tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/automobile-20801/articlesautomobile – The Conversation2024-03-25T16:36:13Ztag:theconversation.com,2011:article/2255992024-03-25T16:36:13Z2024-03-25T16:36:13ZPourquoi prendre le métro nous expose à davantage de particules fines<p>Prendre le métro accroît-il notre risque de faire des AVC ? S’il y a quelque temps, une telle affirmation aurait pu sembler saugrenue, les études réalisées sur les taux de particules fines du métro parisien légitiment désormais une telle question. Afin de comprendre pourquoi, il faut d’abord s’attarder sur ce que sont ces particules fines, et la façon dont nous pouvons les mesurer.</p>
<p>Le terme « particules fines » désigne tous les aérosols solides et semi-volatiles en suspension dans l’air, ayant une taille allant de quelques nanomètres (nm), c’est-à-dire un milliardième de mètre à quelques centaines de micromètres (µm), c’est-à-dire un millionième de mètre. Pour comparer, le diamètre d’un cheveu est d’environ 70 µm et celui d’un globule rouge est de 7 µm. La mesure de la taille et de la concentration de ces particules fines est devenue un enjeu sanitaire du fait des nombreuses pathologies qu’elles génèrent lors des épisodes de pollution atmosphérique.</p>
<h2>La mesure des particules fines</h2>
<p>En France, les mesures de surveillance de la pollution sont menées par les agences de surveillance de la qualité de l’air (<a href="https://www.atmo-france.org/article/laasqa-de-votre-region">AASQA</a>), qui, pour les particules fines, se concentrent sur leurs concentrations massiques par m<sup>3</sup>. Y sont mesurées les PM<sub>10</sub> (masse cumulée de toutes les particules inférieures à 10 µm) et les PM2.5 (particules inférieures à 2,5 µm). La mesure des particules fines a commencé il y a 45 ans pour les PM<sub>10</sub>, suivie, une vingtaine d’années plus tard, par celles des PM2.5. Mais cette échelle de mesure pose de plus en plus question, car elle minimise la contribution des particules très fines et ultrafines respectivement inférieures à 1 µm et 0,1 µm.</p>
<p>L’intérêt pour les particules ultrafines est, de fait, plus récent, depuis les premiers travaux médicaux sur leur dangerosité jusqu’à la reconnaissance par la communauté scientifique depuis une dizaine d’années de la nécessité de les mesurer.</p>
<p>Pour le moment, nous nous contenterons cependant de scruter l’échelle des PM2.5 qui présente un compromis entre la nécessité de mesurer les plus petites particules et celle d’avoir une référence de mesure. La norme actuelle est de ne pas dépasser une moyenne annuelle de 25 µg/m<sup>3</sup>. L’OMS a récemment publié de nouveaux objectifs : 5 µg/m<sup>3</sup> en moyenne sur l’année et 15 µg/m<sup>3</sup> en valeur limite journalière. Pour aller vers ces recommandations, la Commission européenne vient d’abaisser en février 2024 la moyenne annuelle à <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/air-quality/">10 µg/m³</a>
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<h2>Mesurer les particules fines du métro</h2>
<p>Voici pour ce qui est des échelles de mesure. Mais vient ensuite une autre question, tout aussi importante : où effectuer ces mesures ?</p>
<p>Les normes de la qualité de l’air ne concernent que l’air ambiant extérieur. Néanmoins, il semble raisonnable de proposer d’étendre ces valeurs aux enceintes souterraines des métros et des trains, puisque l’air qui y circule provient d’une ventilation naturelle à partir de l’air en surface. De plus, les transports en commun sous-terrain sont utilisés quotidiennement par un grand nombre d’usagers : avec <a href="https://www.ratpdev.com/fr/groupe">12 millions de déplacements</a> chaque jour pour ce qui concerne la RATP. Dès lors la question de la qualité de l’air de ces lieux sous-terrain <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/les-francais-utilisent-toujours-plus-les-transports-en-commun-1152214#:%7E:text=Au%20niveau%20national%2C%20le%20mode,et%20le%20TER%20(18%20%25).">où transitent 72 % de la population française</a> est tout sauf négligeable.</p>
<p>Dans l’attente de normes qui ne sont toujours pas établies, différentes équipes scientifiques ont mené depuis une vingtaine d’années des études dans différents réseaux de métro, n’étant pas satisfaits des informations souvent rassurantes que donnaient certains opérateurs de ces réseaux.</p>
<h2>Pourquoi la qualité de l’air n’est pas bonne dans le métro ?</h2>
<p>Si l’on se penche maintenant sur la situation de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935115301705">qualité de l’air de la plupart des métros du monde entier, on constate rapidement qu’elle n’est pas bonne</a>. Cette réalité a en fait deux causes majeures :</p>
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<li><p>Le prélèvement de l’air extérieur, qui s’effectue souvent depuis des grilles au ras de la chaussée. L’air est alors très chargé des particules fines directement issues du trafic routier (moteurs, freins, pneus). Ainsi la pollution de l’air dans le métro ne peut être inférieure à celle de l’air extérieur.</p></li>
<li><p>La génération de particules fines liées à l’activité du métro. Ces particules proviennent principalement du freinage, mais aussi de l’usure des roues et des rails, de l’effritement naturel du ballast et de la voute des tunnels. Le passage des rames peut aussi entraîner un ressoulèvement des particules.</p></li>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581297/original/file-20240312-18-q2xw2a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’usure des rails et les systèmes de freinage du métro peut aggraver l’exposition aux particules fines des usagers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Falgui%C3%A8re_Paris_Metro_Station.jpg">Planespotter1/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les études précédemment menées considèrent la valeur globale en PM2.5 et en PM<sub>10</sub>. Elles sont localement représentatives de ce que respirent les usagers, mais ne permettent pas d’estimer la contribution du métro par comparaison à un voyage qui aurait été effectué à pied en air extérieur. Pour mesurer cela, nous avons introduit la notion de sur-pollution, c’est-à-dire la contribution uniquement liée au métro, qui est obtenue en soustrayant aux mesures effectuées dans les stations celles de l’air extérieur à proximité.</p>
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<p>Plusieurs campagnes ont été menées de manière indépendante par rapport à la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) pour évaluer cette sur-pollution. La plus récente a été réalisée avec les équipes du magazine « Vert de Rage » diffusé sur France 5, en utilisant des capteurs mobiles Pollutrack, qui servent normalement à <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/12/5/529">cartographier l’air extérieur de Paris</a>. La stratégie a consisté à effectuer les mesures pour toutes les stations du métro parisien aux heures de pointe, et à les comparer aux mesures à l’extérieur. Certaines stations mal ventilées présentent des valeurs de sur-pollution de plusieurs dizaines de µm/<sup>3</sup>, comme Charonne, Javel ou Pont de Neuilly, ainsi que certaines lignes où les rames de métro génèrent une usure significative des rails, telle la ligne n°5.</p>
<p>Une valeur moyenne d’environ 15 µg/m<sup>3</sup> a été obtenue en considérant toutes les stations souterraines, qui s’ajoute à la valeur moyenne d’environ 15 µg/m<sup>3</sup> de l’air ambiant parisien. Ainsi les usagers doublent en moyenne leur exposition aux particules fines journalière lorsqu’ils sont dans le métro.</p>
<p>Ce concept de sur-pollution pourrait être utilisé pour une première approche de normes dans l’air intérieur, en prenant en compte le temps d’exposition à cette sur-pollution et en l’ajoutant à l’exposition moyenne à l’air ambiant. Par exemple, 1h30 d’exposition dans les enceintes souterraines par jour augmenterait l’exposition moyenne journalière d’un citoyen de 1 µg/m<sup>3</sup>, ce qui devient significatif au regard des nomes de l’OMS. Bien sûr, un tel calcul n’est qu’une valeur moyenne, sachant que des valeurs bien plus élevées peuvent être obtenues pour les lignes de métros les plus polluées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7BDiUQFpHFg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait de l’émission Vert de Rage consacrée aux particules fines du métro.</span></figcaption>
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<h2>Qualité de l’air extérieur</h2>
<p>On le voit bien, la qualité de l’air dans les métros est donc intrinsèquement liée à la qualité de l’air extérieur. Dès lors, pour bien comprendre les causes originelles de la pollution de l’air, il faut considérer les différentes sources qui en altèrent la qualité en fonction des lieus de vie. Les activités industrielles et de constructions et le trafic (routier, aérien et maritime) sont les sources les plus souvent mises en avant, mais le chauffage au bois collectif et individuel, ainsi que la formation d’aérosols secondaires issus des épandages agricoles sont aussi des <a href="https://www.mdpi.com/1424-8220/20/4/1111">sources majeures</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-promouvoir-le-chauffage-au-bois-au-nom-de-lenvironnement-222828">Peut-on promouvoir le chauffage au bois au nom de l’environnement ?</a>
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<p>La pollution aux particules fines peut être locale, mais aussi importée suivant la direction et de la force des vents. Les situations anticycloniques sont celles qui favorisent la stagnation des polluants près des sources. Des vents de quelques m/s favorisent la dispersion de la pollution mais aussi son transport, sans toutefois la résoudre totalement. Les meilleurs alliés pour lutter contre la pollution sont de forts vents pour disperser les particules fines et les pluies fortes pour les rabattre au sol.</p>
<p>Certains lieux sont de surcroit plus propices à de forts taux de pollution, en fonction des activités industrielles, de la densité de pollution et de la topographie locale. À l’échelle de la France, la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, est un des endroits les plus pollués à cause de l’implantation d’activités très génératrices de particules fines en fond de vallée mal ventilée.</p>
<p>Paris est aussi une ville très polluée de fait de la forte concentration urbaine, du trafic routier, et de la configuration de la ville qui engendre une forte variabilité à l’échelle du km. Le périphérique reste l’endroit le plus pollué, mais le Nord et l’Est de Paris sont nettement plus pollués que l’Ouest du fait de la configuration de la ventilation de la ville avec notamment la présence de rues canyons où la pollution peut s’accumuler. Ainsi, Paris connaît un <a href="https://www.mdpi.com/1424-8220/23/20/8560">nombre de jours de dépassement de la recommandation de l’OMS qui va entre 100 et 200 par an</a> selon la localisation dans la ville. Ce résultat montre l’importance de l’emplacement des bouches de prélèvement de l’air pour les enceintes souterraines, ce qui n’est pas considéré actuellement pour le renouvellement de l’air alors que cela a des conséquences sur la santé des usagers des transports en commun.</p>
<h2>Conséquences sanitaires</h2>
<p>Face à cet enjeu-là, la recherche médicale progresse aussi : Les effets sanitaires des particules fines sont de mieux en mieux connus, bien que de nouvelles études augmentent encore régulièrement le nombre de pathologies liées à la pollution. Les effets à court terme concernent les crises d’asthme, l’augmentation des AVC et des crises cardiaques, et même la <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/14/8/1222">mortalité liée au Covid-19</a>.</p>
<p>Les effets à long terme sont mis en évidence à partir de nombreuses études épidémiologiques sur lesquelles l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/22-09-2021-new-who-global-air-quality-guidelines-aim-to-save-millions-of-lives-from-air-pollution">OMS</a> s’est basée pour fixer ses recommandations en PM2.5. Ces effets se manifestent notamment par une augmentation des allergies sévères, des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/10/17/la-pollution-de-l-air-exterieur-est-cancerigene-pour-l-oms_3497663_3244.html">cancers</a>, des maladies neurodégénératives, et du diabète de type 2. Les particules carbonées ultrafines, toxiques pour l’organisme, une fois entrées par les voies respiratoires, se retrouvent dans pratiquement tous les organes du corps humain.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-toutes-les-particules-fines-nont-pas-les-memes-effets-sur-la-sante-161261">Pollution de l'air : toutes les particules fines n’ont pas les mêmes effets sur la santé</a>
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<h2>En conclusion, comment améliorer la qualité de l’air ?</h2>
<p>Ces fléaux semblent d’ailleurs grandissants du fait notamment des concentrations en particules ultrafines qui semblent en augmentation, alors que celles en plus grosses particules diminuent. Ceci s’explique par le fait que les sources sont toujours là, mais que la nature de la production des particules a changé à cause de l’évolution de leur mode de production (évolution des rejets des moteurs diesel et du chauffage au bois).</p>
<p>Alors que faire ? Cette évolution n’est pas inexorable. Pour les enceintes souterraines, il faut améliorer les systèmes de freinage des rames, mieux gérer le renouvellement de l’air, et travailler sur des techniques de dépollution de l’air. Des expérimentations et des installations commencent à se mettre en place. À noter toutefois qu’un système d’extraction d’air, même s’il favorise le renouvellement de l’air dans les enceintes souterraines, rejette la pollution à l’extérieur et ne fait donc que déplacer le problème.</p>
<p>Pour la qualité de l’air extérieur, il faudrait limiter les émissions, notamment avec l’interdiction des moteurs diesel et des véhicules lourds en ville, la limitation du chauffage au bois dans les zones à forte densité de population, et la régulation des épandages agricoles en fonction du transport de leurs effluves par les vents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584139/original/file-20240325-16-owfgpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'intérieur d'une voiture ne protège en rien de la pollution aux particules fines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jfgornet/4067266583">Jean-François Gornet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Si certains pourraient être tentés de faire primer la protection individuelle au bien collectif en remplaçant leurs trajets en métro ou RER par un même trajet en voiture, cette solution ne serait ni bénéfique individuellement ou collectivement car l'habitacle de la voiture ne protège en rien de la pollution aux particules fines. À certains endroits, comme les arrêts aux feux de circulation ou les embouteillages, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231015001193">l'exposition peut même y être jusqu'à 29 fois plus élevées</a> qu'à l'extérieur. </p>
<p>Enfin, le problème d’exposition aux particules fines est surtout critique les jours de forte pollution lors de situations anticycloniques. Il pourrait être proposé de limiter les activités lors de ces journées. Le port de masques FFP2 pourrait aussi être recommandé dans les enceintes souterraines pour les personnes les plus fragiles. Toutes ces actions impliquent une participation citoyenne constructive pour que chacun s’approprie ces règles afin que nous respirions mieux dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225599/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Renard est membre du conseil scientifique de RESPIRE. Après avoir débuté ses travaux sur la mesure de la pollution de l'air dans le métro parisien, il a été sollicité comme consultant pour la société Aerophilee SAS qui a notamment développé un appareil de dépollution pour grands volumes, et par les sociétés Pollutrack et MeteoModem qui vendent des compteur d'aérosols.</span></em></p>48% des Français prennent le métro. Ils sont de ce fait davantage exposés aux particules fines, ce qui augmente à court terme les risques de les crises d’asthmes, d'AVC et de crises cardiaques.Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherches, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210532024-03-11T16:14:19Z2024-03-11T16:14:19ZMobilité : et si on remettait le piéton au milieu du village ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575293/original/file-20240213-22-qeinre.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=700%2C431%2C3785%2C2357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment penser une rue où piétons, vélos, trottinettes, transports en commun et voitures cohabitent de façon apaisée ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/les-gens-qui-marchent-sur-le-trottoir-pendant-la-journee-Fzr-DIuWmFk">Robert Tjalondo/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/paris-sans-voiture-on-en-revait-deja-en-1790-103140">Parisiens</a> ont voté le <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">4 février dernier</a> en faveur d’un triplement de la tarification du stationnement des <a href="https://theconversation.com/stationnement-des-suv-nos-voitures-sont-elles-devenues-obeses-222547">SUV</a>. À l’échelle de la France, la plupart des grandes villes tentent peu à peu de réduire la place de la voiture dans l’espace public, notamment au profit des transports collectifs, des piétons et des cyclistes.</p>
<p><a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-sur-la-mobilite-des-personnes-2018-2019">En moyenne en 2019</a>, 23,7 % des déplacements en France étaient effectués à pied. Un chiffre qui grimpait à 38 % à Paris et ses alentours et chutait à 18,9 % dans les agglomérations de moins de 200 000 habitants. Quant aux territoires ruraux, la marche y représente 13 % des trajets.</p>
<p>Malgré cette place importante de la <a href="https://theconversation.com/favoriser-la-marche-a-pied-en-ville-une-question-plus-complexe-quil-ny-parait-96242">marche</a> dans nos vies, le piéton demeure un angle mort des politiques de mobilité. En nous confinant dans un rayon d’un kilomètre autour de chez nous et en vidant les rues des automobilistes, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière ce déséquilibre entre la place conférée à la voiture dans la conception de l’espace public et celle réservée aux mobilités dites « actives » (marche, vélo…).</p>
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<p>En réaction à ce besoin de redistribution des espaces publics, des stratégies d’<a href="https://theconversation.com/sinspirer-de-lurbanisme-tactique-pour-adapter-les-villes-a-la-distanciation-physique-136642">« urbanisme tactique »</a> ont proposé des aménagements temporaires – « coronapistes » cyclables, extension de terrasses sur les trottoirs et les places de stationnement – qui se sont parfois pérennisés pour montrer qu’il était possible de <a href="https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/5987-l-experience-de-l-amenagement-temporaire-d-espaces-publics.html">grignoter de l’espace à la voiture</a> pour donner plus de place à d’autres usages, à la nature, à la vie sociale et au bien-être des citadins.</p>
<p>Mais si cet épisode a eu un effet très bénéfique pour la <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">pratique du vélo</a>, il n’en a pas été de même pour la marche.</p>
<h2>Les piétons, parents pauvres des politiques de mobilité</h2>
<p>Il est tellement naturel de marcher que les collectivités ne pensent en effet même pas à intégrer les piétons dans leurs réflexions et leur planification territoriale. Dans l’ordre des modes de déplacement, elles privilégient dans leur conception la circulation des voitures et leurs stationnements, avant les pistes cyclables et les aménagements pour les piétons qui sont trop souvent considérés comme une variable d’ajustement. Une hiérarchie qui se retrouve aussi d’un point de vue financier.</p>
<p>Un constat paradoxal alors que la marche constitue le mode de déplacement le plus vertueux et le plus universel. Elle est indispensable à l’intermodalité puisqu’elle joue le rôle de liant avec l’ensemble des autres modes, sans compter ses vertus pour la santé physique et psychique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes âgées qui discutent dans la rue" src="https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le piéton, c’est tout le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/deux-personnes-parlant-debout-pres-du-mur-q3FihXQ-13M">Cristina Gottardi/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En outre, le piéton est la figure qui couvre toute la diversité de la population. Il n’y a pas un, mais des piétons : au-delà de la personne en bonne santé, c’est aussi la personne âgée, le parent avec sa poussette, la personne à mobilité réduite, le voyageur qui tire une valise ou encore l’enfant, grand disparu de l’espace public ces dernières décennies.</p>
<p>Alors qu’il y a 50 ans, les enfants marchaient seuls jusqu’à trois kilomètres autour du domicile, aujourd’hui quatre enfants sur dix de trois à dix ans ne jouent jamais dehors pendant la semaine (<a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2015/30-31/2015_30-31_3.html">selon un rapport publié en 2015 par l’Institut de veille sanitaire</a> (INVS). <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/chassignet/2020/12/07/la-mobilite-vers-l-ecole-un-enjeu-de-sante-publique-trop-souvent-oublie-des-politiques-publiques">Près de la moitié d’entre eux sont amenés à l’école en voiture</a>.</p>
<p>Il est donc important de rappeler qu’aménager la ville pour les piétons correspond à aménager la ville pour toutes et tous, et paradoxalement ce n’est pas le cas aujourd’hui. Si un aménagement est pensé et adapté aux publics dits « vulnérables », alors il sera accessible au plus grand nombre.</p>
<h2>Pas qu’un sujet de grandes villes</h2>
<p>Dans ce contexte, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a publié le guide « À pied d’œuvre », afin d’inciter les collectivités à replacer les piétons <a href="https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/5998-a-pied-d-oeuvre-mettre-les-pietons-au-coeur-de-la-fabrique-des-espaces-publics.html">au cœur de la stratégie des politiques publiques</a>.</p>
<p>Différentes initiatives menées ont mis en évidence que non seulement la marche intéressait les collectivités, mais qu’elle les concernait toutes : pas seulement les grandes agglomérations, où les alternatives à la voiture sont déjà bien développées, mais également les communes de petite taille, notamment en zone rurale ou périurbaine.</p>
<p>En 2023, un premier appel à projets de l’Ademe a incité les territoires à la créativité pour élaborer leur stratégie piétonne et expérimenter des aménagements favorables à la marche. 75 territoires lauréats sont ainsi accompagnés financièrement <a href="https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/laureats-aap-marche-du-quotidien-2023-national_944999#6/46.206/4.629">dans la mise en œuvre de ces projets</a>.</p>
<h2>Le piéton comme point d’entrée</h2>
<p>Pour favoriser la marche dans les communes, la rue est une échelle de réflexion pertinente : plutôt que de partir de la planification stratégique territoriale, qui conçoit les espaces en fonction de la circulation automobile, la rue permet de penser à l’échelle du piéton, le plus petit des acteurs de la ville.</p>
<p>En en faisant le point d’entrée de la réflexion urbaine, en partant de ses usages et de ses besoins, on peut dépasser la conception dominante qui envisage les rues comme tuyaux dans lesquelles circulent les voitures.</p>
<p>Citons <a href="https://theconversation.com/les-rues-scolaires-un-concept-aux-resultats-encourageants-pour-transformer-la-mobilite-urbaine-157845">l’exemple des rues scolaires</a>, dispositif qui consiste à piétonniser temporairement les voies des écoles aux heures d’ouverture et de fermeture des classes, afin de les sécuriser, mais également d’encourager les déplacements à pied, à trottinette ou à vélo plutôt qu’en voiture. Un dispositif en plein essor partout en Europe.</p>
<p>Au-delà de la piétonnisation d’une rue ou d’une place, cela peut aussi passer par la végétalisation, l’apaisement des vitesses, l’installation de marquages au sol pour mieux matérialiser les traversées piétonnes ou la place du piéton dans la ville avec de l’art ou de la peinture. Derrière cette requalification de la rue transparaît également l’idée de réenchanter nos villes en les rendant moins ternes et plus désirables.</p>
<h2>Une ville plus désirable</h2>
<p>Dans de nombreux territoires, notamment ruraux et périurbains, le tout voiture a créé un cercle vicieux dans lequel le commerce de proximité a progressivement disparu, au profit des grandes surfaces et zones commerciales.</p>
<p>L’accès à une vie de proximité, à des commerces, des services publics et des équipements à portée de jambe correspond en outre à une demande des habitants, même si des craintes sont parfois à lever. À Cahors, par exemple, la réflexion sur la piétonnisation d’une place, actuellement utilisée comme parking, a été permise grâce à la concertation et à la réalisation d’enquêtes de terrain, grâce auxquelles les commerçants ont compris que leurs clients, pour la plupart, ne venaient pas en voiture.</p>
<p>La marche non seulement occupe peu d’espace, mais elle présente bien d’autres co-bénéfices : pour la santé, la qualité de l’air, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et du bruit… elle profite également au commerce local, permet d’animer les villes et participe au sentiment de sécurité.</p>
<h2>Une ville plus inclusive</h2>
<p>Pour toutes ces raisons, engager une politique piétonne ambitieuse a des répercussions en matière de santé publique, de pollution atmosphérique, d’attractivité des villes et villages et d’inclusivité. Sur le genre, par exemple, les filles adolescentes – comme les enfants – sont de plus en plus invisibilisées de l’espace public.</p>
<p><a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/les-enfants-de-plus-en-plus-confines-a-l-interieur-la-faute-aux-villes-7519619">Dans une émission sur <em>France Inter</em></a> du 18 octobre 2023, le sociologue et démographe Clément Rivière expliquait ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Il se trouve que les filles, en fait, sont encore plus enfermées que les petits garçons. Elles passent moins de temps à jouer dehors, elles vont moins souvent à l’école seules, sans adulte, que les petits garçons. Ce qui préfigure les différences qu’on observe à l’âge adulte, dans le rapport qu’entretiennent à la ville les hommes et les femmes. »</p>
</blockquote>
<p>Sur la même chaîne de radio, l’architecte <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/grand-bien-vous-fasse/la-ville-est-elle-sexiste-9592434">Anne-Sophie Kehr</a>, architecte ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut partir de la genèse de la ville qui a été faite, pensée par et pour les hommes. L’espace public, c’est là où se fait la vie politique. Et nous, les femmes, nous n’avons pas été pensées comme partie prenante de l’espace public, l’espace des hommes. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pyramides des mobilités, actuelle et souhaitable.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Faciliter la marche en ville n’implique pas d’évacuer totalement la voiture, mais nécessite de revenir sur son omniprésence (en ville on estime que 50 à 80 % de l’espace public est réservé à la voiture ou aux deux-roues motorisés). Il s’agit simplement de rééquilibrer le rapport de force entre les modes de déplacement, en tenant davantage compte de leurs contributions respectives à l’intérêt général. De manière schématique, l’idée est d’« inverser la pyramide » en accordant davantage de moyens (espace alloué et moyens financiers) aux moyens de transport les plus favorables à l’intérêt général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Malgré son importance dans notre quotidien, la marche à pied demeure un angle mort des politiques publiques de mobilité.Christelle Bortolini, Ingénieure de recherche planification mobilité, Ademe (Agence de la transition écologique)Mathieu Chassignet, Ingénieur mobilité, qualité de l'air et transition numérique, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2242142024-03-11T16:12:18Z2024-03-11T16:12:18ZDes incitations douces pour une mobilité plus douce ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577420/original/file-20240222-26-th29s1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C2048%2C1361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’après une expérience, il existe des moyens simples et peu onéreux pour inciter les travailleurs à se tourner vers des formes douces de mobilité.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Rda Suisse / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Selon les données du GIEC publiées le 4 avril 2022, le secteur des <a href="https://theconversation.com/topics/transport-21575">transports</a> pèse pour <a href="https://www.carbone4.com/decryptage-giec-transports">15 % des émissions mondiales</a> de gaz à effet de serre, un chiffre qui ne tient pas compte des émissions indirectes liées à la production des énergies qui les font avancer. En France, les <a href="https://theconversation.com/topics/automobile-20801">voitures particulières</a> constituent le principal contributeur du secteur qui représente <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015759#tableau-figure1">32 % des émissions totales du pays</a>.</p>
<p>Elles demeurent encore le <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Passenger_mobility_statistics">mode de déplacement dominant</a>. Dans l’Hexagone, les trajets ainsi effectués représentaient <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/80_AMN/84_MOB">72 % de la mobilité domicile-travail</a> en 2020, dernières données de l’Insee disponibles, tandis que les transports en commun ne comptaient que pour 15 %. Les sondages ne donnent pas des <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/trajet-domicile-travail-la-voiture-encore-massivement-utilisee-par-les-francais-2031288">chiffres</a> très différents pour 2023. La voiture reste le moyen privilégié, même sur des distances très courtes et inférieures à cinq kilomètres.</p>
<p>Les investissements dans le secteur vont croissants en Europe, bien que la modernisation des infrastructures, ferroviaires notamment, reste <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284492-mobilites-et-transports-bilan-et-perspectives-dinvestissements">en retard en France</a>. Même à un niveau plus satisfaisant, ces efforts ne suffiraient pas sans des changements comportementaux significatifs dans la mobilité individuelle. Les décideurs publics peuvent-ils aussi concevoir des instruments incitant à se déplacer autrement ? Dans un <a href="https://bordeauxeconomicswp.u-bordeaux.fr/2023/2023-09.pdf">article récent</a>, nous montrons que l’utilisation de <a href="https://theconversation.com/topics/nudges-52967">« nudges »</a>, de petits « coups de pouce », peut permettre de réduire significativement l’utilisation de la voiture particulière dans les trajets domicile-travail des Français.</p>
<h2>Tout n’est pas qu’affaire de contrainte financière</h2>
<p>Des <em>nudges</em> plutôt que des taxes ou subventions ? L’efficacité de pareilles incitations monétaires pour orienter les comportements fait aujourd’hui débat. En théorie, ces instruments peuvent guider les individus rationnels vers un comportement moins polluant grâce à des « signaux de prix ». Cependant, dans la pratique, de nombreux gouvernements n’ont pas réussi à mettre en œuvre des instruments monétaires tels que la taxe carbone en raison d’un manque d’acceptabilité publique de ces politiques.</p>
<p>L’économie comportementale remet elle aussi en question l’efficacité de ces mécanismes. Elle souligne notamment la puissance des motivations intrinsèques des individus au-delà de simples considérations financières : adopter un comportement car on lui donne du sens.</p>
<p>Il faut enfin composer avec les biais cognitifs identifiés par les psychologues Daniel Kahneman (« Nobel » d’économie en 2002) et Amos Tversky à la fin des années 1970. <a href="https://www.jstor.org/stable/1914185">Leurs travaux</a> décrivent le décalage entre les informations entrant dans le cerveau humain et leur interprétation, ainsi que leur transformation en comportement. Ils expliquent pourquoi l’individu n’adopte pas systématiquement un comportement rationnel bien qu’il soit, par exemple, conscient des risques pour sa santé liés à la pollution. Ces biais empêchent les individus d’opter pour des comportements optimaux et réfléchis, et appellent des instruments afin de rectifier le cadre de prise de décision.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578875/original/file-20240229-18-zeap0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Ces interventions comportementales sont connues sous le nom de « <em>nudges</em> », traduits par « coups de pouce », une action extérieure qui modifie la perception des individus, ayant pour conséquence de les inciter à changer leurs comportements ou à faire certains choix attendus par le concepteur. Et ce sans les mettre sous contrainte, obligation ni menace de sanction. Ce sont d’autres « Nobel » d’économie, Richar Thaler et Cass Sunstein qui les ont mis en avant dans un <a href="https://books.google.fr/books/about/Nudge.html?id=dSJQn8egXvUC&redir_esc=yChromeHTML.EJJUB6PHQURGJM7JL3QUC4KTKAShellOpenCommand">ouvrage</a> de 2008 désormais célèbre.</p>
<p>Un <em>nudge</em> peut également viser à activer les normes sociales de comportement, en informant les individus de ce que la plupart des autres personnes choisissent dans la même situation. Il pourrait également être une manière de communiquer aux individus ce que la majorité approuve ou désapprouve.</p>
<h2>Une application test</h2>
<p>Puisant dans toute cette littérature, nous avons mené une expérimentation de terrain auprès de 845 employés de 89 entreprises dans la région Hauts-de-France sur une période d’un an, entre octobre 2020 et octobre 2021. Nous avons créé une application permettant aux salariés de renseigner de manière quotidienne leur mode de déplacement domicile-travail grâce à laquelle six instruments ont été testés.</p>
<p>Premier instrument, les employés au sein d’une entreprise pouvaient se lancer des défis, via l’application, en matière de mobilité. À la fin de chaque semaine, chaque participant recevait son classement individuel par rapport à ses collègues. Un autre consistait en un changement de présentation sur la disponibilité des transports au sein de chaque entreprise à l’aide d’installations visuelles graphiques. Un troisième instrument impliquait une incitation financière de 20 euros pour les individus qui modifiaient leur comportement. </p>
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<p>Un autre encore visait à mettre évidence les risques en termes de santé, de temps ou d’argent associés à la poursuite du comportement des individus. Il pouvait aussi s’agir d’activer des normes morales en mettant en avant les effets négatifs de l’utilisation de véhicules polluants sur le réchauffement climatique. Pour ces deux instruments, un message et un visuel étaient envoyés, via l’application, chaque lundi. Enfin, une combinaison des deux précédents a aussi été testée.</p>
<p>Le tout s’est fait de manière aléatoire. Un groupe de contrôle, ne recevant aucune intervention, a également été suivi.</p>
<h2>Des effets rapides et persistants</h2>
<p>Comparaison sociale, changement de présentation, incitation financière, risque de perte, appel moral… Sur quelle corde s’avère-t-il plus efficace de jouer ?</p>
<p>Il semble qu’il s’agisse de celle mettant en avant les risques pour la santé et le temps liés au mode de transport. Ce type d’incitation réduit significativement la proportion de véhicules polluants dans les déplacements hebdomadaires des actifs, encourageant ainsi un changement modal en faveur du vélo et des transports en commun. L’effet du <em>nudge</em> est rapide, observable dès deux semaines, et persistant dans le temps. Un an après le début de l’expérience et deux mois après l’arrêt de la réception des messages, les individus ne sont pas revenus à leur mode de transport initial. Le <em>nudge</em> « appel moral » s’est aussi avéré pertinent mais favorise exclusivement le déplacement à vélo.</p>
<p>Voilà de quoi aiguiller les décideurs publics vers ce type d’incitations, d’autant qu’elles sont faciles à mettre en place et peu coûteuses.</p>
<p>L’effet des différents instruments reste néanmoins fortement influencé par la distance. Dans notre étude, lorsque la distance entre le domicile et le lieu de travail dépasse 12 kilomètres, l’impact des <em>nudges</em> semble diminuer de manière significative. Or, la distance moyenne entre le domicile des employés et leur lieu de travail en France est de 13,3 km selon une <a href="https://www.1kmapied.com/post/trajets-domicile-travail">enquête</a> menée en 2019 par le service statistique du ministère en charge du logement.</p>
<p>Les incitations de type aversion au risque et appel moral restent ainsi susceptibles d’influencer de manière significative une part importante de la population française. Toutefois, au-delà de ce seuil, il sera opportun pour les décideurs publics de considérer d’autres instruments complémentaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail a été financé par le dispositif "Stimule" de la Région Hauts-de-France.
