Le coin des confinés a été ouvert au public le 17 mars 2020. Au 9 avril, il comptait plus de 116 000 membres.

Au sens large, les groupes Facebook n’ont rien de nouveau, ils existaient bien avant la mise en place des mesures de distanciation sociale. Nous pouvons toutefois nous demander pourquoi les groupes nés du Covid-19 sont-ils si populaires et nous interroger sur la nature des échanges au sein de ces groupes.

Un algorithme Facebook favorable à l’essor de ces groupes

Sur Facebook, n’importe qui (un individu, une entreprise, une association…) peut créer un groupe depuis la page d’accueil (appelée News feed). Il suffit de cliquer en haut à droite de la page sur l’icône « + » et de choisir le module « groupe » pour faire apparaître une fenêtre permettant la création et la mise en place des paramètres d’un nouveau groupe.

Créer un nouveau groupe sur Facebook. Facebook

Mark Zuckerberg, Président-directeur général de Facebook, indiquait le 16 février 2017 dans un communiqué publié en ligne que

« La chose la plus importante que nous puissions faire sur Facebook est de développer l’infrastructure sociale pour donner aux gens le pouvoir de construire une communauté mondiale qui fonctionne pour nous tous. »

Facebook, comme tout autre réseau social (Instagram, Pinterest, LinkedIn…), a pour objectif de maximiser le temps passé par les internautes sur la plate-forme. Pour y parvenir, Facebook utilise un algorithme qui positionne les publications vues par chaque utilisateur dans l’ordre qui a le plus de chance de lui plaire sur la base de « signaux ». Au cours de la conférence Facebook de 2019, Facebook a annoncé que le nouveau design et l’algorithme de la plate-forme mettraient encore plus en avant ces groupes d’individus, favorisant ainsi leur développement.

Les groupes Facebook : des communautés virtuelles

Les communautés virtuelles (ou communautés en ligne) sont « des espaces sociaux dans l’environnement digital qui permettent à des groupes de se former et d’être maintenus principalement par des processus de communication continus ».

Autrement dit, il s’agit de rassemblements d’individus permis par l’essor du web 2.0 et qui ont des intérêts et des objectifs communs. C’est précisément le cas avec les groupes qui fleurissent sur Facebook.

Dans les communautés virtuelles, les consommateurs peuvent étendre leur influence au-delà des réseaux sociaux personnels et des amis proches vers des réseaux sociaux virtuels plus vastes, qui leur permettent d’interagir avec un nombre d’individus croissant, de partager leurs expériences et de s’inspirer de celles des autres comme jamais auparavant. Ces différentes communautés permettent des échanges conversationnels asynchrones entre des membres qui ne sont pas physiquement proches, mais qui partagent tous un même centre d’intérêt.

L’échange d’informations et le soutien social sont les raisons centrales qui motivent à rejoindre et rester dans une communauté virtuelle. Les membres de ces communautés échangent donc des conseils, des avis, des encouragements qui composent le soutien social.

À la recherche de soutien informationnel…

Le soutien informationnel consiste à échanger des avis, des conseils, des astuces. Parmi les sujets qui reviennent souvent en cette période de confinement, on peut notamment citer les échanges informationnels autour des autorisations dérogatoires de déplacement (ce que l’on peut ou non faire), des conseils pour pouvoir s’approvisionner (en nourriture ou fournitures de jardinage ou cartouches d’encre notamment) ou encore des idées d’activités à réaliser chez soi pour occuper les enfants. Il est donc commun de voir des posts du type « SOS cartouches d’encre imprimante : Bonsoir, quelqu’un sait où en trouver ? Un conseil ? Merci beaucoup » (publié le 7 avril à 20h45) ou encore « Bonsoir une série Netflix à me recommander svp mis à part la casa de papel svp ? » (publié le 9 avril à 20h45).

… et de soutien émotionnel

Le soutien émotionnel se manifeste quant à lui lorsque les membres s’encouragent ou se réconfortent mutuellement et font preuve d’empathie. Compte tenu du contexte sanitaire, un grand nombre d’échanges entre les membres de ces groupes visent à obtenir du soutien émotionnel suite à l’apparition de symptômes associés ou non au Covid-19. Sur l’un de ces groupe, le 24 mars à 21h57, un membre indique « Bonsoir, j’ai chopé le virus voilà 8 jours… je suis à bout… j’ai peur ». D’autres échanges permettent aux uns d’obtenir et aux autres de donner du réconfort en cas de coups de blues. Certains échanges ont des tonalités plus positives, comme les échanges au sein desquels les membres postent des photos d’eux-mêmes pour indiquer que c’est leur anniversaire.

Bien avant l’existence des communautés virtuelles des experts en psychologie sociale avaient montré que, quelle que soit la nature du soutien (informationnel ou émotionnel), il a pour but principal d’accroître le bien-être de celui qui le reçoit.


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La grande majorité des échanges au sein des groupes Facebook nés du Covid-19 étaient avant tout articulés autour du soutien informationnel et émotionnel, mais depuis mi-mars, la situation a évolué.

Le nouveau « café du commerce »

Quand les informations au sujet de la crise sanitaire que la terre entière traverse deviennent de moins en moins « inédites » et à l’exception des quelques jours qui suivent les interventions dans les médias du Président de la République ou du Premier ministre, le contenu des échanges au sein de ces groupes Facebook devient de plus en plus commun. Les membres y partagent essentiellement des publications humoristiques en lien ou non avec le contexte sanitaire, mais également de jeux dans le but de se distraire.


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Au moment où les regroupement physiques n’étaient plus autorisés, les groupes Facebook ont fait émerger des discussions de « café du commerce » (en référence à la rubrique tenue par Marcel Dassault dans le journal Jours de France qu’il avait l’habitude de rédiger au troquet du même nom, à Paris), c’est-à-dire des échanges parfois sans intérêt où l’on peut dire des banalités. Ces échanges font néanmoins pleinement partie des dynamiques conversationnelles et sont donc utiles à ceux qui y contribuent.

Reste à savoir si ces communautés évolueront vers de nouvelles fonctions et ce, notamment dans le cadre du déconfinement, ou si elles sont vouées à disparaître.


Cet article a été rédigé avec le précieux concours de Marie-Christine Lichtlé (Professeur des Universités en Sciences de Gestion/spécialité Marketing, à l’Université de Montpellier) et de Steffie Gallin (Docteur en Sciences de Gestion/spécialité Marketing, diplômée de l’Université de Montpellier).

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