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Marketing : une approche et des outils qui peuvent se mettre au service du développement durable

Le marketing a souvent été accusé d’avoir favorisé la surconsommation et le gaspillage des ressources. Unsplash, CC BY-SA

Pour promouvoir sa toute dernière voiture à hydrogène, la Mirai, aux États-Unis, le constructeur automobile Toyota a osé le slogan « Plus vous conduisez, plus vous purifiez l’air ». Cela pourrait être considéré par certains comme exagéré, mensonger ou trompeur… quand d’autres diraient « c’est du marketing ! ».

Pourquoi les dérives opportunistes de certains marketeurs, observées sur le terrain, sont-elles souvent mises sur le dos du marketing ? Pourquoi le marketing est-il remis en cause et attaqué dans ses fondements à chaque dérapage d’une organisation ?

Des liens étroits avec le développement durable

Le marketing est vu comme un domaine centré sur le court terme, qui a pour « obsession » de vendre plus et de la façon la plus rentable possible. Ainsi, il a été accusé d’avoir favorisé la surconsommation et le gaspillage des ressources en se centrant sur les désirs éphémères des consommateurs.

Pour certains, le marketing influence négativement la santé des individus et aide à propager des stéréotypes dégradants, via les produits promotionnés et les idées véhiculées dans les publicités. De telles accusations créent un fossé entre le marketing et le développement durable ! Ce dernier étant associé au principe de la responsabilité vis-à-vis de la nature et de l’Homme, de l’altruisme et du bien commun.

Le marketing devrait donc aujourd’hui, plus que jamais, rendre des comptes et prouver « sa bonne foi ». Il devrait mener des actions crédibles permettant d’accroître la légitimité des entreprises autour du concept du développement durable et de clarifier leur « raison d’être ».

L’ouvrage collectif Le marketing au service du développement durable, repenser les modèles de consommation (Éditions ISTE-Wiley), que nous avons dirigé, est venu répondre à un tel besoin : dépasser le clivage marketing/développement durable. Grâce à la contribution de 40 chercheurs spécialistes de la consommation responsable, cet ouvrage démontre tout l’intérêt de s’appuyer sur les outils et cadres d’analyse du marketing pour servir le développement durable.

Le marketing est incontestablement le domaine qui est le plus en capacité de développer des marchés, et de questionner l’adéquation entre l’offre et la demande. À partir de nos recherches, notons ici trois illustrations montrant que le marketing peut jouer un rôle clé dans la mouvance du développement durable.

Un outil de compréhension des freins écologiques

Le marketing, de par son intérêt pour l’étude du comportement du consommateur, apporte une véritable compréhension des sources de valorisation d’une consommation écologique, mais offre également une analyse des sources de réticence des individus, y compris les freins les plus profonds.

Dans le domaine du gaspillage alimentaire par exemple, les enquêtes conduites montrent que les différentes étapes de la consommation dans le foyer peuvent être génératrices de gaspillage, notamment la façon de faire et de ranger les courses (achats non prévus, réfrigérateurs et placards mal organisés, etc.) ainsi que le moment des repas (nombre et goûts des convives, etc.).

Dans le contexte d’une consommation hors domicile, la responsabilité du consommateur reste à relativiser car les déterminants du gaspillage relèvent moins d’un défaut de sensibilité du consommateur que de paramètres liés à l’organisation et à l’offre de restauration (l’exemple du manque d’adaptation des portions servies).

Pour limiter le gaspillage des produits et des emballages, une nouvelle offre, celle du vrac, a vu le jour. Cependant, ce marché reste encore timide. Les analyses menées révèlent cinq freins principaux à la consommation en vrac :

  • l’accessibilité de l’offre,

  • la praticité et l’organisation logistique,

  • le prix des produits,

  • l’hygiène et la qualité perçue,

  • le manque d’informations sur les produits.

Malgré son impact écologique positif, le marché du vrac n’a pas encore connu de boom. Shutterstock

Dans un autre domaine, celui du luxe, nos enquêtes ont indiqué que la réticence des consommateurs envers les produits de luxe écologiques est expliquée surtout par une contradiction entre l’univers du développement durable (partage, altruisme, rationalité, etc.) et celui du luxe (exclusivité, égocentrisme, impulsivité, etc.).

De plus, les consommateurs ont une appréciation négative de la qualité des produits de luxe écologiques, ce qui va dans le sens de l’hypothèse de l’heuristique à somme nulle : la présence d’un attribut durable peut être perçue comme synonyme d’une performance qui a été faite au détriment d’autres attributs du produit.