Nous remercions Noémie Rogeau de 2R Aventure et Lucile Janssoone de Réseau Alliances, les partenaires du projet, toutes deux spécialistes des questions de mobilité. Ce travail de recherche n’aurait pas été possible sans leur implication.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nabila Arfaoui et Raphaël Chiappini ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Pour les trajets de courtes distances, une expérience montre qu’il existe des moyens simples et peu coûteux pour inciter à se rendre au travail à vélo ou en transport en commun plutôt qu’en voiture.Ankinée Kirakozian, Chercheuse associée au BETA, Université de LorraineNabila Arfaoui, Maître de conférences en économie, ESDES Lyon Business School, Université catholique de Lyon (UCLy)Raphaël Chiappini, Maître de conférences en économie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231212024-02-15T14:09:50Z2024-02-15T14:09:50ZComment le télétravail impacte-t-il nos mobilités ?<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/teletravail-34157">télétravail</a>, longtemps perçu comme une aspiration lointaine, est devenu une réalité <a href="https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/12887/teletravail#author-0">incontournable</a>, <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-030-98052-8_3">propulsé par la pandémie de Covid-19</a> et les mesures de confinement. Les débats sur ses implications n'ont pas cessé depuis, notamment en ce qui concerne les <a href="https://www.nature.com/articles/s41599-021-00749-2">dynamiques spatiales</a>, et les pratiques de <a href="https://theconversation.com/topics/mobilite-34776">mobilité quotidienne</a>. Pendant que certains y voient une opportunité pour une mobilité plus durable en termes de congestion et de pollution (plus de télétravailleurs, c'est moins d'aller-retours entre domicile et travail), d'autres comme l'Ademe à la sortie du premier confinement ont souligné ses <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-36194-rapport-ademe-effets-rebond-induits-teletravail.pdf">effets rebonds</a>, en particulier sur l’<a href="https://doi.org/10.1111/gec3.12657">augmentation des déplacements privés</a>, de l’usage de la voiture, de l’étalement urbain des populations et des activités et la hausse des distances domicile-travail.</p>
<p>Nous avons appréhendé la question à partir des données de notre enquête en ligne menée au printemps 2022 en France métropolitaine dans le cadre du <a href="https://lability.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/contributeurs/LABILITY/Rapport_final_Smart_Lab_Lability.pdf">projet Lability</a>. </p>
<h2>Une grande satisfaction à télétravailler</h2>
<p>En 2022, un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/activite-et-conditions-demploi-de-la-main-doeuvre-pendant-la-crise-sanitaire-Covid-19-janvier-2022">quart des salariés français</a> pratiquait le télétravail de manière régulière et juridiquement formalisée, contre seulement <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/quels-sont-les-salaries-concernes-par-le-teletravail">3 % en 2019</a>. Initialement, pratiqué de manière ponctuelle, par des cadres et dans des secteurs d’activités spécifiques, le « distanciel » s’est non seulement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6209490">étendu à d’autres catégories d’actifs</a> (professions intermédiaires ou employés), mais est aussi pratiqué de manière plus régulière, sur un nombre de jours plus important, 2 la plupart du temps par semaine.</p>
<p><iframe id="8SJiO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8SJiO/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme de nombreuses études, nos résultats montrent que la majorité des télétravailleurs éprouvent une grande satisfaction à télétravailler, et expriment leur intention de maintenir, voire d’augmenter leur fréquence de télétravail, notamment parmi ceux qui télétravaillent un à deux jours par semaine. Le point de satisfaction jugé idéal est en moyenne de 2,5 jours de télétravail par semaine. En ce qui concerne les jours de télétravail, bien que peu d’études existent, nos données révèlent une concentration des jours de télétravail pratiqués et idéaux les vendredis, suivis des lundis et des mercredis.</p>
<p><iframe id="0Y9dh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0Y9dh/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En Île-de-France, une <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/le-mass-transit-a-lheure-du-teletravail-et-de-la-sobriete-energetique/">baisse significative de la fréquentation des transports en commun</a> les vendredis et lundis a également été observée. Les « jours de pointe » apparaissent ainsi en plus des « heures de pointe ».</p>
<h2>Plus de déplacements autour de son domicile</h2>
<p>Notre recherche récente se distingue en comparant les pratiques des télétravailleurs avant et après sa mise en place avec trois résultats clés.</p>
<p>Premièrement, le télétravail a entraîné un recentrage des déplacements non professionnels à proximité du domicile. 55 % des télétravailleurs interrogés indiquent qu’ils ne sortent pas de chez eux pendant les jours de télétravail. Mais ce n’est que pour 41 % que le télétravail n’a eu aucun impact sur leurs déplacements autour de leur domicile : 56 % des télétravailleurs ont déclaré avoir augmenté leurs déplacements autour de leur domicile. Il est important de noter que les télétravailleurs ont tendance à suivre les <a href="https://doi.org/10.3141/1752-20">mêmes horaires</a> que leurs horaires habituels de travail, ce qui explique des schémas de répartition temporelle relativement similaires entre les jours de télétravail et les jours de travail.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1749413896367018035"}"></div></p>
<p>Ceci pourrait être lié à un <a href="https://hal.science/hal-03697461">effet de compensation</a> : plus les télétravailleurs ont augmenté leurs achats dans les petits commerces de proximité (comme les épiceries, boucheries, primeurs, etc.), moins ils fréquentent les grandes surfaces, supermarchés ou hypermarchés. Par exemple, certains organisent leur emploi du temps en télétravail pour faire leurs courses le mercredi, jour de marché, plutôt que le samedi pour éviter la foule des grandes surfaces. De même, cela leur permet d’accéder à certains créneaux de loisirs, rendez-vous médicaux ou administratifs tôt le matin, pendant la pause méridienne, en fin d’après-midi ou en soirée.</p>
<p><iframe id="ft4m6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ft4m6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="kHeKu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kHeKu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Moins de déplacements mais pas moins de voitures</h2>
<p>Deuxième conclusion, le recentrage vers le domicile ne devrait pas entraîner de changement significatif dans le taux de motorisation. Si, avec le télétravail, seulement 1 % des répondants estiment qu’il leur manque une voiture, seuls 8 % envisagent d’en vendre une. Le télétravail semble pourtant diminuer les distances moyennes parcourues pour 55 % des répondants.</p>
<p>Dans les faits, la diminution des déplacements pendulaires pourrait entraîner un <a href="https://doi.org/10.1016/j.tra.2022.03.026">transfert d’activités</a> vers d’autres membres du ménage. C’est ce que nous avons constaté : 18 % des répondants affirment que la voiture est utilisée par un autre membre du ménage les jours où ils télétravaillent.</p>
<p><iframe id="HqVY7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HqVY7/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Télétravailler n’incite pas spécialement à déménager</h2>
<p>Enfin, notre enquête contredit, comme d’autres <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/l-exode-urbain-petits-flux-grands-effets-les-a2388.html">études récentes</a>, l’hypothèse d’un exode urbain massif lié au télétravail. Seuls 6 % des répondants ont déménagé en raison de la possibilité de télétravailler, dont 2 % avant la pandémie liée au coronavirus et 4 % depuis. Ils ne sont que 26 % de télétravailleurs à affirmer qu’ils pourraient habiter plus loin de leur lieu de travail actuel, et 27 % qu’ils pourraient postuler à un emploi plus loin.</p>
<p><iframe id="3vIXl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3vIXl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bien que les télétravailleurs aient tendance à <a href="https://doi.org/10.2148/benv.45.4.582">habiter plus loin de leur lieu de travail</a> que les non-télétravailleurs, le sens de la causalité entre télétravail et distance domicile-travail n’est néanmoins toujours pas établie. On ignore donc si la possibilité de télétravailler incite les actifs à s’éloigner de leur lieu de travail ou si le télétravail est <a href="https://journals.sagepub.com/doi/epdf/10.1068/a36218?src=getftr">plus attrayant pour ceux qui vivent déjà plus loin</a> de leur lieu de travail.</p>
<p>Bien que le choix de localisation résidentielle reste un processus complexe, influencé par des arbitrages familiaux et personnels, le télétravail semble jouer un <a href="https://journals.openedition.org/eps/13081">rôle indirect et secondaire dans ce processus</a>. Il semble davantage répondre aux besoins des individus qu’être le moteur de changements majeurs dans leurs stratégies résidentielles. Néanmoins, il est susceptible de modifier les critères de choix en termes de surface et d’aménagement du logement et de localisation. La plurirésidentialité, voire le <a href="https://doi.org/10.1007/s41978-018-00030-y">nomadisme numérique</a>, peuvent constituer des choix alternatifs pour certains individus.</p>
<p>Ces transformations des modes de vie mettent en lumière un potentiel jusqu’alors sous-exploité du télétravail pour <a href="https://doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2023.103740">réorganiser la vie quotidienne des actifs</a> et de leurs familles. Cette pratique offre une opportunité significative, en libérant du temps, de disposer d’un <a href="https://doi.org/10.1016/j.trd.2022.103362">plus large éventail de choix</a>, d’appréciation, de plaisir et de confort rencontrés dans les changements de pratiques de mobilités plus souhaitées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le télétravail a certes conduit à recentrer les déplacements autour du domicile, mais son impact reste faible en ce qui concerne la motorisation des ménages et leur lieu de résidence.Eléonore Pigalle, Postdoctoral fellow, École des Ponts ParisTech (ENPC)Anne Aguiléra, Docteur en Sciences Economiques, Université Gustave EiffelLeslie Belton-Chevallier, Chargée de recherche du Développement Durable, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230272024-02-11T14:46:16Z2024-02-11T14:46:16ZLes multinationales françaises, de nouveau à l’origine de la dégradation du solde commercial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574027/original/file-20240207-19-ekiysv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C27%2C2002%2C1422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La récente contraction du secteur aéronautique pèse sur les comptes du commerce extérieur français.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/slasher-fun/4283316552">Flickr/ Mathieu Marquer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/multinationales-22485">multinationales</a> françaises, groupes possédant au moins une filiale à l’étranger et contrôlées par une tête de groupe française, ont largement contribué au creusement du déficit commercial de la France depuis 2000. C’est ce que nous montrions dans une <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let427.pdf">étude</a> récente : bien qu’affichant un excédent commercial, qui rappelle le rôle central de ces multinationales dans l’économie française, c’est bien la dégradation de leur solde entre 2000 et 2008 qui explique le creusement du déficit français.</p>
<p>Les multinationales étrangères, contrôlées par une tête de groupe étrangère, et les entreprises franco-françaises, qui assemblent les entreprises indépendantes et celles appartenant à des groupes n’ayant aucune filiale étrangère, affichent certes des déficits, mais qui ne se sont pas détériorés de manière aussi importante sur la même période. Entre 2008 et 2019, la relative stabilisation du déficit commercial de la France résulte d’une légère amélioration de l’excédent des multinationales françaises, néanmoins plus que compensée par la détérioration du déficit des multinationales étrangères.</p>
<h2>Atonie des exportations</h2>
<p>Qu’en est-il depuis 2019 ? Les multinationales françaises ont-elles mieux résisté à la crise sanitaire et à ses suites ? Alors que l’excédent des multinationales françaises s’était légèrement accru au cours des années 2010, avec même une accélération en 2019, il a connu une chute de 0,8 point de PIB en 2020, avant de se stabiliser en 2021, à un niveau inférieur à sa moyenne sur la décennie 2010.</p>
<p>Pour les deux autres catégories d’entreprises, les soldes se dégradent entre 2019 et 2021, malgré une modeste réduction du déficit commercial des multinationales étrangères en 2020. Au total sur cette période, le solde commercial des multinationales françaises se dégrade de 0,8 point de PIB, celui des multinationales étrangères de 0,2 point de PIB, et celui des entreprises franco-françaises de 0,5 point de PIB.</p>
<p><iframe id="Fv3yI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Fv3yI/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le recul de l’excédent commercial des multinationales françaises est principalement lié à une baisse de leurs <a href="https://theconversation.com/fr/topics/exportations-28791">exportations</a>, qui passent de 9,4 % à 7,7 % du PIB entre 2019 et 2021, quand dans le même temps les exportations des multinationales étrangères augmentent, de 5,3 % à 5,8 % du PIB. L’atonie des exportations des multinationales françaises est partiellement compensée par un recul de leurs importations, de 6,8 % à 5,9 % du PIB, qui contraste avec la reprise rapide des importations des multinationales étrangères, de 8,5 % à 9,3 % du PIB entre 2019 et 2021.</p>
<h2>Le poids du transport</h2>
<p>Cette mauvaise performance commerciale des multinationales françaises prises dans leur ensemble cache cependant des dynamiques sectorielles spécifiques, en particulier dans le secteur des matériels de transports. Deux secteurs se détachent : l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/aeronautique-30518">aéronautique</a> et les autres matériels de transport (dont la construction navale), et l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/automobile-20801">automobile</a>.</p>
<p>Si l’on décompose les flux commerciaux de chaque catégorie d’entreprise par secteur (le secteur se réfère ici à la nature des biens échangés, et non à l’activité de l’entreprise), l’évolution la plus spectaculaire pour les multinationales françaises se produit dans le secteur des autres matériels de transport (dont l’aéronautique), où leur excédent dégringole de près de 0,7 point de PIB, passant de 1,5 % à 0,8 % du PIB entre 2019 et 2020. Ce brusque mouvement tient à l’extinction brutale de la demande mondiale dans ce secteur lors de la crise sanitaire.</p>
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<p>Il est cependant plus difficile d’expliquer pourquoi, malgré la reprise des commandes, les exportations n’ont en 2021 pas retrouvé leur niveau d’avant-crise, <a href="https://lekiosque.finances.gouv.fr/fichiers/Etudes/thematiques/A2023.pdf">situation qui ne se rétablit que très progressivement jusqu’à aujourd’hui</a>.</p>
<p><iframe id="dEj5s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dEj5s/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La brusque dégradation du solde du secteur aéronautique contraste avec un tassement plus progressif, mais régulier, observé dans le secteur automobile depuis 2017. Si l’on prolonge la tendance, les multinationales françaises sont importatrices nettes en 2023. Cette dégradation récente fait suite à la baisse de plus d’un demi-point de PIB de l’excédent automobile dans les années 2000.</p>
<p>La relative stabilisation au cours des années 2010 n’aura donc été que temporaire. Cette baisse du solde fait écho à celle de la <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">part des véhicules construits en France dans les immatriculations</a> et à la baisse globale de la production sur le territoire. Elle précède par ailleurs l’émergence rapide des importations en provenance de Chine dans les véhicules électriques, particulièrement marquée à partir de 2022.</p>
<p><iframe id="zt1yw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zt1yw/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Entre 2019 et 2021, la contre-performance des multinationales françaises en matière de contribution au solde commercial s’explique donc en bonne partie par un décrochage conjoncturel dans l’aéronautique. Une tendance plus structurelle semble cependant se dégager dans le secteur automobile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La balance commerciale française s’est dégradée entre 2019 et 2021, du fait notamment du recul de l’excédent commercial des multinationales françaises en 2020.Vincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPIIPierre Cotterlaz, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195092024-01-04T21:57:00Z2024-01-04T21:57:00ZLe vélo, meilleur atout pour réduire la pollution et les temps de trajet - L'exemple de l'Île de France<p>Marginal et en déclin partout en France au début des années 1990, le vélo a fait un retour remarqué à Paris. Entre 2018 et 2022, la fréquentation des aménagements cyclables y <a href="https://www.paris.fr/pages/le-bilan-des-deplacements-a-paris-en-2022-24072">a été multipliée par 2,7</a> et a encore doublé <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">entre octobre 2022 et octobre 2023</a>. Aux heures de pointe y circulent maintenant <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">plus de vélos que de voitures</a>.</p>
<p>Pour autant, Paris <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">n’est pas la France</a>, et pas même l’Île-de-France où la part du vélo reste bien inférieure à celle des transports en commun ou de la voiture. En 2018, dernière année pour laquelle on dispose de données, seuls 1,9 % des déplacements ont été effectués à vélo dans la région francilienne. Bien que ce chiffre ait certainement augmenté depuis, on part de très loin.</p>
<p>Certes, les transports en commun y ont une place nettement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714237">plus importante que dans les autres régions</a>. Reste qu’environ la moitié des déplacements y sont faits en voiture individuelle, avec les <a href="https://theconversation.com/nous-sous-estimons-les-effets-negatifs-de-la-voiture-sur-la-sante-206911">nuisances</a> bien connues qu’elle entraîne : changement climatique, pollution de l’air, bruit, congestion, accidents, consommation d’espace…</p>
<p>De nombreuses pistes sont défendues pour réduire ces nuisances : développement des transports en commun, <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">du vélo</a>, télétravail, électrification des véhicules… Pourtant, il existe peu de quantification de leur potentiel, qui varie bien sûr entre les régions. Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2023.107951">article récent</a>, nous avons donc tenté de le faire – en nous concentrant sur le cas de l’Île-de-France.</p>
<h2>Quelle substitution à la voiture ?</h2>
<p>Pour cela, nous avons utilisé la dernière enquête représentative sur les transports, l’<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/les-fiches-de-lenquete-globale-transport/">enquête globale des transports 2010</a>, qui couvre 45 000 déplacements en voiture géolocalisés effectués dans la région.</p>
<p>Grâce aux informations fournies par l’enquête sur les véhicules, nous avons estimé les émissions de CO<sub>2</sub> (le principal gaz à effet de serre anthropique), NO<sub>X</sub> et PM<sub>2.5</sub> (deux polluants atmosphériques importants) de chaque déplacement.</p>
<p>Bien que la voiture ne soit utilisée que pour la moitié des déplacements au sein de la région, elle entraîne 79 % des émissions de PM<sub>2.5</sub>, 86 % des émissions de CO<sub>2</sub> et 93 % des émissions de NO<sub>X</sub> dus aux transports.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour tous ces déplacements en voiture, nous avons ensuite étudié s’ils pourraient être effectués à vélo – y compris vélo à assistance électrique – ou en transports en commun, en fonction du temps que prendrait alors chaque déplacement, d’après un simulateur d’itinéraires et en fonction des informations dont nous disposons sur ces déplacements.</p>
<p>Nous distinguons ainsi trois scénarios, qui présentent des contraintes de plus en plus strictes sur le type de déplacement en voiture « substituables ».</p>
<ul>
<li><p>Le scénario 1 suppose tous les déplacements substituables, sauf ceux réalisés par les plus de 70 ans.</p></li>
<li><p>Le scénario 2 exclut de plus les déplacements vers les hypermarchés et centres commerciaux (considérant qu’ils impliquent le transport de charges importantes) ainsi que les tournées professionnelles comme celles des artisans, plombiers, etc.</p></li>
<li><p>Le scénario 3 exclut en outre les trajets avec plus d’une personne par voiture.</p></li>
</ul>
<h2>Vélo ou transports en commun ?</h2>
<p>Nous avons ainsi calculé le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun (axe vertical) dans le cas d’une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à X minutes (axe horizontal).</p>
<p>La conclusion est la suivante : pour les scénarios 1 et 2, environ 25 % des automobilistes gagneraient du temps en utilisant l’un de ces types de mobilités – beaucoup moins dans le scénario 3.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur l’axe vertical, le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun. Sur l’axe horizontal, la hausse du temps de trajet quotidien maximale à laquelle cela correspondrait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Leroutier, M., & Quirion, P. (2023). Tackling car emissions in urban areas : Shift, Avoid, Improve. Ecological Economics, 213, 107951</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’en est-il des baisses d’émissions polluantes ? Dans les scénarios 1 et 2, elles diminuent d’environ 8 % si le temps de trajet quotidien est contraint de ne pas progresser – chiffre quasiment identique pour chacun des trois polluants étudiés. Ce pourcentage est inférieur aux 25 % mentionnés précédemment, car les déplacements substituables sont de courte distance. La baisse d’émissions atteint 15 % pour une augmentation du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, et 20 % pour une hausse inférieure à 20 minutes.</p>
<p>Nous pouvons attribuer une valeur monétaire aux nuisances générées par ces émissions en utilisant les recommandations officielles en France (85 euros par tonne de CO<sub>2</sub>) et en Europe (28 euros par kg de NO<sub>X</sub> et 419 euros par kg de PM<sub>2.5</sub>). Pour une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, les bénéfices sanitaires et climatiques du report modal atteignent entre 70 et 142 millions d’euros par an, selon les scénarios.</p>
<p>Il est intéressant de noter que c’est le vélo qui permet l’essentiel du transfert modal et des réductions d’émissions, alors que les transports publics existants ont peu de potentiel. Toutefois, notre méthode ne permet pas de tester l’effet de nouvelles lignes de transports publics, ni de l’augmentation de la fréquence sur les lignes en place.</p>
<h2>Qui dépend le plus de sa voiture ?</h2>
<p>Selon nos calculs, 59 % des individus ne peuvent pas abandonner leur voiture dans le scénario 2 si l’on fixe un seuil limite de 10 minutes de temps supplémentaire passé à se déplacer par jour.</p>
<p>Par rapport au reste de la population d’Île-de-France, statistiquement, ces personnes ont de plus longs déplacements quotidiens (35 km en moyenne contre 9 pour les non-dépendants). Elles vivent davantage en grande couronne, loin d’un arrêt de transport en commun ferré, ont un revenu élevé, et sont plus souvent des hommes.</p>
<p>Concernant ceux de ces individus qui ont un emploi, travailler en horaires atypiques accroît la probabilité d’être « dépendant de la voiture », comme l’est le fait d’aller de banlieue à banlieue pour les trajets domicile-travail. Beaucoup de ces caractéristiques sont corrélées avec le fait de parcourir des distances plus importantes et d’être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140988322001189">parmi les 20 % des individus contribuant le plus aux émissions</a>.</p>
<h2>La place du télétravail et de la voiture électrique</h2>
<p>Nous avons ensuite étudié dans quelle mesure les individus « dépendants de la voiture » pourraient réduire leurs émissions en télétravaillant. En considérant que c’est impossible pour les artisans, patrons, agriculteurs, vendeurs et travailleurs manuels, un passage au télétravail deux jours de plus par semaine pour les autres professions amènerait une baisse d’environ 5 % d’émissions, en plus de ce que permet le report modal.</p>
<p>Pour réduire davantage les émissions, il est nécessaire de rendre moins polluants les véhicules, en particulier par le passage aux véhicules électriques. Nos données n’apportent qu’un éclairage partiel sur le potentiel de cette option, mais elles indiquent tout de même que l’accès à la recharge et l’autonomie ne semblent pas être des contraintes importantes : 76 % des ménages dépendants de la voiture ont une place de parking privée, où une borne de recharge pourrait donc être installée, et parmi les autres, 23 % avaient accès à une borne de recharge à moins de 500 mètres de leur domicile en 2020.</p>
<p>Ce chiffre va augmenter rapidement car la région Île-de-France a annoncé le triplement du nombre de bornes entre 2020 et fin 2023. L’autonomie ne constitue pas non plus un obstacle pour les déplacements internes à la région puisque moins de 0,5 % des personnes y roulent plus de 200 km par jour.</p>
<h2>Le vélo, levier le plus efficace</h2>
<p>Soulignons que la généralisation des véhicules électriques prendra du temps puisque des véhicules thermiques neufs continueront à être vendus jusqu’en 2035, et donc à être utilisés jusqu’au milieu du siècle.</p>
<p>Ces véhicules ne résolvent par ailleurs qu’une partie des problèmes générés par la voiture : des émissions de particules importantes subsistent, dues à l’usure des freins, des pneus et des routes. Ni la congestion routière, ni le <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">manque d’activité physique lié à la voiture</a> ne sont atténués.</p>
<p>Lever les obstacles à l’adoption du vélo partout dans la région devrait donc être une priorité. Le <a href="https://fifteen.eu/fr/resources/guides/velo-en-ile-de-france-resultats-de-l-etude-opinion-way-x-fifteen">premier facteur cité par les Franciliens</a> parmi les solutions pour accroître les déplacements quotidiens en vélo serait un meilleur aménagement de la voie publique, comprenant la mise en place de plus de pistes sécurisées et d’espaces de stationnement.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0001">ANR- 17-EURE-0001</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat France (activité bénévole) et membre de l'association négaWatt.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Leroutier a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (France) et de la Fondation Mistra (Suède) pour ce projet de recherche.</span></em></p>Des chercheurs ont quantifié la possibilité de substituer le vélo et les transports en commun à la voiture dans la région et les effets que cela aurait sur la pollution.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Marion Leroutier, Postdoc Fellow, Institute for Fiscal StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201862024-01-03T17:37:45Z2024-01-03T17:37:45Z20 ans de radars en France : quels autres leviers aujourd’hui pour promouvoir la sécurité routière ?<p>Il y a 20 ans, la France inaugurait son premier <a href="https://theconversation.com/topics/radars-60448">radar automatique</a>. La généralisation du contrôle automatisé qui s’en suivit explique bien en partie la baisse de la mortalité au volant, passant de <a href="https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-linsecurite-routiere/bilans-annuels-de-la-securite-routiere/bilan-2022-de-la-securite-routiere">7 242 victimes en 2002 à 3 550 en 2022</a>. Dans la lutte française contre l’<a href="https://theconversation.com/topics/securite-routiere-48255">insécurité routière</a>, le maniement du bâton représente une approche à l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.aap.2012.11.022">efficacité indéniable</a>. Et la démultiplication des bâtons n’est pas près de disparaitre, comme l’illustre le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037411183">décret publié en juillet 2023</a>, allongeant à 15 la liste des infractions que les radars automatiques pourront désormais sanctionner (bien qu’ils ne soient pas encore capables de toutes les détecter).</p>
<p>Même si le recours à la sanction fonctionne, qu’en est-il néanmoins du recours à d’autres approches en matière de sécurité routière ? Les aurait-on oubliées ? La question se pose d’autant plus que les politiques publiques manifestent un intérêt croissant pour les <a href="https://theconversation.com/le-don-aux-associations-une-incitation-efficace-pour-changer-les-comportements-215608">incitations non contraignantes</a> issues des sciences comportementales. Nos travaux explorent comment cette voie pourrait être empruntée et comment, notamment, favoriser chez les usagers de la route, une motivation à respecter le Code de la route qui soit autre que la crainte d’une amende ou d’un retrait de points sur le permis. Depuis le 1<sup>er</sup> janvier, d'ailleurs, a été <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/12/27/dossier-fin-du-retrait-de-point-pour-les-petits-exces-de-vitesse-tout-savoir-sur-cette-mesure-qui-entre-en-vigueur-au-1er-janvier-11664513.php">supprimé ce retrait de point pour les petits excès de vitesse</a>.</p>
<h2>Deux sources de respect des règles</h2>
<p>L’étude des facteurs favorisant le respect des règles (notamment légales) est classiquement appréhendée sous l’angle de deux grandes approches.</p>
<p>La première est fondée sur la dissuasion : décourager un conducteur de rouler plus vite que nécessaire, par exemple en agitant la menace de se faire flasher. Le mécanisme repose sur la motivation des usagers de la route à éviter les sanctions (notre fameux bâton) en cas de non-respect des règles. Bien que son efficacité sur les routes soit attestée, elle reste néanmoins <a href="https://doi.org/10.4324/9781315130620-14">relative et limitée dans le temps</a>. La dissuasion est également coûteuse car elle nécessite de maintenir une crainte constante du contrôle et de la sanction. La source de motivation reste de plus externe au conducteur. Par ailleurs, le recours à l’autorité est parfois <a href="https://doi.org/10.3917/ems.gallo.2022.01.0075">perçu d’un mauvais œil</a> et peut engendrer un <a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">rejet</a>. En témoignent les nombreuses dégradations de radars durant le mouvement des « gilets jaunes » par exemple.</p>
<p>La seconde approche, qui repose sur la légitimité perçue, fait appel à des motivations de nature plus intrinsèques : l’envie des conducteurs de respecter les règles routières lorsqu’ils les perçoivent, ainsi que les autorités qui les édictent et les font appliquer, comme étant justes, efficaces, morales et cohérentes avec leurs valeurs et leurs représentations des besoins en matière de sécurité routière.</p>
<p>Comment favoriser cette perception de légitimité envers les règles routières ? Y répondre implique de pouvoir définir et modéliser scientifiquement ce « sentiment » de légitimité. Cela implique également de pouvoir mesurer ce sentiment pour juger de l’efficacité (ou de l’inefficacité) des actions visant à le favoriser. C’est dans cette voie que notre équipe, composée des chercheurs de l’Université Catholique de Lille et de l’Université Gustave Eiffel, s’est engagée, réalisant une série de trois études complémentaires.</p>
<h2>Une règle perçue efficace, mieux qu’une grosse sanction</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.aap.2021.106299">La première d’entre-elles</a> est une analyse détaillée de 26 articles scientifiques, dans le but d’identifier les principales définitions de la légitimité perçue déjà existantes dans le champ de la sécurité routière, ainsi que les principaux outils permettant de la mesurer. Il apparaît que le sentiment de légitimité éprouvé envers les règles routières peut se décomposer en quatre paramètres psychologiques. On y retrouve l’efficacité (« Je suis cette règle car elle a un véritable impact sur la sécurité routière »), l’efficience (« Je suis cette règle car elle est bien adaptée, contraignante sans l’être trop »), l’équité (« Je suis cette règle car c’est la même pour tous ») et enfin l’alignement moral (« Je suis cette règle car elle est compatible avec mes valeurs »).</p>
