tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/agriculture-biologique-26141/articlesagriculture biologique – The Conversation2024-03-26T16:35:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2249872024-03-26T16:35:25Z2024-03-26T16:35:25ZLa restauration collective peut-elle sauver l’agriculture française ?<p>Parmi les annonces faites le 21 février dernier en réponse à la colère des agriculteurs, le premier ministre Gabriel Attal a promis le lancement d’une <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/produits-francais-dans-les-cantines-gabriel-attal-annonce-une-conference-des-solutions-avec-les">« conférence des solutions »</a> visant à accélérer l’application du volet de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000037547946/">loi EGALim</a> (une loi votée en 2018 ciblant des <a href="https://www.agencebio.org/2021/11/20/quest-ce-que-la-loi-egalim/">objectifs de durabilité de l’alimentation</a> et de rééquilibrage des relations commerciales dans les filières agricoles) portant sur les achats de la restauration collective.</p>
<p>Déjà, depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024, <a href="https://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/annexe_2_mesures_egalim_rc_sept_2022.pdf">tous les établissements publics comme privés</a> de restauration collective ont l’obligation de servir des repas composés au minimum de 50 % de produits « durables et de qualité » (Label rouge, indications géographiques protégées…) dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Cette obligation concerne tous les secteurs de la restauration collective : scolaire et universitaire, médico-social et carcéral, mais aussi la restauration collective des entreprises et des administrations.</p>
<p>Ces obligations, qui n’étaient par le passé que des « objectifs », ont été annoncées depuis plusieurs années, pour certaines même depuis très longtemps puisque les 20 % de produits bio ont été avancés pour la première fois dans une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000020243534">circulaire de 2008</a> portant sur l’exemplarité des achats de l’État.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aliments-ultra-transformes-comment-ils-modelent-notre-agriculture-223881">Aliments ultra-transformés : comment ils modèlent notre agriculture</a>
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<p>Pourtant, et même s’il est difficile d’avoir des chiffres fiables, tout le monde reconnaît que ces deux obligations sont probablement loin d’être satisfaites. En 2022, un dixième des établissements de restauration collective français ont déclaré sur le site « ma cantine » <a href="https://agriculture.gouv.fr/telecharger/137367">leurs données d’achat</a>. Seulement 11 % d’entre eux, dont on peut supposer qu’ils sont plutôt les « bons élèves », annonçaient alors respecter la loi. Globalement, pour ces répondants, les taux globaux d’achat étaient de 23 % pour les produits « durables et de qualité » dont 11 % pour les produits bio.</p>
<h2>Des obligations qui font consensus</h2>
<p>L’annonce du Premier ministre n’est pas étonnante. Ce volet de la loi EGAlim semble faire l’objet d’un large consensus politique, que même les professionnels contraints par la loi n’osent pas contester publiquement. D’ailleurs, à chaque crise agricole, la solution de la restauration collective est rappelée par les pouvoirs publics. Cela était par exemple le cas lors de celle qui a affecté le secteur porcin en <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2021-2-page-19.htm">2015</a>.</p>
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<p>De même, alors que les organisations professionnelles agricoles peuvent être en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EKoD5zdd0jU">désaccord sur d’autres mesures</a> de sorties de crise (comme celles concernant l’évolution du plan Ecophyto de réduction des pesticides de synthèse), toutes demandent le respect de ces obligations.</p>
<p>C’est particulièrement le cas parmi les <a href="https://www.fnab.org/pour-sauver-la-bio-le-gouvernement-doit-revenir-en-arriere/">acteurs de l’agriculture biologique</a>, qui voient dans la restauration collective un relai de croissance qui permettrait d’amoindrir la <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/">baisse de la consommation bio</a> constatée dans les autres circuits de commercialisation.</p>
<h2>Un impact sur l’agriculture à relativiser</h2>
<p>Ce consensus ne doit cependant pas empêcher d’exprimer des réserves quant à l’impact sur le secteur agricole que pourrait avoir l’atteinte des objectifs de la loi EGAlim.</p>
<p><a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/63429/document/Rapport%20complet_PanoramaCHD%202018_FAM-GIRAfoodservice.pdf">L’étude réalisée pour FranceAgriMer en 2018</a> comptabilise 3,7 milliards de repas par an en restauration collective, petits déjeuners compris. Le chiffre peut sembler impressionnant, mais il n’équivaut en fait qu’à un repas par semaine et par français. L’étude évalue aussi le montant total des achats alimentaires de la restauration collective à <a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/63429/document/Rapport%20complet_PanoramaCHD%202018_FAM-GIRAfoodservice.pdf">7 milliards d’euros</a>, soit environ l’équivalent de 4 % des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010565748#Tableau">180 milliards de consommation alimentaire</a> des ménages français.</p>
<p>Le raisonnement peut être également tenu en comparant les besoins de la restauration collective et les volumes de production dans une région donnée. Par exemple, la Fédération des fruits et légumes du Languedoc-Roussillon avait estimé en 2016 que l’ensemble des repas en restauration collective de la région ne représentait que <a href="https://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_transfo_FL_2016_cle47fad8.pdf">2 % des salades et 1 % des tomates ou des melons qui y étaient produits</a>.</p>
<p>D’ailleurs, les collectivités territoriales développant des approvisionnements locaux pour leurs cantines savent bien que leurs achats ne représentent au mieux que quelques hectares d’une exploitation. Même celles qui servent dans leurs restaurants scolaires plusieurs dizaines de milliers de repas par jour savent qu’elles ne peuvent prétendre avoir, au regard de leurs seuls volumes d’achat, un impact sur la production agricole de leur territoire.</p>
<h2>Un débouché qui n’est pas toujours satisfaisant</h2>
<p>Le débouché de la restauration collective n’est pas forcément la panacée. Une grande diversité de situations est observable sur le terrain. Certains agriculteurs établissent des relations partenariales avec la restauration collective, leur offrant un débouché plus intéressant que les circuits longs dans lesquels ils sont impliqués. Nous l’avons par exemple observé dans différents circuits en <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03566993/document">Rhône-Alpes</a> ou dans l’<a href="https://books.openedition.org/pressesmines/3722">ouest de la France</a>, avec des logiques d’ajustement des menus aux contraintes des agriculteurs (prise en compte de la saisonnalité des productions, valorisation de l’ensemble des parties d’un animal…).</p>
<p>D’autres agriculteurs, par exemple les <a href="https://www.bioloireocean.fr/medias/site-25/Note_restauration_collective_Bio_Loire_Ocean.pdf">producteurs ligériens de l’organisation Bio Loire Océan</a>, témoignent de leurs difficultés et de leurs échecs. Ils mettent en avant les faibles volumes vendus, l’importance des frais logistiques, la baisse des commandes pendant l’été, l’absence d’engagements sur le long terme et le manque d’efforts des acheteurs pour s’adapter aux contraintes du monde agricole.</p>
<p>Un fort ressentiment s’exprime alors, tout particulièrement parmi ceux qui ont réalisé des investissements pour s’équiper en outils logistiques et de transformation à même de répondre aux besoins de la restauration collective.</p>
<h2>Une aspiration au localisme discutable</h2>
<p>L’<a href="https://agriculture.gouv.fr/telecharger/88970">interdiction faite par le code de la commande publique</a> de privilégier une origine géographique est une autre pièce importante de ce dossier. Pour autant, ce problème ne nous semble pas toujours bien posé.</p>
<p>Lors d’un appel d’offres public, il est interdit d’exiger une origine française ou régionale et même de valoriser cette origine au moment de la sélection des offres. Pour cette raison, les obligations de la loi EGAlim ne ciblent pas des produits locaux et ne prévoient pas que la proximité géographique soit un signe de durabilité et de qualité.</p>
<p>Une réforme a par le passé été régulièrement annoncée, y compris en 2011 par <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/181066-declaration-de-m-bruno-le-maire-ministre-de-lagriculture-de-lalimen">Bruno Le Maire</a> alors ministre de l’Agriculture, mais elle n’a pour le moment pas été réalisée, tant elle heurterait les <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03647718v1/document">principes fondamentaux d’égalité de traitement et de mise en concurrence</a> du code de la commande publique.</p>
<p>Beaucoup plaident donc encore aujourd’hui pour inclure dans la loi une <a href="https://franceurbaine.org/actualites/il-faut-introduire-lexception-alimentaire-et-agricole-dans-nos-marches-publics/">« exception alimentaire »</a> qui permette de soutenir la production agricole française ou locale.</p>
<p>Face à ces revendications, gardons en mémoire que l’interdit du code n’empêche pas de nombreux acheteurs publics de travailler avec des producteurs locaux. Surtout, si rien n’est fait pour l’éviter, développer un achat local peut amener à soutenir les acteurs dominants des filières (industriels, distributeurs) qui sont à l’origine même des crises agricoles. C’est ce que montre la politiste Jeanne Pahun dans <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2021-2-page-19.htm">son étude</a> du plan d’action engagé par la Région Bretagne à la suite de la crise du marché porcin de 2015.</p>
<p>Plus généralement, si le localisme ne se couple pas avec une visée d’amélioration de la rémunération et des conditions de travail des producteurs, il est à craindre que l’achat public ne sera pas plus vertueux que l’achat privé.</p>
<h2>Ne pas se tromper d’objectif</h2>
<p>Les objectifs de la loi EGAlim portant sur la restauration collective peuvent être poursuivis pour de multiples raisons, à commencer par l’amélioration de la qualité des repas, mais ils ne peuvent être brandis comme une solution évidente à la crise agricole.</p>
<p>Le faible poids de la restauration collective invite à faire en sorte que son arbre ne cache pas la forêt de l’industrie et de la distribution, par lesquelles transite l’essentiel des productions agricoles. Le rééquilibrage des relations commerciales au sein de ces filières, autre volet des lois EGAlim, est porteur d’un potentiel de transformation bien plus fort.</p>
<p>L’enjeu est aussi que la restauration collective et le monde agricole développent des relations commerciales vectrices d’une amélioration des conditions de vie des agriculteurs. Le meilleur comme le pire sont observables sur le terrain et il convient que chacun fasse les efforts nécessaires pour que ce débouché ne se transforme pas, selon les mots des producteurs déçus de Bio Loire Océan, en <a href="https://www.bioloireocean.fr/medias/site-25/Note_restauration_collective_Bio_Loire_Ocean.pdf">« mirage collectif »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224987/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronan Le Velly a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, de la Région Occitanie et de INRAE. </span></em></p>Les services de restauration collective et le monde agricole pourraient développer des relations commerciales qui améliorent les conditions de vie des agriculteurs.Ronan Le Velly, Professeur de sociologie, Montpellier SupAgroLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2243982024-02-29T09:38:55Z2024-02-29T09:38:55ZL’alimentation bio toujours boudée malgré la réduction des écarts des prix avec les produits conventionnels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577903/original/file-20240226-26-342adt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=110%2C44%2C7238%2C4858&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les produits bio ont subi une nette perte de popularité en 2023. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/poznan-pol-mar-17-2021-bio-1940764081">monticello/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le constat est sans appel : les Français délaissent les produits biologiques. En 2023, leurs ventes ont baissé en volume (<a href="https://nielseniq.com/global/fr/insights/webinar/2024/grande-consommation-lessentiel-a-retenir-pour-adresser-les-enjeux-de-2024/">-11,3 %</a>) et en valeur <a href="https://nielseniq.com/global/fr/insights/webinar/2024/grande-consommation-lessentiel-a-retenir-pour-adresser-les-enjeux-de-2024/">(-3,1 %)</a>, dans les enseignes bio, type Biocoop, La Vie Claire <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/06/DOSSIER-DE-PRESSE-CHIFFRES-BIO.pdf">(-8,6 %)</a>, ainsi qu’en grandes et moyennes surfaces <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/06/DOSSIER-DE-PRESSE-CHIFFRES-BIO.pdf">(-4,6 %)</a>. Pourtant, les écarts de prix entre produits alimentaires bio et conventionnels se sont réduits. Alors comment expliquer cette perte de succès des produits labellisés AB ?</p>
<h2>Les raisons de cette chute ?</h2>
<p>Le prix du caddy reste le nerf de la guerre. Et dans leur grande majorité <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/06/DOSSIER-DE-PRESSE-CHIFFRES-BIO.pdf">(71 %)</a>, les consommateurs perçoivent les prix des produits biologiques comme trop élevés, par rapport aux bénéfices qu’ils apportent et aux prix des produits conventionnels. Dans les faits, les produits biologiques sont généralement de 20 à 30 % plus chers. Cette différence de prix est encore davantage un frein à l’achat des produits biologiques <a href="https://www.researchgate.net/publication/338921621_Le_bio_c%E2%80%99est_bien_mais_tres_peu_pour_moi_Comprendre_les_strategies_de_neutralisation_des_consommateurs_occasionnels_et_des_non_consommateurs">pour les consommateurs occasionnels</a> et <a href="https://www.researchgate.net/publication/282059297_La_preoccupation_du_maintien_du_pouvoir_d%E2%80%99achat_proposition_d%E2%80%99un_critere_de_segmentation">pour les consommateurs fortement préoccupés par leur pouvoir d’achat</a>.</p>
<p>Ensuite, les consommateurs ne semblent plus nécessairement convaincus par les promesses fondatrices des produits biologiques : bon pour leur santé et bon pour l’environnement. Ils ne sont que <a href="https://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2024/02/Rapport-Toluna-Harris-Observatoire-de-la-sante-PRO-BTP-Vague-7-RTL-Pro-BTP.pdf">17 %</a> à penser que manger sainement signifie manger des produits biologiques. L’apparition d’autres labels environnementaux, tels que Label Naturel, Haute Valeur Environnementale (HVE), a également brouillé les perceptions des consommateurs. Ces derniers <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/06/DOSSIER-DE-PRESSE-CHIFFRES-BIO.pdf">ne savent pas</a> ce que recouvrent ces différents labels avec leurs points de différences et de similarités.</p>
<p>Enfin, d’autres promesses plaisent plus aux consommateurs, telles que la promesse de produits locaux. Une grande majorité de consommateurs (86 %) déclare faire davantage confiance à un produit local qu’à un produit biologique. Et cela pour plusieurs motifs : meilleure qualité, prix plus justes, levier de soutien de l’économie locale et de protection de l’environnement. Dès lors, certains consommateurs compensent la consommation de produits biologiques par la consommation de produits locaux. D’autres privilégient le <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/06/DOSSIER-DE-PRESSE-CHIFFRES-BIO.pdf">bio local</a> dont les ventes sont en croissance de 3,9 %</p>
<h2>L’impact de l’inflation sur les prix des produits biologiques</h2>
<p>Les taux d’inflation à 2 chiffres (<a href="https://www.lexpress.fr/economie/inflation-alimentaire-les-chiffres-dune-envolee-en-2023-NUUW3NVKOVDGHNUQSQGVMJPH4A/">11,9 %</a>) en 2023 (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7760027#:%7E:text=Sur%20un%20an%2C%20selon%20l,alimentation%20et%20des%20produits%20manufactur%C3%A9s.">vs 3,1 % début 2024</a>) ont marqué les esprits des Français autant que les étiquettes de prix. Les prix ont fortement augmenté. Le pouvoir d’achat est ainsi devenu la 1ère préoccupation des Français <a href="https://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2024/01/Rapport-Harris-Barometre-Bilan-Perspectives-2023-2024-RTL.pdf">(77 %)</a> et ils ont davantage pris l’habitude de comparer les prix <a href="https://www.sofinco.fr/files/live/sites/sofinco/files/Refonte/Sofinscope/Etudes%20compl%c3%a8tes/opinionway-sofinco-les-francais-et-la-hausse-des-prix-oct2023.pdf">(62 %)</a>.Or, plus les individus sont préoccupés par leur <a href="https://www.researchgate.net/publication/282059297_La_preoccupation_du_maintien_du_pouvoir_d%E2%80%99achat_proposition_d%E2%80%99un_critere_de_segmentation">pouvoir d’achat</a>, moins ils achètent de produits biologiques.</p>
<p>Les prix des produits biologiques n’ont certes pas été épargnés par l’inflation. Mais l’écart avec les produits conventionnels est resté stable ou, pour certains produits, a pu diminuer. Par exemple, le <a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/71396/document/Conso_Bio_2022.pdf">beurre bio</a> a vu son prix passer de 10 euros/kg en janvier 2021 à 11 euros/kg en décembre 2022 quand le beurre non bio a vu son prix passer de 8 euros/kg à 10 euros/kg.</p>
<p>Les produits bio ont de fait mieux résistés à l’inflation que les produits conventionnels, car ils n’ont logiquement pas été impactés par la hausse des coûts des produits phytosanitaires, principalement produits en Russie. Quant aux produits bio locaux, ils ont été moins impactés par les fluctuations des cours sur les marchés mondiaux, liées à la guerre en Ukraine.</p>
<p>Mais malgré la réduction des écarts de prix entre les produits bio et les conventionnels, un cercle vicieux s’est mis en place. Les consommateurs ont acheté moins de produits biologiques et les enseignes, surtout les grandes et moyennes surfaces, ont fait des coupes dans leurs assortiments en défaveur des produits biologiques <a href="https://nielseniq.com/global/fr/insights/webinar/2024/grande-consommation-lessentiel-a-retenir-pour-adresser-les-enjeux-de-2024/">(-10,9 %)</a>. Les espaces dédiés en magasins, qui ne proposaient que des produits biologiques, ont été supprimés.</p>
<p>Les produits biologiques sont, pour la plupart, retournés dans les rayons de leurs catégories de produits d’origine, près des produits conventionnels, non biologiques. Un déplacement loin d’être anodin, qui a de fait contribué à rendre les produits biologiques moins visibles et attractifs, et qui a rendu la comparaison entre produits biologiques et conventionnels encore plus simple, notamment aux niveaux des prix, les produits étant à nouveau côte à côte. Les consommateurs ont dès lors davantage noté le différentiel de prix entre produits conventionnels et biologiques, en défaveur des produits biologiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Des constats à relativiser !</h2>
<p>Ce désengouement apparent des consommateurs français pour les produits biologiques est cependant à relativiser en fonction de différents profils de consommateurs. D’après la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/consommation-alimentaire-le-kaleidoscope-francais-demoyenniser-la-france-en-douze-conso-styles-territoriaux/">fondation Jean-Jaurès et Circana</a>, la surconsommation de produits biologiques est la plus importante pour les conso-style « hyper urbains cosmopolitains » et « quartiers bourgeois ». Donc, même si les produits bio sont en moyenne plus chers, ce ne serait pas pour autant le revenu qui expliquerait cette surconsommation localisée, mais davantage un niveau de diplôme plus élevé ainsi qu’un degré d’urbanité plus important. Un constat qui rejoint celui de l’<a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/03/Rapport-complet_Barometre-Bio-Edition-2023.pdf">Agence Bio et de l’Obsoco</a> qui indiquent que les consommateurs convaincus par le bio (29 %) sont des CSP +, diplômés. Ces conclusions posent cependant la question de la démocratisation des produits biologiques afin de toucher plus de profils de consommateurs et des consommateurs regardant avant tout les prix.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<h2>Une notion à intégrer : celle de prix juste</h2>
<p>Cette question du prix est bien plus vaste que la seule étiquette finale apposée sur le produit. Car elle correspond rarement à ce qu’on appelle le <a href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100832160">prix juste</a>, c’est-à-dire </p>
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<p>« le prix raisonnable et justifié aux yeux des consommateurs, qui prend en compte de façon exhaustive l’ensemble des coûts (économiques, environnementaux et sociaux) engendrés tout au long du cycle de vie du produit. En outre, il garantit une valeur consommateur et une transparence, ainsi qu’une répartition équitable des coûts et profits entre tous les acteurs de la chaîne de valeur ».</p>
</blockquote>
<p>Autre divergence notable : celle entre le prix indiqué et le véritable coût d’un produit, si l’on inclut les <a href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100832160">coûts cachés</a> (les impacts environnementaux et sanitaires de la production, comme de la consommation). En 2020, aux États-Unis, il était estimé qu’en incluant le montant des coûts cachés de l’alimentation, on arrivait <a href="https://www.chaireunesco-adm.com/No19-Couts-caches-et-juste-prix-de-notre-alimentation-entre-marche-%E2%80%A6tat-et.">à près du double des dépenses alimentaires</a>. En Allemagne, <a href="https://www.geo.fr/environnement/en-allemagne-un-supermarche-affiche-le-vrai-prix-des-produits-202017#:%7E:text=En%20Allemagne%2C%20le%20supermarch%C3%A9%20berlinois,Wahre%20Kosten%22%2C%20en%20vert.">certains supermarchés</a> ont décidé d’expliciter cette différence en affichant côte à côte le prix de vente et le coût environnemental d’un produit.</p>
<p>En France, plus de la moitié des consommateurs (<a href="https://www.opinion-way.com/en/opinion-political-surveys/published-surveys/opinionway-pour-omie-barometre-de-l-alimentation-qui-a-du-sens-janvier-2024/viewdocument/3257.html">62 %</a>) ne comprennent pas bien, pour les prix des produits alimentaires, ce qui revient à chaque acteur de la chaîne de production.</p>
<p>Il est important que les consommateurs perçoivent le prix des produits biologiques comment étant justes. Car <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/cb.1697">ces prix justes leur permettent d’être davantage satisfaits, d’avoir davantage confiance et d’acheter davantage de produits biologiques</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lagriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-lazote-et-compromet-lhabitabilite-de-la-terre-219276">Comment l’agriculture industrielle bouleverse le cycle de l’azote et compromet l’habitabilité de la terre</a>
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<h2>Une solution ponctuelle : les promotions</h2>
<p>Les promotions, en plus d’éventuels prix bas ou petits prix selon les appellations, pourraient être un moyen de recruter de nouveaux consommateurs et de baisser les prix, de façon ponctuelle. La majorité des consommateurs (<a href="https://www.sofinco.fr/files/live/sites/sofinco/files/Refonte/Sofinscope/Etudes%20compl%c3%a8tes/opinionway-sofinco-les-francais-et-la-hausse-des-prix-oct2023.pdf">55 %</a>) attendent qu’un produit soit en promotion pour l’acheter. Quel que soit leur niveau de préoccupation pour leur pouvoir d’achat, les consommateurs vont davantage <a href="https://www.researchgate.net/publication/282059297_La_preoccupation_du_maintien_du_pouvoir_d%E2%80%99achat_proposition_d%E2%80%99un_critere_de_segmentation">acheter des produits biologiques en promotion</a>, par rapport aux mêmes produits conventionnels qui ne sont pas en promotion.</p>
<p>En revanche, quand les consommateurs les plus fortement préoccupés par leur pouvoir d’achat ont le choix entre des produits biologiques en promotion et les mêmes produits conventionnels en promotion, ils vont <a href="https://www.researchgate.net/publication/282059297_La_preoccupation_du_maintien_du_pouvoir_d%E2%80%99achat_proposition_d%E2%80%99un_critere_de_segmentation">davantage acheter les produits conventionnels</a>. Autrement dit le signal de la promotion profite davantage aux produits conventionnels qu’aux produits biologiques. De surcroît, cette technique marketing, qu’est l’offre de promotions, pose la question, pour les consommateurs plus fidèles, de sa justesse et d’une potentielle dégradation de l’image responsable des produits biologiques, au bénéfice de leur image prix.</p>
<h2>Une solution pérenne : les affiches en magasins et/ou en rayons</h2>
<p>Si les promotions semblent ainsi n’être qu’une solution ponctuelle, la mise en avant des produits bio, en utilisant des affiches en magasins et/ou en rayons, pourrait s’avérer plus efficace. En effet, rendre les produits bio plus « visibles » permettrait à certains non-consommateurs <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/03/Rapport-complet_Barometre-Bio-Edition-2023.pdf">(22 %)</a> de développer le réflexe d’acheter et de consommer ces produits. Les affiches en magasins et/ou en rayons pourraient mettre en avant des éléments liés à l’impact sur la santé de l’agriculture biologique et/ou l’impact environnemental de celle-ci, car seulement la <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/03/Rapport-complet_Barometre-Bio-Edition-2023.pdf">moitié de Français</a> considèrent avoir suffisamment d’informations quant à ces aspects.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le bio est de moins en moins bien mis en valeur dans les supermarchés, et ses promesses de bienfaits pour la santé comme pour l'environnement peinent à convaincre les consommateurs.Cindy Lombart, Professeure de marketing, AudenciaDidier Louis, Maître de conférences, techniques de commercialisation, IUT de Saint-Nazaire, Université de NantesOlga Untilov, Professeur assistant en marketing, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228392024-02-26T15:50:11Z2024-02-26T15:50:11ZPeut-on se passer de plastique en agriculture ?<p>En novembre 2023, les Nations unies se sont réunies pour élaborer un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/291790-pollution-plastique-pas-daccord-au-kenya-pour-un-traite-international">traité international sur la pollution plastique</a>, avec un instrument qui se veut juridiquement contraignant. Un effort pour l’instant en forme de coup d’épée dans l’eau, puisque les discussions n’ont pas abouti.</p>
<p><a href="https://www.unep.org/inc-plastic-pollution/session-4">Les discussions se poursuivront</a> en avril 2024 sur un <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/44526/RevisedZeroDraftText.pdf">projet de texte révisé</a>. Sans surprise, les exportateurs de pétrole, qui sert de base à la fabrication des plastiques, ne <a href="https://www.voanews.com/a/un-plastic-treaty-talks-grapple-with-re-use-recycle-reduce-debate-/7361510.htm">sont pas favorables à une réduction de la production de plastique</a>. Au vu de la quantité de secteurs économiques qui dépendent du plastique, l’inertie est grande.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">Comment l’industrie fossile influence les négociations mondiales sur le plastique</a>
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<p>Le problème de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollution-plastique-81856">pollution</a> posé par le plastique est bien connu. Il s’agit du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">troisième matériau de synthèse le plus produit</a> après le ciment et l’acier. Entre 1950 et 2017, la production de plastique neuf a atteint <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">9 200 millions de tonnes</a> et pourrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780128178805000025">34 milliards de tonnes en 2050</a>.</p>
<p>Ce qui n’empêche guère l’insolent succès du plastique. Notamment en agriculture, où le matériau est notamment prisé pour le paillage des cultures. L’enjeu : contrôler la température du sol et le rayonnement solaire, limiter l’évaporation d’eau et empêcher le développement des mauvaises herbes (ou adventices). Des alternatives biodégradables existent, mais elles ne sont pas dénuées d’inconvénients…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">Vers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse</a>
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<h2>Bienvenue dans le « plasticocène »</h2>
<p>Pour qualifier l’omniprésence du plastique, certains parlent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969723034903">« plasticocène »</a>, sur le modèle de la construction du mot <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">anthropocène</a>. Sur tout le plastique produit depuis 1950, <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/36963/POLSOL.pdf">seuls 24 % sont encore en usage</a>, 8 % ont été recyclés, et plus de la moitié (58 %) a été jetée (décharges ou autres) dans l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Production globale de plastique depuis 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.grida.no/resources/15041">GRID-Arendal/UNEP (2021)</a></span>
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<p>En bout de course, le plastique s’accumule l’environnement : dans les sols et dans les systèmes aquatiques. L’image du <a href="https://marinedebris.noaa.gov/info/patch.html">« continent de plastique »</a> illustre bien le phénomène. À l’échelle macroscopique ou microscopique, les plastiques créent des risques pour de nombreux organismes et écosystèmes terrestres et marins.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-sont-les-microplastiques-et-pourquoi-sont-ils-un-enorme-probleme-dans-les-oceans-144634">Que sont les microplastiques et pourquoi sont-ils un énorme problème dans les océans ?</a>
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<h2>Le plastique en agriculture, à la fois bénédiction et malédiction</h2>
<p>Le plastique possède de nombreux atouts : robuste, flexible, léger et bon marché. Une bénédiction pour l’industrie et les consommateurs, mais une malédiction pour l’environnement. Dans la production agricole, le paillage plastique permet de protéger les récoltes et <a href="https://doi.org/10.3390/polym14235062">d’augmenter les rendements de production</a>.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Grâce au « mulch » (paillis) de plastique, les agriculteurs peuvent prolonger la période de récolte et réduire les pertes. De quoi mieux contrôler l’humidité du sol, empêcher le développement des mauvaises herbes, limiter le recours aux pesticides, aux engrais, diminuer les besoins d’eau et même protéger le sol de l’érosion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paillage plastique pour protéger des champs de Maïs en Belgique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles San Martin/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>De ce point de vue, l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-011-0068-3">application de paillis plastique</a> contribue donc à la protection de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources… Mais ce dernier présente aussi des aspects négatifs.</p>
<p>D’abord parce que le plastique est produit à partir de pétrole, et que son usage en agriculture n’est pas très esthétique dans le paysage. La couverture du sol modifie aussi les écosystèmes de la flore et de la faune. Mais aussi parce que des fragments de plastique et de microplastique vont se retrouver dans les sols, pouvant être lessivés <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969716301528">jusque dans les écosystèmes aquatiques</a>.</p>
<p>Il est donc essentiel de trouver des alternatives moins problématiques. Mais toutes les options ne sont pas des compromis acceptables.</p>
<h2>Des alternatives biodégradables parfois pires</h2>
<p>L’industrie tente généralement de résoudre le problème de la pollution plastique agricole en utilisant des paillages plastiques biodégradables. Ces derniers ont toutefois plusieurs inconvénients : moins solides, ils <a href="https://doi.org/10.1016/j.apsoil.2022.104667">peuvent libérer davantage de matière plastique dans le sol</a>.</p>
<p>L’utilisation de paillage en plastiques biodégradables suggère une production agricole durable. Mais leur biodégradabilité et les émissions de plastique qu’ils entraînent dans l’environnement constituent des sujets de préoccupation.</p>
<p>Pour être qualifié de plastique biodégradable, un matériau doit pouvoir être transformé en CO<sub>2</sub>, eau et biomasse par des micro-organismes en <a href="https://natureplast.eu/en/biodegradable-plastics-definitions-and-standards/">moins de 24 mois</a>. Cette aptitude à la dégradation est généralement vérifiée en laboratoire dans des conditions contrôlées.</p>
<p>Le problème ? C’est qu’il n’y a <a href="https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2022.130055">pas assez de preuves</a> pour s’assurer que cela fonctionne aussi bien dans le vrai sol sans impacter négativement son écosystème… Si les plastiques biodégradables ne le sont pas suffisamment, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-023-02253-y">alors ils peuvent s’accumuler dans le sol</a>. Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0045653522023323">recherches supplémentaires sont donc requises</a> avant d’affirmer que les paillis plastiques biodégradables constituent une alternative intéressante aux paillis plastiques non biodégradables.</p>
<p>Dans certains cas, des alternatives comme le <a href="https://bnrc.springeropen.com/articles/10.1186/s42269-020-00290-3">paillage végétal</a>) peuvent être intéressantes, mais elles sont généralement moins efficaces contre la prolifération des mauvaises herbes et pour conserver la chaleur au sol. De nouvelles technologies (par exemple, le paillis de cellulose ou les films de paillis liquides) sont également en cours de développement. Mais pour l’instant, ces options <a href="https://doi.org/10.3390/agronomy10101618">restent moins intéressantes que les paillis en plastique</a>.</p>
<h2>Des pistes pour améliorer les paillages plastiques</h2>
<p>Les scientifiques travaillent au développement de matériaux nouveaux qui combineraient les avantages des plastiques les plus robustes, tout en pouvant se dégrader rapidement dans l’environnement. Or, il est difficile de combiner les deux caractéristiques. Pour l’heure, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-022-09826-5">cela nécessite des technologies sophistiquées et des coûts de production encore très élevés</a>.</p>
<p>L’augmentation de la stabilité et de la résistance à la traction du paillage plastique est une autre stratégie pour réduire ses émissions de plastique dans l’environnement. Pour cela, on peut soit améliorer la structure chimique du film plastique, soit tout simplement en augmenter l’épaisseur. C’est ce que montre une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-023-09944-8">étude récente</a> que j’ai menée, qui s’intéressait à la situation en Allemagne.</p>
<p>En effet, on observe que des films de paillage épais, de l’ordre de 50 micromètres d’épaisseur, libèrent <a href="https://doi.org/10.5194/soil-8-31-2022">moins de plastique dans l’environnement que des films plus fins</a>. Remplacer un film de paillage plastique de 20 micromètres d’épaisseur par un film de 30 ou 40 micromètres <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-022-09826-5">peut ainsi réduire les émissions de plastique</a>.</p>
<p>Cependant, l’augmentation de cette épaisseur entraîne des coûts plus élevés et une augmentation des quantités de plastique totales étendues dans les champs. Des systèmes efficaces de recyclage des films de paillage usagés peuvent permettre de lutter contre l’augmentation des déchets plastiques. <a href="https://www.erde-recycling.de/en/erde-news/ik-initiative-erde-starts-collecting-mulch-film-in-germany/">Une initiative existe déjà en Allemagne pour recycler les films de paillage usagés</a>.</p>
<p>En fin de compte, le statut de bénédiction ou de malédiction du plastique en agriculture va surtout dépendre de la façon dont il est utilisé, dont il est éliminé et dont il est recyclé. Un concept qui n’est pas très nouveau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-dechets-plastiques-de-lafrique-de-louest-pourraient-alimenter-leconomie-au-lieu-de-polluer-les-oceans-217849">Les déchets plastiques de l'Afrique de l'Ouest pourraient alimenter l'économie au lieu de polluer les océans</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/222839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Henseler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plastique est très utilisé en agriculture pour le paillage des cultures, où il pose des problèmes de pollution. Des alternatives existent, mais elles ne sont pas toujours satisfaisantes.Martin Henseler, Research Engineer, Laboratoire d’Economie Rouen Normandie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2218892024-01-28T16:09:03Z2024-01-28T16:09:03ZLes mouvements de contestation des agriculteurs servent-ils à quelque chose ?<p>Depuis une dizaine de jours, le mouvement de blocage de routes et de défilés d’agriculteurs en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/24/agriculteurs-en-colere-gabriel-attal-tente-de-contenir-l-embrasement-sans-se-precipiter_6212641_823448.html">colère</a> connaît un écho retentissant. Après la Roumanie, les <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/en-europe-les-agriculteurs-sinvitent-sur-la-scene-politique-et-font-pression-sur-les-gouvernements/">Pays-Bas ou encore l’Allemagne</a>, la France a suivi sous l’impulsion du syndicat <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/qu-est-ce-que-la-fnsea-le-syndicat-qui-porte-la-colere-des-agriculteurs_6319698.html">FNSEA et des Jeunes Agriculteurs</a>.</p>
<p>Ces événements s’inscrivent dans un contexte inflammable : prochaines élections européennes, <a href="https://www.lexpress.fr/economie/agriculteurs-cette-taxe-du-gazole-non-routier-a-lorigine-de-la-colere-RFZSKQFDZBAOJAP4UUHLCNG2SI/">décisions politiques contestées</a>, <a href="https://agriculture.gouv.fr/concertation-sur-le-pacte-et-la-loi-dorientation-et-davenir-agricoles">projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles</a>…</p>
<p>Ajoutons à cela l’amplification et la récurrence de crises de tous bords, les conséquences des <a href="https://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">changements climatiques</a>, les effets relatifs des <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/documents/60499">Lois Egalim</a> qui repensent la <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/remuneration-des-agriculteurs-comment-fonctionnent-les-lois-egalim">manière dont les prix sont fixés</a>, et nous obtenons un <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-anatomie-dune-crise-qui-couve-depuis-longtemps-54e61b72-b9c4-11ee-9ea4-b02fbeb9c343">« ras-le-bol général »</a> couplé à un sentiment de <a href="https://www.france24.com/fr/france/20240123-d%C3%A9classement-endettement-normes-europ%C3%A9ennes-raisons-col%C3%A8re-agriculteurs-fran%C3%A7ais-agriculture-attal-france-mobilisation">déclassement</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-restaurer-la-nature-220297">Peut-on « restaurer » la nature ?</a>
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<p>Fin 2023 déjà, des agriculteurs avaient commencé à <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/30/on-marche-sur-la-tete-l-operation-retournement-des-agriculteurs-en-colere_6203095_4500055.html">retourner les panneaux d’entrées et de sorties des communes</a> pour protester contre <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/11/30/on-marche-sur-la-tete-l-operation-retournement-des-agriculteurs-en-colere_6203095_4500055.html">« l’excès de normes »</a> avec le slogan « On marche sur la tête ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0-zNqdRU9HM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mouvement « On marche sur la tête ».</span></figcaption>
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<p>En 2021, des agriculteurs biologiques se photographiaient nus dans leurs champs avec un panneau <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ddM797AoXX0">« La Bio à Poil »</a> pour protester contre <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">l’ambiguïté politique</a> autour des pratiques dites agroécologiques.</p>
