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homme fait un casse-tête en forme de tête
La théorie métabolique est loin d’être la seule explication au déclenchement de l’Alzheimer. Certains soutiennent plutôt qu’une origine auto-immune, inflammatoire, ou même infectieuse serait en cause. (Shutterstock)

Non, l’Alzheimer n’est pas un type de diabète

Plus d’un demi-million de Canadiens vivent avec un trouble cognitif au Canada, occasionnant un coût à la société de plus de dix milliards de dollars par année. La maladie d’Alzheimer est en cause pour la majorité de ces cas. Il est donc primordial de trouver un traitement.


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Une théorie proposée par Suzanne M. de la Monte, professeure à l’université Brown, suggère que l’Alzheimer soit en fait causé par un dérèglement du métabolisme du cerveau. Appuyée par d’autres chercheurs, elle a proposé de renommer la maladie « diabète de type 3 ». Bien que le diabète et l’Alzheimer aient de nombreux points en commun, cette proposition nuit à la compréhension du grand public de ce qu’est l’Alzheimer. Même si cette information circule beaucoup sur les médias sociaux, ce n’est pas une théorie répandue dans le domaine médical et scientifique.

En tant que doctorante en biologie moléculaire travaillant sur le diabète, et doctorant en psychologie travaillant sur l’Alzheimer, cette question est à la croisée de nos mondes. Nous sommes donc partis à la rencontre du troisième type… de « diabète » !

Un problème de définition

L’appellation « diabète de type 3 » lie directement l’Alzheimer aux diabètes de type 1 et de type 2, deux maladies métaboliques. Le diabète de type 1 est causé par une attaque auto-immunitaire du pancréas, l’organe producteur de l’insuline. Privées d’insuline, certaines cellules ne peuvent plus se nourrir de glucose, un sucre qui est leur source d’énergie. Le diabète de type 2 se développe quant à lui lorsque le pancréas doit produire une trop grande quantité d’insuline. À long terme, les cellules y deviennent insensibles.

Quel est le point en commun entre ces deux types de diabète ? La concentration anormalement élevée de glucose dans le sang. Or, la définition de l’Alzheimer est totalement différente. Elle se définit par une accumulation toxique de protéines amyloïde-bêta et tau en plaques et en enchevêtrements, que l’on peut voir au microscope.

neurones avec plaques amyloïdes
La maladie d’Alzheimer se définit par une accumulation toxique de protéines amyloïde bêta et tau en plaques et en enchevêtrements. (Shutterstock)

L’Alzheimer, un trouble métabolique ?

Dans l’Alzheimer, les neurones reçoivent de moins en moins de sucres, qui ont de la difficulté à entrer dans le cerveau. Les neurones doivent donc dépenser moins d’énergie. À la manière d’un alpiniste en altitude, ils ralentissent leur métabolisme pour s’adapter à cette privation d’énergie. Mais cela n’est pas sans conséquence. Ces neurones malades produisent des substances toxiques, qui les rendent de plus en plus vulnérables aux autres problèmes liés à la maladie.

L’insuline aide les neurones à mieux fonctionner, et est donc importante pour maintenir le cerveau en bonne santé. Dans l’Alzheimer, le cerveau devient moins sensible à l’insuline, ce qui mènerait à une perte de fonctions cognitives, telles que la mémoire et l’apprentissage. Cependant, contrairement au diabète de type 2, où on voit une insensibilité à l’insuline à travers tout le corps, l’Alzheimer n’aurait d’effets que sur le cerveau. Cela expliquerait que les conséquences des deux maladies soient aussi différentes.

Suzanne de la Monte a donc identifié l’insensibilité du cerveau à l’insuline et le métabolisme affaibli comme étant les causes de l’Alzheimer. Puisque le diabète est associé à un dérèglement des niveaux d’insuline et de glucose, elle a fermement défendu sa théorie que l’Alzheimer devrait être renommé « diabète de type 3 ».

Une association trompeuse

Si cette théorie avait raison sur toute la ligne, les personnes atteintes de diabète de type 2 devraient être plus vulnérables à l’Alzheimer. Il est vrai que le diabète augmente les chances d’avoir un déclin cognitif. Cependant, ces pertes cognitives semblent bien distinctes de celles de l’Alzheimer. Le diabète peut affecter n’importe quelles fonctions cognitives, allant de l’attention au langage. Alors que l’Alzheimer affecte surtout la mémoire. Le diabète et l’Alzheimer semblent donc affecter le cerveau différemment.

D’autre part, l’imaginaire collectif associe fortement le diabète aux habitudes alimentaires. Par exemple, on entend souvent qu’une alimentation riche en sucres augmente les risques de développer le diabète de type 2. Mais il faut savoir qu’une alimentation réduite en sucres et riche en fibres aide à garder le taux de sucre sanguin stable tant chez une personne atteinte de diabète de type 1 que de type 2. Cette approche permet de diminuer les risques de complications associées à la maladie.

Gros plan des mains d’une femme utilisant une lancette sur un doigt pour vérifier le niveau de sucre dans le sang avec un glucomètre
Bien que le diabète et l’Alzheimer aient de nombreux points en commun, l’appellation « diabète de type 3 » nuit à la compréhension du grand public de ce qu’est l’Alzheimer. (Shutterstock)

De bonnes habitudes alimentaires permettent aussi de réduire les risques de développer l’Alzheimer, mais elles ne permettraient probablement pas d’en améliorer les symptômes. En utilisant l’appellation « diabète de type 3 », on renforce donc l’idée non prouvée que l’alimentation déterminerait la vitesse de progression de l’Alzheimer.

Nouvelle théorie, nouveau nom ?

La théorie métabolique est loin d’être la seule explication au déclenchement de l’Alzheimer. Certains soutiennent plutôt qu’une origine auto-immune, inflammatoire, ou même infectieuse serait en cause. Aucune d’entre elles n’est parvenue à se démarquer. D’ailleurs, dans un essai clinique publié en 2021, inhaler de l’insuline n’a pas atténué les symptômes de personnes en début d’Alzheimer.

Certes, établir les causes d’une maladie est essentiel afin de trouver un traitement. Toutefois, les maladies ne sont généralement pas nommées en fonction de leur cause, mais plutôt en fonction de leur manifestation, comme l’arthrite, le diabète et le cancer.

À ce titre, l’Alzheimer est bien connue comme une maladie menant à des pertes de mémoire, et cette connaissance aide à établir le diagnostic. Renommer la maladie serait donc un grand pas en arrière. Nous suspectons que la proposition du nom « diabète de type 3 » soit plutôt motivée par le renforcement de la notoriété de la théorie métabolique de l’Alzheimer.

De telles motivations politiques sont nuisibles, autant sur le plan clinique, par la confusion du public, que sur le plan scientifique, en cherchant à dominer les théories alternatives de l’Alzheimer.

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