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Black is black… RaselAhmedRaju/Pixabay

Les masques au charbon sur la peau, quelle drôle d’idée !

Les masques sont des cosmétiques utilisés de tout temps pour améliorer la qualité du teint. On assiste, aujourd’hui, à une mode curieuse qui consiste à incorporer du charbon dans ceux-ci.

Le charbon, un principe actif ancien

Par calcination de n’importe quel bois, il est possible d’obtenir du charbon. Pour un usage médicinal, on préférera les charbons obtenus à partir de bois blancs tels que le saule, le bouleau ou le peuplier. Dans ce cadre, le charbon est traditionnellement utilisé à raison de 1 à 20 grammes/jour, pour ses propriétés absorbantes, mises à profit dans les épisodes diarrhéiques.

Le charbon activé ou charbon de bois activé possède une monographie (Carbo activatus) à la Pharmacopée française Xe édition, ainsi qu’à la Pharmacopée européenne 9e édition. Il est préparé par calcination à très haute température (800 à 1000 °C). Il se présente sous la forme d’une poudre noire, inodore et insipide, capable d’absorber 15 à 20 % d’eau.

Masques yin et yang

Symbole d’équilibre. CC BY

En 1986, la chanteuse Jeanne Mas est à la recherche d’une esthéticienne qui voudrait bien prendre soin de sa peau dans sa célèbre rengaine « En rouge et noir » (« Et j’aurais soigné ma peau, Blessée par les froids d’hivers ») et la maquiller (« J’aurais mis de la couleur, Sur mes joues et sur mes lèvres, Je serais devenue jolie »). Bien des années plus tard, une marque qui fleure bon l’apothicaire remet la bobine à l’envers et décide de voir la vie en deux couleurs. Les T’ai Chi Masques (Herborist) se présentent sous la forme de deux masques de couleur, l’un noir pour nettoyer, l’autre blanc pour apaiser.

Empruntant au vocabulaire chinois le nom d’une gymnastique permettant d’accéder à une grande maîtrise de son corps, ces masques se proposent de purifier la peau selon un rituel qui se pratique, lui aussi, en respectant une gestuelle bien précise. Dans une société où le 2 en 1 est privilégié du fait du gain de temps occasionné, Herborist joue le contraste en optant délibérément pour des cosmétiques qui prennent leur temps. Application, massage, retrait, rinçage sont pratiqués avec chaque masque successivement. Le yin (symbolisé par le masque noir) et le yang (représenté par le masque blanc) contribuent à exalter le teint.

Le charbon des marques

Il paraissait audacieux d’associer la notion de nettoyage ou de purification à l’utilisation d’une matière première de couleur noire et de ce d’autant plus que cette même matière première, en l’occurrence le charbon, est plus facilement assimilée à un élément polluant plutôt qu’à un actif cosmétique nettoyant.

Le masque Detox Argile Pure (L’Oréal Paris) est un masque qui comporte trois argiles (kaolin, montmorillonite, ghassoul) et du charbon. Garnier propose un 3 en 1, anti-points noirs incrustés qui s’utilise comme un produit nettoyant, exfoliant ou comme un masque en fonction du temps de contact. City Block Purifying, le gel nettoyant purifiant au charbon (Clinique) joue sur plusieurs tableaux. C’est un masque au charbon, ingrédient en vogue. Il est présenté comme détoxifiant (donc sensé lutter contre les méfaits de la pollution sur la peau). La marque Akane propose, elle, un masque noir lacté qui « purifie, désincruste et matifie ». Blanc et noir, lait et charbon sont unis dans une même formule. Dans le cas du Mask cream Charcoal, un masque peel off, il est précisé que le charbon est obtenu à partir du bambou.

De la même façon, The Body Shop commercialise un masque Purifiant au Charbon de Bois d’Himalaya Spa of The World. La précision est d’importance d’un point de vue marketing : le charbon en question a été obtenu par combustion de bois provenant d’une région qui fait rêver et qui semble à l’abri de toute pollution. Le masque Soin Purifiant Glamglow Supermud est, quant à lui, présenté par la chaîne Séphora comme un produit high-tech. L’analyse des ingrédients qui entrent dans sa composition (acides de fruits, charbon, argile et eucalyptol) vient contredire cette assertion alléchante. Il est à noter que les emballages de ces produits sont aussi noirs que les contenus… espérons qu’ils ne sont pas l’image de l’âme de ceux qui les mettent sur le marché !

Le charbon des blogueuses

Certaines blogueuses ont décidé de réaliser leur propre masque à base de colle (pour enfants donc, selon leurs dires, sans toxicité…) et de charbon. Angie, la débrouillarde, a testé ce type de masque et en est très satisfaite. Son slogan, « Se faire belle sans exploser son PEL », témoigne de la philosophie de cette blogueuse. Le but est de réaliser des produits efficaces à petit prix. Mais très franchement, à une époque où la peur des ingrédients cosmétiques paralysent (à tort) un certain nombre de consommateurs, il n’est pas raisonnable de s’appliquer sur la peau de telles préparations !

Poudre de charbon. mommyandlove/Pixabay

Alors, que faut-il penser du charbon ? D’un point de vue chimique, c’est un ingrédient complexe composé majoritairement de carbone (97 à 99 %). On le retrouve sous différents noms : CI 77267 ou noir animal. Le reste est constitué de traces de composés aromatiques, d’hydrogène, d’oxygène, d’azote et de soufre chimiquement liés au carbone. Et c’est bien ce reste (les impuretés) qui pose un problème car selon l’origine et le procédé d’obtention de cet ingrédient il sera extrêmement variable et parfois assez peu compatible avec une application cutanée. En somme, le charbon pour les barbecues de l’été : oui (encore que…) ; le charbon à appliquer sur la peau : non. Décidément, noir c’est noir…

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