<p>Si ces mouvements ne sont pas <a href="https://photo.capital.fr/la-colere-des-agriculteurs-en-10-dates-cles-15217#la-jacquerie-de-1961-barrages-sabotages-et-defiles-de-tracteurs-2">nouveaux</a>, leurs formes sont néanmoins de plus en plus <a href="https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/colere-des-agriculteurs-la-mobilisation-actuelle-est-la-plus-musclee-de-ces-dernieres-annees-20240124_SB5TNAGGP5EW3PKIDTWA2LPC7E/">musclées</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">Pesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?</a>
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<h2>Que comprendre de la colère des agriculteurs aujourd’hui ?</h2>
<p>D’une part, la <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2013-3-page-251.htm">cogestion</a> sur laquelle s’est construit notre modèle agricole contemporain s’est peu à peu affaiblie à mesure que le rôle de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’est renforcé.</p>
<p>D’autre part, alors que la France est la première bénéficiaire de la <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/cap-overview/cap-glance_fr">Politique agricole commune</a> (PAC), les agriculteurs pointent un sentiment de <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/agriculteurs-en-colere-pourquoi-lunion-europeenne-est-pointee-du-doigt">« trop d’Europe »</a>, une agriculture bureaucratisée, un verdissement punitif de leurs <a href="https://www.terredetouraine.fr/manifestation-le-6-avril-oui-une-pac-incitative-et-non-punitive">pratiques</a> et une absence de stratégie nationale dans un contexte de crises <a href="https://books.openedition.org/pufc/5653">sanitaires et environnementales</a> croissantes.</p>
<p>Les attentes à l’égard des agriculteurs se sont multipliées en même temps que les responsabilités imputées à l’agriculture n’ont cessé de grossir.</p>
<p>En outre, si le mouvement de contestation actuel suggère une forme d’unité agricole et syndicale, la réalité témoigne de <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2008-2-page-291.htm">pratiques agricoles hétérogènes</a>, faites de <a href="https://www.cairn.info/sociologie-des-mondes-agricoles--9782200354404.htm">mondes agricoles</a> divers et <a href="https://www.bienpublic.com/economie/2024/01/24/colere-des-agriculteurs-il-faut-changer-de-modele-pour-la-confederation-paysanne">fragmentés</a>.</p>
<p>Ces mouvements de contestation visent alors à demander des changements profonds, en lien notamment avec les défis climatiques, comme le rappelle le Haut conseil pour le climat dans son <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/01/25/politiques-agricoles-et-alimentaires-le-haut-conseil-pour-le-climat-appelle-a-un-changement-de-cap_6212873_3244.html">récent rapport</a>.</p>
<p>Certes, les mobilisations suscitent soutien et sympathie, attirent l’attention du politique et des médias, mais les exemples passés montrent qu’elles peuvent rapidement tomber dans un <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-anatomie-dune-crise-qui-couve-depuis-longtemps-54e61b72-b9c4-11ee-9ea4-b02fbeb9c343">certain oubli</a>. On peut alors s’interroger : ces mouvements de contestation servent-ils à quelque chose ?</p>
<h2>Ce que ces mouvements disent de la condition agricole aujourd’hui</h2>
<p>Quel que soit leur mode de production, les agriculteurs font face à des dépendances fortes et des déséquilibres importants, suscitant des tensions contradictoires. Ainsi, comment concilier <em>en même temps</em> des conditions propres à garantir respect et <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2002-2-page-111.htm">bien-être animal</a> et favoriser l’accès à tous à une agriculture de <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/from-farm-to-fork/">proximité et de qualité</a> ?</p>
<p>Est-il possible de « nourrir la France » et « entretenir les paysages » en respectant un empilement de normes techniques et réglementaires <a href="https://www.tf1info.fr/societe/video-reportage-agriculteurs-en-colere-l-exemple-edifiant-du-millefeuille-des-normes-sur-les-haies-2283505.html">difficiles à suivre</a> ?</p>
<p>Comment faire face <em>en même temps</em> aux conséquences immédiates du gel, d’inondations, de sécheresse ou d’une <a href="https://agriculture.gouv.fr/mhe-la-maladie-hemorragique-epizootique">épizootie</a>, et s’adapter à long terme à leur inévitable récurrence ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/poulets-soldats-et-eleveurs-sentinelles-allies-dans-la-vaccination-contre-la-grippe-aviaire-207861">Poulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire</a>
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<p>Comment faire face à une attente sociétale de <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/09/Rapport-activite-2022_Agence-BIO.pdf">« plus de bio »</a> dans un contexte <a href="https://www.lafranceagricole.fr/agriculture-biologique/article/841135/le-marche-des-produits-bio-s-essouffle">d’inflation et de déconsommation</a>, alors que les processus de conversion prennent <a href="https://www.agencebio.org/questions/a-quoi-correspond-la-mention-en-conversion-vers-lagriculture-biologique/">plusieurs années</a> et engagent des moyens considérables ?</p>
<p>Comment permettre aux agriculteurs de s’engager dans la <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-na-94-agroecologie-ao%C3%BBt.pdf">transition agroécologique</a> tout en leur procurant un revenu propre à <a href="http://journals.openedition.org/economierurale/9560">vivre de leur métier</a> ?</p>
<p>Dans ce contexte, comment assurer la <a href="https://agriculture.gouv.fr/actifagri-transformations-des-emplois-et-des-activites-en-agriculture-analyse-ndeg145">pérennité</a>, le <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/20230412-Politique-installation-nouveaux-agriculteurs.pdf">développement</a> et la <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2022-3-page-40.htm">transmission de l’exploitation</a> dans des conditions tenables ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<h2>Ce que les mouvements ont obtenu dans le passé</h2>
<p>Ces attentes disent combien l’agriculture est <a href="https://revues.cirad.fr/index.php/cahiers-agricultures/article/view/30369/30129">multifonctionnelle</a> et alors inévitablement, source de contradictions pour les agriculteurs. Il leur est difficile de répondre <em>en même temps</em> et de manière satisfaisante à toutes ces attentes et pratiquer une agriculture conforme à leurs valeurs et à leurs besoins.</p>
<p>Cette équation impossible les contraint à en faire « toujours plus ». Elle provoque une surcharge physique, psychologique et émotionnelle, et conduit à la <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/5-minutes-avec/les-agriculteurs-d-occitanie-sont-percutes-par-un-cumul-de-crises-pour-un-sociologue-toulousain-2780313">crise morale et de confiance</a> que nous connaissons aujourd’hui. Reste qu’un détour par les réponses apportées aux précédents mouvements de contestation montre que la colère des agriculteurs est généralement entendue, partiellement du moins.</p>
<p>Le mouvement « La Bio à Poil » de 2021 a contribué à la mise en œuvre par le gouvernement d’ajustements réglementaires visant à mieux reconnaître les spécificités de <a href="https://www.fnab.org/communiques-presse/le-ministre-annonce-la-creation-dun-3e-niveau-a-linterieur-de-leco-regime-avec-une-aide-a-112e-ha-an-pour-la-bio/">« la bio »</a>. Les agriculteurs biologiques se sont dit alors satisfaits des <a href="https://www.bio-provence.org/IMG/pdf/gains_syndicaux_fnab_2022.pdf">avancées réalisées</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WgDxqdoffIw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mouvement « La Bio à poil » le 2 juin 2021, Invalides, Paris.</span></figcaption>
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<p>Le mouvement « On marche sur la tête » a conduit au recul du gouvernement sur des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/06/taxes-sur-les-pesticides-et-l-irrigation-le-renoncement-du-gouvernement-a-les-augmenter-suscite-les-critiques_6204274_3244.html">hausses de taxes</a>, satisfaisant les agriculteurs <a href="https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/agriculture-la-fnsea-obtient-l-abandon-de-la-hausse-de-taxes-sur-les-pesticides-et-l-eau-4081485">engagés dans le mouvement</a>.</p>
<p>Pourtant, ces concessions n’ont pas permis d’éteindre le feu qui couve depuis <a href="https://www.letelegramme.fr/finistere/douarnenez-29100/selon-cet-eleveur-laitier-de-douarnenez-le-feu-couve-depuis-des-annees-et-des-annees-6512009.php">longtemps maintenant</a>.</p>
<p>S’agissant du mouvement de colère actuel, des mesures seront sans doute annoncées et des crédits débloqués. Permettront-ils de résoudre à eux seuls et à long terme l’équation impossible à laquelle l’agriculture paraît tenue ?</p>
<p>En outre, de nouvelles mesures peuvent accroître les contradictions et la surcharge perçues par encore plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2017-1-page-33.htm">« paperasse »</a>, et renforcer davantage leur colère.</p>
<p>Alors ces mouvements ont-ils tout de même un intérêt ?</p>
<h2>L’importance des stratégies menées aujourd’hui</h2>
<p>Les recherches que nous menons depuis 2019 auprès d’agriculteurs suggèrent l’importance des <a href="https://hal.science/hal-04253918">stratégies</a> mises en œuvre pour faire face aux tensions perçues, et les différents niveaux d’intérêts qu’elles présentent.</p>
<p>D’une part, ces mouvements permettent aux agriculteurs d’exprimer la <a href="https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9C2894">colère</a> ressentie. Cette forme d’expression des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1269176308000254">émotions</a> permet ici de dire publiquement ce que d’autres finissent par taire. Car oui, l’anéantissement ultime que constitue le <a href="https://www.cairn.info/revue-sesame-2019-2-page-60.htm">suicide</a> touche aujourd’hui encore davantage les <a href="https://statistiques.msa.fr/wp-content/uploads/2022/10/Etude-mortalite-par-suicide_ok.pdf">agriculteurs</a> que la population générale.</p>
<p>Cela témoigne aussi d’une volonté des agriculteurs de s’unir et faire collectif pour parler d’une voix commune. Cette stratégie de <a href="https://iaap-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1464-0597.1993.tb00748.x">soutien social</a> leur rappelle qu’ils ne sont pas isolés dans leurs pratiques.</p>
<p>Justement, par-delà les désaccords syndicaux et professionnels, ces mouvements rappellent aussi que les agriculteurs forment une communauté de pratiques qui peut contribuer aussi de <a href="https://hal.science/hal-04150078">l’intérieur</a> à <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2015-1-page-31.htm">construire, définir et redire</a> ce que peut être un modèle agricole soutenable pour chacun.</p>
<p>Pour les politiques, les citoyens et les consommateurs, c’est aussi une occasion de rappeler leur attachement au monde agricole et sans doute aussi <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2013-1-page-67.htm">à une forme de ruralité</a>. Dans un contexte laissant craindre un <a href="https://reporterre.net/L-agribashing-une-fable-qui-freine-l-indispensable-evolution-de-l-agriculture"><em>agribashing</em> galopant</a>, c’est aussi redire aux agriculteurs <a href="https://hal.science/hal-03583047">qu’ils sont soutenus et essentiels</a>.</p>
<p>Ces mouvements rappellent enfin que l’agriculture n’est pas un secteur tout à fait <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/cap-overview/cap-glance_fr">comme les autres</a>.</p>
<h2>Affronter nos propres contradictions</h2>
<p>Toutefois, ces mouvements ne constituent des stratégies efficaces qu’à la condition d’être complétés de mesures structurantes, globales et de long terme au bénéfice des agriculteurs. Autrement dit, ils ne sauraient exonérer les pouvoirs publics, les consommateurs et les citoyens de leurs propres contradictions. Comme le relève le <a href="https://www.ifop.com/publication/barometre-dimage-des-agriculteurs-3">baromètre IFOP</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les Français demandent plus de soutien financier des pouvoirs publics (56 %), mais notons tout de même une proportion élevée en faveur (25 %) du maintien en l’état actuel des aides aux agriculteurs. »</p>
</blockquote>
<p>Alors que faire ?</p>
<p>Il s’agit peut-être de <a href="https://www.france24.com/fr/france/20240123-d%C3%A9classement-endettement-normes-europ%C3%A9ennes-raisons-col%C3%A8re-agriculteurs-fran%C3%A7ais-agriculture-attal-france-mobilisation">« réarmer »</a> les agriculteurs et leur permettre de faire réellement le poids <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/colere-des-agriculteurs-la-confederation-paysanne-demande-une-interdiction-du-prix-d-achat-des-produits-agricoles-en-dessous-du-prix-de-revient_6321894.html">face aux distributeurs</a>.</p>
<p>C’est peut-être consommer local et au juste prix, et accepter une campagne dans laquelle l’agriculture est un <a href="https://hal.science/hal-03262804">métier</a> et pas seulement des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Tmw5qxcTFpM">paysages</a>. C’est peut-être enfin renforcer l’investissement dans la recherche et l’innovation afin de rendre la transition agroécologique possible.</p>
<p>Le Salon international de l’Agriculture prévu le mois prochain constituera sans aucun doute une épreuve de force pour le gouvernement, les agriculteurs et leurs syndicats, une étape déterminante avec celle des élections européennes prévues au mois de juin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Benoist ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment comprendre la colère des mouvements agricoles et sur quelles stratégies reposent-ils ?Sandrine Benoist, Enseignante-chercheuse, Université d'Orléans, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205602024-01-16T16:18:26Z2024-01-16T16:18:26ZUne vraie souveraineté alimentaire pour la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567861/original/file-20240104-27-n2p29k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C4656%2C3059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/agriculture-la-fnsea-annonce-obtenir-labandon-de-la-hausse-de-taxes-sur-les-pesticides-et-leau-333bc86a-23b2-411f-af77-d4a9bcafc79c">l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau</a>. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/glyphosate/glyphosate-l-autorisation-du-glyphosate-renouvelee-pour-10-ans-par-la-commission-europeenne_6187641.html">l’autorisation du glyphosate pour 10 ans</a>. Et, six jours plus tard, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/environnement-un-jour-sombre-le-reglement-contre-les-pesticides-tue-par-la-droite-europeenne">abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030</a>.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/commission_enquete_phytosanitaires">rapport de l’Assemblée nationale</a>. En plus <a href="https://www.agra.fr/agra-presse/enquete">du lobbying habituel de la FNSEA</a> et de <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs</a> et qui rend toute réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/securite-alimentaire-51357">sécurité alimentaire</a> des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.</p>
<p>La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la <a href="https://theconversation.com/gaspillage-et-in-securite-alimentaires-les-lecons-a-tirer-de-la-crise-sanitaire-153601">crise du Covid</a> et la <a href="https://theconversation.com/envol-des-prix-insecurite-alimentaire-les-lourdes-consequences-pour-lafrique-de-la-guerre-en-ukraine-181193">guerre en Ukraine</a>, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quatre-pistes-pour-une-souverainete-alimentaire-respectueuse-de-la-sante-et-de-lenvironnement-206947">Quatre pistes pour une souveraineté alimentaire respectueuse de la santé et de l’environnement</a>
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<h2>Le mythe de la dépendance aux importations</h2>
<p>De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les <a href="https://www.franceagrimer.fr/Actualite/International/2023/Souverainete-alimentaire-un-eclairage-par-les-indicateurs-de-bilan">derniers chiffres de FranceAgrimer</a> montrent que notre « dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.</p>
<p>Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de <a href="https://www.franceagrimer.fr/content/download/70677/document/ETU-2023-SOUVERAINETE_ALIMENTAIRE.pdf">148 % pour le blé dur</a>, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’interdépendances : la France serait le <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Les-exportations-francaises-de-ble-sont-en-passe-de-battre-un-record-historique-247861-3107024">« grenier à blé de l’Europe »</a>, il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/10/hcp_ouverture-n7-grande_puissance_agricole.pdf">« une puissance exportatrice »</a>, etc.</p>
<p>Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les exportations des surplus européens subventionnés ont <a href="https://www.euractiv.fr/section/aide-au-developpement/news/les-dommages-collateraux-de-la-pac-sur-lagriculture-des-pays-en-developpement/">détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment</a> – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.</p>
<p>Comprendre : la France est la 6<sup>e</sup> puissance exportatrice de produits agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.</p>
<h2>Voir la productivité de façon multifonctionnelle</h2>
<p>S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de productivité alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des <a href="https://theconversation.com/plan-eau-la-politique-des-petits-tuyaux-fera-t-elle-les-grandes-rivieres-203391">besoins en eau</a> pour produire les aliments, de la <a href="https://theconversation.com/comment-lagriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-lazote-et-compromet-lhabitabilite-de-la-terre-219276">dépendance aux énergies fossiles</a> générée par les intrants de synthèse, de l’épuisement de la fertilité des sols lié à la monoculture intensive ou encore des <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">effets du réchauffement climatique</a> ?</p>
<p>Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du travail agricole (25 % des agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gaspillage-alimentaire-22121">gaspillage alimentaire</a> – qui avoisine les 30 % tout de même – des besoins nutritionnels et des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alimentation-21911">habitudes alimentaires</a> de la population ?</p>
<p>La productivité alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les zones humides naturelles ont une certaine capacité à épurer les milieux aquatiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sandro Bisotti/Flickr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La cétoine dorée, un coléoptère, est aussi un pollinisateur, au même titre que les abeilles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Raphaël Guillaumin/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>la capacité de rétention <a href="https://theconversation.com/podcast-donner-une-seconde-vie-aux-eaux-usees-208996">d’eau dans les sols</a>,</p></li>
<li><p>le renouvellement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollinisateurs-35904">pollinisateurs</a>,</p></li>
<li><p>le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une eau potable,</p></li>
<li><p>le renouvellement de la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">fertilité des sols</a>,</p></li>
<li><p>la régulation des <a href="https://theconversation.com/les-bioinsecticides-miracle-ou-mirage-147050">espèces nuisibles</a> aux cultures,</p></li>
<li><p>ou encore la <a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">séquestration du carbone</a> dans les sols.</p></li>
</ul>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-sauver-nos-systemes-alimentaires-restaurer-nos-sols-en-sequestrant-le-carbone-212820">Pour sauver nos systèmes alimentaires, restaurer nos sols en séquestrant le carbone</a>
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</p>
<hr>
<p>Or, il est <a href="https://sfecologie.org/regard/r110-mai-2023-e-porcher-pollinisation-en-crise/">scientifiquement reconnu</a> que les indicateurs de productivité relatifs à ces services <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-gouvernement-050220-relative-a-protection-ressources-eau-captages">baissent depuis plusieurs décennies</a>. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.</p>
<h2>La diversification pour maintenir des rendements élevés</h2>
<p>Une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aba1715">revue de littérature scientifique parue en 2020</a>, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des pratiques agricoles permettent de répondre à ces objectifs de performance plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des rendements élevés.</p>
<p>Les ingrédients de cette diversification sont connus :</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le non-labour est l’une des clés de la diversification agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lutz Blohm/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les haies permettent de limiter le ruissellement d’eau et rendent plusieurs services agrosystémiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean Balczesak/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>augmentation de la rotation des cultures et des amendements organiques,</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">renoncement aux pesticides de synthèse</a> et promotion de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-biologique-26141">agriculture biologique</a> à grande échelle,</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/en-cessant-de-labourer-les-sols-on-pourrait-reduire-limpact-de-lagriculture-sur-le-climat-de-30-160218">réduction du labour</a>,</p></li>
<li><p>diversification des semences et <a href="https://theconversation.com/retour-sur-le-combat-pour-les-semences-paysannes-en-europe-190670">recours aux variétés rustiques</a>,</p></li>
<li><p>ou encore <a href="https://theconversation.com/climat-biodiversite-le-retour-gagnant-des-arbres-champetres-174944">restauration des haies</a> et des talus pour limiter le ruissellement de l’eau de pluie.</p></li>
</ul>
<p>Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les services écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les rendements agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.</p>
<h2>Les sérieux atouts de l’agriculture biologique</h2>
<p>Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. <a href="https://theconversation.com/agriculture-pourquoi-la-bio-marque-t-elle-le-pas-en-france-207510">Se convertir au bio</a>, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.</p>
<p>C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-bonnes-pour-notre-sante-et-celle-de-la-planete-216845">légumineuses fixatrices d’azote dans le sol</a>,utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la <a href="https://theconversation.com/agroforesterie-intrants-labour-comment-ameliorer-le-bilan-carbone-de-lagriculture-165403">restauration d’un paysage qui devient un allié</a> dans la lutte contre les aléas naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs bio.</p>
<p>C’est une question de réalisme économique. Les exploitations bio consomment en France <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/system/files/2023-04/agri-market-brief-20-organic-farming-eu_en.pdf">deux fois moins de fertilisant et de carburant par hectare que les exploitants conventionnels</a>, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du prix du pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.</p>
<p>Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un faux procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de <a href="https://www.ressources.terredeliens.org/les-ressources/l-etat-des-terres-agricoles-en-france-dossier-thematique-rapport-1">72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020</a>. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, <a href="https://hal.science/hal-01197118v1/file/C57Coulon.pdf">à hauteur de 1000 km<sup>2</sup> par an en moyenne</a>.</p>
<p>Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le conventionnel se réduit après quelques années seulement : de <a href="https://www.nature.com/articles/nature11069">25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite</a>. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.</p>
<h2>Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le pouvoir d’achat des consommateurs</h2>
<p>Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le revenu des agriculteurs. Il est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5434584">notoirement faible</a>. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.</p>
<p>Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1423674112">entre 22 % et 35 % plus élevés</a> que pour les agriculteurs conventionnels.</p>
<p>Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.</p>
<p>Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le travail agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/">nécessite plus de main-d’œuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces)</a> et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).</p>
<p>Cette question du travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.</p>
<p>Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.</p>
<p>Rien que le traitement de l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-gouvernement-050220-relative-a-protection-ressources-eau-captages">coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État</a>. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux pesticides ne sont plus tolérables.</p>
<h2>Le bio, impensé de la politique agricole française</h2>
<p>Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.</p>
<p>L’État a promu le label Haute valeur environnementale (HVE), dont l’intérêt est très limité, <a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/doc/evaluation-performances-environnementales-certification-haute-valeur-environnementale-hve-dans">comme révélé par l’Office français de la biodiversité</a> (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle PAC, au risque de créer une <a href="https://www.biofil.fr/actualites-nationales/label-hve-le-conseil-detat-saisi-pour-tromperie/">concurrence déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio</a>, d’autant plus que les aides publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.</p>
<p>La décision récente de l’État de retirer son projet de taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, <em>de facto</em>, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/document/download/df01a3c7-c0fb-48f1-8eca-ce452ea4b8c2_en?filename=agri-market-brief-20-organic-farming-eu_en.pdf">moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels</a>.</p>
<p>Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des charges sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la transition agroécologique.</p>
<p>Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la vente directe et à des dispositifs tels que les <a href="https://theconversation.com/les-amap-leconomie-collaborative-les-pieds-sur-terre-68318">AMAP</a> qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.</p>
<p>Les agriculteurs engagés pour la transition écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la chaîne de valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’une utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Harold Levrel est professeur d'économie écologique à AgroParisTech</span></em></p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.Harold Levrel, Professeur, économie de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165052023-11-15T21:16:37Z2023-11-15T21:16:37ZAffichage environnemental : bio ou pas, comment évaluer l’impact écologique des aliments ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556185/original/file-20231026-17-3pg0yf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Etal d'un marché</span> <span class="attribution"><span class="source">Pxhere</span></span></figcaption></figure><p>Dès le 1<sup>er</sup> janvier 2024, un <a href="https://theconversation.com/a-quoi-devrait-ressembler-le-futur-score-environnemental-dans-lalimentaire-176583">score environnemental</a> devrait apparaître sur les produits alimentaires (et <a href="https://theconversation.com/mode-et-degats-environnementaux-comment-aider-les-consommateurs-a-en-prendre-conscience-209551">textiles</a>), sorte de « Nutriscore » de l’écologie. Or, depuis plusieurs mois, la bataille des méthodologies fait rage.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.interbev.fr/enjeux-societaux/environnement-territoires/ameliorer-levaluation-environnementale-des-viandes/">parties prenantes</a> reprochent ainsi à l’<a href="https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/consommer-autrement/passer-a-laction/reconnaitre-produit-plus-respectueux-lenvironnement/dossier/laffichage-environnemental/cas-particulier-dispositif-eco-score">Ecoscore</a>, qui devrait inspirer le futur outil gouvernemental, de se borner à procéder à l’analyse du cycle de vie du produit. Ils mettent en avant que l’analyse de cycle de vie rend mal compte de l’impact des produits sur la biodiversité. Les défenseurs du <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/une-trentaine-de-marques-et-135-000-produits-se-dotent-du-planet-score-un-etiquetage-environnemental-6571402">Planet score</a> reprochaient notamment au score environnemental retenu par les autorités, inspiré de l’Ecoscore, de <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/une-trentaine-de-marques-et-135-000-produits-se-dotent-du-planet-score-un-etiquetage-environnemental-6571402">donner de moins bonnes notes aux produits issus de l’agriculture</a> biologique.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Mais les produits issus de l’agriculture biologique impactent-ils moins l’environnement ? J’ai précisément été <a href="https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/impact-produits-alimentaires-certifies-enseignements-affichage-environnemental-bellassen.pdf">auditionné sur ce point par le conseil scientifique de l’expérimentation ADEME</a> en 2020, et les conclusions de ma communication sont reprises dans son <a href="https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/affichage-environnemental-produits-alimentaires-rapport-final-conseil-scientifique.pdf">rapport final</a>. Il s’avère que si l’agriculture biologique mérite d’être subventionnée par les agences de l’eau pour la protection des points de captage, elle ne mérite pas forcément la meilleure note dans le cadre de l’affichage environnemental. Voyons pourquoi.</p>
<h2>Tous les critères ne se valent pas</h2>
<p>Le principe de l’<a href="https://www6.rennes.inrae.fr/stlo/Toutes-les-actualites/Panorama-sur-l-evaluation-multicriteres">évaluation multicritères</a> fait consensus dans le monde scientifique, en particulier dans la démarche de l’analyse de cycle de vie. Il permet de ne pas favoriser un produit qui apporte un bénéfice infime sur un aspect au prix d’une dégradation forte sur un autre aspect. Mais cela ne signifie pas pour autant que tous les critères se valent et qu’un score environnemental <a href="https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/full_html/2015/01/ocl140052-s/ocl140052-s.html">puisse se résumer à une moyenne non pondérée des impacts sur différentes composantes</a>.</p>
<p>Le <a href="https://eplca.jrc.ec.europa.eu/EnvironmentalFootprint.html">Product Environmental Footprint</a>, la méthode qui fait foi à l’échelle européenne, accorde ainsi le poids le plus fort au changement climatique. C’est à mon avis justifié, pour plusieurs raisons.</p>
<ul>
<li><p>D’abord parce que l’enjeu climatique est le plus urgent des enjeux environnementaux. Le temps de retour à l’équilibre de la plupart des composantes de la qualité environnementale (qualité et quantité de l’eau, qualité de l’air, qualité des sols…) est de l’ordre de la décennie ou du siècle. Par comparaison, il est de l’ordre du <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">million d’années</a> pour le climat (irréversibilité).</p></li>
<li><p>De plus, le changement climatique est <a href="https://www.ipbes.net/sites/default/files/inline/files/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers.pdf">lui-même l’une des causes principales de dégradation de la biodiversité (autre enjeu partiellement irréversible)</a>, mais la réciproque est globalement fausse.</p></li>
<li><p>Enfin, les impacts d’un changement climatique non contenu seraient encore plus dramatiques que ceux des autres enjeux environnementaux. Pour ne citer qu’un exemple du <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/">dernier rapport du GIEC</a>, la bande intertropicale, qui abrite 40 % de la population mondiale, deviendrait largement inhabitable à l’horizon 2080.</p></li>
</ul>
<p>Dans le domaine de l’alimentation, l’impact sur le climat est par ailleurs <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC107959">corrélé à la plupart des impacts environnementaux</a>. Notamment pour l’<a href="https://theconversation.com/cette-micro-algue-qui-se-cache-derriere-les-eaux-colorees-vertes-de-bretagne-sud-149749">eutrophisation</a>, via l’utilisation d’engrais et les déjections animales, pour les pollutions liées à la production d’énergie, notamment via les combustibles fossiles, ou encore pour les atteintes à la biodiversité via le stockage de carbone des prairies et des forêts. Ainsi, l’amélioration de l’empreinte carbone s’accompagne le plus souvent d’une amélioration de la plupart des autres impacts environnementaux. Concentrons-nous donc pour commencer sur l’empreinte carbone comparée des produits biologiques et conventionnels.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux tracteurs dans un champ" src="https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559633/original/file-20231115-22-d43jdi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Parmi les différents critères environnementaux à prendre en compte pour la production alimentaire, le critère climatique est celui qui domine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Naseem Buras/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
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<h2>Impact à l’hectare ou à la tonne, un faux débat</h2>
<p>L’évaluation des impacts environnementaux de l’agriculture est très sensible à l’unité fonctionnelle retenue pour l’analyse. Dans le cas des produits alimentaires certifiés, deux unités fonctionnelles sont souvent discutées : la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652616304747">quantité de produit (par exemple, un litre de lait, une tonne de blé…) ou l’hectare de terre</a>. </p>
<p>Les deux visions ont leurs points forts et leurs limites : d’un point de vue économique, normaliser par la quantité de produit revient à considérer que la demande est totalement inélastique. C’est une bonne approximation pour des produits de base comme le pain ou le riz, mais ça devient discutable pour les consommations « plaisir », notamment la viande. À l’opposé, utiliser l’hectare comme unité fonctionnelle revient à considérer une demande qui diminuera ou augmentera proportionnellement au rendement, ce qui est irréaliste dans la plupart des cas.</p>
<p>Une manière sans doute plus didactique de savoir quelle unité fonctionnelle est pertinente est de s’interroger sur l’objectif de l’utilisateur. Dans le cas de l’affichage environnemental, le consommateur cherche à réduire l’impact de ses achats. Comme il achète des quantités de produits et non des hectares, la quantité de produit est l’unité fonctionnelle la plus pertinente.</p>
<p>La métrique « par hectare » reste toutefois utile dans certains cas et surtout pour certains publics, par exemple pour une collectivité qui chercherait à protéger un captage d’eau potable. Dans ce cas, la collectivité cherche en effet à limiter la pollution par unité de surface qui entoure le captage, et la quantité d’aliments produite par ces surfaces n’est pour elle que très secondaire. Comme l’agriculture biologique pollue moins l’eau par unité de surface (on explique pourquoi un peu plus bas dans ce texte), la collectivité a donc tout intérêt à ce que les exploitations agricoles alentour se convertissent à l’agriculture biologique, et à subventionner une telle transition, <a href="https://www.lesagencesdeleau.fr/ressources/eau-et-agriculture-actions">comme le font les agences de l’eau</a>.</p>
<h2>L’empreinte carbone du bio en question</h2>
<p>La recherche sur l’empreinte carbone du bio est foisonnante depuis les années 2010. Plusieurs méta-analyses convergent pour dire qu’<a href="https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2014.10.006">il n’y a pas de différence marquée entre bio et conventionnel sur l’empreinte carbone</a>. Si l’absence d’engrais minéraux diminue fortement les émissions des fermes biologiques, cette baisse est compensée par leur moindre productivité, et notamment l’allongement de la durée de vie des animaux pour atteindre un poids donné.</p>
<p>Les productions végétales bio pourraient toutefois tirer leur épingle du jeu avec une <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03265997v1">empreinte carbone plus faible d’une dizaine de pour cent</a>, mais ces résultats restent à confirmer.</p>
<p>La prise en compte du stockage de carbone en fonction des types d’agriculture reste un front de recherche, mais <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03995376v1">qui ne semble pas bouleverser ces résultats</a> jusqu’à présent.</p>
<h2>Quid de la qualité de l’eau et de la biodiversité ?</h2>
<p>En termes de consommation d’eau, principalement pour l’irrigation, les produits certifiés sont plus sobres, <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03376106v1">d’environ 30 % par hectare et 15 % par tonne</a>. Pour ce qui est de la pollution de l’eau aux nitrates, l’agriculture biologique emploie de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02800991">30 % à 60 % de moins d’azote par hectare</a>. Mais ramenée à la tonne de produit, la <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03267194v1">différence n’est plus significative</a>. En effet, malgré l’absence d’azote minéral, les fermes biologiques restent consommatrices d’azote organique et ont par ailleurs des rendements inférieurs.</p>
<p>Si l’on s’intéresse à l’impact des systèmes alimentaires sur la biodiversité, la situation est plus complexe encore. Grâce à l’interdiction des pesticides, les surfaces cultivées en agriculture biologique présentent des niveaux d’abondance et de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2019.00082/full">richesse spécifique de 20 % à 50 % supérieure à leurs équivalents conventionnels</a>.</p>
<p>Toutefois, leur impact global sur la biodiversité reste une question complexe.</p>
<ul>
<li><p>D’abord du fait des moindres rendements, qui peuvent être à l’origine de déforestation sur place ou à l’étranger. En effet, les <a href="https://www.millenniumassessment.org/documents/document.356.aspx.pdf">forêts feuillues sont le type d’habitat avec le plus de biodiversité</a>, quelle que soit la zone géographique considérée.</p></li>
<li><p>Ensuite parce qu’à la différence des autres composantes environnementales, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abd8947">il n’y a pas d’indicateur synthétique et consensuel de la biodiversité</a>, ce qui complique les choses. Une expertise scientifique collective Inrae/Ifrener est en cours pour démêler le sujet.</p></li>
</ul>
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<img alt="Synthèse des impacts des produits certifiés (bio) sur l’environnement" src="https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559682/original/file-20231115-27-oj2wdk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Synthèse des impacts des produits certifiés (bio) sur l’environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>D’autres bonnes raisons de manger bio</h2>
