tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/communication-21313/articlescommunication – The Conversation2024-03-21T15:42:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2252292024-03-21T15:42:32Z2024-03-21T15:42:32ZApprendre la langue des signes grâce à l'IA générative et aux avatars en 3D<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583405/original/file-20240321-18-isscmy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C577%2C2216%2C1642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grâce à de l'intelligence artificielle, des « avatars signant » peuvent communiquer en langue des signes et produire des ressources numériques pour les personnes sourdes.</span> <span class="attribution"><span class="source">3DPro et Motion-Up</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Face aux problèmes d’accessibilité qui touchent un nombre croissant de personnes sourdes, les chercheurs s’intéressent aux nouvelles technologies pour l’apprentissage des langues des signes. Dans le domaine du numérique, les recherches se focalisent aujourd’hui sur le développement d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligences artificielles (IA)</a> permettant de traduire automatiquement une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/langue-21327">langue</a> vocale écrite ou parlée en langue des signes et vice-versa, en utilisant des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/3d-31451">avatars signant en 3D</a>.</p>
<p>Les applications visées concernent notamment la traduction automatique qui permet de produire du contenu en langue des signes à partir de texte (SMS, contenu web…) ou de parole, de sous-titrer textuellement des vidéos en langue des signes, ou encore de concevoir des applications pédagogiques et des <em>videobooks</em> destinés aux enfants sourds. Faciliter la communication des personnes sourdes et leur accès à l’information et ainsi favoriser leur inclusion dans la société est l’objectif premier de ces travaux.</p>
<h2>Des contraintes propres aux langues des signes</h2>
<p>Les langues des signes sont des langues à part entière qui constituent des piliers de l’identité et des cultures sourdes. Il existe autant de langues des signes que de communautés de personnes sourdes, avec leurs déclinaisons nationales, leurs spécificités et leurs variantes régionales. Elles sont pratiquées non seulement par les personnes sourdes, mais également par toutes les personnes faisant partie de leur environnement familial, éducatif et professionnel. La langue des signes française (LSF) est la langue gestuelle pratiquée par les personnes sourdes de France. Longtemps interdite, elle n’a été reconnue qu’en 2005, ce qui peut expliquer le fait qu’elle soit peu dotée en matière de ressources telles que des ouvrages de référence lexicographiques, grammaticaux, voire encyclopédiques, ou encore des données numériques annotées.</p>
<p>Les rares bases de données de langues des signes existantes sont généralement constituées de vidéos, éventuellement accompagnées de traductions en langue vocale écrite. C’est vrai en particulier pour la LSF qui dispose essentiellement de dictionnaires lexicaux accessibles sur le Web. De plus, il n’existe pas de consensus dans la communauté internationale travaillant sur les langues des signes pour en définir une forme écrite. Il est donc difficile de procéder, comme pour les langues vocales, à l’alignement entre une vidéo en langue des signes et le texte correspondant. Le développement d’outils numériques dédiés aux langues des signes soulève par conséquent des enjeux linguistiques et technologiques importants.</p>
<h2>Des spécificités linguistiques</h2>
<p>Avec des grammaires qui leur sont propres, les langues des signes viennent bouleverser les théories associées aux langues vocales ou écrites. Portées par les modalités visuelle et gestuelle, elles sont caractérisées par la mise en parallèle et la simultanéité des mouvements et des configurations des mains, mais aussi des mouvements non manuels incluant l’orientation du buste, les expressions faciales et la direction du regard.</p>
<p>De plus elles s’appuient sur des dynamiques iconiques et spatiales. Ainsi, le locuteur sourd déploie son discours dans l’espace qui l’avoisine : il positionne par ses gestes les entités de son discours, animées ou non, à des emplacements spécifiques de l’espace qui permettent de référencer et de rappeler ces entités.</p>
<p>L’iconicité, qui s’exprime par une relation de ressemblance entre le geste et ce qu’il signifie, se manifeste de différentes façons. Certaines configurations manuelles, porteuses de sens, peuvent représenter des signes lexicaux (un avion, une personne), ou être insérées dans un énoncé. Par exemple, la phrase « l’avion décolle » est représentée en LSF par un seul signe réalisé à deux mains : l’une des mains (forme plate) représente la piste statique, l’autre main, dynamique, représente l’avion dont le mouvement suit sa trajectoire relativement à la piste.</p>
