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Les stratégies souterraines pour concilier vies « pro et perso » au masculin

Monsieur, êtes-vous rentré « trop tôt » du travail ? Nickster 2000/Visual Hunt , CC BY-NC-ND

L’articulation vie professionnelle-vie personnelle dans les entreprises a été longtemps considérée comme un sujet féminin, devenu un enjeu managérial suite à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et des transformations socioculturelles s’y afférant.

L’équilibre travail/vie privée, une affaire d’hommes aussi

Ainsi, historiquement les politiques d’équilibre vie professionnelle–vie personnelle ont émergé dans les entreprises dans le cadre de la mise en œuvre des actions en faveur de l’égalité professionnelle et de la promotion des femmes aux plus hautes responsabilités hiérarchiques. Elles étaient destinées aux femmes et visaient peu les hommes.

D’ailleurs, d’un point de vue académique, il a fallu attendre 1992 pour qu’apparaissent les premières recherches s’intéressant à l’équilibre des sphères de vie des hommes.

Bien que ces études continuaient de refléter la division sexuée du travail et la persistance du « breadwinner model », elles ont aussi mis en lumière que les hommes vivaient un niveau de conflit travail-famille équivalent à celui des femmes, reconnaissant ainsi que la conciliation était aussi une question au cœur des préoccupations masculines. Cette reconnaissance s’est alors consolidée et accélérée ces dernières décennies grâce notamment aux différentes législations autour du congé parental et de paternité dans l’objectif d’une répartition plus équitable des responsabilités familiales.

Aujourd’hui, de plus en plus de voix masculines se rassemblent et s’érigent contre l’exclusive féminisation du sujet de la conciliation. Les hommes osent exprimer des attentes de plus en plus fortes vis-à-vis de leur équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Ces exigences s’inscrivent à la fois dans une volonté de reconnaissance de leurs responsabilités hors-travail et de leur paternité mais aussi dans le but de promouvoir l’égalité femmes-hommes au sein du couple et de l’entreprise.

L’homme travaille tard… Pexels

Stratégies hors du modèle de la masculinité hégémonique

Toutefois, la majorité des entreprises demeurent hostiles et sourdes à ces attentes. Elles continuent d’être empreintes de cultures organisationnelles qui semblent entraver l’application des lois et les désirs de changement et ne favorisant pas l’utilisation des outils de conciliation.

Le monde de l’entreprise demeure basé sur le modèle de masculinité hégémonique : un homme adulte, chef et père de famille. Il continue de récompenser la présence physique sur le lieu de travail et la disponibilité en temps.

Les hommes osant questionner cet « ordre sexué » se retrouvent souvent en position de marginalité : ils deviennent « déviants » par rapport à la norme du « salarié idéal » et sont stigmatisés (stigmates de la féminité et flexibilité). C’est pour ces raisons que peu défient le modèle dominant de masculinité et mobilisent des stratégies « souterraines » pour concilier. Une récente recherche a mis en lumière ces différentes stratégies masculines pour concilier tout en restant loyal aux normes dominantes de masculinité et de salarié idéal.

Contrairement aux femmes qui expriment leurs demandes et prennent des congés parentaux et temps partiels, beaucoup d’hommes trouvent les moyens de modifier « en douce » la structure horaire de leur emploi et l’organisation de leur travail. Ainsi, ils parviennent à avoir un contrôle accru de leur emploi du temps, en trouvant une clientèle plus locale, en réduisant leurs déplacements professionnels, assouplissant ainsi leur temps de travail et en comptant sur la solidarité de leurs collègues.

Ces stratégies leur permettent ainsi de continuer de se faire passer pour des salariés idéaux, sans être pénalisés de s’écarter des normes dominantes. Ceux qui à l’inverse expriment leurs attentes en termes de conciliation et recourent à des aménagements formels sont marginalisés et pénalisés.

Malgré des évolutions certaines, le temps du changement semble encore lointain et les entreprises toujours résistantes à promouvoir des modes d’organisation plus flexibles, inclusifs, transparents et respectueux des différentes sphères d’épanouissement des salariés. Elles encouragent implicitement ces stratégies et attitudes clandestines.

Seul un travail sur la culture et les codes organisationnels invisibles viendra à bout de ces comportements et facilitera l’épanouissement de chacun et chacune dans les sphères de son choix, sans crainte d’être stigmatisé et écarté de perspectives de développement de carrière stimulantes.

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