<p>Et si, avec cette comparaison du score environnemental du conventionnel à celle du bio, on se trompait de débat ? La littérature scientifique montre en effet que l’amélioration des pratiques agricoles n’est finalement qu’un levier de second ordre, après la modification du régime alimentaire. À l’échelle mondiale, <a href="https://www.i4ce.org/en/publication/estimating-greenhouse-gas-emissions-from-food-consumption-methods-and-results/">61 % des émissions liées à l’alimentation sont dues aux produits animaux</a> – et le chiffre pourrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211912418300361?via%3Dihub">80 % en Europe</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559665/original/file-20231115-23-nhaca6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Troupeau de jeunes vaches limousines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc Benoît</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La réduction du cheptel et de la consommation de protéines animales, qui permettrait de réduire les émissions alimentaires de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-018-0594-0">l’ordre de 30 % à 60 %</a>, est donc la condition nécessaire pour atteindre les objectifs d’atténuation climatique européens et français. Ce qui a des conséquences directes en termes d’affichage environnemental sur les produits alimentaires : l’affichage doit avant tout inciter les consommateurs à éviter les <a href="https://theconversation.com/cereales-elevage-ou-energie-les-terres-agricoles-attisent-les-appetits-198749">produits animaux</a> les plus émetteurs, plutôt que de distinguer bio et conventionnel qui ont un impact par kilo très proche.</p>
<p>Mais il y a d’autres bonnes raisons de manger bio : un principe de précaution sanitaire vis-à-vis des pesticides, et une <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03376106v1">meilleure performance économique et sociale</a>. En fin de compte, peut-être est-ce la principale contribution du bio à la préservation de l’environnement : aider les producteurs et les consommateurs à réduire la production et consommation de viande en compensant la baisse des quantités par une augmentation de la qualité des produits, qui satisfera les consommateurs, et une augmentation du prix, qui satisfera les producteurs. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30982857/">Plusieurs études</a> montrent d’ailleurs que les consommateurs de produits biologiques vont dans ce sens, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0195666317305950?via%3Dihub">compensant le surcoût unitaire du bio</a> par une sobriété sur le poste alimentaire le plus coûteux : la viande.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216505/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:valentin.bellassen@inrae.fr">valentin.bellassen@inrae.fr</a> est membre de INRAE. Pour conduire ses recherches, il a reçu ces dernières années des financements d'INRAE, de la Région Bourgogne Franche-Comté, de Dijon Métropole, de l'ADEME, de la Commission Européenne, et d'I4CE. </span></em></p>Le score environnemental favorise-t-il indûment l’agriculture conventionnelle au détriment du bio ?Valentin Bellasen, Directeur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075102023-06-22T10:07:48Z2023-06-22T10:07:48ZAgriculture : pourquoi la bio marque-t-elle le pas en France ?<p>Avec près de <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-production-bio/">2,8 millions d’hectares cultivés en bio</a>, soit 10 % de la surface agricole française, la France occupait en 2021 le premier rang de l’Union européenne (UE), devant l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, et la Suède. Dans l’UE-27, les surfaces dédiées à la bio s’élevaient à 9,4 millions d’hectares en 2012 et à <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/">15,6 millions d’hectares en 2021</a>, soit une hausse de 66 % largement portée par la France.</p>
<p>Dans le même temps, le nombre d’exploitations engagées en bio a bondi en France, passant de <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-production-bio/observatoire-de-la-production-bio-national">23 100 en 2011 à 58 400 en 2021 (soit 13 % des exploitations agricoles)</a>. Hausse d’autant plus remarquable qu’elle s’est produite dans un contexte de diminution de 2,3 % par an de la quantité totale d’<a href="https://theconversation.com/les-six-chantiers-prioritaires-pour-lavenir-de-lagriculture-francaise-175198">exploitations agricoles françaises</a> entre 2010 et 2020.</p>
<p>Pourtant, le <a href="https://hal.science/hal-01652910/file/2016_Allaire_Innovations%20Agronomiques.pdf">développement de la bio</a> marque le pas depuis quelques mois. Les signes de ce ralentissement, amorcé en 2020 voire un peu avant sur certains produits, sont multiples : déséquilibre entre offre et demande, aboutissant à des produits bio reclassés en conventionnel ; fermeture de magasins spécialisés ; dé-certifications ou déconversions de producteurs… La part de consommateurs réguliers d’une alimentation bio chutait de 16 % entre fin 2021 et fin 2022, et la part des personnes n’ayant pas consommé de produits alimentaires biologiques sur un an atteignait les 17 % en 2022 – le double de 2021.</p>
<p>Le phénomène se prolonge et la période d’inflation n’arrange rien, quand bien même les prix des produits bio <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2023/03/CP-Agence-BIO-Barome%CC%80tre-2023-20e%CC%80me-e%CC%81dition.pdf">n’augmentent pas autant</a> que leurs substituts conventionnels.</p>
<p>Plusieurs éléments se dégagent pour expliquer cette situation.</p>
<h2>Jungle des labels</h2>
<p>Si la bio a été jusqu’à la fin du XX<sup>e</sup> siècle le principal modèle alternatif construit et référencé en France, il est aujourd’hui concurrencé par d’innombrables allégations mieux-disantes sur des performances précises : « Zéro résidu de pesticides », « sans sulfites ajoutés », « sans nitrites », « vegan », etc.</p>
<p>Mais aussi par des moins-disantes ou en tous les cas moins coûteuses pour les producteurs, et par un très grand nombre de cahiers des charges publics ou privés comme les engagements de coopératives sur Agriconfiance ou les filières de qualité de la grande distribution. Au-delà de positions opportunistes, certains de ces opérateurs pourraient plutôt aller vers des engagements contractuels, comme en Suisse où deux acteurs majeurs (Coop et Migros) se sont impliqués de longue date pour soutenir le secteur bio.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/comment-sy-retrouver-dans-la-jungle-des-labels-environnementaux-111760">Tous ces labels</a> viennent lui faire de l’ombre voire créent de la confusion lors d’un acte d’achat. Ils peuvent aussi s’inspirer de la bio, mais sans prendre en compte l’ensemble du système et des services rendus (sol, biodiversité, eau, etc.). Ainsi, la mention HVE portée par le ministère de l’Agriculture, fait l’objet de débats concernant les niveaux d’exigence des pratiques associées et des aides qui lui sont octroyées.</p>
<p>De même, l’institutionnalisation de l’<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-agroecologie-165114">agroécologie</a>, sans être assortie d’un marché spécifique, génère des synergies mais aussi des concurrences avec la bio, qui reste à ce stade le modèle le plus abouti de toutes les <a href="https://www.cahiersagricultures.fr/articles/cagri/pdf/2022/01/cagri210174.pdf">agricultures</a> <a href="https://www.nss-journal.org/articles/nss/pdf/2013/02/nss130093.pdf">écologisées</a>.</p>
<h2>Inflation et effet revenu des ménages</h2>
<p>Dans un contexte de hausse générale des prix, l’alimentation bio devient par ailleurs une variable d’ajustement dans l’arbitrage des dépenses alimentaires des ménages, malgré une inflation moindre des <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/inflation-le-bio-est-il-toujours-plus-cher-1464575">produits bio</a>. La contraction de la demande alimentaire bio touche à la fois les grandes et moyennes surfaces et les distributeurs spécialisés. La vente directe semble en revanche se maintenir, après avoir déjà fait preuve de résilience pendant les confinements liés au Covid.</p>
<p>L’écart de prix au profit de la bio dans les prix de détail est de nouveau questionné, même s’il varie selon les produits et les circuits de commercialisation. Dans le cas du lait de vache par exemple, les prix payés aux producteurs bio et conventionnel convergent <a href="https://idele.fr/?eID=cmis_download&oID=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2Fbdf482ad-8ffb-43ef-8d4f-e3096bfcf42c&cHash=e4c016da1d47c46e35d420644ebeb29a">entre 2021 et 2022</a>, alors que pour les consommateurs un écart significatif des prix de vente au détail persiste entre laits bio et conventionnel.</p>
<p>Mais pour les éleveurs bio, le maintien d’un différentiel de prix suffisant est justifié pour amortir des coûts de production supérieurs – les aliments du bétail représentant un surcoût de près de 50 %.</p>
<h2>D’autres critères d’achat</h2>
<p>Les préoccupations environnementales et de santé restent les principales raisons qui conduisent les consommateurs à acheter des produits bio, mais ces attentes sociétales peuvent aussi être présentes dans des critères de « production locale » qui sont plus souvent mis en avant dans <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2022/03/Barometre-de-consommation-et-de-perception-des-produits-bio-Edition-2022_VF.pdf">différentes enquêtes de consommation</a>.</p>
<p>À ce titre, le fait que l’étiquetage des produits en magasin ait jusqu’ici privilégié l’aspect nutritionnel (Nutriscore) affecte la bio. Cela pourrait évoluer avec la mise en place <a href="https://theconversation.com/a-quoi-devrait-ressembler-le-futur-score-environnemental-dans-lalimentaire-176583">d’autres types d’étiquetage</a> prenant en compte les impacts environnementaux ou sociaux des modes de production.</p>
<p>Mais d’autres attentes, parfois concurrentes, guident ou déterminent aussi l’acte d’achat : la proximité (circuits courts <em>vs</em> bio industrialisée) ; une juste rémunération des producteurs ; la réduction des émissions de GES, de l’usage de plastique ou de cuivre ; le bien-être animal, etc.</p>
<p>Des acteurs de la bio s’en saisissent en intégrant par exemple des critères <a href="https://www.bio-equitable-en-france.fr/">d’équité</a>, sans que les réponses apportées soient toujours accessibles au grand public. Des argumentaires restent à étayer et il apparaît nécessaire de mieux informer les citoyens sur ce qu’est la bio et quels sont ses impacts.</p>
<p>Les contrôles et la certification des opérateurs de la bio demeurent une garantie de sa crédibilité.</p>
<h2>Un soutien public à la traîne</h2>
<p>La question du soutien public entre aussi en jeu. Les aides européennes et le programme « Ambition Bio 2017 » français ont encouragé les agriculteurs avec des incitations financières pour la conversion et l’installation en bio : la courbe de croissance des surfaces ou du nombre d’exploitations bio révèle l’impact essentiel des politiques de soutien, avec des incitations financières à la conversion et à l’installation en bio.</p>
<p>Mais les multiples retards dans le paiement des aides aux agriculteurs bio et la suppression en 2017 de « l’aide au maintien » (préservée dans certaines régions) ont ensuite freiné de nombreux producteurs, et les objectifs de croissance du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-programme-ambition-bio-2022-presente-lissue-du-grand-conseil-dorientation-de-lagence-bio">programme suivant</a>.</p>
<p>Le rapport de la Cour des comptes sur <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-07/20220630-rapport-soutien-agriculture-bio.pdf">l’évaluation du soutien de l’État à la bio</a> est plutôt critique sur la réalisation des ambitions affichées (objectifs de 15 % des terres ou de 20 % de produits bio dans les cantines publiques en 2022 non atteints, ¼ des exploitations bio qui ne touchent pas d’aides). Il inclut 12 recommandations, en particulier pour éclairer les citoyens et les consommateurs sur l’impact environnemental et sanitaire de l’agriculture biologique et pour réorienter les soutiens publics à l’agriculture en sa faveur.</p>
<h2>Juste prix de la bio</h2>
<p>Le rôle des politiques publiques est également d’assurer les conditions de fonctionnement et de régulation des marchés. L’élaboration et l’évolution des <a href="https://www.inao.gouv.fr/Les-signes-officiels-de-la-qualite-et-de-l-origine-SIQO/Agriculture-biologique">cahiers des charges</a> des signes de qualité en fait partie, tout comme l’<a href="https://www6.inrae.fr/metabio">accompagnement scientifique et technique</a> ou le <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2021/03/Texte_AAP_FondsAvenirBio.pdf">fonds de structuration des filières</a>.</p>
<p>La réglementation européenne <a href="https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2018/11/RCE_BIO_834_2007_oct08.pdf">reconnaît au dessein de la bio</a> le rôle de fournir « des biens publics contribuant à la protection de l’environnement et du bien-être animal ainsi qu’au développement rural ». Ces biens publics sont le plus souvent considérés <a href="https://www.itab.asso.fr/downloads/amenites/amenites-ab-rapport-nov2016.pdf">comme des externalités positives</a>, ouvrant sur des bénéfices pour la société dans son ensemble (préservation de la biodiversité, qualité des sols, de l’eau et de l’air…).</p>
<p>Au-delà, l’intervention publique devrait aussi aider à surmonter la phase actuelle de ralentissement et conduire à repenser le « juste » prix des produits bio en intégrant leurs bénéfices (externalités positives), aujourd’hui non marchands. Le consommateur ne pourra pas à lui seul les prendre en charge, en particulier en période de crise.</p>
<h2>Pérennisation des aides</h2>
<p>Aussi, au-delà d’un soutien à la conversion en AB, l’État devrait poursuivre l’effort financier avec des aides pérennes, qui seraient une reconnaissance et une rémunération des services rendus à la collectivité, comme cela existe <a href="https://www.organicseurope.bio/content/uploads/2023/02/ifoameu_policy_FarmToFork_25EnviBenefits_202212.pdf">dans plusieurs pays européens</a>.</p>
<p>Cette reconquête conditionnera à la fois la capacité pour la bio d’apparaître comme autre chose qu’un simple label « sans » (intrants de synthèse), et de générer un meilleur consentement à payer pour des services rendus autres que la fourniture d’aliments sains, tout en améliorant la viabilité des fermes en bio et l’accessibilité de leurs produits aux consommateurs. Ceci renvoie à des enjeux d’organisation des chaînes de valeur, encore sous-estimés par les professionnels et les pouvoirs publics.</p>
<h2>Processus au long cours</h2>
<p>La croissance rapide de la bio constatée au cours des dernières années masque des différences selon les productions concernées. Des contrastes régionaux apparaissent également, y compris en matière de soutien local.</p>
<p>Si la bio des pionniers devrait perdurer, celle des opportunistes pourrait disparaître, se transformer ou de se différencier. Et malgré les déconversions, cette phase de croissance aura au moins fait bouger les lignes : la bio demeure source d’inspiration pour une agriculture plus vertueuse.</p>
<p>Il est bien sûr délicat de faire coïncider des réponses à des effets inflationnistes très circonstanciels avec des trajectoires de transition agricole qui s’opèrent sur le moyen ou le long terme.</p>
<p>Mais l’objectif de 25 % de surface en bio à horizon 2030, énoncé dans le pacte vert européen, est un appel à une stratégie ambitieuse où la France doit garder une place forte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Bellon a reçu des financements de l’Union européenne, de l’Agence nationale de la recherche, et de la région Sud. Il remercie chacun de ses collègues du Comité de pilotage du programme Metabio de l’Inrae pour les échanges lors de l’élaboration et la relecture du texte, ainsi que M. Gernert (Ifoam organics EU) et B. Schaer (Ecozept) pour les données relatives à d’autres pays européens.</span></em></p>L’agriculture bio française connaît la fin d’une période faste. Plusieurs facteurs se dégagent pour expliquer ce ralentissement.Stéphane Bellon, Ingénieur de recherche en agronomie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1834982023-03-29T13:41:23Z2023-03-29T13:41:23ZVoici 5 technologies qui pourraient contribuer à rendre le système alimentaire carboneutre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468571/original/file-20220613-23-9q1omz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C11%2C3776%2C2144&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour tirer parti des avantages des nouvelles technologies agricoles, on doit développer des systèmes alimentaires dans lesquels les déchets d’une étape deviennent des intrants dans la suivante.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>À l’échelle mondiale, environ un <a href="https://doi.org/10.1038/nature.2012.11708">tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre</a> proviennent de l’agriculture et des systèmes alimentaires. L’empreinte carbone de ces derniers comprend toutes les émissions issues de la culture, de la transformation, du transport et des déchets alimentaires.</p>
<p>L’agriculture est également <a href="https://www.theguardian.com/food/ng-interactive/2022/apr/14/climate-crisis-food-systems-not-ready-biodiversity">vulnérable aux effets des changements climatiques</a> et, comme le montre le conflit en <a href="https://www.adiac-congo.com/content/crise-alimentaire-la-guerre-en-ukraine-augmente-les-risques-en-afrique-137610">Ukraine</a>, la géopolitique peut affecter les systèmes alimentaires.</p>
<p>Plusieurs technologies peuvent déjà contribuer à décarboniser les systèmes complexes qui relient producteurs et consommateurs. Elles peuvent aussi rendre nos systèmes alimentaires beaucoup plus résistants aux menaces mondiales. En voici cinq qui, selon nous, présentent un immense potentiel.</p>
<h2>1. Fermes de carbone et agriculture régénérative</h2>
<p>De nos jours, la plupart des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation proviennent de la culture des aliments et sont émises lorsque les sols sont labourés. C’est important de le savoir, car les sols <a href="https://theconversation.com/farming-without-disturbing-soil-could-cut-agricultures-climate-impact-by-30-new-research-157153">qu’on laisse intacts stockent du carbone</a>.</p>
<p>Il suffit toutefois de quelques changements relativement mineurs dans leur gestion pour que les sols redeviennent des réservoirs de carbone. Ainsi, le fait de planter des légumineuses et des <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/plantes-fourrageres">cultures fourragères</a> tous les deux ou trois ans, plutôt que de se contenter de cultures de base comme le blé ou le maïs, ou encore de semer des plantes de couverture à l’automne, pour éviter que les champs ne soient nus, permet à la matière organique de s’accumuler et <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2020.577723">aide le sol à absorber le carbone</a>. En plus de contribuer à ralentir les changements climatiques, cela protège les sols de l’érosion.</p>
<p>L’idée de diversifier les cultures peut sembler très simple sur le plan technologique, mais elle fonctionne. De plus, une nouvelle génération <a href="https://doi.org/10.1016/j.oneear.2019.10.022">d’outils agricoles intelligents</a>, comme des équipements qui utilisent les mégadonnées et l’intelligence artificielle, aidera bientôt les agriculteurs à adopter des pratiques qui produisent des aliments tout en piégeant le carbone.</p>
<p>Les outils intelligents font partie d’une révolution agricole numérique, également connue sous le nom d’agriculture de précision, qui <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-resource-100516-053654">permettra aux agriculteurs de réduire leur impact sur l’environnement</a> et de mesurer la quantité de gaz à effet de serre captée par leurs champs, créant ainsi un registre du carbone qui documente leurs efforts.</p>
<h2>2. Engrais intelligents</h2>
<p><a href="https://www.fertilizer.org/images/Library_Downloads/2014_ifa_ff_ammonia_emissions_july.pdf">Pour transformer l’azote de l’air en engrais</a>, il faut habituellement beaucoup de combustibles fossiles. De plus, il n’est pas facile pour les agriculteurs de <a href="https://p2irc.usask.ca/articles/2021/challenges-and-potential-solutions-to-improve-fertilizer-use---may-2021-final.pdf">mettre exactement la bonne quantité d’engrais au bon endroit</a> et au bon moment pour que les cultures l’utilisent de manière efficace.</p>
<p>On répand souvent <a href="https://doi.org/10.1081/CSS-100104098">trop d’engrais</a>. Ceux-ci ne sont alors pas absorbés par les cultures, ce qui engendre de la pollution, sous forme de <a href="https://doi.org/10.1186/s13021-019-0133-9">gaz à effet de serre</a> ou de <a href="https://doi.org/10.1021/es00009a001">contaminants dans l’eau</a>. Mais la nouvelle génération d’engrais pourrait résoudre ces problèmes.</p>
<p>Les biofertilisants intelligents ont recours à des <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/agricultural-and-biological-sciences/biofertilizer">micro-organismes qui ont été cultivés ou modifiés pour vivre en harmonie avec les cultures</a>, capter les éléments nutritifs de l’environnement et les fournir aux cultures sans gaspillage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un tracteur parcourt des rangées de cultures en pulvérisant de l’engrais" src="https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les biofertilisants intelligents qui utilisent des micro-organismes pour capter les nutriments de l’environnement peuvent éviter les problèmes de déchets et de pollution associés aux engrais traditionnels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>3. Fermentation de précision</h2>
<p>Depuis toujours, l’être humain utilise des micro-organismes pour transformer les sucres et les amidons en produits fermentés tels que la bière, le vin et le pain. Mais d’ici peu, on aura recours à la fermentation de précision pour fabriquer beaucoup d’autres produits.</p>
<p>Cette technologie sert depuis longtemps à créer presque toute l’insuline dans le monde ainsi que la présure, enzyme utilisée dans la fabrication du fromage. Les États-Unis ont récemment autorisé l’utilisation de <a href="https://cen.acs.org/food/food-ingredients/start-up-make-us-love/98/i38">protéines laitières fermentées d’origine non animale</a> – obtenues en insérant des gènes producteurs de lait dans des microbes – dans la fabrication de <a href="https://braverobot.co/">crèmes glacées</a>, qui sont désormais commercialisées. Ce n’est qu’une question de temps avant que les <a href="https://www.foodnavigator.com/Article/2020/02/03/Disrupting-dairy-with-precision-fermentation-By-2035-industrial-cattle-farming-will-be-obsolete">produits issus de la fermentation de précision ne deviennent courants</a> dans les supermarchés du monde entier.</p>
<p>À l’avenir, si les micro-organismes de fermentation sont nourris de déchets (tels que les restes de drêche de brasserie ou les déchets d’amidon des protéines végétales), les agriculteurs pourraient créer des aliments à faible impact et à forte valeur ajoutée à partir de matières organiques qui, autrement, seraient gaspillées et se décomposeraient en gaz à effet de serre.</p>
<h2>4. Agriculture verticale</h2>
<p>Si rien ne vaut les fruits et légumes frais, cueillis à maturité et mangés aussitôt, la triste réalité est que la plupart des produits frais consommés au Canada, dans le nord des États-Unis et en Europe du Nord proviennent de fermes industrielles du sud-ouest des États-Unis ou de l’hémisphère sud. <a href="https://www.jstor.org/stable/26334145">L’empreinte carbone de cette chaîne du froid longue distance</a> est considérable, et la qualité des aliments n’est pas toujours optimale.</p>
<p>Une nouvelle génération de fermes verticales peut changer la donne en ayant recours à des lampes DEL à faible consommation d’énergie pour faire pousser des aliments tout au long de l’année de manière locale. Ces <a href="https://www.usda.gov/media/blog/2018/08/14/vertical-farming-future">installations agricoles à environnement contrôlé</a> nécessitent moins d’eau et d’efforts que les exploitations traditionnelles, et produisent de grandes quantités de fruits et de légumes frais sur de petites parcelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des tubes verticaux d’où jaillissent des feuilles de laitue vertes" src="https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rangs de laitue romaine dans une ferme verticale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Brandon Wade/AP Images for Eden Green)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces installations voient le jour un peu partout en <a href="https://oplant.ca/">Amérique du Nord</a> et en Europe, mais plus particulièrement à Singapour et au <a href="https://npoplantfactory.org/en/">Japon</a>. Bien que la question de savoir si les fermes verticales actuelles sont <a href="https://www.agritecture.com/blog/2022/5/9/a-holistic-look-at-vertical-farmings-carbon-footprint-and-land-use">meilleures en termes de consommation d’énergie</a> fasse encore l’objet de nombreux débats, celles-ci sont de plus en plus enclines à utiliser des énergies renouvelables pour assurer un approvisionnement carboneutre en aliments frais tout au long de l’année, et ce, même dans le <a href="https://www.globalaginvesting.com/elevate-farms-secures-10m-bring-vertical-farming-remote-northern-canada/">Nord canadien</a>.</p>
<h2>5. Biogaz</h2>
<p>Le fumier provenant des installations d’élevage est difficile à gérer, car il peut devenir une source de pollution de l’eau et de gaz à effet de serre. Toutefois, si le fumier est placé dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.anifeedsci.2011.04.075">digesteur anaérobie</a>, il est possible de capter le méthane produit pour en faire un <a href="http://www.omafra.gov.on.ca/french/engineer/biogas/">gaz naturel vert</a>.</p>
<p>S’ils sont bien conçus, les digesteurs de biogaz peuvent également transformer les déchets organiques municipaux en énergie renouvelable, donnant ainsi à l’agriculture la possibilité de contribuer au développement de l’énergie durable. C’est ce qui se passe déjà dans des fermes de l’Ontario, où une nouvelle génération de digesteurs de biogaz permet d’<a href="https://farmtario.com/news/ontario-farmers-seeing-revenue-opportunity-in-biogas-digesters/">augmenter les revenus des fermes et de remplacer les combustibles fossiles</a>.</p>
<h2>Encourager la transformation des systèmes</h2>
<p>Ces technologies sont encore plus intéressantes lorsqu’elles sont reliées entre elles. Ainsi, les collecteurs de biogaz installés dans les fermes d’élevage pourraient fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement des installations de fermentation qui fabriquent des produits laitiers d’origine non animale.</p>
<p>De même, si les protéines d’origine végétale, telles que celles provenant de légumineuses comme les pois, sont produites dans des fermes qui utilisent des techniques d’agriculture régénératrice et transformées localement, les restes d’amidon peuvent servir à la fermentation de précision. Bien que nous ne sachions pas si ce processus peut être mis en œuvre à grande échelle, ses avantages potentiels en matière de durabilité sont immenses.</p>
<p>Pour tirer parti de ces possibilités, il faut développer des entreprises agroalimentaires qui forment des systèmes alimentaires circulaires, de sorte que les déchets d’une étape deviennent des intrants précieux d’une autre étape. Un ajout essentiel aux systèmes alimentaires circulaires sera le suivi du carbone du champ à la table, de manière à souligner les bénéfices.</p>
<p>Les technologies permettant d’avoir une <a href="https://guelph.ca/wp-content/uploads/SmartCities_Booklet.pdf">économie alimentaire circulaire</a> carboneutre atteindront bientôt leur maturité. D’ici quelques années, les cinq <a href="https://doi.org/10.1016/j.tifs.2021.11.013">technologies décrites ci-dessus devraient être utilisées couramment</a>.</p>
<p>Le monde est aujourd’hui confronté à l’un des plus grands défis du siècle : comment bien nourrir la population mondiale croissante tout en s’occupant des changements climatiques et en évitant de détruire les écosystèmes dont nous dépendons pour vivre.</p>
<p>Mais nous devrions bientôt disposer des outils nécessaires pour nourrir l’avenir et protéger la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183498/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rene Van Acker a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et du gouvernement de l'Ontario par le biais de l'Alliance agroalimentaire de l'Ontario. Il est affilié au Conseil des doyens, Agriculture, Alimentation et Médecine vétérinaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Evan Fraser est consultant auprès de diverses entreprises et initiatives d'agriculture verticale, notamment le Home Grown Innovation Challenge de la Weston Family Foundation et Cubic Farms. Il reçoit des fonds de diverses sources gouvernementales et philanthropiques, dont le Fonds d'excellence en recherche Canada First, le Conseil de recherches en sciences humaines et la Fondation de la famille Arrell. Il est affilié au Conseil consultatif canadien de la politique alimentaire, à Protein Industries Canada, à Génome Québec et au Maple Leaf Centre for Action on Food Security.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lenore Newman reçoit des fonds du CRSH et du Centre de compétences futures du Canada. Elle est présidente du conseil consultatif scientifique de Cubic Farms.</span></em></p>Comment peut-on nourrir de manière nutritive une population croissante, faire face au changement climatique et ne pas détruire les écosystèmes dont nous dépendons tous pour vivre ?Rene Van Acker, Professor and Dean of The Ontario Agricultural College, University of GuelphEvan Fraser, Director of the Arrell Food Institute and Professor in the Dept. of Geography, Environment and Geomatics, University of GuelphLenore Newman, Director, Food and Agriculture Institute, University of The Fraser ValleyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1906702022-10-03T17:35:17Z2022-10-03T17:35:17ZRetour sur le combat pour les semences paysannes en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487797/original/file-20221003-9083-pv825x.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C1189%2C824&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les paysans adaptent et sélectionnent les plantes pour chaque terroir. </span> <span class="attribution"><span class="source">Christine Jez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2022, une nouvelle réglementation européenne s’applique pour les producteurs en agriculture biologique. Elle concerne différentes dimensions de la production (bien-être animal, harmonisation des exigences pour les produits importés), mais surtout de nouvelles mesures favorables à la production de nouvelles catégories de semences </p>
<p>Il y a tout juste deux ans, le 1er janvier 2022, les agriculteurs biologiques européens gagnaient le droit de cultiver et commercialiser leur propre graine <a href="https://www.agencebio.org/decouvrir-le-bio/les-textes-reglementaires/">adaptées à l’agriculture biologique</a>, via une nouvelle réglementation européenne. </p>
<p>Cette disposition ouvre une brèche dans le monde de la semence industrielle qui a contribué à la construction de nos paysages agricoles et de notre système alimentaire, fondés sur l’homogénéité des cultures et la stabilité des variétés. Cet idéal de la variété, rendu obligatoire pour la mise en marché de semences au milieu du siècle dernier, est enfin détrôné grâce à la nouvelle réglementation qui redonne sa place à la diversité nécessaire au bon fonctionnement des écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup plus qu’un symbole, cette évolution offre désormais la possibilité de mise en cohérence de la semence avec les principes de l’agriculture biologique (AB).</p>
<h2>De milliers d’espèces végétales cultivées… à 150</h2>
<p>L’agriculture est apparue il y a 10 000 ans avec les premières domestications des espèces cultivées. Tout au long des siècles, les paysans ont adapté et sélectionné dans chaque terroir les plantes qui sont à la base de notre alimentation et de notre culture.</p>
<p>Notre époque moderne a vu s’appauvrir considérablement notre régime alimentaire – et dans le même temps s’homogénéiser les cultures. Si plusieurs milliers d’espèces végétales ont été utilisées au fil des siècles pour l’alimentation humaine, nous n’en cultivons aujourd’hui plus qu’environ 150. Et pas plus de trois fournissent <a href="https://www.fao.org/3/V1430F/V1430F00.htm">quelque 60 % des calories et protéines tirées des plantes</a>.</p>
<p>L’industrialisation de l’agriculture a accéléré cette perte de la diversité : cela s’explique par la simplification des pratiques agricoles et des paysages, ainsi que par l’utilisation de variétés rendues stables et homogènes grâce à des artifices génétiques et biotechnologiques. L’agriculture biologique a émergé il y a un siècle grâce à des pionniers qui, très vite, ont compris les grands risques de détérioration des écosystèmes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C21%2C2794%2C2086&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486872/original/file-20220927-24-v6jklp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L'association Kaol kozh présente une diversité de légumes issues de semences paysannes à une foire bio à Daoulas (Bretagne).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Véronique Chable/Inrae</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Aux débuts du bio, des variétés homogènes et stables</h2>
<p>L’agriculture biologique a commencé son développement économique en France après la Seconde Guerre mondiale. Elle y fut officialisée par la loi d’orientation agricole (LOA) de 1980. En 1991, un <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1991R2092:20070101:FR:PDF">règlement européen la reconnaît officiellement</a>.</p>
<p>Dès ce texte, l’utilisation de semences biologiques (c’est-à-dire des graines issues de plantes porte-graines cultivées selon les principes de l’AB) a été rendue obligatoire pour les agriculteurs biologiques de toute l’UE. Au début, on multipliait des variétés créées pour l’agriculture conventionnelle pour produire des semences en bio, gardant ainsi la logique d’homogénéité et de stabilité de ces variétés pour la bio. Cependant, la mise en œuvre du règlement différait d’un État membre à l’autre, <a href="https://www.liveseed.eu/wp-content/uploads/2019/01/LIVESEED-FinalV2-WebInteractive-1.pdf">car très peu de semences bio étaient disponibles à l’époque</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486875/original/file-20220927-20-lylapm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’association Kaol kozh explore une nouvelle collection de ressources génétiques de carottes pour engager une sélection de semences paysannes à la ferme en Bretagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Véronique Chable/Inrae</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dès son émergence, les praticiens de l’agriculture biologique ont eu à cœur de stimuler les processus vivants par des techniques spécifiques, notamment au niveau des sols mis à mal avec les intrants chimiques – mais sans se préoccuper des semences dans les premières décennies.</p>
<p>Ce règlement a été une étincelle salvatrice chez une partie des professionnels pour déclencher une réflexion sur la nature des variétés et semences du marché, et pour une prise de conscience de l’incohérence d’utiliser en bio des variétés stables et homogènes conçues pour être productives dans un contexte d’agriculture conventionnelle.</p>
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<p>Ils découvraient aussi que la plupart des variétés modernes étaient porteuses de manipulations biotechnologiques, en complète contradiction <a href="https://www.ifoam.bio/why-organic/shaping-agriculture/four-principles-organic">avec les principes de l’International Federation of Organic Agriculture Movements (Ifoam)</a>, établis au niveau international.</p>
<h2>Années 2000, retour en force des semences paysannes</h2>
<p>De cette prise de conscience du début des années 2000, des groupes d’agriculteurs ont initié des expériences de recherche participative en France et en Europe sur de nombreuses espèces pour renouveler les semences paysannes abandonnées <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DLEYIUQC3ZU,videopr%C3%A9par%C3%A9%C3%A0l%E2%80%99occasiondelapr%C3%A9conf%C3%A9rencesurlessemencesorganis%C3%A9e%C3%A0RennesetChavagnelorsdu20eCongr%C3%A8smondialdelabioIFOAMaccueilli%C3%A0Rennesenseptembre2021.">quelques décennies plus tôt</a>.</p>
<p>Elles ont de nombreux avantages sur les variétés modernes : elles sont diversifiées, évolutives, sélectionnées en respectant la biologie des espèces pour s’adapter à la diversité des écosystèmes ; en outre, elles sont échangées librement entre les membres des associations qui se sont constituées pour soutenir le travail collectif, en dehors du marché légal des semences. Des réseaux nationaux, <a href="https://www.semencespaysannes.org/">tels que le Réseau semences paysannes</a> en France, et le collectif européen <a href="https://liberatediversity.org/european-forums/lets-liberate-diversity/">European Coordination Let’s Liberate Diversity</a>, ont assuré la reconnaissance politique de la démarche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DLEYIUQC3ZU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Faire revivre la biodiversité cultivée : un projet participatif (Inrae Bretagne-Normandie).</span></figcaption>
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<p>En parallèle, et pour soutenir l’ensemble du secteur bio et paysan, des <a href="https://www.solibam.eu/SOLIBAM/home.html">projets européens</a> – <a href="https://diversifood.eu/">DIVERSIFOOD</a>, <a href="https://www.liveseed.eu/">LIVESEED</a>, <a href="http://dynaversity.eu/">DYNAVERSITY</a> et bientôt LIVESEEDING – ont depuis une quinzaine d’années associé les chercheurs engagés avec les professionnels (paysans et sélectionneurs, notamment de petites entreprises bio européennes) pour faire reconnaître les spécificités de la sélection pour l’agriculture biologique, pour laquelle une semence diversifiée est essentielle pour assurer la santé des plantes, une production régulière et de qualité en AB.</p>
<p>Ces projets mobilisent aussi les citoyens en quête de produits de terroir nutritifs et aux goûts diversifiés. De ce travail collectif, des méthodes de sélection pour la diversité ont fait leurs preuves. Les résultats des projets successifs ont alimenté des actions de lobbying visant à convaincre les législateurs européens et nationaux qu’il fallait <a href="https://www.editions-apogee.com/nature-environnement/622-la-graine-de-mon-assiette.html">sortir du diktat de la variété stable et homogène en bio</a>, un succès qui se traduit aujourd’hui par l’application de cette nouvelle réglementation.</p>
<h2>2022, vers la vente de variétés bio à grande échelle</h2>
<p>Le nouveau règlement bio, appliqué depuis le début de 2022, offre la possibilité de diffuser des populations hétérogènes bio – dénommés OHM (pour Organic Heterogeneous Material, en anglais) et MHB (pour matériel hétérogène biologique, en français) ; le mot « matériel » est symbolique de la vision dominante et matérialiste du vivant qui est justement combattue par les praticiens du bio – en dehors des réseaux paysans, par des artisans semenciers (notamment en France), par des entreprises semencières bio (assez nombreuses aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse) ou encore des coopératives de producteurs.</p>
<p>Les modalités d’application du règlement notamment en matière de description de ces populations végétales cultivées – qui n’ont pas le droit d’être appelées « variétés » puisque le mot a été réservé au « matériel stable et homogène » – restent au centre des activités des projets en collaboration avec des instances officielles chargées des procédures de mise en marché.</p>
<p>En outre, il fait valoir l’existence de variétés biologiques, allant au-delà des semences, puisque tout le processus de sélection sera effectué en agriculture bio. Elles seront sélectionnées avec des méthodes naturelles sans biotechnologie.</p>
<p>Ainsi, le retour de l’hétérogénéité et le respect de la biologie des espèces vont aider le secteur bio à se rapprocher de ses idéaux exprimés dans les 4 principes établis par l’Ifoam : écologie, santé, équité et précaution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190670/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La recherche participative développée au sein de Inrae avec les acteurs de la bio, sous la responsabilité de Véronique Chable, a été soutenue par des projets de recherche aux financements diversifiés dont des financements européens FP7 SOLIBAM (GA 245058), H2020 DIVERSIFOOD (GA 633571), H2020 DYNAVERSITY (GA 773814), H2020 LIVESEED (GA 727230), de la région Bretagne, de la Fondation de France, et de la Fondation Daniel et Nina Carasso.