<p>Ceci identifié, la <a href="https://hal.science/hal-04342132v1/document">deuxième de nos études</a> a convoqué un panel de 833 automobilistes représentatifs de la population française pour répondre à deux questionnaires en ligne à 10 jours d’intervalle. Les participants étaient invités à évaluer le ressenti qu’ils avaient sur la légitimité des règles routières dans leur ensemble, et ce, en fonction des quatre paramètres psychosociaux identifiés au-dessus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du questionnaire soumis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les principaux résultats ont indiqué que la légitimité perçue des règles routières varie peu en fonction de caractéristiques telles que le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle du participant, ou encore l’année d’obtention de son permis. La sensibilité générale aux sanctions, le rapport au temps, l’empathie ou l’orientation politique ne l’influencent pas davantage.</p>
<p>Il est en revanche apparu que parmi les quatre paramètres qui composent la perception de légitimité des règles routières, l’efficacité perçue semble être le meilleur prédicteur du respect des règles. En outre, qu’une règle routière soit perçue comme légitime apparait plus déterminant pour son respect que la perception du risque d’accident ou la perception de la sévérité des sanctions encourues en cas de non-respect des règles.</p>
<h2>Comment communiquer alors ?</h2>
<p>Ces résultats établis, il ne nous restait plus qu’à tester dans quelle mesure la présentation de messages préventifs courts et originaux, jouant chacun sur les différents paramètres de la légitimité, pouvait favoriser le respect des règles routières.</p>
<p>À défaut de pouvoir être réalisée sur simulateur de conduite (en raison de la pandémie de Covid-19 à ce moment-là), notre dernière expérience a été réalisée en ligne, en deux temps et auprès de 1 308 usagers de la route représentatifs de la population française. Nous nous sommes ainsi contentés de leurs comportements déclarés, une mesure qui reste toutefois <a href="https://doi.org/10.1016/j.aap.2014.12.008">scientifiquement valide</a>.</p>
<p>Différents messages basés chacun sur un des quatre paramètres constituant la perception de légitimité ont été élaborés. L’efficacité de ces messages a été comparée à celle de messages mobilisant d’autres leviers plus classiques de changements comportementaux tels que la <a href="https://milgram.ulb.be/100g/episodes-100g/normes-sociales-100g/">norme sociale</a> descriptive (qui renseigne sur la proportion d’individus adoptant ou non un comportement donné) et <a href="https://doi.org/10.1016/j.trf.2022.06.011">dynamique</a> (qui renseigne sur l’évolution de cette proportion), ou l’identification aux automobilistes. D’autres messages croisant ces différents leviers ont également été proposés aux participants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=151&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=151&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=151&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=190&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=190&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=190&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemples de messages présentés aux participants de la troisième étude. Dans la colonne de gauche, le premier, le second et le troisième message mobilisent respectivement le facteur « efficacité », « efficience » et « alignement moral » des règles routières. Dans la colonne de droite, le premier message mobilise une norme sociale dynamique, le second l’identification aux automobilistes alors que le troisième mobilise en croisement le facteur « efficacité » des règles routières et la norme sociale descriptive.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les résultats indiquent que les messages reposant sur l’efficacité ou l’efficience des règles routières et suscitant l’identification aux automobilistes sont les plus percutants. Ce constat s’observe notamment pour les automobilistes qui attribuent préalablement un faible niveau de légitimité aux règles routières.</p>
<p>Les messages mettant en avant l’alignement moral et ceux qui jouent sur la norme sociale perçue semblent, eux, générer un effet contre-productif : ils diminuent les intentions de respecter les règles routières. Potentiellement perçus comme peu honnêtes, beaucoup pourraient y voir une <a href="https://doi.org/10.3917/ems.gallo.2022.01.0075">tentative de manipulation</a>. Il serait donc préférable d’éviter le recours à ce type de leviers ou de les utiliser dans un format de communication permettant une argumentation plus développée.</p>
<p>Adapter le contenu des messages de sensibilisation diffusés par différents canaux pour rendre plus saillant le sentiment de légitimité comme nous l’avons fait dans cette dernière étude, mais aussi impliquer les usagers de la route dans les processus de création et de mise en œuvre des règles routières pourrait ainsi renforcer la légitimité qu’ils attribuent à ces règles. Le développement d’actions visant à favoriser la légitimité perçue des règles routières pourrait également se faire durant la formation à la conduite, les stages de sensibilisation à la sécurité routière, ou encore les interventions réalisées en milieu scolaire ou professionnel.</p>
<p>La littérature scientifique et les études présentées ici nous enseignent que le sentiment de légitimité représente un levier intéressant pour favoriser la sécurité routière. Si cette approche continuait à être développée, elle permettrait peut-être de réduire le recours au maniement du bâton dans la lutte contre l’insécurité routière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Varet est membre du collectif de chercheurs-consultants Bellegarde.co. Son équipe de recherche (Anthropo-Lab - ETHICS EA 7446) a reçu un soutien financier sur appel à projet de la Délégation à la Sécurité Routière (DSR), pour la réalisation du projet présenté dans cet article ainsi que pour d'autres projets de recherche. Son équipe de recherche a également reçu un soutien financier sur appel à projet de la Fondation MAIF pour la Recherche, pour la réalisation d'un autre projet en lien avec la sécurité routière.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Pelé est membre de l'Anthropo-Lab, équipe de recherche du laboratoire ETHICS EA 7446 de l'Institut Catholique de Lille. Son équipe de recherche a reçu un soutien financier sur appel à projet de la Délégation à la Sécurité Routière (DSR), pour la réalisation du projet présenté dans cet article ainsi que pour d'autres projets de recherche. Son équipe de recherche a également reçu un soutien financier sur appel à projet de la Fondation MAIF pour la Recherche, pour la réalisation d'un autre projet en lien avec la sécurité routière.</span></em></p>Le Code de la route est de plus en plus respecté par crainte des sanctions liées : comment pourrait-il l’être davantage encore en renforçant sa légitimité auprès des conducteurs ?Florent Varet, Chargé de recherche en psychologie sociale, Institut catholique de Lille (ICL)Marie Pelé, Chargée de recherche en éthologie, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188572023-12-07T17:34:46Z2023-12-07T17:34:46ZAutomobile : et s’il y avait un peu de chanvre dans l’habitacle et un peu de lin dans votre moteur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562436/original/file-20231129-23-3lq6j8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C17%2C3893%2C2782&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fibres végétales pourraient-elles entrer dans la composition de l'habitacle ou du moteur de nos véhicules?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-vache-dans-un-champ-de-fleurs-OpuuB_Io3tQ">Darla Hueske, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On commence à trouver des fibres végétales dans les voitures : elles sont à l’intérieur des plastiques de l’habitacle notamment, où elles permettent d’alléger le matériau, ce qui peut permettre de faire des économies d’énergie ou de déplacer un véhicule plus volumineux pour le même litre d’essence ou recharge électrique. On les retrouve aussi dans les <a href="https://www.challenges.fr/automobile/dossiers/porsche_729434">carénages de voitures sportives</a> et <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/voile/route-du-rhum/route-du-rhum-2022-pont-en-fibres-de-lin-energie-solaire-pieces-de-recuperation-des-skippers-prendront-le-depart-avec-un-bateau-plus-durable_5439127.html">dans certaines coques de bateaux à voile de compétition</a>.</p>
<p>Les plastiques composites, qu’ils contiennent des fibres végétales ou minérales, comme les fibres de verre ou de carbone, représentent aujourd’hui jusqu’à <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6095-vehicules-donnees-2020.html">20 % du poids total du véhicule</a>. Dans le cas des fibres de verre ou de carbone, ils entrent même dans la composition des pièces du moteur, par exemple des pompes à eau de refroidissement. Les fabricants ont aujourd’hui tendance à favoriser ces plastiques composites par rapport à des pièces en métal car, outre leur poids moindre, elles sont moins coûteuses à fabriquer, suffisamment résistantes, permettent d’obtenir des géométries plus optimisées et sont recyclables… du moins en partie.</p>
<p>Recycler les plastiques contenant des fibres de verre ou de carbone permet de récupérer ces fibres, mais pas le matériau polymère, car il faut brûler le plastique pour récupérer les fibres, qui sont coûteuses à fabriquer et donc intéressantes à revaloriser. Ainsi, aujourd’hui, seulement <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6095-vehicules-donnees-2020.html">entre 28 % et 78 % de pièces en plastique des véhicules sont recyclés</a> (alors qu’<a href="https://www.auto-infos.fr/article/le-recyclage-automobile-dans-tous-ses-etats.251247">environ 85 % de la masse totale des véhicules est recyclé</a>. Cette variabilité vient du fait que certains plastiques sont utilisés purs et donc plus facilement recyclables alors que d’autres sont renforcés, ce qui rend l’opération bien plus difficile.</p>
<p>C’est pour continuer à alléger les véhicules et améliorer leur recyclabilité que l’on se tourne aujourd’hui vers les fibres naturelles, y compris dans les moteurs. Elles sont plus vertueuses à produire que le verre ou le carbone (car moins énergivores à produire, biodégradables, valorisables pour de multiples applications et pouvant provenir de récupération de chutes, favorisant ainsi l’indépendance vis-à-vis du pétrole), mais aussi plus légères, et elles brulent à plus basse température : lors du recyclage, on pourrait ainsi en théorie récupérer le thermoplastique, comme le nylon ou le polypropylène et le recycler.</p>
<p>Les fibres végétales du lin ou du chanvre sont utilisées depuis <a href="https://www.jstor.org/stable/1595900">l’antiquité</a> pour fabriquer entre autres papyrus, cordages et voiles de bateau (du fait de leur bonne résistance mécanique) et vêtements. Mais il y a plusieurs défis techniques à relever pour pouvoir les intégrer dans des pièces mécaniques de composites plastiques.</p>
<h2>Du champ au renfort mécanique dans les moteurs de voiture</h2>
<p>Aujourd’hui, seulement 10 % du lin est utilisé pour des applications mécaniques, le <a href="https://www.culture.gouv.fr/Media/Les-savoir-faire-du-lin-textile">reste, c’est-à-dire l’immense majorité, étant utilisé pour les vêtements et l’ameublement</a>. Le lin est pourtant un matériau connu pour sa bonne résistance mécanique, qui a permis d’arrimer les bateaux et faire traverser les âges aux anciens papyrus. Il a cependant toujours été utilisé en grosses structures tissées ou tressées et non en petites fibres.</p>
<p>Le chanvre, de son côté, commence à réémerger, grâce à des applications thermiques. Ses excellentes propriétés isolantes font de lui un <a href="https://theconversation.com/faire-pousser-des-isolants-thermiques-un-panorama-des-materiaux-disponibles-en-france-185653">excellent isolant thermique pour le bâtiment</a> et pour les paillis agricoles. Ses propriétés mécaniques sont également très intéressantes pour les applications industrielles.</p>
<p>Comme chaque matériau possède ses propres points forts, le développement parallèle de plusieurs types de renfort est indispensable pour offrir un panel de solutions aux problématiques variées auxquelles font face les constructeurs. En équilibrant les avantages et les inconvénients de chaque matériau, nous pourrions ne plus nous retrouver dépendants d’une seule solution, comme ce fût le cas avec la dépendance au pétrole.</p>
<p>Si la culture du lin <a href="https://www.lelin-cotenature.fr/FR/les-zones-de-production-41.html">est présente et bien implantée en France</a>, la culture du chanvre, elle, est bien <a href="https://www.interchanvre.org/la_culture">plus anecdotique</a>. La démocratisation de la culture de chanvre peut donc prendre plus de temps, d’autant que les fibres doivent être issues de cultures pérennes et maitrisées sous réserve de voir leurs propriétés fluctuer d’une année à l’autre, en fonction de la qualité de la récolte. <a href="http://www.vanrobaeys.fr/fr/lin/culture-and-recolte-2">De l’acquisition du terrain à la première récolte de lin, par exemple, il peut en effet se passer 6 à 7 ans avant de pérenniser la culture et standardiser la qualité des fibres obtenues</a>. Un accroissement important de ces cultures, qu’elles soient de lin, de chanvre ou de tout autre renfort naturel potentiel, serait nécessaire pour permettre une diffusion plus massive des renforts naturels.</p>
<h2>Mieux comprendre les fibres végétales et leurs composites</h2>
<p>La présence de fibres rend le comportement mécanique de la pièce complexe à estimer, car il dépend de la manière dont les fibres sont positionnées et orientées dans la pièce en plastique. Par exemple, une meilleure résistance à la traction serait obtenue si les fibres étaient parfaitement alignées avec la direction de sollicitation, ce qui n’est jamais le cas, surtout dans une pièce à la géométrie complexe. Ainsi, le dimensionnement d’une pièce composite renforcée de fibres synthétiques n’est déjà pas chose aisée.</p>
<p>Heureusement, les fibres synthétiques ont des géométries simples et répétables (même longueur, même diamètre), ce qui a permis de développer des <a href="https://pubs.aip.org/sor/jor/article-abstract/31/8/751/235499/The-Use-of-Tensors-to-Describe-and-Predict-Fiber">méthodes</a> pour estimer l’orientation dans une pièce mécanique.</p>
<p>Avec les fibres végétales, c’est plus compliqué, car celles-ci sont moins bien calibrées, voire pas du tout, et on ne peut pas faire les mêmes hypothèses et approximations qu’avec les fibres synthétiques. Voilà pourquoi, la majorité des pièces renforcées de fibres naturelles sont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15440478.2022.2126424">moulées</a>, permettant de créer des renforts tressés et donc à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1359835X20301536">géométrie répétable</a>, à l’instar des cordages de bateaux. Pour les pièces à géométrie plus complexe, obtenues par injection, l’orientation des fibres devient une inconnue majeure.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Orientation de fibres synthétiques (à gauche) et naturelles (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bourgogne, Université de Bourgogne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De plus, contrairement aux fibres synthétiques, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s42452-020-2160-2">leur résistance mécanique s’avère être encore plus sensible à la température et à l’humidité que le polymère</a>.</p>
<p>Tout n’est cependant pas perdu car, même si on ne peut pas changer la nature et ces dépendances, on peut <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/tel-03176321">anticiper</a> ces dernières.</p>
<p>Nous étudions des composites de différentes natures, afin d’identifier les phénomènes physiques – dont dépend la résistance mécanique – qui vont se produire au niveau de la microstructure, afin de prédire leur apparition et quantifier leur influence sur la résistance du matériau.</p>
<h2>Des sensibilités diverses, pour des applications qui le sont tout autant</h2>
<p>Contrairement au verre, la fibre végétale est aussi un composite. Elle se compose d’un ensemble de plus petites fibres, appelées fibrilles, entrelacées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Composition d’une fibre de chanvre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bourgogne, Université de Lorraine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est cette structure qui rend la géométrie de la fibre complexe et variable. Pour prendre ce constat en compte dans le dimensionnement, nous avons mené des <a href="https://www.researchgate.net/profile/Quentin-Bourgogne-2">travaux</a> montrant que les fibres naturelles sont tellement courbées que l’orientation des fibres joue un rôle mineur dans l’effet renforçant. La courbure de la fibre est tel qu’elle vient compenser l’orientation des fibres.</p>
<p>Les aspects géométriques de la fibre ne sont pas les seuls défis à relever pour l’utilisation de ces matériaux. La résistance mécanique des fibres naturelles est elle aussi sujette aux variations de températures et d’humidité.</p>
<p>Nous avons été capables de montrer <a href="https://www.researchgate.net/profile/Quentin-Bourgogne-2">dans d’autres travaux</a> que dans le cas d’un composite constitué de polypropylène et de fibres courtes de chanvre que le polymère est plus sensible à la température que le chanvre, nous contraignant à comprendre le comportement du polymère en le dissociant du comportement de la fibre. Par contre, la fibre de chanvre est, elle, bien plus sensible à l’absorption d’eau. Cette absorption mène à un gonflement de celle-ci et dégrade de fait la cohésion entre la fibre et le polymère et peut même aller jusqu’à la dissolution de la fibre, supprimant de fait l’effet renforçant.</p>
<p>Chaque plante, et donc chaque fibre, est différente. Toutes ces spécificités doivent également être prises en compte dans le dimensionnement, créant ainsi une chaine d’incidences… remontant jusqu’à la récolte elle-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bourgogne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alléger, renforcer, recycler, économiser l’énergie… Les fibres végétales, qui peuvent sembler désuètes, peuvent-elles contribuer à rendre plus durable le secteur automobile ?Quentin Bourgogne, Enseignant - Chercheur en mécanique et matériaux, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186612023-11-29T17:22:03Z2023-11-29T17:22:03ZÉconomie durable : la location, cela peut aussi profiter aux entreprises<p>La campagne de Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui commence en cette fin du mois de novembre 2023, a été interprétée dès sa sortie comme dirigée contre la vente de biens de consommation, avec le personnage emblématique d’un « dévendeur » et son badge étiqueté sur sa poitrine. Si la campagne peut se comprendre du point de vue environnemental, elle a braqué les commerçants à un moment de l’année où ils comptent bien réaliser un important chiffre d’affaires, entre opérations promotionnelles du Black Friday et fêtes de Noël en perspectives.</p>
<p>La campagne a divisé <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/contre-le-black-friday-une-campagne-maladroite-du-gouvernement-divise-bechu-et-le-maire_226165.html">jusqu’au sein du gouvernement</a>. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a ainsi « assumé » cette communication (qui <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/la-campagne-critiquee-de-l-ademe-sur-la-sobriete-ne-sera-pas-retiree-affirme-christophe-bechu-7512436">reste maintenue</a> malgré les demandes visant son retrait) tandis que le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, l’a jugée « maladroite ».</p>
<p>En fait, la campagne peut être comprise comme visant à promouvoir d’abord une consommation plus raisonnée, avec en particulier la mise en avant du prêt (on peut toujours rêver…) mais surtout de la <strong>location</strong> des biens de consommation au détriment de la <strong>vente</strong>. Cela ne concerne évidemment que les biens durables car on ne peut bien entendu pas louer les biens non durables comme la nourriture.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sloiijAkWes?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Le dévendeur et la ponceuse », campagne de l’Ademe (novembre 2023).</span></figcaption>
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<p>Les producteurs et les commerçants ne devraient pourtant pas s’alarmer car choisir de louer plutôt que de vendre est souvent dans leur intérêt : dans de nombreux cas, la location apparaît bel et bien dans l’intérêt des entreprises.</p>
<h2>Plus de voitures louées que vendues</h2>
<p>La <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262200714/the-theory-of-industrial-organization/">théorie micro-économique</a> enseigne que, lorsque le prix du bien durable est susceptible de chuter au cours du temps (par obsolescence ou parce que d’autres modèles plus performants arrivent sur le marché ou parce que le bien ne peut être facilement réparé), l’entreprise a intérêt à privilégier la location des biens qu’il produit plutôt que la vente. Il s’agit là d’un intérêt « égoïste » et non d’une volonté d’aller vers un comportement plus responsable.</p>
<p>En effet, si l’entreprise ne peut pas s’engager sur la valeur future du bien, le consommateur risque d’attendre avant d’acheter. Dans le cas d’une location, celui-ci ne craint alors plus rien puisqu’il n’est pas propriétaire du bien : il loue donc le bien dans la période présente et il pourra toujours décider de ne pas le louer dans la période future si les conditions sont devenues défavorables.</p>
<p>La location est par exemple particulièrement prisée pour les automobiles, désormais <a href="https://www.24matins.fr/etude-la-location-de-voiture-depasse-lachat-une-premiere-en-france-1352791">davantage louées sur de longues périodes que vendues</a>. Pour les véhicules électriques, d’une part le prix futur pourrait baisser pour un même modèle du fait des économies d’échelle, mais aussi parce qu’il existe encore des incertitudes sur le vieillissement des batteries, la disponibilité des pièces détachées ou encore en termes deréglementation (si de nouvelles aides d’État sont débloquées par exemple).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les véhicules, notamment électriques, sont désormais davantage loués qu’achetés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/route-voiture-vehicule-mouvement-13928020/">Hyundai/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour l’outillage, la location se pratique dans les magasins de bricolage, malgré le coût assez élevé, car le client particulier en a peu l’usage et a peu de place pour le stocker chez lui. En revanche, pour les ordinateurs portables, dont le marché est stabilisé, on ne pratique quasiment pas la location. Si elle était pratiquée, celle-ci ne le serait que pour des motifs écologiques.</p>
<h2>Une révolution pour le commerce</h2>
<p>Si la location est impossible pour une raison ou une autre, la firme peut contourner le problème en restant sur le système de la vente, mais à la condition de pouvoir proposer un engagement crédible. Plusieurs pistes sont possibles :</p>
<ul>
<li><p>par un contrat qui prévoirait un nombre maximal d’objets produits (pour maintenir la rareté et empêcher le prix de chuter), la fourniture des pièces détachées, etc. Le contrat doit être intertemporel et couvrir les deux périodes présente et future.</p></li>
<li><p>en déposant un certain montant d’argent auprès d’un tiers de confiance, montant que la firme perdrait en cas de non-respect de son obligation. C’est possible en théorie mais sans doute moins en pratique.</p></li>
</ul>
<p>En revanche, l’entreprise n’aura pas besoin de s’engager si sa marque est réputée – et de préférence dans le haut de gamme, donc chère. On peut citer comme exemples emblématiques de ce type de marques le géant du numérique Apple ou encore les constructeurs allemands BMW, Audi et Mercedes.</p>
<p>Pour les biens de luxe, la location est généralement exclue. En effet, pour le consommateur, louer un bien de luxe, fondamentalement ostentatoire, comme une montre Rolex, ruinerait l’effet d’ostentation : il lui faut donc nécessairement l’acheter. Toutefois, pour certaines autres catégories de biens de luxe comme les jets d’affaires (par exemple les Falcon 900EX ou les Gulfstream III), l’ostentation reste compatible avec la location.</p>
<p>Au bilan, comme on le voit, le débat vente ou location n’est pas si simple et va bien au-delà de la simple protection de l’environnement quand on regarde du côté des firmes. Pour les commerçants et revendeurs, le passage à la location signifie le passage d’une activité commerciale à une activité de service, une vraie révolution pour eux. C’est bien cela qui les inquiète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218661/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis de Mesnard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon la théorie microéconomique, mettre à disposition un bien sur une durée déterminée permet aux loueurs de se prémunir contre des baisses de prix.Louis de Mesnard, Professeur émérite de Sciences de Gestion, IAE Dijon, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171142023-11-28T17:12:08Z2023-11-28T17:12:08ZLa France « moche » ne l’est pas pour tout le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562182/original/file-20231128-17-a9hl16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C39%2C3200%2C2404&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La galerie marchande du centre commercial de Noyelle-Godault.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au premier jour d’une <a href="https://ittecop.fr/fr/tous-les-projets/recherches-2012/item/34-plateformes">recherche sociologique</a> menée pour le ministère de l’Écologie, programme ITTECOP (Infrastructure de transport, territoires, écosystèmes et paysages), entre 2012 et 2017 sur la zone commerciale de Noyelle-Godault tout près d’Hénin-Beaumont, je prends la sortie 26 de l’autoroute à A1 en direction de Lille. <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">La France des zones commerciales soi-disant « moches »</a> est là, devant moi.</p>
<p>Autant le dire tout de suite, ces formes urbaines <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/faut-il-embellir-la-france-moche-2696299">souvent décriées</a> sont non seulement appréciées par la majorité de ceux qui les fréquentent, mais elles sont même plébiscitées, surtout par les familles, par les jeunes aussi. Elles sont support de leur quotidien, de leurs loisirs et de leurs pratiques culturelles. Elles font repère pour leur identité.</p>
<p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Dans bon nombre de villes moyennes, ils ont remplacé les centres anciens moribonds aux commerces abandonnés. Même si on note une baisse de leur fréquentation, ils représentent encore plus de 60 % de l’approvisionnement alimentaire. Surtout, ils structurent un mode de vie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-la-france-moche-peut-on-changer-notre-perception-des-zones-commerciales-214334">En finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?</a>
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<p>Cette France contemporaine s’étale donc devant moi plus qu’elle ne se dresse puisque les bâtiments ne dépassent pas la hauteur d’un immeuble de trois étages. Autour des mastodontes de la consommation (Auchan, Ikea, Décathlon) s’alignent des dizaines d’enseignes plus petites, mais tout aussi tape-à-l’œil.</p>
<p>Des lieux de loisirs sont là également : restaurants, hôtels, cinémas, espaces de paintball et même un circuit de karting. Une architecture commerciale qui se présente comme une accumulation de cubes métalliques et de rectilinéaires colorés. Une architecture dictée dans un langage mathématique, celui des mètres carrés commerciaux, tout en perpendiculaires : la carte devenue territoire pour paraphraser Houellebecq. Au milieu de ces hangars maquillés, « des milliers d’automobiles en stationnement étincèlent sur un vaste étang de goudron », <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/abattoir-5-de-kurt-vonnegut-cinquantieme-anniversaire-2468283">pour reprendre les mots de Kurt Vonnegut</a>.</p>
<h2>La vie en habitacle ou l’appauvrissement des sens</h2>
<p>Durant les 5 années de cette enquête menée au laboratoire Habiter le Monde, nous avons pu appréhender les caractéristiques de ce mode de vie et des valeurs périurbaines, notamment ici, esthétiques, qui le structurent.</p>
<p>Ces zones commerciales sont nées au XX<sup>e</sup> siècle du mouvement de spécialisation des espaces de la ville, le « zonage » disent les urbanistes. Alors que la ville industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.mediatheques.strasbourg.eu/Conservatoire/doc/IGUANA_2/126867/la-ville-phenomene-economique-jean-remy">concentre sur un même espace</a> l’habitat, l’approvisionnement, le travail, la pensée fonctionnaliste en urbanisme fait éclater ces fonctions, les sépare et les localise <a href="https://www.cairn.info/les-methodes-de-l-urbanisme--9782130813446-page-7.htm">chacune dans des zones distantes</a>. La voiture individuelle fera le lien entre ces espaces séparés désormais par des distances que l’on ne peut plus faire à pied.</p>
<p>Autour d’Hénin-Beaumont, <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1360/gallery/">dans l’ancien Bassin-Minier</a>, la vie est donc une vie automobile, indispensable pour aller faire ses courses, chercher ses enfants à l’école, promener son chien dans le parc aménagé d’un ancien terril, assister à un concert au 9/9bis, se rendre au cinéma dans la zone commerciale.</p>
<p>La vie périurbaine est une vie en habitacle à air conditionné, coupée des éléments climatiques. <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1998_num_78_1_2164">Christophe Gibout</a> note d’ailleurs que la voiture acquiert également dans ce contexte, « le caractère d’un référent symbolique de la modernité urbaine et de l’achèvement d’une liberté individuelle de circulation ». Une vie en habitacle à propos de laquelle Richard Sennett problématise <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’appauvrissement des sens</a>. Dans ces espaces dispersés parcourus en automobile, l’expérience du corps s’affaiblirait, réduisant les sensations du mouvement, du toucher. Lorsqu’on passe de l’air conditionné de la voiture à celui de la galerie marchande, le contact est furtif avec l’environnement « réel ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Esthétique hollywoodienne</h2>
<p>Comme on me le déclarait de nombreuses fois en substance, on aime venir au centre commercial pour accéder à une modernité clinquante, féérique, multicolore et proprement aseptisée. Un décor entièrement factice, une anthropisation maximale de l’espace, rehaussé de lumière. Des millions de leds resplendissent sur fond de tôle ondulée. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette modernité occidentale, se construit sur un référent diffusé dans les séries et les cinémas produites principalement « outre-Atlantique ».</p>
<p>Au-delà des magasins en effet, la zone dans son ensemble a de faux airs américains, et se présente comme un décor de cinéma : « diners » et fast-foods, restaurants à la mise en scène spectaculaire constitués de véritables wagons suspendus à trois mètres du sol, « shopping promenade », comme autant d’échos réels aux flux culturels diffusés dans les productions audiovisuelles américaines.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’imaginaire américain est omniprésent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Alors ; aller au centre commercial c’est vivre la fiction, vivre dans le décor hollywoodien devenu réalité locale, selon une continuité médiatico-spatiale pourrait-on dire. L’espace est facile d’accès, on y entre gratuitement ; pour autant, les loisirs y sont payants et formatés.</p>
