tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/afrique-20142/articlesAfrique – The Conversation2024-03-21T15:42:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2235792024-03-21T15:42:15Z2024-03-21T15:42:15ZVIH : et si les drones servaient aussi à sauver des vies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582475/original/file-20240318-20-cmdd44.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Guinée, à Conakry, le projet AIRPOP évalue le coût/efficacité et l’acceptabilité du transport de prélèvements sanguins par drone pour améliorer le dépistage précoce du VIH chez les nouveau-nés.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Drones de loisir utilisés <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/lukraine-a-achete-2-000-drones-chinois-pour-mettre-la-pression-sur-larmee-russe-1481930">comme arme et moyen d’espionnage en Ukraine</a>, pour <a href="https://www.slate.fr/story/163724/chine-oiseaux-bioniques-drone-robotiques-espionner-citoyens">surveiller les populations en Chine</a>, dans le but, un jour, d’être employés <a href="https://www.slate.fr/story/228829/des-drones-equipes-de-taser-pourraient-un-jour-surveiller-les-ecoles-americaines">comme tasers volants pour sécuriser les écoles aux États-Unis</a>, et même d’ores et déjà <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/09/le-fleau-de-la-livraison-par-drone-dans-les-prisons_6193221_3224.html">pour la livraison de drogues et d’armes dans les centres de détention en France</a>…</p>
<h2>Des livraisons commerciales par drones en plein essor</h2>
<p>Derrière ces usages répressifs ou illicites, largement médiatisés, l’usage des drones de loisir, initialement destinés aux prises de vues aériennes, s’est largement développé dans l’industrie et l’agriculture notamment. De fait, leur utilisation pour les livraisons commerciales est en plein essor.</p>
<p>Motivé par leur rapidité et leur faible impact carbone, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36033593/">dix fois inférieurs à celui des livraisons par voie routière</a>, Amazon, le géant de la livraison, a d’ailleurs largement investi dans les drones en créant sa filiale Amazon Prime Air. Celle-ci <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/06/amazon-croit-toujours-a-la-livraison-par-drone-malgre-les-obstacles_6156919_3234.html">projette plus de 500 millions de livraisons annuelles d’ici 2030</a>. Une nouvelle paire de baskets livrée à domicile 30 minutes après une commande sur Internet est un « rêve » bientôt accessible.</p>
<h2>Des programmes pour acheminer en urgence médicaments ou poches de sang</h2>
<p>En matière de livraison, les drones peuvent aussi avoir une utilité plus essentielle, par exemple dans le secteur de la santé, où ils commencent à être utilisés dans certains pays pour l’acheminement en urgence de médicaments ou de poches de sang destinés à des transfusions.</p>
<p>Ainsi, au Rwanda, Zipline, une start-up américaine, réalise 80 % des livraisons des poches de sang grâce aux drones. La solution proposée par Zipline présente cependant des limites. Son coût élevé, le rayon d’action limité des drones à 80 km et son infrastructure lourde avec des rampes de lancement expliquent le fait que pour le moment, elle soit surtout utilisée en zone rurale, dans des pays de petite superficie caractérisés par une forte densité de populations et des ressources financières suffisantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Rwanda, Zipline, une start-up américaine, réalise 80 % de ses livraisons de poches de sang par drones.</span></figcaption>
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<h2>En Afrique de l’Ouest, le drone pour améliorer le dépistage précoce du VIH chez les nouveau-nés</h2>
<p>En Afrique de l’Ouest et du Centre, la densité de population en zone rurale est faible, les superficies des pays élevées et les ressources financières limitées. Pourtant, les besoins de santé sont également importants et les drones pourraient contribuer à améliorer l’accès aux soins.</p>
<p>Ils pourraient notamment être utilisés pour améliorer l’accès au dépistage précoce du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vih-46821">VIH</a> chez les enfants nés de mères vivant avec le VIH, dont le risque de mortalité est particulièrement élevé dans les deux premiers mois de vie, en l’absence de traitement.</p>
<p>Compte tenu des appareils de laboratoire nécessaires pour ce diagnostic, le diagnostic précoce des nouveau-nés n’est réalisé que dans quelques laboratoires urbains. Lorsque les femmes vivant avec le VIH accouchent dans des formations sanitaires qui ne disposent pas de ces équipements, les prélèvements doivent être acheminés vers ces laboratoires de référence.</p>
<p>Or, les systèmes de transport par voie routière sont lents et peu fonctionnels en raison des nombreux embouteillages en zone urbaine et du mauvais état, voire de l’absence d’infrastructures routières en zone rurale. Les résultats sont souvent rendus tardivement. Les nouveau-nés infectés par le VIH sont donc rarement traités à temps, c’est-à-dire dans leurs premiers mois de vie, <a href="https://journals.lww.com/aidsonline/fulltext/2009/01020/emergence_of_a_peak_in_early_infant_mortality_due.14.aspx">ce qui les expose à un risque important de décès</a>.</p>
<h2>En Guinée, un projet mené par des chercheurs guinéens, européens et une ONG</h2>
<p>En Guinée, <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/data-book-2022_en.pdf#page=99">seul un tiers des nouveau-nés dont la mère vit avec le VIH bénéficient d’un diagnostic</a>. Parmi ceux chez qui le VIH a été diagnostiqué, on estime que moins de la moitié seraient traités à temps, d’après des données nationales non publiées.</p>
<p>Conakry, sa capitale, est tristement réputée pour ses embouteillages où un déplacement de quelques kilomètres peut parfois prendre plusieurs heures. À l’instar de nombreuses métropoles d’Afrique de l’Ouest, cette capitale a connu une expansion urbaine rapide liée à un exode rural important au cours des dernières décennies.</p>
<p>C’est coincée dans un de ces fameux embouteillages à Conakry, regardant une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=w_foIhQT2X8">vidéo</a> d’un drone livrant des burgers et des bières à Reykjavik en Islande, qu’une équipe de Solthis, ONG qui travaille depuis 20 ans pour l’amélioration de la santé en Afrique de l’Ouest, a eu l’idée d’utiliser des drones pour un usage plus utile que le commerce de la junk food.</p>
<p>Il s’agissait d’utiliser des drones pour transporter en urgence des prélèvements sanguins et ainsi permettre de diagnostiquer et traiter les 1 400 enfants qui naissent chaque année avec le VIH en Guinée. En 2020, Sothis a développé le projet AIRPOP.</p>
<p>Mis en œuvre en partenariat avec des chercheurs guinéens, des responsables du programme de lutte contre le VIH, des chercheurs en anthropologie de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et, en modélisation, de la Lincoln International Institute for Rural Health et avec le soutien de l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites virales et les maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE), le projet AIRPOP, a cherché à évaluer le coût/efficacité et l’acceptabilité d’un transport des prélèvements par drone.</p>
<h2>Une solution coût-efficace en nombre de vies sauvées, d’après les premiers tests</h2>
<p>L’enjeu était de tester une solution, acceptable par la population et finançable dans les pays à ressources limitées. Le projet a comparé l’efficacité et le coût d’un transport par drone avec un transport par moto et le système actuel par voiture.</p>
<p>La modélisation a montré que le <a href="https://gh.bmj.com/content/8/11/e012522.long">drone est une solution coût-efficace en termes de nombre de vies sauvées</a>, malgré des coûts d’investissement et d’entretien supérieurs à celui des motos ou des voitures, pour un pays à ressources limitées comme la Guinée.</p>
<p>En parallèle, des vols de drones automatisés ont été effectués entre deux structures de santé pour tester la faisabilité en contexte urbain et une étude anthropologique a analysé les perceptions des acteurs concernés. D’une manière générale, les drones bénéficient d’une perception plutôt positive dans un contexte récent de troubles politiques où ces appareils ont été utilisés par des journalistes et des partis de l’opposition pour attester de l’ampleur de manifestations.</p>
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<p>Néanmoins, diverses craintes, comme celle d’un détournement par des groupes terroristes, suscitent des inquiétudes et soulignent la nécessité d’une information claire des populations. Nos travaux sur la question seront prochainement publiés.</p>
<p>Pour autant, les résultats encourageants du test suscitent l’intérêt des autorités de santé du pays et créent les conditions favorables pour poursuivre les recherches nécessaires au déploiement par le pays de cette innovation sur l’ensemble du territoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le projet AIRPOP mené en Guinée a comparé l’efficacité et le coût d’un transport de prélèvements sanguins par drone avec un transport par moto et le système actuel par voiture.</span></figcaption>
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<h2>Mutualiser aussi les drones pour le transport des poches de sang lors de l’accouchement</h2>
<p>Après cette première phase test, AIRPOP2 évaluera l’utilisation des drones à Conakry et en zone rurale avec l’ambition de proposer cette stratégie à l’échelle du pays pour permettre de dépister et de traiter les 1 400 enfants qui naissent avec le VIH chaque année. Elle explorera également l’intérêt de la mutualisation des drones pour les transports urgents d’autres produits de santé, notamment les poches de sang pour les femmes ayant des hémorragies lors de l’accouchement, première cause de décès maternels en Afrique.</p>
<p>Bien que les fabricants de drones soient pour l’instant principalement basés dans les pays les plus riches, la simplicité des techniques de fabrication et les moyens déjà investis pour améliorer la performance des drones, nous laissent penser que dans un futur proche, des fabricants pourraient émerger en Afrique de l’Ouest.</p>
<p>Cela ne ferait qu’améliorer le coût-efficacité de cette solution et simplifierait la maintenance. Osons imaginer, qu’aux yeux des investisseurs, sauver des vies humaines pourrait constituer un enjeu aussi important que celui de livrer en urgence, des burgers et des baskets, aux quatre coins du monde.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par : Guillaume Breton, Maxime Inghels, Oumou Hawa Diallo, Mohamed Cissé, Youssouf Koita et Gabrièle Laborde-Balen.</em></p>
<p><em>Ont participé à cette étude : (1) Solthis, Paris, France ; (2) Lincoln International Institute for Rural Health, University of Lincoln, Lincoln, Royaume-Uni ; (3) Solthis, Conakry, Guinée ; (4) Service de Dermatologie, Centre de Traitement Ambulatoire, Laboratoire de Biologie Moléculaire, CHU Donka, Conakry, Guinée ; (5) Programme National de Lutte contre le VIH sida et les Hépatites (PNLSH), Conakry, Guinée ; (6) TransVIHMI, Université de Montpellier, Inserm, Institut de Recherche pour le Développement, Montpellier, France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Breton est salarié de Solthis.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Oumou Hawa Diallo est salariée de Solthis.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gabriele Laborde-Balen, Maxime Inghels et Mohammed Cissé ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les drones peuvent avoir une utilité autre que commerciale ou militaire. Ainsi, en Guinée, des chercheurs et une ONG testent leur efficacité pour le dépistage précoce du VIH chez les nouveau-nés.Guillaume Breton, Médecin infectiologue. Référent pathologies infectieuses et recherche de l'ONG Solthis. Médecin attaché service de maladies infectieuses, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, Sorbonne UniversitéGabriele Laborde-Balen, Anthropologue, Centre Régional de Recherche et de Formation à la prise en charge Clinique de Fann (CRCF, Dakar), Institut de recherche pour le développement (IRD)Maxime Inghels, Research Fellow, University of Lincoln, Université Paris CitéMohammed Cissé, Médecin dermatologue. Doyen de la Faculté de Médecine de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, Guinée, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)Oumou Hawa Diallo, Médecin pneumologue. Hôpital Ignace Deen Conakry, Guinée, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2258412024-03-15T10:15:05Z2024-03-15T10:15:05ZPourquoi il y a une pénurie mondiale de vaccins contre le choléra<p>_En février 2024, l'Organisation mondiale de la santé a annoncé que l'Afrique australe était confrontrée à la <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season">flambée régionale</a> de choléra la plus meurtrière depuis au moins dix ans. L'épicentre de la catastrophe se trouve au Malawi, au Zimbabwe et au Mozambique, où les cas de choléra ont plus que <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season">quadruplé</a> entre 2022 et 2023. Plus de 1 600 décès ont été signalés dans ces trois pays. </p>
<p><em>D'ores et déjà, 2024 menace d'être une nouvelle année dévastatrice pour le choléra dans la région, le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/29/le-changement-climatique-fait-flamber-le-cholera-en-afrique_6213704_3212.html">réchauffement climatique</a> et les pluies et tempêtes exceptionnellement fortes ayant favorisé la propagation de la maladie. Le Zimbabwe, le Mozambique et le Malawi ont signalé plus de <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season">13 000</a> cas de la maladie jusqu'à présent en 2024.</em></p>
<p><em>La bactérie du choléra se transmet par la consommation d'aliments et d'eau contaminés par les selles d'une personne infectée. Les vaccins oraux permettent d'endiguer les épidémies et de limiter la propagation de la maladie. Mais il y a une pénurie mondiale de vaccins.</em></p>
<p><em>Entre janvier 2023 à janvier 2024, 14 pays ont demandé en urgence <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)00467-7/fulltext">76 millions de doses</a> de vaccin oral contre le choléra. Seules 38 millions de doses étaient disponibles. Les stocks <a href="https://reliefweb.int/report/world/global-cholera-vaccine-stockpile-runs-empty-16-countries-report-outbreaks">se sont épuisés</a> au début de l'année 2024.</em></p>
<p><em>Nadine Dreyer s'est entretenue avec la vaccinologue Edina Amponsah-Dacosta au sujet de l'impact de la pénurie de vaccins et de ce qui est fait pour sécuriser les stocks en prévision de futures épidémies sur le continent.</em>_</p>
<h2>Les stocks mondiaux de vaccins oraux contre le choléra sont épuisés. Pourquoi ?</h2>
<p>Contrairement aux vaccins administrés régulièrement, comme ceux contre la rougeole, le vaccin contre le choléra est mis au point en fonction des besoins : lors d'épidémies et de crises humanitaires, par exemple. </p>
<p>Le financement est <a href="https://www.pih.org/article/why-global-cholera-vaccine-shortage-goes-unnoticed-despite-high-demand#:%7E:text=There's%20limited%20funding%20to%20purchase,by%20EuBiologics%20in%20South%20Korea.">limité</a> pour l'achat de vaccins contre le choléra, ce qui restreint la production. </p>
<p>Il n'existe qu'un seul vaccin recommandé pour la vaccination de masse lors des épidémies de choléra: <a href="http://eubiologics.com/eng/sub2_1.php">Euvichol-Plus</a>.</p>
<p>Ce vaccin est fabriqué exclusivement par EuBiologics, une société biopharmaceutique internationale basée à Séoul, en Corée du Sud.</p>
<p>La capacité de production de cette société est limitée. Ainsi, lorsque le besoin en vaccin augmente, la demande dépasse la production.</p>
<p>Il n'y a donc généralement qu'un stock limité disponible. </p>
<p>Traditionnellement, il n'y a pas eu de flambées épidémiques dans plusieurs pays en même temps, comme c'est le cas actuellement en <a href="https://www.afro.who.int/health-topics/disease-outbreaks/cholera-who-african-region#:%7E:text=Depuis%20le%20d%C3%A9but%20de%20la,ratio%20de%20fatalit%C3%A9%20de%202,4%25.">Afrique australe et orientale</a> ainsi que dans certaines parties de la <a href="https://who-global-cholera-and-awd-dashboard-1-who.hub.arcgis.com/">Méditerranée orientale, des Amériques et de l'Asie du Sud-Est</a>.</p>
<p>C'est l'une des principales raisons de la pénurie actuelle.</p>
<p>EuBiologics a identifié certaines étapes du processus de fabrication qui pourraient être affinées et raccourcies, tout en garantissant que le vaccin reste sûr et efficace.</p>
<p>Une version simplifiée et peu coûteuse d’<a href="https://www.ivi.int/euvichol-s-simplified-formulation-of-oral-cholera-vaccine-licensed-by-korean-regulatory-agency/">Euvichol-S</a>, a été approuvée par l'Organisation mondiale de la santé et contribuera à atténuer la pénurie. Plus de 15 millions de doses d'Euvichol-S sont attendues en 2024. </p>
<h2>Que fait-on pour remédier à la pénurie de vaccins en Afrique australe ?</h2>
<p>Plusieurs stratégies ont été mises en place pour lutter contre l'épidémie.</p>
<p>Tout d'abord, en octobre 2022, <a href="https://www.who.int/news/item/19-10-2022-shortage-of-cholera-vaccines-leads-to-temporary-suspension-of-two-dose-strategy--as-cases-rise-worldwide">l'OMS a temporairement suspendu le schéma de vaccination standard à deux doses</a> en faveur d'une dose unique afin d'épuiser les stocks existants.</p>
<p>Deux doses assurent une protection de deux ou trois ans, mais une seule dose reste sûre et efficace. Avec une seule dose, nous sommes en mesure d'assurer un certain niveau de sécurité jusqu'à un an ou un peu plus, ce qui, espérons-le, sera suffisant pour vaincre les épidémies actuelles.</p>
<p>Deuxièmement, des pays comme la Zambie et le Zimbabwe ont pris des mesures pour donner la priorité à la distribution des vaccins dans les zones qui en ont le plus besoin. </p>
<p>Un exemple de zone prioritaire serait une zone dévastée par la sécheresse ou les inondations, présentant un taux élevé de transmission et aucun accès à l'eau potable et à l'assainissement.</p>
<p>L'année dernière, les cas de choléra ont augmenté au Malawi et au Mozambique à la suite du <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season#:%7E:text=Last%20year%2C%20cholera%20cases%20surged,and%20ended%20in%20mid%2D2023.">cyclone Freddy</a>, le cyclone tropical ayant la plus longue durée de vie de l'histoire. Il a traversé le sud de l'océan Indien pendant plus de cinq semaines en février et mars. </p>
<h2>La mise au point de nouveaux vaccins contre le choléra progresse-t-elle ?</h2>
<p>En Afrique, moins de <a href="https://www.dst.gov.za/index.php/media-room/latest-news/4149-boosting-local-vaccine-manufacturing-capacity#:%7E:text=Africa%20products%20than%201,critical%20vaccines%20to%20save%20lives.">1%</a> des doses de tous les vaccins sont fabriquées localement.</p>
<p>Pendant la pandémie de COVID-19, les pays africains ont été relégués en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8276532/">queue de peloton</a> pour l'obtention de vaccins salvateurs. Cela nous a fait réaliser que nous devions disposer de notre propre capacité de production locale.</p>
<p>Dans le cas du choléra, nous constatons qu'il est risqué de dépendre d'un seul fabricant en Corée du Sud alors que la plupart des épidémies se produisent dans plusieurs pays africains.</p>
<p>Le problème a été reconnu et des mesures ont été prises pour y remédier. De nombreux investissements ont été réalisés pour augmenter <a href="https://www.dst.gov.za/index.php/media-room/latest-news/4149-boosting-local-vaccine-manufacturing-capacity">la capacité de production de vaccins contre le choléra</a>. </p>
<p>Deux fabricants entrent en jeu au niveau mondial, l'un en Afrique du Sud et l'autre en Inde.</p>
<p><a href="https://www.ivi.int/biovac-signs-deal-with-ivi-to-develop-and-manufacture-oral-cholera-vaccine-for-african-and-global-markets/">Biovac</a>, une société biopharmaceutique basée au Cap, a reçu des capitaux d'investissement pour développer des vaccins contre le choléra et d'autres maladies.</p>
<p>Elle a conclu un accord novateur de licence et de transfert de technologie avec l’<a href="https://www.biovac.co.za/wp-content/uploads/2022/11/Biovac-IVI-OCV-Technology-Transfer-Press-Release-23-Nov-2022.pdf">International Vaccine Institute</a>, une organisation internationale à but non lucratif dont le siège se trouve en Corée du Sud, pour la fabrication du vaccin.</p>
<p>Le premier lot de vaccins fera l'objet d'essais cliniques entre 2024 et 2025, et les licences devraient être accordées à partir de 2026. Cela signifie que nous ne verrons pas de vaccins contre le choléra fabriqués localement avant 2026.</p>
<p>En Inde, la société pharmaceutique <a href="https://www.science.org/content/article/world-s-stockpile-cholera-vaccine-empty-relief-way">Biological E</a> prévoit de fabriquer la version simplifiée d'Euvichol-plus. </p>
<p>Mais la vaccination ne remplace pas l'approvisionnement en eau potable, l'assainissement adéquat et les bonnes pratiques d'hygiène.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edina Amponsah-Dacosta bénéficie d'un financement de recherche dans le cadre du Research Scholars Program de Gilead Sciences.</span></em></p>Le stock mondial de vaccins contre le choléra est épuisé, ce qui est préoccupant pour l'Afrique australe. Quelles sont les raisons et les mesures prises pour remédier aux pénuries en Afrique ?Edina Amponsah-Dacosta, Research Officer / EIDM Specialist, University of Cape TownLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240272024-03-10T16:48:28Z2024-03-10T16:48:28ZComment le conflit Israël-Hamas redessine les routes du transport maritime<p>Depuis le 19 novembre, date à laquelle les rebelles houthis du Yémen <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/20/les-houthistes-du-yemen-se-sont-empares-d-un-navire-commercial-en-mer-rouge_6201141_3210.html">se sont emparés d’un navire commercial en mer Rouge</a>, ils ont mené <a href="https://www.sudouest.fr/economie/commerces/attaques-en-mer-rouge-les-etats-unis-disent-avoir-detruit-dix-drones-des-houthis-et-trois-d-iran-18386150.php">plus de 35 attaques</a> en mer Rouge, en signe de <a href="https://theconversation.com/topics/conflit-israelo-palestinien-147107">soutien au Hamas et à la Palestine</a>. Malgré les forces militaires britanniques et américaines en patrouille dans la zone et l’ambition européenne de faire de même, les attaques perdurent et perturbent le transport maritime. Or c’est par ce moyen que sont acheminés près de 90 % des volumes du commerce mondial. <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/egypte/canal-de-suez/attaques-des-houthis-en-mer-rouge-le-canal-de-suez-fortement-penalise_6377344.html">12 % environ</a> passent par le canal de Suez, qui relie la mer Rouge à la Méditerranée.</p>
<p>Comme a pu l’illustrer la crise liée au Covid-19, toute perturbation de l’organisation du transport maritime a <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41278-020-00162-7">des impacts sur les échanges commerciaux mondiaux</a>. Face à cette situation à risque, les principaux opérateurs de porte-conteneurs, qui sont une <a href="https://theconversation.com/transport-maritime-40-ans-de-course-au-gigantisme-206780">petite dizaine à contrôler plus de 80 % du marché mondial</a>, ont fait le choix de changer de route et de contourner le continent africain, avec un temps de navigation supplémentaire d’environ 10 jours pour relier l’Asie à l’Europe et inversement.</p>
<p>Les premières conséquences logistiques, manufacturières et industrielles <a href="https://www.businews.fr/%E2%80%8BAttaques-de-navires-en-mer-Rouge-l-economie-provencale-touchee-de-plein-fouet_a4703.html">se font ressentir en Europe</a>. Tesla a <a href="https://www.reuters.com/business/autos-transportation/tesla-berlin-suspend-most-production-two-weeks-over-red-sea-supply-gap-2024-01-11/">mis à l’arrêt</a> sa gigafactory européenne située en Allemagne depuis le 29 janvier à cause des retards d’approvisionnement. Volvo a suspendu sa production en Belgique durant 3 jours courant janvier. Cette crise touche également des importateurs et exportateurs de plus petites tailles qui reportent leurs commandes en Asie ou carrément annulent leurs achats en jouant sur les stocks. Pour le moment, le consommateur final n’est pas encore impacté de manière visible mais il faut s’attendre, si la situation perdure dans le temps, à des augmentations de prix et à des ruptures de stocks en rayons de produits manufacturés.</p>
<p>Le transport maritime conteneurisé fonctionne selon le système de la ligne régulière avec des routes préétablies et des escales portuaires à date fixe. Cela assure au chargeur la régularité indispensable au bon fonctionnement des chaînes logistiques, depuis le producteur jusqu’au distributeur et au consommateur. Éviter Suez désorganise cette bonne marche. Pour quelle résultante ?</p>
<h2>Les ports Africains regardent les porte-conteneurs passer…</h2>
<p>En exploitant les signaux AIS (<em>automatic identification system</em>) des porte-conteneurs, il est possible de recomposer sur une période donnée toutes les escales portuaires effectuées. Nous avons <a href="https://www.actu-transport-logistique.fr/journal-de-la-marine-marchande/port/yann-alix-ronan-kerbiriou-les-ports-africains-regardent-passer-les-porte-conteneurs-889686.php">analysé</a> les escales deux mois avant et deux mois après le 19 novembre pour tous les navires d’une capacité de transport supérieure à 12 000 EVP (équivalent de 20 pieds, l’unité de mesure standardisée des conteneurs maritimes qui correspond à la taille d’un caisson) et qui naviguent entre l’Europe et l’Asie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1667947614321475586"}"></div></p>
<p>Ce qui apparaît en premier lieu, et qui peut sembler paradoxal, c’est que la circumnavigation africaine des flottes de porte-conteneurs n’a pas d’effets notables sur les activités portuaires de ce continent. Les principaux hubs africains, Lomé au Togo, Abidjan en Côte d’Ivoire et Pointe-Noire en République du Congo, n’ont pas enregistré d’évolution dans les offres de desserte.</p>
<p>Ce sont de plus petits ports, Walvis Bay (Namibie) et Port-Louis (Ile-Maurice) qui voient escaler de grands porte-conteneurs. Ils sont aidés en cela par leur situation géographique à environ mi-parcours entre l’Europe et l’Asie et leurs accès maritimes en eau profonde. Ces deux ports sont très peu éloignés de la route directe à la différence de ports de « fond de Golfe » comme ceux de Lomé ou Lekki au Nigéria. Port-Louis a enregistré neuf porte-conteneurs de plus de 12 000EVP de capacité en escale contre seulement deux auparavant. Le port de Walvis Bay n’avait lui enregistré aucune escale de cette catégorie de navires ; sept y sont passés depuis le début de la crise. Ces choix d’escales ne semblent néanmoins répondre qu’à un besoin opérationnel des opérateurs (des besoins de soutage, par exemple, c’est-à-dire de ravitaillement en énergie) et ne profitent pas aux marchés locaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578318/original/file-20240227-24-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les ports africains risquent finalement surtout, et en dépit du bon sens, de subir des délais de transit supplémentaires pour tous les trafics en transbordement. Traditionnellement, des navires-mères reliant l’Asie à l’Europe opèrent des escales dans les ports du détroit de Gibraltar, Tanger-Med au Maroc et Algésiras en Espagne, où les marchandises à destination ou à l’origine du marché africain sont transbordées sur ou depuis des navires de moindre capacité pour desservir la côte ouest Africaine. Dans la situation actuelle, les navires mères et donc les marchandises passent devant les ports africains pour rejoindre directement les deux précédemment cités et poursuivre leurs routes vers l’Europe du Nord. Les temps de navigation sont donc grandement allongés et les temps de livraisons des marchandises sérieusement dégradés.</p>
<h2>Un « cul-de-sac méditerranéen »</h2>
<p>Les ports méditerranéens sont, eux, <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/ports-de-commerce/avec-la-crise-de-la-mer-rouge-les-ports-espagnols-rient-celui-du-piree-pleure-fcf35058-d726-11ee-96ef-9660257def44">sévèrement touchés</a> par les réorganisations via le cap de Bonne-Espérance. Les données d’escales montrent une forte diminution généralisée : -33 % d’escales de gros porte-conteneurs au Pirée (Grèce), -51 % à Port-Saïd (Égypte), -72 % à Mersin (Turquie) ou encore -23 % à Marseille. Seuls les ports espagnols de Barcelone et de Valence se maintiennent à peu près car ils sont géographiquement proches du détroit de Gibraltar.</p>
<p>Les autres restent fortement tributaires du passage maritime de Suez pour les échanges avec le Moyen-Orient, le sous-continent indien et bien sûr l’Extrême-Orient. Avec déjà 8 à 10 jours supplémentaires de mer, les plus gros cargos du monde ne s’aventurent plus dans ce qui devient un « cul-de-sac méditerranéen ». La priorité pour les compagnies maritimes est de desservir les grands ports nord-européens comme Rotterdam, Anvers ou Hambourg au détriment des services directs de la Méditerranée.</p>
<p>Les ports du pourtour, particulièrement ceux situés dans la partie orientale et en mer Noire, sont donc retirés des services maritimes Asie – Europe via une réorganisation des transbordements. La compagnie chinoise Cosco Shipping va par exemple transborder les marchandises en provenance d’Asie et à destination de la méditerranée dans le port belge de Zeebrugge et <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/shipping/conteneur/les-armateurs-se-reinventent-pour-desservir-la-mediterranee-e220d568-cb4e-11ee-be0b-364738a87aaa">mettre en place une navette</a> avec le porte-conteneurs <em>Cosco Development</em>.</p>
<h2>Et après ? Tanger-Med grand gagnant ?</h2>
<p>Le grand gagnant dans cette nouvelle projection maritime globale pourrait finalement être Tanger-Med, <a href="https://fr.le360.ma/economie/tanger-med-grimpe-au-vingt-troisieme-rang-du-classement-des-plus-grands-ports-du-monde-255778/">premier port de Méditerranée et d’Afrique</a>. Avec un nombre d’escales quasi identiques (-9 %), il semble renforcer sa position concurrentielle relative vis-à-vis de tous ses concurrents portuaires. Cela avait <a href="https://unctad.org/news/vers-une-nouvelle-hierarchisation-portuaire-ouest-mediterraneenne-dans-lere-de-la-Covid">déjà été observé lors de la crise liée au coronavirus</a> avec une concentration des escales des navires les plus grands sur les terminaux du port marocain.</p>
<p>Sa situation géostratégique est en effet exceptionnelle, aux points de rencontre des principales routes maritimes est-ouest (Amérique – Europe – Méditerranée – Asie) mais aussi nord-sud (Europe-Méditerranée-Afrique). Ce positionnement est valorisé par les plus grandes compagnies maritimes et les plus grands opérateurs de manutention internationaux avec une augmentation remarquable de <a href="https://www.tangermed.ma/wp-content/uploads/2024/01/CP-TMPA-BILAN-DE-LACTIVITE-PORTUAIRE-EN-2023.pdf">13,4 % pour atteindre 8,6 millions de conteneurs manutentionnés en 2023</a>.</p>
<p>Avec la crise de Suez, Tanger Med pourrait tirer profit d’une réorganisation durable des lignes régulières et d’une intensification de la <a href="https://www.cevalogistics.com/fr/glossaire/feedering">« feederisation »</a> (le <em>feedering</em>, c’est le transbordement de navires-mères vers de plus petits capables d’accéder à des ports plus étroits) des marchés méditerranéens via le port marocain. Cette projection est soutenue par deux facteurs. Le premier est que la demande européenne reste faible, du moins inférieure aux volumes qui rempliraient toutes les capacités maritimes déployées par les armements.</p>
<p>Le deuxième facteur est inhérent au fonctionnement de l’économie maritime. <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/entreprises/l-armateur-cma-cgm-signe-un-profit-record-pour-une-entreprise-francaise-en-2022-a-plus-de-23-milliards-d-euros_5691200.html">Les deux dernières années ont été fastes pour le secteur</a>, ce qui a encouragé les plus grandes firmes à investir massivement dans de nouvelles unités, souvent de très grande taille. Le carnet de commandes des porte-conteneurs dépassent les 7 millions d’EVP au début de l’année 2024, soit presque un quart du total actuellement en service. Pour la seule année 2024, la capacité mondiale conteneurisée va augmenter de 10 % alors que les prévisions de croissance du marché oscillent autour de 3 %. Ce surplus de capacité pourrait trouver une « aubaine de marché » avec le contournement prolongé de l’Afrique et l’évitement géostratégique de Suez. 10 jours de plus exigent en effet le déploiement de plus de navires et de plus de capacités pour garantir des services hebdomadaires entre l’Asie et l’Europe.</p>
<hr>
<p><em>Yann Alix, délégué général de la fondation SEFACIL, a également contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronan Kerbiriou a reçu des financements de la fondation SEFACIL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brigitte Daudet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis l’automne, les porte-conteneurs préfèrent contourner l’Afrique qu’emprunter le canal de Suez. Qui sont les gagnants et les perdants de ce changement d’itinéraire ?Ronan Kerbiriou, Ingénieur d'études, Université Le Havre NormandieBrigitte Daudet, Enseignant- chercheur en management, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253912024-03-08T15:11:17Z2024-03-08T15:11:17ZLa côte de l'Afrique de l'Ouest était un paradis pour la piraterie et la pêche illégale : comment la technologie change la donne<p><a href="https://nemrod-ecds.com/?p=4193">Le golfe de Guinée</a> - une région côtière qui s'étend du Sénégal à l'Angola - est doté de vastes réserves d'hydrocarbures, de minéraux et de ressources halieutiques. Il s'agit également d'une voie importante pour le commerce international, ce qui le rend essentiel au développement des pays de la région.</p>
<p>Cependant, pendant longtemps, les pays du golfe de Guinée n'ont pas surveillé correctement ce qui se passait dans leurs eaux. Cela a permis aux <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/12/12/le-golfe-de-guinee-mer-de-tous-les-dangers-et-royaume-de-la-piraterie-mondiale_6105768_3212.html">menaces pour la sécurité en mer</a> de se développer. Parmi ces menaces, figurent la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, le trafic de drogue, la piraterie et les vols à main armée, ainsi que le déversement de déchets toxiques.</p>
<p>Par exemple, en 2020, le <a href="https://www.icc-ccs.org/icc_test/index.php/1305-latest-gulf-of-guinea-piracy-attack-alarming-warns-imb#:%7E:text=IMB%20data%20shows%20that%20the,in%202019%20from%2017%20incidents.">Bureau maritime international</a> a signalé que la région avait connu le plus grand nombre d'enlèvements d'équipages jamais enregistré : 130 membres d'équipage enlevés lors de 22 incidents. En 2019, 121 membres d'équipage ont été enlevés lors de 17 incidents.</p>
<p>Des mesures régionales sont prises pour contrer ces menaces. En 2013, les chefs d'État ont signé le <a href="https://www.gouv.bj/article/2504/securite-maritime-dans-golfe-guinee-cmmc-celebre-anniversaire-code-conduite-yaounde/#:%7E:text=Le%20Code%20de%20conduite%20de%20Yaound%C3%A9%20est%20un%20processus%20dont,en%20mer%2C%20notamment%20la%20piraterie">code de conduite de Yaoundé</a> - une déclaration visant à travailler ensemble et à faire face aux menaces. Cela a également entraîné la mise en place d'un grand centre, connu sous le nom d’<a href="https://icc-gog.org/?page_id=1575">Architecture de Yaoundé</a> (composé de différentes divisions), qui coordonne et partage les informations sur ce qui se passe en mer. </p>
<p>Depuis la signature du code de conduite de Yaoundé en 2013, des progrès ont été réalisés. Comme nous l'avons constaté dans <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X23005092?ref=pdf_download&fr=RR-2&rr=848184a42c0160f6">une nouvelle étude</a>, les outils technologiques ont joué un rôle essentiel dans la lutte contre les menaces à la sécurité en mer dans les pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale. </p>
<p>Par exemple, le Nigeria a été désigné comme un foyer de la piraterie mais, en 2022, il a été <a href="https://www.vanguardngr.com/2022/05/nigeria-exits-nations-of-high-piracy-risks-robbery-in-international-waters-imu/#:%7E:text=For%20fighting%20Sea%20Piracy%20headlong%20through%20the%20Nigerian,has%20exited%20Nigeria%20from%20the%2020B%20Piracy%20List.">retiré de la liste</a> grâce, en grande partie, à l'utilisation de la <a href="https://guardian.ng/business-services/maritime/nigeria-delisted-from-sea-piracy-list-says-navy/">technologie</a>.</p>
<p>Les outils technologiques ont permis aux pays de gérer et de surveiller plus efficacement l'environnement marin. Ils favorisent également le partage d'informations entre les organismes chargés de l'application des lois. Cela a conduit à des opérations d'interception réussies et a permis de poursuivre des pirates dans la région.</p>
<h2>Les outils technologiques</h2>
<p>Les navires de <a href="https://www.imo.org/en/OurWork/Safety/Pages/AIS.aspx">cargaison</a> et de <a href="https://www.fao.org/3/w9633e/w9633e.pdf">pêche</a> sont tenus, en vertu du droit international, d'être équipés de systèmes qui transmettent des données indiquant où ils se trouvent. </p>
<p>Depuis la signature du code de conduite de Yaoundé, nous avons <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X23005092">découvert</a> que de nouvelles technologies utilisent désormais ces données de localisation pour aider les pays du golfe de Guinée à surveiller leurs eaux. </p>
<p>Des outils et des systèmes - tels que Radar, le système d'information régional de l'architecture de Yaoundé (<a href="https://www.gogin.eu/plateforme-yaris/">Yaris</a>), <a href="https://info.seavision.volpe.dot.gov/">Sea-Vision</a>, <a href="https://www.skylight.global/">Skylight</a> et <a href="https://globalfishingwatch.org/">Global Fishing Watch</a> - intègrent des informations provenant de divers systèmes de surveillance et de contrôle de la localisation, ainsi que des données satellitaires, afin d'identifier les comportements suspects. Cela a permis d'améliorer considérablement les efforts déployés pour lutter contre les menaces à la sécurité. </p>
<p>Les pays du Golfe de Guinée ont désormais une meilleure connaissance de l'activité des navires dans leurs eaux et sont en mesure de réagir en connaissance de cause dans les situations d'urgence, telles que la piraterie, les vols à main armée et les vols de pétrole. </p>
<p>Par exemple, en 2022, le <a href="https://shipsandports.com.ng/mt-heroic-idun-captain-issued-false-piracy-alert-says-gambo/">pétrolier Heroic Idun</a> a échappé à une arrestation au Nigeria pour comportement suspect, puis s'est rendu en Guinée équatoriale. Utilisant le système de l'architecture de Yaoundé, la Guinée équatoriale a retenu le navire à la demande du Nigeria et il a ensuite été <a href="https://www.reuters.com/world/africa/detained-oiltanker-equatorial-guinea-return-nigeria-officials-2022-11-11/">condamné à une amende</a>. </p>
<p>Sans le code de conduite de Yaoundé et les nouvelles technologies qu'il a introduites, le partage d'informations, la collecte de preuves et la coopération entre les pays n'auraient pas été possibles.</p>
<h2>Les avancées technologiques du Nigeria</h2>
<p>Le Nigeria est un exemple typique d'un pays où les investissements dans les infrastructures technologiques ont aidé à faire face aux menaces à la sécurité et au développement. </p>
<p>Au cours des trois dernières années, le Nigeria a déployé une série d'outils technologiques. Par exemple, la marine a déployé le <a href="https://www.defenceweb.co.za/sea/sea-sea/regional-maritime-awareness-capability-rmac-programme-rolling-out-across-africa/">Regional Maritime Awareness Capability facility</a>, qui reçoit, enregistre et distribue des données, ainsi que le système de surveillance de masse <a href="https://www.defenceweb.co.za/sea/sea-sea/nigeria-commissions-falcon-eye-maritime-domain-awareness-system/#:%7E:text=Nigeria%20has%20commissioned%20the%20Israeli-designed%20Falcon%20Eye%20maritime,July%20at%20the%20Nigerian%20Naval%20Headquarters%20in%20Abuja">Falcon Eye</a>.</p>