Véronique Chable est engagée dans le fonctionnement et l’animation des deux associations de semences bretonnes (Kaol kozh et Triptolème) qui sont membres du Réseau semences paysannes. Au niveau européen, elle fait partie de ECO-PB (European Consortium for Organic Plant Breeding) et, au niveau international d’IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movments).</span></em></p>Depuis début 2022, une réglementation européenne autorise les agriculteurs bio à faire commerce de leurs propres semences. Une évolution aux multiples implications.Véronique Chable, Chercheuse agronome, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1868822022-09-27T20:01:31Z2022-09-27T20:01:31ZLe biocontrôle pour remplacer les pesticides : de la difficulté de changer les usages<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/479350/original/file-20220816-5388-5ffk8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=98%2C57%2C5316%2C3473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La coccinelle est un exemple emblématique de macroorganisme pour lutter contre les pucerons ou les cochenilles</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/harmonia-axyridis-most-commonly-known-harlequin-1460876276">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Nous savons aujourd’hui que nous ne pouvons pas faire face aux problèmes environnementaux <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-a-la-croisee-des-chemins-91100">sans révision de nos modèles agricoles</a>.</p>
<p>L’agriculture affecte les grandes variables, comme le climat à travers la production de méthane ou la biodiversité à travers l’affectation de surfaces de terre considérables à des systèmes de monoculture. L’épandage à grande échelle de produits issus de la chimie de synthèse contribue bien sûr également à <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">fragiliser l’habitabilité</a> de notre planète. <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">En polluant les sols, les eaux et l’air</a>.</p>
<p>Depuis 2008, les <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plans Ecophyto</a> successifs ont visé la réduction de l’utilisation des produits chimiques dans le domaine agricole. Malgré cette intervention de l’État, l’usage de ces produits reste stable voire augmente. Des alternatives existent pourtant, <a href="https://www.researchgate.net/publication/227328058_Eilenberg_J_Hajek_A_Lomer_C_Suggestions_for_unifying_the_terminology_in_biological_control_BioControl">sous le nom de « lutte biologique »</a> ou <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole">« de biocontrôle »</a>.</p>
<p>La création du consortium « biocontrôle » entre l’État et des entreprises du secteur a mis ce thème en valeur ; les techniques et les produits se diffusent cependant lentement, bien que les besoins des agriculteurs soient criants, que l’urgence à agir au plan écologique ne soit plus discutée et que la transformation des modes de production de nos économies soit en question.</p>
<h2>Le biocontrôle, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>La lutte biologique utilise des organismes vivants dits « auxiliaires de culture » pour répondre au besoin de limiter les populations de bioagresseurs des cultures – les insectes qui mangent les grains, piquent les fruits, attaquent le bois et les feuilles, etc. Parmi les solutions de biocontrôle, il en existe à base de microorganismes, de bactéries ou de virus, qui agissent sur des maladies des plantes.</p>
<p>Une seconde catégorie est faite de macroorganismes, notamment sous forme d’utilisation d’insectes ou de petits organismes vivants (par exemple, la coccinelle contre les pucerons). La lutte biologique peut consister à introduire de nouveaux organismes ou bien à développer ou maintenir la présence de populations déjà existantes d’auxiliaires de culture. En plus de ces catégories, le <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole">biocontrôle en France tel que défini par le consortium biocontrôle y ajoute les substances minérales</a>.</p>
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<p>S’il existe une boite à outils alternative aux produits phytosanitaires et aux engrais de synthèse, ces innovations ont du mal à se diffuser du fait de leur nature et des transformations de pratiques qu’elles supposent.</p>
<h2>Les usages agricoles dominants en question</h2>
<p>Les produits conventionnels chimiques ont une efficacité rapide, fondée sur l’éradication des insectes ravageurs des cultures. En contrepartie, ils ont aussi des <a href="https://www.inrae.fr/actualites/biodiversite-services-rendus-nature-que-sait-limpact-pesticides">effets non désirés sur d’autres entités naturelles</a>. À l’inverse, le biocontrôle propose des solutions variées et très ciblées, compatibles avec les enjeux écologiques, mais une efficacité aux délais plus longs. Il s’agit donc de deux paradigmes différents de protection des cultures.</p>
<p>Avec le biocontrôle, il s’agit de réguler les populations indésirables plutôt que de les éradiquer, d’observer ces populations dans les champs plus que de suivre un calendrier de traitement défini à l’avance, et l’efficacité est observée sur le long terme et non juste après le traitement. Le biocontrôle marche par ailleurs mieux s’il est coordonné <a href="https://www.quae.com/produit/1605/9782759230778/biocontrole">avec des efforts sur le territoire de vie des ravageurs</a> – or les institutions pour systématiser cela n’existent pas actuellement.</p>
<p>Passer de l’un à l’autre peut donc être déstabilisant pour les agriculteurs habitués depuis l’après-guerre à l’utilisation d’intrants chimiques. Certaines solutions de biocontrôle sont cohérentes avec les usages agricoles majoritaires tandis que d’autres impliquent des modifications des pratiques.</p>
<h2>Microorganismes : une prise en main assez facile</h2>
<p>Des solutions de biocontrôle à partir de microorganismes ou de phéromones peuvent en effet être formulées sous des formes similaires que ceux des produits phytosanitaires de synthèse donc utilisés de la même manière – épandage sous forme liquide par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/moins-de-phytosanitaires-dans-les-vignes-cest-possible-57989">Moins de phytosanitaires dans les vignes, c’est possible</a>
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<p>Dans ce cas, les agriculteurs peuvent les intégrer dans leurs itinéraires de culture avec des modifications mineures de leurs habitudes de travail. L’utilisation conjointe avec des produits phytosanitaires de synthèse n’est cependant pas optimale, ces derniers ayant en général un effet délétère sur les microorganismes présents dans les solutions de biocontrôle. Il est donc important de penser l’utilisation alternée des solutions de lutte biologique et de produits phytosanitaires de synthèse.</p>
<p>Du point de vue économique, ce sont aujourd’hui les produits à base de microorganismes qui voient leur diffusion la plus rapide, mais ils ne répondent que partiellement aux problèmes agronomiques.</p>
<h2>Macroorganismes : transformer les itinéraires techniques</h2>
<p>L’autre grande méthode de biocontrôle, ce sont les macroorganismes, dont le représentant emblématique est la coccinelle pour lutter contre les pucerons ou les cochenilles. On dit d’eux qu’ils sont des « auxiliaires de cultures » : ils sont différents des produits conventionnels chimiques tant dans les modes d’action que dans les modes d’utilisation.</p>
<p>Les recours aux auxiliaires de cultures et aux produits phytosanitaires de synthèse ne sont presque jamais compatibles entre eux, les seconds ayant un effet délétère sur les premiers. Ce type de biocontrôle implique donc des réflexions de long terme, d’introduire des logiques favorisant les équilibres naturels et un recours aux produits phytosanitaires de synthèse ultra minoritaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">INRAE : les insectes auxiliaires pour aider les agriculteurs dans la lutte biologique (France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, 28 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>Au-delà de la question des itinéraires techniques, la production et l’acheminement des auxiliaires de culture impliquent aussi d’autres modes de pensée ; les insectes ne peuvent être stockés, les délais d’acheminement ne peuvent être trop longs, les distances entre sites de production et d’épandage sont contraintes pour que les insectes soient « en forme » à l’arrivée sur les lieux d’épandage. Ces contraintes requièrent de gérer différemment les approvisionnements et la mise en œuvre des auxiliaires sur le lieu d’utilisation.</p>
<h2>Développement d’une agriculture plus durable</h2>
<p>Si parmi les produits de biocontrôle certains peuvent déjà être intégrés dans les itinéraires techniques des agriculteurs, ils ne rendent pas les mêmes services que ceux des produits phytosanitaires chimiques – régulation plutôt qu’éradication des populations de ravageurs, efficacité de long plutôt que de court terme. Ils ne suffiraient donc pas à développer une agriculture agroécologique.</p>
<p>Il faudrait intégrer au fur et à mesure la totalité des solutions de biocontrôle en s’éloignant progressivement des pratiques habituelles des agriculteurs. Cela impliquerait des transformations dans les itinéraires techniques agricoles et ces nouvelles solutions devront aussi être associées à d’autres méthodes agroécologiques <a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">afin de rendre l’agriculture cohérente avec les enjeux environnementaux</a>.</p>
<p>Cette différence d’usage est l’un des paramètres qui entrent dans la moindre diffusion de ces techniques : elle invite à repenser les habitudes des agriculteurs, des coopératives d’intrants et des conseillers techniques, mais pas uniquement. Il s’agit aussi de changements systémiques impliquant différents niveaux des chaînes de valeurs et des chaînes logistiques liées à la production alimentaire et donc au système agri-alimentaire dans son ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aura Parmentier Cajaiba a reçu des financements dans le cadre de participations à des projets de recherche publique financés par le dispositif Ecophyto et FranceAgrimer.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manuel Boutet a reçu des financements dans le cadre de participations à des projets de recherche publique financés par les dispositifs Ecophyto.</span></em></p>Le biocontrôle offre des alternatives aux pesticides chimiques, ils impliquent cependant des changements à plusieurs niveaux du système agro-alimentaire.Aura Parmentier Cajaiba, Maitre de conférences, management et organisation, Université Côte d’AzurManuel Boutet, Maître de conférences, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900032022-09-13T19:22:34Z2022-09-13T19:22:34ZCantines vertes et responsables : une récente enquête explique comment y arriver<p>La question agite depuis des années la sphère politique ainsi qu’une partie des mouvements citoyens, associations de parents d’élèves en tête : la <a href="https://theconversation.com/ce-quon-oublie-trop-souvent-de-dire-sur-les-cantines-scolaires-132709">cantine</a> peut-elle enfin se verdir ?</p>
<p>Aujourd’hui, la <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-mesures-de-la-loi-egalim-concernant-la-restauration-collective">loi Egalim</a> impose à la restauration collective au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au minimum 20 % de produits biologiques, une diversification des sources de protéines (au-delà de 200 repas par jour) et un renforcement de la lutte contre le gaspillage (au-delà de 3000 repas par jour).</p>
<p>Pourtant, derrière les discours volontaristes, les initiatives vertueuses et documentées tardent à émerger. <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2022.943020">Nous avons mené l’enquête</a> pour comprendre les chemins de transition empruntés par des restaurants collectifs en France.</p>
<h2>Du bio et du local, moins de viande et de produits ultra-transformés</h2>
<p>L’achat d’aliments biologiques est un premier levier de transition. L’agriculture biologique produit des aliments <a href="https://www.nature.com/articles/nplants2015221">plus riches en nutriments</a>, <a href="http://itab.asso.fr/downloads/amenites/amenites-ab-rapport-nov2016.pdf">a des effets positifs reconnus sur l’environnement</a> et <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3280932?sommaire=3280952">s’avère plus rémunératrice pour l’agriculteur</a>.</p>
<p>Un second levier consiste à <a href="https://theconversation.com/quoi-quen-disent-les-sceptiques-manger-moins-de-viande-est-une-priorite-climatique-106116">réduire la part des protéines carnées dans les régimes alimentaires</a> afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1462901109000173">induite par l’élevage</a> et d’augmenter les surfaces disponibles pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969718316759">produire des aliments directement utilisables par les humains</a>.</p>
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<p>Un troisième levier est le développement de <a href="https://theconversation.com/faire-ses-courses-en-circuits-courts-cest-mieux-pour-lenvironnement-85216">stratégies plus circulaires de la fourche à la fourchette</a> avec un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969718349763">approvisionnement alimentaire plus local, une limitation du gaspillage et le recyclage des déchets organiques</a>.</p>
<p>Un dernier levier concerne la limitation des <a href="https://theconversation.com/aliments-ultratransformes-de-quoi-parle-t-on-117065">aliments ultra-transformés</a> dont les effets délétères sont aujourd’hui bien établis sur un certain nombre de paramètres de santé, notamment le <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0939-4753(14)00260-9">profil lipidique des enfants</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AL9TOMnszNQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Chouette cantine » : vers une restauration scolaire plus durable (Inrae, 2 mars 2022).</span></figcaption>
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<h2>Notre enquête auprès de 29 restaurants</h2>
<p>Ces différentes pratiques durables peuvent être combinées de multiples façons pour opérer la transition d’un restaurant collectif vers la durabilité. Pour nous assurer de la faisabilité de ces transitions et comprendre leur diversité, nous avons enquêté auprès de 29 chefs cuisiniers et directeurs de restauration collective partout en France.</p>
<p>Avec eux, nous avons reconstitué les chemins de transition empruntés et les changements survenus dans l’environnement du restaurant collectif, les objectifs à atteindre, les ressources disponibles, les pratiques de l’approvisionnement du restaurant en aliments jusqu’à la gestion des déchets.</p>
<p>Nous avons ensuite regroupé les chemins de transition de ces 29 restaurants selon la vitesse, la durée, l’ampleur et la simultanéité des changements de pratiques observés essentiellement sur l’utilisation de produits biologiques, la fréquence des plats végétariens et d’utilisation d’aliments ultra-transformés, et la stratégie anti-gaspillage.</p>
<h2>Quatre chemins possibles</h2>
<p>Au terme de ce travail, nous avons identifié 4 types de transition :</p>
<ul>
<li><p>Les <strong>défricheurs</strong> sont les pionniers de cette transition (années 2000 pour les plus précoces). Ces restaurants ont d’abord et progressivement introduit des produits alimentaires biologiques. Ils ont ensuite étendu le changement à toutes les autres pratiques vertueuses. Leur parcours a duré de 9 à 22 ans et a conduit à un niveau de durabilité élevé.</p></li>
<li><p>Les <strong>affranchis</strong> se sont engagés dans la transition vers la durabilité plus tardivement, avec l’ambition d’une transition très rapide (1 à 4 ans). Ils ont procédé à de multiples changements de pratiques très rapidement et simultanément, guidés par une logique systémique, jusqu’à atteindre un niveau de durabilité très élevé.</p></li>
<li><p>Les <strong>navigateurs</strong> se sont lancés dans une transition vers la durabilité plus lentement – avec des itinéraires débutés à partir de 2008 qui ont duré de 3 à 14 ans. Ils ont travaillé sur plusieurs modifications de pratiques simultanément mais conservent une marge d’amélioration sur l’utilisation de produits biologiques et d’aliments ultra-transformés.</p></li>
<li><p>Les <strong>bâtisseurs</strong> regroupent des restaurants plus complexes : grande taille, multiconvives, sous marchés publics. Ils ont mis en œuvre les transitions les plus précoces mais également les plus lentes (8 à plus de 20 ans), avec des changements de pratiques très progressifs. Ils conservent une marge d’amélioration, eux aussi sur l’utilisation de produits biologiques et d’aliments ultra-transformés.</p></li>
</ul>
<p>Voici en image le résultat de ces transitions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483006/original/file-20220906-26-3veyfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Principales caractéristiques des quatre chemins de transition vers la durabilité en restauration collective (AUT : Aliments Ultra-Transformés). Données 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
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<figcaption><span class="caption">La transition vers la durabilité en restauration collective, c’est possible (Ecocert/Youtube, 2022)</span></figcaption>
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<h2>Mobilisation des ressources internes et externes</h2>
<p>Dans ces quatre chemins, c’est la disponibilité et la capacité à mobiliser les ressources internes et externes au départ qui déterminent le type de transition opérée. C’est particulièrement le cas des compétences des chefs cuisiniers, de leur engagement en faveur d’une restauration plus durable et de leur aptitude à partager ces compétences et valeurs avec leurs équipes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-quon-oublie-trop-souvent-de-dire-sur-les-cantines-scolaires-132709">Ce qu’on oublie trop souvent de dire sur les cantines scolaires</a>
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<p>Pour développer ces ressources internes, les réseaux professionnels et les formations ont largement été cités. Le soutien des élus ressort comme une autre condition essentielle, surtout quand il s’agit d’apporter aux chefs cuisiniers la confiance et les marges de manœuvre nécessaires au démarrage de la transition.</p>
<p>Cette confiance est aussi à instaurer pour mettre en place des collaborations pérennes avec les fournisseurs, les agriculteurs locaux en particulier, pour assurer la fiabilité et la stabilité des approvisionnements.</p>
<h2>Peu coûteux et source de développement économique</h2>
<p>La plupart des cas étudiés ont opéré la transition à faible coût, avec des effectifs constants et les installations en place. Le surcoût sur l’achat d’aliments a été limité, confirmant les résultats de <a href="https://observatoire.unplusbio.org/">l’Observatoire de la restauration collective bio et durable</a>. Cette maîtrise des coûts s’est fondée sur la baisse du gaspillage, l’introduction de repas végétarien et l’utilisation de produits bruts ou peu transformés.</p>
<p>La transition bénéficie à l’économie locale en développant les filières bio et locales. Parfois, elle a contribué à la création ou à l’expansion de filières. Les chefs cuisiniers agissent alors comme des catalyseurs d’innovation sur les territoires en participant à lever des verrous au sein de ces filières – par exemple en entraînant la mise en place de contrats d’approvisionnement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482994/original/file-20220906-14-rtbkux.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2020, la restauration collective en France servait 3,8 milliards de repas par an.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fanny Raynier/Ecocert France</span></span>
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<p>La transition conduit par ailleurs à une redécouverte du métier. Elle demande une réorganisation du travail en lien avec l’apparition de nouvelles tâches telles que la désinfection des légumes, la complexification de certaines liée notamment à la logistique par l’accroissement du nombre de fournisseurs, ou la nécessité de faire face à l’incertain quand un produit prévu au menu n’est pas disponible à la date attendue. Tous les chefs cuisiniers enquêtés ont néanmoins fait état d’une satisfaction professionnelle retrouvée.</p>
<h2>Un succès à généraliser</h2>
<p>Cette étude empirique est la première à rendre compte de la faisabilité des transitions vers la durabilité en restauration collective. Quel que soit le type de restaurant, ils ont réussi à augmenter le recours aux produits biologiques et la fréquence des repas végétariens, et à réduire l’utilisation d’aliments ultra-transformés et le gaspillage en relativement peu de temps, de quelques années à un peu plus d’une décennie dans la grande majorité des cas.</p>
<p>Ces résultats devraient convaincre les décideurs politiques du potentiel de généralisation de ces transitions pour répondre aux défis environnementaux et de sécurité alimentaire.</p>
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<p><em>Lise Pujos, responsable du label Ecocert « En Cuisine », et Marie-Benoît Magrini, ingénieure de recherche à Inrae, Centre Occitanie-Toulouse, ont participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190003/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Martin est adhérent au Groupement des agriculteurs biologiques et biodynamiques du Gers, membre du Conseil Scientifique de l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) et de Bordeaux Sciences Agro.
Cette étude a été financée par Ecocert France et par la Fondation Agropolis.
Lise Pujos, co-autrice de cette étude, est employée par Ecocert France. Les autres auteurs déclarent que l’étude a été menée en l’absence de relations commerciales ou financières pouvant être interprétées comme un conflit d’intérêts.</span></em></p>Une enquête conduite auprès de 29 restaurants collectifs met à jour quatre leviers à mobiliser pour rendre la cantine plus appétissante, plus saine et plus respectueuse de l’environnement.Guillaume Martin, Directeur de Recherche en Agronomie des Systèmes de production, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831572022-05-19T19:28:19Z2022-05-19T19:28:19ZSri Lanka : de la crise économique à la crise politique<p>Depuis maintenant deux mois, Sri Lanka – précisons qu’il est de règle d’usage d’écrire « Sri Lanka » et non « le Sri Lanka », car il s’agit d’une île indépendante, de la même façon que l’on écrit « Madagascar » ou « Chypre » sans articles définis – est confronté à sa <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-%C3%A9co/20220413-le-sri-lanka-traverse-sa-pire-crise-%C3%A9conomique-depuis-son-ind%C3%A9pendance-en-1948">pire crise économique depuis son indépendance en 1948</a>, et les réponses de l’État indiquent qu’il est incapable de protéger ses citoyens, bien au contraire.</p>
<p>L’<a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/sri-lanka-ranil-wickremesinghe-prete-serment-comme-nouveau-premier-ministre-20220512">investiture du nouveau premier ministre Ranil Wickremesinghe</a>, le jeudi 12 mai, n’y changera rien. Il rencontre déjà de grandes difficultés pour convaincre les membres des partis de l’opposition et de la majorité de constituer un gouvernement d’unité nationale ; surtout, la population sri lankaise (un peu plus de 20 millions de personnes) souhaite avant toute chose la démission de Gotabaya Rajapaksa, président du pays depuis novembre 2019.</p>
<h2>Un État au bord de la faillite</h2>
<p>Si la mauvaise gestion économique n’est pas nouvelle à Sri Lanka – les gouvernements successifs n’ayant pas su gérer l’inflation, la dette et les dépenses –, les décisions prises par le clan Rajapaksa (voir plus bas) ont mené l’île au bord du gouffre. Pour la première fois depuis 1948, le pays a <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/sri-lanka-temporarily-suspend-foreign-debt-payments-c-bank-governor-2022-04-12/">cessé, le 12 avril 2022</a>, de rembourser sa dette extérieure.</p>
<p>Cette crise a de multiples origines. Elle est d’abord liée à une promesse de campagne de Gotabaya Rajapaksa qui, à l’approche des élections de novembre 2019, a proposé des réductions drastiques d’impôts (via la suppression pure et simple de sept taxes) et l’abaissement du taux de TVA de 15 à 8 %. Ces mesures populistes ont été adoptées après sa victoire, alors même que le pays bénéficiait d’un prêt du FMI sur 4 années.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sri Lanka paralysé par une grève nationale, le président déclare l’état d’urgence (France 24, 6 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>Les craintes d’un effondrement plus large sont apparues avec la pandémie, dont les diverses mesures de confinement ont soudainement sapé les revenus provenant du tourisme (un générateur de devises essentiel pour le pays, dont il pèse 13 % du PIB) et des transferts de fonds des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8403504/">Sri lankais employés dans les pays du Golfe qui ont vu leur salaire chuter</a> et de ceux qui n’ont pu quitter l’île pour occuper des emplois à l’étranger et ainsi soutenir leur famille.</p>
<p>Les agences de notation de crédit ont <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/moody-s-abaisse-la-note-du-sri-lanka-20200929">abaissé la note attribuée à Sri Lanka</a>. Pour rester à flot, le gouvernement a imprimé de la monnaie, augmentant l’offre de 42 % entre décembre 2019 et août 2021, alimentant ce qui allait devenir <a href="https://www.attractivearea.com/economie/le-taux-dinflation-du-sri-lanka-saccelere-pour-devenir-le-plus-rapide-dasie-selon-des-donnees/2542">l’inflation la plus rapide d’Asie</a>.</p>
<p>Une des politiques les plus désastreuses sous la présidence de Gotabaya Rajapaksa a été l’interdiction, entrée en vigueur le 26 avril 2021 de tous les engrais chimiques, pesticides, herbicides et fongicides. Les responsables politiques ont présenté cette brusque interdiction comme la réalisation d’une promesse électorale visant à adopter l’agriculture biologique. En réalité, face à une crise de la balance des paiements et à une grave pénurie de devises étrangères, beaucoup ont vu dans cette décision une tentative d’économiser des dollars en limitant les importations. Dans une économie où le secteur agricole reste important (employant entre un quart et un tiers de la main-d’œuvre nationale selon les évaluations), malgré sa faible contribution au PNB (moins de 8 %), ces mesures ont entraîné une baisse des rendements des cultures, la fermeture de plantations (avec pour corollaire un tarissement des recettes d’exportation du thé), des pertes d’emplois et des pénuries alimentaires.</p>
<p>C’est tout un secteur et plusieurs filières qui ont été déstabilisés, suscitant l’effondrement des moyens de subsistance des agriculteurs. En seulement six mois, la production nationale de riz a chuté de 20 % et celle de thé de 40 %. La montée en flèche de l’inflation a parfois rendu l’accès aux stocks de nourriture disponibles inabordables, provoquant des inquiétudes quant à la possibilité de famines dues aux pénuries alimentaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526584163926671361"}"></div></p>
<p>Cette mécanique infernale est, certes, alimentée par des chocs extérieurs que sont la pandémie de Covid-19 et la <a href="https://www.sundaytimes.lk/220227/business-times/multiple-impacts-in-sri-lanka-from-ukraine-war-473997.html">guerre russo-ukrainienne</a> : cette dernière contribue à l’inflation de certaines denrées alimentaires, a mis fin à l’arrivée des touristes en provenance de ces deux pays en guerre et rend difficile pour l’État d’acheter du pétrole à la Russie pour ne pas indisposer les partenaires occidentaux. Néanmoins, les erreurs politiques internes sont nombreuses et prépondérantes.</p>
<p>L’endettement de l’île est abyssal, représentant près de <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220412-le-sri-lanka-annonce-%C3%AAtre-en-d%C3%A9faut-de-paiement-de-51-milliards-de-dollars">51 milliards de dollars</a>. Du temps de la présidence de Mahinda (2005-2015), l’État a contracté de nombreux prêts bilatéraux auprès de la Chine pour financer des <a href="https://www.rsisinternational.org/journals/ijrsi/digital-library/volume-7-issue-11/209-227.pdf">projets de construction d’infrastructures</a> aussi coûteux qu’inutiles : centre de conférences, aéroport et port dans le sud de l’île à Hambantota – de véritables éléphants blancs ! En 2017, l’incapacité de Sri Lanka à rembourser ses créances l’avait contraint à céder pour <a href="https://www.thehindu.com/news/international/sri-lanka-formally-hands-over-hambantota-port-on-99-year-lease-to-china/article61847422.ece">99 ans le nouveau port à la Chine</a>. Malgré ce précédent, les Rajapaksa ont contracté d’autres prêts auprès de Pékin afin de financer les projets de renouvellement urbain de Colombo pour en faire une ville au rayonnement mondial, mais aussi pour payer les intérêts dus aux banques chinoises. La Chine détient désormais 10 % de la dette du pays.</p>
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<p>Le pays n’ayant pratiquement plus de réserves de devises étrangères (<a href="https://www.hindustantimes.com/world-news/sri-lanka-news-minister-hails-india-s-help-as-reserves-dip-to-record-low-101651667395368.html">moins de 50 millions de dollars</a> au 4 mai 2022), l’importation de médicaments essentiels, de denrées alimentaires, de gaz de cuisine et de carburant est devenue extrêmement difficile. En plus d’endurer ces pénuries, la population subit des coupures de courant pouvant durer jusqu’à huit heures par jour.</p>
<p>Fait non négligeable, ce sont les Cinghalais bouddhistes, majoritaires dans l’île et qui <a href="https://eias.org/publications/op-ed/assessment-of-the-2019-presidential-elections-in-sri-lanka/">avaient porté par leur vote Gotabaya à la présidence de la République</a>, séduits par ses promesses de restaurer la sécurité (à une population traumatisée par les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/attentats-au-sri-lanka/">attentats de Pâques 2019</a>) et la prospérité, qui ont les premiers dénoncé la dégradation brutale des conditions de vie. Cette situation a poussé des centaines de milliers de citoyens de toutes les générations et de tous les milieux sociaux (par-delà les clivages historiquement construits entre Cinghalais, Tamouls et musulmans) à descendre dans la rue pour protester et demander la démission du président. Le slogan « Gota Go home » est devenu, depuis le mois d’avril, la principale revendication lors des manifestations pacifistes.</p>
<p>Confronté à ce soulèvement populaire, le parti du président s’est désolidarisé de l’équipe au pouvoir. Tous les ministres et le gouvernement ont démissionné, laissant seuls en poste les frères Rajapaksa face à leurs responsabilités et surtout face aux manifestants déterminés à les forcer à démissionner pour en finir définitivement avec le clan familial qui dirige presque sans partage l’île depuis 2005. Les syndicats ont <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/4/29/first-in-four-decades-why-sri-lanka-general-strike-matters">soutenu</a> les manifestants en organisant des grèves générales qui ont été très fortement suivies par les Sri Lankais.</p>
<p>Face à la remise en cause de leur autorité, les Rajapaksa ont tenté, lundi 9 mai, de mobiliser certains de leurs partisans à Colombo et les ont incités à <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/meeting-then-mob-turning-point-sri-lankan-crisis-2022-05-11/">attaquer les manifestants et à les déloger</a>. En réaction, les manifestants ont repoussé très brutalement les assaillants et pris d’assaut la résidence du premier ministre.</p>
<p>À l’échelle de l’île, de nombreuses <a href="https://time.com/6175067/sri-lanka-violence-rajapaksa/">propriétés du clan Rajapaksa</a> et de ses alliés ont été incendiées ou détruites. Face à la colère générale, Mahinda a préféré <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20220510-sri-lanka-l-ancien-premier-ministre-plac%C3%A9-en-s%C3%A9curit%C3%A9-par-l-arm%C3%A9e">présenter sa démission et a été exfiltré par l’armée</a>.</p>
<p>Mis à l’abri dans une base militaire dans le nord-est du pays, il a, comme 16 de ses proches, interdiction de quitter le pays. Gotabaya, qui reste désormais seul au pouvoir, a donné <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-61389189">l’ordre de tirer à vue</a> sur les « contrevenants à la loi ». Malgré ces directives, de nombreux manifestants continuent à se réunir publiquement et à réclamer avec toujours plus de détermination la démission de Gotabaya. Par ailleurs, cette spirale de la dette et de la violence engendre une fois de plus des déplacements. Ceux qui le peuvent quittent la capitale tandis que d’autres tentent de trouver refuge en Inde.</p>
<h2>L’incurie d’une dynastie politique</h2>
<p>Il y a quelques mois seulement, une telle remise en cause du régime aurait été impensable. Au cours de douze des vingt dernières années, les membres de la famille Rajapaksa ont contrôlé les plus hautes sphères du gouvernement de Sri Lanka.</p>
<p>Gotabaya, 72 ans, ancien secrétaire à la Défense, a mené une dernière poussée meurtrière pour mettre fin à la <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/2543">guerre contre les séparatistes tamouls</a>, qui a fait jusqu’à 100 000 morts, avant la <a href="http://www1.rfi.fr/actufr/articles/113/article_81134.asp">victoire militaire finale de l’armée sri lankaise en 2009</a>. Son frère, Mahinda, 76 ans, le cerveau politique de la famille, a été deux fois président et deux fois premier ministre. Deux autres frères et sœurs, Chamal, 79 ans, et Basil, 71 ans, se sont bâti une place dans la gestion des ports, de l’agriculture et de l’argent. Des dizaines de membres de la famille occupaient des postes élevés jusqu’en mars 2022.</p>
<p>Après avoir été élu président en 2019, Gotabaya Rajapaksa s’est empressé de restaurer l’autoritarisme populiste de la famille, agrémenté d’appels au nationalisme des bouddhistes cinghalais. Les récents changements constitutionnels (après les élections parlementaires de 2020) ont accru le pouvoir du président (grâce à l’adoption du 20<sup>e</sup> amendement, aujourd’hui dénoncé par les manifestants et l’opposition) et ont renforcé la discrimination à l’encontre des minorités tamoule et musulmane.</p>
<p>Néanmoins, avec cette crise économique, il semble que la population majoritaire, cinghalaise bouddhiste, celle qui a voté pour Gotabaya, a aussi fini par comprendre que ce régime a vraiment pillé le pays. La crise économique s’est donc transformée en une crise politique très grave. Tout le clan Rajapaksa et le régime ont été complètement délégitimés. Les manifestants demandent que les Rajapaksa répondent devant la justice aux accusations de corruption, de détournements d’argent public, d’assassinats politiques (journalistes, militants des droits humains, activistes des droits des minorités) et pour les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=jZC1uclgbc0">crimes de guerre</a> perpétrés lors de la <a href="http://geographie-ville-en-guerre.blogspot.com/2011/07/geographie-des-espaces-refuges-des.html">phase finale de la guerre</a> contre les séparatistes tamouls. Dans ces conditions, il semble peu probable que le président, qui détient d’immenses pouvoirs, démissionne, ne serait-ce que parce que rester en poste lui permet de continuer de bénéficier de l’immunité que lui confère la Constitution. Sa stratégie est d’essayer de prolonger la situation aussi longtemps qu’il le peut.</p>
<p>Après la démission forcée de son frère, Gotabaya a abattu sa dernière carte en nommant comme premier ministre Ranil Wickremesinghe. C’est un homme politique très expérimenté qui a déjà occupé cinq fois le poste de premier ministre. Opposant politique du clan Rajapaksa, il a néanmoins travaillé en étroite collaboration avec Gotabaya ces deux derniers mois à remanier le ministère des Finances et de la Banque centrale en vue de réformes fiscales et monétaires radicales.</p>
<p>Malgré sa bonne image à l’international, la population et la classe politique ne plébiscitent pas ce choix. Wickremesinghe est perçu par les manifestants comme un représentant typique de la classe politique sri lankaise que la population juge incapable de gouverner et dont elle ne veut plus. Pour les manifestants, il n’est pas question de se démobiliser tant que le dernier Rajapaksa reste encore au pouvoir. Sajith Premadasa, leader du principal parti de l’opposition, refuse de participer à un gouvernement tant que le président n’aura pas démissionné au préalable. Esseulé, Wickremesinghe, qui est le seul député de son parti au Parlement, rencontre de grandes difficultés à trouver des volontaires pour constituer son gouvernement, et son image est désormais indélébilement ternie auprès des manifestants du fait de sa collaboration avec Gotabaya.</p>
<h2>La fin d’une île modèle ?</h2>