<p>Autour des espaces de la grande distribution, l’attractivité joue des représentations d’une modernité consumériste séduisante où les grandes enseignes de l’agroalimentaire vantent souvent leur caractère « authentique », « traditionnel », « naturel », comme un pied de nez au centre-ville patrimonialisé, perçu par les personnes que j’interviewe, selon leurs termes, comme « désuet » et « mort », duquel les habitants se détournent.</p>
<h2>Animation constante</h2>
<p>Le centre commercial au contraire est une zone urbaine où il se passe toujours quelque chose. L’événement caractéristique des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-4-page-17.htm*">mondes urbains</a> se joue désormais pour beaucoup sur les parkings du centre commercial, dans les galeries marchandes, au rythme des animations des fêtes devenues commerciales qui animent le décor : Noël, Halloween en tête, Pâques, le Carnaval dans le Nord, la Saint-Valentin, etc.</p>
<p>Chaque fois des décors différents, des animations différentes. Des événements superficiels ? Peut-être, mais les enfants comme les parents que je rencontre, apprécient ces décors toujours féériques, l’ambiance tranquille. Ici, tout semble sécurisé, dans la galerie marchande, « on peut laisser courir les enfants » me dit-on. Chaque chose est à sa place, ça sent même « le propre », le néo-hygiénisme règne. Les relations sociales sont apaisées, une armée de vigiles et de caméras sont là pour y veiller. Dans un monde social souvent perçu à travers le prisme médiatique de l’insécurité, le centre commercial représente <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’espace pacifié des rapports sociaux</a> dans un cadre structuré par la consommation de masse et l’imaginaire de l’abondance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Du politique et de la consommation</h2>
<p>Il reste une différence notable entre ces centralités commerciales et le centre-ville : c’est l’absence du « politique » et de ses symboles. La galerie marchande n’est pas l’espace de la dispute démocratique et la mairie est restée dans le centre ancien. Les terrasses des cafés standardisés, protégées des intempéries dans la galerie marchande, ont <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm">peu à voir avec l’espace de mise en publicité cher à Habermas</a>, espace de la dispute démocratique. L’être urbain y est surtout identifié en consommateur.</p>
<p>Dès lors, l’appartenance urbaine et les enjeux démocratiques semblent lointains, comme restés dans le centre-ville. Le politique mis à l’écart, le commun, la « communauté locale », se joueraient-ils exclusivement dans l’accès à la consommation ? Quoi qu’il en soit, l’espace commercial, le plus souvent, n’est pas perçu comme « moche » par celles et ceux qui l’occupent, le fréquentent, et ce faisant, le consomment et le produisent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXIᵉ siècle.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2156132023-10-13T09:28:27Z2023-10-13T09:28:27ZPologne : le ralentissement économique se traduira-t-il dans les urnes ?<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/europe-20648">Europe</a> est au centre des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/pologne-des-elections-incertaines-cruciales-pour-leurope-tout-entiere-1986884">scrutins du 15 octobre en Pologne</a> : d’une part les élections parlementaires, d’autre part un référendum tactique, organisé le même jour par le gouvernement ultraconservateur PiS et portant sur quatre questions a priori impopulaires dont celui-ci espère le rejet ; ce qui le conforterait aux élections parlementaires. Parmi ces questions, figure celle de l’acceptation ou non du dispositif européen en faveur de l’accueil des migrants.</p>
<p>L’insertion de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pologne-32416">Pologne</a> dans l’économie européenne constitue aujourd’hui un enjeu important pour ce pays (voir graphiques 1 et 2), qui pourrait peser sur le résultat des urnes : 83 % de ses exportations y sont destinées et 68 % de ses importations en proviennent (respectivement 28 et 24 % avec le seul partenaire allemand). Amorcée à partir de l’entrée en vigueur de l’accord d’association signé en 1992, cette insertion s’est approfondie après l’adhésion, en 2004, de la Pologne à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE).</p>
<p><iframe id="NBrZV" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NBrZV/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="KTX3L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/KTX3L/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le degré d’ouverture de l’économie polonaise, mesuré par la moyenne de ses exportations et de ses importations en pourcentage du PIB, se situait à 20 % au début des années 1990 ; il frôle désormais les 60 % (graphique 3), dépassant la moyenne européenne (49 %). Ses principaux excédents se concentrent sur les services de transport, les meubles, les services juridiques et de comptabilité et les pièces de véhicules <a href="https://theconversation.com/fr/topics/automobile-20801">automobiles</a>. Son insertion dans les réseaux européens est étroitement liée à sa division de travail avec l’Allemagne dans les filières des véhicules, du matériel électrique et de l’électronique.</p>
<p><iframe id="PWEgQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PWEgQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Depuis l’intégration à l’Europe, le revenu des Polonais a significativement augmenté : le PIB par tête réel du pays en parités de pouvoir d’achat s’élevait à moins de 40 % de la moyenne européenne en 2004 ; il atteint désormais 80 % de celle-ci.</p>
<p><iframe id="uX6Du" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uX6Du/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais les temps sont durs pour l’économie polonaise aussi. Les difficultés actuelles du « moteur allemand » semblent l’affecter de plein fouet. Le ralentissement économique se traduira-t-il dans les urnes ? Réponse ce dimanche.</p>
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<p><em>Pour approfondir la question de l’insertion internationale de l’économie polonaise, voir les pages interactives <a href="http://visualdata.cepii.fr/">Les Profils du CEPII</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deniz Unal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pays d'Europe de l'Est, qui s'est fortement inséré dans les échanges européens depuis trente ans, subit aujourd'hui les difficultés de son partenaire allemand.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2144952023-10-01T15:45:34Z2023-10-01T15:45:34ZEt si l’écologie, c’était plutôt de rouler avec nos vieilles voitures ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550659/original/file-20230927-29-x8d4j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C2048%2C1143&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une Renault 16 garée à Nevers, 2017. La voiture écolo par définition ?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/152930510@N02/38493865784/">crash71100/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’urgence écologique nous impose désormais de repenser nos mobilités, seul secteur pour lequel les émissions n’ont jamais cessé de croître. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics multiplient les directives qui enjoignent les citoyens à abandonner leurs voitures thermiques pour des véhicules électriques. En témoignent les <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/automobile/planification-ecologique-pourquoi-le-leasing-de-voitures-electriques-a-100-euros-par-mois-tarde-t-il-a-voir-le-jour_6084969.html">récentes annonces</a> du gouvernement qui entend généraliser leur possession par des subventions massives permettant à de nombreux ménages de s’équiper pour une centaine d’euros par mois.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Un certain nombre de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), qui consistent à restreindre l’accès aux véhicules qui dépassent un certain seuil d’émission de gaz polluants, ont ainsi été instaurées dans quelques métropoles : Paris, Lyon ou Grenoble par exemple. Avec la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/278460-loi-22-ao%C3%BBt-2021-climat-et-resilience-convention-citoyenne-climat">loi « climat et résilience »</a> adoptée en 2021, l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants seront concernées d’ici 2024.</p>
<p>De fait, dans ces zones, seules les voitures qui répondent à des normes écologiques très récentes (majoritairement électriques ou hybrides) seront autorisées à circuler. Nous assistons dès lors à une épuration de grande ampleur du parc automobile, qui traduit une conception pour le moins enchantée des mobilités électriques présentées comme salvatrices. Cette vision fait reposer le problème de la pollution de l’air sur les usagers de voitures qui, parce que trop anciennes, ne répondent plus aux exigences actuelles en termes d’émissions polluantes, soit celles disposant d’un moteur thermique et construites avant les années 2010.</p>
<p>Notre <a href="https://www.theses.fr/2022UBFCH020">thèse de doctorat en sociologie menée entre 2017 et 2022</a>, qui se donne pour ambition de comprendre la possession et l’usage d’une voiture de plus de 20 ans à l’époque contemporaine, révèle pourtant que les impératifs de durabilité ne sont pas étrangers à de telles mobilités. Dans la quarantaine d’entretiens réalisés, l’analyse de la presse spécialisée, mais aussi les moments plus informels de bricolage et de discussion dans des garages ou en rassemblements de passionnés d’automobiles qui ont constitué les terrains de cette thèse, il devient même possible d’entrevoir, chez certains usagers, qu’ils soient urbains ou ruraux, des engagements forts en faveur d’une certaine écologie.</p>
<h2>Se servir de l’existant</h2>
<p>Dans une large majorité, les propos des usagers de vieilles automobiles expriment une rhétorique du réemploi opposée à la production et la consommation de masse. Il s’agit de promouvoir une écologie priorisant l’usage d’outils fonctionnels (ou réparables) au recours à du neuf. Dans leurs discours, cette <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/20877">écologie du réemploi</a> apparaît comme davantage réaliste parce qu’elle se veut plus accessible financièrement, et correspondrait à un mode de vie sobre dont l’expertise existe déjà dans les catégories populaires qui la développent <a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">au quotidien</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550641/original/file-20230927-27-94ktec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Clio de Chantal, 52 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">G.Mangin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Peu coûteuse à l’achat comme à l’entretien, la voiture d’occasion désuète serait aussi écologique parce que le coût écologique de sa production a déjà été assumé.</p>
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<p>« Il n’est pas évident d’expliquer à nos chers écolos que conserver et faire rouler une “vieille” auto à la place d’en fabriquer une neuve permet d’économiser des hectolitres d’eau, des kilos d’acier, de caoutchouc et de plastique, etc. C’est tout le problème de ne s’en tenir qu’à la pollution des gaz qui sortent de l’échappement, plutôt que d’analyser le cycle de vie total, de la fabrication au recyclage en passant par l’usage… » (Richard, s’exprimant dans la revue « Youngtimers » n°79)</p>
</blockquote>
<h2>Prendre soin, pour redéfinir ce qui est durable</h2>
<p>Comme tout objet technique, une voiture a besoin d’être entretenue pour durer, et une vieille automobile nécessite une attention soutenue, à l’état de ses organes de sécurité notamment (plusieurs fois par an).</p>
<p>Aujourd’hui, un grand nombre de concessions automobiles ne sont plus équipées pour intervenir sur des véhicules dénués de systèmes de diagnostic électronique, et les mécaniciens ne sont plus formés pour intervenir sur une mécanique commercialement dépassée. Dès lors, la maintenance incombe largement aux possesseurs qui développent, aux fil de leurs interventions, un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/58828">attachement à la voiture dont ils prennent soin</a>, ainsi qu’une connaissance fine qui leur permet de croire que leur objet perdurera encore longtemps à leurs côtés.</p>
<blockquote>
<p>« Moi, ma voiture, je l’entretiens ! Pour qu’elle soit belle et pouvoir continuer de rouler avec. Je voudrais l’user jusqu’à la corde, celle-là. Attends, une Golf comme ça, je fais 300 000 kilomètres avec ! Elle peut encore vivre 30 ans, ma voiture ! » (Larry, 64 ans, décorateur retraité, roule en Volkswagen Golf 3 de 1993)</p>
</blockquote>
<h2>Refuser une transition écologique soupçonnée de « greenwashing »</h2>
<p>Refuser de passer à une voiture plus récente relève également d’un scepticisme assumé envers les intentions écologiques des constructeurs. La voiture contemporaine, surtout lorsqu’elle est électrique, est soupçonnée d’être <a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">bien plus polluante qu’il n’y paraît</a>, notamment par sa production qui nécessite <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-La_guerre_des_m%C3%A9taux_rares-531-1-1-0-1.html">l’extraction de métaux précieux tels que le lithium ou le cobalt</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550642/original/file-20230927-19-sv3xj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La 205 de Mickaël, mécanicien, 22 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">G.Mangin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ses équipements électroniques et numériques font eux aussi l’objet de méfiance <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Bon_pour_la_casse-359-1-1-0-1.html">quant à la planification de leur obsolescence</a>. C’est, là aussi, la logique de remplacement précoce qui est critiquée, et avec elle la stratégie consistant à rendre chaque modèle rapidement obsolète en le remplaçant par un autre ou en en proposant une version restylisée.</p>
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<p>« Par leur fiabilité, elles se retrouvent plus vite à la casse qu’une voiture ancienne. Elles ont pas vocation à durer, non… le but, c’est de consommer ! Avant, on faisait des voitures robustes ! La Saab 900, c’est de la voiture robuste. Pourquoi ? Parce qu’on n’était pas dans cette démarche-là, de consommation ! » (Yannis, 40 ans, Chef d’entreprise, roule en Saab 900 de 1985)</p>
</blockquote>
<h2>Rompre avec la frénésie pour rouler « moins mais mieux »</h2>
<p>Si on les compare aux voitures récentes, les voitures de plus de 15 ans sont moins confortables et moins sécurisées, ce qui requiert une attention plus soutenue de la part du conducteur qui devra davantage faire preuve d’observation et d’anticipation.</p>
<p>Elles sont aussi plus exigeantes à conduire, ce qui sollicite davantage ses cinq sens. Par exemple, elles ne bénéficient pas de régulateurs de vitesse, d’aide au freinage d’urgence, ni même parfois de direction assistée, ce qui complique particulièrement les manœuvres. Parce qu’elles se trouvent à l’opposé des impératifs d’efficacité, de telles voitures deviennent l’outil idéal pour tenir à distance un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/990">sentiment d’accélération qui caractérise notre époque</a>, en s’immergeant dans des mobilités « douces » car convoquant un imaginaire du voyage, empreint de lenteur et de contemplation.</p>
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<p>« Mes parents, ils sont là-dedans. Ils gagnent du temps, ils ont le petit boîtier pour passer au péage et puis tout est prélevé sur leur compte… Moi, je trouve ça effrayant ! C’est effrayant ! T’as l’impression que c’est simple, mais au final, ça va encore plus vite ! » (Lucas, 22 ans, étudiant en philosophie reconverti en charpentier traditionnel, roule en Renault 4 de 1982)</p>
</blockquote>
<h2>Tenir à distance… l’automobilisme !</h2>
<p>Plus encore que des marchandises et un système économique, c’est aussi tout un système de mobilité qui se trouve tenu à distance. Pour bon nombre d’usagers en effet, faire persister la <a href="https://theconversation.com/lautomobile-est-toujours-la-et-encore-pour-longtemps-169211">centralité de la voiture dans l’aménagement du territoire et dans les mobilités quotidiennes</a>, ce serait manquer d’ambition face aux enjeux écologiques contemporains.</p>
<p>Ainsi, nombre d’usagers de vieilles voitures plaident pour une refonte ambitieuse du système de mobilité qui ferait la part belle aux mobilités alternatives, et qui prendrait notamment au sérieux la bicyclette en tant que moyen de transport efficace. Aussi, tous affirment qu’ils se passeraient de voiture au quotidien si cela leur était possible.</p>
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<p>« Moi, je suis pas nostalgique. Je pense que cette société d’avant, celle de la conquête, on se trompait. Elle a oublié la finitude des choses, comme je pense qu’aujourd’hui on oublie qu’il y a des perspectives ! La perspective c’est le vélo par exemple […] Avec le vélo, on va dans des endroits où la voiture ne va plus, on s’affranchit des embouteillages, voilà. On peut se projeter de nouveau ! » (Fabrice, 47 ans, enseignant-chercheur, roule avec plusieurs Citroën des années 1970 à 2000)</p>
</blockquote>
<h2>La composante d’un mode de vie sobre</h2>
<p>Rouler en vieille voiture, c’est donc pour certains une manière de vivre ses mobilités de façon plus sobre, en privilégiant la qualité (du trajet, de l’objet…) à une forme d’abondance.</p>
<blockquote>
<p>« Je trouve qu’on a été trop loin sur certaines choses, qu’on va trop loin par rapport à la planète aussi, la pollution, tout ça. Je veux pas rentrer là-dedans, enfin je veux plus. Un de mes rêves, ce serait d’être autonome au niveau énergétique. Donc il y a, dans ma démarche, quelque chose d’écolo… Oui, écolo ! On peut dire écolo. » (Bruno, 56 ans, éducateur spécialisé, roule en Renault 4 de 1986).</p>
</blockquote>
<p>Cette éthique de la sobriété se trouve bien souvent au fondement d’un mode de vie plus frugal, et suppose une posture réflexive quant à nos actions et leurs conséquences. Si convertir tout un chacun à la « vieille voiture » ne peut représenter un projet de transition écologique, le rapport de tels usagers à leurs mobilités nous invite toutefois à ne plus prendre la route à la légère. Il exhorte, au contraire, à questionner la banalité de notre recours à la voiture pour penser un <a href="https://www.letemps.ch/opinions/debats/vers-un-automobilisme-eclaire">automobilisme plus éclairé</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Mangin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rouler en vieille voiture est pour certains une manière de vivre ses mobilités de façon plus sobre, en privilégiant la qualité du trajet à une forme d’abondance et d’accélération.Gaëtan Mangin, ATER en sociologie, Université d'Artois, docteur en sociologie, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2137872023-09-27T20:18:49Z2023-09-27T20:18:49ZThomas Brail et l’A69, ou les paradoxes de la désobéissance civile<p>En 1972, le <a href="https://theconversation.com/rapport-meadows-pourquoi-les-alertes-de-1972-ont-ete-ignorees-par-les-chercheurs-en-management-201644">rapport du club de Rome</a> établissait les limites de la croissance et les menaces que celle-ci faisait courir à l’avenir de la planète et de l’humanité. Depuis, la cause environnementale a alimenté un activisme politique dont les revendications se sont peu à peu étendues : du risque nucléaire à la destruction de la biodiversité, de la frénésie de consommation aux ravages du <a href="https://theconversation.com/le-debat-sur-la-valeur-travail-est-une-necessite-204875">productivisme</a> et de l’extractivisme, de l’urgence climatique au partage de l’eau, de la pollution atmosphérique à <a href="https://theconversation.com/limiter-lartificialisation-des-sols-pour-eviter-une-dette-ecologique-se-chiffrant-en-dizaines-de-milliards-deuros-166073">l’artificialisation des sols</a>. Ou au refus de l’abattage d’arbres centenaires pour permettre la construction d’une autoroute.</p>
<p>C’est le combat que mène Thomas Brail, cet « écureuil » – du nom que se donnent ces défenseurs des arbres qui se nichent dans leurs branches <a href="https://www.linkedin.com/posts/groupe-national-de-surveillance-des-arbres_a69-soutien%C3%A0thomasbrail-engr%C3%A8vedelafaim-activity-7106585916961382400-PZIX/?trk=public_profile_like_view&originalSubdomain=fr">pour empêcher leur destruction</a> – qui s’est installé dans un hamac au sommet d’un platane en face du ministère de la Transition écologique en entamant une grève de la faim pour s’opposer à la reprise des travaux de l’<a href="https://www.a69-atosca.fr/">A69 entre Tarbes et Toulouse</a>. Au sixième jour de cette occupation, il a été délogé et conduit à l’hôpital avant que Clément Beaune, ministre des Transports n’annonce la suspension de quelques projets autoroutiers, sauf celui de l’A69, dont il a toutefois promis de « réduire l’impact environnemental ».</p>
<p>Un <a href="https://www.editionstextuel.com/livre/une-histoire-des-luttes-pour-lenvironnement">demi-siècle de mobilisations</a> a réussi à placer la question climatique au cœur de la vie politique mondiale, en forçant la création, sous l’égide de l’ONU, des COP dont la 28<sup>e</sup> session se tiendra à Dubaï à la fin de l’année. Mais cet affichage public et universel du souci écologique ne parvient pas à masquer le fait que, en dépit de leurs résolutions et de leurs efforts pour les réaliser, les pouvoirs en place s’attaquent très frileusement aux fléaux liés au réchauffement de la planète.</p>
<h2>L’action directe, levier face à l’inaction des puissants</h2>
<p>C’est à cette dissonance que les associations, organisations non gouvernementales et collectifs citoyens qui font vivre l’écologie ne cessent de se heurter. Avec le temps, ces activistes sont devenus experts dans l’art de mettre au service de leur combat un ensemble de méthodes appropriées à sa visée : travaux scientifiques, études d’impact indépendantes, manifestations de masse, pétitions, blocages, occupations, recours en justice, diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux, boycott, allant jusqu’à des actions pouvant être considérées comme du terrorisme.</p>
<p>Le recours à la violence directe contre des équipements et des installations qui portent atteinte à l’environnement a été en vogue aux États-Unis dans les années 1980, comme le rappelle Benoît Gagnon dans <a href="https://isidore.science/document/10670/1.i23zjg">« L’écoterrorisme : vers une cinquième vague terroriste nord-américaine ? »</a>. Il est cependant devenu un moyen de protestation résiduel, en dépit de l’invitation à en faire usage proposée par Andreas Malm dans <a href="https://lafabrique.fr/comment-saboter-un-pipeline/"><em>Comment saboter un pipe-line</em></a>. L’invocation de l’« éco-terrorisme » permet surtout aux autorités de criminaliser l’action des mouvements environnementalistes, en témoigne par exemple le <a href="https://twitter.com/GDarmanin/status/1586786511684620290">discours du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin fin 2022</a>, après l’installation de la ZAD de Sainte-Soline.</p>
<p>La désobéissance civile n’est qu’une des formes d’action politique qui peut être utilisée en ce domaine, mais de façon détournée. En règle générale, un acte de désobéissance civile consiste à refuser publiquement de se soumettre à une loi ou un texte réglementaire qui fait obligation d’accomplir un acte jugé injuste ou indigne afin de provoquer un procès qui servira de tribune pour remettre en cause la légitimité de cette obligation et, éventuellement, obtenir son abrogation, comme nous le montrions en 2011 dans notre ouvrage Sandra Laugier, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/pourquoi_desobeir_en_democratie_-9782707169754"><em>Pourquoi désobéir en démocratie ?</em></a>.</p>
<p>En ce qui concerne la cause environnementale, aucune loi n’existe qui obligerait à polluer, à émettre du carbone, à investir dans les énergies fossiles ou à détruire des espèces protégées. Ce serait même plutôt le contraire. Dans ce cas, la désobéissance civile consiste à commettre ostensiblement une infraction ou un trouble à l’ordre public afin d’attirer l’attention sur l’inaction ou les agissements coupables des pouvoirs publics ou privés en la matière (arrachage de champs d’OGM, vol de sièges dans des agences bancaires par les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/desobeissance-civile-les-faucheurs-de-chaises-font-reparler-d-eux-3975651">« Faucheurs de chaises »</a>, décrochage de portraits du Président dans les mairies, etc.).</p>
<p>Plus qu’à de la désobéissance civile, ce à quoi on a affaire aujourd’hui relève de l’action directe non violente ou de la résistance civile : se coller les mains sur un tableau ou sur l’asphalte ; occuper un espace promis à l’artificialisation ; « désarmer » une industrie polluante ou des réserves d’eau ; recouvrir de peinture noire le siège d’une entreprise fossile ; traquer les pirates des mers qui harponnent les baleines ou les navires de pêche qui contreviennent aux réglementations ; ou empêcher l’ouverture de fermes usines.</p>
<h2>L’activisme face à son impuissance, ou le syndrome <em>Don’t look up</em></h2>
<p>En dépit du bruit que l’activisme environnemental fait pour imposer la réalité de l’urgence climatique, il bute toujours sur un obstacle : l’incapacité à lever les réticences et les peurs de ceux et celles qui rechignent à changer brutalement de logique économique, de comportements, d’habitudes et de croyances. C’est ce qu’on peut appeler le syndrome <em>Don’t look up</em> – du nom d’un film d’Adam McKay diffusé en 2021 et traitant du déni de la menace climatique – qui se résume en une question : pourquoi le péril existentiel que le dérèglement fait courir à l’humanité ne conduit-il pas les milieux dirigeants et les populations à en reconnaître la gravité et à agir en conséquence ?</p>
<p>Ils ont bien sûr de bonnes raisons pour ne pas le faire : l’emploi, la concurrence, le profit, l’aversion pour les mesures coercitives, le respect des libertés individuelles ou la hantise de la perte. Mais cette inertie renvoie sans cesse les activistes à leur impuissance à convaincre de la nécessité d’inventer un nouveau modèle de développement.</p>
<p>Les luttes pour le climat sont toutes prises dans une ambiguïté : la légitimité qui leur est volontiers reconnue est constamment remise en cause par l’accusation d’irréalisme portée contre les propositions qu’elles formulent ou par l’illégalité des actions qui leur donnent une visibilité dans l’espace public. Cette légitimité est également ignorée par des gouvernements élus qui brocardent le droit que s’octroient des citoyens ordinaires de s’opposer à des décisions prises en respectant les procédures légales.</p>
<h2>Des forces qui sont aussi des faiblesses</h2>
<p>L’activisme peine à répondre à ces attaques. Il se déploie en effet hors des institutions officielles de la représentation et se consacre à la défense d’une « cause », l’environnement, en s’interdisant de vouloir imposer un modèle de société inspiré par une théorie de transformation sociale clairement définie. Ces deux traits l’immunisent contre toute tentation dogmatique, d’autant qu’il se développe généralement sans chef, sans programme et sans stratégie.</p>
<p>C’est précisément ce qui le rend si attractif pour ceux et celles (en particulier, les jeunes générations) qui acceptent mal de devoir suivre docilement les directives émanant de sommets d’une organisation centralisée comme je le relate dans l’ouvrage <a href="https://www.puf.com/content/Politique_de_lactivisme"><em>Politique de l’activisme</em></a> (paru en 2021). Ce qui fait la force de l’activisme (l’absence de direction, le rejet de la représentation, le dégoût de la discipline, la détestation des certitudes idéologiques) est aussi ce qui le dessert. L’adhésion peut être passagère, circonstancielle, paradoxale, contradictoire ; les convictions sont plus passionnelles que réfléchies ; l’impatience ne permet pas de supporter l’adversité ; l’échec provoque la défection.</p>
<p>A quoi s’ajoute le caractère de plus en plus implacable de la répression dont il fait l’objet de la part des pouvoirs qui cherchent à dissuader, contenir ou éradiquer la critique en militarisant le maintien de l’ordre, en criminalisant la liberté d’opinion (loi sur le séparatisme, extension de la définition du terrorisme et des troubles à l’ordre public, surveillance des organisations agricoles dissidentes par la cellule DEMETER de la gendarmerie, intimidations, gardes à vue préventives…) ou en prononçant la dissolution de mouvements jugés dangereux (comme les <a href="https://theconversation.com/comment-les-soulevements-de-la-terre-federent-une-nouvelle-ecologie-radicale-et-sociale-204355">Soulèvements de la Terre</a>).</p>
<p>Ce mauvais réflexe sécuritaire reflète la peur des gouvernants face à des citoyens qui s’organisent de mieux en mieux pour contester la manière dont ils répondent aux urgences sociales et environnementales. Et tout porte à croire qu’ils ne parviendront pas à éteindre leur détermination de sitôt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albert Ogien ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le combat de l’activiste climatique Thomas Brail révèle les paradoxes de la désobéissance civile, dont la légitimité est trop souvent remise en question.Albert Ogien, Directeur de recherche émérite au CNRS, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119582023-08-30T16:30:24Z2023-08-30T16:30:24ZAutomobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?<p>En avril 2023, La Commission européenne a adopté un <a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/transport-emissions/road-transport-reducing-co2-emissions-vehicles/co2-emission-performance-standards-cars-and-vans_fr">règlement</a> interdisant à partir de 2035 la vente de voitures particulières neuves émettant du CO<sub>2</sub>. En réponse, le gouvernement français encourage l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a> en offrant des subventions à l’achat et en conservant des taxes sur l’électricité moins élevées que celles équivalentes sur l’essence et le diesel. Il accorde également à leurs conducteurs des privilèges, tels que l’accès à des zones à émissions nulles dans les centres-villes ou des places de stationnement réservées.</p>
<p>L’ampleur de la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition</a> à opérer est impressionnante. En 2022, la France représentait à elle seule environ <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/recherche?text=nouveau+v%C3%A9hicules+automobiles">1,5 million de véhicules neufs vendus</a>. Pour l’ensemble de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE), le nombre de véhicules neufs a atteint <a href="https://www.oica.net/category/sales-statistics/">11,2 millions</a> soit environ 17 % de la production mondiale de voitures.</p>
<p>En supposant que le parc total de véhicules en France reste constant à son niveau de 2021 (37,9 millions), le temps que les véhicules thermiques en circulation arrivent en fin de vie, la part des électriques devrait atteindre environ 45 % en 2035 et 95 % en 2050, année visée par l’UE pour atteindre la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20180305STO99003/reduction-des-emissions-de-co2-objectifs-et-actions-de-l-union-europeenne">neutralité carbone</a>.</p>
<p><iframe id="1GSlQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1GSlQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le taux d’évolution des émissions de CO<sub>2</sub> diminuerait en parallèle assez régulièrement, partant de 139 g/CO<sub>2</sub>/km en 2023 à la moitié en 2035, pour atteindre plus lentement 5 g/CO<sub>2</sub>/km en 2050, avec peu d’automobiles thermiques encore en circulation.</p>
<p><iframe id="L4p2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L4p2C/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’ici la fin de l’année 2034, du point de vue de l’économiste, c’est le <a href="https://theconversation.com/topics/cout-49465">coût</a> relatif des véhicules électriques par rapport aux thermiques qui fondera la décision d’opter pour l’un ou l’autre. Ce coût comprend deux éléments : celui de son acquisition et le coût annuel d’utilisation (rechargement en énergie et entretien). Nos calculs mettent ici en avant une marge de progression importante à combler pour les véhicules électriques qui semblent aujourd’hui encore assez peu <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitifs</a>.</p>
<h2>L’électrique peu attrayant en zone non urbaine</h2>