<p>Ces caractéristiques iconiques et spatiales, omniprésentes dans les langues des signes, supposent des mécanismes grammaticaux qui exploitent la géométrie dans l’espace ainsi que la temporalité des mouvements. Cela constitue un défi technique à relever pour la synthèse des mouvements.</p>
<h2>Créer des avatars signant animés avec la <em>motion capture</em></h2>
<p>D’un point de vue numérique, la vidéo, qui reste le média privilégié des sourds, ne permet pas de garantir l’anonymat et impose de fortes contraintes au niveau du stockage et du transport des données. Une réponse adaptée pour la production de langue des signes se trouve dans les <a href="https://hal.science/hal-03005762">avatars signant</a>, des personnages virtuels animés en 3D capables de signer des énoncés. Grâce à des interfaces 3D interactives intégrant ces avatars, il devient alors possible d’éditer les animations, de les ralentir, de les rejouer, de changer de point de vue ou de zoomer sur des parties spécifiques du corps de l’avatar, voire de modifier son apparence graphique. Concevoir de tels avatars signant nécessite d’enregistrer au préalable les mouvements d’une personne sourde par des techniques de capture de mouvement (<em>motion capture</em> ou <em>mocap</em>) et d’adapter ces données à un modèle de personnage 3D.</p>
<p>Au cours de la dernière décennie, la traduction d’un texte en une animation signée a été réalisée grâce à des algorithmes s’appuyant sur des données de <em>mocap</em>. Ces algorithmes permettent de synthétiser de nouveaux énoncés par concaténation de mouvements existants. Si ces approches sont satisfaisantes en termes de précision et de qualité de la langue des signes produite, elles nécessitent des traitements des données de <em>mocap</em> très longs, fastidieux et complexes à automatiser. De plus, la création de nouveaux énoncés reste contrainte par le vocabulaire et les structures grammaticales des énoncés initialement enregistrés. Avec ce type de technologie, il semble difficile de construire de grands corpus de données avec des phrases contenant des variations sémantiques dans des domaines thématiques diversifiés.</p>
<h2>Générer du contenu en langue des signes avec des IA génératives</h2>
<p>Les avancées récentes des IA génératives dans le domaine de la génération de textes, d’images ou de vidéos ouvrent des perspectives évidentes en matière de traduction entre langue vocale (parlée ou écrite) et langue des signes. Les travaux de recherche actuels visent à intégrer ces avancées en développant des architectures de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_de_neurones_artificiels">réseaux de neurones profonds</a> adaptées au traitement automatique des langues. Grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, ces derniers apprennent, en exploitant de grandes bases de données, à identifier et reconnaître les tendances et les corrélations cachées dans les données afin de produire de grands modèles de langue de plus en plus efficaces et polyvalents.</p>
<p>Dans le cadre des langues des signes, les réseaux de neurones apprennent en parallèle et en contexte les caractéristiques linguistiques (par exemple une configuration manuelle) et cinématiques (par exemple une séquence de postures de squelette 2D ou 3D) extraites respectivement des phrases et des mouvements.</p>
<h2>L’IA au service de l’insertion des personnes sourdes</h2>
<p>Si les performances de ces systèmes, notamment en termes de précision des animations produites, peuvent être améliorées dans un futur proche, ils permettent d’ores et déjà d’augmenter considérablement les ressources disponibles, notamment en remplaçant les vidéos par des animations d’avatars 3D de haute résolution. De plus, des méthodes qualifiées de bout en bout (<em>end to end</em>) permettront de concevoir un réseau neuronal global pour des tâches complexes de traduction d’une langue vers une autre.</p>
<p>À court terme, il devient possible d’inclure ce type d’outil numérique de traduction automatique dans des applications pédagogiques exploitant les logiques respectives des grammaires en langues vocale et signée, favorisant ainsi l’apprentissage coordonné des deux langues. Ces ressources langagières et ces outils numériques sont indispensables pour assurer l’accès des personnes sourdes aux parcours éducatifs, passages obligés pour l’acquisition des connaissances et des compétences nécessaires à une insertion réussie dans la société.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-anr-22-ce38-0016">SignToKids</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225229/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Gibet a reçu des financements du CNRS, de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) ainsi que de programmes d'investissements d'avenir (PIA).