<p>À l’indépendance, l’île apparaissait comme un modèle économique à suivre au sein de la zone Asie du Sud et Asie du Sud-Est. Jusqu’aux années 1970, Sri Lanka était considéré comme un modèle de développement au niveau mondial. Même si le revenu par habitant y était très faible, les indicateurs de développement humain étaient très élevés, principalement grâce à des politiques progressives d’éducation et de santé.</p>
<p>Ce qui se joue actuellement à Sri Lanka semble faire écho à la longue récession économique des années 1970 qui s’était soldée par des réformes de libéralisation économique mises en place par le gouvernement de J. R. Jayewardene, par le truchement de politiques d’ajustement structurel menées avec le soutien de la Banque mondiale et du FMI. Pendant quatre décennies, l’île a intensifié l’instauration de politiques néolibérales, qui se sont traduites par une dépendance accrue, la captation du pouvoir aux mains d’une petite élite, la financiarisation de l’économie et du foncier et, surtout, l’accroissement des inégalités.</p>
<p>La <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/culturesmonde-du-vendredi-13-mai-2022-3058054">mauvaise gestion économique du pays par les Rajapaksa</a> a forcé Gotabaya à accepter de faire appel à la Banque mondiale et, surtout, à engager des négociations avec le FMI pour bénéficier d’un prêt d’urgence. Mais le soulèvement populaire et la remise en cause du pouvoir exécutif délégitiment la délégation sri lankaise et sa capacité à imposer une restructuration radicale de l’économie de l’île en échange de tout prêt d’urgence.</p>
<p>Par ailleurs, si certains Sri Lankais voient dans le FMI la seule institution capable de sauver leur pays de la banqueroute et d’assainir sa situation financière, d’autres sont très inquiets de cette perspective. En effet, l’aide du FMI s’accompagnera certainement de conditionnalités qui seront susceptibles d’être imposées à l’île, comme des politiques d’austérité, de nouvelles coupes dans la protection sociale et la privatisation de certaines entreprises publiques.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Quelles alternatives peuvent alors émerger ? Il semble que l’île doit absolument se concentrer sur son agriculture, pour éviter pénuries et famine. Il s’agirait de reconstruire un système alimentaire et essayer réellement de réduire les inégalités. En outre, sans doute faudrait-il que l’augmentation des impôts, indispensable pour les caisses de l’État, soit surtout supportée, par solidarité, par les couches les plus aisées du pays afin de soulager les plus pauvres et lisser les écarts. La mobilisation très vive des manifestants et des syndicats montre que les Sri Lankais ne laisseront pas les politiques sacrifier leurs acquis sociaux (enseignement, santé, électricité accessible à très faible coût) pour favoriser un plan de redressement économique uniquement favorable à une élite et à la classe politique.</p>
<p>Enfin, la crise sri lankaise est emblématique de ce qui se trame ailleurs. De nombreux pays à travers le monde connaissent la même spirale infernale qui combine inflation, envolée des prix alimentaires et de l’énergie, endettement et risques de défaut de paiement, avec des conséquences terribles pour les populations. Comme pour Sri Lanka, la question de savoir si la seule solution pour sauver l’économie de ces pays fragilisés ne peut passer que par l’intervention du FMI, synonyme de restructurations très dures pour les populations, sera posée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183157/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sri Lanka est plongé dans une profonde crise politique, économique et sociale. Les manifestants s’en prennent tout spécialement au clan Rajapaksa au pouvoir qui est jugé responsable.Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Institut Français de Pondichéry, Université de BordeauxDelon Madavan, Chercheur en géographie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1779472022-03-03T19:56:31Z2022-03-03T19:56:31ZDes entrepreneurs alternatifs car spirituels : portrait en trois dimensions dans le monde du vin<p>Rares sont les recherches en sciences de gestion abordant la spiritualité et la religion comme source d’inspiration de l’entrepreneuriat. Pourtant, ces dimensions traversent depuis la nuit des temps les activités humaines, irriguent la vie des individus et des sociétés, y compris dans le <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807330290-entrepreneuriat-spiritualite-et-religion">champ économique</a>. Les réflexions fondatrices des sciences sociales les interrogeaient d’ailleurs, que l’on songe à <em>L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme</em> de Max Weber, ou aux <em>Formes élémentaires de la vie religieuse</em> d’Émile Durkheim.</p>
<p>La définition du concept de spiritualité reste souvent floue et sujette à controverse. Au début des années 2000, un ouvrage collectif propose une <a href="https://books.google.fr/books/about/Handbook_of_Workplace_Spirituality_and_O.html?id=qmbBeAac-acC&redir_esc=y">synthèse de littérature</a> aboutissant à une acception comprenant trois éléments. Il y a la transcendance qui désigne une croyance ou une sensation de connexion aux autres, aux idées, au monde, à une sorte de « super-puissance ». On retrouve aussi une forme de holisme, une idée d’intégration des différents éléments individuels en un tout cohérent, une « symbiose du soi ». Vient enfin l’épanouissement personnel qui passe par la foi en un cheminement dont on a besoin pour grandir.</p>
<p>En France, il faut attendre 2021 pour voir l’apparition d’un premier ouvrage sur le sujet, <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807330290-entrepreneuriat-spiritualite-et-religion"><em>Entrepreneuriat, Spiritualité & Religion</em></a>, dont cette recherche est issue. L’étude que nous avons réalisée tente de dresser un portrait en trois dimensions d’« entrepreneurs spirituels » dans le monde du vin.</p>
<h2>Controverses originelles</h2>
<p>Depuis une dizaine d’années, le monde du vin est en pleine effervescence comme l’illustre le film Wine Calling sur les nouveaux entrepreneurs du vin, sorti en 2018. Le vin biodynamique fait partie de ces nouvelles tendances du vin qui connaissent un développement spectaculaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448535/original/file-20220225-17-18vzcfi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rudolf Steiner, philosophe controversé.</span>
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<p>La filière place au cœur de son activité les enjeux environnementaux, solidaires et éthiques. Le texte fondateur de la biodynamie est l’ouvrage <em>Agriculture. Fondements spirituels de la méthode bio-dynamique</em> publié en 1924 et constitué d’une compilation de notes prises lors de plusieurs conférences du philosophe autrichien Rudolf Steiner.</p>
<p>Celui-ci a notamment développé l’anthroposophie à partir de nombreuses traditions spirituelles et ésotériques : mystique allemande, traditions chrétiennes et philosophies orientales, traditions occultes, astrologiques… Il s’agit, en <a href="https://www.theses.fr/193061627">résumé</a>, d’un « système de savoirs qui s’appuie sur l’analogie et la correspondance entre les phénomènes humains et non humains, pour tenter de concilier la science, l’art et la spiritualité, l’homme moderne et la tradition ésotérique, l’humain et le devenir du monde ».</p>
<p>La chose reste cependant sujette à controverse. Elle se présente comme une science, mais rejette le paradigme de Karl Popper (une théorie est scientifique si elle est réfutable). Autre point sensible, certaines accusations de dérives sectaires ont été formulées notamment au sein du <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/sectes/sommaire.asp">rapport Guyard-Brard sur la situation financière des sectes</a> de 1999. Plus tard, en 2012, une mission interministérielle avait mentionné la médecine anthroposophique dans son guide <a href="https://www.derives-sectes.gouv.fr/missions/actualites/guide-sant%C3%A9-et-d%C3%A9rives-sectaires"><em>Santé et dérives sectaires</em></a>, mention supprimée en 2017 par une cour d’appel administrative.</p>
<h2>Un guide</h2>
<p>Dans le domaine vinicole, l’anthroposophie propose des pratiques alternatives aux pratiques conventionnelles. Les normes de production distinguent principalement le vin conventionnel, le vin bio, le vin en biodynamie et le vin naturel.</p>
<p>Si ce dernier n’a pas de définition précise, il a pour principe fondateur de ne trouver que du raisin dans le produit final. Le vin bio est, lui, réglementé par un cahier des charges européen. Le vin biodynamique fait davantage l’objet de certifications indépendantes. Plus qu’une agriculture biologique, l’idée est de favoriser la biodiversité dans le vignoble, et de respecter plusieurs principes au premier rang desquels on trouve la prise en compte de l’influence des astres. Il repose également sur tout un <em>ethos</em> du vigneron, qui reste fortement marqué de <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2018-2-page-289.htm">syncrétisme</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LVsVkSN0eOQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le premier point commun des vignerons rencontrés dans nos travaux est la rencontre avec un « guide spirituel ». Elle constitue un évènement déclencheur. Une partie importante de ces rencontres se déroule via un support écrit, et notamment les ouvrages de <a href="https://www.decitre.fr/livres/le-vin-du-ciel-a-la-terre-9782869854086.html">Nicolas Joly</a>, vigneron militant pour la biodynamie et fortement inspiré par Steiner. Un agriculteur nous parle de sa démarche de recherche, de son « travail sur le vivant » :</p>
<blockquote>
<p>« Je me suis formé à travers des livres et des conférences. C’est une philosophie, il faut la comprendre, se l’approprier ».</p>
</blockquote>
<p>La rigueur et la difficulté de la démarche sont particulièrement mises en avant et ces travailleurs de la vigne précisent être dans la démarche de se former afin d’affiner leur « compréhension du global ».</p>
<h2>Un projet qui prend corps</h2>
<p>La dimension communautaire de cette quête de connaissance, de sens et de vérité est le deuxième trait commun de ces entrepreneurs. Au-delà d’un engagement individuel, nos résultats montrent en effet la place prépondérante du collectif dans la capacité des vignerons à porter un projet en biodynamie qui prend corps et parvient à durer.</p>
<p>La plupart font partie d’une association où l’accent est porté sur la pratique et l’échange de techniques. Un vigneron nous confie :</p>
<blockquote>
<p>« L’association se réunit deux fois par an pour des groupes de travail, notamment pour les préparations car il y a beaucoup de boulot. Ce sont des passionnés qui font ça… »</p>
</blockquote>
<p>Cette quête de connaissance et de vérité rejoint une dimension spirituelle pour une minorité qui évoque le rôle fondamental de « tout ce qui n’est pas visible, quelque chose en action qui nous échappe complètement ». Ces propos sont tenus sur le mode de la révélation :</p>
<blockquote>
<p>« Il se passe quelque chose… Moi, je trouve mes vins plus élégants… »</p>
</blockquote>
<h2>Ce qui nous échappe</h2>
<p>Car, troisième élément, les vignerons interrogés recherchent l’interconnexion avec le tout. Certains invoquent volontiers les forces de la nature, les « messages » que le vigneron peut envoyer au sol, à la vigne, notamment lors des pulvérisations de préparations, et la nécessité d’avoir une « intention dans le travail » pour être en capacité d’envoyer ces messages. Ils évoquent le rôle fondamental de « tout ce qui n’est pas visible, quelque chose en action qui nous échappe complètement ». Ils se réfèrent volontiers un côté magique, quelque chose qui est là mais que l’on ne peut expliquer.</p>
<p>Comme nous le confie un vigneron, « La biodynamie, c’est à cadeau que l’on fait à la vigne ». Le maître-mot est la maîtrise de l’écosystème :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut des vibrations animales, faire revenir des chauves-souris, refaire venir l’homme plutôt que des machines, que le domaine devienne un lieu de vie… Cela donne plus de sens, on ne peut pas faire autrement. C’est le cycle de la vie. »</p>
</blockquote>
<p>L’objectif de cette recherche était de montrer le lien existant entre spiritualité et projets entrepreneuriaux alternatifs. À travers le cas du vin produit en biodynamie, nous montrons que c’est la rencontre avec une spiritualité qui a converti des vignerons utilisant des méthodes conventionnelles de production aux projets biodynamiques. Et les dimensions de la spiritualité imprègnent les discours de ces nouveaux entrepreneurs. Ceci permet de faire une tentative de caractérisation d’un nouveau profil d’entrepreneur : l’entrepreneur spirituel à la recherche de sens existentiel dans son travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Guide spirituel, communauté de croyances ou encore recherche de transcendance animent les producteurs de vins biodynamiques, au-delà des controverses.Caroline Cintas, enseignant-chercheur en Sciences de gestion-Laboratoire NIMEC-IAE de Rouen-Management-Organisation-Violences-Diversité, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieOlivier Desplebin, Maître de Conférences en sciences de gestion, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751982022-02-24T18:52:10Z2022-02-24T18:52:10ZLes six chantiers prioritaires pour l’avenir de l’agriculture française<p>Avec 77 milliards d’euros de production en valeur pour 2019, la France est la première puissance productrice agricole européenne. Sur 48,5 % du territoire métropolitain, les <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2105/Primeur%202021-5_Recensement-Agricole-2020.pdf">390 000 exploitations agricoles recensées en 2020</a> façonnent les paysages.</p>
<p>En 2022 et dans les années qui viennent, les défis à relever demeurent toutefois nombreux.</p>
<p>L’agriculture française a d’une part un impact négatif sur l’environnement et le climat, étant source d’émissions brutes de gaz à effet de serre non compensées par le carbone stocké dans les sols et les biomasses. Elle ne réussit pas d’autre part à générer un revenu décent à de nombreux agriculteurs, en dépit de soutiens publics importants. Le fossé se creuse également entre agriculteurs et consommateurs, exigeants, mais souvent peu enclins à dépenser davantage pour leur alimentation.</p>
<p>Dans un tel contexte, l’agriculture française doit résolument s’engager sur une autre voie en répondant à six grands défis.</p>
<h2>1. Réduire (enfin) l’usage des pesticides</h2>
<p>Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture « intensive » s’est construite sur la mécanisation et la chimie. Ses impacts négatifs sur la <a href="https://theconversation.com/pesticides-a-quoi-sexposent-ceux-qui-habitent-pres-des-champs-83994">santé des hommes</a> et des écosystèmes sont établis.</p>
<p>Depuis 2008, le gouvernement français porte un plan de réduction massive des produits phytosanitaires, traduction de la directive européenne 2009/128/CE, ambition reprise à l’échelle européenne dans le cadre du Pacte vert. Mais si elle a permis d’accélérer le retrait de certaines molécules parmi les plus préoccupantes et en particulier les CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques), <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-01/20200204-refere-S2019-2659-bilan-plans-ecophyto.pdf">cette initiative n’a pas produit la baisse escomptée</a>.</p>
<p>Les différents plans Ecophyto auront néanmoins permis d’identifier de nombreux axes de progrès :<br>
- les pratiques agroécologiques pour gérer la fertilité des sols et contenir les ravageurs ;<br>
- l’agriculture de précision portée par la géolocalisation et le numérique de façon à augmenter l’efficacité des usages de pesticides (<a href="https://www.inrae.fr/actualites/agriculture-optimiser-doses-dintrants-grace-aux-technologies-numeriques">avec un gain espéré d’environ 10 %</a>) ;<br>
- la sélection variétale orientée sur la résistance génétique des cultures aux maladies, avec de réels progrès déjà enregistrés sur le blé et la <a href="https://www.inrae.fr/actualites/cepages-innovants-ressourcer-vignobles">vigne</a> notamment ;</p>
<ul>
<li>le développement du biocontrôle.</li>
</ul>
<p>Le réseau des <a href="https://ecophytopic.fr/dephy/le-dispositif-dephy-ferme">fermes Dephy</a> mis en place dans le cadre d’Ecophyto montre que de telles évolutions sont possibles. D’autre part, le dispositif du conseil en agriculture, réellement séparé de la vente de produits phytosanitaires, doit être mis au service de la généralisation de ces expérimentations.</p>
<p>Les politiques publiques, notamment la politique agricole commune (PAC), doivent être mobilisées en renforçant la redevance pour pollutions diffuses appliquée aux achats de pesticides, en obligeant les vendeurs de ces produits à participer à l’effort de réduction (par l’offre d’alternatives dans le cadre du dispositif des certificats d’économie de produits phytosanitaires), en rémunérant les agriculteurs pour les efforts importants de réduction (y compris en couvrant la prise de risque) et en soutenant les investissements de matériels permettant de réduire les usages de pesticides.</p>
<h2>2. Diminuer les émissions de gaz à effet de serre agricoles</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1172&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1172&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1172&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448038/original/file-20220223-25-13f86rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les émissions de gaz à effet de serre agricoles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://agriculture.gouv.fr/infographie-le-secteur-agricole-et-forestier-la-fois-emetteur-et-capteur-de-gaz-effet-de-serre">Ministère de l’Agriculture (à partir des données CITEPA)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">D’après le CITEPA</a>, l’agriculture représentait, en 2020, 21 % des émissions françaises de gaz à effet de serre sous forme de méthane CH<sub>4</sub> (45 %), protoxyde d’azote N<sub>2</sub>0 (42 %) et dioxyde de carbone CO<sub>2</sub> (13 %). Ces émissions sont stables (-0,1 % entre 2015 et 2018).</p>
<p>Les émissions de méthane sont directement liées à la taille du cheptel, notamment de bovins chez qui elles sont essentiellement <a href="https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/574-greencow-quantification-des-emissions-individuelles-de-methane-des-bovins.html">produites lors de la digestion de la cellulose des fourrages</a>.</p>
<p>Elles peuvent être légèrement diminuées en modifiant l’alimentation des animaux – grâce notamment à l’incorporation de tourteaux de lin et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405654521001694">d’additifs</a>, dont les effets sont prometteurs, mais restent à confirmer –, en augmentant la productivité des animaux, ce qui permet de réduire leur nombre à production constante, et en réduisant la taille du cheptel dans le cadre de régimes alimentaires des humains moins riches en viande rouge.</p>
<p>Les émissions de N<sub>2</sub>O et de CO<sub>2</sub> seront diminuées en jouant sur les formes et les modalités d’application des engrais, et surtout en utilisant moins d’engrais azotés minéraux et organiques grâce à un <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-une-source-dazote-plus-durable-pour-la-culture-du-ma-s-147096">recours accru aux légumineuses</a> et à une meilleure <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03217087/document">articulation des productions végétales et animales</a> dans les territoires.</p>
<p>Le stockage de carbone dans les sols, promu avec l’<a href="https://www.4p1000.org/fr">initiative 4/1000</a>, a l’avantage additionnel d’améliorer leur fertilité et leur structure. L’agriculture peut aussi contribuer à la <a href="https://theconversation.com/agriculture-et-transition-energetique-les-atouts-du-biogaz-et-de-lagroforesterie-93842">production d’énergie renouvelable</a> sous diverses formes (méthanisation, photovoltaïque, etc.)… à condition qu’il n’y ait pas concurrence avec la production alimentaire et la restitution du carbone au sol.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/linitiative-4-pour-1-000-quest-ce-que-cest-54425">L’initiative « 4 pour 1 000 », qu’est-ce que c’est ?</a>
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</em>
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<hr>
<p>Ces voies de progrès sont au cœur de nombreuses démarches : agriculture de conservation des sols, agriculture du vivant ou régénératrice, permaculture, etc. Ces pratiques sont à encourager par les politiques publiques, selon la même logique que celle appliquée aux pesticides, soit en mobilisant plus strictement les principes émetteur-payeur et stockeur-bénéficiaire.</p>
<h2>3. Assurer le développement de l’agriculture biologique à grande échelle</h2>
<p>Le cahier des charges de l’agriculture biologique (AB) garantit une production sans intrants chimiques, avec des bénéfices sur la qualité des sols, de l’eau et de l’air, la préservation de la biodiversité, et la santé des agriculteurs, des habitants et des consommateurs du fait d’une moindre exposition aux contaminants.</p>
<p>Ses bénéfices nutritionnels comme son impact sur le climat <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/12/17/7012">font toujours l’objet de débats</a>. Si les pratiques de l’AB permettent bien de réduire les émissions de gaz à effet de serre rapportées à l’hectare, ce n’est pas toujours le cas quand elles sont mesurées par unité de produit du fait d’une moindre productivité. Pour la même raison, l’agriculture bio nécessitera davantage de terres pour produire les mêmes quantités de biens.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448040/original/file-20220223-23-h6z4rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des surfaces cultivées en bio en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/">Agence Bio</a></span>
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<p>Ces rendements plus faibles requièrent des prix des produits finaux plus élevés. L’équilibre économique des exploitations en AB a été assuré jusqu’à aujourd’hui par un marché tendanciellement porteur et par des aides, notamment lors de la période de conversion vers l’AB pendant laquelle les produits ne sont pas labellisés.</p>
<p>La poursuite du développement de l’AB nécessite des innovations (sélection variétale, pratiques agronomiques, etc.) pour accroître et stabiliser les rendements. Elle exige aussi que le marché reste dynamique et soit accessible à tous.</p>
<p>Les politiques publiques doivent ainsi favoriser l’accès des plus précaires à l’alimentation biologique, par exemple par un système de chèques alimentaires. L’AB gagnera aussi à ce que les services négatifs de l’agriculture soient plus explicitement pénalisés, et les services positifs récompensés.</p>
<p>Enfin, des changements de régimes alimentaires et la réduction des pertes et gaspillages seront nécessaires, notamment pour limiter les besoins en terres du fait des moindres rendements de l’AB, comme le soulignait en 2018 le <a href="https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/etude/une-europe-agroecologique-en-2050-une-agriculture">scénario TYFA de l’IDDRI</a>.</p>
<h2>4. Adapter l’offre agricole aux nécessaires évolutions des régimes alimentaires</h2>
<p>Des régimes alimentaires trop caloriques et trop déséquilibrés (trop de sucres, de graisses, de sel, de charcuteries et de viandes rouges ; pas assez de protéines et de fibres végétales, de fruits et de légumes) ont des effets négatifs sur la santé, entraînant surpoids, obésité et maladies chroniques.</p>
<p>En France, en 2016, le coût social annuel du surpoids et de l’obésité s’élevait à <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/90846524-d27e-4d18-a4fe-e871c146beba/files/1f8ca101-0cdb-4ccb-95ec-0a01434e1f34">20,4 milliards d’euros</a>, comparable à celui du tabac et supérieur à celui de l’alcool. Pourtant, les politiques nutritionnelles, essentiellement basées sur la norme, les recommandations, l’information et l’étiquetage (Nutri-Score), et très peu sur des mesures fiscales incitatives (taxes ou subventions), restent très modestes.</p>
<iframe width="100%" height="100" src="https://embed.acast.com/anses-zootopique/episode2-toujourscarnivoresdemain-" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;overflow:hidden;"></iframe>
<p>Les changements de régimes alimentaires ne seront pas sans conséquence sur l’offre agricole (et agroalimentaire). Ils impacteront négativement les consommations de produits animaux, baisse à laquelle les producteurs doivent se préparer en compensant la réduction des volumes par une augmentation de la qualité.</p>
<p>Cette perspective est aussi l’occasion de revoir la spécialisation marquée des troupeaux de bovins lait et viande en favorisant des races mixtes, comme la Normande ou l’Aubrac qui valorisent à la fois la production de lait et de viande, et peuvent permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre des bovins.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-la-carte-de-la-france-agricole-168029">Comprendre la carte de la France agricole</a>
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<p>Il convient simultanément d’encourager le développement de filières structurées et compétitives de fruits, de légumes et de protéines végétales. Ces dernières requièrent de travailler la production, la collecte, la transformation (nouvelles recettes), et les habitudes de consommation grâce à l’éducation et à l’information. Plusieurs expérimentations, à l’image de celle du territoire d’innovation <a href="https://www.metropole-dijon.fr/Grands-projets/Un-systeme-alimentaire-durable-pour-2030">« Alimentation durable 2030 » à Dijon</a>, sont prometteuses.</p>
<h2>5. Concilier protection de l’environnement et revenus agricoles</h2>
<p>Les revenus des exploitations agricoles françaises sont très dépendants des soutiens budgétaires de la PAC qui, en 2019, représentaient en moyenne les trois quarts du revenu courant avant impôt.</p>
<p>Cette dépendance est encore plus grande, <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03514845/document">supérieure à 100 %</a>, pour certaines catégories d’exploitations (250 % pour les bovins viande, 136 % pour les bovins viande et lait, 128 % pour les céréales et oléo-protéagineux). Elle rend très difficile toute modification des modalités d’octroi des aides, notamment pour satisfaire des objectifs écologiques, qui mettrait en péril la viabilité économique de nombre d’exploitations.</p>
<p>Le statu quo écologique n’est toutefois plus une option.</p>
<p>Sortir de ce dilemme requiert de renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs pour mieux répartir la valeur (regroupement de l’offre, biens adaptés aux attentes des consommateurs, développement de circuits courts).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"929359899515064320"}"></div></p>
<p>Il exige aussi de développer des sources complémentaires de revenu, en mobilisant ces différents axes : réduire les coûts de production en mobilisant toutes les sources de progrès (génétique, numérique, optimisation de l’usage de la biomasse, innovation ouverte…) ; exploiter le consentement à payer des consommateurs pour des produits issus de systèmes plus respectueux du climat et de l’environnement, et accorder parallèlement aux ménages les plus pauvres des aides leur permettant d’accéder à ces produits ; développer les paiements pour services environnementaux financés par le contribuable, mais aussi l’usager ; limiter les distorsions de concurrence entre agriculteurs de l’espace européen et ceux des pays tiers grâce à l’introduction de mécanismes d’ajustement aux frontières européennes au titre du climat, de l’environnement et de la santé.</p>
<p>Une réflexion plus globale devra d’autre part être engagée quant à l’utilisation des économies réalisées grâce aux dépenses de santé et de dépollution en baisse. Ce seraient plus de <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0070/Temis-0070550/19342.pdf">50 milliards d’euros</a> qui seraient dépensés chaque année en France pour la seule dépollution des eaux en pesticides et nitrates…</p>
<h2>6. Rendre le métier d’agriculteur plus attractif</h2>
<p>En 2019, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717">55 % des agriculteurs français</a> avaient plus de 50 ans. Et quand 10 d’entre eux partent en retraite, <a href="https://agriculture.gouv.fr/actifagri-de-lemploi-lactivite-agricole-determinants-dynamiques-et-trajectoires">7 seulement s’installent</a>. Au vieillissement de cette population s’ajoute donc le non-renouvellement des générations.</p>
<p>Le paradoxe actuel étant qu’une agriculture plus agroécologique <a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-les-pesticides-il-faut-aussi-des-agriculteurs-dans-les-champs-106978?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1547514523">nécessite davantage de main-d’œuvre</a> (pour surveiller plantes et animaux, assurer le désherbage mécanique des cultures, développer des activités de transformation et de vente, etc.), avec des qualifications plus étendues et plus élevées. Ces difficultés ne sont pas propres à la France et se retrouvent, avec des spécificités nationales, dans les différents pays européens.</p>
<p>Selon le <a href="https://www.eesc.europa.eu/en/our-work/opinions-information-reports/information-reports/evaluation-impact-cap-generational-renewal">Comité économique et social européen</a>, plusieurs facteurs défavorables expliquent cette double spirale négative : les écarts de revenu entre l’agriculture et les autres secteurs d’activité ; la charge administrative d’accès aux aides de la PAC ; des normes européennes plus contraignantes que dans la plupart des autres pays ; des difficultés de trésorerie, de financement des investissements et d’accès au foncier ; la faiblesse des retraites agricoles ; et des contraintes liées à la vie en milieu rural (accès plus difficile aux services publics et privés).</p>
<p>Les leviers d’action devront combiner politiques sociale, foncière, agricole et territoriale. La revalorisation des retraites et leur conditionnement à la transmission du foncier à des entrants limitera la rétention des terres par les plus âgés.</p>
<p>Une politique foncière efficace ciblera deux objectifs : la protection vis-à-vis de l’artificialisation des terres et leur accès en priorité aux actifs agricoles.</p>
<p>Au-delà de sa mission productive, une refonte du métier pourrait être menée en inscrivant l’exploitation agricole dans une dynamique d’entreprise à mission qui redéfinirait le contrat social qui lie la société à ses agriculteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175198/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Guyomard a reçu des financements de la Caisse des Dépôts - Banque des Territoires, des Conseils régionaux de Bretagne, de Normandie et des Pays de la Loire, d'InVivo, du Parlement européen et de la Commission européenne. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Reboud a reçu des financements de l'OFB dans le cadre de travaux conduits sur Ecophyto</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christian Huyghe et Cécile Détang-Dessendre ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Réduire les pesticides et les gaz à effet de serre, développer l’offre bio et une alimentation saine, soutenir les revenus et carrières des agriculteurs et agricultrices, les défis sont nombreux.Cécile Détang-Dessendre, Directrice de recherche en économie, InraeChristian Huyghe, Directeur scientifique pour l’agriculture, InraeHervé Guyomard, Chercheur, InraeXavier Reboud, Chercheur en agroécologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1703512021-12-07T21:25:02Z2021-12-07T21:25:02ZL’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435885/original/file-20211206-17-5roh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avoir accès à l’extérieur, une des composantes essentielles du bien-être animal. </span> <span class="attribution"><span class="source">Caroline Hommet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 30 juin 2021, la Commission européenne a répondu favorablement aux 1,4 million de citoyens ayant signé l’initiative citoyenne européenne (ICE) <a href="https://www.endthecageage.eu/">« End the Cage Age »</a>, en annonçant qu’elle proposerait d’ici à 2023 une proposition législative visant à interdire l’élevage des animaux en cages. Cette nouvelle constitue une avancée considérable pour ces animaux dont la liberté de mouvement et les contacts sociaux sont limités.</p>
<p>À l’échelle de l’Union européenne (UE), où les États doivent tenir compte du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, plusieurs textes établissent déjà des normes de protection des animaux d’élevage.</p>
<p>On parle de <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2016SA0288.pdf">« bien-être »</a> lorsqu’un animal est en bonne santé (physique et mentale) et a la possibilité d’exprimer des comportements naturels qui correspondent à ses besoins et à ses attentes.</p>
<p>Mais ces textes sont encore insuffisants et ne garantissent pas le bien-être des animaux. Par exemple, les éleveurs ne sont pas contraints de fournir un accès à l’extérieur à leurs animaux (ce qui ne les empêche pas toutefois de le faire s’ils le souhaitent).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1052905794432327680"}"></div></p>
<p>Pour l’agriculture biologique, des <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848">règles spécifiques</a> viennent s’ajouter aux règles minimales de protection – là encore, les éleveurs bio peuvent aller au-delà et adopter proactivement des pratiques vertueuses pour leurs animaux. « Contribuer à des normes élevées en matière de bien-être animal » constitue un des objectifs de l’agriculture bio, la garantie d’un meilleur bien-être des animaux étant d’ailleurs l’une des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/cb.210">motivations pour la consommation de produits biologiques</a>.</p>
<p>Pour autant, la réglementation applicable à la production bio permet-elle de garantir un niveau optimal de bien-être animal ?</p>
<p>Sur de nombreux aspects, celle-ci promeut, même si ce n’est pas optimal, un <a href="https://doi.org/10.3390/ani10101786">meilleur bien-être</a> des animaux en comparaison avec le droit applicable aux élevages conventionnels.</p>
<h2>Un environnement plus naturel</h2>
<p>L’accès à l’extérieur représente sans doute l’une des avancées les plus significatives du bio en faveur d’un meilleur bien-être animal. Dans de nombreux élevages, les animaux n’ont en effet plus accès à l’extérieur et passent leur vie dans des bâtiments, les empêchant d’exprimer certains comportements naturels, comme celui de pâturer pour les vaches laitières. Or ces dernières expriment une très nette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030209706861">préférence</a> ainsi qu’une très forte <a href="https://www.nature.com/articles/srep44953">motivation</a> pour accéder au pâturage.</p>
<p>Contrairement aux élevages conventionnels, à qui rien n’est imposé à ce sujet, les élevages bio doivent prévoir un accès à l’extérieur pour leurs animaux dès que les conditions le permettent. Cet espace extérieur doit en outre répondre à certaines conditions qui varient selon les espèces – l’accès à un plan d’eau pour les oiseaux aquatiques, l’accès à un abri ou à un endroit ombragé pour les animaux terrestres.</p>
<h2>Isolement, attache et élevage en cage interdits</h2>
<p>Alors que l’élevage en cage reste autorisé dans l’élevage conventionnel, il est interdit dans les fermes bio européennes. Il s’agit d’une avancée notable pour de nombreux animaux, notamment les volailles. En France, bien que le nombre de poules pondeuses en cages ait fortement diminué ces dernières années, un <a href="https://oeuf-info.fr/infos-filiere/les-chiffres-cles/">tiers</a> d’entre elles sont toujours élevées dans ces conditions.</p>
<p>Les systèmes dits <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/dec/08/its-medieval-why-some-cows-are-still-living-most-of-their-lives-tied-up">« à l’attache »</a> sont courants dans certains États de l’Union, notamment en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3674972/">Suède et en Allemagne</a>. Cette pratique, qui restreint considérablement la liberté de mouvement des animaux, est interdite en bio.</p>
<p>Des exceptions sont toutefois prévues, mais elles demeurent limitées : dans certains élevages (notamment dans les zones montagneuses), l’attache des animaux reste possible si les animaux ont un accès régulier à l’extérieur.</p>
<p>Une autre exception concerne la liberté de mouvement des truies. Dans les élevages conventionnels, les truies sont généralement maintenues dans des cages dans lesquelles elles peuvent seulement se lever et se coucher pendant de longues périodes (entre huit et dix semaines par cycle de reproduction).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans les élevages conventionnels, les truies sont en général maintenues dans des cages pendant les quatre premières semaines de gestation, comme sur cette photo, la semaine qui précède la mise bas ainsi que la période d’allaitement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://stock.weanimalsmedia.org/search/?searchQuery=@Area%20of%20focus:Animals%20Used%20For%20Food/">We Animals Media</a></span>