<p>Le coût d’acquisition intègre ce que l’on va payer pour acquérir le véhicule, son prix net de toute subvention plus les frais d’immatriculation. On le rapportera au nombre d’années d’utilisation et en déduira la valeur de revente. Il y a pour chacun des dépenses spécifiques à additionner : pour un véhicule thermique, il faudra ajouter toute pénalité sur les émissions de CO<sub>2</sub> ; pour un électrique, le coût d’achat et l’installation d’un chargeur à domicile.</p>
<p>Les coûts d’exploitation comprennent, eux, ceux de l’énergie (essence, diesel ou électricité), de l’entretien et l’assurance. Pour un véhicule électrique, il faudra aussi compter les frais éventuels d’abonnement à un chargeur hors domicile.</p>
<p>Afin de procéder à une comparaison, nous avons recueilli les données sur un échantillon représentatif de véhicules de chaque type fabriqués par Peugeot, Renault, Dacia et Mercedes-AMG dont nous avons tiré des moyennes suivant les parts de marché. Les coûts ont ensuite été calculés selon la <a href="https://www.transportpolicy.net/standard/international-light-duty-worldwide-harmonized-light-vehicles-test-procedure-wltp/">méthodologie</a> utilisée par l’UE, qui fait intervenir le fait de conduire uniquement en ville ou non et la distance annuelle parcourue.</p>
<p>En moyenne, le coût d’acquisition d’un véhicule électrique moyen est plus élevé que celui d’une voiture thermique. Son coût d’exploitation reste néanmoins plus faible. Nous calculons alors qu’en utilisation 100 % urbaine, il reste au total moins cher s’il effectue plus de 9 000 km par an.</p>
<p><iframe id="CmFmY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CmFmY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce seuil est néanmoins de 27 000 km par an pour une utilisation combinée, un chiffre plutôt élevé étant donné que la moyenne française est de 12 000 km par an.</p>
<p><iframe id="wFnce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wFnce/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le point de rupture est beaucoup plus élevé pour l’utilisation combinée que pour l’urbaine, c’est parce que les véhicules thermiques y fonctionnent plus efficacement. Avec un plus petit nombre d’arrêts et de départs, les récupérations d’énergie au freinage, un des atouts des véhicules électriques, s’y font plus rares. Actuellement, un véhicule électrique ne constitue donc pas un choix économique plus attrayant pour une conduite très majoritairement non urbaine.</p>
<h2>Le consommateur en manque d’alternatives</h2>
<p>Les résultats moyens des figures précédentes ne fournissent pas une image universelle du parc, mais ils ne cachent que des exceptions relativement marginales. Le segment « sportif » pour lesquels la voiture électrique est moins chère sur toutes les distances parce que la voiture thermique est fortement pénalisée du fait de ses fortes émissions de CO<sub>2</sub>. On retrouve également le segment « luxe » dans ses versions économes en carburant pour lesquelles la voiture électrique est plus chère car elle est équipée d’une batterie de grande capacité, donc coûteuse.</p>
<p>La comparaison des coûts ne tient pas compte, non plus, des écarts sur la commodité et le confort de conduite qui résultent de leurs différences d’accélération, d’autonomie ou de temps nécessaire pour faire le plein ou recharger le véhicule. Elle se fonde de plus sur les données actuelles des véhicules que ce soit en termes de technologie, de prix d’achat des véhicules et des chargeurs, des niveaux de subvention, des coûts d’immatriculation, des pénalités sur les émissions de CO<sub>2</sub> ou des taux de dépréciation des véhicules. Chacun de ces paramètres est susceptible d’évoluer au fil du temps.</p>
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<p>Ces résultats apportent néanmoins du grain à moudre au débat quant aux enjeux soulevés par la directive européenne qui sont de divers ordres. Des défis logistiques et financiers majeurs sont posés à l’industrie automobile, notamment construire ou réaménager des usines pour fabriquer les batteries et les systèmes électroniques, reclasser nombre d’employés des usines de fabrication ou des secteurs de vente et d’entretien des voitures et assurer l’approvisionnement en métaux rares et autres matières premières. En raison des contraintes d’approvisionnement, des modèles électriques équivalents aux thermiques pourraient ne pas être disponibles avant un certain temps, ce qui nuit à la concurrence.</p>
<p>La directive entraîne également des coûts à moyen terme pour les consommateurs du fait que les véhicules électriques, malgré les subventions et taxations favorables, restent bien moins compétitifs hors des villes. En outre, qui ne peut ou ne veut pas payer pour un électrique neuf aura peu d’alternatives moins chères jusqu’à ce qu’un marché des véhicules d’occasion se développe suffisamment.</p>
<h2>Les retrofits comme solutions ?</h2>
<p>Qui dit arrêt des ventes ne dit pas d’ailleurs que les véhicules en circulation ne continueront pas à émettre du CO<sub>2</sub> (et d’autres polluants) pendant de nombreuses années après l’échéance de 2035. Les avantages environnementaux de la directive au niveau mondial seront également compromis si les volumes de vente des véhicules thermiques (neufs ou d’occasion) se déplacent de l’Europe vers des régions qui ne disposent pas d’une législation environnementale similaire.</p>
<p>Une piste de solution pourrait être de transformer des véhicules thermiques en électriques. Cela demande de retirer le moteur, la boîte de vitesses et le système de contrôle électronique du véhicule pour y installer un petit moteur électrique, une batterie et un système de contrôle adéquat. On nomme cette opération « retrofit ».</p>
<p>Elle coûterait approximativement entre 10 000 et 15 000 euros, en fonction de la capacité de la batterie : c’est moins que le prix d’une voiture électrique neuve. Avec des usines dimensionnées à 150 000 retrofits/an, il y aurait moyen d’accélérer la transition vers un parc de véhicules entièrement électriques, d’offrir un plus grand choix aux consommateurs, d’accélérer la réduction des émissions et de réduire le risque d’exportation des thermiques usagés hors Europe. C’est aussi un moyen de reclasser une partie des effectifs actuels.</p>
<h2>Une réussite environnementale ?</h2>
<p>La mutation du parc automobile ne réduira par ailleurs considérablement les émissions de CO<sub>2</sub> des véhicules particuliers qu’à condition que l’électricité soit produite à partir de sources d’énergie propres. En Europe, les <a href="https://app.electricitymaps.com/map">émissions varient considérablement d’un pays à l’autre</a>, de 28 g/CO<sub>2</sub>/kWh dans le centre de la Suède, 72g/CO<sub>2</sub>/kWh en France, à 469 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Allemagne et jusqu’à 826 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Pologne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vehicule-autonome-lessayer-ce-nest-pas-vraiment-ladopter-206229">Véhicule autonome : l’essayer, ce n’est pas vraiment l’adopter…</a>
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<p>En France, en raison de l’usage du nucléaire et d’autres sources d’énergie sans carbone les émissions liées aux véhicules électriques sont ainsi largement plus faibles que celles des thermiques. Néanmoins, pour le segment populaire des petites voitures, la subvention à l’achat, la taxe sur l’électricité inférieure à celle de l’essence ou du gazole et les émissions de CO<sub>2</sub> plus élevées produites par la fabrication des batteries conduisent à un coût final de 300€/t d’émissions de CO<sub>2</sub> gagnés par rapport à un moteur thermique équivalent. Ce montant est bien plus élevé que le coût social du carbone par tonne recommandé officiellement dans le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2019-rapport-la-valeur-de-laction-pour-le-climat_0.pdf">rapport Quinet</a>. Il ne tient de plus pas compte de l’évolution des polluants autres que le CO<sub>2</sub> produits par la fabrication des batteries, la construction du véhicule et par le recyclage de leurs composants en fin de vie.</p>
<p>En Pologne en revanche, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un véhicule électrique sont actuellement similaires à celles d’un véhicule thermique comparable, sans même tenir compte des émissions liées à la fabrication et au recyclage des batteries.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un véhicule électrique est aujourd’hui plus intéressant qu’un thermique en ville au-delà de 9 000 kilomètres parcourus par an. Ailleurs, il peine encore à se montrer compétitif.André de Palma, Professeur émérite en Économie, CY Cergy Paris UniversitéRobin Lindsey, CN Chair in Transportation and International Logistics, University of British ColumbiaYannik Riou, Chercheur Associé en Economie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096322023-07-23T15:20:06Z2023-07-23T15:20:06ZLa mobilité, l’autre inégalité subie par les quartiers populaires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538376/original/file-20230719-24-pccsz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C10%2C7185%2C4797&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le quartier prioritaire des Arènes à Toulouse est desservi par un métro, un tram et des bus. L’«&nbsp;enclavement&nbsp;» est-il toujours celui que l’on croit&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">Crédit photo : Thibault Isambourg</span></span></figcaption></figure><p>La page Wikipédia des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meutes_dans_les_banlieues_fran%C3%A7aises_depuis_les_ann%C3%A9es_1970">« Émeutes dans les banlieues françaises depuis les années 1970 »</a> s’est encore allongée. Le cycle de violence qui s’est propagé à une échelle nationale fin juin et début juillet vient enrichir celle-ci. Il s’agit d’un phénomène complexe, et aux causes variables suivant les situations urbaines et individuelles. Pris dans sa globalité, ce type d’événement <a href="https://www-cairn-info.bibelec.univ-lyon2.fr/quand-les-banlieues-brulent--9782707152176.htm">répond à la manifestation d’un mal-être profond</a>.</p>
<p>Et pour cause, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/quartiers-populaires-53439">quartiers populaires</a> subissent des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a> dans de nombreux domaines : leurs habitants sont en <a href="https://www.calameo.com/read/001641504ebb2eee88e2a">moins bonne santé</a> et l’offre de soins dont ils disposent est <a href="https://www.anru.fr/sites/default/files/media/downloads/sante-et-bien-etre-quartiers.pdf">réduite</a> ; en matière d’éducation, les résultats sont moins bons (notamment <a href="http://www.onpv.fr/uploads/media_items/tome2_rapportonpv2018.original.pdf">au brevet des collèges</a>), les aspirations d’ascension sociale <a href="https://www.calameo.com/read/001641504ebb2eee88e2a?page=70">bridées</a>, et les <a href="https://doi.org/10.4000/rfp.10148">difficultés se cumulent</a> face à des enseignants <a href="https://theses.hal.science/tel-03168284/">moins expérimentés</a> qu’ailleurs en France.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mobilite-34776">mobilité</a> quotidienne ne fait pas exception, et l’« enclavement » est souvent mis sur la table par les responsables politiques. La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-de-la-ville-49206">politique de la ville</a>, qui vise à la réduction des inégalités urbaines en France, se saisit de la question des transports de manière croissante (à l’exemple du <a href="http://pol-ville.cget.gouv.fr/content/Le-pacte-de-Dijon">Pacte de Dijon</a> en 2018). Cette politique s’appuie sur un zonage géographique, les <a href="https://sig.ville.gouv.fr/page/198/les-quartiers-prioritaires-de-la-politique-de-la-ville-2014-2022">quartiers prioritaires de la politique la ville (QPV)</a>, anciennes <a href="https://sig.ville.gouv.fr/atlas/ZUS">Zones urbaines sensibles</a> (ZUS). Les orientations en sont fixées à l’échelle nationale.</p>
<p>Or, la politique de la ville se fonde pour l’instant sur des études morcelées à l’échelle d’agglomérations et d’<a href="https://theconversation.com/fact-check-trop-dargent-depense-dans-les-banlieues-128946">idées préconçues</a> – qui ne manquent pas lorsqu’il s’agit des quartiers populaires. En effet, à l’heure actuelle et à notre connaissance, il n’existe aucune étude sur la mobilité dans ces QPV qui soit représentative du territoire français dans son ensemble.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fact-check-trop-dargent-depense-dans-les-banlieues-128946">Fact check : « Trop d’argent dépensé dans les banlieues » ?</a>
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<p>Nous avons ainsi cherché à objectiver quelques-uns des traits de la mobilité dans ces quartiers défavorisés, à une échelle représentative de l’hexagone. <a href="https://shs.hal.science/halshs-04145327">Notre étude</a>, qui s’appuie sur les deux dernières éditions (2019 et 2008) des enquêtes nationales de mobilité et compare les enquêtés qui résident dans un zonage de la politique de la ville (QPV ou ZUS) et les autres, démontre l’existence d’inégalités.</p>
<p>Ces résultats montrent, en outre, que l’enclavement des quartiers populaires est multifactoriel, incitant la puissance publique à agir sur plusieurs fronts.</p>
<h2>Une sobriété à marche forcée</h2>
<p>La durée moyenne porte-à-porte de tous les déplacements est équivalente pour l’ensemble des urbains à 20 minutes en moyenne. Pourtant, on observe des différences notables sur les distances. Bien plus courtes dans les quartiers défavorisés, elles sont synonymes d’une mobilité de proximité. C’est le résultat d’un accès inégalitaire à la vitesse, notamment pour les vitesses les plus rapides. En effet, la vitesse porte-à-porte moyenne, de 22 km/h dans cet échantillon, est d’un tiers plus lente dans les quartiers populaires.</p>
<p><iframe id="TG59J" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/TG59J/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette tendance reste liée à l’usage bien moins intensif du mode le plus efficace, c’est-à-dire la voiture (<a href="https://theses.hal.science/tel-00080103v2">y compris en grande agglomération, comme à Lyon</a>). L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/automobile-20801">automobile</a> permet en effet de réaliser plus de 6 déplacements sur 10 en milieu urbain, contre moins de 4 sur 10 dans les quartiers prioritaires où l’on use davantage des modes sobres, comme la marche et les transports collectifs.</p>
<p>Si ces disparités s’observaient déjà en 2008, elles se sont creusées en 2019.</p>
<p><iframe id="HF4rE" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HF4rE/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Des contraintes diverses</h2>
<p>Les inégalités de motorisation sont aussi pointées comme le <a href="https://shs.hal.science/halshs-00141572/">principal élément explicatif des disparités de mobilité</a> par les études déployées dans les métropoles. Dans notre échantillon, on observe bien une possession significativement disparate de la voiture.</p>
<p>Cependant, les quartiers défavorisés présentent certaines spécificités qui pourraient biaiser l’interprétation. Par exemple, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1288521?sommaire=1288529">population y est plus jeune</a>, le chômage <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-dispositifs-en-faveur-de-lemploi-des-habitants-des-quartiers-prioritaires-de-la">davantage présent</a> et les habitants de ces quartiers sont plus nombreux à <a href="https://doi.org/10.3917/reco.673.0443">vivre dans de grandes agglomérations</a>. Or, ces facteurs sont réputés pour accroître les chances de <a href="https://doi.org/10.7202/1083289ar">choisir les modes actifs et les transports collectifs</a>.</p>
<p>Nous avons donc développé un modèle statistique qui permet de démêler l’influence propre de chacun de ces facteurs sur le choix des individus. De cette manière, nous neutralisons les biais inhérents à l’étude des quartiers populaires.</p>
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<p>Le résultat de cette modélisation est très net. D’abord, il existe bien de fortes inégalités de motorisation dans les quartiers populaires. Ensuite, ces inégalités expliquent une part importante des spécificités dans le « choix » des modes de transport. Néanmoins, elles sont loin de constituer le seul facteur explicatif de ces différences de mobilité.</p>
<p>En réalité, l’enclavement subi par les habitants des quartiers populaires ne renvoie pas qu’à une simple question de distance, mais bien à un système de contraintes. Outre des <a href="https://doi.org/10.4000/sociologies.3321">facteurs relatifs aux situations individuelles</a> (précarité économique, diversité socioculturelle, fracture numérique, etc.), on sait que l’environnement urbain <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2005-3-page-25.htm">pénalise la mobilité</a>. Parmi les causes, on peut citer les importantes <a href="https://theses.hal.science/tel-00080103v2">inégalités d’accès aux ressources de la ville</a> et notamment <a href="https://sciencespo.hal.science/hal-00972694/file/fitoussi-cae-2004.pdf">à l’emploi</a>. <a href="http://www.cerema.fr/system/files/documents/2019/05/qpvcoupures_physiques.pdf">L’isolement par les grandes infrastructures</a> qui les quadrillent jouent également un rôle, tout comme les <a href="https://www.calameo.com/read/001641504ebb2eee88e2a?page=70">rues moins pourvues en aménagements</a> et <a href="https://afitl.msh-lse.fr/tl_files/documents/CST/N57/Fleury57.pdf">plus accidentogènes</a>.</p>
<h2>Répondre par les nouveaux contrats de ville ?</h2>
<p>La réduction des inégalités dans les quartiers populaires en France reste donc un chantier ouvert. Les propositions avancées pour l’instant par le président de la République, comme la reconstruction des dégâts des émeutes et tenter d’instaurer un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/07/05/emeutes-urbaines-devant-les-maires-de-france-emmanuel-macron-esquisse-des-pistes-pour-l-apres_6180561_823448.html">« tarif minimum dès la première connerie »</a>, n’interviennent pas à la racine du problème.</p>
<p>Les nouveaux contrats de ville, qui doivent entrer en vigueur début 2024 et qui sont actuellement en élaboration, représentent une occasion pour les politiques publiques de proposer une réponse ambitieuse, après la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/07/06/entre-emmanuel-macron-et-les-banlieues-le-rendez-vous-manque_6180759_823448.html">mise à l’écart du Plan Borloo en 2018</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-peuvent-apporter-les-entreprises-aux-quartiers-prioritaires-209456">Que peuvent apporter les entreprises aux quartiers prioritaires ?</a>
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<p>Ces contrats doivent être articulés avec les politiques de mobilité et de ville durable. En effet, <a href="https://shs.hal.science/halshs-04145327">nos recherches</a> mettent en évidence que, si les habitants des quartiers défavorisés se déplacent moins loin, ils disposent d’une longueur d’avance en matière de sobriété. Toutefois, il s’agit vraisemblablement d’une sobriété moins choisie que subie.</p>
<p>Celle-ci risque désormais d’être exacerbée par le contexte de double inflation de l’énergie et des contraintes réglementaires. En effet, la généralisation en cours des <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-en-france-des-zones-a-faibles-emissions-efficaces-mais-inegalitaires-202919">Zones à faibles émissions mobilité</a> (ZFE-m) exclue ainsi une partie des agglomérations aux véhicules les plus anciens (<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Th %C3 %A9ma %20- %20Les %20voitures %20des %20m %C3 %A9nages %20modeste %20- %20 %20moins %20nombreuses %20mais %20plus %20anciennes_0.pdf">et détenus davantage par les plus modestes</a>).</p>
<p>Une connaissance fine des contraintes dans ces quartiers semble donc nécessaire pour éclairer la politique de la ville. Avec son mode de fonctionnement participatif, la commission « participation citoyenne dans les quartiers » formée par le ministre délégué à la Ville et au Logement pourrait apporter des éléments de réponse directement à partir de la vision des habitants.</p>
<p>Il est également primordial d’enrichir l’apport scientifique sur toutes les thématiques présentant un risque d’inégalité (éducation, santé, logement, emploi, sécurité, etc.). En matière de mobilité, pour trouver des solutions efficaces, il s’agira d’étayer un savoir parcellaire, et, surtout, sortir de la vision d’un <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/09/02/marseille-en-grand">« enclavement »</a> qui serait <em>uniquement</em> physique.</p>
<p>On pourra réfléchir, par exemple, à comment mieux adapter l’offre de transports publics à ces habitants moins motorisés, et qui exercent des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4296737">emplois moins qualifiés</a> comme dans la logistique qui <a href="https://doi.org/10.4000/travailemploi.10149">recrute aujourd’hui beaucoup d’ouvriers urbains</a>. Pourtant, <a href="https://doi.org/10.4000/travailemploi.10149">localisées en périphérie des villes</a>, les entreprises de ce secteur restent <a href="https://regionetdeveloppement.univ-tln.fr/wp-content/uploads/6_Baraklianos.pdf">moins accessibles en transports collectifs</a> <em>a fortiori</em> en horaires atypiques, alors que le travail en 3x8 y est plus fréquent. Ainsi, les possibilités d’actions concrètes sont diverses et demandent encore à être évaluées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209632/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibault Isambourg est salarié-doctorant à Transdev. À ce titre, son projet de recherche reçoit des subventions de l'Association Nationale Recherche Technologie (ANRT).</span></em></p>Les habitants des quartiers défavorisés ont notamment moins accès à l'automobile, et se déplacent en moyenne moins rapidement que le reste de la population.Thibault Isambourg, Doctorant, socioéconomie urbaine et de la mobilité, Laboratoire Aménagement Économie Transport (ENTPE, CNRS, Université Lyon 2), Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100192023-07-19T19:15:07Z2023-07-19T19:15:07ZCréer un « homicide routier » rendrait-il le droit moins lisible ?<p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/droit-21145">droit</a> doit-il multiplier les catégories pour être le reflet de la société ou bien l’exigence d’efficacité l’oblige-t-elle à se limiter ? Le débat traverse la communauté des juristes sur de nombreuses questions comme nous avons pu l’expliquer dans une contribution précédente à The Conversation au sujet de l’<a href="https://theconversation.com/decryptage-en-droit-foetus-et-embryon-pourraient-ils-etre-consideres-autrement-que-comme-des-choses-206456">embryon</a>.</p>
<p>Voilà que le gouvernement donne du grain à moudre en annonçant le 17 juillet 2023 des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/17/securite-routiere-le-permis-sera-suspendu-automatiquement-en-cas-de-conduite-sous-stupefiants-annonce-elisabeth-borne_6182288_3225.html">évolutions</a> en matière de <a href="https://theconversation.com/topics/securite-routiere-48255">sécurité routière</a> et notamment la création d’une nouvelle incrimination spécifique dans le code pénal : « l’homicide routier », remplaçant la qualification actuelle d’« homicide involontaire » avec circonstance aggravante de conduite sous l’empire d’un état alcoolique. La Première ministre défend une annonce à « haute valeur symbolique ».</p>
<p>L’objectif poursuivi semble noble : mieux prendre en compte certaines victimes de la route et leurs familles, pour lesquelles l’usage du terme « involontaire » pouvait parfois paraître choquant. L’évolution était d’ailleurs une demande de longue date des associations qui les représentent. Celles-ci déplorent néanmoins que le changement de nom ne soit pas accompagné d’une évolution des peines associées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1680953706676723713"}"></div></p>
<p>Pareille évolution ne nuirait-elle pas cependant pas à la clarté du droit ? Ce dernier est avant tout un outil qu’il n’est peut-être pas toujours pertinent de faire cohabiter avec des émotions, au risque de nuire à son bon fonctionnement. Que le droit soit clair, c’est d’ailleurs un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2020-3-page-541.htm?ref=doi">principe à valeur constitutionnelle</a>. C’est un objectif qui permet de garantir l’accessibilité du droit aux justiciables. Ce n’est pas toujours parfait et c’est un travail de tous les jours que de le rendre plus clair et plus accessible.</p>
<h2>Deux catégories qui rendent le droit pénal clair</h2>
<p>Afin mieux comprendre les risques liés au projet gouvernemental, il faut d’abord revenir sur le fonctionnement du droit pénal. Celui-ci repose sur le principe de <a href="https://www.cairn.info/droit-penal-general--9782340057036-page-365.htm">qualification</a>. Qualifier une infraction, c’est un exercice qui vise à tisser un lien entre des faits et une infraction existante dans le code pénal. Ainsi, tuer une personne sur la route à cause de son véhicule et sans en avoir l’intention correspond aujourd’hui à l’infraction d’homicide involontaire.</p>
<p>Il n’y a, par conséquent, <a href="https://www.cairn.info/droit-penal-general--9782340057036-page-59.htm">pas d’infraction sans texte pour la prévoir</a>. Le droit pénal français fonctionne autour d’un principe d’interprétation stricte : il n’est pas possible pour un juge d’interpréter de façon extensive une infraction afin de « forcer » le lien entre les faits et l’infraction en question.</p>
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<p>Actuellement, le fonctionnement du droit concernant les homicides est le suivant. Il a l’homicide volontaire (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006165276/">articles 221-1 et suivants du code pénal</a>) et l’homicide involontaire (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024042647">article 221-6 du même Code</a>). L’homicide volontaire, aussi nommé meurtre, peut connaître une circonstance aggravante : la préméditation. Le meurtre avec préméditation devient un assassinat. L’homicide involontaire, lui, peut connaître également des circonstances aggravantes, par exemple la conduite en état d’ébriété. Ainsi, il faut comprendre que le droit pénal est clair dans le sens qu’il reconnaît uniquement l’homicide volontaire ou involontaire, infractions qui sont complétées par des circonstances atténuantes ou aggravantes.</p>
<h2>Un risque de multiplication des qualifications</h2>
<p>L’homicide routier constituerait, lui, une incrimination nouvelle qui recevrait un article dédié au sein du code pénal. Elle serait ainsi détachée « des autres homicides et blessures involontaires ». Autrement dit, cela mettra fin à la <a href="https://www.cairn.info/droit-penal-special--9782340014015-page-13.htm">dichotomie « homicides volontaires et involontaires »</a> pour rajouter une troisième catégorie, qui resterait pourtant toujours proche de celle de l’homicide involontaire (qui ne va pas cesser d’exister).</p>
<p>Le problème réside dans le risque de multiplication des différents homicides à la suite de cela. En effet, si l’homicide routier est reconnu pour prendre en compte la souffrance des victimes de la route, alors la porte est grande ouverte pour appliquer le même accompagnement des victimes dans une grande pluralité de domaines. Ainsi, nous pourrions assister à la création de l’homicide conjugal, de l’homicide familial, de l’homicide infantile. Tout cela existe pourtant grâce aux jeux des circonstances atténuantes ou aggravantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/decryptage-en-droit-foetus-et-embryon-pourraient-ils-etre-consideres-autrement-que-comme-des-choses-206456">Décryptage : en droit, fœtus et embryon pourraient-ils être considérés autrement que comme des choses ?</a>
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<p>Le droit pénal connaît déjà un système de qualification des infractions qui semble avoir le mérite d’être clair. Est-ce bien nécessaire de venir lui apporter son lot de complexité au nom d’une meilleure reconnaissance de certaines victimes ? Cela peut avoir un intérêt si l’infraction nouvellement créée prévoit des peines différentes de ce qui existait auparavant (car cela marque une distinction). En revanche, s’il s’agit simplement d’un changement de nom et que cela ne change absolument rien à ce qui existait avec l’ancienne qualification, apparaît alors un risque de complexification du droit au nom d’une prise de conscience symbolique.</p>
<p>Voici donc relancé le débat : le droit doit-il être le reflet des étiquettes sociales ou doit-il conserver son caractère fonctionnel ? Si la réponse sociale peut se justifier pour des thématiques qui posent un problème depuis longtemps, tel que nous l’appréhendons par exemple dans nos <a href="https://www.theses.fr/s167776">travaux</a> autour des embryons et des cadavres, peut-être pourrait-il être souhaitable que le législateur leur donne la priorité plutôt que de vouloir bouleverser des systèmes déjà fonctionnels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jordy Bony ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la création de l’« homicide routier », le code pénal risque de sortir d’une dichotomie pourtant fonctionnelle entre meurtre et homicide involontaire.Jordy Bony, Docteur et Instructeur en droit à l'EM Lyon, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2089102023-07-19T19:13:51Z2023-07-19T19:13:51ZFaut-il limiter la vitesse pour rendre les véhicules électriques plus attractifs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535102/original/file-20230630-15-fghhrf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réduire la vitesse maximale sur les routes permettrait de rendre les véhicules électriques compétitifs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/xJLsHl0hIik">Chuttersnap / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La société est de plus en plus consciente des conséquences de l’usage intensif des véhicules thermiques, notamment vis-à-vis de l’approvisionnement en pétrole, du changement climatique et de la qualité de l’air. Pour résoudre ces problèmes, différentes stratégies visant les pratiques de mobilité et l’offre de transport sont à mettre en œuvre.</p>
<p>Vis-à-vis du levier technologique, électrifier le parc automobile est une perspective intéressante, car les véhicules électriques admettent divers avantages par rapport à leurs homologues thermiques. Néanmoins, leur déploiement est associé à des risques et limites, notamment liés aux problématiques d’autonomie, de vitesse de recharge et de dimensionnement des batteries et des stations de recharge.</p>
<p>Dans ce contexte, j’étudie ici les conséquences d’une réduction des vitesses de circulation à 110 km/h sur les performances et l’attractivité des véhicules électriques (qui désignent ici uniquement les véhicules tout-électriques, excluant donc les hybrides). Je me base pour cela sur mes travaux sur <a href="https://hal.science/hal-03727219v2">l’analyse du déploiement des véhicules électriques</a> dans le contexte des trajets longue distance.</p>
<h2>Le véhicule électrique : un véhicule à zéro émission ?</h2>
<p>Les véhicules électriques sont parfois désignés comme des véhicules « zéro émission ». Cette expression signifie qu’aucun polluant n’est émis à l’échappement lors de la circulation.</p>
<p>En revanche, cette notion exclut toutes les émissions indirectes, telles que celles liées à la production de l’électricité nécessaire à la recharge de la batterie, ou encore à la fabrication et au traitement en fin de vie du véhicule. La notion d’émission « à l’échappement » exclut également certaines pollutions liées à la phase d’usage du véhicule, notamment celles causées par <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-diesel-essence-ou-electrique-tous-les-vehicules-emettent-des-particules-fines-95336">l’usure des freins, des pneus et de la chaussée</a>.</p>
<p>En dépit de ces nuances, les véhicules électriques émettent globalement moins de polluants que les véhicules thermiques. D’une part, ils émettent moins de polluants atmosphériques lors de la phase d’usage et permettent donc de réduire les dommages causés à la santé, en particulier dans les zones denses.</p>
<p>D’autre part, même en considérant l’ensemble du cycle de vie (de l’approvisionnement en matériaux jusqu’à la fin de vie), une voiture électrique génère en moyenne moins de gaz à effet de serre que ses homologues thermiques. Par exemple, un véhicule électrique rechargé en France et parcourant 225 000 km, génère <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2020-09/2020_study_main_report_en.pdf">74 % de gaz à effet de serre en moins</a> qu’une voiture à essence.</p>