</span></em></p>Comment pallier le manque de ressources en langues des signes disponibles en lignes ? Des avatars 3D, aidés d’intelligence artificielle, permettent de générer des énoncés signés automatiquement.Sylvie Gibet, Professeure des universités en informatique, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2254782024-03-20T16:01:31Z2024-03-20T16:01:31ZAvec les smartphones, la conversation en péril ?<p><em>La conversation relève souvent de la gratuité, de la flânerie, de la rencontre, elle est une parole partagée. Mais que devient-elle à l’ère du smartphone omniprésent ? Jour et nuit, nous communiquons : via WhatsApp, Messenger, Instagram, Slack, TikTok, par mail ou par texto, via des messages vocaux… Et pourtant, nous rappelle David Le Breton, communiquer n’est pas converser. À la fois vigilants, disponibles et déconnectés de nos sensations physiques, nous avons peu à peu désappris l’ennui, la lenteur, les silences et l’attention à l’autre… Cet article fait partie de notre série « Nos vies mode d’emploi ».</em></p>
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<p>Le smartphone a introduit au sein du lien social dans le monde entier un avant et un après de son usage. En une quinzaine d’années, la <a href="https://fr.statista.com/statistiques/565012/ventes-mondiales-de-smartphones-aux-utilisateurs-finaux/">banalisation de son recours</a> a opéré une transformation inouïe du rapport au monde et aux autres. J’aborderai ici seulement les profondes altérations que connaît la conversation face à l’impact colossal de la communication, notamment quand elle passe par la médiation du téléphone portable.</p>
<h2>Communiquer n’est pas converser</h2>
<p>J’entends par communication l’interposition de l’écran dans la relation à autrui, la distance, l’absence physique, une attention distraite, flottante… Utilitaire, efficace, elle appelle une réponse immédiate ou des justifications ultérieures car elle exige une disponibilité absolue qui induit par ailleurs le sentiment que tout va trop vite, que l’on a plus de temps à soi. À tout moment une notification, un appel, un message somme l’individu à une réponse sans retard qui maintient une vigilance sans relâche.</p>
<p>À l’inverse, la conversation relève souvent de la gratuité, de la flânerie, de la rencontre, elle est une parole partagée. Il s’agit seulement d’être ensemble en toute conscience et de dialoguer en prenant son temps. Si la communication fait disparaître le corps, la conversation sollicite une mutuelle présence, une attention <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/levinas-quand-un-visage-nous-desarme-6097234">au visage de l’autre</a>, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/les-savanturiers/la-communication-non-verbale-1034573">à ses mimiques</a> et à la tonalité de son regard. Elle compose volontiers avec le silence, la pause, le rythme des uns et des autres. À l’inverse de la communication où toute suspension sollicite un pénible rappel, surtout pour ceux qui sont autour et ne sont pas concernés, d’un : « On a été coupé », « T’es là ? » « J’entends plus rien » « Je te rappelle ». La conversation n’a pas ce souci car le visage de l’autre n’a jamais disparu et il est possible de se taire ensemble en toute amitié, en toute complicité, pour traduire un doute, une méditation, une réflexion. Le silence dans la conversation est une respiration, dans la communication elle est une panne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583433/original/file-20240321-24-55tt3y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Comment habiter ce monde en crise, comment s’y définir, s’y engager, y faire famille ou société ? Notre nouvelle série « Nos vies modes d’emploi » explore nos rapports intimes au monde induits par les bouleversements technologiques, féministes et écologiques survenus au tournant du XXI<sup>e</sup> siècle.</em></p>
<p><em>À lire aussi :</em></p>
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<li><a href="https://theconversation.com/penser-a-tout-pourquoi-la-charge-mentale-des-femmes-nest-pas-pres-de-salleger-221659"><em>« Penser à tout » : pourquoi la charge mentale des femmes n’est pas près de s’alléger</em></a></li>
<li><a href="https://theconversation.com/tous-en-salle-comprendre-lobsession-contemporaine-pour-les-corps-muscles-217329"><em>Tous en salle ? Comprendre l’obsession contemporaine pour les corps musclés</em></a>_</li>
<li><a href="https://theconversation.com/les-amis-notre-nouvelle-famille-217162"><em>Les amis, notre nouvelle famille ?</em></a>_</li>
