L’impression 3D de modèles personnalisés d’organes malades se développe pour aider les patients à matérialiser leur pathologie et à mieux communiquer avec les médecins. Toutefois, ces outils peuvent susciter des réactions émotionnelles variables qu’il convient de prendre en compte pour mieux comprendre leur impact sur la prise en charge.
Utiliser des technologies digitales et d’impression 3D (en trois dimensions) pour améliorer les conditions de prise en charge chirurgicale des patients atteints d’un cancer du rein. C’est l’objectif du projet « Digital Urology 3D », porté par le service d’urologie du CHU de Bordeaux.
L’imagerie médicale, d’où ça vient ?
Si je vous demande de visualiser l’intérieur de votre corps, il est fort probable qu’il vous vienne en mémoire une représentation schématique de nos organes, ou une représentation générique du corps humain. Si on y réfléchit, cela semble plutôt logique puisque les rares fois où nous pouvons voir notre corps c’est sur des scanners, des IRM ou encore des radios. Soit des images souvent en noir et blanc et difficiles à comprendre.
Ces images, nous les devons notamment au physicien allemand Wilhelm Röntgen qui découvre les rayons X à la fin du 19ème siècle. À partir de ces travaux, le Pr Antoine Béclère réalise les premières radiographies sur un patient dans un hôpital parisien.
Plus tard, durant la première guerre mondiale, Marie Curie met au point des techniques pour, notamment, repérer les morceaux d’obus présents dans le corps des soldats. L’intérêt grandissant de ces découvertes et de ces utilisations amènera au développement de l’imagerie médicale tout au long du 20ème siècle.
Aujourd’hui incontournable dans la prise en charge des patients, l’imagerie médicale est en perfectionnement continu et tente de s’approcher toujours plus de la réalité.
L’arrivée des nouvelles technologies
Le développement d’outils de modélisation 3D est l’un des moyens utilisés dans le domaine médical pour répondre à cette ambition. À partir d’images médicales, cette technique permet de créer un modèle virtuel de l’organe du patient en trois dimensions et en couleur, ou encore un modèle matériel de l’organe par impression 3D.
Faisons d’abord un rapide détour par le processus de fabrication de ces objets. L’impression 3D émerge dans les années 80, principalement dans le domaine du design. Elle est d’abord utilisée pour visualiser les prototypes avant leur mise sur le marché. En 1999, l’impression 3D marque un tournant dans le domaine de la santé avec l’apparition de la première prothèse (une vessie en l’occurrence) implantée sur un humain.
Cependant, durant les quinze dernières années, cette technique s’est particulièrement développée dans ce domaine dans lequel elle a aujourd’hui différentes fonctions, dont l’impression de modèle anatomique.
Du moulage de nos dents aux organes 3D imprimés
Ces modèles anatomiques, on en a tous déjà vu : le moule de nos dents chez le dentiste, le squelette au fond de nos classes de science ou encore des modèles d’organes sur le bureau d’un médecin… Ces trois situations reflètent bien les trois utilisations actuelles de ces modèles dans le monde de la santé.
En effet, tout comme le moule des dents, les modèles peuvent être une aide pour le médecin afin de saisir plus facilement les spécificités propres à chaque individu. Tout comme le squelette, ils peuvent servir d’outil de formation pour les étudiants et, tout comme la copie d’un organe sur le bureau du médecin, ils peuvent être un support d’information pour le patient. La visualisation a pour objectif d’améliorer la communication avec le thérapeute ainsi que, par extension, la compréhension du patient concernant sa pathologie et sa prise en soin.
Gardons maintenant en mémoire uniquement l’exemple du squelette et celui des dents et repérons la différence qui les oppose. Vous l’avez ? Et oui ! Le squelette est une représentation générique de la réalité contrairement au moule de nos dents qui, lui, est une représentation réelle de notre dentition, soit de notre spécificité en tant qu’individu.
Modèles génériques ou personnalisés
Cette différence se retrouve à un niveau plus global puisqu’il existe aujourd’hui deux types de modèles d’organe : les modèles génériques et les modèles personnalisés.
Les premiers sont de plus en plus présents comme en témoignent notamment les nombreux sites Internet qui en proposent à la vente ; « Stalt médical » et « matériel médical » en sont deux exemples. Vous y trouverez des modélisations pour la grande majorité des organes sains du corps humain, si ce n’est la totalité. Mais si vous cherchez bien, vous pourrez même trouver des modèles génériques d’organes malades.
Les modèles personnalisés d’organes malades sont, quant à eux, principalement utilisés dans le domaine de la recherche. Ils sont fabriqués à partir de scans ou d’images médicales propres au patient et impliquent un temps et un coût de fabrication élevé. S’ils ne sont donc pas aussi développés que les modèles génériques, étudier leur impact sur la prise en charge des patients n’en reste pas moins intéressant.
Les bénéfices de la personnalisation des modèles anatomiques
La réalisation d’une revue de la littérature scientifique (publication à venir) sur l’étude de ces modèles personnalisés pour l’éducation du patient m’a permis d’en tirer leurs principales contributions.
Il en ressort que la visualisation de l’organe permettrait d’améliorer la compréhension de la pathologie par le patient ainsi que sa prise en charge, qu’elle soit chirurgicale ou non.
Les études tendent à montrer que ces nouveaux objets deviennent des outils et permettent d’améliorer la communication entre le médecin et le patient. L’utilisation de modèles 3D personnalisés semble également mener à une meilleure satisfaction du patient.
Des réactions différentes chez les patients
Toutefois, différentes réactions émotionnelles peuvent être observées chez les patients face à la visualisation de son organe « malade » imprimé en 3D. Si certains expriment que ce visuel leur a permis de mieux appréhender leur maladie, d’autres témoignent, quant à eux, se sentir plus anxieux.
Les résultats nécessitent donc d’être approfondis pour comprendre ces différences de réactions. Le ressenti du patient face à la maladie est singulier. La prise en compte de ces différences interindividuelles est essentielle pour mieux comprendre l’effet de ces modèles.
Matérialiser l’organe malade pour prendre en main sa pathologie ?
L’un des objectifs du projet « Digital Urology 3D » est d’étudier l’effet des modèles virtuels et imprimés, génériques ou personnalisés, lorsqu’ils sont intégrés à la prise en charge des patients.
En effet, si l’impression 3D semble être un support bénéfique pour informer le patient par la visualisation, les études ne permettent pas aujourd’hui de se rendre compte de leur impact individuel sur chaque patient. Qu’apporte la matérialisation de notre organe malade ? « Prendre en main » sa maladie est-il un levier possible pour améliorer la prise en charge ?
Ce travail de recherche a été soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui finance en France la recherche sur projets, dans le cadre du troisième Programme Investissements d’Avenir, intégré à France 2030 (ANR-21-RHUS-0015). L’ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.