<p>L'Agence nigériane d'administration et de sécurité maritimes a également progressé grâce à son <a href="https://nimasa.gov.ng/president-buhari-launches-deep-blue-project-in-lagos/#:%7E:text=Le%20Projet%2C%20qui%20a%20%C3%A9t%C3%A9%20initi%C3%A9%20par%20le%20f%C3%A9d%C3%A9ral,les%20eaux%20nig%C3%A9rianes%20jusqu'au%20Golfe%20de%20Guin%C3%A9e.">projet Deep Blue</a>. Il s'agit notamment d'un centre de renseignements et de collecte de données qui travaille avec des navires de mission spéciale (comme des véhicules aériens sans pilote) pour prendre des mesures contre les menaces. </p>
<p>Depuis, le Nigeria a enregistré une <a href="https://www.icc-ccs.org/index.php/1342-new-imb-report-reveals-concerning-rise-in-maritime-piracy-incidents-in-2023#:%7E:text=Malgr%C3%A9%20la%20continuit%C3%A9%20de%20la%20restriction%20,deux%20%C3%A9quipes%20bless%C3%A9es%20en%2023">réduction</a> des actes de piraterie et des vols à main armée en mer. Autrefois désigné comme un point chaud de la piraterie, le pays a été <a href="https://nimasa.gov.ng/piracy-nigeria-removed-from-ibf-unsafe-waters-list/">retiré de la liste des points chauds</a> en 2022. </p>
<h2>Un optimisme prudent</h2>
<p>Il est évident que la technologie a un rôle important à jouer dans l'amélioration de la sûreté et de la sécurité en mer. Mais elle n'est pas sans poser des problèmes, comme nous l'avons identifié dans notre étude.</p>
<p>Tout d'abord, une dépendance excessive à l'égard des outils technologiques externes a entraîné un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X23005092?ref=pdf_download&fr=RR-2&rr=848184a42c0160f6#sec0035">manque d'appropriation</a> de la technologie. Cela affecte la durabilité des projets. Par exemple, lorsque le financement de l'UE pour YARIS expirera, les coûts d'exploitation seront transférés de l'UE aux États de l'architecture de Yaoundé. Mais les États régionaux n'ont toujours pas de plans clairs sur la manière de soutenir YARIS.</p>
<p>Deuxièmement, l'utilisation de la technologie nécessite des personnes disposant d'une expertise spécifique. Or, de nombreux pays n'ont pas les moyens de les embaucher ou ne produisent pas de ressources humaines dotées de cette expertise. Même lorsque le personnel a reçu une formation, il peut ne pas avoir accès aux outils (qui ne sont pas disponibles au niveau national) pour appliquer ce qu'il a appris. </p>
<p>Troisièmement, les systèmes de surveillance existants tels que le Système d'identification automatique (AIS) et le Système de surveillance des navires (VMS) peuvent être désactivés, une vulnérabilité que les criminels continuent d'exploiter. Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9286260/pdf/pone.0269490.pdf">systèmes radar</a> peuvent combler ces lacunes, mais la couverture RADAR est insuffisante le long des côtes. Dans le même ordre d'idées, la rareté des <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/data-center">centres de données</a> nationaux pour l'identification et le suivi des navires à longue distance (en raison d'un manque d'investissement) rend difficile l'utilisation de la technologie existante.</p>
<p>Cinquièmement, il existe des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308597X23005092?ref=pdf_download&fr=RR-2&rr=848184a42c0160f6#sec0025">défis</a> liés aux difficultés de communication, à l'absence de connexions internet à bord de certains navires ou à la faible vitesse de l'internet. </p>
<p>Enfin, les opérateurs privés comme l'industrie du transport maritime n'utilisent pas les services fournis par l'Architecture de Yaoundé. Cela semble lié à des considérations politiques et au manque de confiance dans les solutions régionales. </p>
<p>Les opérateurs de navires signalent plutôt les incidents à des agences extérieures à la région, telles que <a href="https://www.mica-center.org/en/agreements-supporting-the-action-of-the-mica-center/">Maritime Domain Awareness for Trade - Gulf of Guinea</a> (basée en France) ou le <a href="https://www.icc-ccs.org/icc/imb">Bureau maritime international</a> en Malaisie. Ces agences diffusent souvent des informations sans les confirmer auprès de l'architecture régionale, ce qui empêche les agences régionales de travailler efficacement.</p>
<p>Il est dans l'intérêt des pays de l'Atlantique de coopérer et de se coordonner pour relever les défis de la sécurité maritime. </p>
<p>La technologie peut jouer un rôle clé à cet égard. Mais il est essentiel que les pays améliorent leur savoir-faire technologique et veillent à ce que les partenaires extérieurs et les entreprises utilisent les services technologiques disponibles. Ce sera un grand pas vers un environnement maritime sûr et collaboratif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ifesinachi Okafor-Yarwood reçoit des fonds du Scottish Funding Council et du PEW Charitable Trust.</span></em></p>Les technologies sont essentielles pour contrer les menaces à la sécurité en mer dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest et du CentreIfesinachi Okafor-Yarwood, Lecturer, University of St AndrewsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2226562024-03-05T16:00:55Z2024-03-05T16:00:55ZExploitation minière en Afrique : enjeux fiscaux, sociaux et environnementaux<p>« La course est lancée » pour dominer la technologie des énergies propres, a déclaré Ursula von der Leyen, en mars 2023, lorsqu’elle a annoncé la mise en place du <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/">Règlement européen sur les matières premières critiques</a>, qui vise à réduire la dépendance actuelle de l’UE en matière d’approvisionnement en minerais critiques. Ce texte a été présenté en réponse à la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/linflation-reduction-act-americain-une-loi-mal-nommee/">loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis</a>, qui comprend notamment un engagement à accroître l’approvisionnement national en ces minerais essentiels.</p>
<p>Dans ce contexte de compétition entre grandes puissances, on peut craindre que certains impacts socio-économiques et environnementaux négatifs propres à l’industrie minière soient volontairement ignorés, dans un objectif de sécurisation rapide des ressources. Or, négliger ces questions pourrait compromettre les efforts déployés pour atténuer le changement climatique et protéger la biodiversité, et répéterait les erreurs du passé, avec une exploitation systématique des pays en développement réduits à la production de matières premières de base, comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres dans son <a href="https://news.un.org/en/story/2023/12/1144267">adresse aux dirigeants mondiaux</a> lors de la COP28.</p>
<h2>Un moment charnière</h2>
<p>La transition énergétique, qui vise à réduire, voire à remplacer un système utilisant les énergies fossiles par un nouveau mode de consommation centré sur les énergies renouvelables, implique un besoin accru de ressources minières, aussi appelées minerais critiques. La demande de ces minerais – lithium, cobalt, graphite, nickel et cuivre – <a href="https://www.iea.org/news/iea-critical-minerals-and-clean-energy-summit-delivers-six-key-actions-for-secure-sustainable-and-responsible-supply-chains">va exploser dans les années à venir</a>.</p>
<p>Le continent africain abrite de vastes ressources naturelles, <a href="https://theconversation.com/les-nouveaux-enjeux-de-lexpansion-miniere-en-afrique-220605">notamment minières</a>. Cependant, le nombre de pays pouvant prétendre produire une quantité significative de minerais critiques pour la transition énergétique est, au regard de l’état des réserves connues, <a href="https://theconversation.com/les-minerais-critiques-des-ambitions-pour-lafrique-220735">très restreint</a>. Contrairement au boom minier des minerais précieux qui se situait principalement en Afrique de l’Ouest, ce nouveau boom trouve son centre de gravité en Afrique centrale et australe : République démocratique du Congo (RDC) et Zambie pour le cuivre et le cobalt, Afrique du Sud et Zimbabwe pour le platine et le manganèse, ou encore Madagascar et Mozambique pour le graphite, le titane et les <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/289457-terres-rares-quels-enjeux-pour-la-france-et-leurope">terres rares</a>.</p>
<p><iframe id="gkknX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gkknX/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>C’est donc l’occasion pour ces pays de réexaminer les régimes fiscaux afin de favoriser une mobilisation plus efficace des recettes qui seront nécessaires pour assurer leur propre transition énergétique.</p>
<p>Contrairement au secteur pétrolier, où les pays et compagnies ont adopté principalement des accords de partage de la production (ou des revenus), dans le secteur minier c’est le régime de concession qui est prédominant. Dès lors, les États doivent développer la fiscalité pour récupérer une partie des revenus générés par l’exploitation minière. Le débat sur la politique fiscale optimale qui permettrait aux gouvernements africains de capter une « juste » part de la rente ressurgit donc suite à l’augmentation des cours de certains des minerais clés pour la transition énergétique.</p>
<p>Il est crucial de ne pas reproduire le cycle des années 2000. À cette époque, la vague de privatisations des années 1990 combinée à la hausse des prix des métaux en 2000 s’est traduite par une vague d’investissements, mais les administrations des États africains n’étaient pas préparées pour négocier avec les multinationales minières, et leurs codes miniers pas suffisamment bien conçus pour les aider à tirer un revenu décent de l’exploitation. En outre, ces pays ont offert des incitations fiscales de façon trop systématique dans le cadre des premières conventions minières négociées, qui n’ont que rarement permis aux gouvernements de percevoir les recettes attendues. Exemple révélateur de cette asymétrie : <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2011/02/COLOMA/20108">« les contrats chinois »</a> conclus entre Pékin et Kinshasa entre 2007 et 2008 pour plusieurs milliards de dollars.</p>
<h2>Depuis 2010, un processus de rééquilibrage des intérêts</h2>
<p>Les pays producteurs de minerais, critiques ou pas, ont entrepris depuis 2010 des processus d’élaboration de <a href="https://www.ictd.ac/fr/publication/la-fiscalite-miniere-en-afrique-quelle-evolution-recente-en-2018/">nouveaux codes miniers</a> afin de rééquilibrer les intérêts de l’ensemble des parties concernées.</p>
<p>Les redevances minières sont en hausse (elles sont généralement versées aux collectivités locales plutôt qu’à l’État central). Par ailleurs, les taux sont de plus en plus variables ou progressifs en fonction du cours des matières premières. En moyenne, les taux de l’impôt sur les sociétés pour le secteur minier restent généralement inférieurs aux taux du régime général, mais on observe une moindre pratique des exonérations dans le cadre des conventions minières (il est préférable d’avoir un <a href="https://ferdi.fr/publications/analyse-comparee-des-cadres-legislatifs-et-conventionnels-de-la-fiscalite-aurifere-en-afrique-de-l-ouest">taux moindre mais effectivement appliqué)</a>.</p>
<p>La gratuité des participations pour les États est plus fréquente, ce qui permet à ces États de recevoir des dividendes, mais aussi des informations sur l’exploitation de la mine qui peuvent être utiles pour déterminer la rentabilité réelle du projet et donc la taxation appropriée.</p>
<p>On constate enfin une résurgence de l’impôt sur la rente, qui permet de compenser les pertes liées aux sous-estimations (intentionnelles ou non) du potentiel des prix des minerais par les compagnies.</p>
<p>Dans l’ensemble, les <a href="https://ferdi.fr/publications/analyse-la-fiscalite-miniere-augmente-en-afrique">impôts ont augmenté</a> ; cependant, toute augmentation du taux d’imposition ne garantit pas que les recettes seront effectivement perçues.</p>
<h2>Etat des lieux au cours de la dernière décennie</h2>
<p>Les recettes du secteur minier en Afrique demeurent pourtant inférieures à leur potentiel. Le <a href="https://jaga.afrique-gouvernance.net/_docs/app_ar2013_fr_summary_hi_res_final.pdf">rapport du Africa Progress Panel (2013)</a> avait déjà attiré l’attention de la communauté internationale sur ce paradoxe coûteux pour la mobilisation des ressources intérieures en Afrique. <a href="https://www.ictd.ac/fr/publication/quavons-nous-appris-au-sujet-de-la-taxation-des-activites-minieres-en-afrique/">Lundstøl & Moore, en 2016</a>, soulignent que le chiffre d’affaires du secteur a été multiplié par 4,6 pendant le dernier boom 2000-2010 tandis que les recettes fiscales, elles, n’ont été augmentées que d’un facteur de 1,15.</p>
<p>Force est de constater que sur la période 2010-2020 les choses ne se sont guère améliorées. En effet, on observe que les recettes fiscales sont toujours significativement plus faibles que les rentes minières issues de l’extraction : elles sont de deux à cinq fois moins importantes sur 2010-2019.</p>
<p><iframe id="Q5yRz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Q5yRz/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<h2>Les défis de la fiscalité minière</h2>
<p>Ainsi, réviser les codes miniers ne suffit pas et peut même se révéler contreproductif car les fréquents changements de niveaux de taxation peuvent représenter une difficulté pour les investisseurs et les faire fuir.</p>
<p>Car si la baisse des recettes minières s’explique en partie par la baisse des cours des minerais jusqu’à 2019, elle résulte également des défis récurrents de la fiscalité minière :</p>
<ul>
<li><p>la faible capacité des administrations fiscales et minières dans les pays ;</p></li>
<li><p>la course au moins-disant fiscal que se livrent toujours les économies du continent ;</p></li>
<li><p>la non-imposition du secteur artisanal, qui joue un rôle important dans minerais de la transition ;</p></li>
<li><p>les clauses de stabilisation dans les conventions passées figeant les dispositions fiscales sur des périodes de 10 à 30 ans et rendant inopérantes les nouvelles dispositions fiscales.</p></li>
</ul>
<h2>Le problème de l’évasion fiscale</h2>
<p>L’optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales, qui leur permet de réduire les profits déclarés dans les pays à taux d’imposition élevés pour les transférer dans des pays à taux d’imposition privilégiés, reste le défi principal.</p>
<p>Plusieurs études ont montré la relation qui existe entre les taux d’imposition et le niveau de profits des entreprises minières. En particulier, <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/01/15/Is-There-Money-on-the-Table-Evidence-on-the-Magnitude-of-Profit-Shifting-in-the-Extractive-49983">Beer and Devlin (2021)</a> montrent qu’une augmentation du taux d’impôt sur les bénéfices de 1 % entraîne une réduction de l’assiette de ce même impôt de 3,5 %. En 2021, le <a href="https://www.letemps.ch/economie/compagnies-minieres-ne-paient-assez-dimpots-afrique">FMI indiquait</a> que 15 pays d’Afrique perdaient entre 450 et 730 millions de dollars par an en recettes fiscales sur le revenu des sociétés, en raison du transfert de bénéfices par les entreprises multinationales.</p>
<p>Parmi les techniques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, la plus fréquemment utilisée dans le secteur minier est l’abus des règles sur les prix de transfert. Les entreprises vendant le minerai à leur filiale à l’étranger pour le transformer peuvent effectuer cette opération à un prix inférieur au cours réel afin de diminuer le profit, et donc le prélèvement, dans le pays d’origine. Il existe aussi d’autres techniques aux résultats similaires comme la surévaluation des coûts d’investissement, le surendettement auprès de sociétés affiliées, le chalandage fiscal (<a href="https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/433-5">Kinda and Tagem,2023</a>) et les transferts indirects de titres miniers (<a href="https://www.elibrary.imf.org/view/journals/087/2021/022/087.2021.issue-022-en.xml">Albertin et coll., 2021</a>).</p>
<h2>Mise en place de standards sur les prix de transfert et de prix plancher</h2>
<p>Des avancées ont été réalisées par la communauté internationale, notamment à travers les actions de lutte contre l’érosion de la base d’imposition via le <a href="https://www.igfmining.org/resource/determining-price-minerals/">transfert de bénéfices (BEPS-OCDE) et les standards sur les prix de transfert</a>.</p>
<p>Par exemple, pour déterminer le prix de vente du cuivre entre parties liées, la Zambie a adopté ce que l’on appelle la « sixième méthode », qui utilise des prix cotés publics, ajustés en fonction des conditions précises de la vente, pour calculer le produit de la vente aux fins de l’impôt sur les bénéfices. L’autorité fiscale zambienne (ZRA) <a href="https://oecd-development-matters.org/2020/11/12/victoire-historique-devant-la-cour-supreme-en-zambie--des-milliards-de-dollars-us-en-recettes-fiscales-supplementaires-et-un-message-par-dela-les-frontieres/">a remporté une bataille judiciaire</a> contre une filiale de Glencore, Mopani Mining Copper plc, qui pratiquait abusivement la manipulation des prix de transfert sur le cuivre pour éviter l’imposition.</p>
<h2>Renégociation des contrats miniers</h2>
<p>En mai 2023, les autorités congolaises ont lancé la <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230526-quel-avenir-pour-le-contrat-du-si%C3%A8cle-entre-la-rdc-et-la-chine">renégociation du fameux contrat du siècle</a> (dit Mines contre infrastructures) signé en 2007, qui prévoyait plus de 6 milliards de dollars d’investissements chinois en échange d’accès aux mines de cobalt et de cuivre.</p>
<p>Or, quinze ans après, les résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous. <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240130-la-rdc-obtient-5-8-millliards-suppl%C3%A9mentaires-dans-le-contrat-du-si%C3%A8cle-avec-les-entreprises-chinoises">Ces négociations ont abouti en février 2024</a> et les autorités congolaises ont obtenu 5,8 milliards USD de surplus dans les négociations avec le groupement d’entreprises chinoises signataires de l’accord, cependant ce groupement voit les quelque 100 millions USD d’exonération maintenus.</p>
<h2>L’exemple de la Copperbelt – révélateur des tensions entre le développement économique…</h2>
<p>La <a href="https://www.britannica.com/place/Copperbelt-region-Africa">Copperbelt</a> désigne une zone géologique riche en gisements de cobalt et de cuivre, située à cheval entre le sud de la République démocratique du Congo (RDC) et le nord de la Zambie. Grâce à l’extraction qui y est conduite, la RDC est de loin le premier producteur de cobalt, avec près de 70 % de la production mondiale. Le pays est aussi (re)devenu un très important producteur de cuivre.</p>
<p>En dépit de son importance pour la production mondiale de minerais critiques, cette zone comporte de grandes fragilités. Le secteur ne crée pas suffisamment de valeur économique pour réduire durablement la pauvreté. Depuis les années 2000, on assiste dans la région à une forte croissante démographique en raison de la forte attractivité économique des mines et donc de la main-d’œuvre disponible, que l’économie de la zone peine à intégrer.</p>
<p>En effet, bien que les mines de la région nécessitent annuellement plus de <a href="https://rue.bmz.de/resource/blob/75700/f832381629ad21dc7f2d16f2a06b227a/lion-in-the-copperbelt-data.pdf">2 milliards de dollars</a> de biens et services pour leur fonctionnement : électricité, carburant, pièces de rechange ou produits chimiques. Mais le partage de la valeur économique avec les populations locales reste limité.</p>
<p>Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. On citera en particulier le manque d’intégration des fournisseurs locaux au sein de cet écosystème minier, en particulier pour les produits et services à forte valeur ajoutée. On pourra aussi noter les difficultés économiques et technologiques rencontrées par ces pays qui rendent compliquée la production locale de produits à plus forte valeur ajoutée par exemple, des batteries. Enfin, la zone est notoirement enclavée et éloignée de certains des principaux poumons économiques des deux pays, ce qui constitue un frein supplémentaire au développement industriel.</p>
<h2>… et la protection de l’environnement</h2>
<p>La Copperbelt est intégralement localisée au sein de l’écorégion du Miombo zambézien central, un environnement hébergeant une importante biodiversité florale et animale. Les pressions exercées par l’extraction du cuivre et du cobalt peuvent être classées en deux catégories d’impacts :</p>
<ul>
<li><p>Les impacts directs renvoient à la surface nécessaire à l’extraction des minerais et aux infrastructures associées, impliquant l’inévitable défrichement de la zone ainsi que la production de déchets miniers ;</p></li>
<li><p>L’impact indirect, généré par l’attractivité des villes minières, qui implique le développement d’activités économiques de subsistance comme l’agriculture ou la production de charbon de bois, qui ont un impact direct sur l’état des forêts.</p></li>
</ul>
<p>Le grand nombre de mines industrielles et artisanales dans cette région rend inévitables les dommages environnementaux directs comme la déforestation des sites d’extraction, et la production de déchets miniers ou indirects via le développement de l’agriculture pour répondre aux besoins d’une population croissante et au développement des mines artisanales (la zone hébergerait aussi plus de <a href="https://www.bgr.bund.de/EN/Themen/Min_rohstoffe/Downloads/studie_BGR_kupfer_kobalt_kongo_2019_en.pdf?__blob=publicationFile&v=3">100 000 mineurs artisanaux</a>).</p>
<p>Bien que cette zone comporte de nombreuses aires protégées, la combinaison des dynamiques démographiques et minières semble compromettre les efforts de conservation de l’environnement mis en place par les gouvernements. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19475705.2021.2017021">De récents travaux</a> suggèrent que les aires protégées à proximité des sites miniers sont largement dégradées par les activités humaines.</p>
<h2>Initiatives internationales</h2>
<p>Les pays ont tout intérêt à retirer des bénéfices et à se mêler de l’exploitation minière pour prendre soin et protéger des zones comme celle de la Copperbelt.</p>
<p>Il existe de nombreuses initiatives internationales pour les accompagner : <a href="https://www.icmm.com/fr/societe-et-economie/gouvernance-et-transparence/l-initiative-relative-a-la-transparence-des-industries-extractives">l’Initiative sur la transparence des industries extractives</a> et <a href="https://www.igfmining.org/">l’Intergovernmental Forum on Mining, Minerals, Metals and Sustainable Development</a> (IGF) pour les aspects gouvernance et fiscalité, l’<a href="https://responsiblemining.net/">Initiative for Responsible Mining Assurance</a> (IRMA) et la <a href="https://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise/mne/mining.htm">Due Diligence Guidance for Responsible Supply Chains of Minerals from Conflict-Affected and High-Risk Areas</a> de l’OCDE pour les aspects environnementaux et sociaux.</p>
<p>Ainsi c’est forte des conseils et de l’assistance technique du Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), de l’OCDE et du Groupe de la banque mondiale que l’administration fiscale de la Zambie a <a href="https://oecd-development-matters.org/2020/11/12/victoire-historique-devant-la-cour-supreme-en-zambie--des-milliards-de-dollars-us-en-recettes-fiscales-supplementaires-et-un-message-par-dela-les-frontieres/">bâti son argumentaire</a> de manière à faire valoir que Mopani Mining Copper plc avait vendu son cuivre à Glencore International AG à bas prix, minorant de cette façon son bénéfice imposable et, donc, l’impôt dont elle était redevable.</p>
<p>De même, en mai 2022, le gouvernement guinéen a travaillé avec l’IGF et l’OCDE pour <a href="https://www.igfmining.org/impactstory/guinea-bauxite-reference-price/">établir un prix minimum de la bauxite</a> que les sociétés minières devraient appliquer dans leurs ventes aux sociétés affiliées dans des conditions économiques normales. Ce « prix de référence » est entré en vigueur en septembre 2022.</p>
<p>Afin d’éviter les « injustices et l’extractivisme » du passé de l’exploitation des ressources naturelles, les dirigeants africains appellent à un meilleur contrôle de l’extraction des minéraux et des métaux nécessaires à la transition vers une énergie propre. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2024/feb/28/african-leaders-call-for-equity-over-minerals-used-for-clean-energy">Une résolution</a> en faveur d’un changement structurel favorisant un partage équitable des bénéfices de l’extraction, soutenu par un groupe de pays principalement africains, dont le Sénégal, le Burkina Faso, le Cameroun et le Tchad, a été présentée mercredi 28 février 2024 à l’assemblée environnementale des Nations unies à Nairobi et appelle à l’utilisation durable des minerais de transition.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire le chapitre qui y est consacré dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harouna Kinda et Julien Gourdon ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>En Afrique, le secteur minier est en plein boom, en bonne partie du fait de son rôle central dans la transition énergétique. Mais la hausse de l’extraction s’accompagne de nombreux défis.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Harouna Kinda, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche, Université Clermont Auvergne (UCA)Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227732024-03-05T16:00:36Z2024-03-05T16:00:36ZLes mycotoxines dans les céréales et autres aliments : une menace pour la santé, un défi pour la sécurité alimentaire<p>C’est quoi les mycotoxines, en bref ? Les <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mycotoxins">mycotoxines</a> sont des molécules naturelles toxiques susceptibles de contaminer les aliments. Elles sont sécrétées par des champignons ubiquitaires microscopiques tels que <em>Penicillium</em>, <em>Aspergillus</em> ou <em>Fusarium</em>, entre autres. Communément appelées moisissures, elles prospèrent dans des environnements chauds et humides, rendant les pays au climat tropical particulièrement vulnérables.</p>
<p>Les mycotoxines posent des risques sérieux pour la santé humaine et animale, ainsi que des <a href="https://publications.iarc.fr/_publications/media/download/1378/cf18c35802429a1f50a2d434340e848cb6d26f28.pdf">pertes économiques considérables</a> (du fait des récoltes détruites mais aussi de problèmes de santé animale et humaine).</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/toxicite-66344">toxicité</a> des mycotoxines va de <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mycotoxins">symptômes aigus à des maladies chroniques graves</a>. Certaines mycotoxines comme les aflatoxines, les ochratoxines et les fumonisines, sont particulièrement problématiques car fréquemment présentes dans l’alimentation et <a href="https://doi.org/10.1016/j.toxicon.2020.04.101">toxiques même à faible dose</a>.</p>
<p>Difficilement détectables à l’œil nu, l’identification et la quantification des mycotoxines dans les produits alimentaires s’effectuent essentiellement en laboratoire.</p>
<h2>Dans les céréales, fruits à coque, épices, aliments pour animaux</h2>
<p>Les microorganismes qui produisent les mycotoxines ont la particularité de pouvoir se développer sur différentes cultures, à deux moments clés : dans les champs, lorsque les conditions climatiques sont favorables à leur croissance (chaleur et humidité importantes) ; et après récolte, pendant le stockage des denrées alimentaires.</p>
<p>Ces contaminants toxiques peuvent se retrouver dans <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-mycotoxines">divers aliments de base</a>, tels que les céréales, les fruits à coque, les épices, etc. mais également dans les aliments pour animaux ou dérivés des animaux (lait, viande).</p>
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<p>La présence de mycotoxines dans l’alimentation est un problème de santé publique majeur qui nécessite une attention urgente. Malgré leur impact significatif sur la santé mondiale, les mycotoxines restent méconnues du grand public et des autorités, en particulier dans les pays les moins avancés. Il est donc crucial de sensibiliser davantage les populations à cette menace invisible dans notre chaîne alimentaire pour limiter l’exposition humaine et animale.</p>
<h2>Une situation maîtrisée en France et en Europe</h2>
<p>En Europe et en Amérique du Nord, des réglementations strictes limitent la présence de mycotoxines dans les aliments. Cependant, de nombreux autres pays, notamment en Afrique, n’ont pas de limites réglementaires pour les mycotoxines, ce qui expose les populations vulnérables à des <a href="https://doi.org/10.3390/toxins15090583">risques sanitaires et économiques</a>.</p>
<p>En France, un système de traçabilité efficace et des seuils réglementaires stricts assurent la sécurité des consommateurs. Les produits contaminés sont rapidement <a href="https://rappel.conso.gouv.fr/categorie/0/1/mycotoxines">retirés du marché</a>.</p>
<h2>Des épidémies silencieuses en Afrique</h2>
<p>Parmi les problèmes majeurs qui entravent la sécurité alimentaire en Afrique, la contamination des aliments par les mycotoxines est considérée comme l’un des principaux dangers. Les épidémies de mycotoxicoses récentes, telles que l’ergotisme ou l’aflatoxicose, ont des <a href="https://doi.org/10.3390/toxins14070442">taux de mortalité élevés</a>. En Afrique, les cultures de base, notamment le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ma-s-36047">maïs</a>, les arachides, le sorgho et le mil, sont souvent fortement contaminées par une ou plusieurs mycotoxines.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que <a href="https://www.who.int/docs/default-source/resources/the-need-for-integrated-approaches-to-address-food-safety-risk---the-case-of-mycotoxins-in-africa-en.pdf">plus de 500 millions de personnes dans le monde, principalement en Afrique subsaharienne, sont exposées à des niveaux dangereux de mycotoxines</a>. Les conditions climatiques, les pratiques agricoles et les systèmes de stockage des aliments contribuent à ce problème. Les fortes pluies, les températures élevées et l’humidité favorisent la croissance des champignons producteurs de mycotoxines.</p>
<p>Les exemples qui suivent, non exhaustifs et qui relatent des épidémies survenues au XXI<sup>e</sup> siècle, illustrent l’ampleur et la persistance de l’enjeu lié aux métabolites fongiques (c’est-à-dire issus des champignons) dans les cultures et les produits alimentaires africains.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://doi.org/10.1081/TXR-120024094">mort de 12 personnes dans le district de Meru North au Kenya en 2001</a> a été attribuée à la consommation de grains de maïs contaminés par l’aflatoxine.</p>
<p>Pour cette même raison, plus tard, en 2004, le Kenya a connu l’un des <a href="https://doi.org/10.1128/AEM.02370-06">épisodes les plus graves d’intoxications humaines jamais enregistrés dans l’histoire des mycotoxines</a>. Cette épidémie aiguë a provoqué 125 décès sur 317 cas signalés au 20 juillet 2004, soit un taux de mortalité de 39 %.</p>
<p>Malheureusement, l’épidémie d’aflatoxicose s’est poursuivie au cours des années suivantes (2005-2008 et 2010), en particulier chez les agriculteurs de subsistance d’Afrique de l’Est. Il s’agit d’agriculteurs dont la production est essentiellement destinée à les nourrir eux-mêmes ainsi que leur famille, sans qu’ils puissent dégager de surplus commercialisable.</p>
<p>Une étude approfondie menée dans l’est du Kenya a révélé que <a href="https://doi.org/10.1289/ehp.1003044">plus de 470 cas d’empoisonnement étaient survenus entre 2004 et 2010</a> à la suite de l’ingestion d’aliments contaminés par l’aflatoxine, avec un taux de mortalité de 40 %.</p>
<p>Plus récemment, une <a href="https://doi.org/10.3920/WMJ2018.2344">épidémie d’aflatoxicose a été signalée entre mai et novembre 2016 en Tanzanie centrale</a>, entraînant un taux de mortalité de 30 %.</p>
<p>Bien que ces cas aient été largement documentés, la possibilité que ces chiffres soient sous-estimés est élevée. En effet, l’inadéquation ainsi que le manque d’organisation du système de suivi coordonné et de la surveillance médicale conduisent souvent à de nombreux cas non signalés.</p>
<p>Il convient de noter que la grande majorité des foyers de mycotoxicoses documentés en Afrique ne concerne que celles dues aux aflatoxines, malgré le large éventail d’autres mycotoxines qui contaminent les denrées alimentaires. Ces intoxications aiguës ne sont donc que la partie émergée de l’iceberg.</p>
<h2>Des causes climatiques, agricoles et individuelles</h2>
<p>La lutte contre les mycotoxines pose de nombreuses difficultés en raison de la multiplicité des facteurs à prendre en compte. Ces contaminations résultent de l’interaction de causes climatiques, agricoles et individuelles, dans un contexte où les données scientifiques et les moyens de détection restent insuffisants.</p>
<p>Pour prévenir les contaminations, plusieurs méthodes existent : en champs, entre autres, recourir à des rotations de cultures et utiliser des variétés résistantes ; pour le stockage, éviter les lieux chauds et humides, bien aérer les moissons ou récoltes, etc.</p>
<p>Mais le changement climatique pourrait aggraver le problème des mycotoxines en Afrique, en créant des conditions encore plus favorables aux moisissures, <em>via</em> une alternance de sécheresses et de fortes précipitations.</p>
<p>Il s’agit de gérer un aléa sanitaire dont les effets sur le long terme sont mal cernés. Une approche pluridisciplinaire, systémique et concertée est nécessaire pour une maîtrise durable de ce problème. Les épidémies passées soulignent la nécessité de renforcer la surveillance et le contrôle de la contamination par les mycotoxines, de développer des techniques de culture et de stockage adaptées, d’intensifier les programmes de détection et de sensibiliser la population aux risques de consommation de produits contaminés.</p>
<h2>L’urgence : produire des données sur les mycotoxines en Afrique</h2>
<p>Les mycotoxines sont un problème mondial, particulièrement grave dans les pays moins avancés, notamment en Afrique, où la surveillance et le rappel des produits contaminés sont insuffisants. Les seuils réglementaires sont souvent inexistants ou plus élevés, et la traçabilité des aliments est déficiente, contribuant aux épidémies régulières. Le manque de données sur la contamination, la toxicité et l’exposition aux mycotoxines entrave l’établissement de réglementations protectrices.</p>
<p>La production de ces données est essentielle pour identifier les mycotoxines les plus dangereuses. Mais elle dépend de la disponibilité de fonds de recherche, d’installations technologiques et d’une main-d’œuvre qualifiée, souvent inadéquats ou inexistants dans les pays les moins avancés.</p>
<h2>À terme, réduire de l’impact sanitaire et socio-économique sur les populations vulnérables</h2>
<p>Ainsi, nos travaux de recherche se concentrent sur la compréhension des facteurs favorisant la croissance de moisissures produisant des mycotoxines, mais aussi l’identification de mycotoxines locales, l’évaluation de la contamination des cultures, ainsi que l’estimation de l’exposition et des risques sanitaires des populations.</p>
<p>Ces travaux visent à produire des données fiables au niveau local, en étroite collaboration avec les chercheurs africains. L’objectif est de co-concevoir avec les parties prenantes africaines des solutions adaptées, telles que des méthodes de détection et de prévention durables. Il s’agit également de renforcer les capacités analytiques nationales et de coopérer avec la recherche internationale selon une logique de co-développement.</p>
<p>Ces efforts de recherche viendront fournir une base factuelle solide aux pays africains pour élaborer des réglementations nationales efficaces. L’objectif final est de réduire de manière durable l’impact sanitaire et socio-économique des mycotoxines sur les populations vulnérables du continent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohamed Haddad a reçu des financements de l'IRD et de l'Université Toulouse 3 Paul Sabatier</span></em></p>En Europe, des réglementations strictes limitent la présence de mycotoxines dans les aliments. Mais en Afrique, des épidémies et des décès sont liés à la consommation de céréales contaminées.Mohamed Haddad, Chercheur, chimiste des produits naturels, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246552024-03-04T16:59:23Z2024-03-04T16:59:23ZInjustice climatique : qu’est-on en droit d’exiger des pays du sud ?<p>Dans un papier publié dans <em>Finance Research Letters</em> en 2021 avec ma collègue Sana Ben Abdallah intitulé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1544612321000453">« African firm default risk and CSR »</a>, nous mettions en évidence un lien entre le risque de défaut de l’entreprise africaine et sa stratégie environnementale. La stabilité des entreprises africaines est tributaire de la mise en œuvre d’une approche de développement durable. Bref, la performance environnementale de l’entreprise africaine a un coût et un impact sur sa stabilité. Les conséquences des risques climatiques ne peuvent donc pas être neutres sur la stabilité des entreprises du continent.</p>
<p>Or les émissions de CO<sub>2</sub> des pays riches sont comme le nuage de Tchernobyl : elles ne s’arrêtent pas aux frontières. Elles atteignent les pays pauvres et ont un impact significatif sur leur territoire. C’est ce qu’on appelle l’injustice climatique : le fait que les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles sont généralement ceux qui ont le moins pollué.</p>
<p>L’Afrique, par exemple, contribue à <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?end=2020&locations=ZG&start=1990&view=chart">3 % des émissions mondiales de CO₂</a>. Et pourtant l’Afrique souffre de chaleurs extrêmes, de sécheresse, d’inondations, de cyclones, de tsunamis… dont elle n’est pas à l’origine. À cela s’ajoute que certaines zones, au Mali ou au Niger, sont <a href="https://www.criirad.org/wp-content/uploads/2017/08/uranium-criirad-bamako-fr.pdf">totalement irradiées</a>. Les maladies s’y étendent du fait des extractions massives d’uranium dans des conditions de sécurité précaires. La déforestation continue à défigurer le milieu naturel. À long terme, ces externalités négatives peuvent avoir un « effet boomerang » sur l’humanité entière.</p>
<p>Les États-Unis ont ainsi contribué à environ 17 % du réchauffement climatique entre 1850 et 2021. En revanche, l’Inde a contribué à hauteur de 5 % au réchauffement climatique au cours de cette période, bien que le pays ait une population bien plus nombreuse que les États-Unis. Au total, les pays du G20 ont contribué, jusqu’à présent, aux trois quarts environ du réchauffement climatique.</p>
<p><iframe id="JTuVP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JTuVP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces changements violents sont également en train d’affecter la trajectoire de croissance du continent africain. Une baisse de la productivité agricole de 30 % apparaît comme une hypothèse plausible. Chaque catastrophe en Afrique conduit immédiatement à une hausse estimée selon les sources à 20 % de l’insécurité alimentaire. Si on ne fait rien, c’est une <a href="https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties">baisse d’au moins 30 % du PIB</a> à laquelle il faut s’attendre d’ici à 2050 sur la base des données du Fonds monétaire international (FMI).</p>
<h2>Le choc du MACF pour l’Afrique</h2>
<p>L’impact environnemental ne peut donc pas se mesurer de la même façon dans les pays industrialisés et dans les pays émergents. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, on ne peut pas demander les mêmes efforts à la France et à l’Afrique du Sud, à l’Allemagne et au Brésil.</p>
<p>Or les pressions, les normes et les standards écologiques des pays riches sont fort contraignants pour les pays pauvres. Pourtant une transition écologique rapide est exigée comme en témoignent certaines conclusions de la COP 28 ou certaines directives et instruments réglementaires de l’Union européenne.</p>
<p>Prenons le cas du <a href="https://theconversation.com/concilier-ambition-climatique-et-concurrence-mondiale-quel-role-pour-le-mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-212927">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) adopté par le Conseil de l’Union européenne (UE) qui est entré dans une phase d’essai le 1<sup>er</sup> octobre 2023 pour un démarrage effectif en 2026 : il s’agit d’un véritable choc pour l’Afrique partenaire commercial des Vingt-Sept. Le MACF exige des entreprises européennes de déclarer la teneur en carbone de leurs importations (acier, fer, ciment, aluminium, engrais, hydrogène, etc.).</p>