<li><a href="https://theconversation.com/donnees-personnelles-comment-nous-avons-peu-a-peu-accepte-den-perdre-le-controle-218290"><em>Données personnelles : comment nous avons peu à peu accepté d’en perdre le contrôle</em></a>_</li>
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<p>Il y a quelques mois à Taipei, j’étais dans un restaurant populaire. À une table, non loin de la mienne, est venue s’installer une dizaine de personnes de la même famille, des plus jeunes aux plus âgés. Le temps de prendre place, et tous ont sorti leur smartphone, les plus petits avaient deux ou trois ans, jusqu’aux anciens, la soixantaine. Ayant à peine jeté un coup d’œil au menu avant de commander, tous se sont immergés dans la contemplation de leur portable, sans aucune attention les uns envers les autres. Ils n’ont pratiquement pas dit un mot et ils mangeaient leur smartphone à la main. Seule exception parfois, de petites tensions entre deux des enfants qui devaient avoir quatre ou cinq ans. Ils sont restés une bonne heure en échangeant guère plus que quelques phrases, sans vraiment se regarder.</p>
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<p>La scène aurait pu se passer à Strasbourg, à Rome ou à New York, dans n’importe quelle ville du monde. Elle est aujourd’hui commune. Il suffit d’entrer au hasard dans un café ou un restaurant pour voir la même situation. Les anciennes rencontres familiales ou amicales disparaissent peu à peu, remplacées par ces nouvelles civilités où l’on est ensemble mais séparés les uns des autres par des écrans, avec parfois quelques mots échangés avant de retrouver la quiétude de son portable, replié sur soi. À quoi bon s’encombrer des autres puisqu’un monde de divertissement est immédiatement accessible où l’on a plus à soutenir l’effort de nourrir la relation aux autres. La conversation devient désuète, inutile, pénible, ennuyeuse, alors que l’écran est une échappée belle qui ne déçoit pas et qui occupe agréablement le temps.</p>
<h2>Des villes peuplées de zombies</h2>
<p>La disparition massive de la conversation, même avec soi-même, se traduit par le fait que maintenant les villes sont désertes, on n’y rencontre plus personne, les trottoirs regorgent de zombis qui cheminent hypnotisés par leur smartphone. Les yeux baissés, ils ne voient rien de ce qui se passe à leur entour. Si vous cherchez votre chemin, inutile de demander de l’aide, il n’y a personne autour de vous. <a href="https://theconversation.com/podcast-objets-cultes-les-ecouteurs-182086">Les uns sont casqués ou portent des oreillettes</a>, parlent tout seuls, et arborent une attitude indifférente ostentatoire, tous n’ont d’yeux que pour leur écran.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VASywEuqFd8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Are You Lost in the World Like Me ? », Moby and the Void Pacific Choir, <em>These Systems Are Failing</em> (animation, Steve Cutts).</span></figcaption>
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<p>Parfois, la communication s’impose dans l’espace public, infligée à ceux qui n’osent pas protester ou s’en vont ailleurs, envahis par la parole insistante de quelqu’un venu s’asseoir à leur banc ou près de leur table pour entamer une discussion à voix haute. Autre donnée de plus en plus courante, regarder une vidéo criarde sans oreillette ou mettre le haut-parleur pour mieux entendre la voix de son interlocuteur.</p>
<p>Autre forme d’incivilité courante devenue banale, le fait de parler avec quelqu’un qui ne peut s’empêcher de sortir son smartphone de sa poche toutes les trente secondes, dans la peur de manquer une notification ou qui vous laisse tomber après une vibration ou une sonnerie. Échange de bon procédé, chacun occupant une place ou un autre selon les circonstances. La hantise de manquer une information provoque cette fébrilité des adolescents, mais pas seulement, et cette quête éperdue du smartphone dans la poche, à moins qu’il ne reste en permanence à la main. Ce que les Américains appellent le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/03/fomo-ou-la-peur-de-rater-quelque-chose_6100722_3232.html">Fear of Missing Out</a> (FOMO) est devenu un stress qui affecte la plupart de nos contemporains. Même posé près de soi sur une table, l’expérience montre que le smartphone exerce un <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-12-13/qu-est-ce-que-le-phubbing-cette-mauvaise-habitude-qui-peut-brouiller-nos-relations-sociales-ec4275e3-2816-492f-841d-b552993e22ef">magnétisme difficile à contrer</a>, les regards se posent avec régularité sur lui dans une sorte de nostalgie.</p>
