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Mix électrique : pourquoi l’essor des renouvelables est le scénario le plus économique

Le système électrique hexagonal est aujourd’hui majoritairement alimenté par un parc électronucléaire. Shutterstock

Dans la lignée de travaux rendus publics en 2015 sur la faisabilité d’un mix électrique 100 % renouvelable à l’horizon 2050, l’Ademe a publié ce lundi 10 décembre une nouvelle étude sur les futurs possibles du mix électrique français et ses conséquences économiques

Le système électrique hexagonal est aujourd’hui majoritairement alimenté par un parc électronucléaire (on compte 58 réacteurs en activité) mis en place en grande partie dans les années 1980. Ce parc dote la France d’une électricité davantage décarbonée et peu chère en comparaison de la plupart de ses voisins européens.

Mais la perspective de la fin de vie des centrales nucléaires, conçues au départ pour une durée de vie de 40 ans, de leur prolongation (de 10 ou 20 ans) ou de leur remplacement pose la question de la stratégie d’évolution du mix de production électrique hexagonal. Le choix de cette stratégie est loin d’être évident, tant les paramètres à prendre en compte sont multiples, qu’ils soient techniques, économiques, environnementaux, liés à des risques sanitaires, sociaux ou industriels.

Des résultats qui interpellent

Avec cette nouvelle étude, l’Ademe explore sept trajectoires différentes d’évolution du mix électrique français pour les prochaines décennies. Le parti pris de ces travaux consiste à rester strictement sur une logique d’optimisation économique en évaluant les trajectoires qui coûteront le moins cher pour la collectivité, dans le contexte européen. Les variables prises en compte dans ces scénarios concernent la demande en électricité, les coûts technologiques, les modalités de prolongation du parc nucléaire historique ainsi que l’acceptabilité sociale des renouvelables.

D’un point de vue strictement économique et de long terme, la place très prépondérante des énergies renouvelables (ENR) dans le système électrique français est sans appel, avec une diversité de moyens de production d’électricité renouvelable, de technologies de stockage et de flexibilité.

La prolongation d’une partie du parc nucléaire existant permet quant à lui une transition efficiente d’un point de vue économique et climatique. En revanche, le nucléaire de nouvelle génération (type EPR) n’apparaît pas compétitif.

85 % de renouvelables en 2050

Pour des niveaux de demande d’électricité compris entre 430 TWh et 600 TWh par an, la trajectoire d’évolution du système électrique français conduit, toujours en suivant l’optimum économique, à une part des ENR à 85 % en moyenne en 2050 dans l’ensemble des cas ; et de plus de 95 % en 2060 (sauf pour les scénarios intégrant un déploiement volontariste des réacteurs EPR).

Au fil des années, les ENR se développeraient en quantité suffisante pour se substituer aux réacteurs nucléaires arrivés en fin de vie.

Cette transition est possible dans un contexte de fermeture de 30 % des centrales nucléaires à chaque visite décennale, et en ayant légèrement recours aux capacités d’énergies fossiles existantes – la production d’électricité à partir de gaz représentant moins de 3 % de la production totale française quelle que soit l’année considérée par les scénarios de l’étude.

Dans le cas d’une fermeture systématique des centrales nucléaires à 50 ans, la part du gaz représenterait environ 12 % de la production d’électricité en 2040.

Avec ce mix très renouvelable, l’équilibre offre-demande au « pas horaire » (impliquant que pour chaque heure de l’année, il y a bien assez de production pour faire face à la consommation d’électricité) est assuré, confirmant ainsi un résultat de l’étude de 2015. En effet, le système électrique français bénéficie de nombreuses sources de flexibilité ; l’hydroélectricité, les effacements et le pilotage de l’eau chaude sanitaire sont autant de leviers qui vont permettre à court terme d’intégrer de façon économique la production variable des énergies éoliennes et photovoltaïques (françaises et européennes).

À moyen terme, le développement des véhicules électriques représente une charge de 40 à 70 TWh (pour 2035 et 2050) dont respectivement 40 % et 80 % sont supposés faire l’objet de recharge intelligente, leur permettant de se recharger quand les prix de l’électricité sont plus faibles, à l’image du fonctionnement « heure creuse/heure pleine » actuel qui permet par exemple d’activer les chauffe-eau électriques la nuit.

