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Les connaissances des Autochtones sur les écosystèmes et les propriétés médicinales des plantes pourraient aider à lutter contre les pandémies. shutterstock

Les savoirs autochtones pourraient-ils nous aider à affronter les prochaines pandémies?

Nous commençons seulement à envisager les conséquences désastreuses du Covid-19. Une chose est sûre toutefois : il y aura d’autres pandémies et nous devons nous y préparer. Et si les Autochtones détenaient une partie de la solution pour y faire face ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié des mesures de préparation aux pandémies. Partout dans le monde, des scientifiques développent des vaccins pour protéger la population contre les virus. Cependant, les vaccins ne sont pas toujours disponibles à temps et il n’est pas non plus possible de vacciner tout le monde. Pour réduire les taux de mortalité, il faut aussi développer des médicaments antiviraux ou qui atténuent les symptômes des maladies.


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Environ 50 % des nouveaux médicaments sont des produits naturels ou dérivés de produits naturels comme les plantes médicinales. Par exemple, des recherches en Colombie-Britannique ont montré que deux espèces de plantes inhibent complètement l’action d’une souche différente de coronavirus qui affecte le système digestif.

D’autres plantes pourraient peut-être contribuer à combattre les prochaines pandémies auxquelles nous ferons face, mais encore faut-il trouver lesquelles. Pour ce faire, nous aurions intérêt à nous tourner vers les peuples autochtones, qui détiennent une part importante des connaissances sur les propriétés médicinales des plantes. Au Canada, par exemple, l’usage de plus de 500 plantes médicinales a été répertorié chez les peuples autochtones dans la zone boréale. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg.

La recherche sur les plantes médicinales doit être faite par des équipes multidisciplinaires impliquant des spécialistes des sciences de la santé, des sciences naturelles et des sciences sociales travaillant avec les peuples autochtones. Shutterstock

Les savoirs autochtones pourraient s’avérer cruciaux pour bonifier l’arsenal de lutte contre les pandémies futures. Mais les conditions de vie des peuples autochtones les rendent eux-mêmes vulnérables aux pandémies et les écosystèmes où se trouvent les plantes médicinales s’atrophient à un rythme inquiétant.

Se laver les mains… sans eau

Plusieurs des quelques 370 millions d’Autochtones dans le monde vivent dans des communautés éloignées susceptibles d’être dévastées par des pandémies. Une forte proportion de leur population est vulnérable parce que déjà affectée par des maladies chroniques comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. De plus, les communautés autochtones éloignées sont surpeuplées et ont un accès réduit aux soins de santé.

Plus inquiétant encore, même dans un pays industrialisé comme le Canada, plusieurs communautés autochtones n’ont pas accès à l’eau potable (alors qu’on nous dit de nous laver les mains fréquemment) et doivent payer jusqu’à trois fois le prix pour des produits de base (comme le savon). Ce sombre portrait justifie l’importance d’améliorer les conditions sanitaires et socio-économiques dans les communautés autochtones.

Le gouvernement du Canada a annoncé un plan d’urgence de plus de 100 milliards $ en réponse au Covid-19, dont seulement 305 millions $ pour l’aide aux peuples autochtones. C’est dire que même s’ils représentent 4,3 % de la population au Canada, ils recevront moins de 0,3 % de l’aide directe. Même en considérant qu’ils auront accès à une partie du reste des fonds via différents programmes, le compte n’y est pas.

Les dirigeants autochtones de tout le Canada s’inquiètent du fait que les aides promises par le gouvernement fédéral pour aider les Premières Nations, les Inuit et les Métis à faire face aux retombées de le Covid-19 pourraient ne pas suffire. Le chef national de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Perry Bellegarde, deuxième à partir de la droite, est accompagné de dirigeants de Premières Nations lors d’une conférence de presse à Ottawa, le mardi 18 février 2020. LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick

Pourtant, les Nations unies révélaient l’automne dernier que les conditions de vie dans les communautés autochtones étaient déjà nettement sous la moyenne canadienne avant la pandémie. Plus que jamais, un sérieux coup de barre est nécessaire pour corriger la situation. L’article 21 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est clair à cet égard : « Les peuples autochtones ont droit, sans discrimination d’aucune sorte, à l’amélioration de leur situation économique et sociale, notamment dans les domaines […] de la santé et de la sécurité sociale ».

Protéger les écosystèmes

L’identité, la culture et la santé des peuples autochtones sont fortement liées aux écosystèmes, dont ils obtiennent une foule de biens et services essentiels, incluant les plantes médicinales.

Les écosystèmes sont des pharmacies naturelles où pourraient se trouver les remèdes aux maladies du futur.. Shutterstock

L’objectif 11 de la Convention sur la diversité biologique est de protéger 17 % des zones terrestres mondiales au plus tard en 2020. Le Canada est présentement à moins de 12 % et, au rythme où vont les choses, n’atteindra pas l’objectif avant 2045. Considérant le taux de dégradation des écosystèmes, les groupes environnementaux somment les gouvernements d’agir.

Financer la recherche multidisciplinaire

En réponse au Covid-19, le gouvernement du Canada a alloué un financement spécial de 275 millions $ pour la recherche sur le coronavirus et les mesures médicales pour le contrer. Ce fonds d’urgence à court terme est essentiel pour accélérer le développement déjà en cours de médicaments et de vaccins par les laboratoires publics et privés. Il sera toutefois important, après la crise actuelle, d’octroyer un financement à plus long terme à des projets de recherche multidisciplinaires basés sur une étroite collaboration entre les peuples autochtones et les scientifiques.

Les droits et intérêts des peuples autochtones doivent être protégés par des ententes de recherche. De plus, des lois doivent protéger la propriété intellectuelle des peuples autochtones et s’assurer qu’ils obtiennent leur juste part des bénéfices générés par la vente des médicaments développés sur la base de leurs connaissances. Or, les protections en matière de propriété intellectuelle au Canada sont souvent inapplicables en contexte autochtone.

L’après Covid-19

Tandis que toutes nos énergies doivent être consacrées à mettre fin à la pandémie de Covid-19 le plus rapidement possible, il faut quand même penser à l’avenir. Aux façons de réduire notre vulnérabilité collective aux pandémies, particulièrement celle des peuples autochtones. Pour ce faire, il est impératif de consacrer les sommes nécessaires pour augmenter les conditions de vie dans les communautés autochtones au même niveau que celles du reste de la population. Il faut aussi protéger les écosystèmes, qui sont des pharmacies naturelles où pourraient se trouver les remèdes aux maladies du futur.

Finalement, il faut financer adéquatement la recherche fondamentale en sciences de la santé, en sciences naturelles et en sciences sociales. Cette recherche prend du temps, ses applications ne sont pas toujours évidentes de prime abord, mais elle pourrait sauver des milliers de vies dans un avenir incertain. Nous devons collectivement accepter de fournir le financement et la protection juridique nécessaires aux peuples autochtones, aux écosystèmes et à la recherche. Nous pourrons ainsi partager les bénéfices des échanges de connaissances plutôt que les conséquences du colonialisme et de l’ignorance.

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