<p>Ce mécanisme imposera donc une taxe sur le CO<sub>2</sub> émis pour leur fabrication hors UE. Le résultat attendu serait une moindre compétitivité des exportations africaines et donc un frein à la croissance. Ironie du sort, l’Afrique aura, au bilan, moins de moyens pour assurer le financement de sa transition écologique. Or, l’Afrique est aujourd’hui face à une équation difficile mais pas impossible à résoudre : elle doit encourager la croissance <a href="https://www.uneca.org/fr/stories/les-six-principales-priorit%C3%A9s-de-l%E2%80%99afrique-%C3%A0-la-cop28">sans alimenter les émissions de CO₂</a>.</p>
<h2>Le risque de l’ethnocentrisme</h2>
<p>Le <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethnocentrisme/31406">dictionnaire Larousse</a> définit l’ethnocentrisme comme :</p>
<blockquote>
<p>« [La] tendance à privilégier les normes et valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés. »</p>
</blockquote>
<p>Or la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociétale des entreprises</a> (RSE) et plus généralement la transition écologique sont souvent lues sous le prisme des pays riches qui semblent en détenir les clés et les stratégies. Les centres de décision en la matière sont encore situés dans l’hémisphère nord. Ces enjeux ne peuvent pourtant pas se conjuguer au singulier mais doivent être abordés de manière ouverte sur un monde pluriel.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> de fin 2023 à Dubaï devait être l’élément correcteur de cet ethnocentrisme par une écoute plus attentive des pays les plus vulnérables. L’annonce très espérée d’un fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays pauvres pourrait être un pas positif et certainement décisif pour une meilleure compréhension mutuelle et une correction de l’injustice climatique.</p>
<p>Or, depuis 2009, le Nord fait patienter le Sud. Rien n’est réglé pour l’heure. Seules des promesses de financement sont annoncées. Comment éviter alors la <a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">fracture du monde entre l’Occident et les pays du Sud</a> ?</p>
<h2>La piste des obligations vertes</h2>
<p>En attendant les fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays pauvres, une partie de la solution à la crise climatique dans les pays émergents pourrait être les <a href="https://theconversation.com/comment-les-obligations-vertes-peuvent-elles-gagner-en-legitimite-162707">obligations vertes</a>. Cette finance s’appuie sur une levée de fonds pour des projets respectueux de l’environnement, comme les énergies renouvelables ou les transports propres.</p>
<p>La plupart des obligations vertes de l’Afrique ont été <a href="https://www.afdb.org/fr/news-keywords/green-bonds-program">émises par la Banque africaine de développement</a> (BAD). Le Maroc, l’Égypte, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud sont parmi les plus dynamiques. Les fonds collectés visent à se protéger notamment de la montée du niveau de la mer ou encore soutenir des projets d’énergie solaire.</p>
<p>Pour le moment les obligations vertes émises en Afrique ne représentent qu’une petite partie du marché obligataire mondial et 0,17 % du total des émissions mondiales sur la période 2014-2022, l’équivalent de 2 136 milliards de dollars. En Amérique latine, cette part ne représente que 1,76 % sur la même période. Les émissions mondiales sont dominées par l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord à plus de 70 %. Elles présentent un réel potentiel pour aider les pays en développement à évoluer vers des économies plus vertes et plus égalitaires mais la profondeur du marché reste faible.</p>
<p><iframe id="S1zzD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S1zzD/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les autres solutions financières peuvent concerner les fonds de la diaspora africaine qui s’élèvent à <a href="https://www-statista-com.skema.idm.oclc.org/statistics/962857/remittances-to-sub-saharan-african-countries/">presque 100 milliards de dollars</a> US en 2021. Il s’agit d’une opportunité pour les banquiers africains. Le montage serait le suivant. Les banques collectent et transforment une partie de cette manne en crédits verts financés par des encouragements des États grâce aux Fonds de compensation des pays riches.</p>
<h2>La solution n’est pas que financière</h2>
<p>À moyen et long terme, la transition écologique exige tout un écosystème à mettre en place dans les pays pauvres concernés. Il passe par trois éléments clés.</p>
<p>L’éducation et la certification en économie et finance verte et durable. Cela consiste à former de vrais spécialistes des risques climatiques et de la transition écologique et numérique dans des programmes spécialisés au sein des universités en relation avec la recherche en cours.</p>
<p>L’implication de la société civile, des ONG, des think tanks. En Afrique, par exemple, un Observatoire africain de la finance durable semble plus qu’utile pour unifier et adapter les réglementations internationales en cours. De même que des Conseils nationaux de la RSE réunissant toutes les parties prenantes semblent plus qu’utiles pour accompagner et dessiner des stratégies nationales cohérentes face aux exigences de l’Europe.</p>
<p>La recherche d’instruments de mesure d’impact à l’adresse des entreprises, des banques et des organisations afin de mesurer les progrès en matière de développement durable. Cette métrique mérite d’être adaptée aux entreprises des pays émergents afin que la transition E-S-G (environnement-social-gouvernance) évite tout ethnocentrisme et toute injustice. Cette contextualisation devrait en effet <a href="http://spiscore.com/home">tenir compte du S et du G</a> dans des pays qui subissent des impacts sur le E, sans en être véritablement responsables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dhafer Saidane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles sont généralement ceux qui ont le moins pollué depuis 1850.Dhafer Saidane, Full Professor - Head of the Msc Corprate Financial Management - Lille and Suzhou, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244702024-03-04T16:58:50Z2024-03-04T16:58:50ZItalie : le « Plan Mattei », nouvelle politique africaine du gouvernement Meloni ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578718/original/file-20240228-18-vpmz5c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2496%2C1661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Giorgia Meloni (debout) s'adresse aux participants du sommet Italie-Afrique à Rome le 29 janvier 2024.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.giorgiameloni.it/gallery/italia-africa/">Site officiel de Giorgia Meloni</a></span></figcaption></figure><p>Le 29 janvier 2024, dans le cadre de la présidence italienne du G7, le gouvernement italien a organisé à Rome une <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20240129-l-italie-accueille-un-sommet-avec-l-afrique-pour-y-pr%C3%A9senter-son-new-deal">conférence Italie-Afrique</a>. Ce sommet, qui a réuni 26 chefs d’État et de gouvernement africains ainsi que de nombreuses délégations, représente un succès notable pour le gouvernement de Giorgia Meloni, qui a réussi non seulement à s’assurer d’une bonne représentation des autorités africaines mais aussi à associer à la manifestation des responsables européens de premier plan, Ursula von der Leyen en tête, ainsi que les principales agences des Nations unies.</p>
<p>Mais au-delà de cet affichage réussi, il convient de <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/plan-mattei-gouvernement-meloni-vers-une-politique-africaine-pour-italie-2024">se poser la question de la substance de cette politique africaine</a>.</p>
<h2>Une simple opération de communication ?</h2>
<p>Dès son discours d’investiture en octobre 2022, Giorgia Meloni avait surpris en annonçant un <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/plan-mattei-gouvernement-meloni-vers-une-politique-africaine-pour-italie-2024">« Plan Mattei pour l’Afrique »</a>, présenté comme un modèle vertueux de collaboration et de croissance entre l’Union européenne et les nations africaines.</p>
<p>L’évocation d’Enrico Mattei (1906-1962) comme figure tutélaire illustre la dimension de communication politique : en choisissant ce résistant démocrate-chrétien, fondateur d’ENI, l’entreprise publique italienne d’exploitation pétrolière et gazière, Giorgia Meloni effectue un travail de réécriture de son propre panthéon historique à travers la mise en avant d’une figure nationale consensuelle.</p>
<p>Cette annonce a été ensuite reprise lors de différentes manifestations, sans toutefois que des détails ne soient donnés au sujet du contenu de ce plan. Il faudra attendre la fin de 2023 pour qu’un décret organise une structure de coordination interministérielle chargée de le mettre en œuvre.</p>
<p>De fait, la conférence Italie-Afrique de janvier 2024 représente la première manifestation tangible de cette vision africaine : l’Italie y a annoncé 5,5 milliards d’euros d’investissements destinés au continent. Aucun détail n’a été donné lors de la conférence. Par la suite, selon certaines sources, il est apparu que les pays concernés par les projets seraient le Maroc, la Tunisie, l’Égypte, l’Algérie, l’Éthiopie, le Kenya, le Mozambique, la République du Congo et la Côte d’Ivoire, mais les projets sont en cours de définition ; de même, aucune mesure concrète n’a été annoncée sur le sujet de l’immigration, hormis l’idée que le développement africain peut servir à traiter le problème à la source, Meloni déclarant : « L’immigration de masse ne sera jamais stoppée et les trafiquants d’êtres humains ne seront jamais vaincus si nous ne nous attaquons pas aux nombreuses causes qui poussent une personne à quitter son foyer ».</p>
<p>Cette somme de 5,5 milliards d’euros, soit dit en passant, est assez faible par rapport aux 150 milliards destinés à l’Afrique dans le cadre du <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/developpement/evenements-et-actualites-sur-le-theme-du-developpement/evenements-et-actualites-sur-le-theme-du-developpement-2023/article/qu-est-ce-que-la-strategie-europeenne-global-gateway">Global Gateway de l’Union européenne</a>, qui vise à contribuer au développement des pays partenaires émergents et en développement de l’UE, notamment dans les domaines du numérique, de l’énergie et de l’environnement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LhA_2r01VTI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Giorgia Meloni présente son « Plan Mattei » au Sommet Italie-Afrique, TV5 Monde, 29 janvier 2024.</span></figcaption>
</figure>
<p>À première vue, cette initiative pourrait apparaître comme une simple opération de communication dont on entrevoit une série de faiblesses structurelles. Il faut cependant rappeler le contexte dans lequel elle intervient et les potentialités qu’elle recèle.</p>
<h2>L’Italie en Afrique : une présence économique, mais pas seulement</h2>
<p>Longtemps, l’Italie n’a pas eu de véritable politique africaine. Lorsqu’il arrive au gouvernement en 2016, Matteo Renzi va innover et se rendre trois fois en Afrique pour visiter 9 pays, illustrant pour la première fois une vision systémique des relations entre l’Italie et le continent.</p>
<p>Cette politique sera ensuite poursuivie pendant le gouvernement Gentiloni (2016-2018), avec d’un côté l’action du ministre de l’Intérieur Marco Minitti qui s’exprime en faveur du développement des pays africains pour tarir les flux d’immigration qui arrivent en Italie, et de l’autre l’envoi inédit d’un <a href="https://www.reuters.com/article/us-italy-diplomacy-niger-libya/italy-approves-military-mission-in-niger-more-troops-to-north-africa-idUSKBN1F6270/">contingent militaire de plus de 400 hommes au Niger</a>. Fait original, les Italiens acquièrent ainsi une profondeur stratégique sur le continent africain qui leur était largement inconnue jusqu’alors, et il convient de relever que malgré le <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">coup d’État survenu au Niger</a> en 2023, les militaires italiens sont toujours présents sur place, ce qui illustre leur bonne empreinte diplomatique.</p>
<p>L’initiative de Giorgia Meloni s’inscrit donc dans un cycle récent qui, depuis 2016, a poussé l’Italie à multiplier les actions en Afrique, en grande partie sous la contrainte migratoire. Il convient également de souligner l’importance des réseaux d’acteurs non gouvernementaux italiens en Afrique. Le premier d’entre eux est probablement <a href="https://www.jeuneafrique.com/1482581/economie-entreprises/apres-le-congo-eni-confirme-son-virage-gazier-au-nigeria/">ENI</a>.</p>
<p>Cette entreprise contrôlée par le ministère de l’Économie représente un joyau du capitalisme d’État italien et a toujours cultivé des relations privilégiées avec les pays fournisseurs d’hydrocarbures, ce qui rappelle d’ailleurs l’héritage historique de la politique d’Enrico Mattei dans les années 1950, lorsque ENI proposait des contrats plus favorables aux pays producteurs à ceux pratiqués par les « 7 sœurs », les grands groupes pétroliers occidentaux de l’époque.</p>
<p>L’action d’ENI contribuait alors au « néo-atlantisme », la ligne politique développée par Amintore Fanfani (ministre et président du Conseil entre la fin des années 1950 et le début des années 1960) lorsqu’il cherchait des espaces pour la politique italienne en Méditerranée, à la marge de l’opposition entre blocs dérivant de la guerre froide. Depuis, ENI apparaît comme un « État dans l’État », une entreprise capable de quasiment assurer une forme de politique étrangère pour promouvoir ses intérêts.</p>
<p>D’autres grandes entreprises publiques comme <a href="https://www.enelgreenpower.com/countries/africa">Enel</a>, <a href="https://www.leonardo.com/en/press-release-detail/-/detail/leonardo-grows-its-footprint-in-africa-with-new-air-traffic-control-systems-and-technology-upgrades">Leonardo</a> ou <a href="https://www.aceaafrica.org/">Acea</a> ont également des intérêts considérables en Afrique.</p>
<p>Il ne faut pas non plus sous-estimer les capacités du tissu italien de PME/PMI dont la vocation exportatrice s’exerce également en Afrique. À cet égard, il faut constater que depuis le début de la guerre en Ukraine les Italiens <a href="https://www.hellenicshippingnews.com/italys-russian-gas-imports-drop-to-2-4-of-total-algeria-rises-to-20-report/">n’importent plus leur gaz de Russie mais d’Afrique</a>, ce qui accroît le déficit commercial de la balance italienne avec le continent. Cette croissance des importations en provenance d’Afrique fournit également un cadre d’opportunité pour cultiver des relations commerciales qui contrebalancent les importations par une politique d’exportations plus incisive.</p>
<p>Par ailleurs, il convient d’évoquer la très grande importance que revêt la « galaxie catholique » dans les relations avec l’Afrique. Presque tous les diocèses italiens participent à des actions d’aide au développement sur le continent par le biais d’une multitude d’associations locales qui pratiquent le volontariat mais drainent également des sommes importantes. En ce qui concerne les ordres religieux, il convient de distinguer les <a href="https://www.comboni.org/fr/contenuti/101284">missionnaires comboniens</a> qui ont toujours développé une action privilégiée envers l’Afrique où ils ont développé un réseau qui contribue à nourrir les connexions italiennes avec différents territoires.</p>
<p>Enfin, il faut rappeler le rôle que joue la <a href="https://www.santegidio.org/pageID/30340/langID/fr/LES-ECOLES-DE-LA-PAIX-EN-AFRIQUE.html">Communauté de Sant’Egidio</a> dans le panorama italien. Cette association de laïcs, liée au Vatican, œuvre pour la paix en Afrique en mettant en avant ses remarquables capacités de médiation. Ce rôle a notamment été <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2005-3-page-9.htm">reconnu</a> lors de la résolution de la guerre civile au Mozambique en 1992 ; l’un des dirigeants de cette association, Andrea Riccardi, a été nommé au portefeuille de la Coopération dans le gouvernement Monti en 2011.</p>
<h2>Une clarification conceptuelle</h2>
<p>Le « Plan Mattei » présenté par Giorgia Meloni pouvait apparaître au départ comme une tentative de relance d’une politique suivant de manière plus ou moins consciente les lignes historiques du nationalisme italien, qui avait fait de la <a href="https://classe-internationale.com/2021/03/11/le-colonialisme-italien-en-afrique-petite-histoire-dun-imperialisme-oublie/">colonisation en Afrique</a> l’une de ses obsessions après l’unification de la péninsule.</p>
<p>À cet égard, il faut également rappeler la rivalité avec la France, avec laquelle les Italiens se perçoivent très souvent en compétition en Afrique, comme on l’a par exemple vu encore tout récemment <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2019/05/03/le-face-a-face-franco-italien-en-libye-un-piege-pour-leurope/">dans le cas libyen</a>. Mais les <a href="https://www.geo.fr/histoire/crimes-de-masse-et-colonisation-comment-mussolini-sest-constitue-un-nouvel-empire-romain-209372">exactions coloniales italiennes, dans la Corne d’Afrique ou en Libye</a>, sont tombées dans les oubliettes de l’histoire et ne constituent pas aujourd’hui un handicap pour un pays qui aime à se présenter comme « vierge » en matière de colonisation.</p>
<p>Au-delà de ces réflexes nationalistes, il faut mesurer l’évolution potentielle que représente l’émergence d’une politique africaine pour l’Italie. Le concept de politique africaine a l’avantage de clarifier l’action extérieure italienne en la matière. Longtemps, Rome a utilisé la notion de « Méditerranée » pour décrire sa projection vers la rive sud, dans une vision de triangle géographique dont l’Italie serait le sommet. Cette vision, très nationale, ne correspondait pas aux différentes définitions de politiques méditerranéennes que l’on rencontre au sein de l’Union européenne : pour l’UE, la politique méditerranéenne est soit une politique d’inclusion nord-sud, celle de <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/qu-est-ce-que-l-union-pour-la-mediterranee/">l’Union pour la Méditerranée</a>, soit une politique de développement des régions du sud de l’Union. Ainsi, l’emploi de la seule notion d’« Afrique » représente une simplification utile pour rendre la politique étrangère italienne plus compréhensible et donc susceptible de créer des convergences internationales.</p>
<p>La conférence de janvier 2024 a largement mis en avant <a href="https://www.taurillon.org/le-plan-mattei-l-alternative-made-in-italy-aux-relations-euro-africaines">l’insertion de cette initiative dans le cadre européen</a>, une dimension par ailleurs souvent rappelée par le président de la République Sergio Mattarella. Elle a également réuni, nous l’avons dit, l’ensemble des institutions internationales, en particulier les différentes agences des Nations unies, ce qui montre une volonté louable de s’inscrire dans le cadre multilatéral existant. Enfin les représentants des acteurs italiens non étatiques (entreprises, Sant’Egidio) ont participé aux travaux de la conférence au Sénat.</p>
<h2>Une initiative utile à l’Europe ?</h2>
<p>D’un point de vue symbolique, il convient de souligner que les politiques européennes souffrent souvent d’un certain anonymat, d’un manque d’incarnation. L’Italie a utilisé les palais de la République pour mettre en scène une rencontre au sommet de facture classique, appréciée par les visiteurs. Enfin il faut noter que si le plan Mattei n’est qu’une méthode, il ne présente pas de solutions déjà ficelées – une flexibilité assez appréciée par les interlocuteurs africains présents à Rome, ouverts au dialogue. </p>
<p>À l’heure ou l’Afrique est un terrain difficile pour les pays européens, soumis à l’action de puissances extérieures agressives comme la <a href="https://theconversation.com/vers-un-imperialisme-chinois-en-afrique-102592">Chine</a> ou la <a href="https://theconversation.com/dans-les-coulisses-du-groupe-wagner-mercenariat-business-et-diplomatie-secrete-200492">Russie</a>, il convient de considérer cette initiative avec pragmatisme, quand bien même l’action de l’actuel gouvernement italien suscite parfois la controverse au niveau européen.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Darnis a reçu des financements publics de recherche par le biais des initiatives d'excellence IDEX.</span></em></p>Giorgia Meloni a accueilli à Rome 26 chefs d’État et de gouvernement africains et de nombreux représentants de la communauté internationale pour un sommet ambitieux.Jean-Pierre Darnis, Professeur des Universités, directeur du master en relations franco-italiennes, Université Côte d'Azur, Chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS, Paris), professeur et membre du CISS de l'université LUISS de Rome, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235072024-02-29T16:21:21Z2024-02-29T16:21:21ZL’Alliance des États du Sahel : un projet confédéraliste en questions<p>Dans un contexte régional ouest-africain chaotique, trois pays dirigés par des juntes militaires ont décidé, le 16 septembre 2023, de créer une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/12/14/l-alliance-des-etats-du-sahel-pari-securitaire-et-acte-de-defiance-diplomatique_6205820_3212.html">l’Alliance des États du Sahel</a> (AES), qui doit aboutir à la mise en place ultérieure d’une <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240215-burkina-mali-niger-les-ministres-en-l-aes-r%C3%A9unis-%C3%A0-ouagadougou-en-vue-de-cr%C3%A9er-une-conf%C3%A9d%C3%A9ration">confédération</a>.</p>
<p>Il s’agissait de répondre à l’hostilité générale des États voisins (et de <a href="https://theconversation.com/reconnaissance-des-gouvernements-de-transition-en-afrique-de-louest-que-dit-le-droit-international-219925">la communauté internationale</a>) face à la succession de coups d’État qui avait marqué la sous-région. Ainsi se dessinait sur la carte une nouvelle entité territoriale regroupant à l’intérieur d’une seule frontière le Mali, le Burkina Faso et le Niger.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=588&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578059/original/file-20240226-26-4z957n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=739&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’Alliance des États du Sahel (AES) en 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Précédents historiques</h2>
<p>Ce redécoupage géographique a remis en mémoire d’autres tentatives plus anciennes. On pense d’abord, avant les décolonisations, au projet de l’OCRS (Organisation commune des Régions sahariennes) qui avait été mis en place par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000692685">loi du 10 janvier 1957</a> sur les parties sahariennes de l’Algérie, du Niger, du Soudan français (actuel Mali) et du Tchad. Il s’agissait de reconnaître la spécificité de ces régions, majoritairement peuplées de nomades irrédentistes, qui avaient appuyé l’initiative du gouvernement français par une pétition datée du 30 octobre 1957 exigeant de ne pas être placés « sous une autorité émanant du Maghreb ou de l’Afrique noire ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578058/original/file-20240226-16-x10xtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’Organisation commune des Régions sahariennes (OCRS) en 1958.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette lettre, signée par plus de 300 notables issus pour la plupart de la région de Tombouctou, avait ensuite été transmise le 30 mai 1958 au général de Gaulle, qui avait validé l’idée de l’OCRS, mais n’avait pas pu la maintenir au-delà des accords d’Évian reconnaissant l’indépendance de l’Algérie. Il est vrai que la circonscription ainsi dessinée enfermait l’essentiel des ressources pétrolières et gazières du Sahara…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=562&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=562&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=562&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=706&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=706&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578060/original/file-20240226-22-fz63x4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=706&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Fédération du Mali en 1959.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les tâtonnements en matière de délimitations territoriales allaient se poursuivre à la faveur des indépendances, lorsque les partisans du fédéralisme – panafricanistes avant l’heure ? – décidèrent de regrouper le Soudan français (actuel Mali), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Dahomey (actuel Bénin) et le Sénégal dans une éphémère <a href="https://fresques.ina.fr/independances/fiche-media/Indepe00101/la-federation-du-mali-un-projet-politique-original.html">Fédération du Mali</a>, dont l’assemblée constituante se tint le 14 janvier 1959. Mais l’adhésion du Dahomey et de la Haute-Volta ne dura que quelques jours, et les deux autres États partenaires se séparèrent en septembre 1960.</p>
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<p>En remontant encore dans le temps, les cartes nous livrent les contours de l’Empire du Mali lors de son apogée au XIV<sup>e</sup> siècle, mais le dessin des limites est naturellement incertain car la notion de « frontière » était inconnue dans ces espaces très vastes et très peu peuplés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578063/original/file-20240226-24-fs02g7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Autant dire que les cartographes ont été à l’épreuve tout au long des siècles, et que la dernière représentation graphique en date, issue de la décision de septembre 2023, remet en lumière des questions de géographie politique apparemment jamais tranchées.</p>
<h2>Comment gérer un territoire immense</h2>
<p>L’une des interrogations porte sur la taille de ce nouveau territoire. L’AES couvre 2 780 000 km<sup>2</sup>, alors que la Fédération du Mali ne s’étendait que sur 1 825 000 km<sup>2</sup>. Or cette entité imaginée à la fin des années 1950 était vite apparue comme ingouvernable du fait de son immensité. Aujourd’hui, malgré les progrès de circulation (des hommes et des informations), il existe en Afrique plusieurs pays qui souffrent de leur gigantisme, qui constitue un frein au déploiement d’un maillage administratif suffisamment dense et bien connecté au pouvoir central : la RD Congo, le Soudan, même amputé de sa partie sud, le Mali, le Niger et le Tchad.</p>
<p>On a sans doute perdu de vue que le Tchad avait aussi connu de sérieux problèmes de maîtrise territoriale dès le lendemain de son indépendance (11 août 1960). Le gouvernement du président Tombalbaye avait dû se résoudre à confier le poste de préfet de l’immense région saharienne du nord (le BET – Borkou, Ennedi, Tibesti –, près de 600 000 km<sup>2</sup>) à un colonel méhariste français, familier de ces grands espaces et encore respecté par ses anciens administrés. Jean Chapelle avait été maintenu dans ses fonctions à Faya-Largeau jusqu’en 1963.</p>
<p>Pour autant, le Tchad n’en avait pas fini avec les difficultés liées au contrôle de son territoire. Face aux multiples soulèvements populaires ici et là, le président Tombalbaye avait dû accepter en 1969 la proposition du général de Gaulle de déployer dans les zones instables une <a href="https://archivesdiplomatiques.diplomatie.gouv.fr/ark:/14366/s3hkw2b9vlx6">Mission de Réorganisation administrative</a> (MRA) confiée à d’anciens administrateurs coloniaux français qui avaient alors, pour certains d’entre eux, retrouvé leurs anciennes fonctions. Ils étaient appuyés par plusieurs centaines de militaires français chargés de rétablir et de maintenir l’ordre. La MRA avait été brutalement interrompue lors de l’enlèvement en 1974 de l’achéologue <a href="https://www.liberation.fr/societe/2006/09/05/francoise-claustre-la-prisonniere-du-desert-est-morte_4975/">Françoise Claustre</a> par Hissène Habré (ancien stagiaire du colonel Chapelle à la préfecture de Faya-Largeau), car le patron de la MRA était son mari, Pierre Claustre.</p>
<p>Autrement dit, quinze ans après son indépendance, le Tchad n’était pas vraiment en mesure d’administrer efficacement un pays de 1 284 000 de km<sup>2</sup>, et force est de constater que soixante ans plus tard il n’a guère fait de progrès dans ce domaine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tchad-un-referendum-constitutionnel-a-haut-risque-219551">Tchad : un référendum constitutionnel à haut risque</a>
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<h2>Un peuple saharien ?</h2>
<p>Les membres l’AES, avec 2 780 000 km<sup>2</sup> à gérer, parviendront-ils à assurer l’ordre et la stabilité sur la totalité de leur territoire unifié, notamment face à la progression des <a href="https://theconversation.com/sahel-des-populations-civiles-a-lepreuve-dune-insurrection-djihadiste-201981">groupes terroristes armés</a> ? Une carte permet de vérifier que, pour au moins deux d’entre eux, il était très difficile de contrôler les zones frontalières, éloignées des capitales, dans des moments pourtant importants de leur vie démocratique : les élections. Ainsi, à la fin de l’année 2020, il n’avait pas été possible d’ouvrir un grand nombre de bureaux de vote pour les élections présidentielles, aussi bien à l’ouest du Niger qu’à l’est du Burkina Faso.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=678&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=678&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=678&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=852&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=852&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578064/original/file-20240226-18-dp1jzf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=852&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>À la fin des années 1950, le découpage de l’OCRS et celui de la Fédération du Mali étaient déjà marqués par la démesure. Mais ils étaient également fortement influencés par la revendication « saharienne » des notables qui étaient intervenus auprès de la puissance coloniale. Dans la fameuse lettre d’octobre 1957, on pouvait lire :</p>
<blockquote>
<p>« Nos intérêts et nos aspirations ne sauraient être valablement défendus tant que nous sommes attachés à un territoire représenté forcément et gouverné par une majorité noire, dont l’éthique, les intérêts et les aspirations ne sont pas les mêmes que les nôtres. »</p>
</blockquote>
<p>Après avoir assuré qu’ils voulaient « rester toujours français musulmans avec notre cher statut privé », les signataires demandaient instamment à </p>
<blockquote>
<p>« être séparés politiquement et administrativement, et le plus tôt possible, d’avec le Soudan français pour intégrer notre pays et sa région de la boucle du Niger au Sahara français dont nous faisons partie historiquement et ethniquement ».</p>
</blockquote>
<p>On pouvait reconnaître dans cette revendication communautaire une référence au territoire de l’Azawad, dont l’autonomie, voire l’indépendance, est réclamée depuis longtemps par les Touaregs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578061/original/file-20240226-18-9vcd2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le territoire de l’Azawad.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’Azawad, ou « terre de transhumance » en langue tamasheq, est une réalité virtuelle du point de vue cartographique puisque, par définition, les nomades se déplacent selon les saisons et ne reconnaissent aucune frontière. Mais le tracé généralement retenu ci-dessus n’englobe pas vraiment la totalité des trois États de l’AES.</p>
<p>En outre, la crise qui a éclaté au Mali en 2012 a rapidement dégénéré en une opposition claire entre les groupes du nord (auxquels <a href="https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/Accord%20pour%20la%20Paix%20et%20la%20R%C3%A9conciliation%20au%20Mali%20-%20Issu%20du%20Processus%20d%27Alger_0.pdf">l’accord d’Alger</a> signé en 2015 (et que le Mali a <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/26/au-mali-la-junte-donne-le-coup-de-grace-a-l-accord-de-paix-d-alger_6213242_3212.html">quitté le 25 janvier 2024</a>) reconnaissait d’une certaine manière un droit à l’autonomie dans le cadre d’un fédéralisme à définir) et le gouvernement de Bamako. Parallèlement, les conflits d’usage se sont multipliés entre cultivateurs et éleveurs et, bien que ces derniers soient majoritairement peuls, on pouvait relire entre les lignes l’évocation de « l’éthique, les intérêts et les aspirations » exprimés en 1957.</p>
<p>Même si l’on doit se garder d’entrer dans une grille de lecture ethnique, on est tenté de dire que l’AES ne correspond pas à un retour aux tendances géopolitiques des années précédant les indépendances. D’ailleurs, dans aucun des trois pays concernés le pouvoir n’est entre les mains de représentants de la zone saharienne. Pourtant, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240215-burkina-mali-niger-les-ministres-en-l-aes-r%C3%A9unis-%C3%A0-ouagadougou-en-vue-de-cr%C3%A9er-une-conf%C3%A9d%C3%A9ration">selon le ministre burkinabè des Affaires étrangères</a>, « les ministres ont noté la nécessité de fonder le traité de la confédération sur des références historiques propres au peuple saharien ». Un peuple singulier ?</p>
<h2>Le problème de l’enclavement</h2>
<p>La géographie politique – qui travaille essentiellement sur des cartes – a toujours attiré l’attention sur le handicap que représente pour les pays sahéliens l’absence d’ouverture directe sur la mer. Dans son premier tracé, la Fédération du Mali offrait deux accès à l’Atlantique : par le Sénégal et par le Bénin. Après le retrait du Bénin, il ne restait plus que le Sénégal dont les infrastructures portuaires ne valaient pas celles de la Côte d’Ivoire, mais il y avait le chemin de fer Sénégal-Niger, dont le projet avait été élaboré par Gallieni, et dont le premier long tronçon (1 287 km) avait été inauguré en 1924 entre Dakar et Koulikoro (à l’est de Bamako).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578065/original/file-20240226-41459-zfkyyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les rails n’étaient pas allés plus loin, et cette infrastructure est aujourd’hui plus ou moins à l’abandon par manque de suivi et d’entretien. Elle pourrait être réhabilitée par un consortium chinois, mais l’insécurité qui prévaut au Mali retarde le projet. En tout état de cause, la <a href="https://theconversation.com/burkina-faso-mali-et-niger-se-retirent-de-la-cedeao-quelles-consequences-pour-la-sous-region-222422">rupture de l’AES avec la Cedeao (28 janvier 2024)</a> interrompt toute circulation entre les trois pays et leurs voisins. Par conséquent, l’autre issue vers la mer <em>via</em> le chemin de fer reliant Abidjan (Côte d’Ivoire) à Kaya (Burkina Faso) est également fermée.</p>
<p>Il est intéressant de noter que le <a href="https://www.jeuneafrique.com/1520245/politique/le-maroc-offre-une-interface-atlantique-aux-pays-du-sahel/">Maroc a proposé</a>, le 23 décembre 2023, à quatre États du Sahel (les trois de l’AES et le Tchad) de leur ouvrir ses façades maritimes, par Tanger pour la Méditerranée, ou par Dakhla pour l’Atlantique. Si l’idée est géographiquement assez peu réaliste, la démarche est diplomatiquement audacieuse. Paradoxalement, elle remet en mémoire la <a href="https://www.jeuneafrique.com/1325557/politique/adhesion-du-maroc-a-la-cedeao-pourquoi-ca-coince/">demande marocaine d’adhésion à la Cedeao</a>, acceptée sur le principe en 2017, mais qui n’a toujours pas formellement abouti. C’est aussi une « mauvaise manière » à l’endroit de l’Algérie.</p>
<p>Ce sont précisément les relations de l’AES avec la Cedeao qui vont donner une traduction concrète à la constitution de la nouvelle alliance sahélienne. La rupture, « avec effet immédiat », annoncée simultanément par les trois juntes le 28 janvier 2024, a étonné sans vraiment surprendre tant les tensions étaient vives depuis le <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">coup d’État au Niger</a> (26 juillet 2023). En menaçant d’intervenir militairement pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions, la Cedeao avait monté le curseur diplomatique au plus haut. En maintenant des sanctions lourdement préjudiciables aux populations, l’organisation sous-régionale avait alimenté son impopularité.</p>
<p>Cependant, elle demeurait le garant de la libre circulation des biens et des personnes. En quittant la Cedeao, les dirigeants de l’AES mettaient en difficulté leurs approvisionnements mais aussi la situation de leurs ressortissants vivant dans les autres pays membres, car ils allaient avoir besoin de cartes de séjour, voire de passeports, pour rentrer dans la sous-région et en sortir.</p>
<p>Pour l’heure, les trois pays <a href="https://www.dw.com/fr/le-mali-le-niger-et-le-burkina-faso-restent-dans-luemoa/a-68138508">n’ont pas encore annoncé qu’ils quittaient l’UEMOA</a> (Union économique et monétaire ouest-africaine), mais s’ils décident de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/02/12/le-niger-evoque-la-possible-creation-d-une-monnaie-commune-avec-le-burkina-et-le-mali-pour-sortir-de-la-colonisation_6216069_3212.html">créer leur propre monnaie</a> pour remplacer le franc CFA, ils risquent de constituer une enclave monétaire extrêmement fragile où les investisseurs, déjà peu nombreux, hésiteront encore davantage à s’engager.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-africaine-entre-endettement-excessif-et-investissements-insuffisants-221354">L’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants</a>
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<p>Il est possible que la situation évolue du fait de la <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20240226-la-lev%C3%A9e-des-sanctions-contre-le-niger-un-net-changement-de-braquet-pour-la-c%C3%A9d%C3%A9ao">levée partielle des sanctions</a> décidée, pour des raisons humanitaires, par la Cedeao le 23 février 2024. Mais tous les points de désaccord ne sont pas gommés, et les trois juntes ne sont pas (encore) revenues sur leur retrait de l’organisation sous-régionale, contre laquelle ils ont à plusieurs reprises appelé les foules à manifester dans les capitales.</p>
<h2>L’ombre de Wagner</h2>
<p>Quant à la sécurité, elle restera l’enjeu majeur et le défi central de la nouvelle entité territoriale. Les trois pays ont <a href="https://theconversation.com/fin-de-parcours-pour-la-force-conjointe-du-g5-sahel-quels-enseignements-en-tirer-220895">quitté le G5 Sahel</a> le 15 mai 2022 (pour le Mali) et le 2 décembre 2023 (pour le Burkina et le Niger). Les putschistes affirment qu’ils vont mettre leurs forces en commun pour lutter contre la menace djihadiste. Or les armées malienne, nigérienne et burkinabè n’ont ni la compétence ni les moyens de l’armée tchadienne, qui était le moteur du G5 Sahel.</p>
<p>On sait que, dans le domaine sécuritaire, le recours à la Russie est devenu une sorte de réflexe auquel cèdent de nombreux pays africains, appuyés par des opinions publiques faciles à manipuler.</p>
<p>Selon des sources généralement bien renseignées, on compterait près de 1600 mercenaires du Groupe Wagner au Mali, probablement plusieurs dizaines au Burkina Faso, et quelques autres annoncés au Niger. En général, on établit un lien entre les ressources en or (sites d’orpaillage clandestins ou mines légales) et la présence de ces supplétifs étrangers, car ils peuvent <a href="https://theconversation.com/dans-les-coulisses-du-groupe-wagner-mercenariat-business-et-diplomatie-secrete-200492">se rémunérer de cette manière au Sahel</a>, comme ils le font déjà en Centrafrique et au Soudan.</p>
<p>En s’inscrivant comme la énième tentative de découpage territorial en Afrique de l’Ouest sahélo-saharienne, l’AES confirme qu’on n’en a pas encore terminé avec le tracé des frontières issues de la colonisation. Entre rebalkanisation et désir d’association, les trois États du Sahel ne parviendront pas davantage qu’autrefois à résoudre les problèmes qu’une autre forme de fédéralisme aurait peut-être contribué à résoudre : l’immensité, l’enclavement, les tensions intercommunautaires. Et, plus de soixante ans après les indépendances, ils semblent se soumettre à une nouvelle dépendance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223507/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé la création d’une nouvelle organisation régionale, et quitté la Cedeao. Quelles en sont les conséquences prévisibles ?Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2245832024-02-29T09:52:02Z2024-02-29T09:52:02ZL'Afrique a besoin de la Chine pour son développement numérique mais à quel prix ?<p>Les technologies numériques présentent de nombreux avantages potentiels pour les populations des pays africains. Elles peuvent soutenir la prestation de services de santé, promouvoir l'accès à l'éducation et à l'apprentissage tout au long de la vie, et renforcer l'inclusion financière. </p>