<h2>Le temps de trajet, frein majeur à l’acceptabilité</h2>
<p>En 2022, en France, seuls <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/motorisations-des-vehicules-legers-neufs-emissions-de-co2-et-bonus-ecologique-decembre-2022">13 % des immatriculations de voitures particulières neuves</a> étaient des modèles tout électriques.</p>
<p>Malgré leurs avantages, les véhicules électriques <a href="https://theconversation.com/podcast-essor-du-vehicule-electrique-ca-freine-toujours-131581">peinent à se substituer aux véhicules thermiques</a>, notamment parce que l’acceptabilité est limitée par les contraintes d’autonomie et de temps de recharge pour les trajets longue distance.</p>
<p>Prenons l’exemple d’un véhicule ayant une batterie d’une capacité de 50 kWh (cette énergie correspond au « volume » d’électricité qu’elle peut stocker), utilisée sur une plage d’état de charge comprise entre 10 et 80 %, et qui peut être rechargée à 100 kW maximum (cette puissance correspond au « débit » maximal auquel la batterie peut être rechargée ; la puissance moyenne d’une recharge est généralement inférieure à la puissance maximale, typiquement 82 kW pour un véhicule pouvant être rechargé à 100 kW maximum). Ces caractéristiques correspondent à celle d’une Peugeot e-208, qui est représentative du véhicule moyen immatriculé en 2021.</p>
<p>D’après la <a href="https://www.peugeot.fr/electrique-et-hybride/rouler-en-electrique/autonomie-electrique.html">consommation réelle</a> donnée par le constructeur, le conducteur peut réaliser des trajets à 130 km/h en alternant des phases de circulation de 55 minutes et des pauses de 25 minutes pour faire les recharges.</p>
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<p>À cause des besoins de recharge, les véhicules électriques réalisent donc les longs trajets à grande vitesse significativement plus lentement que les véhicules thermiques. À titre de comparaison, les conducteurs de véhicules thermiques qui suivent les recommandations de sécurité routière effectuent des trajets à 130 km/h en faisant 20 minutes de pause toutes les 2 heures.</p>
<h2>Améliorer l’attractivité des véhicules électriques</h2>
<p>Pour rendre les véhicules électriques plus attractifs, il faudrait que les trajets soient aussi longs en véhicule électrique qu’en véhicule thermique. Deux stratégies sont alors possibles.</p>
<p>La première est d’augmenter fortement les capacités des batteries et les performances des recharges des véhicules électriques. Des batteries de l’ordre de 110 kWh, rechargeables à 320 kW en pointe environ, seraient nécessaires pour effectuer des cycles de 2 heures de circulation à 130 km/h et de 20 minutes de pause.</p>
<p>La seconde stratégie est de réduire les vitesses de circulation sur autoroute pour désavantager les véhicules thermiques. Pour les véhicules électriques, faire des cycles de 2 heures de circulation à 110 km/h et de 20 minutes de pause nécessiterait des batteries de 60 kWh, rechargeables à 170 kW en pointe environ.</p>
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<img alt="Places réservées au chargement des voitures électriques, avec les bornes en arrière plan, et un gros bloc de palissade noires derrière elles" src="https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536127/original/file-20230706-29-i2uc3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur autoroute, les bornes de recharge sont majoritairement des bornes à haute puissance permettant une recharge rapide. Elles sont connectées au réseau électrique via de grandes armoires électriques qui permettent d’obtenir de forts courants électriques. Ces armoires sont plus ou moins isolées des usagers, ici, elles sont masquées par des palissades noires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ionity</span></span>
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</figure>
<p>Ces deux scénarios induisent des difficultés de mise en œuvre et des risques différents.</p>
<p>Le scénario où les tailles des batteries sont doublées ne semble ni réalisable à court terme compte tenu des contraintes industrielles, ni souhaitable à plus long terme.</p>
<p>D’abord, cette stratégie aurait un effet direct sur les tensions d’approvisionnement en matériaux pour la fabrication des batteries. Or, il ne faut pas substituer la dépendance au pétrole par la dépendance au <a href="https://theconversation.com/batteries-electriques-une-meilleure-tracabilite-pour-un-lithium-plus-durable-190080">lithium</a>, au cobalt ou au graphite, qui sont des matériaux <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52020DC0474">considérés comme critiques par la Commission européenne</a>.</p>
<p>De plus, le surdimensionnement des batteries ferait augmenter le coût économique et environnemental des véhicules, alors que l’autonomie n’est une contrainte que pour les trajets longs sur autoroute, qui ne représentent généralement qu’une part marginale de l’usage réel d’un véhicule.</p>
<p>Le second scénario, impliquant de généraliser la circulation à 110 km/h maximum, est quant à lui techniquement atteignable à l’horizon 2030. D’abord, il serait très pertinent pour l’attractivité des véhicules électriques et limiterait la course aux batteries de haute capacité.</p>
<p>De plus, il réduirait les besoins d’infrastructures de recharge sur les autoroutes, permettant une réduction des dépenses et de la consommation de matières premières. En effet, l’installation d’une borne de recharge ultrarapide de 150 kW coûte environ <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021%20-%20Guide%20sch%C3%A9ma%20directeur%20IRVE.pdf">130 000 euros, dont 45 000 sont subventionnés par des fonds publics</a>, et sa fabrication, armoire électrique incluse, nécessite environ 1,2 tonne de matières (d’après les fiches produits d’EVBox, d’<a href="https://search.abb.com/library/Download.aspx?DocumentID=9AKK107991A9632&LanguageCode=en&DocumentPartId=&Action=Launch">ABB</a> et d’Efacec).</p>
<p>Enfin, ce scénario est également recommandé pour limiter les <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/le-rapport-final/">émissions de gaz à effet de serre</a> ou la <a href="https://www.iea.org/reports/playing-my-part">dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie</a>.</p>
<h2>Une responsabilité collective pour un développement maîtrisé des véhicules électriques</h2>
<p>Limiter la vitesse maximale autorisée sur autoroute et favoriser l’adoption de véhicules électriques « sobres » permettrait de rendre le processus d’électrification plus robuste, mais aussi plus juste.</p>
<p>Aujourd’hui, pour les trajets longue distance, il existe déjà de grandes inégalités entre les performances de divers véhicules électriques neufs. Par exemple, les véhicules les plus citadins (tels que la Twingo ZE) ne permettent pas de faire des trajets longs. De plus, un véhicule haut de gamme (comme une Tesla Model S) est environ 15 % plus rapide pour réaliser un trajet long avec des recharges qu’un véhicule milieu de gamme (comme la Peugeot e208).</p>
<p>Cette nouvelle forme d’inégalité liée au temps de trajet pourrait s’accentuer avec, d’un côté, l’apparition de nouveaux modèles de véhicules avec des batteries à haute capacité et, de l’autre, un parc de véhicules électriques vieillissants. De plus, ceci constituerait une forme dangereuse d’obsolescence des anciens véhicules : de nouveaux véhicules avec des performances sans cesse augmentées apparaîtront sur le marché, alors que le parc comportera encore de nombreux véhicules plus anciens. La volonté de renouveler son véhicule électrique sera alors exacerbée et poussera à la surconsommation, avec les impacts qui lui sont associés.</p>
<p>Même si l’électrification des véhicules est un des leviers d’action pour rendre la mobilité plus soutenable, les pratiques des usagers et le système de transport doivent s’adapter aux contraintes d’un tel processus. Il y a alors une responsabilité collective à développer par toutes les parties prenantes : chaque usager, constructeur et décideur public est appelé à y contribuer.</p>
<p>Réduire temporairement les vitesses de circulation sur autoroute est une mesure controversée. Elle exige alors un engagement personnel pour adapter la manière de se déplacer et de voyager, un engagement politique pour porter ce projet et garantir le respect des limitations de vitesse, ainsi qu’un devoir de cohérence avec nos voisins européens afin d’harmoniser les vitesses réglementaires sur autoroute.</p>
<p>D’une façon similaire, limiter les vitesses maximales atteignables par les véhicules permettrait également de réduire les excès et de commercialiser des véhicules plus sobres.</p>
<p>Enfin, l’émergence des véhicules électriques montre le besoin d’une vision globale pour mener une transition environnementale : miser sur des espoirs purement technologiques risque d’être insuffisant pour résoudre les grands défis environnementaux et risque de plus de faire naître de nouveaux problèmes de résilience et d’accroître la fragilité des plus vulnérables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Baltazar est membre du réseau de chercheurs et d'industriels EcoSD (Éco-conception de Systèmes Durables). Il a principalement mené ses travaux sur l'électrification des véhicules dans le cadre d'un projet de recherche collaboratif porté par ce réseau.</span></em></p>Les véhicules électriques réalisent des trajets longs plus lentement que les véhicules thermiques. Réduire la vitesse de circulation peut-il améliorer leur attractivité et modérer la course aux grosses batteries ?Julien Baltazar, Doctorant en mobilité et management environnemental, CentraleSupélec – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2082582023-07-16T15:32:40Z2023-07-16T15:32:40ZPourquoi est-on plus malade en voiture lorsque l’on part en vacances ?<p><em>Les vacances ne se passent pas toujours comme prévu… Dans notre série « Une semaine en enfer ! », nous décryptons ce qui peut aller de travers, depuis le <a href="https://theconversation.com/serie-1-pourquoi-est-on-plus-malade-en-voiture-lorsque-lon-part-en-vacances-208258">mal des transports amplifiés lors des départs en vacances</a> aux piqûres de moustiques désormais capables de transmettre des virus tropicaux, en passant par les dangers microbiologiques méconnus des hôtels, les « traditionnels » coups de soleil, ou les dangers insoupçonnés… du jardinage, si vous pensiez rester tranquillement chez vous.</em></p>
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<p>Comme chaque année, le début de la saison estivale rime avec les départs en vacances ! Si certains attendent cette période avec impatience, d’autres la redoutent… La raison ? Les longs voyages en voiture, en bateau, en bus, en train ou en avion qui se transforment pour eux en véritable calvaire.</p>
<p>Un mal des transports qui n’est pas anecdotique, puisque <a href="https://www.autonomicneuroscience.com/article/S1566-0702(06)00212-8/fulltext">près d’un tiers de la population serait sensible à la « cinétose »</a> – une pathologie dont on ne connaît toujours pas exactement les causes à ce jour. Toutefois, la théorie la plus acceptée à ce sujet suggère qu’elle serait causée par une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cns.12468">mauvaise perception des mouvements auxquels nous sommes exposés</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-explique-t-on-le-mal-des-transports-181284">Comment explique-t-on le mal des transports ?</a>
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<p>Les départs et retours de vacances estivales semblent particulièrement propices à l’installation de ce malaise insidieux… Nous sommes, pour ceux qui y sont sensibles en tout cas, plus fréquemment malades lors de ces trajets spécifiques que lors de nos parcours habituels !</p>
<p>Notons aussi que beaucoup de passagers ressentent une sensation de fatigue, de somnolence, d’apathie ou un manque d’énergie sans avoir rien fait de particulièrement épuisant : il s’agit en fait de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094576598001532">manifestations légères de cinétose</a>, ce qui montre que beaucoup plus d’individus sont touchés qu’on ne le pense !</p>
<p>Pourquoi cette susceptibilité apparemment exacerbée ? Les raisons sont en fait multiples… Comparés à des trajets normaux, ces voyages induisent des conditions particulières, toutes potentiellement capables d’augmenter l’incidence et la sévérité des symptômes. Voici quelques éléments d’explications… ainsi que quelques conseils pour minimiser ce risque.</p>
<h2>Les longs trajets : une répétition de mouvements préjudiciables</h2>
<p>En voiture, plus on voyage longtemps et plus on est susceptible de se sentir malade comme le démontrent plusieurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1243/0954407042580093">modèles mathématiques de prédiction du mal des transports</a>.</p>
<p>En effet, c’est le cumul de mouvements désagréables qui nous fait franchir le seuil au-delà duquel les symptômes se déclenchent. Pour certaines personnes, cela <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1566070206002128">peut apparaître au bout de quelques minutes seulement</a>… quand pour d’autres, ils se développent plus lentement. Seuls les longs trajets peuvent alors les pousser dans leurs derniers retranchements et les voir tomber malades eux aussi, après plusieurs heures de route, vol, bateau…</p>
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<p>Et les activités déployées pour faire passer le temps lors d’un long trajet peuvent contribuer davantage à ces sensations de malaise. On préfère en effet souvent se concentrer sur des activités stimulantes et distrayantes : lire un livre, regarder un film, jouer à des jeux vidéo ou surfer sur les réseaux sociaux… Sauf que ces tâches visuellement stimulantes nous absorbent au point que nous ne nous concentrons plus sur les informations visuelles qui nous permettent d’assimiler les mouvements du véhicule. Cela crée un conflit de perception du mouvement. Par conséquent, il devient <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0141938214000043?via%3Dihub">beaucoup plus facile de tomber malade</a>.</p>
<h2>L’ambiance à bord : des risques qui se cumulent</h2>
<p>En été, la température intérieure du véhicule est difficilement contrôlable, avec le soleil qui y impose souvent une chaleur étouffante : des conditions qui ont <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/asma/asem/2013/00000084/00000005/art00004">tendance à accentuer les symptômes de cinétose</a>.</p>
<p>Dans un milieu chaud, <a href="https://theconversation.com/lesquels-de-nos-organes-sont-les-plus-menaces-par-la-canicule-119563">notre corps doit fournir un effort pour réguler sa température</a> – par la transpiration ou la respiration par exemple. Ces différents signes sont autant de symptômes dits primaires, car ils peuvent contribuer à l’émergence d’autres symptômes plus conséquents : dilatation des vaisseaux sanguins, malaise, nausée ou vomissements le cas échéant.</p>
<p>Pour contrer ces effets, on serait tenté de mettre en route la climatisation, qui pourrait elle-même, au contraire, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/la-climatisation-rend-elle-malade_2885673.html">aggraver la situation pour les passagers qui y sont très sensibles</a>. Les systèmes de ventilation ou d’aération de l’habitacle montrent également leurs limites.</p>
<p>Les odeurs désagréables sont un autre facteur capable <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/asma/asem/2013/00000084/00000005/art00004">d’accentuer les symptômes de malaise en voiture</a> : les odeurs de pollution, de cigarette, de renfermé ou même <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00221-015-4209-9">celle du cuir</a> seraient la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1369847819306539">deuxième cause du mal de voiture</a> ! Un scénario qui a plus de risque de se produire lors de la saison de départs en vacances, où des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/trafic/vacances-les-vagues-de-departs-massifs-sont-associees-a-de-fortes-emissions-de-polluants_2839361.html">pics de pollution sont régulièrement enregistrés</a> et où les rayons du soleil font chauffer les matériaux. On sait par ailleurs qu’une région du cerveau (l’<em>area postrema</em>) est capable de déclencher hypersalivation et nausée rien qu’en détectant certaines odeurs – un réflexe protecteur contre les toxines et autres poisons.</p>
<h2>Le trafic routier : une contrainte physique et mentale</h2>
<p>Dans une voiture, ce n’est pas la vitesse qui rend malade mais <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/001401399184730">ses variations</a> surtout lorsqu’elles sont abruptes. Les mouvements d’accélération et de freinage seraient même les plus perturbants pour l’organisme, plus encore que la prise de virages.</p>
<p>En pratique, ces variations de vitesse sont souvent imposées par la réglementation routière (limitations, croisements, feux), mais aussi par l’état du trafic routier. Un véhicule coincé dans des embouteillages sera contraint à une succession <a href="https://www.researchgate.net/publication/366836220_Effect_of_Horizontal_Acceleration_and_Seat_Orientation_on_Motion_Sickness_in_Passenger_Cars">d’accélérations et de décélérations éprouvantes même à basse vitesse</a>.</p>
<p>Et les embouteillages ajoutent aussi une contrainte psychologique. Avec l’allongement du temps de trajet, déjà long potentiellement, l’anxiété quant à l’heure d’arrivée qui recule, la fatigue, le stress, l’agacement… viennent plomber le moral des passagers. Il a été observé que de tels facteurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0018720819876139">influencent significativement le niveau de sévérité des symptômes</a>.</p>
<p>Mieux vaut donc prendre son mal en patience et garder l’esprit détendu ! Ce qui est, il est vrai, plus facile à dire qu’à faire…</p>
<h2>Quelques astuces pour limiter les dégâts</h2>
<p>Si vous prenez la route avec des passagers susceptibles de tomber malades, ou alors si vous êtes vous-même sensible, sachez que quelques changements dans vos habitudes de voyage peuvent vous aider. Nous les reprenons ici.</p>
<p>● <strong>En tant que conducteur :</strong></p>
<ul>
<li><p><strong>Faites des pauses régulières</strong>. Ce qui permet aux passagers de s’aérer et de réduire de manière significative voire faire disparaître leurs symptômes. Parfois les symptômes peuvent mettre du temps à se dissiper, mais <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-vestibular-research/ves7-6-01">15 à 30 minutes suffisent généralement</a>.</p></li>
<li><p><strong>Essayez de limiter les accélérations et décélérations brutales</strong>. Roulez autant que possible à une vitesse constante et adoptez une conduite souple y compris lorsque vous dépassez ou freinez.</p></li>
<li><p><strong>Évitez de tourner trop brutalement dans les virages</strong> sur des routes sinueuses. Les passagers doivent être <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00140139.2015.1109713">les moins déséquilibrés dans leurs sièges que possible</a>. </p></li>
</ul>
<p>● <strong>Pour les passagers :</strong></p>
<ul>
<li><p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/001401399184730"><strong>Installez-vous le plus à l’avant possible du véhicule</strong></a>. Les mouvements y sont mieux assimilables. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00140139108964831">C’est en conduisant que l’on est le moins affecté</a> puisque les mouvements du véhicule sont parfaitement contrôlés.</p></li>
<li><p><strong>Évitez de vous concentrer sur des écrans</strong> et autres contenus visuels (livres, etc.), surtout si le véhicule ne roule pas à une vitesse constante. À la place, <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1348/000712699161594">essayez de regarder par la fenêtre</a> loin devant en direction de l’horizon.</p></li>
<li><p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00140139.2015.1109713"><strong>Fermez les yeux</strong></a> ou <a href="https://psycnet.apa.org/record/1976-12574-000"><strong>essayez de dormir</strong></a>. Ralentir son activité contribue à apaiser le corps.</p></li>
<li><p><a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-27928-8_26"><strong>Inclinez votre siège en arrière</strong></a>. Cela permet d’être moins déstabilisé par les mouvements du véhicule.</p></li>
<li><p><strong>Privilégiez des activités ludiques</strong> avec d’autres passagers en cas d’ennui : jouer à « par la fenêtre je vois… », <a href="https://theses.gla.ac.uk/80069/1/13905209.pdf">chanter</a>, compter les voitures d’une couleur/marque spécifique et autres activités aussi désuètes qu’efficaces contribuent à faire passer le temps et surtout à <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-vestibular-research/ves00541">moins se focaliser sur le malaise ressenti</a>. La psychologie joue en effet un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1995-10459-001">rôle prépondérant</a> dans le développement et la disparition des symptômes !</p></li>
</ul>
<p>Enfin, compte tenu du rôle prédominant de la psychologie dans l’évolution des symptômes, sachez que des passagers se sentant malades pourraient se sentir mieux avec un simple placebo (une solution sans effet démontré mais annoncée comme efficace). Des techniques simples peuvent <a href="https://academic.oup.com/jtm/article/5/2/89/1801039">se montrer particulièrement efficace</a>. Par exemple, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00221-021-06303-5">proposer un bonbon, un chewing-gum</a>, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00221-017-5009-1">gorgée d’eau ou de respirer un peu d’air frais</a> en vantant leurs mérites pour lutter contre les symptômes peut avoir son petit effet.</p>
<p>Nous vous souhaitons donc bonne route, en espérant que le voyage se fera dans les meilleures conditions !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208258/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Emond reçoit dans le cadre de sa thèse un financement de la société Mercedes-Benz AG.</span></em></p>C'est l'heure des grands départs en vacances… et de leur cortège de nausées en voiture. Objectivement, nous sommes plus malades lors de ces trajets interminables ! Voici pourquoi.William Emond, Doctorant en mal des transports (PhD Student on carsickness mitigation), Université de Technologie de Belfort-MontbéliardLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2081412023-07-16T15:29:40Z2023-07-16T15:29:40ZPourquoi la route de la plage « gondole »<p>Lorsqu’une route de sable, de terre ou de gravier est soumise aux passages répétés de véhicules, un motif régulier de rides peut apparaître – il est connu sous le nom de « route de tôle ondulée » ou « washboard road ». Si la vitesse est suffisante, la moindre irrégularité dans la route dégénère, et l’ensemble de la route ressemble rapidement à un champ de bosses.</p>
<p>Ces rides gênent la conduite et usent prématurément les véhicules, mais elles sont surtout dangereuses. En effet, les véhicules circulant à des vitesses de quelques dizaines de kilomètres par heure volent littéralement de ride en ride, ce qui diminue leur adhérence et affecte le contrôle des trajectoires et les longueurs de freinage.</p>
<p>Le phénomène de « washboard road » est très répandu dans de nombreux pays en voie de développement, mais également aux États-Unis et en Australie, où des routes non goudronnées (pour des raisons de coût d’installation et de maintenance) traversent les étendues désertiques sur plusieurs milliers de kilomètres.</p>
<p>Si l’on peut bétonner ou goudronner les routes, on peut aussi les raboter à l’aide d’un bulldozer, mais ceci s’avère aussi coûteux qu’inefficace, le motif réapparaissant très rapidement après le passage de l’engin. Incorporer à la route des <a href="https://theses.hal.science/tel-01902750/document">additifs, tels que des résines végétales ou des hydrocarbures lourds, pourrait rendre le matériau plus résistant aux déformations</a>, mais poserait de sérieux problèmes environnementaux et est difficilement envisageable à grande échelle : comment incorporer de tels volumes d’additifs sur des milliers de kilomètres ?</p>
<h2>Comment se forment ces motifs qui rappellent les dunes ?</h2>
<p>L’amplitude et la longueur d’onde du motif dépendent des masses et vitesses des véhicules qui y roulent mais aussi de la pression des pneumatiques ou encore des conditions climatiques. Les observations de terrain rapportent que le motif est plus marqué dans les virages, ainsi que sur les fortes pentes et autour des carrefours, car les contraintes mécaniques exercées sur la route par les véhicules sont plus importantes dans ces trois situations.</p>
<p>Mais au-delà des implications pratiques, le phénomène constitue un <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/BFb0110577">problème fascinant pour les physiciens : la « morphogenèse », l’étude de la formation de motifs répétés, et plus généralement des instabilités</a>.</p>
<p>Ici, les similitudes sont grandes avec la formation des dunes (qui sont des motifs d’une hauteur de quelques centaines de mètres) ou des rides sur une surface de sable soumis à un vent constant. Ces phénomènes ont fait l’<a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-fluid-011212-140806">objet de nombreuses études</a>, par exemple via l’analyse de modèles expérimentaux dans lesquels un lit de sable sec est soumis à un vent constant grâce à une soufflerie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="dispositif experimental avec levier et roue" src="https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dispositif expérimental pour étudier la formation des rides de sable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolat Taberlet/ENS Lyon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans nos travaux, nous avons choisi de simplifier au maximum le système et d’étudier une situation contenant les <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.99.068003">ingrédients physiques fondamentaux nécessaires à l’apparition de l’instabilité « washboard road »</a>.</p>
<h2>Un phénomène très robuste</h2>
<p>Certes, sur le terrain, les différents véhicules possèdent des masses et vitesses variables, et soient équipés de plusieurs roues munies d’une suspension et de pneus déformables sur lesquels s’applique parfois un couple moteur. Au contraire, dans nos études en laboratoire, nous avons travaillé avec une roue en gomme rigide, placée à l’extrémité d’un bras articulé, et tirée à vitesse constante sur un lit de sable : notre montage ne comporte ainsi aucune suspension et l’unique roue n’avance pas sous l’effet d’un couple moteur. La roue est contrainte dans son mouvement horizontal le long de la piste circulaire, mais est libre de monter et descendre ainsi que de rouler.</p>
<p>Mais malgré ces simplifications à l’extrême, ce système permet de reproduire fidèlement le phénomène de « washboard road » : après plusieurs passages, la route initialement plane se transforme en profil ondulé et régulier. En poussant cette démarche à l’extrême, il est même possible de former une « washboard road » en tirant un simple patin incliné (à l’image d’un chasse-neige) avec le bras articulé. </p>
<p>La robustesse du phénomène de formation de rides est un des résultats importants de l’étude : ce phénomène existe sous une large gamme de conditions, et une modification des paramètres des véhicules ne suffirait probablement pas à éradiquer le motif ondulé.</p>
<p>Ce résultat est malheureusement fort contrariant pour toute tentative de mitigation des rides : il semble que l’ajout d’une suspension ou d’un pneu déformable pourrait modifier les dimensions du motif de rides, mais ces caractéristiques ne sont pas des ingrédients indispensables à l’apparition du motif de rides.</p>
<h2>Une vitesse « seuil » au-delà de laquelle les rides se forment</h2>
<p>Par contre, notre système nous a également permis de mettre en évidence l’existence d’une vitesse « critique » (ou seuil) pour le phénomène : en dessous de cette vitesse, toute perturbation dans la piste comme un creux ou une bosse est lentement érodée et le profil redevient plan après quelques passages. À l’inverse, <a href="https://journals.aps.org/pre/abstract/10.1103/PhysRevE.84.051302">au-delà de cette vitesse, la moindre irrégularité dans la route dégénère rapidement et provoque l’apparition de rides</a>.</p>
<p>Nous avons compris comment cette vitesse critique dépend des paramètres du système (masse du véhicule et masse volumique du sable), ce qui nous a permis d’estimer la vitesse critique d’environ 10 km/h pour des voitures légères et de 20 km/h pour les véhicules les plus lourds. Ainsi, si les véhicules circulaient à faible vitesse, les routes resteraient planes, mais cette valeur est tellement faible qu’elle parait difficilement réaliste comme limitation de vitesse… surtout pour traverser l’Australie !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Taberlet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour que ça ne gondole pas, une seule solution : rouler très lentement… difficile de traverser le désert en véhicule sans créer de rides dans ces conditions.Nicolas Taberlet, Maître de conférences en physique, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2069112023-07-06T17:20:26Z2023-07-06T17:20:26ZNous sous-estimons les effets négatifs de la voiture sur la santé<p>Depuis le trajet court pour aller à la boulangerie jusqu’au départ en vacances en famille, en passant par les allers-retours au travail, les déplacements sont largement structurés par la voiture en France. </p>
<p>À la fois rapide, permettant des trajets porte-à-porte, confortable, ce mode de transport s’est imposé comme un véritable « couteau suisse » de la mobilité. Au point que la prédominance de la voiture a progressivement marginalisé les autres modes de transport, que ce soit la marche, le vélo, les transports en commun…</p>
<p>Cette situation de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-remedier-a-la-dependance-automobile-est-devenu-necessaire-168902">dépendance à la voiture</a> est particulièrement présente en dehors du centre des plus grandes villes.</p>
<h2>La voiture en chiffres</h2>
<p>Actuellement, on estime que <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019">80 %</a> à <a href="https://www.unionroutiere.fr/faitetchiffre/faits-et-chiffres-2022/">85 % des ménages français</a> possèdent une voiture, tandis que 35 % en possèdent plusieurs.</p>
<p>La voiture est utilisée pour <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019">72 % des trajets domicile-travail</a>. Lors de ces déplacements, 9 conducteurs sur 10 sont seuls dans leur véhicule.</p>
<p>Enfin, tous trajets confondus, la voiture représente <a href="http://www.chair-energy-prosperity.org/publications/travail-de-these-decarboner-transports-dici-2050/">quasiment les deux tiers du nombre de trajets, des temps passés dans les transports ou des kilomètres parcourus par les Français</a>.</p>
<p>Cette dépendance à la voiture nous amène à minimiser ses conséquences, ou à chercher des solutions qui permettent de conserver le système automobile, par exemple la promotion de la voiture électrique, souvent présentée comme « propre » ou « 0 émission », ce qui permet d’éviter de remettre en cause la place de la voiture individuelle dans la mobilité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">Fin de la voiture thermique : pourquoi le tout-électrique n’a rien d’une solution miracle</a>
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<p>Mais cette minimisation touche aussi particulièrement les impacts sanitaires liés à l’usage de la voiture.</p>
<h2>La motonormativité, reflet de normes centrées sur l’automobile</h2>
<p>Pour désigner les biais culturels et inconscients qui façonnent notre vision des impacts de la voiture, les chercheurs en psychologie Ian Walker, Alan Tapp et Adrian Davis ont forgé le concept de <a href="https://psyarxiv.com/egnmj">motonormativité (ou <em>motonormativity</em> en anglais)</a>.</p>
<p>Ils font l’hypothèse qu’à force de considérer la voiture comme incontournable, ses impacts sur la santé sont minimisés. Pour tester cette hypothèse, ils ont interrogé plus de 2000 adultes vivant au Royaume-Uni. Ils leur ont soumis des affirmations liées à la voiture, et des équivalents en remplaçant les termes de « voiture » ou de « conduite » par un autre objet ou une autre activité.</p>
<p>Les chercheurs ont par exemple demandé aux personnes interrogées si elles étaient d’accord avec la proposition « Les gens ne devraient pas fumer dans les zones densément peuplées où d’autres personnes respirent leurs fumées de cigarette ». Résultat : 75 % d’entre elles acquiescent. En revanche, si l’on remplace « cigarette » par « voiture », l’affirmation devenant « Les gens ne devraient pas conduire dans les zones densément peuplées où d’autres personnes respirent leurs gaz d’échappement », seules 17 % des personnes interrogées sont en accord avec l’affirmation.</p>