La production d’hydrogène électrolytique pour des usages industriels ou pour la mobilité (qui, pour les hypothèses d’étude, commence à se développer dès 2030) et les batteries stationnaires (qui, suivant les scénarios, apparaissent entre 2040 et 2050) sont autant de sources de flexibilité supplémentaires pour intégrer des parts importantes d’énergie renouvelable variable.

Enfin, la France bénéficie de fortes capacités d’interconnexion avec ses pays voisins, ce qui lui permet de profiter du foisonnement de la production éolienne entre les différents pays européens.

Évolution de la part du nucléaire et des ENR dans la production française d’électricité dans les différents scénarios étudiés. « Trajectoires d’évolution du mix électrique à horizon 2020-2060 » (Ademe)

La place du nucléaire

L’étude montre que le prolongement d’une partie du parc nucléaire actuel, avec l’atteinte de l’objectif de 50 % de nucléaire entre 2030 et 2035, permet une transition efficace d’un point de vue économique et climatique.

Une fermeture de 30 % des réacteurs à 40 ans, puis à nouveau de 30 % des réacteurs restants à 50 ans est possible avec un coût nul pour la France sur la période 2030-2044. La fermeture systématique des centrales nucléaires à 50 ans génère (lorsque la capacité totale passe en deçà de 30 GW) des coûts supplémentaires et une augmentation significative des émissions de CO2.

Dans la trajectoire de référence de l’étude, l’hypothèse prise est que lors de leur 4e et 5e visite décennale, 70 % des centrales peuvent être prolongées (pour une production évaluée à 42 €/MWh), les 30 % restants n’étant pas prolongées pour des raisons de surcoûts liés à des contraintes supplémentaires ou de sûreté, par exemple.

Ce scénario mène à l’atteinte de l’objectif de 50 % de nucléaire peu après 2030 (avec une capacité en 2030 et 2035 respectivement de 49 GW et 41 GW). Une telle évolution du parc nucléaire permet au système électrique français de faire face aux principaux aléas pouvant intervenir après 2030.

En revanche, et toujours en se situant d’un point de vue économique, le développement d’une filière nucléaire de nouvelle génération ne serait pas compétitif pour le système électrique français. Le surcoût de développement d’une filière industrielle EPR (pour atteindre 24 GW en 2060) atteindrait 39 milliards d’euros (soit 85 milliards sans actualisation).

Les coûts liés au développement de la filière EPR restent supérieurs aux économies réalisées et aux gains grâce aux exportations. Dans l’ensemble des trajectoires étudiées, le prix de vente annuel moyen de l’électricité issue du nucléaire ne dépasse que rarement les 70 €/MWh : ces installations seraient donc structurellement déficitaires.

Quel coût pour l’électricité demain ?

L’augmentation progressive de la part de renouvelable permet de faire tendre le coût total de l’électricité facturée au consommateur vers 90 €/MWh hors taxes (à comparer à près de 100 €/MWh de coût actuel), ceci malgré l’augmentation prévisible du prix des énergies fossiles et du CO2.

Par ailleurs, réduire la demande d’électricité (grâce à l’efficacité énergétique notamment) induirait une diminution des coûts totaux du système de 7 % et des émissions de CO2 de 22 % en 2060, tout en permettant une augmentation des exportations, par rapport à la trajectoire de référence.

Évolution du coût complet de l’électricité rapporté au MWh pour la trajectoire de référence. « Trajectoires d’évolution du mix électrique à horizon 2020-2060 » (Ademe)

Dans la trajectoire de référence (voir la figure ci-dessus), aboutissant à 87 % d’ENR en 2050, le coût complet de l’électricité en €/MWh, après une légère hausse en début de période, baisse de 8 % en 2050 par rapport à 2020.

L’intégration des ENR a un coût, lié notamment à la nécessité de développer des capacités flexibles (stockage, maintien de capacités gaz, etc.), du réseau (interconnexion, réseau de transport), ou aux pertes d’utilité (moindre utilisation du nucléaire restant), mais ce coût croissant au cours du temps est inférieur à l’économie réalisée grâce à la baisse progressive des coûts de production des renouvelables.

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