<p>Mais il existe des obstacles à la concrétisation de ces avantages. L'infrastructure de base nécessaire pour connecter les communautés fait défaut par endroits. La technologie et le financement font également défaut. </p>
<p>En 2023, seulement <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">83 %</a> de la population de l'Afrique subsaharienne était couverte par un réseau mobile 3G au moins. Dans toutes les autres régions, la couverture était supérieure à 95 %. La même année, <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">moins de la moitié de la population africaine</a> disposait d'un abonnement mobile actif à haut débit, derrière les États arabes (75 %) et la région Asie-Pacifique (88 %). Par conséquent, les Africains représentaient une part importante des quelque <a href="https://www.itu.int/en/mediacentre/Pages/PR-2023-09-12-universal-and-meaningful-connectivity-by-2030.aspx#:%7E:text=The%20number%20of%20people%20worldwide,global%20population%20unconnected%20in%2023.">2,6 milliards</a> de personnes dans le monde qui étaient toujours déconnectées en 2023.</p>
<p>La Chine est un <a href="https://gga.org/china-expands-its-digital-sovereignty-to-africa/">partenaire clé</a> de l'Afrique pour débloquer ce goulot d'étranglement. Plusieurs pays africains dépendent de la Chine en tant que principal fournisseur de technologie et sponsor de grands projets d'infrastructure numérique.</p>
<p>Cette relation fait l'objet d'une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2023.2297363">étude</a> que j'ai publiée récemment. Cette étude montre qu'au moins 38 pays ont travaillé en étroite collaboration avec des entreprises chinoises pour faire progresser leur réseau national de fibres optiques, leur infrastructure de centres de données ou leur savoir-faire technologique. </p>
<p>L'implication de la Chine a été déterminante si bien que les pays africains ont fait de grands progrès en matière de développement numérique. Malgré la persistance de la fracture numérique entre l'Afrique et d'autres régions, la couverture du réseau 3G <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">est passée de 22 % à 83 %</a> entre 2010 et 2023. Les abonnements mobiles actifs à haut débit ont augmenté <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/facts/ITU_regional_global_Key_ICT_indicator_aggregates_Nov_2023.xlsx">de moins de 2 % en 2010 à 48 % en 2023</a>. </p>
<p>Pour les gouvernements, cependant, le risque existe que le développement numérique impulsé par des acteurs étrangers maintienne en place les structures de dépendance existantes.</p>
<h2>Raisons de la dépendance à l'égard des technologies et des financements étrangers</h2>
<p>Le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09692290.2023.2297363">marché mondial</a> de l'infrastructure des technologies de l'information et de la communication (TIC) est contrôlé par une poignée de producteurs. Par exemple, les principaux fournisseurs de câbles à fibres optiques, un composant de réseau qui permet l'Internet à haut débit, sont Huawei et ZTE, basés en Chine, et l'entreprise suédoise Ericsson. </p>
<p>De nombreux pays africains, dont les revenus internes sont limités, n'ont pas les moyens de s'offrir ces composants de réseau. Les investissements dans les infrastructures dépendent des financements étrangers, notamment des prêts à des conditions préférentielles, des crédits commerciaux ou des partenariats public-privé. Ces éléments peuvent également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308596124000107">influencer le choix du fournisseur d'infrastructure d'un État</a>.</p>
<p>Le relief du continent africain ajoute aux difficultés technologiques et financières. Les vastes terres et les topographies difficiles rendent le déploiement des infrastructures très coûteux. Les investisseurs privés évitent les zones peu peuplées parce qu'il n'est pas rentable pour eux d'y fournir un service. </p>
<p>Les États enclavés dépendent de l'infrastructure et de la bonne volonté des pays côtiers pour se connecter aux points d'atterrissage internationaux de fibre optique.</p>
<h2>Une solution complète</h2>
<p>On suppose parfois que les dirigeants africains optent pour les fournisseurs chinois parce qu'ils offrent la technologie la moins chère. <a href="https://www.zdnet.com/home-and-office/networking/uganda-orders-probe-into-huaweis-fiber-project/">Des témoignages anecdotiques suggèrent le contraire</a>. Les entrepreneurs chinois sont des partenaires attrayants parce qu'ils peuvent offrir des solutions complètes qui incluent le financement. </p>
<p>Dans le cadre du système dit <a href="https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PA00TN5G.pdf">“EPC+F”</a> (Engineer, Procure, Construct + Fund/Finance), des entreprises chinoises comme Huawei et ZTE supervisent l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction, tandis que les banques chinoises fournissent un financement garanti par l'État. L'Angola, l'Ouganda et la Zambie sont quelques-uns des pays qui semblent avoir bénéficié de ce type d'accord. </p>
<p>Les solutions globales de ce type intéressent les pays africains. </p>
<h2>Quels sont les avantages pour la Chine ?</h2>
<p>Dans le cadre de sa stratégie <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-137-57813-6_6">“go-global”</a>, le gouvernement chinois encourage les entreprises chinoises à investir et à opérer à l'étranger. Le gouvernement offre un soutien financier et attend des entreprises qu'elles améliorent la compétitivité mondiale des produits chinois et de l'économie nationale. </p>
<p>À long terme, Pékin cherche à établir et à promouvoir des normes numériques chinoises. Les partenariats de recherche et les possibilités de formation exposent un nombre croissant d'étudiants à la technologie chinoise. Le gouvernement chinois s'attend à ce que les applications mobiles et les startups en Afrique reflètent de plus en plus les principes technologiques et idéologiques de Pékin, y compris sa vision des droits de l'homme, de la confidentialité des données et de la liberté d'expression. </p>
<p>Cela s'inscrit en droite ligne avec la vision de la “<a href="https://www.orfonline.org/research/the-digital-silk-road-in-the-indo-pacific-mapping-china-s-vision-for-global-tech-expansion">Route de la soie numérique</a>” de la Chine, qui complète son initiative économique <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/chinas-massive-belt-and-road-initiative">Nouvelle route de la soie</a>, en créant de nouvelles routes commerciales. </p>
<p>Dans le domaine numérique, l'objectif est la primauté technologique et une plus grande autonomie par rapport aux fournisseurs occidentaux. Le gouvernement s'efforce d'instaurer un <a href="https://thediplomat.com/2021/04/chinas-digital-silk-road-and-the-global-digital-order/">ordre numérique mondial sino-centré</a>. Les investissements dans les infrastructures et les partenariats de formation dans les pays africains constituent un point de départ. </p>
<h2>Implications à long terme</h2>
<p>D'un point de vue technologique, une dépendance excessive à l'égard d'un seul fournisseur d'infrastructure rend l'État client plus vulnérable. Lorsqu'un client dépend fortement d'un fournisseur particulier, il est difficile et coûteux de changer de fournisseur. Les pays africains pourraient être enfermés dans l'écosystème numérique chinois.</p>
<p>Des chercheurs comme <a href="https://www.researchgate.net/profile/Arthur-Gwagwa">Arthur Gwagwa</a> de l'Institut d'éthique de l'université d'Utrecht (Pays-Bas) estiment que l'exportation par la Chine de composants d'infrastructures critiques <a href="https://www.dw.com/en/africa-embraces-huawei-technology-despite-security-concerns/a-60665700">permettra l'espionnage militaire et industriel</a>. Ces allégations affirment que les équipements fabriqués en Chine sont conçus de manière à faciliter les cyberattaques. </p>
<p>Human Rights Watch, une ONG internationale qui mène des activités de recherche et de défense des droits de l'homme, <a href="https://www.hrw.org/news/2023/05/09/future-technology-lessons-china-and-us">a exprimé ses préoccupations</a> quant au risque d'un autoritarisme technologique accru lié aux infrastructures chinoises. Huawei a notamment été <a href="https://www.wsj.com/articles/huawei-technicians-helped-african-governments-spy-on-political-opponents-11565793017">accusé</a> d'être de connivence avec des gouvernements pour espionner des opposants politiques en Ouganda et en Zambie. Huawei a <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3023215/huawei-denies-helping-governments-uganda-and-zambia-spy">nié</a> ces allégations. </p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>L'implication de la Chine offre aux pays africains une voie rapide vers le progrès numérique. Elle expose également les États africains au risque d'une dépendance à long terme. La solution consiste à diversifier l'offre d'infrastructures, les possibilités de formation et les partenariats. </p>
<p>Il est également nécessaire de promouvoir l'interopérabilité dans les forums internationaux tels que <a href="https://www.itu.int/en/Pages/default.aspx">l'Union internationale des télécommunications</a>, une agence des Nations unies responsable des questions liées aux technologies de l'information et de la communication. L'interopérabilité permet à un produit ou à un système d'interagir avec d'autres produits et systèmes. Cela signifie que les clients peuvent acheter des composants technologiques auprès de différents fournisseurs et passer à d'autres solutions technologiques. Elle favorise la concurrence sur le marché et des solutions de meilleure qualité en empêchant les utilisateurs d'être enfermés dans les mains d'un seul fournisseur. </p>
<p>Enfin, à long terme, les pays africains devraient produire leurs propres infrastructures et devenir moins dépendants.</p>
<p>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224583/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephanie Arnold does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La plupart des gouvernements en Afrique subsaharienne voient d'un bon œil les investissements chinois dans l'infrastructure numérique.Stephanie Arnold, PhD Candidate, Università di BolognaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173312024-02-15T10:46:58Z2024-02-15T10:46:58ZCombien reste-t-il d’éléphants de forêt au Gabon ? Quand la science éclaire le débat sur une espèce en danger critique d’extinction<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569619/original/file-20240116-29-eiq2v9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Distinct de son cousin de savane avec lequel il peut néanmoins s'hybrider, l'éléphant de forêt est aujourd'hui en danger critique d'extinction.</span> <span class="attribution"><span class="source">ANPN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Connaissez-vous les éléphants de forêt (<em>Loxodonta cyclotis</em>) ? En 2021, ils ont été <a href="https://theconversation.com/new-decisions-by-global-conservation-group-bolster-efforts-to-save-africas-elephants-158157">reconnus comme une espèce à part entière</a> par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Dès 1999, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0764446999800936">données génétiques</a> ont en effet suggéré l’existence de deux espèces d’éléphants distinctes en Afrique, jusqu’ici suspectées sur la base d’observations morphologiques et comportementales. Il aura fallu encore 20 ans supplémentaires de collecte d’échantillons pour les distinguer définitivement.</p>
<p>Cette espèce discrète, qui vit dans les forêts d’Afrique centrale et de l’Ouest, est pourtant menacée. Dès la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, ses effectifs ont chuté drastiquement. L’UICN l’a classée en 2021 comme « en danger critique d’extinction », une catégorie réservée aux espèces dont les populations ont perdu plus de 80 % de leur effectif en seulement trois générations. On estime aujourd’hui qu’il reste <a href="https://cites.org/sites/default/files/documents/F-SC77-63-01-R1.pdf">moins de 150 000 éléphants de forêt</a>, alors que leur population a pu compter, à son apogée, jusqu’à <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.1993.0042">plusieurs millions d’individus</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En cause, l’intensification du commerce de l’ivoire dès l’ère industrielle, combinée à une augmentation de la déforestation. La demande d’ivoire, loin de fléchir ces dernières années, a explosé en Asie et a entraîné une résurgence du braconnage d’éléphants en Afrique. Même les populations présentes dans les forêts du bassin du Congo, relativement préservées jusque-là du fait de l’accès difficile de leur habitat, ont fini par être touchées au cours de la dernière décennie. Elles ont ainsi connu une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0059469">perte brutale de plus de 60 % de leurs effectifs et de 30 % de leur habitat</a>. 95 % des forêts de la République démocratique du Congo sont désormais dépourvues d’éléphants.</p>
<p>Mais l’éléphant de forêt est aussi devenu un enjeu sociétal. C’est le cas au Gabon, où l’espèce est la plus abondante, mais où les conflits entre humains et éléphants, entre pertes de récoltes ou de vies humaines, sèment le doute chez les populations : et s’il y avait « trop » d’éléphants de forêt ?</p>
<h2>L’éléphant de forêt, un « ingénieur écologique »</h2>
<p>Plus petit que l’éléphant de savane (<em>Loxodonta africana</em>), l’éléphant de forêt se distingue également par des unités familiales plus réduites, généralement composées d’une ou deux femelles accompagnées de leurs petits. Son régime alimentaire est adapté à un environnement forestier, avec une consommation importante de fruits.</p>
<p>Se déplaçant le long de pistes façonnées par des générations successives, l’éléphant de forêt joue un rôle d’ingénieur écologique et contribue à la dispersion de graines de nombreuses espèces d’arbres (par exemple, <em>Irvingia gabonensis</em> – Andok ; <em>Sacoglottis gabonensis</em> – Ozouga ; <em>Drypetes gossweileri</em> – Doussié rouge). Il est indispensable à l’équilibre des forêts du bassin du Congo et <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-019-0395-6">au maintien de leur rôle de puits de carbone</a>.</p>
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<p>Beaucoup reste à découvrir sur l’écologie de l’espèce, encore peu étudiée en raison de son habitat dense, difficile d’accès, ce qui rend les observations rares. Le développement des techniques de suivi indirectes et non-invasives de la faune sauvage, au cours des dernières décennies, a toutefois permis d’améliorer les connaissances sur les espèces forestières, dont l’éléphant de forêt.</p>
<p>À noter que les éléphants de forêt et les éléphants de savane restent deux espèces qui peuvent se reproduire, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26577954/">donnant naissance à des hybrides</a>. Cependant, les analyses génétiques ont démontré que les éléphants de savane et de forêt d’Afrique sont <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1000564">aussi distincts que le mammouth laineux (<em>Mammuthus primigenius</em>) et l’éléphant d’Asie (<em>Elephas maximus</em>)</a>.</p>
<h2>Le Gabon, un habitat préservé mais victime des braconniers</h2>
<p>Aujourd’hui, plus de la moitié des individus recensés vivent au Gabon, même si le pays ne représente qu’une petite portion de l’habitat historique de l’espèce. Le pays constitue un habitat exceptionnel, avec un couvert forestier sur plus de 88 % de son territoire, sans barrière physique infranchissable. On y trouve des éléphants aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des aires protégées.</p>
<p>Ces derniers sont aujourd’hui menacés par le développement des industries extractives, de l’agriculture et par le braconnage persistant pour leur ivoire. Le parc national de Minkébé, situé au nord-est du pays, autrefois considéré comme la zone abritant la plus forte densité d’éléphants de forêt connue, a subi une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28222286/">perte de plus de 25 000 individus</a> en une décennie en raison du braconnage intense qui y sévit.</p>
<p>Une étude basée sur le traçage génétique de l’origine des grandes saisies internationales d’ivoire a également identifié le Gabon comme <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaa2457">l’une des deux principales sources d’ivoire illégal</a> en Afrique. Toutefois, les massacres d’éléphants ont été largement sous-estimés, car il est difficile de recenser des carcasses dissimulées sous la canopée qui se décomposent rapidement. Les patrouilles d’écogardes de l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN) opérant à pied doivent surveiller de vastes zones d’habitat forestier dense et marécageux, ce qui rend la tâche encore plus difficile.</p>
<h2>Des éléphants et des hommes</h2>
<p>Le développement des activités et des infrastructures humaines crée des conflits autour de l’occupation de l’espace. Les conséquences des conflits homme-éléphant peuvent être lourdes pour les populations rurales, avec des pertes de récoltes, voire de vies humaines dans les cas extrêmes.</p>
<p>Au Gabon, cette problématique est devenue un enjeu social et politique majeur, au point que certains médias nationaux avancent l’idée selon laquelle les éléphants seraient devenus trop nombreux. Une étude publiée en 2021 a utilisé une nouvelle approche génétique pour estimer la <a href="https://theconversation.com/a-first-for-large-african-mammals-dna-used-to-count-gabons-endangered-forest-elephants-178233">taille des populations d’éléphants de forêts au Gabon</a>. Ces travaux ont provoqué un vif débat quant à la tendance démographique de l’espèce.</p>
<p>En effet, cette étude a conclu à une population d’environ 95 000 individus, avec un intervalle de confiance compris entre 59 000 et 131 000 individus. Ce chiffre, quoique entouré d’incertitudes, est supérieur aux estimations précédentes notamment celles de 52 000 individus publiée par <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/file?id=10.1371/journal.pone.0059469&type=printable">Maisels et al. en 2013</a> et de <a href="https://africanelephantdatabase.org/report/2016/Africa/Central_Africa">70 000 individus publiée par l’UICN en 2016</a>.</p>
<p>Mais le diable est dans les détails : l’intervalle de confiance élevé de la nouvelle estimation de 2021 inclut bien les valeurs hautes des précédentes estimations de 2013 et de 2016.</p>
<h2>La guerre des chiffres</h2>
<p>Pourquoi de tels écarts et de telles marges d’erreur ? Il faut savoir que pendant trente ans, le comptage des éléphants de forêt a principalement reposé sur une technique indirecte basée sur le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1365-2028.2001.00266.x">relevé des fèces d’éléphants</a>. À partir du taux quotidien de défécation évalué par éléphant et la rapidité de décomposition des crottes, on peut calculer la densité d’éléphants. Or, ces deux paramètres présentent une forte variabilité, pouvant passer du simple au double en fonction du lieu et de la saison.</p>
<p>De plus, en l’absence de données sur certains sites, il a souvent fallu extrapoler à partir de modèles statistiques. Le <a href="https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/SSC-OP-060_A.pdf">rapport de l’UICN de 2016</a> soulignait que 90 % des données disponibles pour le Gabon étaient soit trop anciennes, soit considérées comme peu fiables, qualifiées de « suppositions éclairées ». Bien qu’un travail remarquable ait été effectué par <a href="https://journals.plos.org/plosone/article/file?id=10.1371/journal.pone.0059469&type=printable">Maisels et al. en 2013</a> et par l’UICN pour rassembler les sources, il est clair que les chiffres ainsi obtenus sont entourés d’une grande incertitude.</p>
<p>La méthode de l’étude de 2021, réalisée à l’échelle du Gabon, est plus fiable. En effet, elle repose sur l’identification individuelle par ADN, s’affranchissant des problèmes précédents. Mais comme toute méthode d’estimation, elle conserve une marge d’incertitude liée à la taille de l’échantillonnage réalisé. Un effort pour augmenter la taille de l’échantillon étudié, avec les coûts associés, permettrait d’améliorer la précision de l’estimation.</p>
<p>Mais de ce fait, cette étude de référence ne saurait être directement comparée avec les chiffres antérieurs, basés sur une méthodologie trop différente. En d’autres termes, cette étude ne permet pas de conclure à une augmentation de la taille de la population des éléphants de forêt au Gabon.</p>
<h2>Récupérer du braconnage prendra des décennies</h2>
<p>Au contraire, tous les indicateurs pointent une persistance des menaces, avec en tête le braconnage pour l’ivoire. Les densités faibles estimées dans le nord-est du Gabon confirment que les populations d’éléphants de cette région n’ont pas encore récupéré des pertes liées au braconnage. De plus, les <a href="https://cites.org/sites/default/files/documents/F-CoP19-66-06_0.pdf">importantes quantités d’ivoire régulièrement saisies</a> témoignent d’une demande persistante en ivoire en Asie.</p>
<p>La récupération post-braconnage de l’éléphant de forêt prendra des décennies, car le taux d’accroissement des populations de l’espèce est très lent. En effet, les femelles de cette espèce longévive ne se reproduisent pas avant l’âge de 10 ans et donnent souvent naissance à leur premier jeune après l’âge de 23 ans. Le temps de génération (temps écoulé entre la naissance d’une femelle et la naissance de son premier jeune de sexe femelle) de l’espèce est le <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1365-2664.12764">plus long connu chez les mammifères</a>. Il a par exemple été estimé à 31 ans en République Centre Africaine, contre 24 ans chez les éléphants de savane.</p>
<p>Une simulation menée par des <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/1365-2664.12764">chercheurs en 2017</a> a montré qu’il faudrait au minimum 40 ans pour doubler la taille d’une population d’éléphants de forêt victime du braconnage, quand bien même elle ne serait plus soumise à aucune pression anthropique. Cette étude indique que l’augmentation souvent avancée de 50 % à 100 % des effectifs d’éléphants de forêt au Gabon au cours de la dernière décennie serait tout simplement invraisemblable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566149/original/file-20231217-19-4c4vdx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Eléphant de forêt dans son habitat naturel, la forêt tropicale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ANPN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des erreurs d’interprétation au coût élevé</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que des scientifiques mettent en garde contre le risque d’une mauvaise interprétation des estimations de taille de population chez des espèces charismatiques. Une <a href="https://www.pnas.org/doi/pdf/10.1073/pnas.2203244119">équipe de chercheurs a tiré la sonnette d’alarme en 2022</a> sur la politisation des comptages des tigres et des lions, qui a entraîné des politiques de gestion inefficaces.</p>
<p>Il est essentiel de relever et de corriger ces erreurs d’interprétation des chiffres. Le risque serait d’entraîner un relâchement des efforts de protection considérables qui ont été investis, permettant au Gabon de rester l’un des derniers bastions des éléphants de forêt.</p>
<p>Les menaces persistent, aussi bien le braconnage, la perturbation des habitats que les conflits homme-éléphant. L’apparente hausse des conflits hommes-éléphants pourrait être causée par des modifications du comportement des éléphants attribuables aux perturbations de leur habitat, <a href="https://theconversation.com/fruit-famine-is-causing-elephants-to-go-hungry-in-gabon-152757">par une diminution de la disponibilité des fruits sauvages due au réchauffement climatique</a>, voire par le vieillissement des populations humaines dans les zones rurales.</p>
<p>Il est donc crucial de continuer à protéger, à étudier et à recenser de manière rigoureuse les éléphants de forêt, pour générer des données plus fiables sur les tendances démographiques de l’espèce. Le déclin d’une population peut être extrêmement rapide, mais sa récupération extrêmement lente. La survie des éléphants de forêt au Gabon, espèce clé pour l’équilibre des écosystèmes forestiers et de leur rôle de régulateur du carbone, demeure fragile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Bourgeois a reçu des financements de l'Agence Française de Développement dans le cadre de l'accord de conversion de Dette France-Gabon (Convention AFD CGA 1188.01.H/Projet Eléphant Gabon). Elle travaille pour l'Agence nationale des parcs nationaux du Gabon depuis 2013.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Sigaud a reçu des financements du programme Horizon 2020 de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carla Louise MOUSSET MOUMBOLOU et Stephan NTIE ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’éléphant de forêt, en danger critique d'extinction, est un enjeu de société au Gabon, où certains l'estiment trop présent. Mais cette opinion résulte d'erreurs dans l'interprétation des études.Stéphanie Bourgeois, Coordonnatrice Eléphant et laboratoire de génétique, Agence Nationale des Parcs Nationaux du GabonCarla Louise MOUSSET MOUMBOLOU, Coordinatrice scientifique, Agence Nationale des Parcs Nationaux du GabonMarie Sigaud, Chercheuse, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Stephan NTIE, Conseiller Scientifique, Agence Nationale des Parcs Nationaux du GabonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2223202024-02-15T10:46:24Z2024-02-15T10:46:24ZComment mesure-t-on la perte de biodiversité ? L’exemple de l’Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575668/original/file-20240214-28-o5b6x2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La biodiversité africaine est aujourd'hui menacée par les crises climatiques et environnementales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Fourmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À l’échelle planétaire, les messages d’alerte se multiplient quant au déclin de la diversité biologique des espèces. Une crise qui touche les habitats et les pools génétiques et qui résulte de la dégradation des écosystèmes, ces lieux où le vivant interagit avec son environnement. <a href="https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante">75 % des milieux terrestres et 40 % des milieux marins sont touchés</a>. <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-informations-cles">Un million d’espèces</a> sont menacées d’extinction dans le monde.</p>
<p><a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_africaine_2024-9782348081903">Une étude menée en 2023</a> par les experts de l’AFD et de l’Observatoire du Sahel et du Sahara (OSS) confirme cette dégradation écologique en Afrique, avec des zones particulièrement préoccupantes dans le nord-ouest et le sud du continent, ainsi que dans plusieurs régions de Madagascar. Mais pour parvenir à cette conclusion, il faut d’abord se mettre d’accord sur les bonnes façons de mesurer la perte de biodiversité, une question loin d’être triviale.</p>
<h2>Afrique : une biodiversité remarquable</h2>
<p>Avec plus de 50 000 espèces végétales, 1100 espèces de mammifères (dont près de 200 variétés de primates), environ 2500 espèces d’oiseaux et une riche diversité d’amphibiens et de reptiles, l’Afrique abrite des <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2022-06/OSS-LivreEcosystemesAfrique.pdf">écosystèmes variés</a>.</p>
<p>Elle compte également huit des 34 <a href="https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.php?pid=decouv_chapA&zoom_id=zoom_a1_4">« réserves critiques de biodiversité »</a> listées en 1989 par Conservation International, telles que la forêt côtière de l’Ouest africain ou l’ensemble formé par Madagascar et les îles de l’océan Indien.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Au-delà de son rôle fondamental dans le fonctionnement et la résilience des écosystèmes, la biodiversité est le socle de la subsistance et de l’existence des communautés humaines. Et notamment celles des ménages ruraux pauvres, qui dépendent très directement des écosystèmes.</p>
<p>Comment mesurer cette érosion de la biodiversité ?</p>
<h2>Une méthode pour mesurer la dégradation écologique</h2>
<p>En 2022, <a href="http://www.oss-online.org/">l’Observatoire du Sahara et du Sahel</a> (OSS) a compilé selon la méthode ENCA les informations provenant de bases de données internationales selon une approche <a href="https://www.cbd.int/doc/publications/cbd-ts-77-fr.pdf">développée sous l’égide de la Convention pour la diversité biologique</a>.</p>
<p>Cette méthode <a href="https://unece.org/fileadmin/DAM/stats/documents/ece/ces/ge.33/2018/mtg2/COPERNICEA_document.pdf">ENCA</a> a été mise en œuvre par différentes équipes (WWF, UICN, Université d’Antananarivo, OSS) dans différentes zones et pays (Afrique, Amérique latine, Asie, France), ce qui a permis d’en apprécier la faisabilité, l’intérêt et la fiabilité.</p>
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<p>Les comptes ENCA utilisent une unité non monétaire, l’ECU (<em>Ecosystem Capability Unit</em>, unité de capabilité écosystémique), qui a un statut comparable à celui de la <a href="https://theconversation.com/reduction-des-emissions-du-bon-usage-du-cout-de-la-tonne-de-co-evitee-207509">« tonne-équivalent CO<sub>2</sub> »</a> dans la comptabilité du carbone : c’est une valeur conventionnelle virtuelle permettant de quantifier les responsabilités des divers acteurs économiques.</p>
<p>Pour chaque écozone, s’appuyant sur les données consolidées provenant d’une quarantaine de bases de données internationales en accès libre, les comptes ENCA intègrent la mesure du carbone organique de la biomasse et du sol, de l’eau et de l’intégrité de la biodiversité. De quoi fournir un indicateur synthétique de la « capabilité écosystémique totale » locale (ou CET), définie comme le potentiel des écosystèmes à fournir des services au cours du temps et à se renouveler durablement.</p>
<p>Les comptes <a href="http://oss-online.org/sites/default/files/2023-05/ArfikENCA.pdf">AfrikENCA</a> couvrent ainsi le continent africain et l’île de Madagascar, de 2001 à 2020 et à l’échelle de 200 874 zones écologiques (écozones) d’une taille d’environ 12 x 12 km, <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2023-07/AfrikENCA.pdf">agrégées par bassins versants</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Base de données AfrikENCA, calculs F. Mar, A. Ben Romdhane, T. Tapsoba, J.L. Weber et E. Fourmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La diminution de la valeur en ECU du CET d’une écozone reflète donc une détérioration de son capital naturel. Si elle est stable ou s’améliore sur une période assez longue, c’est le signe du bon état probable de l’écosystème. On peut additionner la CET des écozones, lesquelles peuvent être regroupées selon une approche écologique (bassin versant, aire protégée, corridor écologique) ou administrative (commune, district, pays, région).</p>
<h2>Forte dégradation</h2>
<p>Ces comptes ont déjà permis d’offrir un regard sur <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2023-07/AfrikENCA.pdf">l’évolution de la couverture forestière</a>, sur les aires protégées abritant des espèces menacées, sur la dynamique des écosystèmes au sein de la <a href="https://theconversation.com/grace-a-la-grande-muraille-verte-une-meilleure-qualite-de-vie-dans-le-sahel-205421">Grande muraille verte</a> et sur les enjeux du stress hydrique affectant l’Afrique du Nord.</p>
<p>Tandis que la population en Afrique a crû de 35 % entre 2010 et 2019, la production a quant à elle augmenté de 40 % et le revenu moyen par tête est resté assez stable, avec des gains modestes (+5 % en 2019 par rapport à 2005) probablement effacés par la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Sur la même période, la CET par habitant a fortement décru (-30 %), ce qui signifie à la fois une perte de ressources pour les populations dont les moyens d’existence sont très dépendants des services écosystémiques et une dégradation du potentiel des écosystèmes à se maintenir, à s’adapter au changement climatique et à fournir des services à l’avenir.</p>
<p>Ce constat rejoint celui formulé en 2021 par un <a href="https://www.gov.uk/government/publications/final-report-the-economics-of-biodiversity-the-dasgupta-review">rapport indépendant sur l’économie de la biodiversité</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Afrique : Produit intérieur brut, Démographie et Capital écosystémique 2010-2020 (base 100 en 2010).</span>
<span class="attribution"><span class="source">PIB : Banque Mondiale (PPA, prix constants 2017) ; Population : WorldPOP ; CET : OSS AfrikENCA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>60 % des écozones en situation « non soutenable »</h2>
<p>La CET de certaines écozones baisse continûment sur les quinze dernières années (de 2005 à 2019) et de façon accélérée sur les cinq dernières années (2015 à 2019), indiquant une dégradation des écosystèmes liée notamment à leur surexploitation. Ces écozones en dégradation écologique « continuelle » sont qualifiées de non soutenables et cela pose la question de l’avenir des 750 millions d’Africains qui y vivent.</p>
<p>Plus de 60 % des écozones sont en situation non soutenable et, dans la base AfrikENCA, 36 % (un tiers !) ont perdu plus de 10 % de leur capabilité écosystémique totale sur les cinq dernières années. Par contraste, les autres écozones sont réputées soutenables. Mais sur les 200 874 écozones du continent, elles ne représentent que 39 %.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Situation des écozones de la base AfrikENCA (*ppa = parité de pouvoir d’achat).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AfrikENCA, calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La carte ci-dessous montre la proportion des écozones soutenables dans chacun des sous-bassins versants. Les zones les plus rouges sont composées à plus de 90 % d’écozones en situation non soutenable, caractérisant un risque pour la croissance économique. À l’inverse, les zones les plus vertes abritent peu d’écozones non soutenables.</p>
<p>Cette première vue d’ensemble montre l’étendue du problème, la disparité des situations et les zones où des investigations doivent être poursuivies, afin d’affiner l’analyse et confirmer par des études de terrain, le lieu, les causes et l’intensité de la dégradation écosystémique constatée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation des écozones non-soutenables par sous-bassins versants (période 2005-2020).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AfrikENCA, calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des populations rendues vulnérables</h2>
<p>En croisant avec les données spatialisées de production et de population, on observe que les écozones non soutenables concentrent 55 % du PIB de l’Afrique et 57 % de sa population. On peut légitimement s’interroger sur l’avenir à moyen terme de la production, notamment agricole, au regard de l’évolution du capital naturel qui le sous-tend plus ou moins directement, et par extension sur l’avenir des communautés elles-mêmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">Changement climatique et agriculture : les économistes alertent sur la nécessité d'intensifier les efforts d'adaptation en Afrique subsaharienne</a>
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<p>Pour les populations pauvres et rurales qui dépendent fortement des ressources naturelles, leur exposition aux risques environnementaux est forte et leur vulnérabilité s’accroît. Plus de 750 millions de personnes vivent ainsi sur des écozones non soutenables, dont 157 millions dans des écozones en très forte dégradation écologique (perte de capital naturel supérieure à 25 % depuis 2015).</p>
<p>En filigrane, on peut imaginer que les populations habitant dans des écozones en voie de dégradation importante vivront moins bien et devront à terme migrer vers d’autres lieux.</p>
<h2>Des outils pour s’adapter</h2>
<p>Ces résultats montrent qu’un travail important s’annonce pour adapter les territoires et les économies, pour tenter de ralentir leur « désertification » écologique et économique. Or, les décisions économiques continuent à être prises sur la base d’analyses <a href="https://www.cairn.info/apprehender-les-trajectoires-de-developpement-a-l---1000000148984-page-1.htm?contenu=resume">qui n’intègrent pas les limites biophysiques des écosystèmes et leur résilience</a>.</p>
<p>Mesurer l’état des écosystèmes – une préoccupation qui anime économistes et écologues – est effectivement loin d’être simple. Pourtant, les premières applications d’outils de comptabilité environnementale (comme ENCA) montrent qu’ils peuvent fournir des analyses intégrant les limites biophysiques des écosystèmes.</p>
<p>S’ils sont bien évidemment perfectibles, ces outils peuvent permettre d’éclairer les acteurs concernés – gouvernements, société civile, entreprises et institutions financières – et peuvent contribuer à inventer de nouvelles politiques publiques <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3lYClDIBcWQ">conciliant les dimensions économique, sociale et environnementale</a> dans une perspective de soutenabilité forte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-doit-on-prendre-soin-de-la-biodiversite-220563">Pourquoi doit-on prendre soin de la biodiversité ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/222320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Fourmann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La méthode ENCA consiste à mesurer l’état de santé des écosystèmes d’un territoire et de fournir une métrique comparable à celle de la « tonne équivalent CO₂ » dans la comptabilité du carbone.Emmanuel Fourmann, Chargé de recherche, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207082024-02-07T15:42:52Z2024-02-07T15:42:52ZExtrême pauvreté, l'éternelle urgence dans le Grand Sud malgache<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569064/original/file-20240112-27-ehsd07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C538%2C359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des enfants malgaches bénéficient d’une cantine scolaire mise en place grâce au Programme alimentaire mondial des Nations unies, 2013.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/lunion-europeenne-appuie-lacces-leducation-dans-le-sud-de-madagascar">Site du Programme alimentaire mondial</a></span></figcaption></figure><p>Le sud de Madagascar est l’une des régions les plus vulnérables d’Afrique subsaharienne. On estime que plus de 9 habitants sur 10 vivent <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/nasikiliza/dans-le-sud-de-madagascar-une-meilleure-productivite-permettra-de-lutter-contre-la">sous le seuil d’extrême pauvreté</a> (1,90 dollars par jour). Depuis une trentaine d’années, les alertes des ONG, des médias et des organisations internationales sont récurrentes. La population est confrontée à de nombreux risques climatiques, sociaux, sécuritaires, sanitaires et économiques. Face à l’urgence de la situation, la région a progressivement vu s’installer une multitude d’acteurs nationaux et internationaux de l’urgence et du développement.</p>
<p>Comment comprendre l’urgence chronique dans le sud de Madagascar et les réponses apportées à cette crise ? Nous proposons de nous appuyer sur un <a href="https://hal.science/hal-04218183v2/file/CAPSUD%20Document%20de%20capitalisation%20Livrable%20final%20en.pdf">travail</a> qui référence et archive les principaux travaux (articles scientifiques et littérature grise) produits au cours des 30 dernières années sur les projets de développement dans le sud de Madagascar. Sur cette base, notre équipe a produit une analyse de l’échec des projets mis en place dans la zone. Nous renvoyons le lecteur au rapport « <a href="https://hal.science/hal-04218183v2">Le développement dans le Grand Sud malgache. Quelques enseignements de 30 ans de projets de développement</a> » (coordonné par Claire Gondard-Delcroix) pour davantage d’informations sur le travail réalisé et la bibliothèque en ligne.</p>