<p>Les résultats révèlent donc parfois de fortes différences, qui démontrent une plus grande tolérance aux nuisances provenant de la voiture. Les deux phrases expriment une idée similaire, mais un double standard moral s’applique selon qu’il est question de la voiture, vue comme indispensable, ou de cigarettes où les nuisances seront moins tolérées par la population, car perçues comme non nécessaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Perception des affirmations sur la voiture et la cigarette.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Walker et coll., 2023</span></span>
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<p>Cette préférence ne se limite pas à une dimension individuelle mais a des implications plus larges sur les politiques de mobilité, d’aménagement ou de santé.</p>
<p>À titre d’illustration, la publicité pour les cigarettes est interdite depuis 1991 et les paquets vendus sont assortis d’images et de messages particulièrement alarmants. À l’inverse, les publicités automobiles, qui mettent en scène (de manière parfois exagérée, avec des véhicules circulant sur des routes vides) les bénéfices des voitures ne font l’objet d’aucune régulation forte.</p>
<p>Elles ne sont notamment accompagnées d’aucun message explicite sur leurs impacts sanitaires pourtant très significatifs.</p>
<h2>Les impacts sur la santé de l’usage de la voiture</h2>
<p>La pollution de l’air engendrée par les voitures thermiques est le premier effet négatif de l’usage de la voiture qui vient à l’esprit. Elle ne représente cependant qu’un des effets sanitaires que les voitures provoquent sur la collectivité – ou, pour emprunter au langage économique, des « externalités négatives » de la voiture en matière de santé des populations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-diviser-par-trois-la-mortalite-tout-en-etant-economiquement-rentable-cest-possible-182073">Pollution de l’air : diviser par trois la mortalité tout en étant économiquement rentable, c’est possible !</a>
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<p>Ainsi, les nuisances sonores engendrées par le trafic routier ont longtemps été sous-estimées. Elles ont pourtant des conséquences sanitaires non négligeables. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a même récemment estimé que les <a href="https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/4815-cout-social-du-bruit-en-france.html">coûts sociaux attribuables aux nuisances sonores</a> (dont 55 % provient du trafic routier) seraient supérieurs à <a href="https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commissions-denquete/commission-denquete-sur-le-cout-economique-et-financier-de-la-pollution-de-lair.html">ceux attribuables à la pollution atmosphérique</a>.</p>
<p>La préférence donnée à la voiture pour les infrastructures de transports s’est également faite au détriment des modes de transports qui induisent une certaine activité physique : en priorité les modes dits actifs tels que la marche et le vélo, mais aussi indirectement les transports en commun qui nécessitent généralement de la marche durant le trajet. Ainsi le manque d’activité physique, <a href="https://www.anses.fr/fr/content/manque-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-exc%C3%A8s-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-une-priorit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique">très répandu dans la population française</a>, concerne également le domaine des transports.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">Marche, vélo : les gains sanitaires et économiques du développement des transports actifs en France</a>
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<p>Des décennies d’aménagement du territoire dans le but de favoriser la voiture ont également eu pour conséquence une forte consommation d’espace, engendrant une artificialisation des sols, une perte de biodiversité ou encore un façonnage des paysages et de l’urbanisme au profit de la voiture.</p>
<p>Pour une ville comme Paris, il est estimé que <a href="https://www.transportshaker-wavestone.com/urban-transports-spatial-footprint-much-space-used-transports-city/">27 % de la surface est allouée aux transports</a>, dont plus de la moitié (57 %) pour la circulation et le stationnement des voitures. Cet espace a été alloué au détriment d’autres aménagements, que ce soit ceux favorables aux autres modes, aux interactions sociales mais aussi aux espaces verts, dont la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(19)30215-3/fulltext">proximité est associée à un risque réduit de décès</a>. Le rôle des espaces verts est aussi majeur dans l’<a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)02585-5/fulltext ?dgcid=raven_jbs_aip_emaileeee">atténuation des phénomènes d’îlots de chaleur urbaine</a>, qui deviennent plus fréquents et intenses avec le changement climatique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Réaménagement de rue favorable à la santé, à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Schlijper, 2021 ; fil Twitter Stein Van Oosteren</span></span>
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<p>Enfin, l’accidentalité routière est toujours responsable de <a href="https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-linsecurite-routiere/bilans-annuels-de-la-securite-routiere/bilan-2022-de-la-securite-routiere">plus de 3 000 décès par an</a> en France métropolitaine, ainsi que de 240 000 blessés (dont 16 000 cas graves). Après de forts progrès depuis les années 70, la mortalité routière ne baisse plus depuis une décennie, et concerne à 70 % des accidents impliquant au moins une voiture.</p>
<h2>Un cocktail d’effets sur la santé</h2>
<p>Pollution de l’air, pollution sonore, consommation d’espace, inactivité physique ou encore accidentalité routière sont ainsi de multiples facettes des impacts sanitaires liés à l’usage des transports routiers, et en particulier de la voiture.</p>
<p>On peut encore ajouter à cela d’autres externalités négatives liées à la voiture. Il y a bien sûr <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/12/02/environnement-la-voiture-un-frein-aux-ambitions-climatiques-de-la-france_6104418_3244.html">l’impact sur le climat</a> (qui aura aussi des effets sur la santé), mais aussi les embouteillages ou encore l’effet de barrière que les grandes infrastructures routières constituent pour les modes actifs (attente ou détour nécessaire pour traverser un axe).</p>
<p>Certes, les autres modes de transport peuvent également générer des nuisances similaires, mais c’est bel et bien la voiture qui en concentre l’écrasante majorité : une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0739885922000713">étude récente à Munich</a> a ainsi montré que sur les externalités de l’ensemble des modes de déplacements, près de 80 % des coûts étaient liés aux voitures.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bénéfices des mobilités actives (marche et vélo).</span>
<span class="attribution"><span class="source">OMS/WHO, 2023</span></span>
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<p>Ce « système voiture » est à l’origine d’un cercle vicieux : un aménagement du territoire et des villes centré sur la voiture renforce sa consommation d’espace et marginalise les modes de déplacement actifs (marche et vélo), qui deviennent vulnérables à la dangerosité des voitures, décourageant ainsi ceux qui pourraient opter pour ces modes vertueux du point de vue de l’activité physique. Cette situation maintient en place le système automobile, avec les conséquences sus-mentionnées en matière de climat et de pollutions de l’air ou sonore.</p>
<h2>Adapter les politiques de mobilité, d’aménagement et de santé</h2>
<p>Les enjeux sanitaires liés à la voiture sont nombreux et au cœur d’interactions complexes. De nombreuses politiques publiques peuvent ainsi encourager à aller vers des mobilités moins impactantes pour la santé.</p>
<p>Une solution souvent envisagée en lien avec l’activité physique est celle de la prescription médicale à refaire du sport ou se mettre aux mobilités actives. Mais le rôle des politiques publiques ne peut se résumer à encourager des injonctions individuelles qui peuvent se révéler inopérantes si l’environnement et les aménagements ne le permettent pas.</p>
<p>En effet, en matière de mobilités actives, ce sont les politiques d’aménagement (du territoire, de la voirie, des infrastructures…) <a href="https://doi.org/10.1093/abm/kax043">qui créent la demande</a>.</p>
<p>Il s’agit donc avant tout d’un enjeu collectif : celui de réduire la place de la voiture dans nos villes et nos vies, de développer les mobilités actives, de transformer les usages de l’espace public, de réduire et contrôler les vitesses de circulation, d’encourager aussi les transports collectifs et les mobilités partagées (covoiturage, autopartage), des véhicules plus sobres ou encore le passage à l’électrique.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Couverture de l’ouvrage _Voitures, fake or not ?_, Tana éditions" src="https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1124&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1124&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1124&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>À ce sujet, dans le débat actuel concernant la décarbonation des transports, il faut souligner que la solution qui retient le plus d’attention, la voiture électrique, ne réduit que partiellement les impacts néfastes de l’automobile pour la santé publique. Si le passage à l’électrique permet de réduire la pollution de l’air et la pollution sonore (<a href="https://presse.ademe.fr/2022/04/plus-de-la-moitie-des-particules-fines-emises-par-les-vehicules-routiers-recents-ne-proviennent-plus-de-lechappement.html">sans non plus les supprimer</a>), il ne répondra pas aux impacts sanitaires liés au manque d’activité physique, à l’accidentalité ou à la consommation d’espace des voitures.</p>
<p>Le défi est vaste, mais heureusement, les leviers sont nombreux et alignés avec les préoccupations environnementales et de mobilités inclusives. Ils doivent tous être sollicités en même temps pour réduire significativement les impacts sévères et généralement sous-estimés de la voiture sur notre santé.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie en partie sur le contenu de l’ouvrage <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/voitures-fake-or-not-concilier-mobilite-et-neutralite-carbone-sans-fake-news-moteur-electrique-vs-moteur-thermique-transition-energetique-dependance-a-la-voiture-individuelle/9791030104806">« Voitures, fake or not ? »</a>, A. Bigo, I. Brokman, Tana éditions</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Bigo est chercheur indépendant et associé à la chaire Energie et Prospérité.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kévin Jean est membre bénévole du bureau de l'association Sciences Citoyennes.</span></em></p>La voiture est au centre de nos mobilités, ce qui limite l’usage des transports actifs, tels que la marche ou le vélo. Une situation dont les impacts sanitaires dépassent la seule pollution de l’air.Aurélien Bigo, Chercheur sur la transition énergétique des transports - chaire Énergie et Prospérité - Institut Louis Bachelier, École normale supérieure, Ensae ParisTech, École polytechniqueKévin Jean, Maître de conférences en épidémiologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086072023-07-03T16:58:18Z2023-07-03T16:58:18ZDans l’industrie automobile, la R&D, plus que jamais le nerf de la guerre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534300/original/file-20230627-25-mr5m9d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=413%2C278%2C1606%2C1149&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le constructeur Tesla continue d’investir de plus en plus dans la R&D malgré une rentabilité non atteinte certaines années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://flickr.com/photos/44124348109@N01/6219463656">Steve Jurvetson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, les entreprises sont confrontées à des niveaux élevés de concurrence, ainsi qu’à des réglementations et des besoins des clients en constante évolution. Pour survivre dans de telles conditions, les investissements en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">recherche et développement</a> (R&D) deviennent un outil essentiel. Les chiffres montrent d’ailleurs que les <a href="https://data.oecd.org/rd/gross-domestic-spending-on-r-d.htm">dépenses intérieures brutes de R&D</a> ont constamment augmenté de 2000 à 2021, de 97 % aux États-Unis et d’environ 72 % en Europe.</p>
<p><iframe id="4zewA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4zewA/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon le tableau de bord de l’Europe sur les investissements en R&D industrielle de 2022, basé sur les 2 500 entreprises mondiales les plus investies, la majorité se trouve aux États-Unis (environ 40,2 %). La Chine se classe deuxième avec 17,9 %, suivie de l’Europe avec 17,6 % et du Japon avec 10,4 %. Les principaux secteurs d’investissement en R&D sont les producteurs de technologie (22,6 %), les industries de la santé (21,5 %), les services technologie (19,8 %) et l’industrie automobile (13,9 %).</p>
<p>Malgré cette tendance croissante, les décisions d’investissement en R&D des entreprises diffèrent encore fortement les unes des autres, y compris parfois sur un même secteur. Cette tendance apparaît notamment marquée dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-automobile-33711">l’industrie automobile</a>, secteur dans lequel <a href="https://www.acea.auto/figure/rd-investment-in-the-automobile-sector-by-world-region/">l’Europe est le plus gros investisseur en R&D</a> et qui connaît une évolution majeure vers les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques (VE)</a> sous l’impulsion de réglementations « vertes ». À partir de 2035, toutes les voitures neuves vendues dans l’Union européenne (UE) devront en effet être <a href="https://www.npr.org/2023/03/30/1166921698/eu-zero-emission-cars">à zéro émission</a>.</p>
<h2>Une rentabilité variable</h2>
<p>La montée en puissance des véhicules électriques a également eu un impact considérable sur le nombre de voitures vendues par les constructeurs automobiles. Alors que le nombre d’unités vendues par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tesla-30804">Tesla</a> a augmenté de 435,8 % au cours des cinq dernières années (de 2018 à 2022), d’autres entreprises ont connu une baisse : Toyota, Honda, GM, VW et Ford ont enregistré respectivement, sur la même période, des baisses de -1,1 %, -21,6 %, -29,1 %, -23,7 % et -29,3 % (tous les calculs présentés dans cet article reposent sur les informations extraites des rapports annuels des entreprises).</p>
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<p>En parallèle, nous observons également d’énormes différences entre les dépenses R&D de ces entreprises. Par exemple, Tesla a dépensé en R&D beaucoup plus par voiture vendue par rapport aux autres constructeurs automobiles. En 2018, Tesla avait ainsi déboursé environ 5 203 euros par unité vendue, tandis que les autres avaient dépensé entre 795 et 1 197 euros. Aujourd’hui, quand d’autres entreprises cherchent à rattraper leur retard, Tesla continue d’afficher un taux de <a href="https://cleantechnica.com/2022/03/25/rd-proves-to-be-the-right-investment-for-tesla/">R&D par voiture vendue très élevée</a>.</p>
<h2>Les moteurs de la R&D</h2>
<p>Dans notre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00036846.2022.2094879">étude</a>, basée sur les informations financières déclarées par des entreprises de divers secteurs, nous examinons quels facteurs pourraient expliquer les différences dans les investissements en R&D entre les différentes entreprises.</p>
<p>Comme on le voit sur le graphique ci-dessous, la performance financière ne semble pas constituer l’objectif principal, tant la rentabilité des actifs varie d’une année sur l’autre et apparaît décorrélée des sommes investis. Par conséquent, il est nécessaire de prendre en compte d’autres facteurs.</p>
<p><iframe id="OfXE4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/OfXE4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="FZmU8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FZmU8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous constatons que la propension à prendre des risques de l’entreprise ainsi que sa stratégie a également un impact important sur les décisions en matière de R&D. Les profils « défenseurs » ont une stratégie axée sur la rentabilité et sont plus susceptibles d’avoir un portefeuille de produits étroit et une structure organisationnelle plutôt stable ; les « prospecteurs » ont au contraire une plus forte tendance à l’innovation et possèdent une structure organisationnelle plus flexible.</p>
<p>Notre étude montre qu’une performance financière relativement moins bonne, un profil de « prospecteur », ainsi qu’une tendance au risque plus élevée génère un impact positif sur les investissements en R&D.</p>
<p>Le cas de l’industrie automobile est une illustration des conclusions générales tirées de notre recherche. En effet, l’orientation de Tesla, qui présente une propension au risque élevée, vers des produits innovants perturbateurs fait pencher sa stratégie vers celle d’un « prospecteur » plutôt qu’un « défenseur ». Ainsi, son modèle d’investissement en R&D explique les importantes sommes dépensées et la persistance dans cette stratégie, même en cas de rentabilité négative sur certaines années.</p>
<h2>Lien vers la collaboration</h2>
<p>Enfin, nous relevons dans notre étude que des comportements d’investissement différents en R&D peuvent créer des tensions en cas de collaboration ou de fusion. Ceci est particulièrement pertinent pour le secteur automobile car nous observons un niveau croissant de <a href="https://www.molex.com/en-us/blog/global-cross-industry-collaboration-accelerates-electrification-success">collaborations</a> (par exemple, celles entre <a href="https://www.ft.com/content/9cf49932-b73b-45b6-a615-e298950c39e1">Ford and VW</a> ou <a href="https://news.gm.com/newsroom.detail.html/Pages/news/us/en/2022/apr/0405-gmhonda.html">GM and Honda</a>, axé sur le partage des ressources de R&D).</p>
<p>Or, la pratique a montré que ces collaborations <a href="https://theconversation.com/podcast-renault-nissan-fiat-les-liaisons-dangereuses-120124">n’ont pas toujours été sans tension</a>. Au-delà du cas du secteur automobile, notre étude fournit donc également des informations importantes pour toutes les entreprises, dans différents secteurs, qui recherchent des collaborations ou qui veulent prendre des décisions d’investissement en R&D.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La stratégie d’innovation de Tesla a notamment permis à ses ventes de décoller ces dernières années, contrairement aux autres constructeurs.Oveis Madadian, Assistant Professor of Accounting, IÉSEG School of ManagementMaud Van den Broeke, Associate Professor in Operations and Supply Chain Management, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075012023-06-14T16:40:48Z2023-06-14T16:40:48ZLyon-Turin : retour sur l’opposition française au projet de nouvelle ligne ferroviaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531747/original/file-20230613-25-juejmq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C11%2C3843%2C2573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 9 juin 2012, une centaine de personnes défilaient, à l'initiative du collectif No TAV Savoie, dans les rues du centre-ville de Chambéry contre le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. En ce début juin 2023, plus d’un millier de militants écologistes sont attendus en Maurienne.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Leila Shahshahani / Labex ITTEM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En Savoie, des militants écologistes des Soulèvements de la Terre se sont introduits le 29 mai 2023 sur l’un des chantiers de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/lyon-turin-des-militants-ecologistes-s-infiltrent-sur-un-chantier-securise-une-operation-coup-de-poing-contre-la-ligne-ferroviaire-2784558.html">la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin</a>. Une banderole « La montagne se soulève » a été déployée pour appeler au week-end de mobilisation franco-italienne contre ce projet, organisé les 17 et 18 juin 2023 en Maurienne.</p>
<p>Imaginé dans les années 1980, le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin a connu depuis de nombreux atermoiements, notamment en ce qui concerne le tracé entre l’agglomération lyonnaise et Saint-Jean-de-Maurienne. Dix ans après la déclaration d’utilité publique (DUP) de 2013, les décisions concernant les 140 km de nouvelles voies d’accès français au tunnel transfrontalier de 57,5 km n’ont toujours pas été prises : <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/tunnel-lyon-turin-les-travaux-avancent-mais-les-voies-d-acces-se-font-toujours-attendre-cote-francais-2695886.html">ni programmation, ni financement, ni acquisition foncière</a>. </p>
<p>Les premiers travaux préparatoires du tunnel ont pourtant débuté dès 2002 et sa mise en service est prévue pour 2032. Ce dernier est pris en charge par un consortium d’entreprises franco-italiennes nommé Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), un promoteur public appartenant à 50 % à l’État français et à 50 % aux chemins de fer italiens. D’une longueur totale de 271 km, le coût de cette nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin est désormais estimé à <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/lyon-turin-le-tunnel-qui-valait-26-milliards-6908313">26 milliards d’euros au lieu des 8,6 initialement prévus</a>.</p>
<h2>Projet clivant et avenir incertain</h2>
<p>Pour ses promoteurs, elle est présentée comme une infrastructure de transport utile à la transition écologique. Selon eux, elle permettrait à terme de désengorger les vallées alpines du trafic des poids lourds en favorisant le report modal de la route vers le rail. À l’inverse, ce projet est exposé par ses opposants comme pharaonique, inutile et destructeur de l’environnement. Ils argumentent que la ligne ferroviaire existante entre Lyon et Turin et actuellement sous-utilisée permettrait, une fois rénovée, de réduire le transport de fret par camion. </p>
<p>Ils défendent la nécessité de privilégier l’existant et ne pas attendre des années pour le report modal des marchandises vers le rail. Les défenseurs du nouveau projet jugent quant à eux la ligne existante comme obsolète et inadaptée. En toile de fond de ce débat, les prévisions de trafic autour des flux de marchandises transitant par la Savoie : <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-nouvelle-liaison-lyon-turin-faut-il-effacer-les-alpes">sous-estimés pour les uns, sur-estimés pour les autres</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Saint-Julien-Montdenis, sur l’un des chantiers du tunnel transfrontalier, un responsable de la communication de TELT – Davide Fuschi – explique à des étudiants de l’Université Grenoble Alpes les enjeux du projet pour la Maurienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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</figure>
<p>Le 24 février dernier, le rapport du Comité d’orientation des infrastructures (COI) a rebattu les cartes. Il propose en effet de repousser la construction de nouvelles voies d’accès au tunnel transfrontalier à 2045 et <a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-turin-elisabeth-borne-rebat-les-cartes-sur-les-voies-dacces-au-tunnel">donner la première place à la modernisation de la ligne existante</a>. </p>
<p>Le scénario choisi par la Première ministre prévoit alors le calendrier suivant : études pour de nouveaux accès au tunnel au quinquennat 2028-2032, début de réalisation à partir de 2038, et une livraison au plus tôt vers 2045… soit, en cas de respect du calendrier annoncé par TELT, 13 ans après la mise en service du tunnel. Se profile donc la perspective d’un nouveau tunnel sans nouvelles voies d’accès : un scénario qui ne satisfait ni les défenseurs ni les opposants au projet.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le 12 juin, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/tunnel-lyon-turin-la-france-ajoute-3-milliards-deuros-sur-la-table-1951411">nouveau rebondissement</a>. Le ministre des Transports annonce 3 milliards d’euros de crédits pour les voies d’accès du tunnel transfrontalier dès les projets de loi de finances 2023 et 2024. Le gouvernement valide également le financement de l’avant-projet détaillé qui doit fixer le tracé, soit environ 150 millions d’euros. </p>
<h2>L’affirmation d’une opposition française</h2>
<p>C’est dans ce contexte que va se dérouler la mobilisation des Soulèvements de la Terre, les 17 et 18 juin 2023. Elle a pour objectif de donner un écho national aux revendications portées par les opposants : l’arrêt immédiat du chantier du tunnel transfrontalier et l’abandon du projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. </p>
<p>Outre les collectifs d’habitants, cette opposition coalise désormais des syndicats agricoles (Confédération paysanne) et ferroviaires (Sud Rail), des associations locales (Vivre et agir en Maurienne, Grésivaudan nord environnement) et écologistes (Attac, Extinction Rébellion, Les Amis de la Terre, Alternatiba, Cipra), des organisations politiques (La France Insoumise – LFI, Europe Ecologie Les Verts – EELV, Nouveau parti anticaptialiste – NPA) et le collectif No TAV Savoie. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Barberaz, dans l’agglomération de Chambéry, plus de 200 personnes ont participé le 24 septembre 2022 à une réunion publique organisée par les opposants au projet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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</figure>
<p>Cela n’a pas toujours été le cas : le projet est longtemps apparu consensuel en France, malgré une forte opposition en Italie depuis le début des années 1990 via le <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/16469">mouvement No TAV</a>. </p>
<p>2012 marque une étape importante dans l’opposition française <a href="https://journals.openedition.org/rga/3213">alors disparate et peu médiatisée</a>. Une enquête publique organisée cette année-là dans le cadre de la procédure de DUP permet une résurgence des oppositions, leurs affirmations et leur coalition au sein d’un nouvel agencement organisationnel. Ce dernier gagne rapidement en efficacité, occupe le champ médiatique et se connecte avec d’autres contestations en France en rejoignant le réseau des <a href="https://theconversation.com/les-grands-projets-inutiles-et-imposes-nouveaux-champs-de-laction-politique-96142">Grands projets inutiles et imposés</a> (GP2I), <a href="https://theconversation.com/les-zad-et-leurs-mondes-89992">dans le sillage de Notre-Dame-des-Lande</a>s. </p>
<h2>Basculement des ex-promoteurs du projet</h2>
<p>Cette publicisation nouvelle participe à une reproblématisation et politisation autour de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Des défenseurs du projet basculent alors dans le camp des opposants, provoquant un élargissement de la mobilisation. </p>
<p>EELV, pendant 20 ans favorable au projet, est un exemple saillant de cette évolution. Alors qu’il le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/les-verts-francais-sont-attaches-au-projet-lyon-turin.721204">jugeait incontournable et sans alternative</a>, quand bien même la contestation gagnait en intensité en Italie, la « Convention des écologistes sur les traversées alpines » en 2012 signe son changement de positionnement. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Villarodin-Bourget, où le chantier du chantier du Lyon-Turin a commencé depuis 2002, le maire – Gilles Margueron – dénonce les nuisances d’un projet sans fin. C’est aujourd’hui la seule commune en Maurienne à afficher explicitement son opposition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce nouveau positionnement peut se résumer ainsi : la réduction du transport routier ne dépend pas de la création de nouvelles infrastructures ferroviaires mais de la transition vers un modèle de développement moins générateur de flux de marchandises, la rénovation et l’amélioration des infrastructures ferroviaires existantes étant prioritaires pour gérer les flux restants. </p>
<p>Une position aujourd’hui défendue par les <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon-turin-nouveaux-maires-verts-grenoble-lyon-donnent-ailes-aux-opposants-italiens-ligne-tgv-1849322.html">maires de Grenoble et de Lyon</a>, mais aussi par des <a href="https://reporterre.net/Des-dizaines-d-elus-exigent-l-arret-du-projet-Lyon-Turin">députés européens et nationaux EEV et LFI</a>. Pour autant, la mobilisation française reste jusqu’à aujourd’hui éloignée des répertoires d’action <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/no-tav-la-zad-a-l-italienne-8209930">employés dans la vallée de Suse</a>.</p>
<h2>Effacement de la montagne</h2>
<p>Ce projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin révèle aussi et avant tout <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">une lecture ancienne du territoire européen à travers les enjeux de mobilité</a>. Au même titre que les percements des tunnels ferroviaires, routiers puis autoroutiers depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle à travers les Alpes, il contribue à une forme d’aplanissement de la montagne pour en rendre les passages plus aisés et ainsi permettre des flux massifs et rapides. </p>
<p>Cette norme de circulation des humains et des marchandises est révélatrice d’une vision du monde particulière. L’historienne <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">Anne-Marie Granet-Abisset</a> la résume ainsi : </p>
<blockquote>
<p>« Elle correspond aux modèles édictés par les aménageurs (politiques et techniques) qui travaillent dans les capitales européennes, désirant imposer leur vision aux territoires qu’ils gèrent, en dépit des sommes considérables mobilisées pour ce faire. Toute opposition ne peut être entendue, présentée alors comme de la désinformation ou de la mauvaise foi .»</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Quarante-huit heures avant la mobilisation des Soulèvements de la Terre, une manifestation des promoteurs du projet aura eu lieu devant la gare de Saint-Jean-de-Maurienne pour indiquer aux militants écologistes qu’ils ne sont pas les bienvenus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces enjeux informationnels et communicationnels demeurent omniprésents dans le débat public entre promoteurs et opposants au projet. Ils donnent lieu à de nombreuses passes d’armes, chacun s’accusant mutuellement de désinformation ; sans oublier les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=BV0Zt-Ip-0k">journalistes et leur travail d’enquête</a>.</p>
<h2>Ressource en eau</h2>
<p>Depuis l’été 2022, c’est la question de la ressource en eau et des impacts du chantier du tunnel transfrontalier sur celle-ci <a href="https://reporterre.net/Les-tunnels-du-Lyon-Turin-une-catastrophe-pour-les-sources-d-eau">qui cristallise les tensions</a>. Elle sera d’ailleurs au cœur de la mobilisation des 17 et 18 juin 2023 en Maurienne, permettant ainsi une articulation avec les autres mobilisations impulsées ces derniers mois par les Soulèvements de la Terre. Une controverse sur le tarissement des sources qui existe depuis vingt ans en Maurienne.</p>
<p>Plus largement, le débat sur l’utilité et la pertinence de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin révèle le paradoxe auquel sont soumises les hautes vallées alpines. Dans un contexte d’injonction à la transition écologique, ce paradoxe fait figure d’une contrainte double et opposée <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">comme le résume l’historienne Anne-Marie Granet-Abisset</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Des territoires qui doivent être traversés aisément et rapidement en fonction des critères de l’économie des transports, un lobby puissant à l’échelle européenne ; des territoires qui puissent apparaître comme préservés, inscrits dans une autre conception du temps, celle de la lenteur des cols et des refuges, en même temps qu’ils doivent être facilement accessibles à partir des métropoles .»</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/207501/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est co-coordinateur scientifique du Laboratoire d’excellence Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM).