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</figure>
<p>En bio, la contention des truies n’est possible que sur une courte période (huit jours autour de la mise bas dans les élevages <a href="https://www.inao.gouv.fr/content/download/1352/13877/version/18/file/GUIDE-de-LECTURE-RCE-BIO%202020-01.pdf">français</a>). C’est une amélioration considérable, même s’il est regrettable que l’utilisation de ces cages ne soit pas simplement interdite.</p>
<p>Isoler les animaux est une autre pratique par principe interdite en bio, mais qui peut être autorisée dans certains cas pour une durée limitée.</p>
<p>L’isolement social peut sérieusement compromettre le développement de jeunes animaux comme les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26874423/">veaux</a>, qui sont généralement logés individuellement après la naissance. En bio, ils ne pourront rester qu’une semaine seuls alors que cet isolement peut durer jusqu’à huit semaines dans les élevages conventionnels. La différence est de taille puisque les contacts sociaux sont importants pour ces animaux.</p>
<p>Dans une récente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666910221001654">étude</a>, des chercheurs ont montré que des veaux logés individuellement étaient motivés pour rejoindre leurs congénères (leur motivation a été mesurée en comparant le poids maximal et la fréquence à laquelle les veaux poussaient une porte lestée pour accéder soit à une case avec un autre veau soit à une case vide).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/36NEGndz0Xg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Vers l’élimination des mutilations physiques ?</h2>
<p>La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848">réglementation bio</a> entend également limiter les mutilations physiques.</p>
<p>En dehors de la castration, autorisée « pour assurer la qualité des produits et maintenir les pratiques traditionnelles », les mutilations comme la coupe de queue des ovins, l’épointage du bec des volailles ou encore l’écornage des veaux, ne sont autorisées qu’« à titre exceptionnel », « au cas par cas et uniquement lorsque ces pratiques améliorent la santé, le bien-être ou l’hygiène des animaux ou lorsque la sécurité des travailleurs est compromise ».</p>
<p>Pourtant, certaines de ces mutilations demeurent fréquentes dans les faits. C’est le cas notamment de l’écornage, les vaches ayant conservé leurs cornes étant considérées comme plus dangereuses pour les éleveurs.</p>
<p>Afin de réduire au minimum la souffrance des animaux lors de ces mutilations, il est obligatoire en bio d’anesthésier l’animal et/ou de lui donner des antidouleurs, ce qui va dans le bon sens puisque de telles mutilations sont encore trop souvent réalisées sans aucune prise en charge de la douleur.</p>
<p>Le législateur aurait pu aller plus loin en imposant l’administration d’un anesthésique et d’un antidouleur, comme le recommandent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030218302479?via%3Dihub">études</a> notamment pour l’écornage. Surtout, il aurait pu encadrer davantage le recours à ces pratiques voire les interdire.</p>
<h2>Des contrôles plus fréquents</h2>
<p>Les règles spécifiques prévues pour l’élevage bio contiennent des avancées significatives pour améliorer la vie des animaux d’élevage. Leur respect par les éleveurs s’avère également régulièrement contrôlé, ce qui n’est pas le cas des élevages conventionnels, rarement <a href="https://orca.cardiff.ac.uk/101727/8/M%20Miele%202017%20implementation%20of%20the%20european%20postprint.pdf">inspectés</a>.</p>
<p>La France, comme la <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s40100-020-00171-3/figures/1">plupart</a> des États de l’Union européenne, a confié le contrôle des fermes bio à des organismes privés indépendants. Les élevages bio français doivent en effet être inspectés au moins une fois par an par un des organismes certificateurs agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité (établissement public rattaché au ministère de l’Agriculture) et le Comité français d’accréditation. Cette inspection annuelle peut être complétée par des contrôles inopinés.</p>
<h2>Fin de vie : un manque d’ambition !</h2>
<p>Alors que les règles portant sur les conditions d’élevage des animaux sont nombreuses en bio, celles sur leur fin de vie – c’est-à-dire lorsqu’ils quittent la ferme pour être transportés puis abattus – sont bien plus limitées. Face au transport et à l’abattage, les animaux sont – à quelques exceptions près – confrontées aux mêmes difficultés, qu’ils viennent d’élevages bio ou non.</p>
<p>Une différence – notable – concerne l’étourdissement. Pour qu’un produit d’origine animale puisse porter le logo bio, il faut que l’animal ait été étourdi avant d’être abattu. C’est la Cour de justice de l’UE, sous l’impulsion de l’<a href="https://oaba.fr/bio-halal-abattage-des-animaux-sans-etourdissement-incompatible-avec-le-bio/">association OABA</a>, qui a apporté cette précision début 2019.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1125679004445564928"}"></div></p>
<p>Une telle évolution va dans le sens d’une meilleure protection de l’animal au moment de l’abattage dans la mesure où l’étourdissement vise à provoquer une perte de conscience et de sensibilité avant la mise à mort.</p>
<p>Il est regrettable que rien (ou presque) n’ait été prévu pour le transport. La réglementation encadrant le transport des animaux – qui s’applique donc aussi aux animaux issus d’élevages bio – est insuffisante et fait l’objet de vives critiques, y compris de la part des <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20190207IPR25224/les-etats-membres-doivent-mieux-proteger-les-animaux-durant-le-transport">institutions</a>.</p>
<p>Si, en principe, les animaux ne peuvent être transportés plus de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32005R0001">huit heures</a>, cette durée peut être prolongée. En réalité, seuls des temps de transport avant une pause ou un déchargement sont prévus, mais les textes ne fixent <a href="http://www.cantal.gouv.fr/IMG/pdf/Document1_cle0637bf.pdf">aucune durée maximale</a> de transport pour l’ensemble du voyage.</p>
<p>Ainsi, un porc peut par exemple passer vingt-quatre heures dans un camion avant d’en sortir, non pas définitivement mais pour une période de « repos » de vingt-quatre heures, avant de repartir (et ainsi de suite).</p>
<p>Parce que le transport – a fortiori de longue durée – met rudement à l’épreuve le bien-être des animaux, on ne peut que déplorer l’insuffisance des règles en la matière, notamment de la réglementation bio qui affiche pourtant sa volonté de limiter au maximum la souffrance des animaux.</p>
<p>On le voit, si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit néanmoins un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02289635/document">« mieux-être animal »</a> qui pourrait servir d’exemple pour améliorer la condition de tous les animaux d’élevage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eugénie Duval est adhérente et actionnaire solidaire de l’association Terre de Liens dont les principales missions sont d’aider les agriculteurs à s’installer en participant à l’achat du foncier agricole et de développer l’agriculture biologique et paysanne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Lecorps ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit toutefois des conditions de « mieux-être » au regard des pratiques instaurées dans les élevages conventionnels.Eugénie Duval, Docteure en droit public, Visiting Scientist (Animal Welfare Program, University of British Columbia), membre associée au Centre de recherche sur les droits fondamentaux et les évolutions du droit, Université de Caen NormandieBenjamin Lecorps, Docteur en biologie animale appliquée, post-doctorant, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1694702021-10-13T11:56:05Z2021-10-13T11:56:05ZLoin de « l’éternel paysan », la figure très paradoxale de l’agriculteur français<p>Au carrefour d’injonctions et de projets sociaux contradictoires, la figure de l’agriculteur ne peut-être que paradoxale. Les agriculteurs sont autant parlés qu’ils ne parlent. L’imaginaire fleurit au gré du pouvoir et des intérêts des groupes sociaux et des politiques qui énoncent ce que sont ou doivent être les agriculteurs. </p>
<p>Certains stéréotypes ont la vie dure, parce que les <a href="https://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=5532667">images sociales</a> qui y sont associées ont des fonctions renouvelées. Alors même que l’agriculture a été tant de fois révolutionnée depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, la littérature, la <a href="https://histoire-image.org/fr/etudes/paysan-entre-histoire">peinture</a>, les émissions télé, la <a href="http://www.theses.fr/2018TOU20067">fiction</a> et aujourd’hui le <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/agriculture-et-economie-des-champs-34-portraits-dagriculteurs">documentaire</a> ne cessent de reprendre la figure de l’éternel paysan, de Zola à Depardon. Mais il convient de la différencier chronologiquement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LN1SfVOw55s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Raymond Depardon évoque son ouvrage « Rural » paru en 2020 (Fondation Cartier, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Inclassables agriculteurs</h2>
<p>Les paysans ont longtemps été compris comme séparés, inclassables sur l’axe séparant capital et travail. Ni bourgeois, ni prolétaire, détenteur de ses moyens de production mais n’exploitant finalement que lui-même et/ou sa famille, l’agriculteur résiste à la polarisation sociale du capitalisme. En conséquence, la sociologie échoue depuis longtemps <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1975_num_1_4_3422">à classer les agriculteurs</a>.</p>
<p>On peut étendre la difficulté au-delà de la position dans les rapports de production puisque les agriculteurs seraient aussi, comme <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">l’écrivait Pierre Bourdieu</a>, une </p>
<blockquote>
<p>« population totalement étrangère à la culture légitime et même, pour l’essentiel, à la culture moyenne ».</p>
</blockquote>
<p>Population dépossédée d’elle-même dans la production de son image sociale, les agriculteurs se plient dans cette perspective à une image définie par les dominants sur eux-mêmes. Le mot même de paysan peut alors fonctionner comme une insulte, signifiant à la fois la maladresse, l’inculture, le corps lourd et finalement l’inadaptation à la société urbaine. C’est tout le propos de la <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1977_num_17_1_2572">« classe objet »</a> de Pierre Bourdieu, pour qui</p>
<blockquote>
<p>« la folklorisation, qui met la paysannerie au musée et qui convertit les derniers paysans en gardiens d’une nature transformée en paysage pour citadins, est l’accompagnement nécessaire de la dépossession et de l’expulsion ».</p>
</blockquote>
<p>En ce sens, l’ethnologie muséographique n’est que l’instrument pour la construction d’une image paysanne au goût de la bourgeoisie entérinant la position de dominés des agriculteurs.</p>
<h2>« Paysan », un mot requalifié</h2>
<p>Avec la disparition même de la condition paysanne, cet état de fait des années 1960 et 1970 a été réinventé à l’aune d’intérêts économiques et politiques, renversant la signification du mot paysan.</p>
<p>L’univers paysan ou vigneron est aujourd’hui abondamment utilisé dans l’industrie du luxe alimentaire, du fromage au lait cru jusqu’aux <a href="https://www.belin-editeur.com/la-bourgogne-et-ses-vins">vins fins</a>, mettant en scène le régional, l’authentique, le simple, comme garant du bon dans un système d’opposition construit depuis le régionalisme culturel et la <a href="https://www.abebooks.fr/9782746712188/Voyages-gastronomies-Linvention-capitales-r%C3%A9gions-2746712180/plp">gastronomie régionale</a> contre les produits sophistiqués et artificiels.</p>
<p>De même, le sociologue Jean-Claude Chamboredon avait tôt signalé, notamment dans le <a href="https://www.presses.ens.fr/462-actes-de-la-recherche-a-l-ens_territoires.html">cas de la Provence</a>, le lien entre désindustrialisation, empaysannement des populations, ensauvagement des paysages et développement de l’industrie touristique.</p>
<p>Ou encore, le syndicalisme agricole alternatif requalifie aujourd’hui le mot de paysan, renversant le stigmate, pour justement en faire le garant d’une production à taille humaine, <a href="http://www.theses.fr/2015EHES0124">contre la mondialisation et la dépendance au capitalisme alimentaire</a>.</p>
<p>Ainsi, une grande partie de l’univers paysan est aujourd’hui l’objet d’un marketing positif, autant commercial que politique, et qui du <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2003-3-page-435.htm">vin de vigneron</a> au <a href="https://journals.openedition.org/labyrinthe/212">retour du bon pain</a> jusqu’au <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2012-1-page-207.htm?contenu=resume">producteur bio en AMAP</a> se plaît à mettre en avant l’opposition à l’industrie, à l’exploitation et au capitalisme, faisant du paysan un nouvel acteur moderne de la réinvention productive, une esthétique presque naturelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kOEDZWVZKKY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Saint-Nazaire et le maraîchage bio (Saint-Nazaire et Agglomération/Youtube, 2019).</span></figcaption>
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<h2>La critique sociale du productivisme</h2>
<p>Ce stéréotype paysan pluriel est pourtant loin d’épuiser les représentations communes des mondes agricoles, marquées par des institutions aux enjeux divers. Cela est particulièrement vrai du côté des politiques publiques qui ont tout changé de leurs injonctions en quelques décennies.</p>
<p>Alors même qu’il s’agissait, des années 1960 au début des années 2000, de précipiter l’abandon des petites exploitations pour la concentration foncière et le développement productiviste armé par la science et les techniques – transformant les paysans en agriculteurs modernes au prix d’une réduction drastique de leur nombre, en 1962 la part des agriculteurs exploitants dans l’emploi <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283207">était de 16 %</a> , en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717">2019, elle n’est plus que de 1,5 %</a> –, il convient désormais d’emprunter un tout autre chemin, pour transformer les agriculteurs en autant de gardiens de la planète par <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-agroecologie-165114">l’agroécologie</a>.</p>
<p>Une somme de représentations est donc venue se greffer sur ces enjeux, allant de la critique sociale du modèle productiviste et de <a href="https://www.decitre.fr/livres/reprendre-la-terre-agriculture-et-critique-sociale-9791092726442.html">l’agriculture capitaliste la plus concentrée</a> – une agriculture industrielle de la démesure et polluante, générant maladie pour les êtres humains et destruction de la biodiversité –, jusqu’à la critique de l’assistanat pour ces entrepreneurs aux marchés insuffisants pour soutenir leur activité sans l’aide de la puissance publique.</p>
<p>Cette <a href="https://journals.openedition.org/etudesrurales/11195#xd_co_f=MWNiYmFjODAtZTkwOS00ZTRkLWFlNjAtMDY1MmM0NjVhNDhl%7E">image médiatique contemporaine</a> d’entrepreneurs pollueurs et assistés a remplacé celle des paysans modernisés des années 1970 et fonctionne comme une blessure d’orgueil pour ces capitalistes inachevés, ces champions déchus du productivisme, toujours dépendants des politiques publiques, contraints à la <a href="http://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/lembourgeoisement-une-enquete-chez-les-cerealiers/">diversification entrepreneuriale</a>.</p>
<h2>Misérabilisme syndical</h2>
<p>Cette diffraction de l’image sociale des agriculteurs est aussi le produit de stratégies syndicales. On peut même parler d’un « misérabilisme syndical » comme stratégie de communication tant le discours sur la pauvreté, l’<em>agribashing</em>, la faiblesse des revenus ou encore le sur-suicide des agriculteurs est reproduit <a href="https://www2.dijon.inrae.fr/cesaer/membres/nicolas-deffontaines/">sciemment</a> pour soutenir des revendications.</p>
<p>Ainsi, paradoxalement, les discours les plus positifs sur l’agriculture et les agriculteurs sont <a href="https://theconversation.com/vers-un-tournant-rural-en-france-151490">construits par de nouveaux entrants</a> qui essayent de réinventer le monde dans les campagnes. Accueillir le peuple des doux rêveurs n’est pas neuf pour l’agriculture. Les néoruraux ont tenté, dès les années 1970, une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1984_num_25_2_3807">réinvention alternative</a> de la vie sociale dont la fonction nourricière de l’agriculture était un des pivots à cette autonomie anti-institutionnelle.</p>
<h2>Le projet agricole comme un renversement de l’ordre social</h2>
<p>Aujourd’hui, le développement de projets alternatifs en agriculture ne cesse de gagner du terrain : pour s’installer, comme le font des enfants de la bourgeoisie urbaine au sein des AMAP, et maintenir ainsi leurs dispositions sociales en se faisant les <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2014-4-page-51.htm">producteurs agricoles</a> de cette même bourgeoisie.</p>
<p>Ou encore pour se faire salariés agricoles, comme ces bergers très diplômés qui voient dans un métier <a href="http://www.theses.fr/s226755">au cœur des alpages</a> un renversement de l’ordre social, un <em>great job</em> à l’opposé des métiers parasitaires que sont les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bullshit_jobs"><em>bullshit jobs</em></a> de la finance.</p>
<p>Aussi surprenant que cela puisse paraître pour le sociologue particulièrement affûté des hiérarchies sociales, certains docteurs en sciences sociales préféreront aujourd’hui s’installer agriculteur que devenir chercheur.</p>
<p>L’agriculture, par sa matérialité, par le mythe de l’indépendance, par la relation à la nature, continue de donner un sens concret à l’activité, et en cela, garde un fort pouvoir d’attraction et d’espoir social.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Laferté ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ni bourgeois, ni prolétaire, détenteur de ses moyens de production mais n’exploitant finalement que lui-même et/ou sa famille, l’agriculteur résiste à la polarisation sociale du capitalisme.Gilles Laferté, Directeur de recherche en sociologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1620652021-09-21T19:30:45Z2021-09-21T19:30:45ZLa disponibilité en azote, enjeu crucial pour le futur de l’agriculture bio<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404841/original/file-20210607-80132-1nnptvo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’azote est un élément minéral indispensable à la croissance de tout être vivant que les plantes prélèvent dans le sol. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/sprouting-field-maizecorn-commonly-silaged-used-276388052">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’agriculture biologique, qui bannit les engrais et pesticides de synthèse, pourra-t-elle nourrir la planète ?</p>
<p>Cette vaste et épineuse question agite depuis des années la communauté scientifique ainsi que les mouvements militants paysans et écologistes. Elle polarise une partie des débats politiques relatifs à l’agriculture et suscite un intérêt bien compris de la part des industriels de l’alimentation.</p>
<p>Poser cette question a du sens dans le contexte de l’anthropocène. Mais elle est aussi trop vaste, car elle génère une série de questionnements sur la qualité des produits alimentaires, leur accessibilité logistique et économique, les régimes alimentaires à base de produits bio, la durabilité à long terme des systèmes agricoles biologiques, etc.</p>
<p>Il faut donc accepter de considérer cette question en observant ses différentes facettes. Il s’agit en particulier de s’intéresser à la capacité productive de l’agriculture biologique (AB) et aux facteurs qui la soutiennent.</p>
<p>Pour traiter cette question – et sortir des idées toutes faites et des débats sans fond – il faut « atterrir » un peu, pour reprendre <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/la-nuit-revee-de-jerome-bel-1011-matieres-a-penser-ou-atterrir-avec-bruno-latour-1ere-diffusion">l’image employée par le philosophe Bruno Latour</a>, et considérer les systèmes agricoles, leurs métabolismes et leurs sols ; c’est ce que nous offre le cas de l’azote.</p>
<h2>La révolution des engrais azotés</h2>
<p>L’azote est un élément minéral indispensable à la croissance de tout être vivant, constitutif de nos protéines, que les plantes prélèvent dans le sol.</p>
<p>Depuis presque deux siècles et les travaux de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Justus_von_Liebig">von Liebig</a>, les agronomes savent que l’apport d’azote aux parcelles agricoles permet de fertiliser les sols et de stimuler la production des cultures.</p>
<p>Fondés sur cette découverte scientifique, les travaux de Fritz Haber ont permis la <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo325">synthèse industrielle des engrais azotés</a> à partir de l’azote de l’air, qui compose 80 % de notre atmosphère. Cette révolution technologique a permis la production massive et à bas coûts d’engrais azotés.</p>
<p>On connaît la suite : utilisation tout aussi massive d’engrais azotés dans les champs, qui a permis l’explosion de la productivité des cultures, mais a aussi généré une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/04/08/pollution-la-face-cachee-des-engrais-azotes_6075943_3244.html">cascade d’effets environnementaux</a> délétères – émission de gaz à effet de serre, pollution atmosphérique et aquatique.</p>
<p>C’est ici que l’agriculture biologique s’inscrit en contrepoint. Cette dernière n’autorise en effet pas l’utilisation des engrais de synthèse – que l’on appelle encore minéraux ou chimiques, ces termes étant synonymes.</p>
<h2>Légumineuses, fumiers et recyclage</h2>
<p>Sans recours aux engrais azotés, l’agriculture biologique ne peut compter que sur trois sources pour s’approvisionner en azote.</p>
<p>La première mobilise la fixation biologique que réalisent les légumineuses. On désigne ainsi les plantes de la famille des Fabacées, utilisées comme fourrage pour les animaux (luzernes, trèfles, vesces, sainfoin…) ou pour la production de graines à destination de l’alimentation humaine (pois, haricots, lentilles…).</p>
<p>Ces plantes fabuleuses ont la capacité à s’associer au creux de leurs racines avec des bactéries du genre Rhizobium capable de fixer l’azote si abondant dans l’air et de l’incorporer dans la biomasse des plantes. Une fois récoltées, ces légumineuses laissent donc au sol des résidus riches en azote, venant fertiliser le sol pour les cultures suivantes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les engrais verts en viticulture (IFVSudOuest, 2013).</span></figcaption>
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<p>La seconde source mobilise les animaux d’élevage qui produisent des fumiers riches en azote que l’on peut épandre sur les sols. À noter toutefois que les animaux ne produisent pas de l’azote : ils prélèvent et consomment des fourrages qui contiennent de l’azote (notamment les ruminants tels que les vaches, moutons et chèvres qui pâturent des prairies), concentrent cet azote dans les fumiers et permettent ainsi de déplacer cet élément fertilisant vers les terres arables. Un service que rendent ces animaux d’élevage consiste donc à organiser les flux de fertilité dans les systèmes agricoles.</p>
<p>Enfin, la troisième source consiste à recycler l’azote qui circule dans nos effluents urbains, nos composts, nos boues de station d’épuration pour les épandre sur les sols agricoles. Trop contaminées, trop sujettes à polémiques, ces sources urbaines ne sont pour l’instant pas autorisées par la réglementation de l’AB.</p>
<p>Ne restent donc que les légumineuses et les fumiers d’élevage pour fertiliser les sols en bio.</p>
<h2>Le risque de la raréfaction des ressources en azote</h2>
<p>Ces deux sources ne sont toutefois pas infinies ; elles sont même rares. Il paraît difficile de mettre des légumineuses partout et, si les rotations culturales biologiques accordent une part belle à ces cultures, il faut bien aussi y insérer des céréales, des oléagineux et d’autres espèces végétales.</p>
<p>D’autre part, les animaux d’élevage ne peuvent produire des fumiers que si on leur donne des fourrages ou des grains à consommer, ce qui génère une forme de compétition pour l’espace – faut-il privilégier la mise en culture de fourrages ou de céréales ? – et pour les grains produits – faut-il donner à manger les céréales produites aux cochons ou aux humains ?</p>
<p>Dans ces conditions, il est possible qu’une généralisation de l’AB entraîne une raréfaction des ressources fertilisantes en azote, ce qui peut aboutir à une baisse de productivité des cultures. Cette baisse de productivité peut, en retour, inciter à privilégier l’utilisation des produits végétaux pour l’alimentation des humains plutôt que celle des animaux d’élevage… au détriment de la production de fumier, pourtant facteur de production clé des systèmes en AB. On devine le cercle vicieux qui peut s’installer.</p>
<h2>Développement de la bio et cycle de l’azote</h2>
<p>C’est cette question que nous avons voulu explorer. Dans une étude internationale publiée en mai 2021 dans la revue <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-021-00276-y"><em>Nature Food</em></a>, nous nous sommes demandé quels pourraient être les effets du développement de l’AB à l’échelle mondiale sur le cycle de l’azote, la capacité à fertiliser les sols et les effets associés sur le rendement des cultures biologiques.</p>
<p>Nous avons pour cela développé un modèle qui simule les flux d’azote entrant et sortant des sols, pour estimer l’effet de ces flux d’azote sur la fertilité des sols et donner au final une approximation de la production des cultures. Un modèle dans lequel on retrouve des légumineuses, des céréales, des prairies et des fourrages, ainsi que des animaux d’élevage et du fumier.</p>
<p>La principale conclusion de <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-021-00276-y">nos travaux</a> est qu’une généralisation de l’AB sur 100 % des terres agricoles à l’échelle mondiale aboutirait à une forte carence en azote, elle-même responsable d’une perte de production alimentaire de l’ordre de 35 % par rapport à la situation actuelle, bien au-dessous de ce qui est nécessaire pour alimenter la population mondiale. C’est le verre à moitié vide.</p>
<h2>Redistribuer les zones d’élevage, moins gaspiller</h2>
<p>Mais nous montrons aussi que le verre peut être vu à moitié plein.</p>
<p>En effet, sous certaines conditions, il est possible d’atteindre 40 à 60 % de la surface agricole mondiale conduite en AB tout en fournissant une alimentation suffisante pour 7 milliards d’êtres humains. Ces conditions sont d’ordre agricole et alimentaire.</p>
<p>Du côté des conditions agricoles, il est absolument nécessaire de revoir radicalement nos systèmes d’élevage en diminuant légèrement le nombre d’animaux, mais surtout en réduisant drastiquement la part des monogastriques (cochons et volailles) au profit des ruminants (vaches, mais surtout chèvres et moutons).</p>
<p>La raison sous-jacente est que les monogastriques sont alimentés principalement avec des céréales ; de ce fait, ils sont des compétiteurs directs des humains pour ces céréales qu’ils transforment en produits alimentaires (viande et œufs) ; avec une efficacité modeste puisqu’il faut <a href="https://bioone.org/journals/ambio-a-journal-of-the-human-environment/volume-31/issue-2/0044-7447-31.2.126/Nitrogen-and-Food-Production-Proteins-for-Human-Diets/10.1579/0044-7447-31.2.126.full">au moins cinq calories de céréales</a> pour produire une calorie sous forme de viande ou d’œufs. À l’inverse, les ruminants, en pâturant sur des prairies, aident à structurer les flux d’azote dans les systèmes agricoles, comme nous l’avons déjà évoqué.</p>
<p>De telles modifications doivent s’accompagner d’une redistribution spatiale de l’élevage, en déconcentrant les régions où l’élevage est trop intensif et en réintroduisant l’élevage dans les régions où il a disparu, de sorte à recréer de la circularité entre cultures et élevages.</p>
<p>Donc moins d’élevage, et des élevages plus agroécologiques, mais pas une disparition complète des animaux d’élevage.</p>
<p>Du côté des conditions alimentaires, nous devons réduire radicalement nos pertes et gaspillages, qui représentent aujourd’hui <a href="https://www.unep.org/resources/report/unep-food-waste-index-report-2021">environ 30 % de la production agricole mondiale</a> et nous devons rééquilibrer notre consommation alimentaire pour la faire tendre vers 2200 kcal/jour – contre environ 3000 kcal/jour en Europe et Amérique du Nord, et beaucoup moins dans les pays en développement.</p>
<h2>Toujours plus de légumineuses dans les champs</h2>
<p>La nouveauté apportée par ce travail de simulation agronomique est qu’il tient compte explicitement des flux d’azote qui circulent dans les systèmes agricoles.</p>
<p>En ce sens, il prolonge des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w">travaux antérieurs</a> qui avaient cherché à estimer les conséquences pour la production agricole d’un développement de l’agriculture bio à l’échelle mondiale, mais qui n’avait pas tenu compte du rôle essentiel que joue l’azote dans les systèmes biologiques et pour la productivité des cultures.</p>
<p>Différentes pistes doivent désormais être étudiées : elles consistent notamment à explorer une plus forte insertion des légumineuses dans les systèmes en AB, soit comme cultures principales, soit comme cultures associées, intermédiaires ou agroforestières.</p>
<p>Et il sera bien sûr essentiel d’estimer les conséquences économiques pour les agriculteurs et pour les consommateurs des scénarios agricoles et alimentaires ainsi dessinés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>N’ayant pas recours aux engrais azotés, l’agriculture biologique ne dispose que de sources limitées pour s’approvisionner en azote et soutenir la production de ses cultures.Thomas Nesme, Professeur d'agronomie à Bordeaux Sciences Agro, InraePietro Barbieri, Maître de conférences en agronomie (Bordeaux Sciences Agro), InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1651142021-07-29T17:14:16Z2021-07-29T17:14:16Z« Les mots de la science » : A comme agroécologie<p>Anthropocène, intersectionnalité, décroissance… Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais parfois, nous utilisons ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans les Mots de la Science, on revient donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.</p>
<p>L’épisode du jour est dédié à l’<strong>agroécologie</strong>. Ce mot clé désigne une agriculture qui se veut respectueuse de la terre, qui prend en compte les connaissances et défis écologiques et s’éloigne du modèle conventionnel et industriel.</p>
<p>Cet épisode des Mots de la science va donc moins s’attarder sur le sens du mot que sur le travail mal connu mené par des chercheurs main dans la main avec des agriculteurs et acteurs de terrain pour élaborer cette agriculture plus saine. L'agroécologie est ainsi au coeur de recherches-actions collaboratives. </p>
<p>L'agronome Laurent Hazard nous emmène dans les coulisses de ce travail de recherche. Directeur de recherche à l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’alimentation et l’Environnement), à Toulouse, spécialiste de la transition agroécologique et de l’accompagnement des agriculteurs en la matière, lui et son équipe conçoivent et testent, collectivement, les méthodes agricoles de demain.</p>
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<p><iframe id="tc-infographic-580" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/580/79c5a87fdceb1b0efb535b241695d9bb89f1bb67/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bonne écoute !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Hazard a reçu des financements du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, de l'Union Européenne, de l'Agence Nationale de la Recherche, de la région Occitanie, de la Fondation de France et de la Fondation Carasso. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Iris Deroeux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'agroécologie est au coeur de de recherches-actions collaboratives impliquant des chercheurs, des agriculteurs et collectifs de terrain. Bienvenue dans les coulisses de l'agriculture de demain.Laurent Hazard, Directeur de recherche, InraeIris Deroeux, Journaliste, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1637572021-07-11T17:03:18Z2021-07-11T17:03:18ZNéonicotinoïdes, un débat qui réduit la nature à sa valeur financière<p>Ce printemps 2021 a été marqué par le retour dans les champs de betteraves des insecticides à base de néonicotinoïdes. <a href="https://theconversation.com/interdiction-des-insecticides-neonicotino-des-pourquoi-a-t-il-fallu-attendre-plus-de-20-ans-95759">Après 20 ans de débats</a>, ils avaient été interdits en France en 2016 (pour une application en 2018), avant de l’être également dans l’Union européenne en 2018.</p>
<p>Ce rétropédalage correspond en fait à une dérogation temporaire accordée aux betteraviers pour lutter contre une invasion de pucerons vecteurs de la jaunisse, maladie qui décime les plants. Cette autorisation a été arrachée après une année <a href="https://theconversation.com/reintroduction-des-pesticides-neonicotino-des-comment-nos-deputes-ont-ils-vote-et-pourquoi-155158">d’intenses controverses</a> entre les partisans du texte (syndicats agricoles et industries d’agrochimie notamment) et ses opposants (apiculteurs, associations de défense de l’environnement).</p>
<p>Jusqu’à leur interdiction, les néonicotinoïdes étaient largement utilisés par l’agriculture contre les insectes nuisibles. Ces molécules attaquent le système nerveux des insectes, entraînant une paralysie mortelle. Leur nocivité sur les pollinisateurs, les petits vertébrés, les oiseaux et la faune aquatique <a href="https://www.pnas.org/content/116/34/16817.short">a été démontrée</a>. Pour l’homme, ils sont suspectés d’être <a href="https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-lanses-relatif-%C3%A0-limpact-sur-la-sant%C3%A9-humaine-des-substances-n%C3%A9onicotino%C3%AFdes">cancérogènes et neurotoxiques</a>.</p>
<p>Comment s’explique ce revirement de la part du gouvernement français ? L’affaire a suscité de vives querelles. Au cœur de ce débat emblématique entre impératifs économiques et urgence environnementale, les deux camps ont mobilisé des valorisations financières (l’expression de valeurs en termes financiers) comme fer de lance de leurs revendications. Quels sont leurs arguments ?</p>
<h2>L’impact économique des pucerons</h2>
<p>L’argument principal avancé par les partisans de la dérogation porte sur la perte de rendement, estimée de <a href="https://www.itbfr.org/tous-les-articles/article/news/f-a-q-betterave-sucriere-pucerons-verts-jaunisse-et-neonicotinoides/">30 % à 50 %</a>, provoquée par l’interdiction des néonicotinoïdes. Les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/06/face-a-la-jaunisse-de-la-betterave-sucriere-l-executif-veut-permettre-un-recours-aux-neonicotinoides_6048305_3244.html">pertes financières</a> associées ont quant à elles été évaluées entre 150 et 200 millions d’euros au total et jusqu’à 1 000€ par hectare.</p>
<p>Au-delà des pertes immédiates, les défenseurs invoquent la souveraineté alimentaire française et l’économie du pays. Cette baisse des rendements intervient dans un contexte de fragilisation de la filière à la suite de la fin des quotas européens et la chute du cours du sucre. Son effondrement ferait disparaître les emplois locaux (45 000 emplois directs) tout en imposant l’importation de produits dérivés (sucre, éthanol).</p>
<p>Les arguments sont principalement économiques : ils s’appuient sur une marchandisation de la nature, soit une causalité entre éléments naturels et revenus financiers. Cette marchandisation repose sur deux mécanismes.</p>
<h2>Le rendement pour quantifier la nature</h2>
<p>D’abord, la nature est quantifiée à travers le rendement. Clef de voûte de l’argumentaire des partisans, celui-ci traduit les éléments naturels (surface de terre) en quantités (kilogrammes de betteraves).</p>
<p>Cet indicateur suppose certaines limites : il s’inscrit dans un horizon temporel de court terme car les rendements ne se rapportent qu’à une année et les prévisions ne portent pas au-delà. Il ne peut faire sens que par rapport à une valeur de référence, ici historique, fondée sur les résultats passés (souvent une moyenne quinquennale).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1292563875985010688"}"></div></p>
<p>La référence historique implique un objectif de maintien (voire d’amélioration) de la performance dans le temps. D’autres références, tirées du benchmark (comparaison avec les parcelles les moins touchées par la jaunisse) ou théoriques (rendement estimé possible compte tenu des conditions), auraient pu mener à des interprétations différentes.</p>