Une contribution à l’instauration d’offres écologiques

Le produit est le centre d’attention du marketing, et représente en même temps l’objet qui a tant alimenté les débats autour du développement durable : quel est son coût environnemental et social ? N’y a-t-il pas de coûts cachés ? Répond-il toujours à un besoin chez le consommateur ?

Le marketing apparaît en mesure de lutter contre l’obsolescence programmée en aidant par exemple à concevoir des produits ayant un cycle de vie allongé, et de contribuer à construire un capital-marque durable. De plus, un nouveau marketing de produits enrichi de l’innovation technologique est en train de se développer. Le big data et l’intelligence artificielle offrent aux marketeurs des possibilités précieuses d’extension de la durée de vie des produits.

Le marketing peut permettre de lutter contre l’obsolescence programmée. Shutterstock

Un tel enjeu présente un intérêt particulier pour les offres ancrées dans l’économie circulaire et l’économie de la fonctionnalité : produits à usage partagé, loués, d’occasion… dont l’allongement de la durée de vie influence positivement le chiffre d’affaires au-delà de l’impact environnemental positif.

Cependant, il est important de considérer l’attribut écologique comme un élément parmi d’autres de l’offre, selon l’approche Green Bundle. Il est aberrant de penser que le consommateur serait attiré par le seul avantage écologique. Si l’on souhaite diffuser la consommation écologique le plus largement et impliquer aussi les personnes les moins sensibles à l’enjeu du développement durable, les marques ne devraient pas perdre de vue l’ensemble des bénéfices égocentrés (santé, praticité, confort, etc.) qui sont aussi importants pour la cible.

À travers les possibilités de segmentation qu’il offre, le marketing permet de prendre en compte l’hétérogénéité des individus et leurs attentes différentes vis-à-vis des offres écologiques. C’est ainsi que les produits responsables occuperont peu à peu le « cœur du marché », et ne seront plus envisagés comme une offre « à la marge » !

Une promotion des nouvelles pratiques

Un autre domaine clé du marketing est la communication : identifier les thèmes sur lesquels il y a un intérêt à communiquer, la tonalité avec laquelle il faudrait diffuser le message ainsi que le canal de communication.

Au vu des doutes des consommateurs quant à la sincérité des engagements environnementaux et sociaux des marques, le marketing est en mesure d’offrir une grille des déterminants de l’efficacité d’une communication responsable : communiquer par la preuve, faire recours à des cautions extérieures, s’inscrire dans la durée…

Sur des sujets complexes comme celui du changement climatique, les enquêtes menées laissent penser qu’il faudrait repenser la stratégie de communication de façon à redonner confiance en la capacité individuelle et collective à agir de manière efficace. Les visions alarmistes pouvant avoir des effets dévastateurs sur l’engagement des individus.

Publicité de type greenbashing du constructeur automobile Honda. Honda

Toujours dans le but de communiquer efficacement autour de leurs engagements et éviter d’être taxées de greenwashing, des marques automobiles comme Volkswagen et Honda ont opté pour un nouveau type de communication, appelé greenbashing qui diffère des publicités environnementales classiques par le ton d’ironie et de provocation utilisé pour critiquer l’écologie.

Or, nos enquêtes ont révélé qu’il s’agit d’un choix de communication peu pertinent : la provocation impacte défavorablement l’attitude envers la publicité, la crédibilité perçue de l’annonce et la perception de l’image écologique de l’émetteur.

Enfin, le marketing peut être utile dans le cadre de l’application des régulations environnementales. Sur le modèle du marketing mix ou du mix de communication, les analyses ont permis de mettre en évidence un mix régulatoire ou un plan de régulation pro-environnemental reposant sur cinq leviers : la coercition, l’incitation, la taxation, la sensibilisation et le nudge.

Le marketing et le développement durable peuvent s’entremêler pour servir un but commun, celui du renforcement des comportements écologiques. L’interrelation entre ces deux concepts ne peut pas ignorer les transformations sociétales et technologiques qui caractérisent notre époque, avec par exemple le recours aux blockchains qui peuvent garantir la véracité des informations autour des produits écologiques !

Ce sont, sans doute, ces évolutions qui permettront une plus large diffusion d’un marketing responsable dans nos sociétés.


Cette contribution s’appuie sur les travaux du livre « Le marketing au service du développement durable, repenser les modèles de consommation » (Éditions ISTE-Wiley).

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