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Les Républicains face à leur déclin

 Eric Ciotti récemment élu président du parti Les Republicains à Paris le 4 décembre 2022.
Eric Ciotti récemment élu président du parti Les Republicains à Paris le 4 décembre 2022. Alain Jocard/AFP

Éric Ciotti, président nouvellement élu du parti Les Républicains (LR) aura peu de temps pour savourer ce succès. Les défis qui l’attendent semblent nombreux et compliqués. Alors que plusieurs défections ont suivi l’annonce de sa victoire face à Bruno Retailleau avec 53,7 % des voix, le principal challenge sera sans doute de stopper le mouvement de déclin du parti entamé depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la tête de l’État en 2017. L’enjeu est d’éviter à terme sa disparition.

Les recherches en management s’intéressent depuis de nombreuses années à la situation des organisations qui font face à un déclin de leur activité. Elles tentent d’expliquer et de comprendre les pistes possibles pour les affronter. De fait, elles apportent un éclairage intéressant à la situation actuelle de LR et aux défis du nouveau leader de la formation politique de droite.

Quatre stratégies possibles pour faire face à un déclin

Les travaux de recherche en Sciences de Gestion ont mis en lumière quatre catégories de « déclins » auxquels peuvent faire face les organisations et les entreprises.

Deux d’entre eux, l’érosion et la dissolution, évoquent un déclin progressif de l’activité de l’organisation. Dans le premier cas, celle-ci doit faire face à une réduction progressive et continue de son activité. Dans le second cas, un nouveau marché apparaît et remplace progressivement le marché principal. Les deux autres types de déclins, appelés contraction et collapse, concernent des phénomènes qui mettent en danger la pérennité de l’organisation de manière brutale. La contraction concerne ainsi une réduction soudaine, mais limitée dans le temps, d’une partie de l’activité. Le collapse est un effondrement imprévisible et inattendu de l’ensemble de celle-ci.

Mais au-delà de la description de ces phénomènes, il convient surtout de bien identifier le type de déclin auquel l’organisation est confrontée, chaque situation nécessitant des stratégies, notamment managériales, différentes et adaptées.

LR et le PS, grands perdants d’un nouveau système tripartite

Avec l’avènement d’Emmanuel Macron et la création d’En marche, devenu aujourd’hui Renaissance, le système politique français est passé d’un modèle « traditionnel » dominé par le classique clivage droite/gauche à un système tripartite dominé par trois grandes forces : le Rassemblement National représente l’extrême droite et la droite nationale ; Renaissance rassemble centre droit, centre et centre gauche ; et la Nupes réunit les principales forces de gauche et d’extrême gauche du spectre électoral.

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L’avènement de cette nouvelle configuration a marqué le déclin plus ou moins progressif des deux partis dominants jusqu’alors sous la Vᵉ République, Les Républicains et le Parti socialiste. Au contraire de ces derniers, les premiers étaient parvenus à « limiter la casse » lors des législatives de 2017 en obtenant 112 députés. Mais les résultats des élections présidentielles et législatives de 2022, avec les 4,78 % de Valérie Pécresse et l’obtention de seulement 61 députés, ont marqué une nouvelle étape de leur déclin.

Cet affaiblissement de LR sur la scène politique française est à la fois un phénomène progressif, qui a commencé en 2017 et qui a semblé s’amplifier depuis, et un phénomène soudain, dans la mesure où les dernières élections nationales, en particulier l’élection présidentielle de 2022, ont marqué une chute et une perte d’influence brutales et prononcées.

La question de la vision et du leadership

Face à cette situation, quelles possibilités s’offrent aujourd’hui à LR et à Éric Ciotti pour tenter d’endiguer la chute ? Les recherches ont montré que les manières de gérer les situations de déclin dépendaient de la nature de la crise. Dans le cas de déclins progressifs, il est conseillé de s’orienter vers de nouveaux marchés et vers de nouveaux critères de performance et d’utiliser des stratégies de coalition pour faire face aux tensions que la situation génère. Dans le cas de déclins soudains, il faut généralement s’appuyer sur un management autocratique, faire preuve de créativité et s’orienter vers des activités plus rentables, le temps que la situation s’améliore. Voire totalement changer d’activité dans le cas d’un collapse.

LR étant un parti politique, il semble impossible pour lui de s’orienter vers d’autres activités que l’action publique en présentant des candidats aux élections. De même, les indicateurs de performance pertinents restent les résultats aux élections, même si des éléments comme le nombre d’adhérents peuvent aussi peser. L’ancrage territorial et les élections locales constituent sans doute cet « autre » marché sur lequel peut s’appuyer LR pour se maintenir à flot. C’est ce que le parti est parvenu à faire jusqu’à aujourd’hui. Mais LR ne pourra sans doute pas se permettre d’obtenir d’aussi faibles résultats aux prochaines élections présidentielles et législatives que ceux de 2022. Ses derniers membres et électeurs rejoindraient alors vraisemblablement définitivement le parti présidentiel pour les uns, et le Rassemblement National ou Reconquête pour les autres.


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Dans tous les cas, les chercheurs s’accordent pour dire que les situations de déclin sont certainement les plus difficiles à affronter pour une organisation. Les questions de coalition d’un côté, et de vision, de leadership et de management de l’autre, restent les clefs du succès pour y parvenir. Ces deux dimensions constituent justement les points d’achoppement entre les forces en présence à LR. Les stratégies pour s’en sortir divisent en effet profondément ses responsables et ses membres. Tant sur la question des alliances (faut-il en faire et avec qui ?), que de la vision (faut-il d’abord se concentrer sur le renouveau du parti avant de choisir un candidat pour la présidentielle de 2027 comme le suggérait Bruno Retailleau ou déjà se projeter avec un candidat comme le souhaite Éric Ciotti avec Laurent Wauquiez ?) ou du leadership (faut-il imposer ses choix ou aller vers le consensus et le dialogue ?).

Comme souvent dans les situations de déclins, les circonstances et la conjoncture, autant que la capacité à en tirer parti, joueront un rôle clef. L’impossibilité de se représenter en 2027 pour Emmanuel Macron comme la progression des idées et des thèmes de droite, dont LR ne parvient paradoxalement pas à profiter électoralement, sont des éléments connus… Mais d’autres ne manqueront pas de surgir. Et la capacité de LR à s’en saisir pour l’intégrer à sa stratégie sera cruciale.

Si un candidat de droite issu de la « macronie » comme Édouard Philippe prenait le leadership du mouvement présidentiel et parvenait même à être élu président, sans doute face à un représentant du Rassemblement National, LR se retrouverait confirmé dans son statut de « petit » parti, avec des chances de survie réduites. Si un candidat représentant LR parvenait au contraire à reprendre le leadership électoral des idées de droite, il n’est pas impossible d’imaginer que LR reprenne la place qui était la sienne avant l’arrivée d’Emmanuel Macron. Mais un tel scénario nécessitera, à la fois, des mesures pour combattre le déclin graduel du parti et pour le relancer lors des élections de 2027. Sans cela, la disparition définitive des Républicains sera difficilement évitable.


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