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Tous hacktivistes

Les « tech-refuzniks » chinois vont-ils montrer la voie au « monde libre » ?

Les gouvernements s'intéressent de plus en plus à la vidéosurveillance couplée à de la reconnaissance faciale. Endstation Jetzt / Flickr, CC BY

Si le terme « refuznik » désignait à l’origine des personnes – dont les Juifs soviétiques – à qui certains droits ont été déniés durant la Guerre froide, notamment l’interdiction d’émigrer. Au fil des années, la définition a évolué pour s’élargir. Elle s’est progressivement appliquée à des personnes ou à des groupes de personnes s’opposant à des activités citoyennes obligatoires, à l’image des objecteurs de conscience.

En cette période de poursuite de révolution numérique, le terme s’applique désormais aussi pour qualifier ceux qui s’opposent à l’omniprésence technologique dans notre quotidien.

Les premiers « tech-refuzniks »

Les premiers « tech-refuzniks » sont les mieux placés pour juger du monstre qu’ils ont créé et qui leur a échappé. Ils ont une crédibilité qui ne prête pas à discuter. Justin Rosenstein, l’inventeur en 2009 du bouton « like » de Facebook, fait partie de cette mouvance. Il s’est associé à d’autres ingénieurs de la Silicon Valley pour mener un combat visant à dénoncer la perte de contrôle et le dévoiement d’outils qu’ils ont contribués à créer. Comme l’avait révélé le journal britannique The Guardian en 2017, tout comme Justin Rosenstein « beaucoup de ces jeunes technologues se sèvrent de leurs propres produits, envoyant leurs enfants dans des écoles d’élite de la Silicon Valley où les iPhones, iPads et même les ordinateurs portables sont interdits ».

Ce type de « tech-refuznik » pourrait être perçu comme focalisé sur la désintoxication numérique. Dans la réalité, l’opposition à la collecte outrancière de données personnelles par les entreprises ou par les États fait partie intégrante de leur combat.

Si l’envahissement est parfois consenti, il peut lui être reproché l’intentionnalité des entreprises à viser la fidélisation par l’addiction. Dans d’autres contextes, la notion de consentement n’existe pas : le citoyen chinois – comme d’autres citoyens du monde – n’a ainsi pas son mot à dire sur les développements de technologies de contrôle comme la vidéosurveillance couplée à de la reconnaissance faciale.

Un mouvement bientôt radicalisé ?

En Chine, cette fronde anti-reconnaissance faciale s’organise aujourd’hui sur le site de microblogage Weibo. Comme l’indique une dépêche AFP du 8 janvier dernier, une « plainte a été déposée en octobre 2019 par Guo Bing, professeur à l’université des Sciences et techniques de la province du Zhejiang, à Hangzhou, décrite par les médias chinois comme la première du genre. Dans le viseur de l’enseignant : le système de reconnaissance faciale mis en place par le Safari Park de Hangzhou pour filtrer les entrées des visiteurs dotés de cartes annuelles. La plainte fait parler : les commentaires sur l’affaire ont cumulé plus de 100 millions de vues sur le réseau social Weibo, où nombre d’utilisateurs appellent à une interdiction pure et simple de la collecte de données biométriques ».

Ces outils technologiques visant à surveiller et punir le citoyen ne sont pas sans rappeler les uchronies orwelliennes de la série Black Mirror.

Cette plainte très suivie n’augure-t-elle pas de la naissance dans les années à venir d’un mouvement de « tech-refuzniks » qui va gagner en puissance, se mondialiser, voire se radicaliser ?

Si les Chinois sont inquiets et en éveil, s’ils le font savoir dans un régime ou la contestation n’est pas la bienvenue, cela ne donne-t-il pas à réfléchir ? Le « monde libre » et ses gouvernements semblent en effet friands de ce type de technologies. Leurs citoyens vont donc peut-être enfin trouver le courage de se réveiller !


« C’est très ordinaire pour l’humanité de créer des choses avec les meilleures intentions, avant qu’elles n’aient des conséquences négatives ».

Justin Rosenstein

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