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Des trainées et tourbillons océaniques
Une efflorescence de phytoplancton, dont la chlorophylle tinte l’océan, permet ici de détecter les tourbillons océaniques depuis l’espace. © Copernicus Sentinel data (2019) traitées par l'ESA, CC BY-SA

Les tourbillons océaniques, ces acteurs méconnus du système climatique

Sur cette image, une « floraison » de phytoplancton permet d’illustrer la complexité de la circulation océanique jusqu’à de fines échelles spatiales. Ces tourbillons et ces traînées ont été imagés en deux dimensions par la flotte de satellites Sentinel grâce à des capteurs optiques (comme une caméra de téléphone). Ces observations sont cependant soumises au passage des nuages et ne donnent pas d’information sur la dynamique des tourbillons océaniques — une information pourtant indispensable pour comprendre les interactions entre l’océan et l’atmosphère, notamment dans leurs réactions aux changements climatiques. Cette dynamique est intrinsèquement liée à la hauteur du niveau mer (les reliefs des océans) mesurée par les altimètres embarqués sur les satellites.

Grâce au nouveau satellite SWOT, on va pouvoir observer à partir de l’automne 2023 la hauteur du niveau de la mer sur des carrées de 2 kilomètres de côté. Ceci permettra de quantifier la circulation océanique au sein des tourbillons océaniques partout dans le monde et jusqu’à des échelles très fines, à partir de 15 kilomètres de large.

Les tourbillons océaniques contribuent à réguler la température et la teneur en carbone de l’atmosphère

Les tourbillons océaniques sont présents sur toute la planète, et ils sont désormais reconnus comme les structures qui transportent la majorité de l’énergie cinétique dans nos océans.

Le système de courants qui compose ces structures, entre quelques kilomètres à des centaines de kilomètres de large, fonctionne de manière similaire au système atmosphérique qu’on a l’habitude de voir sur les cartes météo. Tout comme les vents qui ont tendance à tourner autour de zones de haute et basse pression, les courants océaniques circulent autour d’anomalies de haute et de basse pression de l’eau.

À l’heure actuelle, les tourbillons océaniques à grande échelle (au moins 100 kilomètres de diamètre) sont observés avec des instruments dans les océans (in-situ), comme les flotteurs autonomes du programme Argo, et avec les altimètres embarqués sur les satellites, qui sont capables de mesurer la hauteur du niveau de la mer.

Les données ont révélé le rôle fondamental des grands tourbillons dans le transport horizontal de chaleur et de carbone.

Les tourbillons océaniques sont importants pour le climat, mais les observations sont lacunaires

Mais ces dernières années, des études ont montré que les plus petits de ces tourbillons, de moins de 100 kilomètres de diamètre, entraînent des mouvements verticaux d’eau qui affectent la circulation de la chaleur, du carbone et des nutriments entre la surface et les eaux profondes. Ceci est un mécanisme clé de régulation du climat terrestre, car il permet de relier la surface des océans à leur intérieur via ces mouvements verticaux introduits par la dynamique tourbillonnaire. Ainsi le stockage des excès de chaleur et du carbone atmosphériques devient possible. Ces petits tourbillons dominent la circulation océanique dans les zones côtières, dans les mers régionales et dans les régions polaires.

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Cependant, la plupart des modèles climatiques n’incluent toujours pas ces phénomènes de fine échelle à cause du manque d’observations. Par exemple, les images des satellites altimétriques actuels montrent un cycle de vie incomplet des gros tourbillons, parce que nous n’observons pas correctement leurs processus clés de génération et de dissipation à petite échelle. Une des questions clés reste de découvrir quand et où les structures de petite et grande dimensions interagissent.

En effet, les techniques permettant d’étudier ces petits tourbillons — des campagnes océanographiques fournissant des données ponctuelles — sont assez limitées. Il nous manque des observations globales et répétées dans le temps à des petites échelles spatiales — ce manque de connaissances pourrait conduire à de mauvaises interprétations ou à la perte de mécanismes physiques ou biophysiques réels dans les modèles.

SWOT vient combler un manque d’observation à petite échelle

Le nouveau satellite d’observation de la Terre de NASA/CNES, SWOT, pour Surface Water and Ocean Topography, nous permettra d’avoir une vision globale des océans, à une échelle fine et une bonne résolution temporelle.

Ainsi, outre sa résolution spatiale, SWOT repassera sur le même point sur terre chaque jour pendant six mois, et puis avec les mesures globales tous les 21 jours pendant trois ans. Sa technologie d’altimétrie à large fauchée permet d’imager une bande de plus de 100 kilomètres de large à chaque instant, couvrant au total plus de 90 % de la surface terrestre.

La connaissance globale des dynamiques à différentes échelles et la compréhension de leurs interactions nous permettront de valider et d’améliorer les modèles de climat pour la protection des océans et de la biodiversité.

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