<p>Le rendement est également un indicateur global, c’est-à-dire qu’il agrège des facteurs variés en un seul nombre et gomme les variations telles que les rendements locaux ou les circonstances météorologiques.</p>
<p>Enfin, il est exclusivement quantitatif. Il ne prend en compte aucun aspect qualitatif, tel que la qualité du sol, des betteraves ou la biodiversité existante.</p>
<p>Ainsi, les néonicotinoïdes, qui interviennent dans ce mécanisme de quantification en diminuant le rendement, altèrent le lien de causalité entre surface et quantité produite.</p>
<h2>Les revenus financiers pour monétiser la nature</h2>
<p>Ensuite, un mécanisme de monétisation permet de traduire cette quantité en revenus financiers. <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/4073">Ce mécanisme dépend</a> notamment du prix du marché et de la concurrence internationale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"798167534130397184"}"></div></p>
<p>Cependant, dans le calcul du bénéfice économique, cette valorisation ignore <a href="http://eprints.gla.ac.uk/33552/">certains coûts</a> comme celui de la destruction de biodiversité ou celui de la pollution.</p>
<h2>La nocivité environnementale des néonicotinoïdes</h2>
<p>Les adversaires de la dérogation opposent à ses partisans les études scientifiques démontrant la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/23/la-reautorisation-des-neonicotinoides-en-france-constituerait-un-recul-democratique-majeur_6053238_3232.html">nocivité des néonicotinoïdes</a>, les associant au déclin des pollinisateurs.</p>
<p>Le taux de mortalité des abeilles peut en effet atteindre <a href="https://www.unaf-apiculture.info/nos-actions/pesticides-et-abeilles.html">30 %</a> après la floraison de plantes traitées (contre 5 % en temps normal) tandis que, au global, trois cent mille ruches disparaissent chaque année.</p>
<p>Ils rappellent l’urgence liée à l’effondrement de la biodiversité et exhortent à transformer la situation en opportunité de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/02/les-insectes-pollinisateurs-sont-les-veritables-garants-de-notre-securite-alimentaire_6050683_3232.html">penser une autre agriculture</a>.</p>
<h2>La valeur économique de la pollinisation</h2>
<p>En miroir de la partie adverse, ils mobilisent le langage économique. Ainsi, la pollinisation par les insectes est évaluée à <a href="https://easac.eu/publications/details/ecosystem-services-agriculture-and-neonicotinoids/">14,6 milliards d’euros</a>. La Fondation Nicolas Hulot avance que l’extinction des abeilles coûterait <a href="https://www.fondation-nicolas-hulot.org/projet-de-loi-neonicotinoides-le-gouvernement-castex-choisit-le-sacrifice-des-abeilles-plutot-que-laccompagnement-des-agriculteurs/">2,9 milliards d’euros</a> à la France, contre les 100 millions alloués pour le soutien aux betteraviers.</p>
<p>Les opposants à la dérogation affirment donc que la pollinisation gratuite des cultures est plus profitable que l’emploi d’insecticides (<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/02/les-insectes-pollinisateurs-sont-les-veritables-garants-de-notre-securite-alimentaire_6050683_3232.html">jusqu’à 200€ par hectare</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1363961434535849984"}"></div></p>
<p>La perte de la biodiversité est la valorisation clef dans ce raisonnement : en donnant à l’environnement une valeur économique, sa destruction se transforme en coût et entre dans le discours médiatique et politique. L’existence d’espèces à l’état naturel est valorisée par le service de pollinisation rendu à l’humain, ce qui suppose là aussi une causalité entre nature et bénéfice économique.</p>
<h2>Au-delà de la valeur financière</h2>
<p>Cette valorisation s’inscrit dans un horizon temporel de long terme : le déclin des populations, ici des abeilles, se répercute sur plusieurs générations, aussi ses conséquences ne sont pas mesurables sur une année.</p>
<p>Elle est par ailleurs financière : d’autres définitions de la valeur sont possibles, telles que la valeur morale de la protection des espèces, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212041616301942">leur valeur esthétique</a> ou leur contribution au bien-être individuel.</p>
<p>La valeur financière permet de parler un langage néolibéral plus légitime dans le débat public. Elle suppose que la valeur d’une espèce dépend de son degré d’utilité pour l’humain, ici par la pollinisation.</p>
<p>Cet angle néglige la <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9781400857869.138/html">valeur intrinsèque</a> des espèces et leur participation à l’équilibre des écosystèmes. Elle implique que l’utilité de l’espèce à l’humain est connue et mesurable.</p>
<p>Ainsi, l’environnement devient un actif, générant des revenus présents et futurs. Sa destruction entraîne non seulement la diminution de la valeur de l’actif mais également des bénéfices futurs, voire des coûts de remplacement s’il est nécessaire à l’activité humaine.</p>
<h2>D’autres aspects du débat rendus invisibles</h2>
<p>Les valorisations au cœur des arguments des deux camps ont centré le débat sur l’enjeu économique de l’interdiction des néonicotinoïdes. Loin d’être neutres, ces valorisations rendent (in)visibles certaines composantes du débat.</p>
<p>Dans les deux cas, elles présentent la nature comme un capital économique et orientent la discussion sur l’importance des bénéfices résultant de son exploitation. A contrario, elles masquent ses facettes qualitatives et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-06-2017-2963/full/html">morales</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G3tW2dLFNcg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Disparition des abeilles : les pesticides néonicotinoïdes en 10 questions à Stéphane Foucart (Geo/Youtube, le 19 novembre 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Malgré ces fondations communes, les deux valorisations étudiées révèlent des priorités sous-jacentes radicalement différentes. À travers le rendement, les partisans mettent l’accent sur les intérêts sociaux et économiques, soulignant les pertes dans un cadre temporel de court terme.</p>
<p>Les détracteurs avancent des préoccupations environnementales en valorisant les bénéfices générés sur le long terme et le coût de destruction. De ce fait, ces valorisations sont symptomatiques de modèles divergents qui sont en réalité difficilement opposables directement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De part et d’autre, les arguments sont centrés sur la question des pertes et bénéfices liés à l’usage ou non de ces insecticides. Mais les modèles sociétaux défendus sont radicalement opposés.Marion Ligonie, Assistante professeure en contrôle de gestion, Ph.D., IÉSEG School of ManagementSarah Maire, Assistant Professor in Accounting, Ph.D., IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1631282021-06-25T13:26:44Z2021-06-25T13:26:44ZLe prix de la nourriture augmente, mais on peut inverser la tendance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408398/original/file-20210625-17-1b748e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec la fin de la pandémie, les prix des denrées alimentaires sont appelés à augmenter. Mais l'utilisation de la technologie de manière intelligente et humaine peut freiner l'inflation des prix. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la pandémie recule, les gens sont partout confrontés à des loyers prohibitifs et à des salaires qui stagnent. À l’épicerie, les consommateurs doivent également composer avec une <a href="https://www.cnn.com/2021/06/04/business/inflation-food-prices/index.html">hausse des prix des aliments</a>, un rappel brutal que les denrées de qualité sont hors de portée pour un trop grand nombre de personnes.</p>
<p><a href="https://www.npr.org/sections/thesalt/2015/03/02/389578089/your-grandparents-spent-more-of-their-money-on-food-than-you-do">Les consommateurs ne sont pas habitués à ce que la nourriture coûte cher</a>. Au cours des dernières années, la plupart des Nord-Américains ont consacré environ 10 % du revenu du ménage à leur alimentation. En comparaison, en 1900, (alors que le logement était beaucoup plus abordable), les ménages dédiaient <a href="https://www.theatlantic.com/business/archive/2012/04/how-america-spends-money-100-years-in-the-life-of-the-family-budget/255475/">42 % de leurs revenus</a> à la nourriture.</p>
<p>Cinq décennies plus tard, en 1950, les innovations technologiques en agriculture ont stimulé la production, contribuant à faire chuter ces dépenses à 30 % ; une période où la réduction des coûts alimentaires ne faisait que commencer. Ce chiffre est ensuite tombé <a href="https://www.npr.org/sections/thesalt/2015/03/02/389578089/your-grandparents-spent-more-of-their-money-on-food-than-you-do">à 18 % en 1960</a>, et la tendance à la baisse n’a fait que s’accentuer depuis.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme masqué pusse un chariot dans une épicerie" src="https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407329/original/file-20210620-20-39v6j4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nous ne sommes pas habitués à la nourriture coûteuse, car elle a été relativement bon marché pendant très longtemps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash)</span></span>
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<p>Aujourd’hui, avec une <a href="https://www.cnn.com/2021/06/02/economy/inflation-oecd/index.html">inflation à la hausse</a>, nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour que le coût d’une alimentation équilibrée reste à notre portée. Il existe deux grands courants de pensée : réduire la pauvreté ou réduire le coût de l’alimentation.</p>
<p>Les deux approches ont chacune leur utilité, mais nous nous concentrerons sur la seconde : comment plafonner les coûts alimentaires. Plus précisément, nous croyons qu’avec les bonnes stratégies, dans un avenir relativement rapproché, même les aliments sains pourraient profiter d’une baisse des prix substantielle. Les clés du succès : la technologie et la politique. Pour les sceptiques, et nous savons qu’ils sont nombreux, prenez l’exemple suivant.</p>
<h2>Un pari datant de 40 ans</h2>
<p>En 1980, un <a href="https://www.npr.org/sections/money/2013/12/31/258687278/a-bet-five-metals-and-the-future-of-the-planet">économiste a parié avec un écologiste</a>.</p>
<p>Julian Simon, professeur de commerce à l’Université du Maryland, a parié avec Paul Ehrlich, écologiste à l’Université de Stanford, que le coût des matières premières allait baisser au cours de la décennie. Ehrlich a choisi un ensemble de matières premières et les deux hommes ont convenu de se revoir le 29 septembre 1990. Si les prix augmentaient (signe de rareté), Ehrlich gagnait. Mais s’ils baissaient (signe d’abondance), Simon l’emportait.</p>
<p>L’origine de ce pari était liée à la vision du monde de chacun. Simon défendait avec vigueur sa conception d’une croissance sans limite grâce à l’innovation et la technologie. Ehrlich observait la dégradation mondiale de l’environnement et affirmait que la croissance de la population entraînerait la famine, la pénurie et la ruine.</p>
<p>Quarante ans plus tard, avec le spectre de l’inflation jumelé au changement climatique, le même débat refait surface. Entre les deux points de vue, nous penchons plutôt en faveur de l’optimisme affiché par Simon. Nous pensons que, grâce à la technologie, les produits alimentaires de qualité pourraient en fait devenir moins chers — radicalement moins chers même — au cours des 20 prochaines années, car l’innovation fournit de nombreux outils pour surmonter certains des problèmes causés par la pénurie de ressources.</p>
<h2>Comment pouvons-nous y parvenir ?</h2>
<p>Aujourd’hui, une vague d’innovations technologiques déferle sur les systèmes alimentaires et agricoles. Des <a href="https://www.devex.com/news/better-seed-quality-concerns-over-climate-change-top-agenda-at-world-food-prize-95862">semences de meilleure qualité</a> aident les agriculteurs du monde entier à maintenir leur production pendant les sécheresses.</p>
<p>Les <a href="https://www.cropin.com/precision-farming/?gclid=Cj0KCQjwnueFBhChARIsAPu3YkQ4_gPZXnokb-p3qMyYL-U6GseMZbK-s1pM4_brhFj2fm6-W5S1heQaArWIEALw_wcB">tracteurs intelligents</a>, les nouvelles plates-formes de chimie verte et les <a href="https://theconversation.com/tiny-nanotechnologies-are-poised-to-have-a-huge-impact-on-agriculture-157839">nanotechnologies</a> permettront que, dans un avenir rapproché, les agriculteurs obtiennent des récoltes record en n’appliquant qu’une fraction des engrais et des pesticides qu’ils utilisaient auparavant.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="Une serre géante avec une mer de plantes vertes" src="https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407332/original/file-20210620-22-1i73s7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les serres pourraient permettre de cultiver des fruits et légumes frais à proximité des consommateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Erwan Hesry/Unsplash)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autre atout, <a href="https://new-harvest.org/what-is-cellular-agriculture/">l’agriculture cellulaire</a>, consistant à produire des protéines animales dans des bioréacteurs ou des cuves de fermentation, est sur le point d’exploser avec une offre énorme en protéines.</p>
<p>Et les progrès accomplis en matière d’éclairage artificiel et d’automatisation donnent à penser que même les fruits et légumes pourraient bientôt être produits à faible coût dans des serres et des <a href="https://www.usda.gov/media/blog/2018/08/14/vertical-farming-future">fermes verticales</a> proches des consommateurs.</p>
<h2>Un « bon marché » sain ou un « bon marché » malsain ?</h2>
<p>Mais avant de s’emballer, il convient d’apporter une nuance importante. Si les aliments sont bon marché parce que les ressources environnementales sont surexploitées ou que les <a href="https://theconversation.com/silencing-whistle-blowers-on-farms-conceals-animal-and-employee-abuse-141921">travailleurs agricoles et les animaux d’élevage sont maltraités</a>, ça ne résoudra pas le problème. De même, si la nourriture bon marché est de mauvaise qualité et malsaine, cela ne nous avancera pas non plus. Il est donc important de faire la distinction entre le sain et le malsain quand il est question de nourriture abordable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme sur un tracteur dans un champ agricole" src="https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407330/original/file-20210620-35232-i709vs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des travailleurs migrants font de la maintenance dans une installation de culture d’asperges dans le sud-ouest de l’Ontario ayant connu une épidémie de Covid-19.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Nathan Denette</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est à ce stade-ci que des politiques efficaces peuvent faire la différence et nous permettre de résoudre la situation. Il faut des réglementations gouvernementales pour tarifer les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’eau, afin que les agriculteurs soucieux de l’environnement soient récompensés.</p>
<p>De même, les animaux doivent être protégés et la main-d’œuvre rémunérée équitablement (tant dans l’agriculture que dans l’ensemble de l’économie). Avec des politiques équilibrées et des technologies innovantes en matière de production, nous pourrons obtenir des aliments sains à faible coût de manière durable. Une alimentation de qualité n’aura pas à coûter les yeux de la tête.</p>
<h2>Qui a gagné le pari ?</h2>
<p>L’économiste a gagné son pari contre l’écologiste : toutes les ressources identifiées par Ehrlich ont vu leur prix baisser dans les années 80. L’économiste Simon a attribué sa victoire à l’ingéniosité et l’innovation. Ehrlich s’est plaint quant à lui d’avoir mal choisi son moment et que la récession de 1990 a artificiellement plafonné les prix.</p>
<p><a href="https://www.forbes.com/sites/timworstall/2013/01/13/but-why-did-julian-simon-win-the-paul-ehrlich-bet/?sh=63ac0361b034">Les deux universitaires avaient en partie raison et en partie tort</a>. Ehrlich sous-estimait l’innovation que Simon portait aux nues. Simon, lui, n’a pas pris en considération la nécessité de politiques costaudes pour protéger la main-d’œuvre et l’environnement.</p>
<p>À l’aube du XXI<sup>e</sup> siècle, en cette période menacée par d’énormes perturbations mais également promise à de formidables innovations, nous avons besoin de deux choses.</p>
<p>Premièrement, nous devons miser sur la technologie pour nous aider à changer la façon dont nous produisons les aliments. Ensuite, nous ne devons jamais perdre de vue la nécessité de politiques publiques qui reconnaissent l’importance de la biodiversité, des changements climatiques, du travail et du bien-être animal.</p>
<p>Si nous adhérons à ces deux principes, il y a de fortes chances que nous soyons en mesure de faire baisser le prix de la production des denrées alimentaires saines sans détruire les écosystèmes dont nous dépendons pour survivre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163128/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Evan Fraser est directeur du Arrell Food Institute de l'Université de Guelph, coprésident du Conseil consultatif canadien de la politique alimentaire, vice-président du Maple Leaf Centre for Action on Food Security et conseiller scientifique de la jeune entreprise d'agriculture verticale Cubic. Il reçoit des fonds du gouvernement canadien et est affilié au College of New Scholars de la Société royale du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lenore Newman est la directrice de l'Institut de l'alimentation et de l'agriculture de l'Université de la vallée du Fraser, est la présidente du comité consultatif scientifique de Cubic Farms et reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines.</span></em></p>Comment faire baisser les prix des denrées alimentaires ? Utiliser la technologie pour changer la façon dont nous produisons les aliments pour nous assurer du respect de l’environnement.Evan Fraser, Director of the Arrell Food Institute and Professor in the Dept. of Geography, Environment and Geomatics, University of GuelphLenore Newman, Canada Research Chair, Food Security and the Environment, University of The Fraser ValleyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1556802021-02-26T13:21:08Z2021-02-26T13:21:08ZVoici trois innovations en agriculture qui vont révolutionner notre alimentation tout en aidant la planète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386003/original/file-20210223-19-6l640s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C2586&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un avenir rapproché, des tracteurs robotisés reliés à une base de données pourront sillonner les champs en semant à chaque endroit une quantité exacte de semence et de fertilisant, permettant de ce fait d’abaisser le niveau de consommation énergétique, de pollution et de gaspillage</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’impact de l’exploitation agricole sur notre planète est énorme. Environ 40 % des terres arables sont <a href="http://www.fao.org/3/y4252e/y4252e06.htm.">soit cultivées, soit dédiées au pâturage</a> Le nombre d’animaux à usage domestique dépasse de loin celui des <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/may/21/human-race-just-001-of-all-life-but-has-destroyed-over-80-of-wild-mammals-study">espèces sauvages</a>. Chaque jour, un nombre croissant de forêts perdent leur combat contre l’invasion des récoltes et des pâturages : <a href="https://www.theguardian.com/environment/2019/sep/12/deforestation-world-losing-area-forest-size-of-uk-each-year-report-finds">annuellement, la perte d’une surface équivaut à la taille du Royaume-Uni</a>.</p>
<p>Si l’humanité espère toujours s’attaquer au changement climatique, il faut revoir notre agriculture.</p>
<p>Le contexte de la Covid-19 a également révélé les <a href="https://theconversation.com/100-days-of-coronavirus-has-sent-shock-waves-through-the-food-system-140386">faiblesses de notre chaîne alimentaire</a>. Les agronomes savent depuis des décennies que le travail agricole est à la fois difficile et exploiteur de main d’œuvre. Cela devrait donc ne surprendre personne que les propriétaires fermiers aient eu du mal à trouver des travailleurs pour faire tourner leurs fermes tout en devant se débattre pour assurer des conditions sanitaires les protégeant contre le virus.</p>
<p>De même, les chaînes d’approvisionnement de type « juste- à-temps », quoiqu’efficaces, n’offrent aucune flexibilité en cas de problème. Et repousser les terres arables vers des espaces sauvages risque de nous exposer à des bassins de virus qui deviennent dévastateurs lorsqu’ils entrent en contact avec la population humaine.</p>
<p>Pour faire face à ces défis, de nouvelles technologies laissent entrevoir une approche plus verte à la production alimentaire, à base de végétaux, disponible à l’année longue, locale et intensive. Mises en place correctement, trois innovations technologiques — l’agriculture verticale, l’agriculture cellulaire et l’agriculture de précision — pourraient bouleverser notre relation à la terre et à notre nourriture.</p>
<h2>L’agriculture dans des boîtes</h2>
<p>L’agriculture verticale, celle qui consiste à faire pousser la nourriture dans des boîtes empilables, n’est pas une nouveauté : <a href="https://www.ancient.eu/article/446/what-the-roman-emperor-tiberius-grew-in-his-greenh/">elle existe depuis l’époque romaine</a>. Ce qu’il y a de nouveau, c’est l’efficacité de l’éclairage au DEL et des techniques robotiques de pointe qui permettent à cette méthode d’augmenter une récolte par un facteur de 20 par rapport à une surface identique cultivée dans un champ.</p>
<p>À ce jour, la plupart des fermes verticales ne produisent que de la verdure, comme la laitue, les fines herbes et des petits légumes verts, car ce sont là des récoltes qui poussent rapidement et sont profitables. Mais d’ici cinq ans, il sera possible de faire pousser bien plus d’aliments au fur et à mesure de la baisse des tarifs électriques et des <a href="https://www.ft.com/content/0e3aafca-2170-4552-9ade-68177784446e">progrès techniques</a>.</p>
<p>L’environnement contrôlé que permet l’agriculture verticale réduit le besoin en pesticides et herbicides, permet le recyclage de l’eau, et offre le potentiel d’un bilan carboneutre. Que ce soit sous des climats froids ou chauds où il est difficile, voire impossible de faire pousser des récoltes de produits fragiles, l’agriculture verticale nous permettra de mettre fin à l’importation coûteuse et destructrice pour l’environnement de petits fruits et d’avocats, en provenance de Californie, par exemple.</p>
<p><a href="https://new-harvest.org/">L’agriculture cellulaire</a>, qui permet de produire de la viande sans animaux présage des changements encore plus radicaux. Rien qu’en 2020, des centaines de millions de dollars ont été <a href="https://www.marketwatch.com/story/is-cell-based-meat-the-next-big-thing-here-are-5-companies-leading-the-revolution-2020-10-06">investis dans ce secteur</a>, et les <a href="https://www.cnn.com/videos/world/2021/01/03/impacts-of-cultured-meat-fareed-gps-vpx.cnn">premiers produits</a> ont été mis sur le marché ces derniers mois. Dont la « crème glacée <a href="https://braverobot.co/">Brave Robot</a> » fabriquée sans la contribution des vaches ainsi que le poulet <a href="https://www.ju.st/">« Eat Just »</a>, qui jamais ne caqueta…</p>
<p>Autre avancée : <a href="https://croplife.ca/field-notes-precision-agriculture-canada/">l’agriculture de précision</a>. C’est dans un avenir rapproché que des tracteurs robotisés, reliés à des bases de données, sillonneront les champs pour semer la quantité exacte de semence et de fertilisant à chaque endroit, permettant de ce fait d’abaisser le niveau de consommation énergétique, de pollution et de gaspillage.</p>
<p>Combiner l’agriculture verticale, cellulaire et de précision devrait nous permettre de produire plus de nourriture sur moins de surface et avec moins d’intrants. Idéalement, nous serons en mesure de produire n’importe quelle récolte n’importe où et à n’importe quelle saison, et de ce fait éliminer le besoin de chaînes d’approvisionnement longues, vulnérables et grandes consommatrices d’énergie.</p>
<h2>Sommes-nous prêts pour l’agriculture 2.0 ?</h2>
<p>Bien sûr, ces avancées technologiques ne sont pas une panacée — aucune technologie ne l’est jamais vraiment. Premièrement, bien que les progrès aillent en s’accélérant, ces solutions ne sont pas tout à fait prêtes à être déployées à grande échelle. Elles sont encore trop chères pour les petites et moyennes exploitations agricoles, et pourraient de ce fait encourager la consolidation dans l’industrie.</p>
<p>Certains consommateurs et théoriciens de l’alimentation <a href="https://www.aljazeera.com/opinions/2021/2/5/the-big-tech-takeover-of-agriculture-is-dangerous">expriment des réserves</a> : pourquoi ne pas continuer à produire notre nourriture comme le faisaient nos parents et nos grands-parents avant nous ? Les critiques de l’approche technologique suggèrent une démarche éco-agricole aussi appelée agriculture régénératrice afin d’aboutir à une production durable par l’encouragement d’exploitations de petite taille destinées à la <a href="https://time.com/5933677/covid-food-system/">consommation locale</a>. Si cette approche est prometteuse, il n’est pas certain qu’elle soit <a href="https://agfundernews.com/regenerative-agriculture-is-getting-more-mainstream-but-how-scalable-is-it.html">réalisable à grande échelle</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384569/original/file-20210216-21-7n7xik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La viande cultivée pourrait-elle devenir monnaie courante sur les étagères des épiceries dans la décennie à venir ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>S’il s’agit là d’éléments sérieux, il n’existe pas de solution universelle lorsqu’on traite de sécurité alimentaire. Par exemple, les méthodes alternatives de récoltes à petite échelle sont aussi sujettes au manque de personnel et tendent à produire de la nourriture chère qui n’est pas à la portée des personnes à faible revenu. Mais point n’est besoin de tout peindre en noir et blanc. Il y a des avantages et des inconvénients à toutes ces approches, et nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs climatiques et de sécurité alimentaire sans y <a href="https://www.nationalobserver.com/2020/05/07/opinion/exploring-world-post-Covid-digital-agricultural-renaissance">incorporer des technologies agricoles</a>.</p>
<h2>Pour un avenir agricole porteur d’espoir</h2>
<p>En combinant les meilleurs éléments de l’agriculture alternative (c’est-à-dire l’engagement envers le développement durable et la nutrition) avec les meilleurs éléments de l’agriculture conventionnelle (c’est-à-dire l’efficacité économique et la faculté de produire à grande échelle) et les nouvelles technologies décrites dans cet article, nous pouvons nous engager vers une révolution agricole qui, combinée à des politiques publiques progressives en matière salariale, alimentaire, de bien-être animal et de respect de l’environnement, nous permettra de produire de la nourriture en abondance tout en réduisant l’empreinte agricole sur la planète.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cinq-bienfaits-surprenants-dun-regime-alimentaire-a-base-de-plantes-132930">Cinq bienfaits surprenants d’un régime alimentaire à base de plantes</a>
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<p>Cette approche révolutionnaire « en circuit fermé » est déjà en marche : dans les champs et les laboratoires, tels que les serres expérimentales aux <a href="https://www.hortidaily.com/article/9280423/harvesting-strawberries-every-day-of-the-year-in-led-greenhouse/">Pays-Bas</a>, les <a href="https://www.hakaimagazine.com/news/farming-fish-in-the-sky/">fermes piscicoles singapouriennes</a>, jusqu’aux <a href="https://www.greenqueen.com.hk/alt-protein-expert-indiebio-cso-says-lab-grown-meat-is-scaling-like-the-internet/">entreprises agricoles cellulaires de la Silicon Valley</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381444/original/file-20210130-18933-6zs3q2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Grâce à l’éclairage LED des concombres hydroponiques poussent en serre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lenore Newman</span></span>
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<p>Les fermes en circuit fermé limitent l’usage des pesticides, demandent peu de terre et d’énergie, et permettent de recycler l’eau. Elles peuvent assurer la production au niveau local à l’année longue, réduire la dépendance aux tâches répétitives, améliorer le bilan environnemental et le bien-être animal. Si l’on associe ces pratiques à de bonnes politiques, nous pourrions envisager de rendre une partie des terres arables à la nature, aux parcs ou encore à des refuges fauniques.</p>
<p>Notre monde a été façonné par une révolution agricole qui débuta il y a de cela des dizaines de milliers d’années. La révolution à venir sera tout aussi novatrice. La Covid-19 a dévoilé les faiblesses de notre chaîne alimentaire, mais les perspectives pour cette industrie aussi ancienne que vitale pourraient bien devenir une belle histoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155680/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lenore Newman reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines, de Genome BC et de Genome Ontario.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Evan Fraser reçoit des fonds du gouvernement canadien, du gouvernement de l'Ontario et de George Weston Ltd. Il est affilié au Maple Leaf Centre for Action on Food Security.</span></em></p>La production alimentaire locale tout au long de l’année est à notre portée et réduira l’impact de l’agriculture sur le climat – mais seulement si nous adoptons la technologie agricole.Lenore Newman, Canada Research Chair, Food Security and the Environment, University of The Fraser ValleyEvan Fraser, Director of the Arrell Food Institute and Professor in the Dept. of Geography, Environment and Geomatics, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1462242020-11-29T17:52:11Z2020-11-29T17:52:11ZL’assurance récolte, un substitut crédible aux pesticides ?<p>En tête des priorités de la politique agricole figurent aujourd’hui deux grands objectifs. D’une part, la diminution des effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine des pesticides agricoles. De l’autre, la réduction des risques de revenus pour les agriculteurs. Dans le contexte des plans de <a href="https://theconversation.com/comment-leconomie-experimentale-peut-aider-lagriculture-a-etre-en-phase-avec-son-temps-149017">réforme des politiques agricoles</a> dans l’Union européenne, ces sujets méritent une attention toute particulière.</p>
<p>De nombreuses initiatives publiques visant à restreindre l’utilisation des pesticides ont ainsi vu le jour comme les <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-01/20200204-refere-S2019-2659-bilan-plans-ecophyto.pdf">plans Ecophyto I, II et II+</a> en France. Mais comme le souligne un <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-01/20200204-refere-S2019-2659-bilan-plans-ecophyto.pdf">rapport de la Cour des comptes daté de fin 2019</a>, le cap qui leur était fixé est loin d’être atteint : non seulement les pesticides n’ont pas diminué de 50 % sur dix ans, mais le nombre de doses unités (NODU) a même progressé ces dernières années (+21 % rien qu’en 2018). Si les moyens financiers affectés aux plans Ecophyto n’ont pas manqué (400 M€ en 2018), leur mise en œuvre suscite un questionnement légitime, notamment d’un point de vue économique et financier.</p>
<p>Ces dernières années, les agriculteurs ont en effet été confrontés à des risques sur leurs revenus plus élevés, en raison du changement climatique et d’une volatilité accrue des prix sur les marchés.</p>
<p>Dans ce contexte, réduire les pesticides revient à remettre en cause des pratiques visant à sécuriser les rendements et dès lors à fragiliser davantage un modèle économique déjà éprouvé. Pour que les politiques publiques d’accompagnement de cette réduction soient efficaces et perçues comme crédibles par les acteurs, elles doivent accompagner la profession vers une meilleure gestion globale des risques.</p>
<p>À cet égard, un instrument mérite une attention particulière : les contrats d’assurance récolte.</p>
<h2>Un dispositif ancien mais peu utilisé</h2>
<p>Ces assurances existent depuis plusieurs décennies en France et elles ont connu un net développement depuis les années 2000. Leur principe vise à protéger les agriculteurs d’une chute de rendement directement liée à des circonstances climatiques défavorables. En pratique, les agriculteurs français ont le choix d’assurer leurs cultures – y compris leurs prairies – avant chaque saison. Ils bénéficient alors d’une subvention publique couvrant partiellement leurs primes d’assurance (entre 45 % et 65 % suivant les options, financée par la politique agricole commune européenne).</p>
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<p>Si un évènement climatique endommage au-delà d’un certain seuil leurs cultures (par exemple – 30 % du rendement moyen), une indemnité compensatrice est versée après expertise. Plusieurs fois modifié en 2005, 2010 et 2015, le régime d’assurance récolte connaît un succès mitigé. En 2018, plus de <a href="https://agriculture.gouv.fr/telecharger/82960?token=34ec0e28b353676ba9ccc1e55fbea9e5940e474c86861b4ed88e4b8020f1a507">70 000 exploitations agricoles françaises</a> ont souscrit des polices d’assurance récolte, ce qui représente plus de 4 millions d’hectares – mais en proportion seulement 30,5 % de la surface agricole utile. Bien qu’ils soient en partie subventionnés, les contrats d’assurance français présentent des franchises élevées et ne protègent pas directement contre une variation des prix agricoles.</p>
<p>Conceptuellement, les achats d’assurance récolte et de pesticides par les agriculteurs apparaissent étroitement liés dans la mesure où les deux contribuent à préserver le rendement et le revenu des agriculteurs. Afin d’aligner les objectifs des politiques agricoles et de sécuriser la production des agriculteurs, nous devons comprendre leur relation. Pour que pesticides et assurance récolte soient considérés comme substituables, il est nécessaire de contrôler les deux principales voies d’interaction dans la manière dont ils sont appliqués.</p>
<h2>Effets de marge</h2>
<p>L’assurance peut inciter les agriculteurs à modifier leur consommation de pesticides au travers de deux effets. Le premier, dénommé « effet de marge intensive », se traduit par un changement pour une culture ou un système de production donnés, donc à structure de l’exploitation inchangée. Le second, dénommé « effet de marge extensive », se traduit par un changement dans l’utilisation des terres.</p>
<p>Par exemple, un agriculteur assuré pourrait réduire sa consommation de pesticides par hectare puisque l’assurance prendrait en charge d’éventuelles pertes de rendement (« effet de marge intensive »). Cependant, cet effet bénéfique pour l’environnement sera limité si l’agriculteur profite de sa couverture assurantielle pour prendre plus de risques et étendre la superficie cultivée de son exploitation (« effet de marge extensive »). Au final, la consommation totale de pesticides s’en trouverait augmentée.</p>
<p>Les effets de marge, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s41130-020-00129-5">relevés par de nombreuses études</a>, sont loin d’être anodins car les niveaux d’utilisation des pesticides varient fortement d’une culture à l’autre : l’utilisation moyenne sur les fruits peut par exemple être dix fois plus élevée que sur certaines céréales. Il est à cet égard intéressant de remarquer que si le marché de l’assurance est relativement développé dans les grandes cultures et la viticulture, il laisse à l’écart le maraîchage et l’arboriculture où des solutions techniques de protection sont privilégiées.</p>
<h2>Assurance récolte et usage accru des pesticides</h2>
<p>Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.agsy.2020.102902">article récent</a> de la revue <em>Agricultural Systems</em>, nous avons analysé la relation entre l’assurance récolte et l’utilisation des pesticides dans l’agriculture européenne, en prenant l’exemple de la France et de la Suisse. Nous avons constaté que l’assurance récolte est associée à une augmentation des dépenses en pesticides dans les deux pays. L’ampleur de l’effet et les mécanismes sous-jacents sont cependant spécifiques à chaque pays.</p>