<h2>Une crise multifactorielle</h2>
<p>Le grand sud malgache est historiquement caractérisé par une vulnérabilité multifactorielle. Les conditions agro-climatiques défavorables, en interaction avec l’enclavement géographique, politique et économique de la zone, expliquent en partie les différences entre, d’une part, les trois régions du sud et, d’autre part, le reste du pays.</p>
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<p>Les sévères contraintes agroclimatiques qui pèsent sur la région ont de lourdes conséquences. <a href="https://ecologyandsociety.org/vol27/iss1/art42/">L’intensification du <em>kéré</em></a> (littéralement, « famine » en <a href="https://www.jacaranda.fr/en/antandroy">Antandroy</a>) pose d’importants problèmes d’accès aux ressources vitales comme l’eau et l’alimentation. Principalement tournées vers l’agriculture et l’élevage, les activités génératrices de revenus des populations locales ont été largement impactées par les périodes de sécheresse, mais également par les <a href="https://2424.mg/invasion-acridienne-le-grand-sud-et-la-partie-ouest-de-madagascar-touches-par-des-essaims-de-criquets/">invasions acridiennes</a> et les vents violents. 93 % des personnes interrogées dans le cadre d’une <a href="https://2424.mg/invasion-acridienne-le-grand-sud-et-la-partie-ouest-de-madagascar-touches-par-des-essaims-de-criquets/">enquête</a> réalisée en 2019 dans le sud de Madagascar ont déclaré avoir subi un choc impactant leurs cultures agricoles durant les douze derniers mois. La multiplication et l’accumulation de ces difficultés mettent sous tension les équilibres de pouvoir et les structures sociales traditionnelles.</p>
<p>Le bouleversement le plus visible et le plus médiatique s’illustre par la présence de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20180623-madagascar-difficile-lutte-contre-le-vol-zebus">voleurs de zébus</a> (<em>Dahalo</em>). Le champ d’intervention de ces groupes aujourd’hui lourdement armés et très organisés, à l’origine concentrés sur le vol de zébus dans le cadre de pratiques sociales locales, s’est progressivement élargi à d’autres trafics, si bien que le terme de <em>dahalo</em> est aujourd’hui moins approprié que celui de <em>malaso</em> (bandits).</p>
<p>Les causes climatiques sont loin d’être l’unique élément d’explication pour comprendre la crise que traversent les trois régions du grand sud.</p>
<p>Nous avons évoqué l’enclavement politique et géographique de la région, les jeux de pouvoirs locaux et nationaux ; il faut aussi particulièrement souligner les types et modes des interventions développées. Les interventions suivant une « logique projet », déployées sur des horizons temporels courts et des objectifs ciblés, peinent à prendre en compte la multidimensionnalité des difficultés régionales.</p>
<p>À cela il convient d’ajouter les défaillances de l’État (manque d’infrastructures, sous-administration importante) et les difficultés de coordination des acteurs de l’aide et de l’urgence. La combinaison entre ces différents éléments permet de comprendre la crise multifactorielle en cours dans le grand sud malgache.</p>
<h2>Le sud de Madagascar, cimetière à projets ?</h2>
<p>Face à l’urgence de la situation, la région est progressivement devenue un laboratoire de l’aide internationale. Les populations du grand sud ont vu se succéder de nombreux projets d’aide et d’urgence, dont des programmes de distribution alimentaire, des programmes de distribution d’eau et d’assainissement et enfin, dernièrement, des <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-la-pauvrete-les-limites-du-transfert-monetaire-130153">programmes de transferts monétaires</a>.</p>
<p>Les interventions de développement et d’urgence sont principalement structurées autour des thématiques de la nutrition, de l’eau, de la santé, de l’assainissement, de l’extrême pauvreté ou encore de la gestion des catastrophes naturelles, et sont le fait d’acteurs multiples.</p>
<p>On peut par exemple citer les nombreux projets de la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar">Banque mondiale</a>, du <a href="https://fr.wfp.org/histoires/madagascar-les-enfants-ne-courent-et-ne-jouent-pas-dans-leurs-yeux-une-profonde-tristesse">Programme alimentaire mondial</a>, de <a href="https://www.eeas.europa.eu/madagascar/lunion-europeenne-et-madagascar_fr">l’Union européenne</a>, ou encore de <a href="https://www.unicef.org/madagascar/">l’UNICEF</a>. Il est également intéressant de souligner la présence d’organisations nationales ayant des liens étroits avec les organisations internationales comme le <a href="https://bngrc.gov.mg/">Bureau national de gestion des risques et des catastrophes</a>, le <a href="https://www.fid.mg/">Fonds d’intervention pour le Développement</a> ou encore <a href="https://office-nutrition.mg/">l’Office national de nutrition</a>.</p>
<p>Les organisations non gouvernementales comme <a href="https://www.care.org/fr/our-work/where-we-work/madagascar/">CARE international</a>, la <a href="https://croixrougemalagasy.mg/">Croix-Rouge</a>, <a href="https://www.crs.org/our-work-overseas/where-we-work/madagascar">Catholic Relief Service</a> ou <a href="https://www.welthungerhilfe.org/our-work/countries/madagascar">Welthungerhilfe</a> jouent aussi un rôle important. Cette présence de nombreux acteurs du développement et de l’urgence pose d’importants problèmes de coordination dans la mise en place des interventions.</p>
<p>Historiquement, le sud de Madagascar est une région <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/587761530803052116/pdf/127982-WP-REVISED-deep-south-V27-07-2018-web.pdf">enclavée géographiquement et politiquement</a>. L’État y est quasiment absent. Malgré le <a href="https://www.presidence.gov.mg/actualites/1268-colloque-regional-pour-l-emergence-du-grand-sud-des-solutions-malgacho-malgaches-pour-une-transformation-radicale-des-regions-androy-et-anosy.html">plan « émergence du grand sud »</a> lancé en 2021 par la présidence de la République, les choses n’ont guère évolué. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’utilisation de la notion d’émergence dans des régions habituées aux situations de crises alimentaires, sanitaires, climatiques, sécuritaires et institutionnelles. Le plan émergence apparaît davantage comme un outil de communication qu’une politique engageant des changements structuraux profonds.</p>
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<p>Ainsi les actions de développement menées dans la région se structurent autour de projets caractérisés par des temporalités d’exécution réduite (le temps du projet). Cette logique de court terme <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/15/a-madagascar-derriere-l-alibi-du-climat-les-raisons-d-une-famine_6117641_3212.html">pose d’importants problèmes</a> : elle réduit les possibilités de pérennisation des projets de développement, rend plus difficile l’accumulation d’expérience, concourt à réduire la confiance des populations locales et exacerbe la concurrence entre les acteurs impliqués dans l’accès aux financements et le développement des projets.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Il paraît déterminant de renforcer l’adaptation des dispositifs (politiques et projets) dans le sud de Madagascar aux contextes locaux. En effet, de nombreuses interventions peuvent être qualifiées de modèles voyageurs. C’est-à-dire des « <a href="https://www.cairn.info/la-revanche-des-contextes--9782811123628-page-23.htm">programmes standardisés d’intervention sociale</a> » qui ne tiennent pas compte de la structure des pouvoirs locaux, des dynamiques socio-économiques locales, de l’histoire des rapports de force ou encore des activités et pratiques de protection informelles des populations locales – c’est le cas par exemple, du développement des programmes de transferts monétaires conditionnels ou non conditionnels.</p>
<p>De nouvelles approches permettant d’avoir une compréhension précise des dynamiques locales doivent être adoptées. Le <a href="https://gret.org/">Groupe de recherches et d’échanges technologiques</a> (organisation de solidarité internationale) réalise plusieurs projets de développement en mobilisant une approche socioanthropologique afin de tenir compte de la diversité et la complexité des contextes dans le développement des projets.</p>
<p>Par ailleurs, un enjeu important réside dans le développement de travaux de recherche dédiés à l’étude de la multidimensionnalité des dynamiques de développement dans le Sud malgache. En effet, si les projets de développement intègrent habituellement une dimension de suivi évaluation, celle-ci reste focalisée sur la réalisation des objectifs internes du projet et sur l’impact de celui-ci, sans prise en compte des complexités régionales. Si de telles évaluations sont nécessaires pour capitaliser, comparer les projets et évaluer leur reproductibilité, elles ne permettent pas de traiter globalement des enjeux du développement de la région. De telles recherches interdisciplinaires permettraient de nourrir utilement le dialogue science-société au service de l’élaboration des politiques et projets de développement dans le sud malgache.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Gondard-Delcroix a reçu des financements de la Délégation de l’Union Européenne à Madagascar (DUEM), à travers les Fonds Européen de Développement (FED) affectés au programme « Appui au financement de l’agriculture et aux filières inclusives dans le Sud de Madagascar » (Afafi-Sud). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léo Delpy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sud de Madagascar subit depuis plusieurs décennies une crise multifactorielle. Malgré l’aide internationale, la région est l’une des plus vulnérables de l’Afrique subsaharienne.Léo Delpy, Maitre de conférences, Université de LilleClaire Gondard-Delcroix, Enseignante-chercheuse en économie, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2225662024-02-06T14:38:38Z2024-02-06T14:38:38ZCoupe d’Afrique des nations : les diasporas, une aubaine pour le football africain ?<p>Qui remportera la <a href="https://theconversation.com/topics/coupe-dafrique-des-nations-can-137997">Coupe d’Afrique des nations</a> (CAN) dimanche prochain ? Ce mercredi, en demi-finales, le Nigeria s'est qualifié aux dépens de l’Afrique du Sud, et affrontera en finale le pays organisateur, la Côte d’Ivoire, venue à bout de la République démocratique du Congo.</p>
<p>À l’issue de <a href="https://www.theguardian.com/football/2022/feb/06/senegal-egypt-africa-cup-of-nations-final-match-report">l’édition précédente</a>, en 2022, c’est le capitaine du Sénégal, Kalidou Koulibaly, qui avait soulevé le trophée. En 2019, le capitaine Riyad Mahrez avait mené l’Algérie à la victoire. Aucun de ces deux joueurs n’est né en Afrique. En cas de victoire du Nigeria, le trophée ne serait, une fois de plus, pas soulevé par un natif du continent africain : <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Article/Troost-ekong-capitaine-du-nigeria-a-la-can-la-plus-belle-decision-de-ma-vie/1446178">William Troost-Ekong</a>, l’actuel capitaine des Super Eagles, est né aux Pays-Bas. Sur les <a href="https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/sports/the-allure-of-the-diaspora-at-afcon-2024-4491490#">630 joueurs</a> convoqués, 200 sont nés en dehors du continent. La carte ci-dessous indique leurs lieux de naissance.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lieu de naissance hors Afrique des joueurs engagés à la CAN. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le pays non africain qui a vu naître le plus grand nombre de joueurs présents à la CAN est la France, avec 104 joueurs, suivie de l’Espagne avec 24 joueurs, puis du Royaume-Uni avec 15 joueurs. Des natifs de l’Irlande et de l’Arabie saoudite participent aussi au tournoi cette année.</p>
<p>L’équipe nationale marocaine était celle comptant le plus grand nombre de joueurs issus de la <a href="https://theconversation.com/topics/diaspora-72162">diaspora</a> : 18 d’entre eux sont nés hors du pays qu’ils représentaient, alors que seuls 9 membres de l’équipe sont nés dans le pays. La Guinée équatoriale et la République démocratique du Congo comptent, elles, respectivement 17 et 16 joueurs issus de la diaspora.</p>
<h2>Choix du cœur ou de la raison ?</h2>
<p>Une intense bataille visant à attirer les talents se dispute actuellement dans le monde du football. Elle implique souvent la <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/international-athletes-world-cup-nationality">naturalisation de footballeurs</a>, qui se retrouvent parfois à jouer pour une équipe nationale alors qu’ils ont déjà joué pour une autre (ce qui est possible depuis 2020, avec toutefois des <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/fifa-la-nouvelle-regle-pour-les-changements-d-equipe-nationale-a-ete-votee_AV-202009190237.html">restrictions importantes</a>). Certains États effectuent même un <a href="https://www.thenationalnews.com/fifa-world-cup-2022/2022/12/07/every-moroccan-is-moroccan-regraguis-fight-to-include-foreign-born-players-vindicated/">ciblage spécifique</a> de joueurs susceptibles de renforcer leur sélection nationale dans des pays du monde entier.</p>
<p>Le cas de l’Afrique reste cependant bien à part. Il reflète à la fois son passé colonial et l’importance de ses diasporas présentes en de nombreux points du monde. <a href="https://www.theguardian.com/football/2015/sep/12/leicester-city-riyad-mahrez-father-dream-algeria-world-cup">Riyad Mahrez</a>, par exemple, est né à Paris de parents d’origine algérienne et marocaine. La capitale française compte 331 000 Algériens et 254 000 Marocains. Les parents de <a href="https://onefootball.com/en/news/chelsea-defender-koulibaly-explains-choosing-senegal-over-france-35927795">Kalidou Koulibaly</a>, natif de Saint-Dié-des-Vosges, sont tous deux nés au Sénégal ; et les chiffres indiquent qu’il y a plus de 100 000 Sénégalais en France.</p>
<p>Il ne s’agit pas seulement d’une histoire française : l’attaquant nigérian <a href="https://dailypost.ng/2023/02/09/no-regrets-choosing-nigeria-over-england-lookman/">Ademola Lookman</a> est né à Londres ; le Ghanéen <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/africa/62549049">Inaki Williams</a> a quasiment toujours vécu à Bilbao et a porté une fois le maillot de la sélection espagnole ; les Marocains <a href="https://blogs.lse.ac.uk/mec/2023/01/16/the-political-dimension-of-moroccos-success-in-the-world-cup/">Sofyan Amrabat et Hakim Ziyech</a> sont passés par les équipes de jeunes des Pays-Bas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1745694217509458131"}"></div></p>
<p>L’identité personnelle et la dynamique familiale comptent souvent parmi les raisons principales pour lesquelles les joueurs choisissent de représenter les équipes du lieu de naissance de leurs parents plutôt que celles du pays où ils sont nés eux-mêmes. <a href="https://www.irishtimes.com/sport/soccer/2022/12/10/hakim-ziyech-a-magician-at-the-heart-of-moroccan-love-story/">Hakim Ziyech</a>, par exemple, a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Le choix d’une équipe nationale ne se fait pas avec le cerveau mais avec le cœur. Je me suis toujours senti marocain, même si je suis né aux Pays-Bas. Beaucoup de gens ne comprendront jamais. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.goal.com/en-gb/news/inaki-williams-made-right-choice-ghana-over-spain/blt005c8219a89b044e">Inaki Williams</a> a, lui, évoqué l’influence de ses grands-parents :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’étais pas sûr de mon choix, mais un voyage au Ghana m’a aidé à comprendre ce que mes grands-parents en pensaient. Tout m’a semblé plus simple en voyant les gens et ma famille m’encourager à devenir un Black Star. »</p>
</blockquote>
<p>Les cyniques affirment que certains de ces joueurs ne sont tout simplement pas assez bons pour être sélectionnés dans l’équipe nationale du pays où ils sont nés. Présenté dans ses jeunes années comme une future star du football anglais alors qu’il impressionnait sous les couleurs d’Arsenal, <a href="https://www.completesports.com/ex-everton-star-ball-iwobi-not-good-enough-to-play-for-toffees/">Alex Iwobi</a>, 27 ans, joue aujourd’hui pour Fulham, équipe de milieu de tableau, et compte 72 sélections avec le Nigeria.</p>
<h2>S’appuyer davantage sur les natifs du continent ?</h2>
<p>D’autres observateurs s’inquiètent néanmoins de l’impact négatif que le recours aux diasporas peut avoir sur le football africain. Pour eux, faire venir des talents d’Europe et d’ailleurs ne serait qu’une stratégie cherchant à obtenir des résultats immédiats au détriment du <a href="https://www.africanews.com/2018/09/11/is-africas-football-talent-finally-coming-back-home-football-planet/">développement à long terme du football sur le continent</a>.</p>
<p>Une telle stratégie peut effectivement porter ses fruits rapidement : lors de la Coupe du monde au Qatar en 2022, le Maroc est devenu la première nation africaine à atteindre les demi-finales du tournoi. Cette performance lui a permis d’obtenir la meilleure place jamais enregistrée par une équipe africaine dans le classement de la FIFA (13<sup>e</sup> place). Le Sénégal se trouve également dans le Top 20 mondial.</p>
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<p>Les performances récentes du Cap-Vert, éliminé aux tirs au but au stade des quarts de finale de la Coupe d’Afrique cette année, ont aussi montré que tout était possible, même pour des nations traditionnellement plus discrètes sur la planète football. L’équipe nationale de ce chapelet de dix îles de l’océan Atlantique, dont la population est inférieure à celle de la ville de Marseille, a terminé en tête d’un groupe difficile comprenant l’Égypte et le Ghana et a éliminé la Mauritanie en huitième de finale. Là aussi, de nombreux binationaux ont été <a href="https://www.flashscore.fr/actualites/football-can-pico-lopez-et-logan-costa-l-irlandais-et-le-toulousain-du-cap-vert-a-la-can-2024/AkwY50Ck/">remarqués et sollicités</a> par la fédération capverdienne.</p>
<p>L’ancien gardien de but du Cameroun et de l’Olympique de Marseille <a href="https://www.lemonde.fr/en/sports/article/2022/11/25/world-cup-2022-the-problem-with-african-football-is-the-leaders_6005649_9.html">Joseph-Antoine Bell</a> ne s’enthousiasme pas outre mesure. Selon lui, la possibilité d’avoir recours à de nombreux joueurs issus de la diaspora rend le travail des dirigeants, des managers et des entraîneurs du continent africain trop facile, ce qui provoquerait une forme de passivité. Il a ajouté que ce phénomène démotiverait les joueurs nés, éduqués et vivant en Afrique.</p>
<p>Bien que la pratique de la sélection de joueurs issus des diasporas semble <a href="https://www.versus.uk.com/articles/diaspora-fc-why-its-time-for-this-generation-to-go-back-to-their-motherlands">s’intensifier</a> (l’impact de la <a href="https://sports-chair.essec.edu/resources/research-reports/sport-and-national-eligibility-criteria-in-the-era-of-globalization">mondialisation</a> se faisant aussi ressentir), quelques pays continuent de s’appuyer fortement sur des joueurs nés et élevés sur le territoire national. L’Égypte, la Namibie et l’Afrique du Sud en sont des exemples. Joseph-Antoine Bell approuverait sans doute, lui qui a déjà appelé l’Afrique à développer des solutions internes en matière d’identification et de développement des talents. Le problème, c’est que cela demande du temps, de l’argent et de la patience – des denrées précieuses dans le football en général, et pas seulement en Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222566/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux joueurs des sélections africaines sont nés et ont grandi en Europe. Leur choix d’évoluer pour une nation africaine est-il un signe positif pour le football africain ?Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Associate Professor, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207352024-02-04T15:37:06Z2024-02-04T15:37:06ZLes minerais critiques, des ambitions pour l’Afrique<p>Avec l’accélération de la transition énergétique et numérique, les besoins mondiaux en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">minerais critiques</a> connaissent une croissance exponentielle ces dernières années, avec de 2017 à 2022 une hausse de 200 % de la demande de lithium, un bond de 70 % pour le cobalt et de 40 % pour le nickel. La demande de minéraux essentiels critiques devrait être <a href="https://www.iea.org/reports/critical-minerals-market-review-2023">multipliée par 3,5 d’ici à 2030</a>.</p>
<p>L’Afrique, qui dispose de larges ressources et gisements en la matière, espère en profiter pour soutenir une trajectoire d’industrialisation fondée sur une transformation locale accrue de ses minerais et renforcer son rôle dans les <a href="https://au.int/sites/default/files/documents/30995-doc-africaminingvisionfrench.pd">chaînes de valeur internationales</a>.</p>
<p>Ces ambitions doivent cependant être analysées au prisme des réalités géologiques, des politiques et de l’environnement de chaque pays et du contexte international. C’est en particulier la montée du « protectionnisme vert » au sein des grandes puissances économiques et la multiplication des offres de partenariats aux pays du continent <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-minerais-de-la-transition-energetique-et-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">qu’il faudra juger au fil du temps</a>.</p>
<h2>Position dominante de l’Afrique</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">« minerais critiques »</a> englobent une série de ressources essentielles à la construction des infrastructures de la <a href="https://theconversation.com/les-pressions-sur-leau-face-ignoree-de-la-transition-energetique-154969">transition énergétique et numérique</a> (panneaux solaires, éoliennes véhicules électriques, écrans tactiles, stockages de données, connexion des systèmes entre eux).</p>
<p><a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">Différentes listes</a> de ces minerais ont été établies par les pays consommateurs de minerais, chacune étant basée sur des hypothèses concernant la demande à venir, les utilisations futures et leur disponibilité. Elles reflètent ainsi le caractère stratégique du minerai pour le pays.</p>
<p>L’Afrique dispose d’une position dominante sur quatre minerais considérés comme critiques par plusieurs listes : le cobalt, le manganèse, le chrome et le platine. Elle est également très présente sur cinq autres – le bauxite, le graphite, le cuivre, le nickel et le zinc.</p>
<h2>Opportunité pour le continent ?</h2>
<p>Cette place centrale du continent africain incite les gouvernements à proposer aux investisseurs de transformer les minerais sur place, afin de créer davantage de valeur ajoutée et susciter des retombées économiques locales et régionales.</p>
<p>Ils entendent utiliser les avantages de la nouvelle dynamique en matière de liberté d’échange et d’intégrité régionale (mise en place de la Zone de libre échange continentale africaine Zlecaf) en développant des chaînes de valeur régionales compétitives. Cette politique nouvelle est au centre de l’agenda du <a href="https://au.int/en/amdc">Centre pour le développement des ressources minérales en Afrique</a> parrainé par l’Union Africaine.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Avec le temps et l’appui de bonnes politiques incitatives, la plupart de ces projets pourraient devenir réels et pérennes. Pour certains pays moins dotés, des objectifs plus modestes pourront sans doute inclure d’abord le développement de réseaux de fournisseurs de produits et de services aux sociétés minières, des camionnettes et des fabricants de pièces de rechange jusqu’aux services de restauration, géomètres et services de ressources humaines, soutenus par des exigences de contenu local afin d’abaisser les barrières à l’entrée pour les entreprises locales.</p>
<p>Ces services n’ont pas le statut ou le potentiel économique du raffinage mais contribueront à renforcer les chaînes d’approvisionnement locales amont et à ajouter une valeur utile à l’exploitation des minerais en Afrique.</p>
<h2>Transformation des minerais</h2>
<p>Afin de tirer le meilleur parti de leurs ressources minières, les pays africains pourraient ainsi développer une industrie de transformation locale des minerais.</p>
<p>Sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur, l’extraction minière rapporte en effet peu par rapport aux étapes en aval de production de biens issus des minerais. Cela contribuerait en outre à une industrialisation du continent attendue de longue date.</p>
<p>L’exemple du cuivre illustre bien les défis à relever : en <a href="https://documents.banquemondiale.org/fr/publication/documents-reports/documentdetail/305141468189249424/zambia-economic-brief-making-mining-work-for-zambia">Zambie</a> et en RDC, la production minière a augmenté dans les années 2010 alors que la part des exportations de produits semi-finis a diminué.</p>
<h2>Production de batteries ?</h2>
<p>L’ambition de certains pays africains s’étend jusqu’à la <a href="https://www.state.gov/translations/french/les-etats-unis-publient-un-protocole-daccord-signe-avec-la-republique-democratique-du-congo-et-la-zambie-pour-renforcer-la-chaine-de-valeur-des-batteries-de-vehicules-electriques/">production de batteries</a> à destination des véhicules électriques, ce qui dépendra aussi de l’existence d’un marché pour les véhicules alimentés par des batteries à proximité.</p>
<p>Du fait du manque d’accessibilité financière et d’infrastructures de recharge à l’échelle du réseau, le marché africain de l’électrique à quatre roues risque de rester longtemps limité. La chaîne de valeur des batteries fabriquées à partir de nickel, lithium et manganèse pourrait s’arrêter à la production de matériaux précurseurs de batteries.</p>
<p>Avec un potentiel plus important sur le marché africain des véhicules électriques à 2 ou 3 roues – qui utilisent des batteries au lithium, au fer et au phosphate et sont aussi précieuses pour le stockage stationnaire de l’énergie – les industries fondées sur la chimie des batteries ont plus de chances d’être viables.</p>
<p>Cela requerra des investissements dans les usines de fabrication de cellules : ils seraient facilités par un soutien aux fabricants nationaux de véhicules électriques à 2 et 3 roues, par davantage de découvertes de lithium et par une coordination régionale sur le raffinage du lithium.</p>
<h2>Contrôler les exportations ?</h2>
<p>La stratégie adoptée par certains pays africains est d’essayer de forcer la main aux compagnies minières : contraindre les exportations de matières premières non transformées en imposant des <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/trade/raw-materials-critical-for-the-green-transition_c6bb598b-en;jsessionid=t10e5NtYkZgGGN68CYsRV6fi9TsVUl-Iwykelcg_.ip-10-240-5-29">restrictions</a>, dans le but que cela favorise les industries locales en aval.</p>
<p>On en compte presque 2500 restrictions aux exportations sur le continent en 2021 (contre 1000 en 2009) lorsque l’on croise les différents types de mesures (interdiction, quotas d’exportation, licences ou taxes sur les exportations) et les 70 minerais et métaux.</p>
<p>Ces restrictions à l’exportation en Afrique comme outils de stimulation de la transformation locale des minéraux <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/trade/export-controls-and-competitiveness-in-african-mining-and-minerals-processing-industries_1fddd828-en">ne semblent pourtant pas efficaces</a>. Il n’y a pas eu d’amélioration de l’avantage comparatif révélé des produits transformés et ces décisions ont même pu saper la performance globale des industries dans certains cas.</p>
<h2>Favoriser les zones économiques spéciales</h2>
<p>Un problème majeur de la transformation locale est celui du financement. Pour les États, le défi sera de réussir à attirer des investisseurs prêts à dépenser les fonds nécessaires pour construire et installer des usines.</p>
<p>Les recettes directes seraient toutefois maximisées si plusieurs pays s’associaient pour développer ensemble des complexes de transformation et des filières de référence. C’est dans ce contexte qu’émergent des projets de zones économiques spéciales (ZES) autour de la transformation des minerais.</p>
<p>Dans la dernière décennie, des dizaines de nouvelles ZES ont ainsi surgi pour répondre aux besoins de l’industrie minière : la « Platinum Valley » cherche à révolutionner la production africaine de piles à hydrogène.</p>
<p>La <a href="https://www.uneca.org/fr">Commission économique des Nations unies pour l’Afrique</a> (CEA) et la banque d’affaires <a href="https://www.afreximbank.com/fr/">Afreximbank</a> se sont récemment associées à travers un accord-cadre pour l’établissement d’une ZES pour la production de batteries et de véhicules électriques en RDC et en Zambie.</p>
<h2>Accroître la taille du marché local</h2>
<p>Un autre défi à l’émergence d’une industrie de transformation est l’absence d’un marché local suffisant pouvant justifier la création d’unités de transformation locale et permettre le développement des chaînes de valeurs régionales.</p>
<p>Aucun pays africain ne possédant à lui seul tous les minéraux nécessaires à la production de batteries, les États devront donc mettre en commun leurs approvisionnements en minéraux pour atteindre les échelles requises.</p>
<p>De nombreuses barrières au commerce sur le continent demeurent : plus le produit est haut dans la chaîne de valeurs des produits miniers, plus les tarifs entre les pays du continent sont élevés. Cela crée un obstacle majeur au développement de la chaîne de valeur. Les standards sont en moyenne de 2 à 4 sur chaque produit, or en moyenne, les coûts commerciaux liés à ces mesures non tarifaires <a href="https://openknowledge.worldbank.org/entities/publication/09f9bbdd-3bf0-5196-879b-b1a9f328b825">diminuent de 4,9 points de pourcentage le commerce des produits miniers</a> (contre 2,6 % en moyenne pour les biens). L’agenda de la Zlecaf, qui entend réduire ces barrières tarifaires et non-tarifaires, peut proposer un cadre intéressant pour ces transformations.</p>
<h2>Défis majeurs des infrastructures</h2>
<p>Outre l’émergence d’un marché local, aller au-delà d’un simple traitement des minerais et créer des chaînes de valeur intégrées à l’échelle de l’Afrique est très complexe au regard des défis énergétiques et des systèmes de transport actuels.</p>
<p>Cela implique des besoins énergétiques importants pour les usines de transformation, alors que l’accès à l’électricité demeure un problème pour de nombreux pays africains. Si l’extraction industrielle peut consommer assez peu d’énergie, la transformation en produits raffinés est le plus souvent très <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301679X17302359">énergivore</a>. Les grandes raffineries de minerais du monde sont souvent là où l’énergie est disponible et <a href="https://www.piie.com/publications/policy-briefs/building-downstream-capacity-critical-minerals-africa-challenges-and">peu coûteuse</a>.</p>
<p>L’autre obstacle est l’insuffisance des transports terrestres. Les réseaux de transport en Afrique demandent à être réhabilités ou développés pour supporter les trafics courants et absorber ces flux minéraliers massifs.</p>
<p>En résumé, le continent africain dispose de perspectives de création de valeur mais devra pour les concrétiser renforcer sa position sur le marché des matières premières minérales, exploiter ses avantages comparatifs et améliorer ses infrastructures, systèmes énergétiques et conditions générales d’investissements. Des <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_5303">alliances</a> sont donc à bâtir au niveau africain et international. Cependant l’analyse des potentiels de transformation ne doit pas se borner aux seuls minerais de la transition. Il est en effet crucial pour le continent de développer ses capacités de transformation sur les minerais qu’il produit d’ores et déjà en grandes quantités, platines et or et également pour les matériaux de construction : le fer et l’acier. D’autant que les besoins en minerais stratégiques sont tellement importants que cela pourrait conduire les industries de la transition énergétique à utiliser d’autres composants et à se passer de lithium pour les batteries par exemple.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association nationale de la recherche et de la technologie. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon, Philippe Bosse et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le continent espère profiter des besoins croissants en minerais critiques pour renforcer son rôle dans les chaînes de valeur internationales, au-delà de la seule extraction.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePhilippe Bosse, Ingénieur géologue au département Afrique de l’AFD, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209602024-02-04T15:33:54Z2024-02-04T15:33:54ZComprendre les mobilités sociales dans l’Afrique d’aujourd’hui<p>Dans une époque de montée des inégalités, rendre compte des formes de mobilité sociale est un enjeu crucial pour les sociétés contemporaines.</p>
<p>En Afrique, les sociétés sont aujourd’hui largement marquées à la fois par leur jeunesse et par de <a href="https://www.cepremap.fr/publications/lafrique-des-inegalites-ou-conduit-lhistoire/">hauts niveaux d’inégalité</a>. À travers le continent, les frustrations sociales et économiques de la jeunesse sont d’ailleurs régulièrement pointées comme des <a href="https://theconversation.com/young-africans-could-disrupt-authoritarian-states-but-they-dont-heres-why-218179">ressorts importants des dynamiques sociopolitiques</a>, qu’il s’agisse de <a href="https://www.jstor.org/stable/90018191">mouvements sociaux</a>, de <a href="https://www.cmi.no/publications/7420-after-the-uprising-including-sudanese-youth">soulèvements populaires</a> ou du soutien des citoyens à des <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-66695998">coups d’État</a>.</p>
<p>Or, interpréter les formes et les contours des mobilités sociales auxquelles peuvent prétendre les jeunesses africaines requiert de comprendre les sociétés du continent comme des espaces sociaux structurés par différents systèmes d’inégalité entrelacés.</p>
<p>Les écarts de condition au sein d’une jeunesse <a href="https://www.theafricareport.com/221141/why-africas-youth-is-not-saving-democracy/">plurielle</a> sont évidemment ancrés dans des inégalités de ressources économiques, mais aussi culturelles et sociales. Ces inégalités se trouvent également imbriquées à d’autres qualités des individus, comme leur identité de genre, division majeure ici comme ailleurs des espaces sociaux, ou leur identité régionale – on sait la saillance dans nombre de contextes africains du fait ethno-régional.</p>
<p>Inévitablement entremêlées, ces différentes ressources et qualités sociales structurent ou conditionnent ce qu’on peut désigner comme les <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-476-05142-4_25">« chances de vie »</a>, selon la formule de Max Weber, c’est-à-dire les opportunités d’accéder aux biens et aux formes de vie désirables dans une société donnée.</p>
<h2>Des espaces sociaux en mouvement</h2>
<p>Une première difficulté pour penser les mobilités sociales africaines découle du fait que les sociétés du continent se transforment aujourd’hui rapidement. Ainsi, certaines formes de mobilité intergénérationnelle ne font qu’accompagner des transformations plus globales.</p>
<p>Par exemple, l’élévation du niveau d’instruction d’une génération à l’autre, <a href="https://www.unesco.org/fr/articles/faq-comment-les-pays-africains-ameliorent-ils-la-qualite-de-leur-education">régulièrement constatée à travers le continent</a>, n’est pas nécessairement synonyme de trajectoires familiales ascendantes. Elle doit être contextualisée par rapport à l’élévation générale du niveau d’éducation sur le continent. Avoir obtenu le bac ou son équivalent dans les années 1970 ou dans les années 2020 n’a pas la même signification sociale et ne se traduit pas de la même manière en niveau et en style de vie. Certaines trajectoires pouvant d’abord apparaître comme des formes de reproduction sociale ne le sont donc qu’en partie.</p>
<p>On retrouve un phénomène analogue dans la situation de bien des jeunes paysans africains. En effet, ceux-ci s’engagent aujourd’hui dans l’agriculture dans des sociétés globalement marquées par un exode rural et un déclassement social des paysans. Une telle dynamique est observable à travers le continent depuis plusieurs décennies. Elle affecte désormais fondamentalement la valeur sociale et la signification de la condition paysanne : sous la reproduction peut se loger une forme de déclassement.</p>
<p>Comprendre les mobilités sociales contemporaines demande donc de s’interroger à la fois sur l’évolution des conditions d’existence et des styles de vie, mais aussi sur leur signification et sur les formes de reconnaissance sociale qui peuvent être ou non attachées aux positions sociales – d’où la notion d’<a href="https://www.berghahnbooks.com/downloads/intros/NoretSocial_intro.pdf">im/mobilités sociales</a>, proposée pour évoquer de telles dynamiques paradoxales où s’entremêlent reproduction et mobilité sociales.</p>
<h2>Des mobilités « latérales » ou « transversales »</h2>
<p>Au Bénin, bon nombre de conducteurs de « taxis-motos » sont issus de milieux ruraux, et évoluent entre ville et campagne, retournant à intervalles réguliers vers leur village d’origine, où sont restés vivre femme(s) et enfants. Partageant souvent à plusieurs des logements exigus et pour le moins sommaires lors de leurs séjours en ville, ils maximisent ainsi leurs possibilités d’épargne et d’investissement dans leurs projets d’avenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lavenir-du-transport-urbain-au-senegal-passe-t-il-par-les-motos-taxis-134940">L’avenir du transport urbain au Sénégal passe-t-il par les motos-taxis ?</a>
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<p>D’autres jeunes ruraux, moins nombreux qu’en ville à <a href="https://theconversation.com/au-benin-ces-enfants-qui-quittent-lecole-pour-apprendre-un-metier-201490">achever leur scolarité</a>, tenteront eux aussi l’aventure urbaine, et se feront ouvriers, ou encore revendeurs de bien achetés à crédit, en espérant voir leurs affaires progresser peu à peu.</p>
<p>Ainsi, de nombreux hommes et femmes s’affranchissent progressivement de la condition paysanne, et passent d’une situation de pauvreté rurale aux quartiers populaires d’une grande ville du continent. Là, certains parviendront certes à s’élever dans l’espace social en mettant à profit une compétence professionnelle reconnue. Mais pour une nette majorité, ce seront les petits commerces ou les emplois peu qualifiés du précariat urbain, dans l’incertitude de l’économie dite « informelle », ou dans les nouvelles « zones économiques spéciales » au cœur des stratégies d’industrialisation du continent.</p>
<p>De tels déplacements dans l’espace social ne peuvent pas toujours être réduits à des « gains » ou à des « pertes » sur une échelle sociale unidimensionnelle. Ils gagnent plutôt à être appréhendés comme des déplacements « latéraux » entre milieux populaires, ruraux et urbains, ou « transversaux », lorsqu’ils s’accompagnent d’une légère ascension sociale.</p>
<p>En effet, la croissance urbaine et la réduction de la part de la population active dans l’agriculture, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/roiw.12037?casa_token=vIgEmtK4rvEAAAAA%3AlCib6eZnpjsrCNK34AqJr_Q7120wTsxKGfi-pCNNPFPqlshuL4klC-b8iFXCN45FgXILWxFK60QvY3Qe">attestée à travers le continent</a> au-delà de la diversité des situations nationales, correspondent évidemment à une dynamique sociale majeure, dont les implications culturelles vont bien au-delà de la structure professionnelle, car l’urbanisation affecte en profondeur les styles de vie.</p>
<p>Pour autant, si l’on considère la mobilité sociale comme une altération des « chances de vie », lorsque des individus peu scolarisés issus des campagnes rejoignent les couches pauvres de la société (péri-) urbaine, cela ne modifie pas fondamentalement leurs conditions d’existence, ni leurs « chances » d’accumuler des richesses ou d’accéder à des revenus suffisants.</p>
