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« Atténuation, adaptation »

Une Nigérienne trie le mil. Cette céréale montre des capacités d’adaptation au changement climatique, notamment à la sécheresse. Reuters

Si jusqu’à la fin des années 2000, l’« atténuation » a été l’approche dominante adoptée pour limiter les émissions globales d’origine anthropique de gaz à effet de serre (GES), dont la concentration dans l’atmosphère perturbe le climat, elle a depuis montré ses limites. Face à un réchauffement qui apparaît aujourd’hui inéluctable, les thèmes d’« adaptation », et plus récemment de « vulnérabilité » et de « résilience », s’imposent progressivement.

Pour résoudre le problème du changement climatique, les négociations internationales ont d’abord porté en priorité sur « l’atténuation » du réchauffement, à travers la mise en place d’accords politiques pour limiter les émissions globales de GES.

L’atténuation, une approche globale et limitée

Lors du Sommet de la terre de Rio, en 1992, la mise en place d’une gouvernance mondiale sur le climat sous l’égide des Nations unies a traduit le consensus autour du risque climatique. L’accord multilatéral global (la CCNUCC) qui est alors prévu pour s’imposer à tous les États repose sur une stratégie dite de « partage du fardeau », les pays se répartissant l’effort de réduction d’émissions.

Ce choix place les engagements de réduction des pays au centre des négociations internationales. Une distinction de traitement est néanmoins établie entre les pays industrialisés et les pays dits en voie de développement, selon le principe des « responsabilités communes mais différenciées ».

Les négociations climatiques sont rythmées par les conférences annuelles des parties (COP) de la CCNUCC. À la COP3, en 1997, l’adoption de son protocole de Kyoto est l’aboutissement d’un accord multilatéral, les pays développés et certains pays en transition signataires, étant les responsables historiques de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se fixent des objectifs quantifiés à respecter. Les autres pays sont dispensés d’obligation de réduction de leurs émissions. L’accord est alors largement salué, même si les efforts de réduction de gaz à effet de serre (calculée en équivalent CO2) sont modestes (5 % en moyenne sur la période 2008-2012 par rapport au niveau de 1990). Il repose en partie sur la création de « marchés carbone » : les mécanismes de marché sont supposés permettre de réduire à moindre coût les émissions par un système d’échange de quotas de droits d’émissions destinés essentiellement aux industriels. Les unités CO2 non émises deviennent alors l’unité de mesure de la lutte contre le changement climatique. La même logique de marché sera bientôt appliquée aux questions de déforestation à travers le mécanisme de réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation (Redd+).

Mais force est de constater l’inefficacité de ces choix sur le niveau mondial des émissions. Le décalage est patent entre, d’un côté, les prévisions de plus en plus alarmistes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat Giec et, de l’autre, l’enlisement des négociations. L’approche globale, réduite à une vision purement quantitative, a isolé la question climatique d’autres réalités, comme l’accroissement de l’exploitation des énergies fossiles, la concurrence accélérée des économies émergentes et plus généralement la nécessité d’un développement durable… Alors que les causes mêmes des émissions n’ont pas été interrogées. Les négociations sont ainsi restées longtemps indépendantes des questions du commerce international, des politiques de l’énergie, de la géopolitique et de l’économie, ainsi que des questions sociales en général, conduisant à une forme d’autisme : alors que les négociations formulaient de timides engagements, les accords commerciaux internationaux et les politiques nationales sur les courts et moyens termes allaient souvent à l’encontre de la réduction des émissions.

M. Bernoux/IRD, Author provided

L’adaptation, une stratégie locale ciblée

Il a fallu du temps, ajouté à l’inefficacité des négociations internationales et à l’augmentation des émissions de GES, pour que le thème de « l’adaptation » entre en force, signalant par là la prise de conscience que, contrairement à ce que prévoyait la Convention sur le climat, l’atténuation ne se fera pas au rythme d’une adaptation naturelle des écosystèmes au changement climatique. L’adaptation vise ainsi à garantir des moyens d’action collective pour se préparer à un monde à + 2 °C. L’émergence du thème de l’adaptation correspond aussi à l’implication des pays en développement, qui remettent en cause le cadrage en termes d’atténuation alors qu’ils subissent les premiers les dommages dus à l’industrialisation des pays développés. Lors de la Conférence de Bali (2007), ils imposent le thème de l’adaptation comme un deuxième objectif de la Convention, aussi crucial que celui de l’atténuation.

Cette prise en considération de la capacité adaptative des systèmes et des populations a été renforcée par les travaux des communautés de chercheurs que cela soit en sciences humaines et sociales ou de l’environnement et de l’écologie. De nombreux travaux portent ainsi sur les capacités d’adaptation des agrosystèmes et des populations rurales du Sud en lien avec leur environnement.

Plus récemment encore, l’effort des spécialistes du changement climatique s’est porté sur les synergies entre atténuation et adaptation, notamment pour réconcilier les échelles : les solutions qui seront apportées aux niveaux locaux doivent augmenter les capacités adaptatives, mais doivent aussi apporter des solutions au problème global du changement climatique, et vice versa. Se focaliser uniquement sur l’adaptation reviendrait à retomber dans une forme d’autisme et laisser croire que l’adaptation sera toujours possible sans effort sur les émissions.

La COP21 a marqué un nouveau cycle de négociations avec un changement important de cadrage de la question climatique. La réduction des émissions de GES n’est plus l’objectif unique des négociations, au profit d’autres stratégies intégrant les questions de l’adaptation et des pertes et dommages. Ce rééquilibrage ne se fait toutefois pas sans contradiction : alors que l’objectif de maintenir les émissions en dessous du seuil de 2 °C est maintenu, l’objectif d’adaptation seule envisage, lui, des augmentations de température de 3°, 4°, 5 °C…

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