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Lobbies, espaces de décisions et transparence

Manifestation à Nantes, le 8 septembre 2018, pour le climat. Sébastien Salom Gomis/AFP

Le lobbying, la capacité de défendre des intérêts particuliers ou généraux face à des décisionnaires, est soit une atteinte à la démocratie pour la société civile soit une action de relations publiques pour les entreprises, fédérations professionnelles et structures étatiques.

Depuis toujours les acteurs économiques, politiques et issus de la société tentent d’influencer les décideurs. Les prises de décisions et les lois qui en résultent sont le fruit de contacts avec des décideurs et de mécanismes de négociation relativement démocratiques (selon la théorie du check and balance).

Différents types de lobbying

Après des années d’entre soi, à Bruxelles en tout cas, la nécessité d’améliorer la prise de conscience sur un sujet (raising awareness) passe par une communication affichée et maîtrisée. Les décideurs, et plus largement tous ceux qui sont en relation avec un dossier, doivent être sensibilisés. Notons qu’environ 36 000 fonctionnaires européens représentent fort peu de monde pour gérer des programmes pour près de 500 millions de citoyens. La position française est la même à l’Assemblée.

Vient ensuite un lobbying centré sur l’influence en amont des textes, par définition moins visible. Ici, la communication utilise tous les canaux disponibles, de manière affichée ou détournée par des associations paravents, afin de se servir des médias comme relais.

Enfin, sujets spécialisés et techniques de manipulation de l’opinion forment l’aspect le plus offensif du lobbying. Il associe technicité du sujet, polémique et controverse, difficulté d’évaluation, recours à l’expertise et normes associées et fait le plus souvent l’objet de vifs débats, voire de doute. En France, les relations directes, reposant sur un réseau, restent le mode opératoire dominant. Ceci s’explique par la relative petite taille d’une communauté dans un secteur donné.

Lobbying en amont

Si à Bruxelles le recours aux médias traditionnels et digitaux sert de chambre d’écho, en France cette dimension est peu présente pour les enjeux « nationaux ». Ainsi, le 28 août 2017, Nicolas Hulot sur France Inter, argumente sur les raisons de sa démission et mentionne la présence d’un lobbyiste dans une réunion à l’Élysée sur la reforme de la chasse, soit un lobbying direct en amont, sans besoin ni recours aux médias. Et Nicolas Hulot interpelle :

« Il faut à un moment ou à un autre poser ce problème sur la table parce que c’est un problème de démocratie : qui a le pouvoir, qui gouverne ? »

À ce stade en France, la question centrale reste qui décide et comment, car comme l’explique Le Monde du 24 août, le « pouvoir a un rapport décomplexé aux lobbies ». D’un côté, les profils des membres du gouvernement français aux expériences variées et cultures multiples sont une bonne chose : cela permet une approche plus ouverte des dossiers et l’écoute d’acteurs différents, sources de solutions potentielles. De l’autre, il est clair que cette année 2018, des décisions favorables aux industries et défavorables à l’écologie et au changement de société ont eu lieu. Le problème semble bien se situer dans cet espace, entre écoute et information des décisionnaires et lieu de la prise de décision politique (présidence, cabinet d’un ministre, parlement).

À Bruxelles, les procédures sont à la fois plus transparentes (l’UE propose en ligne quantité de documents) et plus complexes (avec la comitologie et les trilogues, modes de consultation et de décision internes aux trois institutions européennes).

Au milieu du gué

Le cas soulevé par Nicolas Hulot pose deux questions récurrentes : qui décide et quelle régulation des activités de lobbying ?

Les acteurs favorables à la transparence souhaitent obtenir une vision totale des modes de décision. Cependant, la transparence totale des actions, contacts et décisions est parfois vue comme une solution parfaite, ce qui est inexact, car la négociation a besoin de secret pour avancer. Par ailleurs, « l’accountability », le fait de rendre compte aux citoyens, se développe en politique et constitue un élément intéressant, car il responsabilise le politique, comme l’atteste l’exemple de l’agenda de Mathieu Orphelin.

Sur la question de la régulation, la France, comme l’Union européenne (et les États-Unis) restent au milieu du gué (« Values and Ethics with Respect to Lobbying »).

Le dispositif de régulation de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est minimal. Sur le cas de la réforme sur la chasse, la régulation est hors de propos, puisque l’Assemblée nationale est absente de la prise de décision. Il s’agit d’un lobbying en amont, quasi invisible. Cette réalité est physiquement confirmée par l’absence du lobbyiste sur la photo de la réunion et par celle de la Fédération nationale de la chasse du registre des représentants d’intérêts.

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