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<p>Ainsi, si l’assurance récolte est subventionnée en France, ce n’est pas le cas en Suisse. Bien que les politiques agricoles diffèrent, les agriculteurs des deux pays doivent s’inscrire dans des politiques publiques dites d’« écoconditionnalité » visant notamment à réduire les risques liés à l’utilisation de pesticides. Dans notre analyse empirique, nous étudions les décisions des agriculteurs concernant la souscription d’assurances, l’utilisation des terres et l’utilisation des pesticides – ainsi que leurs interdépendances. Nous utilisons des séries de données de panel au niveau des exploitations agricoles en France et en Suisse, en prenant en compte les caractéristiques des exploitations et des agriculteurs, les conditions météorologiques et l’exposition aux risques climatiques.</p>
<p>Nos résultats indiquent, que sans assurance, les dépenses en pesticides seraient inférieures de 6 % en France et de 11 % en Suisse. Les mécanismes diffèrent : alors que l’effet de marge extensif (changements d’utilisation des terres) est dominant pour la Suisse, l’effet de marge intensif (utilisation de pesticides par hectare) domine pour la France. Nous attribuons les différences de mécanismes à la part plus importante de prairies temporaires en Suisse et à la subvention plus élevée des assurances en France.</p>
<p>Il est à noter que nous avons utilisé les dépenses en pesticides comme indicateur de l’utilisation de pesticides par les agriculteurs, <a href="https://doi.org/10.1111/agec.12563">cette mesure ne traduisant pas les risques potentiels des pesticides</a> pour l’homme et l’environnement.</p>
<h2>Repenser le soutien à l’assurance récolte</h2>
<p>Si nos résultats montrent clairement que l’assurance récolte peut conduire à une utilisation accrue de pesticides, cela ne signifie pas que l’assurance récolte est un outil de gestion des risques inadapté à l’agriculture. Au contraire, elle est un outil essentiel pour la gestion des risques des agriculteurs et elle gagne en importance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1084992763559579648"}"></div></p>
<p>Toutefois, nous soulignons qu’il peut exister des effets secondaires involontaires dont il faut tenir compte. Nos conclusions soulignent la nécessité d’une évaluation minutieuse des politiques de soutien à l’assurance récolte. En effet, le système actuel ne contribue pas à améliorer les performances environnementales de l’agriculture. Nous devons donc développer des solutions d’assurance durables qui soient bonnes à la fois pour les agriculteurs et l’environnement.</p>
<p>À titre d’exemple, les productions à faible teneur en pesticides ou les productions biologiques sont souvent plus risquées économiquement pour les agriculteurs : l’assurance peut être un outil approprié pour encourager l’adoption de ces pratiques par les agriculteurs. Enfin, nos résultats mettent clairement en évidence la nécessité d’une vision holistique de la politique agricole afin de proposer des outils et des instruments adaptés aux différents objectifs et acteurs de la politique agricole.</p>
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<p><em>Cet article a été écrit en collaboration avec Niklas Möhring, Robert Finger (ETH Zürich, Suisse) et Tobias Dalhaus (Université de Wageningen, Pays-Bas)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geoffroy Enjolras ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À certaines conditions, assurer les cultures face aux chocs climatiques pourrait encourager les agriculteurs à adopter des pratiques moins dépendantes des pesticides.Geoffroy Enjolras, Professeur de finance, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1487342020-11-13T15:55:11Z2020-11-13T15:55:11ZCe que la vie amoureuse du châtaignier nous enseigne de l’agroécologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/365167/original/file-20201023-23-dx7bfe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C5%2C1290%2C859&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les insectes et notamment les coléoptères (ici le téléphore fauve, à gauche, et une trichie commune), sont de bons pollinisateurs du châtaignier.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rémy Petit</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>Quoi de plus agréable en ce début d’automne que de savourer des fruits de saison ? Mieux encore, si on a la chance de disposer d’un jardin, pourquoi ne pas les produire soi-même ? Voici quelques leçons de botanique et d’écologie utiles pour s’assurer une belle récolte.</p>
<p>Posons-nous d’abord quelques questions simples : d’où vient le pollen fécondant les fleurs et comment est-il transporté ? Pour cela, prenons l’exemple du châtaignier, l’<a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/terres-de-castanide-9782213017235">« arbre à pain »</a> de nos ancêtres. Magnifique, capable de vivre des centaines d’années et d’atteindre une circonférence de plus de 10 mètres, il a subvenu aux besoins essentiels des habitants de plusieurs régions d’Europe du Sud de la fin du Moyen Âge au XIX<sup>e</sup> siècle. Mais à compter de la révolution industrielle, produire sans labourer devient contraire au nouvel idéal de progrès, et un <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1984_num_39_6_283126">mauvais procès</a> est fait au châtaignier et à sa culture. Puis au mépris des vertus du châtaigner a succédé l’oubli.</p>
<p>Malgré l’arrivée de maladies et <a href="https://twitter.com/FR_Conversation/status/1082360615522525185">ravageurs exotiques</a> entraînant des dépérissements locaux, on assiste aujourd’hui à un <a href="https://www.invenio-fl.fr/chataigne">renouveau des châtaigneraies</a>, porté par des consommateurs en quête d’authenticité. Les producteurs de châtaignes, appelés castanéiculteurs, sont confrontés à une production hétérogène et ont décidé de soutenir des recherches sur la reproduction du châtaignier afin de faire évoluer sa culture par une meilleure compréhension des mécanismes écologiques sous-jacents.</p>
<p>Ces travaux nous serviront à illustrer <a href="https://www.inrae.fr/agroecologie">quelques enjeux de l’agroécologie</a>, la science appliquant les principes de l’écologie à l’agriculture. Des principes tout aussi valables pour votre jardin ou le parc voisin !</p>
<h2>Plantez plusieurs variétés d’une même espèce</h2>
<p>Les arbres fruitiers, comme toutes les plantes à fleurs, possèdent des étamines où sont produits les grains de pollen, et des pistils contenant les ovules et équipés pour capter les grains de pollen. La pollinisation correspond au transport du pollen émis par les étamines vers les stigmates, la partie réceptrice du pistil. À première vue, un arbre pourrait donc se débrouiller seul dès lors qu’il est à la fois mâle et femelle : c’est l’autofécondation. Mais <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev.ecolsys.37.091305.110215">chez la plupart des arbres</a>, celle-ci ne fonctionne pas ou très mal : le pollen émis doit obligatoirement rencontrer les stigmates portés par les fleurs d’un autre arbre.</p>
<p>Ainsi, notre châtaignier a besoin de pollen produit par d’autres arbres compatibles pour se reproduire et porter des fruits. Or la culture de cet arbre est basée sur des variétés, c’est-à-dire des arbres aux caractéristiques particulièrement intéressantes repérés puis multipliés à l’identique par greffage. Par exemple, dans le Périgord, les variétés les plus courantes sont appelées Marigoule et Bouche de Bétizac. Deux arbres d’une même variété étant génétiquement identiques, ils sont incompatibles. Il faut donc planter des arbres appartenant à des variétés différentes pour espérer récolter des fruits.</p>
<p>« J’ai la même variété que ma cousine, mais alors qu’elle récolte plein de fruits, j’ai des rendements catastrophiques ». Peut-être que le jardin de ma cousine est situé à côté d’un autre verger ou d’un bois de châtaigniers produisant du pollen compatible en abondance et lui assurant ainsi une belle récolte. Au contraire, si mon verger est isolé et ne compte qu’une seule variété de châtaignier, le rendement ne sera jamais au rendez-vous, quelle que soit la variété choisie. Mieux vaut donc dans tous les cas planter suffisamment de variétés dans un verger et au moins deux arbres différents si c’est pour un jardin !</p>
<h2>Offrez aux insectes le gîte et le couvert</h2>
<p>Il faut aussi se poser la question du transport du pollen d’une variété à une autre : par le vent ou par les insectes ? Confier son destin au vent est si aléatoire que les arbres ainsi pollinisés doivent nécessairement produire de grandes quantités de grains de pollen de petite taille. Cela devrait rendre facile l’identification du mode de pollinisation de ces plantes.</p>
<p>Dans le cas du châtaignier pourtant, la question est restée sans réponse des botanistes <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/4060307.pdf">depuis plus de 140 ans</a>. Il produit une quantité gigantesque de pollen (estimée à deux mille milliards de grains de pollen par hectare), ce qui a longtemps conduit certains à penser que le vent pourrait jouer un rôle dans sa reproduction. Mais comment interpréter la forte odeur suave de ses fleurs, si ce n’est pour attirer des insectes ? Les châtaigniers ne laissent d’ailleurs pas les abeilles indifférentes, comme vous le confirmeront tous les amateurs de miel de châtaignier !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Châtaignier couvert de fleurs dans un verger : l’extrême abondance de la production de pollen a longtemps été interprétée comme une preuve que cette espèce était pollinisée par le vent, mais si on empêche l’accès des fleurs aux insectes, très peu de fruits sont produits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémy Petit</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Nos travaux indiquent que ce n’est pas le vent mais bien les insectes qui jouent un rôle essentiel dans la pollinisation du châtaignier. En plaçant autour des fleurs des filets conçus pour empêcher les insectes d’y accéder, nous avons montré que la production de châtaignes était divisée par cinq ou par dix. Il faut donc pouvoir bénéficier de l’aide des insectes pollinisateurs pour espérer récolter des châtaignes, mais lesquels ? Les abeilles ?</p>
<h2>Laissez les fleurs duper les coléoptères</h2>
<p>Les fleurs mâles du châtaignier produisent d’énormes quantités de pollen très nutritif ainsi que du nectar.</p>
<p>Les fleurs femelles n’offrent pas de récompense aux insectes mais ont l’apparence des fleurs mâles, ce qui augmente leurs chances d’être visitées par erreur et fécondées. Tous les insectes ne sont pas dupes du stratagème : les abeilles par exemple tirent profit de l’abondance du pollen des fleurs mâles sans pour autant rendre visite aux fleurs femelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand les fleurs femelles imitent les fleurs mâles. Portion de chaton de châtaignier, comportant une inflorescence femelle à la base dont les extrémités réceptrices blanchâtres et allongées (cf. cercle pointillé de gauche) ressemblent aux étamines des fleurs mâles qui produisent à leur extrémité des grains de pollen (cercle pointillé de droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémy Petit</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>À l’inverse, d’autres insectes tombent dans le panneau : c’est le cas des coléoptères, cette famille très ancienne et très diversifiée dont font partie les scarabées, coccinelles et autres hannetons. Recouverts du pollen abondant et collant d’un autre châtaignier visité plus tôt, ils sont victimes de l’illusion. Espérant à tort trouver une récompense chez les fleurs femelles, ils assurent ainsi la production des fruits.</p>
<p>Pour augmenter le rendement dans les vergers, il est donc inutile d’y installer des souffleries en espérant favoriser la pollinisation par le vent, ou même d’y multiplier le nombre de ruches. Il convient plutôt de rendre le verger et ses abords accueillants aux insectes sauvages, en leur assurant toute l’année le gîte et le couvert.</p>
<p>Nos recherches sur cet arbre confortent ainsi trois messages plus généraux de l’agroécologie.</p>
<p>En premier lieu, maintenir une diversité génétique suffisante de l’espèce cultivée est déterminant. C’est vrai à court terme, pour assurer la reproduction croisée, mais aussi à plus long terme, pour assurer la stabilité de la production dans un contexte marqué par des changements environnementaux très rapides et drastiques.</p>
<p>En deuxième lieu, maintenir une diversité d’espèces d’insectes associées et souvent auxiliaires des cultures est également crucial. En particulier, les populations d’insectes sauvages assurant la pollinisation doivent absolument être préservées. Pour les châtaigniers, il n’y a pas d’alternative possible !</p>
<p>Enfin, troisième message, en agriculture, mieux vaut chercher à comprendre ce qui se passe plutôt que de se fier à sa seule expérience. C’est la clé pour apporter des réponses adaptées quand les circonstances changent : là réside toute la beauté de la science et l’art véritable du paysan… ou du jardinier du dimanche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Larue a reçu des financements de l'ANRt et de la région Nouvelle-Aquitaine pour le financement de sa thèse CIFRE.
Cette thèse CIFRE est un partenariat entre une entreprise, Invenio, et une unité mixte de recherche, Biogeco. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémy Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Voici quelques leçons tirées de la reproduction du châtaignier pour planter des arbres et recevoir des fruits en abondance.Clément Larue, Doctorant en écologie et évolution - Thèse CIFRE Biogeco & Invenio, Université de BordeauxRémy Petit, Docteur en écologie et évolution, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1435112020-11-11T17:31:32Z2020-11-11T17:31:32ZComment l’école peut-elle devenir actrice de la justice alimentaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364257/original/file-20201019-21-6996bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5176%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dégustation de fraises avec l’Association Santé Goût Terroir </span> <span class="attribution"><span class="source">Frédéric Vivien, Réseau Marguerite, 2018</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>De nombreuses initiatives montrent que l’école, au sens large, est devenue un acteur central de <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02165368/document">l’éducation à l’alimentation</a> des enfants et adolescents. Comme d’autres <a href="https://journals.openedition.org/edso/875">« questions socialement vives »</a>, l’alimentation est au cœur de controverses croissantes (bien-être animal, usage des pesticides, parmi d’autres) qui exigent de sortir du débat d’opinions.</p>
<p>Longtemps réduite à sa dimension nutritionnelle, l’alimentation à l’école aborde désormais toutes les composantes du système agroalimentaire (production, transport, transformation, distribution, consommation, gestion des déchets) et l’intégralité du fait alimentaire en termes économiques, sociaux, culturels et écologiques. Toutefois, malgré les ambitions affichées, elle peine à répondre aux problématiques rencontrées par les élèves au quotidien et aux inégalités d’accès des territoires à une alimentation saine et durable.</p>
<p>Comment proposer une éducation susceptible de transformer positivement les territoires au-delà du périmètre de la salle de classe et de la cantine, ainsi que les pratiques alimentaires de leurs habitants ? La question revêt une importance particulière dans les espaces les plus défavorisés où les injustices alimentaires sont nombreuses, appelant des politiques publiques ambitieuses.</p>
<h2>Créer du lien</h2>
<p>Plusieurs limites de l’éducation à l’alimentation à l’école apparaissent. Tout d’abord, il existe parfois une rupture entre les messages délivrés et l’alimentation disponible localement pour les élèves et leurs familles.</p>
<p>Encourager des pratiques de consommation liées à l’agriculture biologique, aux circuits courts ou à la saisonnalité auprès des élèves est difficile à soutenir quand cette offre n’est pas accessible, ni géographiquement ni financièrement. Pire, selon la sociologue <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_2431-4501_2018_num_129_1_3321">Aurélie Maurice</a>, la dichotomie entre les normes du « bien manger » diffusées par l’école et la réalité de l’alimentation des familles suscite souvent chez les élèves de milieux défavorisés, au mieux de l’indifférence, au pire du rejet.</p>
<p>De plus, le modèle éducatif dominant s’axe autour de la responsabilité de l’individu dans <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2018-3-page-93.htm?contenu=resume">ses choix alimentaires</a>, choix qui résultent de dynamiques internationales sur lesquelles les jeunes estiment avoir peu de contrôle. Ces limites nourrissent des situations d’impuissance chez les élèves, sans proposer d’évolution possible.</p>
<p>La justice « agri-alimentaire » désigne un processus de reconnexion de l’ensemble des acteurs, des activités et des espaces des systèmes alimentaires afin de rendre ces derniers plus inclusifs, en soulignant <a href="https://www.springer.com/journal/41130/updates/18332176">l’interdépendance à l’agriculture</a>. Issu des mouvements « grassroots » et activistes dans les <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/12686">quartiers urbains défavorisés</a> aux États-Unis, le mouvement pour la justice alimentaire fait une large place aux initiatives éducatives.</p>
<p>Dans la lignée de ces travaux, l’éducation « agri-alimentaire » encourage la mise en relation d’acteurs qui souvent ne se connaissent pas, s’ignorent, sont nourris de préjugés : les adolescents urbains, d’un côté, les agriculteurs et autres acteurs des systèmes alimentaires, de l’autre. L’hypothèse est la suivante : c’est avec l’expérience du lien que les situations d’injustice alimentaire peuvent évoluer. L’expression est proposée par le <a href="https://reseaumarguerite.org/">Réseau Marguerite</a>, porté en région lyonnaise par des enseignants de secondaire et des chercheurs.</p>
<p>Réflexions, activités, rencontres, encouragent les élèves à être forces de proposition sur des actions concrètes qui favorisent le lien et, ainsi, la justice agri-alimentaire dans leur espace proche. Nous proposons ici quelques exemples déployés en collège, un niveau souvent délaissé en éducation à l’alimentation au profit de l’école primaire.</p>
<h2>Connaître son environnement agricole et alimentaire</h2>
<p>Face à l’inadéquation entre certaines propositions d’éducation alimentaire et les besoins du territoire d’implantation, faire un diagnostic de l’environnement alimentaire scolaire est une étape clé de l’éducation agri-alimentaire. On suggère pour ce faire l’emploi de la <a href="https://visionscarto.net/cartographie-sensible">cartographie sensible</a>, qui représente un espace vécu.</p>
<p>Au niveau cinquième, dans deux collèges de la région lyonnaise et à l’étranger (Mexico), les élèves déambulent dans l’établissement, un stylo à la main, et prennent en note tous les éléments (matériels, immatériels, discursifs) en lien avec l’alimentation. Réfectoire, poubelles, mais aussi odeurs, affiches, emballages, souvenirs… sont reportés sur une feuille et construisent la carte sensible.</p>
<p>Ces cartes illustrent la diversité des expériences que font les élèves autour de l’alimentation au collège. Applicable au territoire proche, la méthodologie suscite des activités inspirées des problématiques alimentaires des adolescents, du collège, du quartier, de leur famille. Les cartes tissent une base de discussion fertile avec les décideurs locaux sur le type d’offre alimentaire à déployer. Un monde s’élargit au-delà des habituels potagers scolaires – sans rien enlever à leur intérêt.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364264/original/file-20201019-13-1l16lhd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les élèves réalisent une carte sensible à partir de leurs observations de l’environnement alimentaire de leur collège.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandra Pech</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Plusieurs propositions créent la rencontre entre les collégiens et les différents métiers et lieux de l’agriculture et de l’alimentation. L’organisation d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=oAFzdjI5Z-o">concours de cuisine</a> inter-collèges à Vénissieux, en partenariat avec <a href="https://vrac-asso.org/">l’association VRAC</a>, a été l’occasion de rencontrer des horticulteurs, maraîchers, chefs étoilés, journalistes gastronomiques et de visiter des lieux aussi divers qu’une exploitation agricole ou l’Institut Paul Bocuse.</p>
<p>La création d’un <a href="https://vimeo.com/461842349">forum des agriculteurs</a> dans un collège de l’Ain a montré la diversité du bassin agricole proche. Le développement d’une méthodologie pour ouvrir une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en collège implanté dans un quartier politique de la ville encourage la <a href="https://projetsdepaysage.fr/fr/les_marges_sociales_et_les_franges_agricoles_se_tournent_elles_le_dos_">venue de producteurs</a> dans ce « vide alimentaire » déconnecté de son agriculture locale.</p>
<p>L’élaboration d’ateliers de cuisine avec les résidents de la maison de retraite de Villeurbanne, avec l’association <a href="https://www.sante-gout-terroir.com/post/a-la-recherche-des-savoir-faire-oubli%C3%A9s-au-service-d-une-meilleure-alimentation">Santé Goût Terroir</a>, fait découvrir les terroirs locaux et les savoirs anciens. Voilà donc autant d’actions qui ouvrent la salle de classe aux réalités locales des uns et des autres, en rupture avec les clichés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364260/original/file-20201019-19-142laf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dernières retouches lors du concours de cuisine inter-collèges Véni’Chefs dans la cantine du collège Paul Éluard, à Vénissieux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Vivien, Réseau Marguerite, 2018</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’impuissance des consommateurs face aux industries agroalimentaires crée une forme de découragement. La dénonciation frontale des phénomènes est peu opératoire : qui ne connaît pas les méfaits des sodas ? Pourquoi les pratiques ne suivent-elles pas ? L’école est un espace pour questionner les choix, qui tiennent aussi à l’offre disponible et aux manipulations publicitaires.</p>
<p>Une équipe a emmené les élèves dans la démarche d’enquête « Sugar Killer » sur les dangers du sucre et du marketing à Vaulx-en-Velin, autour de l’artiste Thierry Boutonnier. Après avoir décodé les étiquettes nutritionnelles de produits les plus consommés (sodas, chips), les élèves ont contacté les services consommateurs pour percer l’opacité des informations et se heurtent au manque de clarté des industriels. Ils ont organisé alors une table ronde publique avec des représentants des marques, une scientifique et un représentant politique et les interpellent sur les manquements des industriels.</p>
<p>Tout en étant confrontés à leur maigre pouvoir de consommateurs, ils ont pu participer à une démarche citoyenne où ils se construisent un positionnement – l’effort collectif des adultes étant de ne jamais dénoncer ouvertement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364265/original/file-20201019-15-1gwlc81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le cadre de l’enquête Sugar Killer, des élèves de 5ᵉ de Vaulx-en-Velin rencontrent Martine Cador, chercheuse (CNRS) en neuropsychopharmacologie spécialiste de l’addiction au sucre chez les adolescents, aux Halles du Faubourg (Lyon).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adrien Pinon</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces propositions illustrent la diversité des initiatives que peut recouper l’éducation à l’alimentation à l’école. Dans un moment où dominent les potagers et actions en restauration scolaire, l’éducation agri-alimentaire invite à la créativité. Une gageure pour une meilleure appréhension des systèmes alimentaires, mais surtout pour des expériences moins normatives et plus inspirées des problématiques et possibilités des enseignants, élèves, établissements.</p>
<p>Il est difficile d’évaluer l’impact à court terme de ces actions dans des territoires traversés par l’injustice alimentaire. Néanmoins, on peut affirmer qu’elles sortent l’éducation à l’alimentation d’un discours directif (« il faut manger ceci ou cela ») et encouragent le débat d’idées, l’esprit critique, et, surtout, le plaisir d’apprendre. Une étape qui n’est pas sans rappeler le plaisir que l’alimentation peut aussi représenter et que les controverses actuelles tendent à inquiéter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Pech a reçu des financements de l'Ecole urbaine de Lyon.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Le Gall est co-fondatrice et experte scientifique pour le Réseau Marguerite, Cultivons ensemble un monde plus juste (association loi 1901), chercheure au laboratoire Environnement Ville Société jusqu'en 2018, associée au CEMCA (Mexico) depuis 2018. Les résultats présentés dans cet article sont le fruit de recherches financées par le Programme national pour l'Alimentation, Ministère de l'Agriculture, DRAAF Auvergne Rhône Alpes, en 2016 et 2019 ; le Plan d'éducation au développement durable de la Métropole de Lyon depuis 2016 ; l'École urbaine de Lyon (PIA 2017) depuis 2017. Les financements ont été obtenus entre 2014 et 2018 au nom du laboratoire Environnement Ville Société et depuis 2018 au nom du Réseau Marguerite et du CEMCA (México).</span></em></p>Il peut exister une rupture entre les normes du « bien manger » diffusées par l’école et l’alimentation réellement accessible aux élèves, financièrement ou géographiquement. Comment la surmonter ?Alexandra Pech, Doctorante en géographie et anthropologie, ENS de LyonJulie Le Gall, Enseignante-chercheure en géographie - sciences sociales. En détachement., ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1490172020-11-08T17:30:23Z2020-11-08T17:30:23ZComment l’économie expérimentale peut aider l’agriculture à être en phase avec son temps<p>L’Union européenne engage 50 milliards d’euros par an pour soutenir le secteur agricole au titre de la <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-pac-quest-ce-que-cest">Politique agricole commune, la PAC</a>. Tous les 7 ans, la PAC est réformée sur la base de l’évaluation des mesures mises en place et de propositions pour rendre cette politique de soutien à l’agriculture plus efficace, plus juste et plus cohérente avec notre monde qui évolue.</p>
<p>Le 23 octobre dernier, les eurodéputés ont adopté leur position sur la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20201016IPR89542/une-politique-agricole-europeenne-plus-verte-plus-juste-et-plus-solide">réforme de la PAC pour la période 2021-2027</a>. L’équipe de négociation du Parlement est désormais prête à entamer les discussions avec les ministres de l’UE.</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=p68L-oPx8Ds&feature=youtu.be">Évaluer une politique publique</a>, c’est apprécier son efficacité en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre. Or en Europe, les objectifs et les moyens du soutien à l’agriculture ont considérablement évolué depuis la création de la PAC au début des années 1960.</p>
<p>Depuis 1992, elle n’intervient plus en effet sur les marchés agricoles par le biais des prix garantis (qui assuraient aux agriculteurs un prix plancher pour leurs productions). Les agriculteurs reçoivent désormais des subventions pour chaque hectare cultivé. Ils peuvent s’engager volontairement dans des actions (modernisation de leur ferme, adoption de pratiques en faveur de l’environnement, etc.) leur permettant de percevoir des aides supplémentaires. L’objectif n’est plus la régulation des marchés, mais le soutien aux agriculteurs. La boîte à outils d’évaluation doit donc elle aussi évoluer pour suivre les changements de cette politique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1266682130588930048"}"></div></p>
<p>Il existe aujourd’hui un <a href="https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/cmef_fr">cadre commun de suivi et d’évaluation</a> (CCSE) pour mesurer les performances de la politique agricole commune. Le CCSE est un ensemble de règles, de procédures et d’indicateurs servant à évaluer la PAC. D’autres outils tels que des modèles de simulation ou des cas d’études sont aussi mobilisés pour l’évaluation des mesures avant leur mise en place. Il faut cependant aller plus loin, en incluant notamment dans la « boite à outils » de l’évaluation de la PAC des approches expérimentales.</p>
<p>Dans le contexte actuel, des méthodes d’évaluation qui ne se contentent pas d’analyser les marchés agricoles, mais mesurent l’effet de la PAC au niveau des fermes sont indispensables. Non seulement ses impacts économiques, mais également environnementaux et sociaux afin de répondre à la demande du contribuable européen qui attend qu’elle encourage une agriculture respectueuse de l’environnement.</p>
<p>Enfin, parce que les régions européennes ont de plus en plus de marge de manœuvre pour adapter la PAC aux spécificités de leurs agricultures, ces méthodes d’évaluation doivent pouvoir intégrer des variations locales.</p>
<h2>L’économie expérimentale, un champ nouveau</h2>
<p>Champ de la science économique en pleine expansion, l’<a href="https://laviedesidees.fr/Economie-experimentale-546.html">économie expérimentale</a> est notamment utilisée dans l’aide à la conception de politiques publiques – aussi bien pour examiner l’efficacité de nouvelles idées que pour évaluer les dispositifs déjà en place. Si cette approche est désormais très répandue pour évaluer des mesures d’aide au développement, dans le secteur de l’éducation ou de la lutte contre le chômage, elle reste encore très peu mobilisée dans le domaine agricole.</p>
<p>L’économie expérimentale est une méthode de recherche qui consiste à concevoir des situations économiques ou « expériences » en laboratoire, afin d’étudier les décisions d’individus dans un environnement contrôlé et reproductible. Inspirée des essais cliniques randomisés pratiqués en médecine, l’expérimentation en économie permet d’évaluer une action publique en comparant les résultats d’un « groupe traité » pris au hasard (une exploitation agricole, une zone ou un GIEE qui a bénéficié de cette action) à ceux d’un « groupe témoin » (qui n’en a pas bénéficié).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366656/original/file-20201030-21-1kn82u9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le principe de randomisation, aussi au cœur de l’expérimentation en économie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marianne Lefebvre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Alors que ces méthodes sont plébiscitées pour <a href="https://www.povertyactionlab.org/fr/agriculture">mesurer l’impact des programmes d’aide</a>, notamment au secteur agricole, dans les pays en voie de développement – comme en témoigne l’<a href="https://www.nobelprize.org/uploads/2019/10/press-economicsciences2019-2.pdf">attribution du prix Nobel 2019</a> d’économie à Esther Duflo, Abhijit Banerjee et Michael Kremer qui utilisent ces méthodes – elles ne sont pas ou peu appliquées en Europe à l’évaluation de la PAC.</p>
<p><a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Intellectuelle-de-terrain-166936-3099377">Pour Esther Duflo</a>, « ces évaluations par expérimentation aléatoire sont rigoureuses. Elles ne laissent aucune place à l’interprétation. Si ça ne marche pas, ça ne marche pas. Il reste seulement alors à tenter autre chose ». Par la mesure objective et chiffrée des effets des politiques publiques, la « pédagogie de la preuve » permettrait de réduire les inefficacités de l’action publique, notamment dans le secteur agricole.</p>
<p>Quand cette méthode ne peut être mise en place, d’autres formats d’expériences sont possibles sous la forme d’enquêtes auprès d’agriculteurs dans lesquelles ils doivent indiquer leurs choix face à différents scénarios – appelées expériences de terrain ou « expériences de choix » dans le jargon de l’économie expérimentale.</p>
<p>En 2001, l’État de Géorgie aux États-Unis <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=893800">a ainsi mandaté une équipe d’expérimentalistes</a> pour tester différentes procédures d’enchères pour répartir les ressources en eau utilisées pour l’irrigation des terres. Cette expérience, initialement en laboratoire puis avec des agriculteurs sur le terrain, a eu un certain succès pour prouver que l’économie expérimentale pouvait être un outil d’aide à la décision efficace.</p>
<h2>Les trois grands atouts de cette méthode</h2>
<p>Les arguments en faveur de l’utilisation des approches expérimentales pour l’évaluation de la politique agricole peuvent être résumés en trois points.</p>
<p>Premièrement, elles permettent de tester une mesure avant sa mise en œuvre à large échelle. Les expériences en laboratoire apportent notamment des réponses dans un délai beaucoup plus bref et à un coût très inférieur à un tâtonnement par essai-erreur dans le « monde réel ».</p>
<p>D’autre part, ces expériences mettent mieux en évidence « l’effet propre » d’une politique, c’est-à-dire qu’elles offrent la possibilité d’isoler l’effet de la politique d’autres facteurs. Avec l’économie expérimentale, on utilise le principe du groupe témoin et la répartition aléatoire des participants entre les groupes, puis on compare les résultats, avec et sans la mesure de soutien.</p>
<p>Enfin, l’économie expérimentale et l’économie comportementale sont deux disciplines associées. Des expériences peuvent être mises en place pour mettre en évidence des aspects psychologiques et comportementaux susceptibles <a href="https://academic.oup.com/erae/article/46/3/417/5499186">d’expliquer la réussite ou l’échec d’une politique</a>, tels que le poids des normes sociales ou l’aversion au risque et aux pertes.</p>
<h2>Une aide à la décision</h2>
<p>L’économie expérimentale aide donc à la compréhension des problèmes et souligne des pistes de solutions. Elle permet d’informer les décideurs, qui ne sont jamais faciles à convaincre sur des bases théoriques, mais parfois plus sensibles aux preuves empiriques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"966850208507232256"}"></div></p>
<p>Un réseau européen d’experts des méthodes expérimentales et de l’évaluation des dispositifs d’aide au secteur agricole s’est mis en place en 2017 – <a href="https://www.reecap.org">REECAP</a>, dont je suis l’actuelle présidente –. Nous mettons en œuvre des expériences et contribuons à rendre plus visibles les avantages de ces méthodes pour l’évaluation des politiques publiques. Nous avons notamment travaillé avec des membres de la Commission européenne qui sont désormais convaincus de l’intérêt <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC97340/jrc%20report%20final.pdf">d’élargir la boîte à outils</a> de l’évaluation de la PAC avec ces méthodes.</p>
<p>Des membres du réseau REECAP ont par exemple démontré grâce à une expérience qu’un <a href="https://ageconsearch.umn.edu/record/208766/">bonus collectif pourrait augmenter l’engagement de viticulteurs</a> dans une mesure agroenvironnementale et climatique visant à réduire les herbicides, sans pour autant coûter plus cher. Ce bonus ne serait par exemple versé que si la moitié du territoire est effectivement engagée dans cette mesure. Ce résultat suggère l’importance de prendre en compte le désir des agriculteurs de se conformer à la norme sociale pour influencer les comportements. Ce bonus rassurerait les agriculteurs sur le fait qu’il est probable que les autres membres du groupe s’engagent, tout en les incitant à mener des actions de persuasion auprès des autres pour qu’ils souscrivent aussi cette mesure et que le bonus soit activé.</p>
<p>Si de telles innovations contractuelles semblent séduisantes sur le papier, elles ne peuvent être introduites au sein de la PAC sans expérimentation préalable, afin de mesurer le rapport coûts-bénéfices et observer d’éventuels effets inattendus.</p>
<p>Il manque aujourd’hui des régions pilotes en Europe qui accepteraient d’intégrer ces dispositifs d’évaluation, en parallèle de l’expérimentation de nouvelles mesures PAC gérées au niveau régional. Nous espérons ainsi que le <a href="https://agriculture.gouv.fr/pac-post-2020-quest-ce-que-le-plan-strategique-national">plan stratégique national français</a>, qui définira les interventions et les modalités de mise en œuvre de la PAC à l’échelle nationale, inclura l’expérimentation comme méthode d’évaluation et de pilotage de la future PAC. C’est d’ailleurs à cette fin que des membres du réseau REECAP ont participé <a href="https://impactons.debatpublic.fr/">au récent débat public sur l’agriculture</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149017/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le réseau REECAP a reçu des financements de l’Institut d'études européennes et globales (RFI Alliance Europa).</span></em></p>Des méthodes d’évaluation expérimentales devraient être mises en place pour mieux adapter les mesures de la politique agricole européenne aux nouveaux enjeux sociaux et environnementaux.Marianne Lefebvre, Enseignante et chercheuse en économie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.