</span></em></p>Une vaste mobilisation franco-italienne est prévue en Maurienne ce weekend du 17 et 18 juin 2023 contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072352023-06-12T18:41:17Z2023-06-12T18:41:17ZInnover avec l’IA dans le secteur automobile : les entreprises historiques risquent-elles de caler ?<p>Sous le feu des projecteurs avec la nécessaire <a href="https://www.mazars.fr/Accueil/Insights/Publications-et-evenements/Etudes/L-industrie-automobile-accelere-sa-transition">transition verte</a> à opérer, l’<a href="https://theconversation.com/topics/automobile-20801">industrie automobile</a> semble en pleine mue. On attend beaucoup de la <a href="https://www.mckinsey.com/industries/automotive-and-assembly/our-insights/a-long-term-vision-for-the-european-automotive-industry">voiture connectée, de la conduite autonome, du véhicule électrique ou de l’autopartage</a> pour nos mobilités futures.</p>
<p>Pour <a href="https://theconversation.com/topics/innovation-21577">innover</a> et rester compétitif, le secteur pourrait notamment s’appuyer sur le <a href="https://theconversation.com/topics/big-data-23298">big data</a> et les technologies d’<a href="https://theconversation.com/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligence artificielle (IA)</a>. Certains nouveaux entrants tels que <a href="https://theconversation.com/topics/tesla-30804">Tesla</a> semblent l’avoir bien intégré et ont déjà <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/tesla-les-8-technologies-les-plus-innovantes-des-voitures-electriques-d-elon-musk.N1857602">adopté ces technologies avec succès</a>. Quid néanmoins des entreprises historiques du secteur qui doivent composer avec la complexité de leurs systèmes en place ?</p>
<p>Certes, les constructeurs et les fournisseurs ont largement investi dans l’IA ces dernières années comme le montrent le projet <a href="https://www.valeo.com/en/valeo-ai/">Valeo.ai</a> ou les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/proceedings-of-the-design-society-design-conference/article/identification-and-exploitation-of-new-design-paths-by-breakthrough-innovation-experts-in-a-generative-design-partnership/07C66EB7627E62C6854F827959E656EC">partenariats Renault-Google</a> et <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20220714005065/en/SoundHound-Delivers-In-Car-Voice-Experiences-to-the-Most-Popular-Stellantis-Vehicle-Brands-in-Europe">Stellantis-SoundHound</a>. Avec quel objectif néanmoins ? S’agit-il d’approches d’innovation radicale, de remettre en cause l’architecture des véhicules telle qu’on la connaît ou plutôt d’automatiser des tâches et d’améliorer l’existant ?</p>
<p>Comprendre les processus d’innovation autour de la donnée dans le monde automobile reste essentiel pour assurer la pérennité de ce secteur clé pour l’économie française. C’est ce à quoi s’est attelée notre équipe de chercheurs et chercheuses, issus de <a href="https://www.tbs-education.fr/tbs/experience-etudiante/career-starter-pilotez-votre-carriere/">TBS Education</a> et du <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/">Centre de Gestion Scientifique (CGS)</a> de <a href="https://www.tbs-education.fr/tbs/experience-etudiante/career-starter-pilotez-votre-carriere/">l’École des Mines de Paris – PSL</a>, dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0166497223000743?dgcid=author">étude récente</a>. Elle repose sur une analyse de plus de 46 000 brevets chez les 19 plus gros acteurs du domaine ainsi que sur une campagne d’entretiens avec les déposants de 22 brevets en lien avec les technologies IA.</p>
<p>En essayant de lever le voile sur les pratiques d’innovation dans ce secteur, nous montrons que c’est bien l’option « améliorer l’existant » qui semble avoir été retenue. Si elle semble permettre de maîtriser les coûts à court terme et d’apprendre pas à pas, cette approche peut toutefois limiter le potentiel d’innovation de ces entreprises. D’autant que l’articulation des acteurs le long des chaînes de valeur s’en mêle et apporte aussi son lot de freins quand chacun pense que c’est à un autre d’innover.</p>
<h2>Un apprentissage prudent des ingénieurs</h2>
<p>On aurait pu penser que l’intégration de l’IA allait être un prérequis de la conception de nouveaux véhicules. Pourtant, les ingénieurs semblent surtout en faire usage pour résoudre des problèmes qui émergent lors des dernières phases de développement des produits : améliorer le confort des passagers en phase de test des véhicules, résoudre les problèmes de capteurs ou encore, de façon plus surprenante, négocier avec des équipementiers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1663923134141980673"}"></div></p>
<p>Les entreprises du secteur adoptent ainsi une approche progressive et prudente dans l’intégration de ces technologies. Elles sont d’abord appliquées à des systèmes d’aide à la conduite existants (ADAS) puis développées par étapes. Si cette manière de faire a de quoi surprendre, elle a le mérite de permettre aux équipes d’apprendre progressivement et de s’adapter à l’IA, tout en évitant de remettre en cause l’architecture de la voiture. Cela risquerait de se traduire par une hausse importante des coûts de fabrication. Comme l’indique un ingénieur expert des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Adaptive_cruise_control">systèmes de régulateur de conduite adaptatifs</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a environ 3 à 4 ans, nous pensions que, dans les années à venir, nous aurions des véhicules autonomes… Aujourd’hui, ce n’est toujours pas le cas. Pour l’instant, nous travaillons sur le développement de nouvelles fonctions pour lesquelles nous pouvons dire qu’il n’y a pas beaucoup de disruption. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre expert, en ADAS pour systèmes de freinage, poursuit :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas nécessairement un manque d’honneur pour l’IA, mais… l’IA a tendance à résoudre des problèmes déjà existants, pas des problèmes qui n’existent pas. Le véhicule autonome parfait n’est rien de plus qu’un conducteur. ».</p>
</blockquote>
<h2>Des données de qualité insuffisante</h2>
<p>Tout cela présente néanmoins des limites évidentes en termes de potentiel d’innovation. Nos travaux révèlent en particulier des problèmes de richesse des données. Bien que les véhicules en collectent un nombre gigantesque, elles nécessiteraient d’être par exemple labélisées pour être exploitables. Un expert véhicule autonome nous a ainsi expliqué :</p>
<blockquote>
<p>« Mes équipes ont des heures et des heures de tests en continu, mais si vous voulez créer un algorithme pour des mouvements multidirectionnels, vous avez besoin d’une personne qui regarde la caméra lorsque ces mouvements adviennent, c’est-à-dire à chaque virage, pour noter cela dans la base de données, et c’est très chronophage. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre frein réside dans la capacité technique à croiser des données de différentes sources (visuelles, radar, sonores, etc.) pour prendre par exemple, une décision dans une logique algorithmique. Ces technologies restent en cours de développement.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces éléments semblent problématiques alors qu’il s’agit de rester compétitif à la fois sur le marché mondial où opèrent de nouveaux acteurs comme Tesla, mais aussi sur le marché des nouvelles mobilités face aux développements par exemple des taxis volants <a href="https://www.mckinsey.com/featured-insights/the-next-normal/air-taxis">annoncés pour 2030</a>. Il est nécessaire d’innover en proposant des fonctionnalités radicalement nouvelles ou en adressant des besoins nouveaux des consommateurs.</p>
<h2>Des enjeux qui sont aussi organisationnels</h2>
<p>Il s’agit ainsi de développer les expertises des ingénieurs en place autour des sciences de la donnée, et certains ont d’ailleurs largement envie d’en apprendre davantage. Il ne suffit donc pas de développer une nouvelle entité avec des <em>data scientists</em>, mais plutôt d’assurer une montée en compétence progressive des ingénieurs en place. Comme l’indique l’un des interviewés, expert en conduite des véhicules autonomes :</p>
<blockquote>
<p>« On ne développe pas un brevet en se disant “on fait un brevet IA” ».</p>
</blockquote>
<p>S’il faut développer ces compétences liées aux sciences de la donnée, il faudra aussi mieux les reconnaître pour encourager les ingénieurs à compléter leurs expertises préalables. Cela nécessite un travail d’identification de ces « communautés IA », au-delà de ceux spécifiquement recrutés en tant que <em>data scientists</em>, et qui ne s’identifient pas nécessairement eux-mêmes comme contributeurs. Cela s’explique aussi par une définition de l’IA parfois restrictive, par exemple uniquement restreinte à l’utilisation de réseaux de neurones, alors qu’ils existent une <a href="https://www.wipo.int/tech_trends/en/artificial_intelligence/patentscope.html">vaste typologie de technologies possibles</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1666187651802705921"}"></div></p>
<p>Un autre obstacle organisationnel réside dans les relations entre les constructeurs de véhicules et les équipementiers d’origine (OEM). Au long de la chaîne de valeur, des sous-traitants aux assembleurs, les acteurs, pour l’heure, paraissent surtout se renvoyer la responsabilité de l’innovation par l’IA. Chacun semble adopter des stratégies d’innovation similaires. Un interviewé salarié d’un constructeur explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Ce sont plutôt les fournisseurs qui sont responsables du développement de la partie intelligente du capteur. Ce sont eux les consommateurs des méthodes d’IA. »</p>
</blockquote>
<p>Les <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/ENSMP_CGS/hal-03745176v1">cellules d’experts en méthode du management de l’innovation</a> dans les départements de R&D des entreprises (<a href="https://online.hbs.edu/blog/post/what-is-design-thinking">Design Thinking</a>, <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/airbus-and-c-k-theory/">méthodologie C-K</a>, etc.) ont un rôle clé à jouer pour insuffler un nouveau souffle pour l’innovation avec la donnée.</p>
<p>Les entreprises historiques du secteur automobile doivent ainsi trouver un équilibre entre l’exploration de nouvelles possibilités et l’exploitation de leurs compétences existantes. L’approche incrémentale actuelle a le mérite de fournir des résultats rapides et d’habituer progressivement les équipes à ces nouvelles technologies. La manière dont elle est actuellement mise en place entrave cependant l’adoption d’approches plus radicales et l’apparition d’innovations technologiques véritablement originales et qui permettront aux entreprises de rester compétitives sur le marché mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207235/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Plantec a mené des projets de recherche collaborative avec plusieurs entreprises (y compris dans le secteur du monde automobile), et qui sont pour certaines membres et financeurs d'une chaire de recherche associée à son ancienne institution de rattachement (Théorie & Méthodes de la Conception Innovante de l'Ecole des Mines de Paris). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoit Weil mène des recherches partenariales régulières avec l'industrie dans le cadre des travaux de recherche qu'il mène aux Mines de Paris et au sein de la Chaire TMCI (financement public ou partenariat public-privé).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Alix Deval a mené des projets de recherche collaborative avec plusieurs entreprises (y compris dans le secteur du monde automobile), et qui sont pour certaines membres et financeurs d'une chaire de recherche associée à son ancienne institution de rattachement (Théorie & Méthodes de la Conception Innovante de l'Ecole des Mines de Paris). En tant qu'ancienne employée de Renault où elle a réalisé une thèse CIFRE, elle détient des parts de manière très minoritaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sophie Hooge mène des recherches partenariales régulières avec l'industrie dans le cadre des travaux de recherche qu'elle mène aux Mines de Paris et au sein de la Chaire TMCI (financement public ou partenariat public-privé).</span></em></p>Une analyse de 46 000 brevets montre que les grands constructeurs cherchent davantage à intégrer les technologies à l’existant qu’à innover radicalement.Quentin Plantec, Professeur Stratégie & Management de l'Innovation, TBS EducationBenoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSLMarie-Alix Deval, Enseignante-chercheuse, Mines Paris - PSLSophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044972023-06-11T16:17:24Z2023-06-11T16:17:24ZMobilité : les papy-boomers dans une impasse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530103/original/file-20230605-27-ef72ll.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C6526%2C4288&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La génération des 'baby-boomers' s'est habituée à la voiture comme mode de déplacement privilégié au risque d'en devenir complètement dépendant, au détriment de transports collectifs, dont l'usage, avec le tout numérique, est devenu parfois trop complexe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-voiture-vehicule-senior-6647024/">rdne stock project/pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les mêmes raisons démographiques qui ont fait de la France un pays jeune au sortir de la guerre en font mécaniquement un pays vieux jusqu’en 2045. Un Français sur quatre a aujourd’hui plus de 60 ans ; <a href="https://www.mobiliteinclusive.com/wp-content/uploads/2020/07/Article-RF-familles-face-au-grand-%C3%A2ge-Dreyfuss-003.pdf">ils seront un tiers en 2060</a>. L’année 2014 a été marquée par un tournant symbolique où les personnes de plus de 60 ans, en France métropolitaine, sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/3353488/TEF2018.pdf">devenues plus nombreuses</a> que les moins de 20 ans. Sans nier la persistance de situations de pauvreté, ces désormais « papy-boomers » qu’on qualifie parfois aussi « d’enfants gâtés des trente glorieuses », ont bénéficié d’une mobilité sociale ascendante dans l’ensemble. Mais qu’en est-il de leur mobilité quotidienne ?</p>
<h2>Une méconnaissance des alternatives à la voiture</h2>
<p>Les premiers résultats d’une <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/mobilite-personnes-agees-territoire-metropole-lille-cerema">enquête longitudinale</a> sur la métropole lilloise soulèvent un certain nombre d’inquiétudes sur l’avenir des déplacements des personnes âgées. Notre enquête pointe une méconnaissance des alternatives à la voiture dont la maîtrise pourrait pourtant s’avérer utile dans un avenir proche. Comment mieux accompagner les seniors dans l’anticipation de leurs mobilités quotidiennes sans voiture ?</p>
<p>On distingue en sociologie les notions de strate d’âge et de groupe d’âge de celle de génération. La première permet de différencier la succession des étapes physiologiques qui constituent un parcours de vie ; la seconde désigne l’ensemble des personnes appartenant à une même tranche d’âge à un instant T. Quant à la <a href="https://www.puf.com/content/Vieillir_apr%C3%A8s_la_retraite">notion de génération</a>, elle <a href="https://journals.openedition.org/lectures/612">« met davantage l’accent sur le partage d’une même vision du monde du fait d’une socialisation commune »</a> au sein d’une cohorte. </p>
<p>Pour les personnes qui font partie de la génération du baby-boom, la liberté individuelle est placée haut dans la <a href="https://theconversation.com/lautomobile-est-toujours-la-et-encore-pour-longtemps-169211">hiérarchie des valeurs</a>. Ainsi, l’automobile, conduite par toutes et tous, largement démocratisée après-guerre, a-t-elle tenu lieu d’emblème pour cette génération.</p>
<p>Les enquêtés le formulent en ces termes :</p>
<blockquote>
<p>« À l’époque [dans les années 60] c’était LA voiture. Ça donnait l’espace de liberté, ça nous permettait aussi d’élargir notre champ d’action… ce que font les jeunes aujourd’hui avec les avions. Moi, je faisais des rallyes. J’ai pratiquement fait 1 million de kilomètres en voiture, à raison de 50 000 km par an. J’ai eu pas mal de véhicules. » (M. A., 78 ans, Lille)</p>
<p>« Les années 60 étaient des années exceptionnelles, c’était quand même autre chose par rapport à la liberté, l’insouciance. Je plains les jeunes d’aujourd’hui. Déjà mes filles c’était déjà plus pareil. La voiture, c’est vraiment : faire ce que je veux, quand je veux, aller où j’ai envie, pas de contrainte. » (Mme B, 75 ans, Lille)</p>
<p>« Notre génération c’était en plein… la découverte de la voiture. Nos parents n’ont pas connu cette explosion. On est en plein dedans. L’utilisation de l’automobile nous a permis d’être très indépendants, très libres par rapport aux générations antérieures. » (Mme E., 75 ans, Roncq)</p>
</blockquote>
<h2>Le piège de l’indépendance à tout prix</h2>
<p>L’ascension sociale des « papy boomers » a permis à plusieurs d’entre eux d’accéder à la propriété et d’assouvir leurs rêves pavillonnaires, parfois isolés dans des territoires périurbains exclusivement accessibles en voiture. Mais, à trop espérer continuer à conduire, les baby-boomers se fourvoient-ils dans une impasse qu’ils contribuent eux-mêmes à refermer ?</p>
<p>Sur la métropole lilloise, <a href="https://data.progedo.fr/studies/doi/10.13144/lil-1152">nos données</a> montrent qu’entre 2006 et 2016, la baisse de la mobilité à pied, avec transfert vers la voiture, est nette chez les seniors, y compris pour des déplacements courts.</p>
<p>En 2016, les métropolitains âgés de 55 ans et plus (près de 300 000 personnes) réalisent chaque jour 120 000 déplacements en voiture de plus qu’en 2006 (+ 30 % d’augmentation). Cela s’expliquerait par le poids démographique plus important des « 55 ans et plus » (+ 9 %), leur mobilité en augmentation (+ 6 %) et leur utilisation plus forte de la voiture (dont la part modale gagne 11 %). Ils réalisent plus de 6 déplacements sur 10 en voiture (62 %), c’est au-delà de la <a href="https://participation.lillemetropole.fr/processes/concertationplandemobilite">moyenne des métropolitains (57 %)</a>. La perspective d’une politique publique de mobilité durable ciblant explicitement les seniors justifie notre enquête.</p>
<h2>Les personnes âgées captives de la voiture</h2>
<p>L’image d’Épinal de personnes âgées « captives » de la marche et des transports en commun est surannée sinon trompeuse. Les nouvelles personnes âgées sont plutôt devenues « captives » de leurs déplacements en voiture.</p>
<p>Certaines personnes sont évidemment adeptes – plus ou moins souvent – de la marche et des transports en commun. Notamment, des femmes n’ayant pas le permis ou ayant définitivement laissé le volant à leur conjoint. Mais nous constatons que plusieurs personnes refusent d’envisager des alternatives à la voiture aussi longtemps que leurs capacités de conduire le leur permettent.</p>
<p>Pour beaucoup, les transports en commun sont en effet synonyme d’âgisme : sentir le regard des autres sur son rythme de marche plus lent, à la moindre hésitation face à un automate ou en cas d’incapacité à rester debout longtemps. Elle se double d’un sentiment général d’insécurité largement suscité par le manque de propreté du métro et le risque de bousculades.</p>
<h2>Réapprendre à se déplacer sans voiture</h2>
<p>Nous faisons ainsi face à une impréparation des seniors à se tourner vers les transports en commun quand ils ne les prennent plus depuis longtemps. Cela supposerait d’en réapprendre les rudiments de fonctionnement. Or, les compétences requises pour prendre les transports en commun ont fortement évolué.</p>
<p>Certains de nos enquêtés regrettent qu’il faille désormais disposer d’un smartphone et de l’application en ligne pour consulter le plan du réseau, être informé d’un retard ou d’une déviation de ligne ; ils regrettent le temps des tickets en cartons qu’il suffisait de compter contrairement à la carte magnétique qui ne « dit » pas facilement combien de titres elle contient encore ni leur date de validité.</p>
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<img alt="Jour de grève RER A" src="https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Retards sur les lignes, grèves, usage de billets électronique, sentiment d’insécurité, foule : de nombreux facteurs découragent les plus âgés à prendre les transports en commun.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/4193632442">Jean-Pierre Dalbéra/WIkimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ils expliquent ne pas bien faire la différence entre « abonnement » et « carte individuelle » et leurs propos trahissent leur perplexité face aux <a href="https://www.ilevia.fr/fr/18-les-offres-65-ans-et-">10 tarifs d’abonnement différents proposés rien qu’aux 65 ans et + par Ilévia</a> (le délégataire du service public de transport sur la métropole lilloise).</p>
<h2>Des ateliers dédiés</h2>
<p>Des ateliers de réapprentissage des transports en commun à destination de seniors faisant un usage exclusif de leur voiture voient le jour pour faire face à ce nouveau phénomène. Ils demeurent cependant peu nombreux. L’association <a href="https://compagnons.com/">Les Compagnons du voyage</a>, à Paris, ou <a href="https://www.ate-ge.ch/">ATE</a>, à Genève, offrent par exemple ce genre de services. À Lille, un organisme comme <a href="https://www.admr.org/aide-et-accompagnement-domicile">l’association ADMR</a> pourrait se montrer compétent également.</p>
<p>La pratique de la marche est très liée à la préférence pour les transports en commun (qui y invite) ou pour la voiture (qui la décourage). Chez les seniors, nous constatons que la marche reste valorisée, à défaut d’être pratiquée. Pour les personnes valides, elle s’envisage y compris sur des distances relativement longues (de l’ordre du kilomètre) pour garder la santé.</p>
<p>Il y aurait matière à innover en créant de vastes réseaux de trottoirs larges et aménagés de bancs qui relieraient villes, bourgs et villages, jusque dans les territoires périurbains. L’impréparation des seniors à remplacer leur mobilité automobile par la marche est surtout remarquable en ce qui concerne le transport de charges lourdes. Malheureusement, à moins qu’elles en aient fait l’acquisition tôt, plus les personnes vieillissent, plus elles renâclent à se doter de chariots à roulettes qu’elles jugent souvent stigmatisants.</p>
<h2>Valoriser l’autopartage et le covoiturage</h2>
<p>L’impréparation aux alternatives à la voiture solo concerne aussi l’autopartage. Déjà largement possesseurs de véhicules, les seniors interrogés ne voient pas quel pourrait être leur intérêt de s’impliquer dans un système d’autopartage.</p>
<p>C’est pourtant une excellente façon de réduire progressivement son usage de la voiture. L’autopartage convient en effet aux personnes qui parcourent peu de kilomètres, qui ont peu d’occasions d’utiliser la voiture, pour qui l’amortissement et l’assurance d’un véhicule deviennent démesurés ; des personnes qui accordent de l’importance à rouler avec des véhicules bien entretenus et pour qui la garantie du stationnement gratuit (en station) est un plus. Si les seniors répondent tout à fait à ce profil d’usager, ils en méconnaissent souvent l’existence et admettent accorder de l’importance à la propriété de leur véhicule.</p>
<p>Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 a mis un coup d’arrêt aux mobilités collaboratives en général, au covoiturage en particulier. Le covoiturage suscite une opinion positive chez les baby-boomers à qui elle rappelle le stop, dont certains parlent avec nostalgie, favorables à l’idée d’un service qui vient en aide à des personnes non motorisées et plus jeunes.</p>
<p>Aux États-Unis, L’<a href="https://www.itnamerica.org/about">Independent Transportation Network</a>) (ITN) est un réseau fédéral de conducteurs volontaires pour les personnes âgées et malvoyantes basé sur un système de crédits cumulables et s’appuyant sur la solidarité intergénérationnelle entre 3<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup> âge. Il contribue à l’anticipation par les seniors d’un avenir moins autonome, le conducteur d’hier se préparant sans difficulté à devenir le passager de demain. En France, il conviendrait sans doute d’imaginer aussi des systèmes de covoiturage d’entraide entre jeunes seniors (encore actifs) et personnes du quatrième âge (plus dépendantes) éventuellement selon les principes des <a href="https://www.jstor.org/stable/40989995">systèmes d’échanges locaux</a>).</p>
<h2>Tenir compte du handicap</h2>
<p>L’impréparation la plus flagrante, enfin, concerne la mobilité en situation de handicap. En France, on utilise encore volontiers la voiture quand, à l’étranger, on adopte des véhicules adaptés à situation de handicap équivalente. En Grande-Bretagne et de façon générale <a href="https://www.neurotech.org.nz/resources/publications/85/Sullivan_The_New_Zealand_Medical_Journal_2014.pdf">dans le monde anglo-saxon,</a> les chercheurs constatent l’essor des fauteuils roulants électrique (ou scooters) pour personnes âgées, appropriés pour des déplacements de quelques centaines de mètres quand on ne peut plus marcher.</p>
<blockquote>
<p>« Mon épouse a du mal à marcher. Même pour aller à 300 mètres, elle est trop essoufflée. Elle a fait un AVC il y a 15 ans et elle n’a plus beaucoup de résistance. Mais elle a toujours sa voiture. On a deux voitures ! Elle conduit au moins toutes les semaines, elle va faire une séance de kiné.
A-t-elle envisagé un fauteuil ? Non, elle se déplace avec sa canne… Et puis sinon, c’est moi qui suis chauffeur. » (M. M., 83 ans, Bondues).</p>
<p>« En France, il y a un remboursement de base pour le fauteuil électrique mais très vite, la Sécurité sociale considère que votre besoin relève du luxe. » (M. Ü, 69 ans, Marcq-en-Baroeul)</p>
</blockquote>
<p>Nos interlocuteurs méconnaissent ou renâclent à se déplacer en fauteuil ou tricycles (motorisés ou non) alors que ces véhicules pourraient pourtant répondre à certaines de leurs attentes. Étant donné <a href="https://www.google.com/search?client=firefox-b-e&q=scooter+for+elderly">leur prix</a>, sans doute qu’une meilleure prise en charge par la Sécurité sociale pourrait changer la donne.</p>
<h2>Anticiper devient une urgence</h2>
<p>Quant aux pratiques des deux-roues motorisés, du vélo et des trottinettes en ville, elles sont très largement impopulaires, jugées dangereuses tant pour soi que pour autrui et catégoriquement exclues. Militants mis à part, ces modes de déplacement sortent des champs du possible et ne constituent aucunement une alternative à l’usage de la voiture aux yeux des seniors.</p>
<p>Les processus de démotorisation liés à l’avancée en âge continuent – heureusement pour la sécurité routière – de se produire. Enfants et médecins sont autant de prescripteurs précieux pour convaincre et accompagner les personnes concernées. Mais l’arrivée des représentants de la génération du baby-boom dans les strates d’âges les plus élevées augure de difficultés supplémentaires. Si l’anticipation n’est pas suffisante, les ruptures de mobilité seront brutales et potentiellement douloureuses pour les personnes concernées.</p>
<hr>
<p><em>Pour le compte de la Métropole européenne de Lille, nous réalisons actuellement une enquête longitudinale sur la mobilité des seniors et ses évolutions sur la période 2020-2024. Cette enquête comporte un volet par quota (échantillon annuel de 1000 seniors de 65 ans et plus) ; un volet autoadministré auprès d’un panel de 243 personnes ; et un volet qualitatif par entretiens compréhensifs semi-directifs annuellement répétés auprès d’un panel diversifié de 27 ménages de plus de 65 ans.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Meissonnier n'a reçu aucun financement à titre personnel. La recherche à laquelle il contribue a tiré parti des données d'une étude co-financée par le CEREMA et la Métropole Européenne de Lille.</span></em></p>Les premiers résultats d’une enquête sur la métropole lilloise soulèvent un certain nombre d’inquiétudes sur l’avenir des déplacements des personnes âgées, trop dépendantes à la voiture.Joël Meissonnier, Chargé de recherche en sociologie des transports et des pratiques de mobilité, CeremaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056622023-05-31T16:20:51Z2023-05-31T16:20:51ZAvez-vous changé votre manière de vous déplacer depuis la pandémie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526507/original/file-20230516-21-m0hs5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=331%2C42%2C3751%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Y'a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » concernant les mobilités ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bqUX5QhlQUM">Overade Company / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Début mai 2023, le gouvernement a présenté son nouveau <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/20/le-plan-velo-sera-dote-de-250-millions-d-euros-en-2023-annonce-matignon_6142361_3234.html">plan vélo</a> et mobilités actives pour 2023-2027. Celui-ci acte un doublement des investissements de l’État en faveur du développement de la pratique du vélo, qui complète les investissements déjà très conséquents engagés récemment par les collectivités locales.</p>
<p>Ces financements s’inscrivent en continuité d’une intégration graduelle du cyclisme dans les politiques de mobilité depuis une dizaine d’années. Ceux-ci visent également à répondre à l’augmentation de la pratique du vélo accélérée par la crise du Covid-19. Mais, au-delà de cet engouement pour la petite reine, comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la pandémie ?</p>
<p>Si la modification des mobilités pendant la crise est <a href="https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/13661/confinement">attestée</a> (diminution des déplacements en transports collectifs et en voiture, augmentation des <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">déplacements à pied et à vélo</a>, valorisation de la proximité spatiale), il apparaît plus difficile de caractériser une inflexion des pratiques après la pandémie.</p>
<p>Peu d’enquêtes sont disponibles pour documenter ces évolutions. L’Île-de-France fait office de précieuse exception : <a href="https://omnil.fr/spip.php?article262">8 enquêtes</a> y ont été menées entre 2020 et 2022 par l’Observatoire des Mobilités. Celles-ci soulignent une amplification des tendances existantes et infirment l’hypothèse d’« un monde d’après » radicalement différent. Cinq informations principales ressortent de ces études.</p>
<p>La première souligne une réduction du nombre de déplacements par jour, avec une baisse de 10 % (de 43 millions avant la crise sanitaire à 39 millions de déplacements en juin 2022). La seconde indique une augmentation du <a href="https://theconversation.com/teletravail-trois-ans-apres-le-premier-confinement-quelles-tendances-perdurent-203196">télétravail</a> avec une part des actifs télétravaillant au moins un jour par semaine en hausse (34 % en juin 2022 contre 29 % en juin 2021). La troisième information mesure une diminution de la fréquentation des <a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">transports collectifs</a> (-21 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018) et de l’usage de la voiture (-22 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018). La quatrième confirme la croissance de la marche comme premier mode de déplacement (17 millions de déplacements par jour) et de l’usage du vélo, même si sa part dans le total de déplacements reste faible (1,2 million de déplacements par jour). Enfin, la cinquième atteste du renforcement des logiques de proximité, déjà majoritaires dans la période pré-crise (49 % des déplacements dans la commune de résidence et 12 % dans une commune limitrophe en 2018), mais s’accentuant (62 % des déplacements dans la commune de résidence en juin 2022 et 13 % dans une commune limitrophe).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/To5oXucDWL8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces enquêtes apportent des informations sur les déplacements mais également leur sociologie et leur géographie. Elles montrent par exemple que le développement du télétravail est réel, mais concerne principalement les cadres et les professions intermédiaires. Enfin, si ces enquêtes ne traitent pas de la mobilité des marchandises (4,3 millions de mouvements logistiques en Île-de-France en 2018), le chiffre d’affaires du commerce en ligne en France a connu une hausse importante (<a href="https://www.fevad.com/bilan-du-e-commerce-en-2020-les-ventes-sur-internet-atteignent-112-milliards-deuros-grace-a-la-digitalisation-acceleree-du-commerce-de-detail/">+37 % en 2020</a>). L’impact de cette croissance sur la réorganisation des circuits logistiques (livraison à domicile, drives, dark stores…) est <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/1er-octobre-e-commerce-metropole-grand-paris">considérable</a>. Elle implique des enjeux nouveaux de régulation.</p>
<h2>Une inflexion des politiques de mobilité ?</h2>
<p>Cette amplification des tendances préexistantes à la pandémie s’est-elle accompagnée d’une évolution des politiques de mobilité ? Ces politiques sont marquées depuis les années 2000 par des <a href="https://shs.hal.science/tel-01261303">objectifs de réduction des impacts environnementaux</a> associés à une boîte à outils standard (développement du transport collectif, réduction de la place de l’automobile, soutien aux modes actifs que sont la marche et le vélo, densification urbaine).</p>
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<p>À la fin du premier confinement, les collectivités locales ont eu recours à un urbanisme « tactique » pour aménager des espaces dédiés au vélo et aux piétons pour organiser la distanciation spatiale, fluidifier la circulation et décongestionner les transports publics. En Île-de-France, <a href="https://observatoire-coronapistes.velo-iledefrance.fr/">158 km de pistes temporaires</a> ont ainsi été aménagés durant la crise sanitaire, dont un tiers à Paris. Ces aménagements ont pris des formes différentes : pistes, espaces pacifiés, voies sur chaussée ou sur trottoir, etc. La pandémie a eu également un effet immédiat sur l’aménagement des espaces publics piétons de façon à organiser la distanciation sociale (extension des zones à priorité piétonne, réservation de rues aux modes actifs, création d’espaces d’attente et traversées piétonnes).</p>
<p>Une partie de ces aménagements temporaires a été ou est en cours de pérennisation, en lien avec des incitations de l’État, des appuis financiers de la Région et des revendications d’associations. La crise liée au Covid-19 a eu ainsi des effets sur l’intensification des politiques vélo, à l’échelle régionale (avec la consolidation du <a href="https://rerv.fr/">projet de RER vélo</a> engagé en 2020), métropolitaine (<a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/plan-velo-metropolitain">Plan vélo métropolitain</a> soutenu par la métropole du Grand Paris) et locale, de manière différenciée – comme le souligne la <a href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">carte ci-dessous</a>.</p>
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<img alt="Les aménagements cyclables d’Île-de-France" src="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les aménagements cyclables d’Île-de-France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">Collectif Vélo Ile-de-France, Métropole du Grand Paris, OSM France</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour des communes déjà engagées en faveur du vélo, comme à <a href="https://www.paris.fr/pages/un-nouveau-plan-velo-pour-une-ville-100-cyclable-19554">Paris</a>, à <a href="https://www.montreuil.fr/vie-citoyenne/la-municipalite/espace-presse/detail/barometre-de-la-pratique-du-velo-la-politique-ambitieuse-de-montreuil-en-matiere-de-pistes-cyclables-et-de-stationnement-velo-placent-montreuil-dans-lesvilles-cyclables-en-plus-forte-progression-ces-deux-dernieres-annees">Montreuil</a> ou <a href="https://www.sevres.fr/dossiers/le-velo-a-sevres/">Sèvres</a>, la crise a conforté leurs actions. Pour d’autres, elle a accéléré la concrétisation d’une politique vélo en émergence (comme au Kremlin-Bicêtre autour du projet de <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-rd-7-requalifiee-en-boulevard-urbain.1120704">requalification de la RD 7</a>).</p>
<p>Pour d’autres, la pandémie n’a rien changé. Certaines communes, telles qu’Argenteuil ou Puteaux, ont en effet <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2020/06/03/ces-villes-qui-suppriment-des-pistes-cyclables-temporaires/">supprimé des aménagements cyclables temporaires</a>, pour ne pas contraindre la fluidité automobile. Ces exemples illustrent alors le caractère controversé de ces aménagements cyclables, comme l’illustrent les conflits médiatisés autour des voies cyclables de l’avenue de Saint-Ouen ou de l’avenue Michelet à <a href="https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/vegetalisation-mobilites-douces-stationnements-a-saint-ouen-le-reamenagement-de-lavenue-michelet-prend-forme-07-07-2022-F6JAGPXFGJGULCOEABEJBAS3W4.php">Saint-Ouen</a> – ou des aménagements temporaires à Drancy ou <a href="https://actu.fr/ile-de-france/noisy-le-grand_93051/seine-saint-denis-petition-et-manifestation-contre-les-nouvelles-pistes-cyclables-de-noisy-le-grand_35442191.html">Noisy-le-Grand</a>.</p>
<p>Au-delà de la question des modes « actifs », la crise liée au Covid-19 a également interpellé les politiques de mobilité sur d’autres points. Elle a révélé la fragilité du système de transport collectif en Île-de-France. En effet, le niveau de service peine à revenir à ces niveaux antérieurs, du fait du cumul de différents problèmes (recrutement de chauffeurs et conducteurs, retard dans des chantiers, <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/financement-de-lexploitation-des-transports-collectifs-en-ile-de-france/">difficultés de financements de l’exploitation</a>). Les effets du télétravail sur la fréquentation du transport collectif (<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/des-heures-de-pointe-aux-jours-de-pointe-effets-de-la-pandemie-sur-le-mass-transit-en-ile-de-france/">avec l’apparition de jours de pointe</a>) soulèvent également de nouvelles questions pour l’autorité organisatrice (Île-de-France Mobilités) et les exploitants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">Développer le réseau de transports en commun bénéficie-t-il vraiment aux plus pauvres ?</a>
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<p>La crise sanitaire, combinée au surcoût de l’énergie en raison de la reprise de l’activité post-pandémie puis de la guerre en Ukraine, a creusé le déficit des transports franciliens que l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités peine à combler sans appui de l’État. Au plus fort de la pandémie, la perte de recettes d’Île-de-France Mobilités était estimée à <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220216-rapport-RPA-2022.pdf">1,4 milliard en 2020</a>. Cela pose la question controversée d’une augmentation de la contribution des usagers au financement des transports.</p>
<h2>Tout bouge, rien ne change ?</h2>
<p>Si l’hypothèse d’une évolution radicale des mobilités a pu être avancée au plus fort de la crise, les tendances en cours indiquent plutôt une inflexion relative des pratiques. On constate une baisse mesurée des déplacements, un renforcement des logiques de proximité, une croissance de la marche et du vélo, une fragilisation des transports collectifs et une inflexion de la mobilité automobile.</p>
<p>Cette évolution participe d’une modification des politiques publiques en particulier en faveur du vélo. Il sera intéressant d’en suivre la pérennité. Le monde « d’après » semble néanmoins ressembler beaucoup au monde « d’avant », car si cette pandémie a modifié pour un temps les conditions de mobilité, les modes de vie restent peu bousculés en sortie de crise. À l’exception de quelques ménages plus libres de leurs mouvements, la majorité reste dépendante de conditions de mobilité <a href="https://shs.hal.science/halshs-01230217">contraintes à l’échelle francilienne</a>. Les <a href="https://www.omnil.fr/IMG/pdf/20220802_resultats_Covid_juin_2022_p8_vf.pdf">inégalités sociales et spatiales persistent</a>, posant la question d’une évolution des politiques de mobilité pour mieux prendre en compte ces enjeux.</p>
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<p><em>Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du programme <a href="https://geographie-cites.cnrs.fr/mama/">Du Monde d’avant au monde d’après</a> (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</span></em></p>Comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la crise de Covid-19 ? Y a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » ? Étude du cas francilien.Jean Debrie, Professeur des Universités, Urbanisme et Aménagement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneJuliette Maulat, Maître de conférence en urbanisme et en aménagement , Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.