<p>Pour ces usagers, les relations à distance, sans corps, sont moins imprévisibles, moins frustrantes, elles n’engagent que la surface de soi, et en ce sens elles apparaissent souvent préférables aux interactions de la vie réelle. Elles donnent lieu à des relations conformes au désir et fondées sur la seule décision personnelle sans craindre un débordement, car dès lors il suffit d’interrompre la discussion en prétextant un problème de réseau et de couper la communication. Les interactions en face-à-face sont plus aléatoires, plus susceptibles de blesser ou de décevoir. Mais plus on communique moins on se rencontre, plus la conversation disparaît du quotidien. Les écrans donnent le moyen de franchir le miroir du lien social pour se retrouver ailleurs sans plus de contrainte de présence à assumer devant les autres. Ils induisent une communication spectrale, essentiellement avec soi-même, ou avec un minimum d’altérité. Souvent dans le sillage des habitudes prises lors du confinement quand tout autre lien était impossible. Nous multiplions aujourd’hui les réunions, les conférences à distance qui dans mon expérience personnelle n’existaient pas avant l’émergence du Covid.</p>
<h2>Un sentiment d’isolement croissant</h2>
<p>La société numérique ne se situe pas dans la même dimension que la sociabilité concrète, avec des personnes en présence mutuelle qui se parlent et s’écoutent, attentifs les uns aux autres, en prenant leur temps. Elle morcelle le lien social, détruit les anciennes solidarités au profit de celles, abstraites, le plus souvent anonymes, des réseaux sociaux ou de correspondants physiquement absents.</p>
<p>Paradoxalement, certains la voient comme une source de reliance alors que <a href="https://www.psycom.org/actualites/vu-sur-le-web/solitude-les-jeunes-aussi/">jamais l’isolement des individus n’a connu une telle ampleur</a>. Jamais le mal de vivre des adolescents et des personnes âgées n’a atteint un tel niveau. La fréquentation assidue de multiples réseaux sociaux ou l’ostentation de la vie privée sur un réseau social ne créent ni intimité ni lien dans la vie concrète.</p>
<p>La société numérique occupe le temps et donne le moyen de zapper tout ce qui ennuie dans le quotidien, mais elle ne donne pas une raison de vivre. Bien entendu certains y trouvent du lien du fait de leur isolement, mais ce dernier n’est-il pas aussi une incidence du fait que l’on ne se rencontre plus dans la vie réelle ?</p>
<p>Chacun est en permanence derrière son écran, même en marchant en ville, l’expérience individuelle de la conversation ou de l’amitié se raréfie, l’isolement se multiplie en donnant le sentiment paradoxal de la surabondance. Mais il ne reste du lien qu’une simulation. Les cent « amis » des réseaux sociaux ne valent pas un ou deux amis dans la vie quotidienne.</p>
<p>Le smartphone donne les moyens de ne plus tenir compte des autres. Il contribue à l’émiettement social, et paradoxalement, non sans ironie, il se propose comme le remède à l’isolement, la prothèse nécessaire puisqu’on ne se parle presque plus dans les trains, les transports en commun, les cafés, les restaurants, maints autres lieux propices autrefois aux rencontres, mais qui juxtaposent aujourd’hui des individus isolés, séparés, en contemplation devant leur écran.</p>
<p>De nouvelles formes d’expression émergent qui relèvent désormais de l’évidence pour nombre de contemporains, et pas seulement pour les <em>digital natives</em>. Globalement la connexion prend le pas sur une conversation renvoyée à un anachronisme mais non sans un impact majeur sur la qualité du lien social, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=m8Pac9O133M">potentiellement sur le fonctionnement de nos démocraties</a>.</p>
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<p><em>David Le Breton est l’auteur notamment de « Des visages. Une anthropologie » (Métailié poche) et de « Du silence. Essai d’anthropologie » (Métailié). À paraître : « La fin de la conversation : La parole dans une société spectrale » (Métailié).