<p>Les exemples de ce type de situation abondent. À <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-etudes-africaines-2022-1-page-319.htm">Kinshasa</a>, les salariés précaires de l’économie informelle vivent de maigres revenus et souvent dans des conditions de grande précarité qui s’avèrent au final peu différentes de celles des milieux ruraux qu’ils ont parfois quittés pour tenter leur chance en ville.</p>
<p>L’accès à la ville demande par ailleurs bien souvent de mobiliser des relations familiales plus ou moins éloignées, qui fourniront le point de départ d’un réseau de relations à reconstruire : ressources économiques et <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1980_num_31_1_2069">« capital social »</a> sont souvent étroitement imbriqués dans les trajectoires de mobilité sociale entre ville et campagne.</p>
<p>Mais au final, les classes populaires urbaines sont exposées dans bien des cas à des formes comparables d’incertitude sur leur destin social que leurs équivalents ruraux. Ainsi, bien des mobilités sociales dans les régions inférieures de l’espace social sont en fait des déplacements courts, plus ou moins « latéraux », qui voient les individus changer de secteur d’activité et d’environnement, sans que ne soient fondamentalement affectées leurs « chances de vie ».</p>
<h2>L’éducation en question</h2>
<p>Au cœur de bien des trajectoires sociales ascendantes – surtout masculines – dans la deuxième partie du XX<sup>e</sup> siècle, l’éducation est toujours aujourd’hui susceptible de produire des effets de mobilité sociale ascendante, quoique de manière moins immédiate qu’il y a quelques décennies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-benin-ces-enfants-qui-quittent-lecole-pour-apprendre-un-metier-201490">Au Bénin, ces enfants qui quittent l’école pour apprendre un métier</a>
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<p>Au <a href="https://books.google.be/books?hl=fr&lr=&id=mxidDwAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA70&dq=%22education+and+social+im/mobility+in+Niamey%22">Niger</a> et en <a href="https://www.cairn.info/revue-autrepart-2015-2-page-241.htm">République démocratique du Congo</a>, parmi d’autres exemples possibles, l’accès à l’emploi salarié privé ou public se fait difficilement sans faire jouer des relations : valoriser les titres scolaires demande aussi un certain capital social.</p>
<p>Dans les exploitations agricoles du nord de l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03057070.2010.485790">Afrique du Sud</a>, de jeunes diplômés universitaires zimbabwéens cueillent des fruits aux côtés de migrants plus anciens, établis sur place et travailleurs permanents des mêmes exploitations. Leurs titres universitaires ne semblent pas leur avoir permis une insertion professionnelle stable dans la société zimbabwéenne, et leur trajectoire sociale à venir reste indécise.</p>
<p>Pour autant, l’éducation reste massivement investie à travers le continent. Et le niveau des titres scolaires et universitaires s’élève régulièrement au fil du temps dans toutes les couches moyennes de la population, ces fameuses « classes moyennes » africaines dont l’avènement est célébré par les institutions internationales, mais dont <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/00020397221089352">l’hétérogénéité reste considérable</a>, et les contours incertains.</p>
<p>Ceci dit, différents travaux, menés en <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/39831301.pdf">Afrique de l’Ouest</a> ou <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13600818.2015.1110568">centrale</a>, ont montré que la possession de titres scolaires, et plus encore universitaires, restait un vecteur de stratification sociale important à travers le continent. Mais le lien entre éducation et mobilité sociale ascendante semble bien s’être distendu. Pour le dire autrement, l’éducation n’est plus un ascenseur social aussi puissant aujourd’hui que dans les décennies ayant suivi les indépendances.</p>
<p>En outre, le développement massif, au cours des dernières décennies, d’un secteur éducatif privé a peu à peu introduit une stratification économique de l’offre d’enseignement, les écoles privées proposant souvent une formation davantage prisée des couches moyennes et supérieures de la population.</p>
<p>Au niveau universitaire, le coût des formations publiques a progressivement augmenté parallèlement au développement de l’offre privée. De nouvelles barrières économiques à l’accès à l’enseignement supérieur ont été introduites. Ainsi, les étudiants aux origines modestes ou issus du monde rural font désormais face non seulement à une distance culturelle avec l’enseignement supérieur, mais aussi à des obstacles économiques à la poursuite de leurs études.</p>
<h2>Des mobilités complexes</h2>
<p>La figure de l’entrepreneur s’étant fait « tout seul » hante les discours sur la mobilité sociale, en Afrique et au-delà. Pour autant, si les ascensions sociales fulgurantes existent bel et bien, la plupart des mobilités dans l’espace des positions sociales sont des déplacements courts, façonnés par les différentes ressources, économiques et sociales, que des individus aux conditions d’existence très différentes, peuvent assembler.</p>
<p>Du Niger et du Nigeria à l’Ouganda, la République démocratique du Congo et l’Afrique du Sud, les recherches réunies dans le volume <a href="https://www.berghahnbooks.com/title/NoretSocial"><em>Social Im/mobilities in Africa</em></a> que j’ai eu l’occasion de diriger documentent pour l’essentiel des trajectoires de mobilité sociale incertaines et instables, qui ne subvertissent que rarement les écarts de condition et de statut importants qui impriment aujourd’hui leur marque sur la dynamique des sociétés africaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Noret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mobilités sociales en Afrique s’avèrent souvent « courtes » et instables, sur un continent où le lien entre éducation et opportunités d’ascension sociale persiste mais se distend.Joël Noret, Professeur d'anthropologie, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2206052024-01-31T15:55:37Z2024-01-31T15:55:37ZLes nouveaux enjeux de l’expansion minière en Afrique<p>La production minière a commencé à augmenter de <a href="https://reporterre.net/Une-ruee-miniere-mondiale">façon significative au cours des années 2000</a> dans le monde entier et en Afrique, principalement du fait de la poursuite de la libéralisation du secteur minier, notamment sur le continent africain, des cours élevés de l’or, et du développement, en de nombreux points de la planète, de nouvelles mines, essentiellement par des investisseurs anglo-saxons (Canada, Australie, etc.).</p>
<p>Cet essor s’est encore accéléré à partir de la seconde moitié des années 2010, du fait de la hausse des investissements internationaux (notamment en provenance de Chine, des Émirats, d’Inde, de Russie, des États-Unis, du Canada, du Japon ou encore du Maroc), bien sûr dans l’or mais aussi dans d’autres métaux (cuivre, cobalt, diamant, manganèse, bauxite, fer, titane, étain) puis, à partir de 2020, dans de nouveaux métaux (graphite, platine, terres rares, lithium…).</p>
<p><a href="https://afd.keepeek.com/publicMedia?t=pm0GgoI5rG&o=155257">L’Afrique joue une part importante dans ce boom minier mondial</a>, même si les investissements y restent encore modestes (moins de 14 % des IDE mondiaux dans le secteur entre 2018 et 2022 étaient à destination du continent).</p>
<h2>Quels sont les minerais concernés et dans quelles régions se trouvent-ils ?</h2>
<p>Le secteur minier du continent africain produit essentiellement quinze minerais. Les métaux précieux comptent pour 45 % des exportations de métaux du continent, loin devant les métaux ferreux (23 % des exportations), les métaux non ferreux (19 %) et les minerais industriels (12 %).</p>
<p>Les métaux dits de la transition énergétique – surlignés en rouge dans le graphique ci-dessous – sont ceux utilisés dans la fabrication de véhicules électrifiés (cobalt, cuivre, lithium, graphites), dans les piles à combustible (métaux du groupe platine) et dans les technologies de l’éolien et du solaire photovoltaïque (cuivre, lithium, cobalt, nickel). Ils représentent près de 29 % des exportations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568037/original/file-20240105-27-b3s6bc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UN Comtrade</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>– Métaux précieux : or et métaux du groupe du platine (MGP)</strong></p>
<p>Le dynamisme actuel du secteur minier africain est en grande partie porté par la production d’or. L’Afrique du Sud possède les premières réserves du continent et les troisièmes réserves mondiales.</p>
<p>Toutefois, l’Afrique de l’Ouest est en passe de devenir une place forte, notamment grâce au Ghana, au Burkina Faso et au Mali, qui possèdent des réserves non négligeables, encore peu exploitées. Les métaux du groupe du platine (MGP) nécessaires à la fabrication de piles à combustible sont produits principalement en Afrique du Sud, premier producteur de palladium et de platine au monde. Toutefois, la production minière d’or d’Afrique du Sud a beaucoup baissé en raison de la forte profondeur de plusieurs sites d’extraction importants anciens arrivés à leurs limites d’exploitabilité.</p>
<p><strong>– Métaux ferreux : cobalt, manganèse, coltan, chrome, nickel et fer</strong></p>
<p>L’Afrique est incontestablement le leader mondial du cobalt. Le continent possède plus de 50 % des réserves mondiales de ce métal non ferreux, dont 48 % se situent en République démocratique du Congo.</p>
<p>En 2022, le continent africain concentrait plus de 58 % des réserves de manganèse connues et est, dans son ensemble, le leader mondial de la production de manganèse. L’Afrique est aussi le plus gros producteur de coltan (72 % de la production mondiale) et de chrome.</p>
<p>Le continent est en revanche un modeste producteur de nickel et de fer avec respectivement 4 % et 3 % de la production mondiale, principalement en Afrique du Sud. Bien que de nombreux autres pays africains possèdent des réserves de taille substantielle, elles sont dans l’ensemble encore peu exploitées. C’est en particulier le cas de l’Afrique de l’Ouest, qui dispose de plusieurs gisements de taille mondiale.</p>
<p><strong>– Métaux non ferreux : bauxite, cuivre, zinc et lithium</strong></p>
<p>Le continent africain est un acteur majeur de la production de bauxite, essentiellement grâce à la richesse du sous-sol guinéen. Avec 23,8 % des réserves mondiales en 2022, le pays dispose des premières réserves mondiales.</p>
<p>D’importantes quantités de cuivre encore sous-exploitées sont aussi hébergées dans le sol africain. Les principales réserves exploitées du continent sont partagées entre la RDC et la Zambie dans la zone dite de la <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-09/010047833.pdf">« Copperbelt »</a>, les deux pays possédant respectivement les 7<sup>e</sup> et 11<sup>e</sup> réserves mondiales.</p>
<p>L’Afrique est cependant un petit producteur de zinc à l’échelle mondiale avec seulement 4 % de la production. L’Afrique du Sud en est depuis peu le premier producteur (30 % de la production du continent).</p>
<p>De nombreux projets d’extraction de lithium et terres rares sont en cours : au Burundi, en Tanzanie, en Angola, à Madagascar et en Afrique du Sud pour les terres rares ; en RDC, au Mali et au Zimbabwe pour le lithium. Le continent n’est toutefois pas un acteur leader sur ces minerais.</p>
<p><strong>– Minerais industriels : diamants, phosphate et graphite</strong></p>
<p>L’Afrique est particulièrement bien fournie en diamants, détenant en 2022 environ 43 % des réserves mondiales, réparties pour l’essentiel entre l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana, la RDC et l’Angola.</p>
<p>Le continent dispose aussi d’immenses réserves de phosphate (environ 80 % des réserves mondiales), même si dans les faits, les réserves et la production africaines sont très largement dominées par le Maroc. Le pays, qui possède à lui seul environ 70 % des réserves mondiales, n’est pourtant que le second producteur mondial derrière la Chine.</p>
<p>Concernant le graphite, enfin, l’Afrique représente 20 % de la production mondiale et détient 20 % des réserves. Le Mozambique en est le 1<sup>er</sup> producteur africain devant Madagascar et la Tanzanie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572776/original/file-20240201-19-cinark.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Part de l’Afrique dans la production et les exportations mondiales. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">USG & UN Comtrade</span></span>
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<h2>Que représente le secteur minier pour ces économies ?</h2>
<p>Il est remarquable que la part des exportations des produits miniers dans le PIB n’a que faiblement ralenti lors de la chute des cours des produits miniers en 2015, puis a fortement augmenté depuis 2016. Plus encore, la part des exportations minières dans les exportations totales n’a pas ralenti : la moyenne sur le continent était de 25 % sur 2013-2021 contre 14 % sur 2005-2012.</p>
<p>Cette part des exportations minières dans les exportations totales est très significative dans de nombreux pays du continent avec des valeurs ressortant au-delà de 50 % pour la Zambie, la RDC, la Mauritanie, la Guinée, le Mali et le Burkina Faso. Le rebond a été particulièrement fort au Burkina Faso, au Ghana ou au Mali sur l’or, mais également en Sierra Leone et en Guinée. Une grande partie des exportations minières depuis dix ans sont constituées des produits or et diamant (représentant 12 % des exportations totales d’Afrique), des métaux (7,5 %) et des minerais (6 %).</p>
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<span class="caption">Évolution et part des exportations de ressources minières dans les exportations totales 2005-2012, 2013-2021. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WITS, Banque mondiale</span></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572801/original/file-20240201-27-j9342e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution et part des exportations de ressources minières dans les exportations totales 2005-2012, 2013-2021. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WITS, Banque mondiale</span></span>
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<p>Cependant la contribution au PIB reste faible que l’on prenne comme indicateur la part des exportations de produits miniers dans le PIB – produit intérieur brut (A), la part de la rente minière dans le PIB (B) ou la part des ressources minières dans la richesse totale (C), 10 % en moyenne alors que pour les pays pétrolier cette ressource pétrolière représentait généralement 30 % du PIB.</p>
<h2>Quelles dynamiques dans l’exploitation de ces richesses ?</h2>
<p>On observe une double dynamique dans l’attribution des budgets d’exploration des ressources minières en Afrique. Les pays miniers historiques, quoique drainant des montants d’exploration supérieurs, sont en perte de vitesse relative vis-à-vis de nouveaux pays émergents dans la production minière.</p>
<iframe title="Part de la rente minière dans le PIB national" aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-JwlYK" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JwlYK/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="776" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Une part très élevée de pays miniers historiques concentrent depuis longtemps l’essentiel de la production africaine de quelques métaux-clés. On pense en premier lieu à l’Afrique du Sud ainsi qu’à la RDC, au Ghana, au Burkina Faso et à la Zambie qui sont les premières destinations des budgets d’exploration en Afrique et comptent le plus grand nombre de mines ouvertes sur leurs territoires entre les années 2000 et 2021.</p>
<p>Le budget d’exploration à destination de ces pays semble cependant stagner voire décliner depuis 2012, malgré un léger regain en 2018, révélant une relative faiblesse de l’attractivité du secteur minier africain. Cet essoufflement relatif s’explique essentiellement par la chute des cours des métaux, mais il est significatif de constater que les dépenses d’exploration de ces pays ne parviennent pas à repartir alors même que le secteur minier mondial repart à la hausse. Les raisons principales nonobstant des ressources importantes de grande qualité sont l’insuffisance ou la précarité de certaines infrastructures (énergie, rail, port), les problèmes de sécurité et une perception négative des risques politiques et économiques (prix de l’énérgie).</p>
<iframe title="Évolution du budget d'exploration de cinq pays africains" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-wsM30" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wsM30/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>De façon générale, on observe un intérêt renouvelé des pays africains pour leur secteur minier. C’est le cas au <a href="https://www.jeuneafrique.com/1429158/economie-entreprises/avec-son-hub-minier-le-senegal-veut-se-rendre-incontournable/">Sénégal</a>, en <a href="https://www.afrique-sur7.ci/485322-secteur-minier-cote-divoire-economie">Côte d’Ivoire</a> et au <a href="https://www.jeuneafrique.com/1477461/economie-entreprises/avec-un-nouveau-code-minier-le-mali-se-reapproprie-son-or/">Mali</a>. Plusieurs pays traditionnellement peu miniers tentent de se positionner sur le marché grâce au développement de leur cartographie minière et à la mise en œuvre de politiques attractives pour les explorateurs et les investisseurs. Ainsi, le Cameroun, la République du Congo, l’Ouganda, le Tchad, le Togo, Djibouti ou encore la République centrafricaine développent plusieurs projets miniers alors même qu’ils ne comptent actuellement aucune mine industrielle majeure.</p>
<h2>L’émergence de nouveaux acteurs</h2>
<p>La libéralisation du secteur portée par les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/raq/2010-v40-n3-raq0118/1009370ar.pdf">réformes promues par la Banque mondiale dans les années 1980</a> voit l’installation durable des acteurs canadiens, australiens et, dans une moindre mesure, suisses et américains dans le secteur minier africain.</p>
<p>À ce jour, si l’on observe la part de chaque entreprise dans la production minière africaine totale, on constate que les compagnies occidentales sont très largement en tête et représentent 80 % des investissements miniers en Afrique. Les entreprises Anglo American (Royaume-Uni, ex sud-africaine), Glencore (Suisse) et First Quantum Minerals (Canada) sont ainsi les champions de la production minière africaine et représentent à elles quatre près du quart de la production en 2018. Ces acteurs occidentaux continuent d’être très dynamiques via le financement de projets d’exploration et des activités d’expansion des mines existantes.</p>
<iframe src="https://afd.keepeek.com/pm0GgoI5rG" style="border: 0;width:100%;height:100%" frameborder="0" allowfullscreen="" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2020-1-page-99.htm?ref=doi">boom minier de 2009-2013</a> voit également l’apparition des nouveaux acteurs dits « émergents ». Parmi ces pays, la Chine est celui qui connaît la progression la plus fulgurante en Afrique. Dans la lignée de <a href="https://www.cifor.org/knowledge/publication/4321/">sa politique du « Going Out »</a> et pour répondre à sa demande croissante en minerais, la Chine s’implante solidement dans le secteur minier africain à partir des années 2010. En 2018, les entreprises chinoises représentaient ainsi 41 % de la production de cobalt africaine et 28 % de celle de cuivre.</p>
<p>La Russie, autre géant du secteur minier, a également profité de l’ouverture du secteur minier <a href="https://lejournaldelafrique.com/lexploitation-russe-des-diamants-africains-une-affaire-couteuse-et-urgente/">pour s’implanter en Afrique</a>, principalement dans le diamant et le platine en Afrique australe et dans l’or en Afrique de l’Ouest. Elle a particulièrement renforcé son influence sur le continent après <a href="https://theconversation.com/la-russie-les-sanctions-et-la-securite-europeenne-70424">l’imposition des premières sanctions internationales</a> suite à l’annexion russe de la Crimée en 2014 et continue d’entretenir d’étroites relations avec des pays comme le Mali, le Zimbabwe, l’Afrique du Sud ou la Centrafrique.</p>
<p>Moins étudiée que la Chine, l’influence indienne est pourtant bien réelle dans le secteur minier africain, principalement en Afrique australe. L’Inde cherche avant tout à sécuriser son approvisionnement en charbon dont elle est une grosse consommatrice (70 % de son mix énergétique). Elle se positionne également sur le fer africain pour nourrir son industrie de la sidérurgie mais également sur le zinc, le plomb, le cuivre et les pierres précieuses au travers du géant minier indien Vedanta.</p>
<p>Les pays du Golfe (Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Qatar) quant à eux, partenaires commerciaux historiques dans le commerce d’or avec l’Afrique, s’implantent peu à peu dans le secteur du diamant et des métaux industriels comme le cobalt et l’aluminium.</p>
<p>L’Afrique du Sud a toujours fait figure d’exception à l’échelle du continent. Longtemps référence de la production minière africaine, elle compte un grand nombre de compagnies actives en Afrique du Sud même, en Afrique australe et sur le reste du continent, et de taille comparable aux plus grands investisseurs sur le sol africain. L’Afrique du Sud a développé ses propres compagnies minières d’envergure mondiale, notamment AngloGold Ashanti, Anglo American Platinum, Impala Platinum et Gold Fields qui figurent parmi les cinquante plus grandes entreprises minières.</p>
<p>Le Maroc a également développé une stratégie panafricaine au travers d’acteurs publics comme le <a href="https://www.jeuneafrique.com/1476249/economie-entreprises/freine-au-soudan-managem-creuse-sa-dette-pour-soutenir-son-expansion-ouest-africaine/">groupe Managem</a> ou l’<a href="https://www.jeuneafrique.com/1435671/economie-entreprises/le-geant-marocain-ocp-engrange-100-millions-de-dollars-pour-verdir-ses-activites/">Office Chérifien des Phosphates</a> (OCP). L’OCP a un monopole sur l’extraction, la transformation et la vente de phosphates au Maroc et est la plus grande société de phosphate mondiale (31 % du marché). Le groupe a mis sur pied une stratégie d’expansion à travers 12 pays africains. Managem est quant à elle le leader du secteur minier métallique marocain et exploite 15 mines à travers huit pays africains, notamment en Guinée, au Gabon, en RDC et au Soudan.</p>
<iframe title="Part des compagnies dans la production minière africaine en 2018" aria-label="Diagramme circulaire" id="datawrapper-chart-6tunn" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6tunn/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="433" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Les pays africains ont donc engagé des politiques ambitieuses afin de bénéficier du <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-minerais-de-la-transition-energetique-et-numerique-une-opportunite-pour-lafrique">boom minier sur les matériaux critiques</a> de la transition énergétique mais également sur d’autres minerais de valeur tel que l’or. Mais ces pays doivent maintenant développer de nouvelles politiques pour inciter à la transformation de ces minerais sur le continent et accroître les revenus fiscaux tout en ménageant les impacts environnementaux et sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220605/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association nationale de la recherche et de la technologie. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Gourdon, Philippe Bosse et Émilie Normand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Alors que le secteur minier est en plein essor en Afrique, les pays du continent tentent de développer leurs programmes d’exploration pour prendre part à la dynamique.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Émilie Normand, Économiste, IFP Énergies nouvelles Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePhilippe Bosse, Ingénieur géologue au département Afrique de l’AFD, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211262024-01-24T17:18:27Z2024-01-24T17:18:27ZEn Guinée, les vertus du « riz de boue » qui pousse dans les mangroves<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569505/original/file-20240116-15-m4tq3z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C37%2C4016%2C3052&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visite en Guinée maritime d’un périmètre rizicole en zone de mangrove lors d’une mission de l’Agence française de développement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Timothée Ourbak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Dans une majorité des pays ouest-africains, comme pour plus de la moitié de la planète, le <a href="https://theconversation.com/de-lempire-dangkor-a-pol-pot-le-riz-est-indissociable-de-lhistoire-du-cambodge-120197">riz</a> – seconde céréale produite au monde – est la base de la ration alimentaire quotidienne.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/guinee-29421">En Guinée</a>, sa culture rime pour partie avec les marées, puisque près d’un quart de la production guinéenne provient des plaines de mangroves, en zone côtière. Pourtant, si l’on s’appuie sur les données récentes issues de <a href="https://zaeg.teledetection.fr/?page_id=2212">l’Atlas du zonage agroécologique de la Guinée</a>, les plaines de mangroves n’occupent que 0,3 % du sol guinéen. Elles représentent 89 421 hectares, soit plus du quart de la surface totale occupée par la mangrove (327 453 ha).</p>
<p><a href="https://theconversation.com/mangroves-et-zones-humides-que-peuvent-elles-vraiment-contre-les-desastres-naturels-71506">Écosystèmes</a> les plus productifs de la planète, les mangroves sont constituées de palétuviers, une espèce qui sert de bois de chauffe (pour le fumage de poisson par exemple) mais aussi de construction pour les habitations.</p>
<p>Les plaines de mangroves sont essentiellement situées en zone d’estuaires, ce qui permet un apport en matière organique des fleuves, disponibles pour la production rizicole (attestée depuis quelque 300 ans en Guinée), comme pour d’autres activités humaines.</p>
<h2>Riziculture, pisciculture, saliculture</h2>
<p>Les mangroves sont notamment un lieu de reproduction de poissons, et donc de pêche. L’association entre culture rizicole et production de poissons, ou rizipisciculture est récente en zone de mangrove guinéenne. C’est néanmoins un exemple intéressant d’association « à double bénéfice », le riz profitant des rejets organiques des poissons (engrais naturel) quand les poissons, vivant dans un écosystème de rizières relativement fermé, sont ainsi à l’abri des principaux prédateurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Paysage rizière en zone de mangrove" src="https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569251/original/file-20240115-22293-fwgkfk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=363&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Illustrations d’une zone de rizière en zone de mangrove : sur l’image de gauche, on voit des palétuviers, au fonds sur la gauche, séparés de la rizière proprement dite par une digue latéritique. L’image de droite montre un palétuvier dans une zone rizicole, le périmètre étant moins utilisé ((copyright).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Timothée Ourbak/AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, la <a href="https://charentemaritimecooperation.org/2016/12/07/le-sel-solaire-un-exemple-de-developpement-durable/">saliculture, qui se fait en Guinée par évaporation solaire</a> ou au chauffage à bois des eaux salées (ou saliriziculture, puisque la culture du sel peut se pratiquer en alternance avec les périodes de culture du riz), <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/vingt-ans-damenagements-rizicoles-dans-les-territoires-de-mangrove-en-guinee-maritime">est de plus en plus pratiquée</a> en Guinée maritime, et permet une nouvelle source de revenus aux populations locales.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nSVvdOo7854?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le ministère guinéen en charge de la pêche avec l’Agence Nationale de l’Aquaculture de Guinée (ANAG) et de l’ONG APDRA dans le projet PISCOFAM propose un exemple des actions entreprises en Guinée forestière et qui désormais sont en action en zone de mangrove. Source : MLK Films/YouTube.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Un système très simple et très complexe</h2>
<p>Le système de riziculture de mangrove est à la fois très simple et complexe à mettre en œuvre, car en <a href="https://www.holowaba.com/riz-bora-maale/">zones soumises à l’influence des marées</a>, l’idée est de gérer eau salée et eau douce en fonction des saisons.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Canalisation dans un paysage de mangrove en Afrique" src="https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569252/original/file-20240115-25-pmfhym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple de canalisation qui vidange l’eau douce depuis d’une plaine de mangrove à vocation rizicole vers une mangrove.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Timothée Ourbak/AFD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En saison sèche, lorsque le riz a été récolté, l’intrusion d’eau salée dans les périmètres rizicoles apporte des éléments nutritifs, empêche le développement de mauvaises herbes et diminue l’acidification des sols qui aurait eu lieu sans intrusion salée.</p>
<p>En saison des pluies (les zones côtières reçoivent en moyenne 3,5 m d’eau par an), le dessalement de la rizière se fait par submersion d’eau douce ; puis le riz est planté et protégé de l’océan Atlantique par des digues construites souvent manuellement à cet effet.</p>
<p>Un système de digues, diguettes et drains/canaux permet une régulation de la lame d’eau, sur le périmètre irrigué et parfois jusqu’à la parcelle.</p>
<h2>Une gestion des aménagements qui pose question</h2>
<p>Le tableau n’est pourtant pas idyllique : notamment en <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-amenagement_du_littoral_de_guinee_memoires_de_mangroves_olivier_rue-9782738469649-570.html">vertu de</a> « la permanence de défauts de mémoire, de différentiels de perception et de croisement des connaissances, des savoirs et des expériences » qu’a décrit le géographe Olivier Rue dans un long travail d’analyse historique critique produit à la fin des années 1990.</p>
<p>Il y propose ainsi un bilan qualifié de « faillite des interventions », en ce sens que les appuis techniques et financiers passés en faveur d’aménagements hydroagricoles en zones de mangrove n’ont pas donné les résultats initialement escomptés, en matière de durabilité des investissements comme d’amélioration des rendements agricoles.</p>
<p>En effet, la mise en œuvre de projets de développement est <a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers10-07/010024718.pdf">rendue complexe</a> par la structure hydrogéologique de ces zones de balancement des marées, par la question de l’entretien et maintenance des infrastructures, et des structures et organisations sociales à l’œuvre.</p>
<p>À cette analyse, ajoutons que cette technique de culture propre aux pays du golfe de Guinée (en Guinée-Bissau, 80 % de la production de riz serait d’origine de mangrove) est actuellement sous tension.</p>
<h2>Pressions multiples</h2>
<p>Une pression anthropique tout d’abord, avec la <a href="https://data.worldbank.org/country/guinea">progression démographique</a> et le développement urbain qui met sous tension les espaces maritimes, y compris pour la disponibilité de main-d’œuvre pour l’entretien des aménagements hydroagricoles, la jeunesse ayant tendance à se détourner de ces tâches agricoles.</p>
<p>Une <a href="https://unfccc.int/documents/497517">pression climatique ensuite</a>, avec une augmentation du <a href="https://theconversation.com/sur-les-cotes-africaines-un-systeme-unique-de-videosurveillance-pour-mieux-gerer-les-risques-202079">niveau de la mer</a> qui vient défier les digues de protection, mais aussi une hausse des événements extrêmes, précipitations notamment.</p>
<p>Le riz de mangrove permet toutefois une stabilisation des zones littorales, si les infrastructures vertes (les digues sont constituées d’argile bien souvent) sont régulièrement entretenues.</p>
<p>Bien que les rendements soient modestes (de l’ordre de 0,5 à 2 T à l’hectare selon la Direction nationale du génie rural guinéen), les populations côtières, essentiellement les ethnies soussou et baga en Guinée, ont totalement intégré désormais à leurs habitudes alimentaires le « böra malé ».</p>
<h2>« Riz de boue », un mets plébiscité</h2>
<p>Ce « riz de boue » en langue soussou – ethnie majoritaire en zone côtière – fait référence aux particularités gustatives et organoleptiques du riz qui pousse dans les mangroves. La population de la capitale Conakry qualifie son goût d’exceptionnel. À cela s’ajoute une meilleure capacité de conservation que le riz importé (et un prix plus bas en période de récoltes). Il joue également une fonction culturelle et sociale, puisqu’il est notamment spécifiquement préparé à l’occasion de grandes cérémonies en Guinée.</p>
<p>Enfin, la culture du riz de mangrove a des <a href="https://books.openedition.org/irdeditions/4990">impacts environnementaux au final limités</a> : il est souvent associé au sein de projets de développement à des actions de protection de la faune et de la flore de mangrove et donc d’un moindre déboisement ; il ne nécessite ni herbicides ni engrais chimiques et peut en cela être qualifié de « bio ».</p>
<hr>
<p><em>Saikou Yaya Balde, de la Direction nationale du génie rural au ministère de l’Agriculture et de l’élevage de Guinée, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Ourbak ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Guinée, la culture du riz dans les mangroves présente de nombreux avantages, mais subit des pressions liées aux activités humaines et au changement climatique.Timothée Ourbak, Responsable de Pôle, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213542024-01-24T17:15:46Z2024-01-24T17:15:46ZL’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants<p>En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2 %. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3 %), est en baisse par rapport à 2022 (quand elle s’était élevée à +3,9 %).</p>
<p>Le ralentissement de la croissance de l’Afrique est imputable à plusieurs facteurs : l"essoufflement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à croissance élevée comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des États, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace de fragmentation géopolitique du continent accrue dans le contexte du conflit en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, malgré un recul observé en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majeure partie d’entre eux. En moyenne, elle a atteint un pic historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Des différences de trajectoires entre les régions africaines sont à noter. Elles sont le reflet de la spécialisation des pays qui les composent.</p>
<p><iframe id="5yiHQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5yiHQ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les pays à l’économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6 % en 2023 et une croissance attendue de +4,6 % en 2024. Le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne des pays africains, affichent par exemple des taux de croissance compris entre +6 % et +7 % en 2023, qui figurent parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Le deuxième groupe de pays, qui rassemble les pays dépendant de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement pâti d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0 % de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Liberia, en Sierra Leone et en Ouganda par exemple).</p>
<p>La croissance des pays pétroliers a accéléré en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré les fortes variations des cours pétroliers sur la période. Enfin, la croissance continue à se raffermir dans les pays touristiques, tels que Maurice, le Maroc et la Tanzanie.</p>
<h2>Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde</h2>
<p>Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne décroît que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste en effet particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premiers reculs en raison de la progression des pratiques contraceptives.</p>
<p>Du fait de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire qu’en 2023, plus tardivement que dans les autres grandes régions du monde. Son rythme de progression est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien plus faible que dans les pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.</p>
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<h2>Un niveau d’endettement à nouveau préoccupant</h2>
<p>Le taux d’endettement public africain, ramené autour de 30 % du PIB à la veille des années 2010 à la suite de <a href="https://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm">l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés</a> (iPPTE), s’est à nouveau considérablement accru, doublant sur la période 2008‑2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et décroît progressivement depuis. Il devrait repasser sous le seuil de 60 % à l’horizon 2027, selon les projections actuelles du FMI.</p>
<p>L’accroissement régulier de l’endettement dans la région apparaît avant tout structurel, en lien notamment avec une mobilisation des ressources intérieures très insuffisante dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.</p>
<p>À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal contrôlées. De plus, les dépenses d’urgence engendrées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, plus aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de viabilité de la dette n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
<p><iframe id="MWxUW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MWxUW/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="CVJgS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVJgS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Note :</strong> en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7 % du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).</em></p>
<p>Toutefois, il est à noter que cette crise de la dette dépasse très largement le cadre de l’Afrique, toutes les régions du monde faisant désormais face à la hausse de leur niveau d’endettement.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers et sur le comportement des investisseurs.</p>
<p>Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des eurobonds au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, du fait de la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement sur les marchés d’émission historiques.</p>
<p>En conséquence, de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. De plus, la moindre implication de la <a href="https://theconversation.com/ou-vont-les-investissements-chinois-en-afrique-46759">Chine</a> dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse du financement des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains.</p>
<p>De fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses renchérit fortement le coût de l’emprunt et le service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) allouées au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, obérant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2023, l’économie africaine connaît un léger ralentissement de sa croissance économique, imputable au contexte géopolitique et aux politiques économiques nationales.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208952024-01-21T07:06:47Z2024-01-21T07:06:47ZFin de parcours pour la Force conjointe du G5 Sahel : quels enseignements en tirer ?<p>Le 2 décembre 2023, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé <a href="https://www.jeuneafrique.com/1510714/politique/apres-le-mali-le-burkina-faso-et-le-niger-quittent-le-g5-sahel/#:%7E:text=Apr%C3%A8s%20le%20Mali%20l'an,contre%20le%20jihadisme%20au%20Sahel">leur retrait du G5 Sahel</a> et de sa force conjointe. Ce qui porte à trois le nombre de pays membres ayant mis fin à leur participation à ces mécanismes, après le retrait du Mali en 2022. </p>
