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Groupe de personnes devant une affiche de la COP26
Des délégués de différents pays posent pour la photo, à Glasgow, le 13 novembre, 2021. La COP26 a été l’occasion d'avancées et de nouvelles annonces, mais elles sont largement en-deçà de ce qu’exige la science. (AP Photo/Alberto Pezzali)

Nous étions à la COP26 : voici nos constats sur ses résultats en demi-teinte

La COP26 était attendue de pied ferme. Prévue pour 2020, elle a été repoussée en raison de la pandémie de Covid-19. Puis, il s’agissait d’une étape majeure pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Selon le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en août dernier, l’urgence climatique n’a jamais été aussi pressante. Dès lors, quelques jours après l’adoption du Pacte de Glasgow, il est temps de faire un retour sur les résultats de cet évènement, aussi bien sur place que sur papier.

Nous sommes des chercheurs de l’Université d’Ottawa et de l’Université de Cambridge en droit et gouvernance de l’environnement. Nous avons eu le privilège d’observer la COP26 pour le Centre québécois du droit de l’environnement, dont trois d’entre nous sur place à Glasgow.

Une femme entourée de deux hommes devant une affiche de la COP26
De gauche à droite : Thomas Burelli, Lauren Touchant et Alexandre Lillo, les trois représentants du Centre Québécois du droit de l’environnement à la COP26. Thomas Burelli, Author provided

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L’organisation de la COP26 : accès, inégalités et transparence

Organisée en temps de pandémie, cette COP (Conférence des Parties à l’Accord de Paris) avait une saveur exceptionnelle. Marquée par la complexité et l’incertitude de son organisation, les enjeux d’accès ont été omniprésents.

L’accès physique au site a été un défi dès les premiers jours. La combinaison des restrictions sanitaires et des mesures de sécurité a entraîné de longues attentes pour de nombreux participants, allant parfois jusqu’à plusieurs heures. L’embouteillage était prévisible : un seul point d’entrée et la distribution de près de 40 000 accréditations, alors que la capacité du site a été limitée à environ 10 000 personnes en raison des restrictions sanitaires. De plus, les questions d’accès se sont très vite muées en enjeux d’égalité.

Alok Sharma, président de la COP26
Le président de la COP26, Alok Sharma, a dû faire face à de complexes problèmes d’organisation. (AP Photo/Alberto Pezzali)

D’abord, des incidents quant aux normes d’accessibilité ont été déplorés. De nombreuses critiques ont également été formulées à l’égard des obstacles auxquels les délégués des pays du Sud ont fait face pour parvenir aux tables des négociations.

Les restrictions de voyages, les problèmes de visa, l’accès au vaccin contre la Covid-19 ou à un logement abordable ont contribué à l’absence de plusieurs pays et mouvements citoyens et à rendre cette COP plus exclusive. La présence et le rôle des représentants autochtones ont également été des points de discorde dans les débats publics entourant l’événement.

Les questions d’accès ont fait écho à celles de transparence, puisque l’obtention d’une accréditation ne garantissait pas de pouvoir assister aux discussions critiques se déroulant à la COP26. Par exemple, les observateurs canadiens présents n’ont pas eu l’autorisation d’assister à la conférence de presse du premier ministre du Canada. Les discussions autour de l’article 6 de l’Accord de Paris ont aussi été le théâtre de débats sur l’inclusion des observateurs dans les négociations.

Justin Trudeau et Steven Guilbault
Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault en conférence de presse, le 2 novembre, à Glasgow. La Presse canadienne/Sean Kilpatrick

Que retenir des négociations : succès ou échec ?

1. L’objectif de 1,5 degré vivant, mais dans un état critique

Les États n’ont pas adopté de nouveaux engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre du Pacte de Glasgow. Ils reconnaissent néanmoins — comme le recommande le GIEC — l’importance de réduire les émissions globales de 45 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2010 et d’atteindre la carboneutralité autour de 2050.

Il existe néanmoins un très grand décalage entre ces cibles et les engagements étatiques pris à ce jour, qui pourraient nous mener à une augmentation des émissions de 13,7 % par rapport au niveau de 2010. Il est d’ailleurs inquiétant de constater que seuls 112 États ont mis à jour leurs contributions nationales. À ce titre, les États qui n’ont pas communiqué la mise à jour requise cette année sont invitées à le faire le plus rapidement possible, et ce, avant la prochaine COP. On peut donc se réjouir que l’objectif d’élévation de température à 1,5 degré demeure « en vie » dans le régime climatique, mais les mesures concrètes pour y arriver manquent encore.

2. Des avancées inédites pour en finir avec les énergies fossiles

Une des avancées les plus importantes de la COP26 vient de la mention des énergies fossiles et du charbon dans le Pacte. En effet, pour la première fois, l’éléphant dans la pièce a été inclus dans le résultat d’une COP. Les Parties sont appelées à accélérer les efforts pour diminuer progressivement le recours à l’exploitation traditionnelle du charbon et à éliminer les subventions « inefficaces » aux énergies fossiles.

Mine de charbon à ciel ouvert
La mine de charbon à ciel ouvert de Fuxin, en Chine. Pour la première fois, l’éléphant dans la pièce a été inclus dans le résultat d’une COP. Shutterstock

Il était temps, même si la formulation du texte a été affaiblie à la dernière minute. Soulignons à ce titre la forte présence des lobbys des énergies fossiles durant les négociations.

La COP26 a aussi été l’occasion du lancement ou du renforcement de certaines alliances entre États. C’est par exemple le cas de l’alliance Énergiser au-delà du charbon, co-fondée par le Canada, qui vise l’élimination des centrales au charbon traditionnelles. Elle compte aujourd’hui 165 membres (gouvernements nationaux, régionaux et diverses organisations), dont 28 qui s’y sont joints durant la COP26.