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Le Breton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La conversation relève souvent de la gratuité, de la flânerie, de la rencontre, elle est une parole partagée. Mais que devient-elle à l’ère du smartphone omniprésent ?David Le Breton, Professeur de sociologie et d'anthropologie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2255302024-03-12T16:09:24Z2024-03-12T16:09:24ZVous ne direz plus « viande végétale » : une nouvelle bataille (commerciale) des mots<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581039/original/file-20240311-28-upx2gl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6048%2C4019&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment désigner désormais ces compositions à base de soja ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Une publicité des années 1970 vendait une <a href="https://www.bing.com/videos/riverview/relatedvideo?q=publicit%C3%A9+cannada+dry+1974&mid=B52F70%C2%ABD9D18C465AA1EBB52F70D9D18C465AA1EB&FORM=VIRE">boisson</a> qui ressemblait à de l’alcool, avait le goût de l’alcool mais n’était pas de l’alcool. La question se pose aujourd’hui pour la <a href="https://theconversation.com/topics/viande-22328">viande</a>. Peut-on encore utiliser le mot lorsqu’il s’agit de « steaks végétaux », « boulettes et escalopes végétales », « lardons végétaux », « saucisses végans », « rillettes végétales » ou même « <a href="https://www.officialveganshop.com/frais-147/boucherie-vegetale-155?mtm_campaign=414616143&mtm_kwd=steak%20vegetal&mtm_source=google&mtm_medium=cpc&mtm_cid=414616143&msclkid=290cbc0b1d0f160db455d9ebb4bbd4a8&utm_source=bing&utm_medium=cpc&utm_campaign=Boucherie&utm_term=steak%20vegetal&utm_content=Groupe%20d%27annonces%201">boucherie végétale</a> » ?</p>
<p>La loi a voulu apporter une réponse. Un décret paru au <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049199307">Journal officiel</a> à la fin du mois de février interdit désormais <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=1442753146324271">ces appellations</a> qui font directement référence à des pièces de viande, ainsi que les termes, « faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale » lorsqu’il s’agit de commercialiser un produit contenant des protéines végétales. Le texte emporte la satisfaction des acteurs de la filière animale (éleveurs, bouchers), à l’origine de la demande. Certains consommateurs y adhèrent aussi, voyant peu de sens à parler de « saucisse végétale ».</p>
<p>La décision ne fait cependant pas l’unanimité. Le gouvernement avait déjà voulu, en juin 2022, réserver l’usage des termes « steak » ou « saucisse » aux protéines animales, mais le décret avait été remis en question <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/06/interdiction-du-terme-steak-vegetal-le-numero-d-equilibriste-du-president-de-la-fnsea-arnaud-rousseau_6188105_3234.html">par Protéines France</a>, un consortium français d’entreprises ayant pour ambition de fédérer et de catalyser le développement du secteur végétal. </p>
<p>La viande a par ailleurs de moins en moins la faveur des citoyens : trop chère, <a href="https://theconversation.com/la-viande-rouge-est-elle-vraiment-mauvaise-pour-la-sante-voici-ce-quen-dit-la-science-211463">néfaste</a> pour la santé quand elle est surconsommée et notamment la <a href="https://aacrjournals.org/cancerdiscovery/article/11/10/2446/665572/Discovery-and-Features-of-an-Alkylating-Signature">viande rouge</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/11/pourquoi-la-viande-est-elle-si-nocive-pour-la-planete_5395914_4355770.html">néfaste pour la planète</a> avec la déforestation ou la consommation d’eau qu’elle implique souvent. L’alimentation alternative tente de limiter ces effets négatifs. C’est l’objet de la « viande végétale » (sous condition que les additifs en soient limités) et les <a href="https://videos.lesechos.fr/lesechos/sujet-actus/produits-vegans-ou-vegetariens-les-ventes-decollent-en-supermarche/zsmkpf">consommateurs</a> y sont sensibles.</p>
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<p>Nourrir la planète tout en la protégeant, manger bon et sain en tenant compte du bien-être des animaux font partie désormais des discours politiques, scientifiques, sociaux et sociétaux. Les industriels, conscients de ces nouvelles injonctions, créent de nouveaux produits sous couvert d’une terminologie qui soulève l’interrogation. Il ne s’agit de fait pas tant de produire que de <a href="https://theconversation.com/topics/communication-21313">communiquer</a> en vue de la commercialisation en cherchant le meilleur degré d’acceptabilité des dénominations, un phénomène qui a fait l’objet de nos <a href="https://hal.science/hal-03768177">travaux</a>.</p>
<h2>Appeler « viande » une salade de concombres ?</h2>
<p>Qu’en est-il pour l’étiquette « viande » ? Le mot a beaucoup évolué. Jusqu’au XVII<sup>e</sup> siècle, il désignait tout ce qui peut entretenir la vie (<em>vivenda</em>), c’est-à-dire la nourriture en général. <a href="https://www.lexilogos.com/document/littre.php?q=Viande">Madame de Sévigné</a> appelait ainsi « viandes » une salade de concombres et de cerneaux… La viande chair animale était plutôt désignée par le terme « carne ».</p>