<p>Quatre jours plus tard, le 6 décembre, la Mauritanie et le Tchad, les deux derniers membres annoncent, à leur tour, la <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20231206-g5-sahel-mauritanie-tchad-dissolution-force-alliance-antijihadiste-mali-burkina-faso-niger">dissolution prochaine du G5 Sahel</a> et de ses mécanismes. Une décision en phase avec <a href="https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Countries/Africa/Convention_creation_G5_Sahel.pdf#page=8">l’article 20 de la Convention portant création du G5 Sahel</a> selon lequel “le G5 Sahel peut être dissous à la demande d’au moins trois États membres”. </p>
<p>Quels enseignements peut-on tirer de cette expérience de coopération contre le terrorisme, notamment pour les acteurs africains?</p>
<p>Je m’intéresse aux questions <a href="https://scholar.google.ca/scholar?hl=fr&as_sdt=0%2C5&q=Moda+Dieng&btnG=">de paix et de sécurité en Afrique</a>, avec un intérêt particulier pour les initiatives nationales et internationales visant à ramener la paix et la stabilité.</p>
<h2>Soutiens logistiques</h2>
<p>Le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/quest-ce-que-le-g5-sahel-1162497">G5 Sahel a été créé en 2014</a> avec une approche développement et sécurité. En 2017, les pays membres ont lancé la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) pour combattre le terrorisme et le crime organisé. La FC-G5S est une force ad hoc en ce sens qu’elle ne faisait pas partie des mécanismes et organisations de <a href="https://www.peaceau.org/fr/topic/the-african-peace-and-security-architecture-apsa">l’Architecture africaine de paix et de sécurité de l’Union africaine</a>. </p>
<p>Outre l’avantage d’éviter les lourdeurs bureaucratiques et les retards dûs à la recherche de consensus, les réponses de type ad hoc permettent de gagner en flexibilité et en autonomie dans la définition du champ d’intervention géographique. Elles permettent aussi aux États engagés de choisir leurs alliés, et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01436597.2020.1763171">d’accéder à des soutiens logistiques et financiers </a>.</p>
<p>Grâce à la coopération, les pays du G5 Sahel ont pu établir des projets de développement et renforcé <a href="https://www.g5sahel.org/le-president-de-la-republique-islamique-de-mauritanie-preside-le-g5-sahel/">les canaux d’échange et de coordination en matière de défense et de sécurité</a>. Le G5 Sahel et sa Force conjointe ont aussi permis d’ouvrir des voies de communication entre des pays qui avaient très peu d’interactions comme la Mauritanie et le Tchad.</p>
<h2>Dissensions entre pays membres</h2>
<p>En matière de lutte contre l’insécurité dans le cadre d’un regroupement étatique, l’engagement de tous les membres est essentiel, pour donner corps à la mutualisation des efforts. Dans le cadre de la Force conjointe-G5 Sahel, l’implication militaire était trop disproportionnée. La Mauritanie, qui n’a pas été affectée par le terrorisme de la même manière que les autres pays de la coalition, est restée à l’intérieur de ses frontières dans une posture défensive, en dépit de tirer beaucoup d’avantages de la coopération multilatérale en abritant le siège du Secrétariat permanent du G5 Sahel ainsi que le Collège de défense de l’organisation. Ce dernier est une <a href="https://www.cdg5s.org">école de guerre</a> dont la mission consiste à former et préparer les cadres militaires des pays membres.</p>
<p>À cela s’ajoutent les dissensions entre les pays membres. La Mauritanie a été accusée à tort ou à raison par le Mali d’avoir <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2021-2-page-115.htm">noué un pacte de non-agression avec les organisations terroristes</a>. Avant les coups d’État intervenus récemment au Mali et au Niger, Niamey reprochait aussi à Bamako de <a href="https://www.crisisgroup.org/fr/africa/west-africa/mali/261-frontiere-niger-mali-mettre-loutil-militaire-au-service-dune-approche-politique">n’être pas capable</a> d’empêcher les groupes terroristes d’ériger en sanctuaires les espaces proches de la frontière avec le Niger.</p>
<h2>Les limites de cette initiative</h2>
<p>Le leadership est présenté comme un facteur nécessaire en matière de coopération militaire multilatérale. Or, dans le cadre de la Force Conjointe-G5 Sahel, le leadership n’était pas assuré par les pays membres. La Force conjointe était vue tantôt comme un “projet français”, tantôt comme une initiative africaine accaparée par la France, une des principales sources d’influence diplomatique, politique et militaire de la task force. Au lieu de se mettre dans une posture d’appui aux États et à la Force Coinjointe-G5 Sahel, Paris a plutôt voulu agir de manière autonome,créant beaucoup de <a href="https://dandurand.uqam.ca/wp-content/uploads/2023/12/2023-12-05-rapport-.pdf">frustration du côté des forces de sécurité des États du Sahel et de leurs opinions publiques</a>.</p>
<p>L’expérience dans le cadre de la Force conjointe montre aussi que les pays peuvent certes solliciter une aide internationale, y compris financière, mais ils doivent éviter de tomber dans une dépendance forte ou totale. Sinon, les acteurs internationaux vont saisir l’opportunité d’instrumentaliser cette dépendance, en imposant leur agenda et des <a href="https://africacenter.org/wp-content/uploads/2022/08/ASB-41-FR_updated.pdf">solutions “prêtes à l’emploi” et peu pertinentes</a> par rapport aux réalités locales et nationales.</p>
<p>Dans le cadre du G5 Sahel, la prévalence écrasante de l’approche sécuritaire a été voulue et imposée par la France, l’Union européenne (UE) et leurs partenaires internationaux. La posture du <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-etat-islamique-designe-ennemi-numero-1-au-sahel-20200115">président français, Emmanuel Macron, lors du sommet de Pau de janvier 2020</a> disant à ses homologues sahéliens qu’il fallait accentuer les opérations militaires, en désignant l’État islamique du Grand Sahara (EIGS) comme l’ennemi prioritaire au Sahel en est une illustration nette.</p>
<h2>Dépendance financière</h2>
<p>Une forte dépendance à l’aide financière extérieure a également l’inconvénient de créer beaucoup d’incertitudes du fait des retards dans l’exécution des promesses de financement. Celles-ci dépendent de l’agenda des acteurs dont les intérêts changent en fonction des circonstances géopolitiques. La Force conjointe avait reçu beaucoup de promesses de financements, mais peu d’entre elles ont été tenues. </p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01436597.2020.1763171">les recherches</a> ont montré que lorsque les organisations régionales reçoivent beaucoup de financements directs de la part d’acteurs non africains, l’influence de l’UA a tendance à diminuer. L’essentiel des financements de la Force conjointe provenait de l’UE et ne passaient pas par l’UA. Cette réalité et la forte influence française sur la task force, ont joué un rôle important dans la posture de l’UA de ne pas soutenir la Force conjointe, comme elle l’a fait pour la Force multinationale mixte du Bassin du lac Tchad. <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-modern-african-studies/article/abs/au-task-forces-an-african-response-to-transnational-armed-groups/078D127A0CD09915059938CEBCC06B7A">Le soutien de l’UA est important</a>, notamment pour renforcer la légitimité des initiatives militaires et générer des ressources, même si c’est de manière limitée.</p>
<h2>L’importance de la stabilité politique</h2>
<p>L’expérience de la Force conjointe montre aussi qu’en matière de coalition militaire contre le terrorisme, la stabilité politique des pays engagés est importante. Les crises politiques fragilisent les institutions et les politiques de sécurité des États ainsi que la coopération régionale et internationale, du fait notamment des changements ou des ruptures dans les politiques des États. Les changements consécutifs aux coups d’État au Mali, au Niger et au Burkina Faso empêchent l’émergence d’une stratégie cohérente contre l’insécurité. Les coups d’État ont aussi tendance à fragiliser les forces de défense et de sécurité censées combattre l’insécurité. </p>
<p>Beaucoup d’espoirs ont été attachés à la Force conjointe au moment de son lancement en 2017. Les pays membres ne vont pas regretter sa dissolution, en raison de son <a href="https://press.un.org/fr/2022/cs15108.doc.htm">apport limité sur le terrain</a>. Son échec peut néanmoins servir d’enseignements pour des structures de coopération militaire encore embryonnaires comme l’<a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20221122-l-initiative-d-accra-un-forum-s%C3%A9curitaire-%C3%A0-la-crois%C3%A9e-des-chemins">Initiative d’Accra</a>et l’<a href="https://theconversation.com/burkina-faso-mali-et-niger-signent-un-pacte-de-defense-lalliance-des-etats-du-sahel-en-quete-dautonomie-strategique-215361">Alliance des États du Sahel</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220895/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Moda Dieng est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. </span></em></p>Les changements consécutifs aux coups d’État au Mali, au Niger et au Burkina Faso empêchent l’émergence d’une stratégie cohérente contre l’insécurité.Moda Dieng, Professor of Conflict Studies, School of Conflict Studies, Université Saint-Paul / Saint Paul UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181582024-01-17T16:46:16Z2024-01-17T16:46:16ZComment électrifier l’Afrique à bas coûts et bas carbone ?<p>600 millions de personnes <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">n’ont pas accès à l’électricité</a> en Afrique Sub-Saharienne, soit 43 % de la population. Les Nations unies ont placé cette problématique au cœur de l’un de leurs objectifs du développement durable : assurer un <a href="https://sdgs.un.org/goals/goal7">accès universel à une énergie propre, durable et abordable d’ici 2030</a>. Pour atteindre cet objectif, le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) <a href="https://www.undp.org/energy/our-flagship-initiatives/africa-minigrids-program">promeut le développement de mini-réseaux isolés</a> pour électrifier des communautés souvent éloignées des réseaux électriques nationaux. Ce serait, développe l’Agence Internationale de l’Énergie, <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">l’option la moins coûteuse</a> pour plus d’un tiers des futures connexions en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-subsaharienne-33937">Afrique Subsaharienne</a> d’ici à 2030.</p>
<p>Ces mini-réseaux isolés sont des systèmes électriques constitués d’un ou plusieurs moyens de production (panneaux photovoltaïques, groupe électrogène utilisant du diesel) avec ou sans stockage (batteries) et d’un réseau de distribution qui fonctionne indépendamment du réseau national. Ils permettent ainsi de fournir un accès à l’électricité, sans recourir à l’extension souvent lente et coûteuse des réseaux nationaux.</p>
<p>Si la majorité des mini-réseaux installés au cours des dernières décennies s’appuyaient sur des groupes électrogènes, de plus en plus de mini-réseaux <a href="https://www.seforall.org/system/files/2020-06/MGP-2020-SEforALL.pdf">intègrent aujourd’hui des panneaux photovoltaïques et des batteries</a> pour réduire leur consommation de diesel et minimiser leurs coûts, on parle alors de mini-réseaux hybrides solaire/diesel. Ainsi, ces mini-réseaux s’appuyant de plus en plus sur l’énergie solaire semblent une solution prometteuse pour accélérer l’électrification rurale tout en conciliant un faible coût de l’énergie et de faibles émissions de gaz à effet de serre. Mais de la théorie à la pratique, qu’en est-il vraiment ?</p>
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<img alt="Exemples de mini-réseaux isolés au Kenya : à gauche, les groupes électrogènes du mini-réseau de Mfangano, à droite l’installation solaire du mini-réseau de Talek" src="https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemples de mini-réseaux isolés au Kenya : à gauche, les groupes électrogènes du mini-réseau de Mfangano, à droite l’installation solaire du mini-réseau de Talek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emilie Etienne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Les avantages de l’énergie solaire pour les mini-réseaux</h2>
<p>Le choix entre les différentes solutions d’électrification est généralement dicté par des contingences économiques. Les coûts de production du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/panneaux-solaires-46527">solaire photovoltaïque</a> ont été divisés par 5 en 10 ans, passant ainsi sous les coûts moyens de production des groupes électrogènes dans de nombreux pays, à quelques exceptions près, comme le Nigeria où les combustibles fossiles sont subventionnés. Le remplacement d’une partie de la production d’un groupe électrogène par de l’énergie solaire permet ainsi de réduire les coûts de l’électricité, d’où l’essor actuel des mini-réseaux hybrides solaire/diesel.</p>
<p>En plus de réduire les coûts des mini-réseaux, intégrer de l’énergie solaire permet aussi de réduire la dépendance des populations à une ressource fossile dont le prix varie fortement et dont l’approvisionnement n’est pas toujours garanti dans les zones reculées où ces systèmes sont installés, avec, par exemple, de grandes incertitudes sur l’arrivée de diesel lorsque de fortes pluies rendent certaines routes inutilisables.</p>
<p>Cette réduction de la consommation de diesel s’accompagne aussi d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien que les pays d’Afrique Sub-Saharienne aient des niveaux d’émissions très inférieurs à ceux des pays industrialisés, ceux-ci se sont aussi engagés dans le développement des énergies renouvelables et dans des <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">trajectoires de neutralité carbone</a>.</p>
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<h2>Les mini-réseaux 100 % solaires : une solution sans émission ?</h2>
<p>Mais lorsque l’on s’intéresse aux émissions de gaz à effet de serre d’un système énergétique, il est important de prendre en compte les émissions sur l’ensemble du cycle de vie de ce système, c’est-à-dire son empreinte carbone. En effet, si les émissions liées à un groupe électrogène se font principalement lors de son utilisation, les émissions associées aux panneaux photovoltaïques ou aux batteries <a href="https://pastel.hal.science/tel-02732972">proviennent au contraire de leur fabrication</a> (extraction des matières premières, transformation des matériaux, assemblage). Dans le cas des mini-réseaux 100 % solaires, <a href="https://meetingorganizer.copernicus.org/EGU23/EGU23-3367.html">ces émissions indirectes sont loin d’être négligeables</a> : elles représentent environ un quart de l’empreinte carbone d’un mini-réseau fonctionnant exclusivement avec des groupes électrogènes.</p>
<p>Ces émissions relativement élevées malgré l’absence de ressources fossiles viennent du besoin pour ces mini-réseaux de gérer la co-variabilité entre la ressource solaire locale intermittente et la demande électrique. Pour fournir de l’électricité la nuit ou par des temps nuageux, sans accès à une source d’énergie pilotable et bas carbone (hydroélectricité par exemple), il est nécessaire de stocker l’énergie solaire dans des batteries.</p>
<p>Il est aussi possible <a href="https://hal.science/hal-03740059v1">d’installer plus de panneaux photovoltaïques</a> pour produire davantage d’énergie et réduire ce besoin en stockage, notamment pour de longues périodes de faible ressource solaire. Les émissions indirectes liées à ce stockage et à ces panneaux supplémentaires augmentent l’empreinte carbone des mini-réseaux 100 % solaire qui est alors équivalente, <a href="https://ourworldindata.org/grapher/carbon-intensity-electricity">voire même supérieure</a>, pour de nombreux pays d’Afrique, à l’empreinte carbone de leur mix électrique sur le réseau national.</p>
<p>Ce besoin en stockage ou en panneaux supplémentaires est d’autant plus grand que la demande électrique est forte pendant ces périodes de faible ressource solaire. D’où l’importance pour les développeurs de mini-réseaux de bien connaître la variabilité de la ressource solaire locale, mais aussi de la demande électrique pour correctement dimensionner le système, c’est-à-dire le nombre de panneaux et de batteries à installer. Actuellement, on peut avoir une assez bonne estimation de la ressource solaire grâce à des mesures in situ ou <a href="https://globalsolaratlas.info/map">à des données satellites</a>, mais il n’en est pas de même pour l’estimation de la demande électrique.</p>
<h2>L’adaptation à la demande : l’un des enjeux majeurs des mini-réseaux</h2>
<p>C’est de fait un problème de taille :comment estimer la demande électrique d’une communauté qui n’a pas accès à l’électricité ? On peut d’abord en avoir une idée en observant les caractéristiques de la communauté : nombre d’habitants, activités déjà présentes (pêche, agriculture, artisans, etc.), types d’habitations, etc. Pour une vision plus complète, on questionne les habitants sur leur volonté de se connecter, sur les équipements électriques qu’ils souhaiteraient avoir, sur leurs revenus, sur leurs usages actuels d’énergie – lampes à kérosène ou solaire, groupe électrogène individuel, bois/charbon pour la cuisson, solar home systems (constitué d’un panneau et d’une batterie pouvant alimenter des éclairages, chargeurs de téléphone, radio, etc.).</p>
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<img alt="À gauche, une lampe à kérosène utilisé par les pêcheurs de Mfangano (Kenya). A droite, des panneaux solaires sur une toiture à Kisii (Kenya)" src="https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, une lampe à kérosène utilisé par les pêcheurs de Mfangano (Kenya). À droite, des panneaux solaires sur une toiture à Kisii (Kenya).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos : Emilie Etienne, Avril-Mai 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais ces méthodes restent très peu précises. Face à de nouveaux usages, certains habitants peuvent <a href="https://strathprints.strath.ac.uk/61818/1/Blodgett_etal_ESD2017_Accuracy_of_energy_use_surveys_in_predicting_rural_mini_grid.pdf">surestimer leur capacité</a> à se procurer certains équipements ou à payer pour leur utilisation. Le remplacement de certaines sources d’énergie existantes par l’électricité du mini-réseau dépend de plusieurs facteurs qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X00000760">ne sont pas toujours correctement identifiés</a> par les développeurs de mini-réseaux. Les sondages sont le plus souvent réalisés sur une courte période et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960148120310739">ne prennent pas en compte les variations de revenus et d’habitudes de la population sur l’année</a> (périodes de récolte, dépenses scolaires, etc.). De plus, ces études ne permettent pas d’estimer quelle sera l’évolution de cette demande dans les années à venir.</p>
<p>Dans le cas d’un mini-réseau diesel, ces difficultés à prédire la demande ne sont pas critiques : l’opérateur du mini-réseau peut s’adapter relativement facilement à une demande mal estimée. Les coûts d’investissements dans les groupes électrogènes sont faibles, on peut en installer plus que nécessaire au départ ou en rajouter a posteriori au cas où la demande serait plus grande que prévu. Et si celle-ci est plus faible que prévu, la consommation de diesel sera plus faible, réduisant les coûts de production pour l’opérateur.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-03896359v1">En revanche, il n’en est pas de même pour les mini-réseaux solaires</a>. Les panneaux photovoltaïques et les batteries ont des coûts de fonctionnements faibles mais demandent un investissement très important au départ, qui repose en grande partie sur des crédits. Le remboursement de ces crédits représente des coûts fixes, indépendant de la consommation électrique et qui s’étalent souvent sur <a href="https://mdpi.com/1996-1073/14/4/990">plus d’une dizaine d’années</a>.</p>
<p>Ainsi, si la demande a été surestimée, l’opérateur ne tire pas assez de revenus du mini-réseau pour assurer le remboursement des crédits, la maintenance, et le remplacement des équipements, notamment des batteries. Cela entraîne une dégradation plus ou moins lente du mini-réseau et réduit la disponibilité et la fiabilité de l’électricité (coupures fréquentes, plages horaires de fonctionnement limitées).</p>
<p>Un résultat similaire peut être obtenu lorsque la demande a été sous-estimée : le délai nécessaire pour retrouver des fonds et agrandir le système n’est souvent pas suffisant pour éviter une surcharge des équipements et une dégradation des équipements qui met en péril la fiabilité du mini-réseau. Dans ces deux cas, les utilisateurs finissent souvent par se détourner du mini-réseau en revenant à leurs anciennes sources d’énergie (lampes à kérosène, etc.) ou en investissant dans des systèmes individuels.</p>
<p>Ce risque sur la demande conduit les investisseurs à demander des rendements bien plus élevés, menant à une forte augmentation des coûts du capital <a href="https://www.nature.com/articles/s41560-022-01041-6">qui impacte le coût de l’électricité</a>. Il mène aussi certains opérateurs à développer des business model basés sur des stratégies marketing plus ou moins agressives : les usagers du mini-réseau sont régulièrement sollicités par des envois de SMS ou par la visite « d’ambassadeurs » (des usagers qui bénéficient d’avantages en échange de la promotion de l’électricité auprès de la communauté) pour les inciter à augmenter leur consommation ou à acheter à crédit des appareils de cuisson électriques.</p>
<p>À ce risque majeur viennent s’ajouter d’autres obstacles, comme l’arrivée du réseau national, les démarches pour l’obtention des licences, le choix du tarif et le monopole du réseau national, qui réduisent l’attractivité de ces projets d’électrification et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S136403211500800X">ralentissent leur développement</a>.</p>
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<img alt="A gauche, des batteries usagées du mini-réseau de Talek (Kenya). A droite, un cuiseur électrique vendu à crédit par un opérateur de mini-réseaux à Kisii (Kenya)" src="https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, des batteries usagées du mini-réseau de Talek (Kenya). A droite, un cuiseur électrique vendu à crédit par un opérateur de mini-réseaux à Kisii (Kenya).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos : Emilie Etienne, Avril-Mai 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une situation qui peut s’améliorer</h2>
<p>Ainsi, les mini-réseaux solaires ne tiennent pour l’instant pas leurs promesses de solution à faible coût et faibles émissions pour électrifier rapidement l’Afrique Subsaharienne. Et cela sans même parler des autres impacts environnementaux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0973082622001405">liés aux batteries</a> ou aux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-13825-6_1">enjeux de justices énergétiques associés à ces systèmes</a>. Néanmoins, sous leur forme hybride solaire/diesel, ils constituent actuellement un compromis intéressant pour répondre à certains besoins vitaux des populations éloignées des réseaux nationaux tout en limitant l’impact de l’utilisation des groupes électrogènes massivement répandus sur le continent.</p>
<p>Plusieurs pistes restent à explorer pour accroitre le potentiel de ces solutions en réduisant à la fois leurs coûts et leurs impacts environnementaux. Une piste importante est celle de l’augmentation de la durée de vie de ces mini-réseaux, <a href="https://energypedia.info/images/1/17/Livrable_1_%C3%A9tudeERIL_Note_de_cadrage_m%C3%A9thologique.pdf">qui est souvent plus courte que prévu</a>. Cela demande d’étendre les recherches sur les questions de maintenance, de gouvernance et sur les modes de financement de ces projets qui peuvent notamment affecter la capacité d’adaptation de ces mini-réseaux aux évolutions des besoins de la communauté.</p>
<p>On peut par ailleurs espérer que les coûts et l’empreinte carbone des technologies utilisées dans ces mini-réseaux décroissent avec le temps. L’empreinte carbone d’un panneau ou d’une batterie est très variable et dépend en grande partie du mix énergétique <a href="https://pastel.hal.science/tel-02732972">avec lequel ces composants sont produits</a>. La décarbonation des mix énergétiques et les potentiels gains d’efficacité dans les processus d’extraction et de fabrication de ces composants pourraient au moins diviser par deux l’empreinte carbone des mini-réseaux solaires. De même, le déploiement massif de ces technologies dans le monde pourrait favoriser l’émergence de filières de recyclage des composants qui représente aujourd’hui un enjeu important du développement des mini-réseaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Chamarande a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et de Schneider Electric dans le cadre d'une CIFRE. </span></em></p>Pour permettre aux 43 % d’habitants d’Afrique subsaharienne vivant sans électricité d’y avoir accès, il faudra déjà évaluer les besoins en électricité de populations qui ne l’ont jamais eue.Théo Chamarande, Postdoctorant, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648950102583648256"}"></div></p>
<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034394441627459584"}"></div></p>
<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
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<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199252023-12-26T16:58:17Z2023-12-26T16:58:17ZReconnaissance des gouvernements de transition en Afrique de l’Ouest : que dit le droit international ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566637/original/file-20231219-15-bydma6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2400%2C1641&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le capitaine Ibrahim Traoré, chef d’État du Burkina Faso, accueille le général Abdourahamane Tiani, chef d'État du Niger, à Ouagadougou en novembre 2023. Les deux hommes sont arrivés au pouvoir à l'issue de putschs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Présidence du Burkina Faso</span></span></figcaption></figure><p>Cinq pays d’Afrique de l’Ouest – Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger, Gabon – ont récemment été le théâtre de <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">coups d’État</a> qui ont amené au pouvoir de nouvelles forces politiques, souvent issues des rangs de l’armée.</p>
<p>Cette situation soulève des questions relatives à la reconnaissance de ces nouveaux gouvernements par la communauté internationale. </p>
<h2>Distinction entre la reconnaissance du gouvernement et la reconnaissance de l’État</h2>
<p>La <a href="https://danielturpqc.org/upload/Convention_concernant_les_droits_et_devoirs_des_%C3%89tats_Convention_de_Montevideo_1933.pdf">Déclaration de Montevideo de 1933 sur les droits et devoirs des États</a> a énoncé les critères définissant l’État : une population permanente, un territoire défini, un gouvernement en mesure d’exercer le contrôle et la « capacité d’entrer en relations avec les autres États » – en d’autres termes, la reconnaissance de cet État par les autres.</p>
<p>Ici, le concept de reconnaissance englobe plusieurs situations telles que la reconnaissance d’un traité, d’une dette, d’une frontière voire d’un groupe insurrectionnel ou d’un gouvernement nouveau.</p>
<p>La reconnaissance d’un gouvernement spécifique comme autorité légitime d’un État peut être le résultat d’une élection démocratique, d’un accord de paix ou de processus illégaux comme un putsch.</p>
<p>Cependant, la reconnaissance d’un État, acte unilatéral discrétionnaire confirmé par la pratique, peut être déclarée indépendamment du gouvernement en place, bien que, le plus souvent, les deux concepts soient liés. Par exemple, quand bien même la France <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/menace-d-intervention-au-niger-france-et-etats-unis-appuient-la-decision-de-la-cedeao-11-08-2023-2531285_3826.php">ne reconnaît toujours pas le gouvernement du Niger</a> issu du putsch du 26 juillet 2023, elle maintient sa reconnaissance de l’État du Niger.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Qi0woHLH-0A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Putsch au Niger : pourquoi la France s’en mêle ? – C dans l’air, août 2023.</span></figcaption>
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<p>Ces distinctions sont essentielles dans le contexte sahélien car elles déterminent les relations diplomatiques et consulaires. Parfois, la non-reconnaissance du gouvernement peut entraîner une rupture diplomatique, comme l’illustre le cas du Niger : <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/27/l-ambassadeur-de-france-au-niger-sylvain-itte-est-rentre-a-paris_6191191_3211.html">l’ambassadeur de France dans ce pays a été rappelé à Paris</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">Niger : le putsch de trop</a>
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<h2>La pratique de la reconnaissance du nouveau gouvernement</h2>
<p>Selon la résolution du 23 avril 1936 de l’association <a href="https://www.idi-iil.org/fr/">« Institut du Droit International »</a> (créée en 1873 et composée d’éminents professeurs en droit international, cette institution vise à promouvoir le progrès du droit international et a émis de nombreuses résolutions sur des questions cruciales depuis sa fondation), qui porte sur la <a href="https://www.idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1936_brux_01_fr.pdf">reconnaissance des nouveaux États et des nouveaux gouvernements</a>, la reconnaissance du gouvernement nouveau d’un État déjà reconnu est :« […] l’acte libre par lequel un ou plusieurs États constatent qu’une personne ou un groupe de personnes sont en mesure d’engager l’État qu’elles prétendent représenter, et témoignent de leur volonté d’entretenir avec elles des relations. » </p>
<p>Le <a href="https://www.librairiedalloz.fr/livre/9782802715207-dictionnaire-droit-international-public-salmon-jean/"><em>Dictionnaire de droit international public</em></a>, publié sous la direction du juriste international <a href="https://cdi.ulb.ac.be/a-propos-du-centre/membres-du-centre-2/jean-salmon/">Jean Salmon</a>, explique que dans la pratique contemporaine, un nombre de plus en plus élevé d’États estiment cependant qu’ils n’ont pas à reconnaître ou à ne pas reconnaître les gouvernements étrangers. Les États se contentent, en conséquence, de se prononcer, à l’occasion de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement nouveau, sur l’établissement, le maintien ou la rupture des relations diplomatiques.</p>
<p>Citons à cet égard ces propos du ministre français des Affaires étrangères Jean François-Poncet datant du 16 mars 1979 :</p>
<blockquote>
<p>« La pratique de la France est d’entretenir des relations diplomatiques non pas avec des gouvernements mais avec des États. C’est ainsi qu’elle n’accomplit pas d’acte formel de reconnaissance lorsqu’un nouveau gouvernement est instauré à la suite d’un changement de régime. Il s’agit là d’une position constante. »</p>
</blockquote>
<p>Cette position est réitérée en 1982 à propos du <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1982/10/25/le-president-hissene-habre-a-forme-un-gouvernement-de-large-union_2893387_1819218.html">Tchad</a>. Le ministre français de la Coopération d’alors, Jean-Pierre Cot, affirme que « dans nos relations avec le Tchad, nous suivons les règles du droit international […]. Nous reconnaissons les États et non les gouvernements. »</p>
<p>La position française laisse clairement entendre qu’il n’y a pas de reconnaissance formelle du nouveau gouvernement, du moins officiellement. En pratique, de nombreux États partagent cette position, considérant qu’il n’est pas nécessaire de remplir des formalités spécifiques pour reconnaître un gouvernement nouveau.</p>
<p>Néanmoins, à la lumière du comportement des États, il est manifeste qu’il existe tout de même une forme de reconnaissance implicite du nouveau gouvernement, même si cela ne trouve pas de fondement juridique dans le cadre du droit international.</p>
<h2>La pratique de la reconnaissance implicite des nouveaux gouvernements au Sahel</h2>
<p>Par opposition à la reconnaissance explicite, la reconnaissance implicite est celle qui se déduit du comportement d’un État, des actes qu’il a adoptés ou des relations établies par lui. Au Sahel, les actions de la communauté internationale ont été telles que l’on pourrait affirmer que la reconnaissance implicite des nouveaux gouvernements est devenue la norme.</p>
<p>À chaque renversement gouvernemental par des coups d’État, la communauté internationale commence par exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Cependant, au fil de l’évolution des événements, les États finissent par reconnaître la situation comme un fait accompli.</p>
<p>Si la France a longtemps maintenu une position de reconnaissance implicite dans le cas au Mali (même avec le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/31/au-mali-la-semaine-ou-le-colonel-goita-s-est-couronne-president_6082131_3212.html">second coup d’État en mai 2021</a>) ainsi qu’en Guinée et lors de deux coups d’État successifs au Burkina Faso, il semblerait qu’elle ait modifié sa politique dans le cas du Niger.</p>
<p>Dès le lendemain du coup d’État, la France a affirmé qu’elle ne reconnaissait pas le gouvernement issu du putsch, indiquant ainsi une pratique de non-reconnaissance explicite. Cependant, quelques semaines plus tard, dans le cas du <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-coup-detat-au-gabon-213592">Gabon</a>, la France est revenue sur sa position initiale, adoptant à nouveau une reconnaissance implicite.</p>
<p>Par ailleurs, une <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231207-niger-la-cour-de-justice-de-la-c%C3%A9d%C3%A9ao-d%C3%A9clare-irrecevables-des-requ%C3%AAtes-de-niamey-contre-des-sanctions">décision très récente de la Cour de justice de la Cédéao</a>, datée du 7 décembre 2023, a établi un précédent significatif. En déclarant irrecevables des requêtes du nouveau gouvernement du Niger, la Cour soutient que le nouveau gouvernement nigérien issu d’un putsch ne peut pas représenter le peuple nigérien, car il n’est pas reconnu par les organes de la Cédéao. </p>
<p>Cette jurisprudence souligne l’importance de la reconnaissance par les instances régionales, telles que la Cédéao et ses États membres, pour déterminer la légalité d’un gouvernement et sa capacité à représenter le peuple. La position de la Cour est justifiable à la lumière des précédents, tels que ceux du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée, dont les nouveaux gouvernements ont tous été explicitement reconnus par les organes décisionnels de la Cédéao, reconnaissance étayée par la signature d’accords fixant un calendrier de transition.</p>
<h2>Les effets de la reconnaissance du nouveau gouvernement</h2>
<p>En matière de reconnaissance des nouveaux gouvernements en Afrique de l’Ouest, la position des puissants États occidentaux a fréquemment été ambiguë. Ainsi, dans le cas du Niger, la France refuse toujours de reconnaître explicitement le nouveau pouvoir alors que les États-Unis, eux, l’ont fait progressivement et <a href="https://www.state.gov/translations/french/arrivee-de-lambassadrice-kathleen-fitzgibbon-au-niger/">nommé une nouvelle ambassadrice</a>. Cette ambiguïté ne peut être expliquée du point de vue du droit international, mais elle peut être illustrée par plusieurs enjeux : les intérêts géopolitiques, la stabilité régionale, les principes démocratiques et les réponses aux crises humanitaires. </p>
<p>L’un des effets les plus patents de la reconnaissance d’un nouveau gouvernement par la communauté internationale, notamment par des organisations régionales comme la Cédéao, est de lui conférer une légitimité internationale. Cela peut influencer les relations diplomatiques, l’accès aux aides internationales et peut renforcer la confiance des investisseurs étrangers. Par ailleurs, que le nouveau gouvernement soit reconnu de manière tacite ou explicite, il est néanmoins tenu de respecter les normes et les obligations du droit international.</p>
<p>Que le nouveau gouvernement soit arrivé au pouvoir de façon légale ou non, le droit international prend acte du fait accompli et exige que ce gouvernement respecte et se conforme aux normes du droit international. Cela inclut l’obligation de respecter les engagements déjà pris auparavant et de se conformer aux normes relatives aux droits de l’homme, au droit humanitaire, ainsi qu’au droit diplomatique et consulaire.</p>
<p>Ainsi, le droit international se contente de constater l’avènement d’un gouvernement, y compris à la suite d’un coup d’État. Le gouvernement nouvellement établi est alors responsable de tout ce qui pourrait engendrer des effets juridiques internationaux. La situation devient particulièrement complexe lorsque deux gouvernements coexistent au sein d’un État.</p>
<p>Le cas de la Libye illustre parfaitement ce cas de figure. Après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, deux gouvernements distincts ont été <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/02/la-libye-se-retrouve-avec-deux-gouvernements-rivaux_6115783_3212.html">reconnus par différentes puissances internationales</a>. Le Gouvernement d’Union nationale (GNA), formé en 2015 avec un large soutien international, est largement reconnu comme le gouvernement légitime, tandis que l’Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par la maréchal Haftar, est soutenue par certains États comme le voisin égyptien et représente une force politique et militaire rivale. En pareille situation, il est difficile de déterminer lequel de ces deux gouvernements peut être considéré comme responsable au regard du droit international.</p>
<p>Une autre question liée à la reconnaissance d’un nouveau gouvernement concerne sa représentation au niveau international, notamment au sein des instances telles que le système des Nations unies. Un incident <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/09/23/niger-le-regime-militaire-s-en-prend-au-chef-de-l-onu_6190632_3212.html">s’est produit en septembre dernier</a>, quand les représentants tant du nouveau gouvernement que de l’ancien ont cherché à représenter le peuple nigérien. Cependant, le 6 décembre 2023, l’ONU a explicitement reconnu le gouvernement militaire actuel au Niger. Cette reconnaissance s’est matérialisée par l’accréditation accordée à son représentant à <a href="https://actucameroun.com/2023/12/19/coup-detat-au-niger-les-autorites-militaires-reconnues-par-lonu/">New York par le Comité d’accréditation de l’Assemblée générale de l’ONU</a>.</p>
<p>On l’aura compris : quand bien même les grands États et les organisations multilatérales aiment à se présenter comme des défenseurs sourcilleux du droit international, ils donnent souvent la priorité, dans les faits, à leurs intérêts bien compris, et s’adaptent volontiers à la nouvelle donne, y compris quand celle-ci est issue de putschs militaires…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219925/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Issiaka Guindo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces dernières années, des putschs militaires se sont produits dans plusieurs États ouest-africains. La reconnaissance de la légitimité des gouvernements qui en sont issus est un enjeu majeur.Issiaka Guindo, Doctorant en droit international à Paris 1 Université Panthéon-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187502023-12-21T17:43:31Z2023-12-21T17:43:31ZVariole du singe - mpox : une évolution préoccupante de la maladie en Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566660/original/file-20231219-15-j7vdik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C9%2C3058%2C2120&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Micrographie électronique à balayage colorisée (fausses couleurs) de virus mpox (en rouge) situés à la surface de cellules VERO E6 infectées (en vert). Image prise au NIAID Integrated Research Facility (IRF) à Fort Detrick, Maryland.