Autre exemple, la Beyond Oil & Gas Alliance, à laquelle a adhéré le Québec (mais pas le Canada), vise l’élimination progressive de l’exploitation des énergies fossiles. Enfin, une vingtaine d’États, dont le Canada, se sont engagés à mettre fin aux nouveaux financements publics internationaux pour l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz d’ici la fin de 2022.

Ces accords en marge du processus multilatéral permettent d’entamer des actions là où il n’existe pas de consensus au sein de la communauté internationale.

Un homme et une femme, de dos, contemplent l’espace aménagé pour la COP26
Thomas Burelli et Lauren Touchant dans la zone action (média et conférences) sur le site de la COP26. Thomas Burelli, Author provided

3. Cible manquée pour aider les pays du Sud

Lors de la COP15 à Copenhague, en 2009, les pays développés se sont engagés à aider financièrement les pays du Sud à atténuer les changements climatiques en mobilisant une diversité de sources financières à hauteur de 100 milliards USD par an avant 2020. Cet objectif n’a malheureusement pas été atteint.

Lors de la COP26, le Canada et l’Allemagne ont fait preuve de leadership pour mobiliser de nouvelles sommes, qui doivent aider les pays vulnérables à s’adapter. Le Canada avait d’ailleurs annoncé, lors du sommet du G7, qu’il doublait sa contribution à environ 1 milliard USD par an, pendant 5 ans.

Reconnaissant l’échec des pays développés, le Pacte de Glasgow les exhorte à atteindre la cible des 100 milliards par an le plus rapidement possible, en attendant qu’un nouvel objectif beaucoup plus ambitieux soit fixé en 2025. Ils sont parallèlement incités à au moins doubler leurs contributions en faveur de l’adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement.

Au cours des négociations sur le financement climatique, les pays du Sud et les États insulaires ont réclamé la mise en place d’un mécanisme de financements pour les pertes et dommages que les efforts d’adaptation ne sauront éviter. Le Pacte de Glasgow ne livre pas sur cette demande et prévoit uniquement un « dialogue » sur la question et l’allocation d’un financement, encore inconnu, au Réseau de Santiago.

La COP26 marque donc des promesses brisées en matière de finance climatique et n’apporte pas de nouvelles cibles précises pour aider les pays du Sud et les pays insulaires à faire face à l’urgence, alors que leurs besoins augmentent de manière exponentielle.

La déléguée des îles Marshalls à la COP26
Kristina E. Stege, déléguée des Îles Marshall, assiste à une séance plénière. La COP26 n’apporte pas de nouvelles cibles précises pour aider les pays du Sud et les pays insulaires à faire face à l’urgence climatique. (AP Photo/Alberto Pezzali)

4. Des mécanismes pour le transfert d’émissions finalement adoptés, mais imparfaits

Un des objectifs clés de la COP26 était d’élaborer les règles pour les mécanismes de transferts d’émissions établis à l’Article 6 de l’Accord de Paris, permettant à certains pays ou certaines entreprises d’acheter des crédits générés par d’autres en même temps qu’ils réduisent leurs propres émissions.

Les Parties ont été incapables d’adopter les règles nécessaires à la COP 24 à Katowice ou à la COP 25 à Madrid. Leur adoption à Glasgow peut donc être considérée comme un succès.

On peut être plus critique du résultat de Glasgow quant aux impacts que certains projets de transferts d’émissions peuvent avoir sur les communautés locales. Depuis la COP21, plusieurs propositions ont été faites à ce sujet, incluant la possibilité de créer un recours fondé sur les droits humains contre la certification de certains projets.

En effet, comme le montrent des cas au Chili et au Panama, de nombreux crédits autorisés par le Protocole de Kyoto sont associés à des violations de droits. Une possibilité d’appel a été adoptée à Glasgow, mais elle est fragile. Face au signal d’alarme lancé notamment par Amnesty International, l’achat de crédits carbone par les gouvernements, les entreprises et les particuliers au Canada est donc loin d’être une option sans embûches pour arriver à net zéro.

Le regard déjà tourné vers la prochaine COP

Selon le premier ministre canadien, alors que « Paris a promis, Glasgow doit livrer. » Or, force est de constater que Glasgow n’a pas livré monts et merveilles. La COP26 a certes été l’occasion de certaines avancées et de nouvelles annonces, mais les engagements étatiques — en plus de devoir passer l’épreuve de leur mise en œuvre — sont largement en deçà de ce qu’exige la science.

L’objectif de 1,5 degré est toujours vivant, tel que l’a souligné le président de la COP26, mais il est à se demander si ce maintien en vie n’est pas artificiel. Diverses estimations produites avant et pendant les négociations afin de tenir compte des nouveaux engagements prévoient une élévation de température de 1,8 degré à 2,7 degrés, mais les mesures pour atteindre ces engagements sont souvent absentes.

Dre Yasmine Fouad à la COP26
La ministre de l’Environnement d’Égypte, Dre Yasmine Fouad, à Glasgow. Son pays accueillera le prochain sommet, la COP27, en 2022. (AP Photo/Alberto Pezzali)

Nous sommes encore loin de l’objectif de maintien de l’élévation à 1,5 degré, qui engendrerait tout de même de très graves conséquences pour nos sociétés et qui aurait un impact accru sur les pays, les groupes et les individus les plus vulnérables.

Outre les enjeux sanitaires qui se profilent à nouveau à l’horizon, la COP27, qui se tient en Égypte l’année prochaine, sera une rencontre majeure puisque la Convention des Nations unies sur les changements climatiques fêtera son trentième anniversaire. Vu le manque de progrès accompli depuis le Sommet de la Terre en 1992, la COP27 devra surtout servir à atteindre les objectifs fixés.

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