<p>Ce n’est qu’ensuite que le mot se spécialise pour désigner la chair des mammifères et des oiseaux jusqu’à, de nos jours, prendre un sens plus générique : une source de protéines et d’acides gras essentiels. Cela inclut pour certains le poisson ; pour d’autres, en raison de la classification zoologique, ou par convictions personnelles ou opinions religieuses, <a href="https://infosante24.com/viande-de-poisson-vous-devez-savoir/">il n’en serait pas</a>.</p>
<p>Et le steak ? Là encore le sens évolue. Au départ il <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/steak">désigne une tranche de chair à griller</a> alors qu’actuellement il renvoie plus spécifiquement à une tranche de viande rouge conformément au beef steak anglais (même si l’on parle parfois de « steak de thon »). Ainsi c’est sans doute la façon de découper le morceau en tranche qui motive l’utilisation du terme et permet de le distinguer du steak haché.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1680616005230272514"}"></div></p>
<p>Exit donc aujourd’hui steaks végétaux, escalopes de soja et autres produits (21 au total), utilisant des termes qui renvoient à la viande, pouvant introduire la confusion dans l’esprit du consommateur. Il est vrai que ces termes sont communément utilisés pour désigner de la viande, c’est-à-dire des protéines animales.</p>
<p>Néanmoins, la société évolue et sa langue avec. Celle-ci a souvent eu recours à des glissements sémantiques qui fonctionnent par analogie de forme ou d’aspect, d’utilisation, de goût : bref, par imitation. <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/escalope">L’escalope</a> par exemple est définie par analogie comme « un mets préparé et présenté comme une escalope de viande ou de poisson ». Que dire de la Poire de bœuf (pièce de viande définie par sa forme) et de la fraise de veau (membrane intérieure de l’intestin, du latin <em>fresa</em> qui signifie « peau, enveloppe ») ? Les arboriculteurs et maraîchers vont-ils monter au créneau ?</p>
<h2>Pas d’harmonisation</h2>
<p>Et si le décret ne faisait que renforcer la confusion qu’elle prétend lever ? Les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049199307">« produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers »</a> restent autorisés. En 2020, la <a href="https://www.culture-nutrition.com/2021/01/12/substituts-vegetaux-la-bataille-des-mots/">France interdisait déjà le « steak végétal »</a> à la différence de la réglementation européenne. L’harmonisation n’est pas encore au rendez-vous. Certains pays ont toutefois pris des mesures similaires concernant l’étiquetage des produits végétaux, la Belgique au sein de l’UE, plus loin la Turquie ou <a href="https://vegconomist.com/politics-law/france-continues-fight-labelling-plant-based-meat/">l’Australie</a>.</p>
<p>L’identification et la reconnaissance de ces produits végétaux en magasin reposent en outre sur deux éléments : d’une part la mention « végétal » ou « végan » et également leur place dans les rayons des supermarchés. Ces produits sont habituellement présentés dans des rayons spécifiques. <a href="https://www.vegemag.fr/societe/quel-rayon-pour-les-produits-vegans-dans-les-supermarches-14705/">Mais certaines chaînes de la grande distribution</a>, notamment aux États-Unis, les placent à côté des produits d’origine animale.</p>
<p>Pour être cohérent il faudrait aussi revoir les appellations et la séparation des produits comme le lait de soja, boisson d’origine végétale. Ce qui a été le cas puisqu’en 2017, la Cour de Justice Européenne (CJUE) a publié un <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nutrition/aliments/alternatives-vegetales-ne-dites-plus-lait-de-soja-ou-fromage-vegetal_113964">arrêt interdisant ces dénominations</a>. Mais en fonction des pays, des exceptions existent comme pour la France : on peut dire « lait d’amande, lait de coco, crème de riz, beurre de cacao ». La CJUE précise que l’ajout de mentions indiquant l’origine végétale n’y change rien et ne remet pas en cause cette interdiction. Aussi en France, les dénominations qui ne font pas l’objet d’exception renvoient à un terme générique : « boisson de » « au » ou « boisson végétale ».</p>
<h2>Comment les nommer alors ?</h2>
