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Nucléaire, diesel et perturbateurs endocriniens : le programme ambitieux et ambigu du candidat Hamon

Benoît Hamon lors d’un déplacement à Strasbourg le 23 mars dernier. Patrick Hertzog/AFP

Fort du ralliement des Verts, le vainqueur de la primaire à gauche se présente comme l’un des candidats les plus engagés en matière de protection de l’environnement.

Parmi ses propositions phares, l’objectif d’atteindre 50 % d’énergies renouvelables en 2025 a particulièrement retenu l’attention.

Plusieurs interprétations de cet objectif sont possibles, mais les prises de parole publiques de Benoît Hamon et de ses soutiens donnent à penser qu’il s’agit de faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en France de près de 15 % en 2015 à une production renouvelable assurant la moitié de cette consommation dix ans plus tard.

C’est cette vision qu’il est intéressant d’analyser car elle distingue le candidat socialiste des autres prétendants à l’Élysée.

Notons cependant que dans la dernière version de son programme, une variante de cet objectif a été introduite, qui donnerait à penser que Benoît Hamon limite ses ambitions au secteur de l’électricité. Le fait d’entretenir une ambiguïté nuit à la crédibilité de son projet.

Plusieurs remarques s’imposent pour qualifier ce premier objectif : en 2015, en effet, la France ne se trouvait toujours pas sur la trajectoire permettant d’atteindre en 2020 la cible européenne fixant à 23 % la part des renouvelables dans la consommation finale d’énergie.

Part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de 2005 à 2015 (réalisé) et trajectoire prévue pour atteindre l’objectif de 2020. SOeS, d’après les sources par filière et PNA (trajectoire), Author provided

Dans quelle mesure cette tendance peut-elle être infléchie ?

Entre 2005 et 2015, la production d’énergie renouvelable s’est accrue de 7,3 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), passant de 15,7 à 23 Mtep. En prolongeant cette hausse annuelle de 3,6 % environ, cela donne 32 Mtep pour 2025.

Cette production doit être mise en regard de l’évolution du niveau de consommation d’énergie. Entre 2005 et 2015, la consommation finale brute d’énergie est en effet passée d’environ 160 Mtep à 150 Mtep, soit une baisse de 6 % sur la période. Si cette trajectoire se poursuit, la consommation atteindra 140 Mtep en 2025. Dans ces conditions, la production d’énergie renouvelable pourrait représenter 23 % de la consommation d’énergie finale.

Cela représente donc moins de la moitié de l’objectif souhaité par Benoît Hamon : pour le réaliser, il faudra donc mener une politique volontariste. Quels leviers propose-t-il pour y parvenir ?

Un développement sans précédent des renouvelables

Benoît Hamon affirme miser sur la diminution de la demande d’énergie, sans pour autant la chiffrer précisément. Pour que les énergies renouvelables représentent la moitié de la consommation finale d’énergie, il faudrait que cette dernière atteigne 64 Mtep… soit une diminution de 57 % d’ici à 2025. C’est une évolution sans commune mesure avec la baisse de 6 % constatée entre 2005 et 2015.

Comparaison de la trajectoire nécessitée par l’objectif de Benoît Hamon avec l’évolution tendancielle de la consommation finale brute d’énergie. Données SOeS (2017)

Mais l’objectif doit probablement se situer entre les deux, avec une hausse accélérée de l’installation d’unités de production d’énergie renouvelable, et des efforts en matière de maîtrise de la demande.

En suivant le scénario de sortie du nucléaire proposé par l’association négaWatt, référence très ambitieuse que le candidat Hamon convoque régulièrement, cela donnerait une consommation de 129 Mtep à horizon 2025. Cette trajectoire volontariste nécessite d’importants efforts (isolation massive des bâtiments, développement de la collocation, diminution forte des déplacements).

Dans ce cadre, pour parvenir à son objectif de 50 % de renouvelables, Benoît Hamon devrait faire en sorte que la production d’énergie renouvelable atteigne 64,5 Mtep (alors même que négaWatt ne prévoit que 23,7 Mtep). Cela implique ainsi une hausse de 280 % pour la décennie à venir, un objectif difficilement réalisable.

Comparaison de la trajectoire de hausse de la production d’énergie renouvelable nécessitée par la vision de Benoît Hamon avec l’évolution tendancielle. Données SOeS (2017)

La proposition de Benoît Hamon est ainsi extrêmement ambitieuse, bien davantage que les scénarii les plus volontaristes, qui ne prévoient de telles évolutions qu’à horizon 2050.

En outre, les mesures mises en avant par le candidat socialiste pour y parvenir demeurent floues. Il indique notamment vouloir « créer une aide pour permettre aux citoyens de s’équiper en matériel de production d’énergie renouvelable domestique ». Il n’évoque pas comment la massification des investissements dans les renouvelables peut être réalisée, alors que ces investissements sont déjà insuffisants pour atteindre les objectifs européens.