Crédit : </span> <span class="attribution"><span class="source">NIAID / NIH</span></span></figcaption></figure><p>En 2022, la «variole du singe» (en anglais monkeypox), a fait brutalement irruption sur la scène internationale. Rebaptisée mpox par l’Organisation mondiale de la Santé, cette maladie est causée par un virus appartenant à la même famille que celui de la variole (officiellement déclarée éradiquée en 1979, grâce à la vaccination). Comme la variole, elle se traduit par de la fièvre et une éruption cutanée, quoique moins sévère.</p>
<p>Le premier cas humain de mpox a été détecté en 1970 en République Démocratique du Congo (RDC), dans le contexte des campagnes d'éradication de la variole. La maladie est depuis endémique en Afrique centrale et en Afrique de l'Ouest.</p>
<p>Longtemps resté relativement peu connu, voire négligé, le mpox (la variole du singe) s’est retrouvé sous la lumière des projecteurs suite à une dissémination mondiale de la maladie, en mai 2022.</p>
<p>Un an et demi plus tard, si l'épidémie s'est calmée dans les pays occidentaux, les deux souches connues du virus à l’origine de la maladie continuent à circuler en Afrique, et le nombre de cas humains est en augmentation. Avec quelles conséquences et quels risques, à l’échelle de ce continent et au-delà ?</p>
<h2>Un virus zoonotique/d'origine animale</h2>
<p>La maladie due au virus mpox est une zoonose, autrement dit une maladie qui circule entre les animaux et les humains. On soupçonne de petits écureuils arboricoles ou d'autres petits rongeurs d'être les réservoirs du virus. La maladie devait initialement son nom au fait que le virus qui la cause avait été isolé pour la première fois chez des primates captifs, en 1958 au Danemark.</p>
<p>La transmission secondaire entre êtres humains est connue pour se faire de plusieurs façons : par contact cutané ou muqueux, par contact avec l'environnement contaminé ou le linge, ou par contact respiratoire de type gouttelettes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567070/original/file-20231221-19-q28p3u.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lésions cutanées de mpox chez une enfant, à Bangui, en République centrafricaine, où circule le clade I du virus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dr Festus Mbrenga / Institut Pasteur de Bangui - 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La sévérité clinique et la létalité de la maladie varient selon la souche de virus mpox impliquée (on parle de « clade viral »), ainsi qu’en fonction des capacités de soins du pays. Le clade I, qui sévit en Afrique centrale, est responsable d'une présentation clinique sévère et d'une létalité se situant aux environs de 10 %, tandis que la létalité associée au clade II, qui circule en Afrique de l'Ouest, est approximativement de 1 %.</p>
<p>Depuis les années 1990, on constate une majoration du nombre de cas humains de mpox en lien avec le clade I. Les cas impliquant le clade II sont quant à eux en augmentation en Afrique de l'Ouest depuis les années 2000.</p>
<p>En 2022, c'était d'ailleurs le clade II (plus précisément, le clade IIb) qui s'était propagé hors du continent africain. Ce n'était pas la première fois qu'il sortait de sa zone d'endémie (zone où le virus circule de façon permanente), mais jamais avec de telles conséquences.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Arbre phylogénétique du virus mpox." src="https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566946/original/file-20231220-19-hwx32k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Arbre phylogénétique du virus mpox. Le clade IIb a été à l’origine de l'épidémie mondiale survenue en 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://nextstrain.org/mpox/all-clades">https://nextstrain.org/mpox/all-clades</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Précédentes disséminations du mpox hors d'Afrique</h2>
<p>En dehors du continent africain, des exportations de cas animaux ou humains de mpox ont été reportées à plusieurs reprises par le passé. Il s'agissait systématiquement du clade II.</p>
<p>Des cas humains étaient ainsi survenus aux USA en 2003. À l'époque, 47 cas confirmés avaient été rapportés. Les personnes concernées avaient été infectées par l'intermédiaire de chiens de prairie (Cynomys ludovicianus) achetés en animalerie, lesquels avaient eux-mêmes été contaminés par des rats de Gambie importés du Ghana.</p>
<p>En 2017, une épidémie de grande taille est survenue au Nigéria, marquant un changement épidémiologique. En effet, l'épidémie s'est alors installée en contexte urbain, a principalement touché des hommes, et sa présentation clinique s’est avérée quelque peu différente, puisqu’une forte proportion de lésions génitales avait été rapportée. Une des conséquences de cette majoration de la circulation de la maladie au Nigéria a été l'exportation de cas humains liés au clade II, entre 2018 et 2021 à Singapour, en Israël et en Angleterre. </p>
<p>C'est aussi à partir de l'épidémie du Nigéria que s'est propagé le virus en mai 2022, touchant cette fois l'ensemble des continents, ce qui a mené l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à déclarer une «urgence sanitaire de portée internationale» le 23 juillet 2022.</p>
<h2>Une réponse internationale à deux vitesses</h2>
<p>Lors de l'épidémie mondiale de 2022, les tableaux épidémiologique et clinique se sont avérés différents de ceux jusqu'alors majoritairement retrouvés en Afrique. Le mpox s'est en effet présenté sous la forme de lésions principalement génitales, anales ou orales, résultant d'une transmission interhumaine stricte, par contacts cutanéo-muqueux rapprochés lors des contacts sexuels, concernant alors principalement les communautés homosexuelles.</p>
<p>Après plus de 92 000 cas humains dans plus 110 pays, et 160 décès, l'épidémie a décru en Europe et aux États-Unis, à la suite de la mise en place de plusieurs mesures. La sensibilisation et la mobilisation massive des communautés touchées ont notamment participé à circonscrire l'épidémie, et les groupes à risque ont été rapidement vaccinés grâce au déblocage de vaccins antivarioliques de troisième génération. Ces vaccins procurent en effet une immunité croisée contre le virus mpox ; bien que la variole ait été éradiquée, divers gouvernements gardent des stocks, en prévision d'une potentielle utilisation du virus de cette maladie comme arme biologique.</p>
<p>Les choses se sont avérées différentes en Afrique. En effet, la vaccination n'a pas été rendue accessible dans les pays où le mpox était précédemment endémique, ni pour les populations concernées ni pour le personnel médical et paramédical de première ligne (à l'exception d'un essai clinique mené en RDC depuis 2017).</p>
<p>Aujourd'hui, le mpox poursuit sa progression sur le continent africain, malgré l’implication et l’important travail des équipes à l’œuvre sur le terrain, dans les pays touchés. Le nombre de cas humains est en augmentation, tout comme la fréquence des épidémies. On constate par ailleurs une extension des zones géographiques concernées par la maladie. Cette inégalité d'accès au vaccin met en évidence les limites d'une réponse internationale à deux vitesses, comme le souligne le dernier rapport de l'OMS.</p>
<h2>En Afrique, une extension des zones géographiques concernées</h2>
<p>En parallèle de l'épidémie mondiale de 2022, plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest non préalablement touchés, ou ayant présenté très peu de cas jusque-là, ont déclaré l'apparition inhabituelle de cas humains de mpox. C’est par exemple le cas du Bénin ou du Cameroun.</p>
<p>Les autorités sanitaires des pays où le mpox était endémique ont par ailleurs constaté que l'aire de circulation du virus s'était étendue. Des épidémies surviennent désormais dans des zones moins typiques que les zones forestières initialement identifiées à risque (zones situées à la frontière forêt/savane en République centrafricaine, et dans des zones urbaines plus connectées que les villages initialement touchés).</p>
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<img alt="Carte recensant les cas de mpox en fonction des clades considérés." src="https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566953/original/file-20231220-18278-yblnhk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte recensant les cas humains de mpox en fonction des clades considérés. Jusqu’à présent, aucune infection humaine par le clade I du virus mpox n’a jamais été identifié hors du continent africain.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://nextstrain.org/mpox/all-clades">https://nextstrain.org/mpox/all-clades</a></span>
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<p>Publié en novembre 2023, <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON493">un rapport de l'OMS</a> rend compte de l'évolution préoccupante de l'épidémiologie du mpox en RDC, principal pays endémique pour le mpox (la RDC comptabilisait 95 % des cas humains de mpox avant l'épidémie mondiale de 2022).</p>
<h2>L’évolution du mpox en RDC préoccupe l’OMS</h2>
<p>Les autorités sanitaires de RDC ont rapporté une extension de la maladie vers de nouvelles provinces préalablement non concernées, telle que la province du sud Kivu, sujette à des troubles civils et militaires qui rendent complexes les interventions de santé publique.</p>
<p>Le rapport de l’OMS décrit également les premiers clusters (foyers) de cas humains de mpox à Kinshasa. Ceux-ci seraient survenus suite à plusieurs introductions différentes depuis des provinces touchées (des personnes infectées seraient venues de villages extérieurs jusqu'à Kinshasa).</p>
<p>L'atteinte d'une capitale africaine s'avère très préoccupante, car elle est synonyme d'un risque épidémique local important et d'une majoration du risque de dissémination du clade I au sein du pays, du continent ainsi que vers le reste du monde, en raison des nombreux échanges nationaux et internationaux qui s'y déroulent.</p>
<p>Dans son rapport, l'OMS précise que «du 1er janvier au 12 novembre 2023, un total de 12 569 cas suspects de variole simienne, dont 581 mortels (taux de létalité : 4,6 %), ont été signalés dans 156 zones de santé dans 22 des 26 provinces (85 %) en RDC. […] Parmi les cas suspects, 1106 ont été testés par réaction en chaîne par polymérase en temps réel (PCR en temps réel ou qPCR) et 714 étaient positifs pour le MPXV (taux de positivité de 65 %)».</p>
<p>Que nous apprennent ces chiffres ? L'OMS souligne qu'«il s'agit du nombre de cas le plus élevé jamais signalé pour une année» en RDC et que, comme souligné plus haut, «certains cas ont été recensés dans des zones géographiques qui n'avaient jamais fait état de cas de mpox auparavant».</p>
<p>La majoration du nombre et de la fréquence des cas humains mise en évidence s'intègre dans l'évolution générale de l'épidémiologie du mpox en Afrique, et sur laquelle les pays concernés tentent d'attirer l'attention internationale depuis un moment. Mais la transformation récente de l'épidémiologie est préoccupante.</p>
<h2>Épidémiologie du mpox en RDC : une transformation préoccupante</h2>
<p>Cette évolution est inquiétante à plusieurs niveaux. D'une part dans les zones endémiques, l'évolution vers une transmission interhumaine renforce et amplifie le problème de santé publique chronique posé par le mpox. D'autre part, le risque de dissémination du clade I au sein du continent et au-delà est important, comme en témoigne la précédente dissémination du clade IIb lors de l'épidémie mondiale de 2022.</p>
<p>Or comme mentionné précédemment, le clade I présente un taux de létalité plus important que le clade II. En RDC, la létalité liée au clade I est actuellement de 4,6 %, mais elle est difficile à évaluer, car tous les cas ne sont pas détectés.</p>
<p>La situation actuelle révèle néanmoins une transformation de l'épidémiologie du mpox en RDC. En effet, l'important taux de positivité des échantillons prélevés indique que les cas suspects ont une forte probabilité d'être de vrais cas de mpox (et non des cas de varicelles ou d'autres maladies éruptives).</p>
<p>Au sud Kivu, l'épidémie se présente sous une forme totalement nouvelle pour la RDC : avec une prédominance de cas chez des femmes (et non chez des enfants comme précédemment dans les pays endémiques), une forte prédominance de lésions génitales, et des clusters de cas localisés autour de bars, ce qui pourrait suggérer un lien avec des pratiques de prostitution. Le séquençage des souches virales impliquées est en cours, afin de déterminer s'il s'agit bien du clade I endémique en RDC.</p>
<p>Rappelons que, jusqu'à présent, aucun cas humain d’infection par le clade II b n'a été identifié en RDC (qui est une zone endémique pour le clade I d'Afrique centrale). Par ailleurs, hors d’Afrique, aucune infection humaine par le clade I n'a jamais été mise en évidence.</p>
<p>Un autre point est particulièrement préoccupant : selon l'OMS, une première «transmission sexuelle» (transmission par contact cutanéo-muqueux rapprochés lors des rapports sexuels) du clade I a été objectivée, à Kenge (à environ 200 km de Kinshasa).</p>
<h2>Mise en évidence d'une transmission par contacts sexuels en zone d'endémie du clade I</h2>
<p>La capacité du clade II du mpox à se transmettre lors des contacts cutanéo-muqueux lors des rapports sexuels avait été suspectée depuis l'épidémie de 2017 au Nigéria. On avait alors constaté la prédominance du virus chez des personnes présentant des comportements sexuels à haut risque (sexe transactionnel, multipartenariat et absence d'utilisation de préservatif), et une importante présence de lésions génitales au Nigéria (retrouvées chez 68 % des cas). L’épidémie mondiale de 2022 avait ensuite objectivé et confirmé l’existence de ce mode de transmission pour le clade IIb du mpox. </p>
<p>Concernant le clade I, en septembre 2023, 80 cas suspects, incluant 20 travailleurs et travailleuses du sexe avaient été reportés lors d'une épidémie dans l'est de la RDC.</p>
<p>Pour le cluster de cas récent à Kenge, les outils de biologie moléculaire ont confirmé la transmission de la même souche virale (issue du clade I) entre un «cas index» (le cas index est le premier cas suspecté d'une maladie contagieuse au sein d'une population donnée) et 5 de ses contacts sexuels (4 hommes et 1 femme). Ce type de transmission interhumaine lors des contacts cutanéo-muqueux lors des rapports sexuels du clade I était potentiellement déjà préexistante, mais probablement plus épisodique, et jamais formellement reconnue jusqu'à présent. </p>
<p>Ceci peut s'expliquer du fait du manque d'enquête épidémiologique systématique, et de la difficulté à discriminer le mode de transmission lors d'épidémies survenant au sein d'un même foyer (la transmission pouvant aussi se faire par contact cutané avec les lésions, par contact avec le linge ou l'environnement, etc.). Par ailleurs, le manque de séquençage systématique des souches isolées en Afrique ne permet pas d'identifier précisément les circulations virales.</p>
<p>Il est intéressant d'évoquer que, lors des investigations sur le mpox réalisées en République centrafricaine, l'existence d'une transmission interhumaine lors des contacts cutanéo-muqueux rapprochés lors des rapports sexuels était parfois soupçonnée.</p>
<p>En effet, des souches virales très proches avaient été retrouvées chez un marchand ambulant et chez ses deux partenaires sexuelles féminines, vivant au sein de deux foyers différents dans des villes éloignées. Cependant, ces transmissions interhumaines restaient limitées à l'échelle de la famille, sans jamais atteindre des réseaux d'amplification. L'évidence d'une accentuation de la transmission interhumaine et notamment lors des contacts cutanéo-muqueux, rapprochés lors des rapports sexuels, pourraient changer la donne.</p>
<h2>Le mpox : une énigme épidémiologique ?</h2>
<p>Le rapport de l'OMS révèle une évolution inquiétante de l'épidémiologie du mpox en RDC, ainsi que l'urgence et l'importance d'une réponse adaptée et coordonnée face à l'accentuation du problème de santé publique que représente cette maladie en RDC.</p>
<p>Un point important est la confirmation de l'existence d'une transmission du clade I du virus mpox lors des contacts cutanéo-muqueux durant les rapports sexuels.</p>
<p>Cette situation met en évidence une potentielle transformation de cette maladie, jusqu’à présent considérée en Afrique centrale comme principalement zoonotique, en une maladie à transmission majoritairement interhumaine. Si les mesures de prévention du mpox en Afrique centrale étaient essentiellement basées sur des conseils visant à prendre des précautions lors de la chasse et de la découpe de viande de brousse, il devient donc désormais nécessaire de revoir les recommandations à l'aune de ces connaissances scientifiques actualisées (ce que fait l'OMS).</p>
<p>En parallèle des recherches biomédicales et vaccinales, des recherches interdisciplinaires sur ce virus sont indispensables. En effet, malgré 20 ans de travaux sur le mpox, un certain nombre d'énigmes épidémiologiques demeurent. Quel est précisément le réservoir du virus ? Quels sont les modes de transmission de la maladie dans les zones endémiques (transmission zoonotique ou transmission interhumaine ? et dans ce dernier cas, quelle participation d'une transmission lors des rapports sexuels) ? Quel est le rôle de la transmission indirecte par contact avec l'environnement partagé ? Quels sont les facteurs écologiques et sociaux impliqués dans ces épidémies ? Quels sont les contextes qui ont présidé à l'émergence du mpox dans les années 1970, puis à sa réémergence dans les années 1990-2000 ?</p>
<p>Enfin, plus généralement, quelle est l'implication de la survenue généralisée de dégradations environnementales et d'écologies simplifiées dans l'émergence du mpox en Afrique, ravivant notre responsabilité collective globale dans les modifications majeures subies par les socio-écosystèmes forestiers africains en contexte colonial et post colonial?</p>
<p>Répondre à ces questions permettra de mieux prévenir et circonscrire le mpox. Un problème de santé publique qui n'est pas seulement localisé, mais concerne l'ensemble de la communauté internationale, si l’on en doutait encore…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Besombes a reçu des financements de ANR. </span></em></p>En 2022, une épidémie mondiale de mpox (anciennement « variole du singe ») s’était déclarée. Aujourd’hui la situation reste préoccupante, car la forme la plus virulente de la maladie semble se propager en Afrique.Camille Besombes, Médecin infectiologue - Epidémiologiste - Sciences Po médialab, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2193762023-12-21T17:37:30Z2023-12-21T17:37:30ZÀ quand une vraie politique d’asile pour le Maroc ?<p>Alors que le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations unies a annoncé en septembre dernier que <a href="https://reliefweb.int/report/morocco/unhcr-maroc-fact-sheet-septembre-2023">plus de 10 200 réfugiés se trouvaient actuellement au Maroc</a>, Rabat n’a toujours pas adopté la politique d’asile annoncée il y a dix ans.</p>
<p>En septembre 2013, le roi a lancé le chantier d’un droit d’asile qui devait passer par l’élaboration d’une loi et l’appropriation d’une procédure de reconnaissance des réfugiés jusqu’ici laissée au HCR. Cette initiative a été <a href="https://journals.openedition.org/revdh/17310">suivie d’avancées significatives et de projets de loi</a>, avant de s’essouffler, tandis que le nombre de réfugiés dans le pays ne cessait de croître.</p>
<h2>L’absence d’asile dans les pays « arabes »</h2>
<p>Le Maroc est un pays africain et arabe. En matière d’asile, il entre davantage dans la deuxième catégorie. Tandis que la plupart des pays africains du sud du Sahara sont dotés de lois sur les réfugiés et ont élaboré leurs propres procédures, le Maroc demeure à ce jour, comme l’ensemble des pays de la région dite « MENA » (Middle East and North Africa), dépourvu de cadre ou de politique d’asile.</p>
<p>En dépit d’un décret adopté en 1957 « fixant les modalités d’application de la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951 » et créant le Bureau des réfugiés et apatrides, le Maroc ne s’est jamais doté d’une législation et d’une procédure d’asile proprement dites.</p>
<p>Depuis une soixantaine d’années, le HCR se charge de la <a href="https://www.unhcr.org/fr-fr/nos-activites/proteger-les-droits-humains/protection/determination-du-statut-de-refugie">détermination du statut de réfugié</a> et de l’accès aux droits, en collaboration avec des associations locales, mais <a href="https://www.unhcr.org/fr-fr/actualites/points-de-presse/le-hcr-va-signer-un-accord-de-siege-avec-le-gouvernement-marocain">l’accord de siège avec le Maroc</a>, officialisant ce rôle, n’a été conclu qu’en 2007.</p>
<h2>La mise à l’agenda politique de l’asile</h2>
<p>La question de l’asile s’invite au Maroc au début des années 2000, sous l’effet conjugué d’une <a href="https://www.cairn.info/le-maghreb-a-l-epreuve-des-migrations--9782811101640.htm">augmentation de la présence étrangère</a>, y compris en besoin de protection, et d’une <a href="https://journals.openedition.org/anneemaghreb/398?lang=en">politique du HCR et de l’Union européenne</a> visant l’adoption de politiques d’asile dans l’ensemble du Maghreb. L’Europe cherche alors à « externaliser » le contrôle des frontières et à obtenir la contribution des pays maghrébins au maintien des réfugiés et demandeurs d’asile en amont de la Méditerranée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MSx-n99qTaw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le nombre de réfugiés connaît une forte progression en 2005-2006. De manière générale, la présence étrangère augmente au cours de ces années, sous l’effet notamment des <a href="https://algeria-watch.org/?p=5174">difficultés accrues</a> pour se rendre légalement en Europe. On décompte environ 1 800 demandes d’asile entre début 2005 et mi-2006.</p>
<p>Ce n’est qu’en 2013 que le processus d’élaboration d’un droit d’asile est lancé. L’initiative du roi pour une « Nouvelle politique d’immigration et d’asile » (NPIA) suit les <a href="https://www.cndh.org.ma/fr/rapports-thematiques/conclusions-et-recommandations-du-rapport-etrangers-et-droits-de-lhomme-au">recommandations du Conseil national des droits de l’homme</a> (CNDH). Elle s’inscrit dans une concordance d’intérêts « post- <a href="https://sciencespo.hal.science/hal-01024402">mouvement du 20 février 2011 »</a>. Ce mouvement, qui s’inscrivait dans la vague de contestations et révolutions qualifiée de « printemps arabe », a été suivi de l’adoption d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2012-3-page-511.htm">nouvelle Constitution</a>, d’élections et de plusieurs projets de réformes. Parmi ceux-ci, le projet de « NPIA » nourrit une réaffirmation de la politique africaine du Maroc, répond aux demandes de la société civile ainsi qu’aux attentes de l’UE et des instances internationales, et est aussi un <a href="https://www.jeuneafrique.com/168616/politique/maroc-mohammed-vi-appuie-le-cndh-dans-la-d-fense-des-droits-des-migrants/">pied de nez au gouvernement Benkirane</a> de l’époque, qui défendait le bilan de sa politique.</p>
<h2>L’enthousiasme des premiers pas</h2>
<p>Les <a href="https://marocainsdumonde.gov.ma/wp-content/uploads/2019/01/Politique-Nationale-dimmigration-et-dAsile-_-Rapport-2018.pdf">Orientations royales du 6 novembre 2013</a> visent à « élaborer une nouvelle politique globale relative aux questions de l’immigration et de l’asile, suivant une approche humanitaire conforme aux engagements internationaux du Maroc et respectueuse des droits des immigrés ». Le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger est réorganisé et élargi aux « Affaires de la migration » pour inclure l’immigration. Il est confié à Anis Birou, qui demeure à ce poste jusqu’au 5 avril 2017 et porte les projets de réforme avec conviction. </p>
<p>La conjugaison de dynamiques personnelles et collectives aboutit à un tournant remarquable sur le plan formel et celui des pratiques. Une amélioration des droits des étrangers est <a href="https://www.libe.ma/Droit-des-etrangers-au-Maroc-Un-vide-juridique-qui-ne-dit-pas-son-nom_a114037.html">clairement observée</a>. La NPIA est d’abord constituée d’un chantier législatif, avec l’ambition d’adopter une loi contre la traite des personnes, une loi sur l’immigration et une loi sur l’asile. Un avant-projet de loi sur l’asile est proposé dès le 13 mars 2014. Finalement, seule la loi contre la traite des êtres humains est <a href="https://aujourdhui.ma/actualite/les-deputes-adoptent-la-loi-sur-la-traite-des-etres-humains">adoptée, en 2016</a>.</p>
<p>En septembre 2013, le Bureau des réfugiés et apatrides (BRA) est rouvert et une commission en charge de la régularisation des réfugiés reconnus par le HCR est créée. Le HCR continue à effectuer la détermination du statut de réfugiés, qui doit ensuite être confirmée par le BRA. Le BRA doit donc auditionner les réfugiés reconnus comme tels par le HCR et, lorsque leur statut est confirmé, délivre la carte de réfugié, qui permet d’accéder à la carte de séjour et aux droits afférents. Il est prévu qu’une fois la loi sur l’asile adoptée, l’ensemble de ces responsabilités seront transférées aux autorités marocaines. Lors des premières phases de régularisation, en 2013 et 2014, toutes les personnes auditionnées par le BRA sont régularisées. Ce sont principalement des Ivoiriens, des Congolais et des Irakiens. Le 24 décembre 2013, les premières cartes de réfugié et de séjour sont délivrées.</p>
<p>En 2014 est aussi menée une campagne de régularisation administrative des étrangers en situation irrégulière. Une <a href="https://marocainsdumonde.gov.ma/operations-de-regularisation/">suite favorable est donnée à 83,53 % des 27 649 demandes déposées</a>. Certains demandeurs d’asile, notamment syriens, en bénéficient du fait des réticences du BRA à leur reconnaître le statut de réfugié. La même année, la <a href="https://marocainsdumonde.gov.ma/wp-content/uploads/2018/02/Strate%CC%81gie-Nationale-dimmigration-et-dAsile-ilovepdf-compressed.pdf">Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA)</a> est lancée, qui vise l’accès aux droits, notamment à la santé, à l’éducation et au logement, pour les personnes régularisées, y compris les réfugiés. Une seconde campagne de régularisation des étrangers se déroule de 2016 à 2017.</p>
<h2>L’essoufflement</h2>
<p>Le 9 décembre 2015, le projet de loi sur l’asile est programmé pour passer en conseil de gouvernement. Il en est retiré le jour même. On se situe alors en pleine « crise migratoire » en Europe. Rabat, à l’instar de son voisin algérien et de l’UE, impose un visa d’entrée aux Syriens – comme aux ressortissants de la plupart des pays sources de réfugiés (Libye, Yémen, Soudan, Érythrée, Éthiopie, Cameroun, Centrafrique…), ce qui est un moyen d’empêcher leurs arrivées régulières.</p>
<p>Dans son <a href="https://www.maroc.ma/fr/discours-royaux/discours-integral-de-sm-le-roi-loccasion-du-62e-anniversaire-de-la-revolution-du">discours du 20 août 2015</a>, le roi avait en quelque sorte distingué asile et hospitalité :</p>
<blockquote>
<p>« Le Maroc restera comme toujours une terre d’accueil pour ses hôtes qui s’y rendent dans la légalité. Le Maroc ne sera jamais une terre d’asile. »</p>
</blockquote>
<p>Un second projet de loi est néanmoins <a href="https://lematin.ma/journal/2019/on-oublie-qu-loi-lasile-aidera-maroc-controler-lentree-sejour-territoire/317974.html">soumis au conseil de gouvernement en septembre 2018</a>. Avec l’organisation les 10-11 décembre de cette même année du sommet de Marrakech de l’ONU qui aboutit à la signature du <a href="https://www.ohchr.org/fr/migration/global-compact-safe-orderly-and-regular-migration-gcm">« Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières »</a>, dit Pacte de Marrakech, dans un contexte où le Maroc se voit de nouveau <a href="https://www.gadem-asso.org/couts-et-blessures/">critiqué pour le non-respect</a> des droits des migrants, plusieurs voix pronostiquent l’adoption prochaine du projet de loi sur l’asile, qui viendrait rappeler, comme en 2014, que le Maroc peut être un modèle dans la région. L’année 2017 avait d’ailleurs été marquée par le retour du royaume dans l’Union africaine (UA), laquelle l’avait nommé <a href="https://aujourdhui.ma/societe/le-maroc-leader-de-lunion-africaine-sur-la-question-de-la-migration">« leader sur la question des migrations »</a>. </p>
<p>Cependant, le Pacte de Marrakech n’est pas accompagné de l’adoption de la loi sur l’asile. <a href="https://marocainsdumonde.gov.ma/ewhatisi/2021/10/Rapport-2020-5-10-VF.pdf">Une version actualisée, présentée en 2019</a> au conseil de gouvernement, se perd dans les couloirs ministériels où un projet serait de nouveau discuté de manière discrète depuis 2022. En parallèle, le BRA, qui avait suspendu ses travaux à plusieurs reprises – en mars 2015 pour six mois, entre mars 2017 et décembre 2018, de nouveau en 2020 avec la crise sanitaire – les a repris en 2022, mais à un rythme très faible. En conséquence, moins de la moitié des réfugiés auraient des documents de résidence valide.</p>
<p>Ces dysfonctionnements s’inscrivent dans un essoufflement de la SNIA et des reculs en matière de respect des droits des étrangers, visibles dès 2017. Le ministère des Marocains résidant à l’étranger perd d’ailleurs de nouveau toute référence à l’immigration et redevient délégué (auprès du ministre des Affaires étrangères). Fin 2018, malgré les régularisations, seuls environ 1 000 étrangers bénéficiaient de la SNIA du fait des problèmes d’obtention ou de renouvellement des titres de séjour des régularisés et des fermetures du BRA. Les relations entre le HCR et le gouvernement marocain sont par ailleurs compliquées, parfois tendues, depuis lors.</p>
<h2>La situation actuelle de l’asile</h2>
<p>Après une augmentation du nombre de réfugiés à partir de 2015, du fait des guerres en Syrie et au Yémen, une progression est encore observée en 2018. Au 1<sup>er</sup> octobre, le HCR dénombre 5 353 réfugiés et 1 985 demandeurs d’asile, principalement de Syrie mais aussi du Yémen, du Cameroun, de Côte d’Ivoire et de Guinée. Du fait des suspensions d’activité du BRA, beaucoup de réfugiés n’ont plus accès à l’emploi et décident de quitter le pays pour se rendre en Europe – le taux de départ est évalué par le HCR à environ 30 % des personnes sous son mandat. Des personnes dotées d’un document HCR se font arrêter lors de tentatives de passage vers l’Europe, ce qui réactive, chez les policiers, la suspicion de fraude aux documents : tandis que les refoulements de personnes disposant d’une attestation du HCR – devant donc être protégées du refoulement – avaient cessé ces dernières années, ils <a href="https://gallery.mailchimp.com/66ce6606f50d8fd7c68729b94/files/3690d5cc-2b47-404c-a43d-ca0beeb7e383/20181011_GADEM_Note_Expulsion_gratuite_VF.pdf">reprennent</a>. </p>
<p>En septembre 2020, le HCR dénombre 7 561 réfugiés reconnus de son côté, dont la majorité est syrienne. Le nombre de personnes en recherche de protection poursuit ensuite sa progression. Au 30 juin 2022, 19 278 personnes sont recensées, partagées de manière quasiment égale entre réfugiés et demandeurs d’asile. Elles proviennent principalement de Syrie (5 251), de Guinée, de Côte d’Ivoire, du Yémen, du Cameroun, de Centrafrique mais aussi désormais du Soudan.</p>
<p>L’augmentation de la présence des Soudanais est flagrante dès 2021, liée sans doute à la situation dramatique en Libye où se rendaient la plupart d’entre eux, et d’où certains partaient pour l’Europe. Les Sud-Soudanais font partie des nationalités bénéficiant d’une <a href="https://emergency.unhcr.org/fr/protection/cadre-juridique/la-reconnaissance-prima-facie-du-statut-de-r%C3%A9fugi%C3%A9">reconnaissance « prima facie »</a> de leur statut de réfugié par le HCR (s’ils bénéficient de papiers d’identité, ce qui est rarement le cas), aux côtés des Syriens, des Yéménites, des Centrafricains et des Palestiniens, pour faciliter leur accès à la protection dès l’enregistrement. Les autres nationalités suivent la procédure normale. En juin 2022, la Côte d’Ivoire est retirée de la liste des pays à risque ; la part de ses ressortissants au Maric diminue donc depuis, les Ivoiriens sachant qu’ils sont moins susceptibles qu’auparavant d’obtenir le statut de réfugié. </p>
<p>Aujourd’hui, le Maroc continue à jouer la <a href="https://www.maroc.ma/fr/actualites/sommet-de-lua-les-efforts-de-sa-majeste-le-roi-en-matiere-de-la-migration-mis-en-exergue">carte migratoire dans le cadre de sa diplomatie africaine</a> en promouvant un « Agenda africain sur la migration », mais plus personne ne porte la politique d’asile et d’immigration sur le plan national. Il semble que le projet royal de 2013 ait répondu à une coïncidence d’intérêts et d’ambitions à une période donnée, ce qui expliquerait l’essoufflement constaté dès 2018.</p>
<p>Sur le plan interne, une approche plus pragmatique pourrait être adoptée concernant les moyens de la politique d’asile. Le HCR offre beaucoup aux réfugiés (aide au logement, frais médicaux, allocation éducation notamment). C’est davantage que ce que l’État marocain procure aux étrangers, en dépit de certains progrès, par exemple dans l’accès à l’éducation et à la santé. Avec l’adoption de la loi viendra le temps des décrets d’application, de la mise en œuvre, du budget, de la question des coûts et des calculs ; la peur éventuelle, aussi, que la nouvelle loi provoque un appel d’air.</p>
<p>Plus qu’un aboutissement, la loi à venir constituerait le nouveau point de départ d’un processus encore long de débats, de discussions et de tâtonnements sur la voie de la fabrique de l’asile. La question de l’asile et de la migration reste un dossier sensible, partagé entre plusieurs compétences ministérielles, ce qui fait ressortir les tensions. La variation des contenus des projets de loi et le silence autour de leur (non) adoption reflètent le caractère hautement complexe de ce sujet.</p>
<p>Pourtant, le nombre de réfugiés et demandeurs d’asile demeure relativement faible et l’adoption d’une politique d’asile nationale permettrait au Maroc de maîtriser son évolution plutôt que de la subir. Elle ajouterait aussi à la sincérité de l’action du <a href="https://newsbeezer.com/maroc/le-matin-le-31e-sommet-de-lua-adopte-la-creation-de-lobservatoire-africain-des-migrations-au-maroc/">« leader de l’UA sur la question des migrations »</a>.</p>
<p>À l’heure où des voix appellent à l’adoption d’une <a href="https://medias24.com/2023/11/25/le-gadem-appelle-a-la-reforme-de-la-loi-n02-03/">nouvelle loi sur l’immigration</a>, on peut s’interroger sur le maintien de l’engagement marocain au regard du processus lancé il y a dix ans. Le Maroc peut-il encore s’afficher en modèle au sein de l’Afrique et mobiliser la même rhétorique alors que les droits sont clairement en recul depuis ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219376/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Perrin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dix ans après le lancement de la « Nouvelle politique d’immigration et d’asile », le Maroc va-t-il enfin adopter sa loi sur l’asile ?Delphine Perrin, Chargée de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.