Sortir du nucléaire

Si Benoît Hamon n’a pas donné d’objectif précis en matière de diminution des émissions de gaz à effet de serre impliquées dans le réchauffement climatique en cours, il a en revanche proposé de fermer toutes les centrales nucléaires d’ici à 2042. Cet engagement a l’intérêt de susciter la réflexion sur l’évolution du parc existant, qui devra dans tous les cas être remplacé ou renouvelé : en 2025, plus de la moitié de la capacité nucléaire – 32 gigawatts (GW) sur les 63 GW – aura passé 40 ans.

Cette proposition implique qu’il faudrait remplacer les 416,8 térawatt-heure (TWh) produits en 2015 par les centrales nucléaires. Il est en effet raisonnable de considérer avec négaWatt que la consommation électrique, stable depuis 2010, devrait le rester à cet horizon, les effets de la maîtrise de la demande et de l’électrification des usages se compensant.

Si le candidat socialiste souhaite recourir, comme il l’indique, à de l’électricité renouvelable, cela nécessite d’installer de l’ordre de 123 GW d’éolien et 118 GW de solaire photovoltaïque. Car pour ce qui est de l’hydraulique, première source d’électricité renouvelable en France, il ne pourra y avoir de hausse, le potentiel de production étant déjà exploité. Or, fin 2016, le parc éolien était de 11,6 GW et la puissance photovoltaïque installée de 6,8 GW.

Cette sortie du nucléaire en 2042 présente un réel défi, d’autant plus que les problématiques liées à l’intermittence de ces énergies (le vent, par exemple, ne souffle pas en fonction de nos besoins en électricité), comme le stockage, n’ont pas encore été résolues.

S’il n’est pas possible d’obtenir des niveaux de production suffisants pour répondre à la demande d’énergie, même en baisse, ni de la satisfaire lorsqu’il n’y a ni vent ni soleil, il faudra recourir aux énergies fossiles (gaz, pétrole ou charbon)… et s’éloigner ainsi des engagements et objectifs de lutte contre le changement climatique.

Transports, libre-échange et fiscalité

Une autre proposition phare de Benoît Hamon concerne les transports, avec l’ambition de « sortir du diesel à l’horizon 2025 », ce carburant étant considéré comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé.

Pour être cohérent, ce projet doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur les modes de déplacement : il faut en effet éviter le report sur les véhicules à essence, ceux-ci émettant davantage de gaz à effet de serre que les véhicules utilisant du diesel. Le candidat socialiste propose ainsi un plan de déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques, dans la continuité de mesures prises lors du quinquennat qui s’achève. Il ambitionne aussi de développer les transports ferroviaires.

Benoît Hamon se prononce également en faveur de la suppression des traités de libre-échange comme le CETA, non compatible dans sa forme actuelle avec la réalisation des objectifs de la COP 21, selon une note des services du ministère de l’Environnement.

Il soutient de même la montée en puissance d’une « fiscalité verte », dont les détails devront être précisés. Il souhaite l’appliquer tant à l’échelle française qu’à l’échelle européenne, en vue de rendre plus attractifs des biens à faible empreinte environnementale produits en Europe.

Enfin, il avance qu’à la fin de son mandat, les lois de finances devront être conformes avec les objectifs de la COP 21. S’il faut encore préciser les modalités concrètes d’application de cette promesse, cette simple mention souligne l’importance d’une transformation de l’ensemble de l’action publique dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.

Les perturbateurs endocriniens en ligne de mire

Un marqueur de la campagne de Benoît Hamon depuis la primaire socialiste concerne l’interdiction des pesticides « dangereux » et des perturbateurs endocriniens. La prise de conscience des problèmes liés à une exposition quotidienne, et la mise en lumière des pratiques douteuses de certains « marchands de doute » est louable et remarquable dans le cadre d’une campagne présidentielle.

Benoît Hamon sur les perturbateurs endocriniens (L’Émission politique, 2017).

Cependant, pour être pleinement convaincante, elle devrait répondre à certaines interrogations. Quels seront les critères appliqués pour qualifier certains pesticides de « dangereux » ? Qui prendra les décisions ? Quels seront les substituts choisis, pour éviter de recourir à des substances non moins nocives, mais moins connues ? Il ne faudrait pas satisfaire une promesse électorale au prix d’un remède pire que le mal.

Pour conclure, la démarche de Benoît Hamon participe d’un renouvellement appréciable des sujets de campagne électorale. Néanmoins, elle n’est pas exempte d’ambiguïtés et de contradictions. C’est un peu regrettable, car il ne reste plus beaucoup de temps pour les errements politiques en matière de transition énergétique. Le changement climatique, c’est maintenant.

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