<p>Si pour l’ex-« lait de soja » la substitution a été facile, les dénominations concernant la « future ex » viande végétale semble plus ardue car elle touche de nombreux produits (steak, escalope, lardons, jambon… ). L’utilisation d’un terme générique ne semble donc pas envisageable. « Steak ou burger végétal » trouve un équivalent dans « galette végétale ou végétarienne », qui conserve une similitude avec la forme. Pour l’escalope, qui désigne une fine tranche, le sujet est plus délicat : pourrait-on envisager une « fine tranche végétale » ? Mais alors, comment dénommer le « jambon végétal » en tranche ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581047/original/file-20240311-28-9f9v7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les laits de soja, devenus « boisson de/au soja ».</span>
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<p>« Lardons végétaux » pourrait-il être remplacé par « petits bâtonnets végétaux » ? Celui-ci est déjà utilisé par des <a href="https://www.findus.fr/produits/green-cuisine/coeur-de-repas/batonnet-vegetal">marques</a> s qui présentent un produit « saveur océane » ou <a href="https://happyvore.com/products/batonnets-panes-vegetaux-gourmands">« de la mer »</a> ressemblant à des bâtonnets de poisson pané. Que dire encore des <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/supr%C3%AAme">suprêmes</a>, ces blancs et chair de volaille ou de gibier à plumes dont le terme par extension signifie une préparation très élaborée et qui deviennent des <a href="https://happyvore.com/products/supremes-panes-vegetaux">« suprêmes végétaux »</a> ?</p>
<p>Le problème de la terminologie alimentaire employée a également été soulevé par le <a href="https://www.challenges.fr/economie/gabriel-attal-a-t-il-lance-la-bataille-contre-la-viande-de-synthese_883842">Premier ministre en février 2024</a> à propos de la « viande de synthèse », des protéines animales cultivées en laboratoire, autre forme alternative qui cherche elle aussi encore sa dénomination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225530/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Parizot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le terme « viande », qui ne pourra plus être accolé à l’adjectif « végétal », n’a pas toujours désigné que des produits faits de protéines animales. Comment commercialiser ces produits dorénavant ?Anne Parizot, Professeur des universités en sciences de l'information et de la communication, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2250292024-03-11T10:59:40Z2024-03-11T10:59:40ZLe management des travailleurs indépendants nécessite une communication adaptée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579581/original/file-20240304-28-1uzfss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C1793%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On compte aujourd’hui plus de 3,4&nbsp;millions de travailleurs indépendants en France.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/157089461@N07/26239556407">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le travail indépendant, même s’il n’est pas nouveau, gagne en popularité en France. Depuis 2008 et le lancement du statut d’auto-entrepreneur, le nombre de « free-lancers » n’a ainsi jamais cessé de croître pour <a href="https://fr.statista.com/themes/6975/les-freelances-en-france/#topicOverview">dépasser les 3,4 millions en 2022</a>. La tendance montre une <a href="https://fr.statista.com/statistiques/938358/nombre-travailleurs-independants-france/">croissance constante</a> dans tous les différents secteurs d’activité, dont 20 % dans le <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1134520/micro-entrepreneurs-par-secteur-france/">e-commerce</a>.</p>
<p><iframe id="08Rwq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/08Rwq/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce phénomène soulève toutefois des enjeux managériaux pour les entreprises. Parmi les défis majeurs figure notamment la question de leur inclusion, sur des durées par définition déterminées à l’avance, au sein des équipes en place. En effet, les travailleurs indépendants ne sont pas intégrés directement dans l’organisation et ne sont donc pas concernés par les politiques de ressources humaines à destination des salariés.</p>
<p>C’est pourquoi il s’agit, pour les managers, de redoubler d’efforts dans la communication, comme nous le soulignons dans une <a href="https://en.em-normandie.com/professors-directory/aneta-orlinska">recherche</a> récente.</p>
<h2>Communication ouverte sur les tâches</h2>
<p>Dans les entreprises, le manque d’intérêt pour les pratiques formelles d’inclusion peut notamment s’expliquer par le fait que les travailleurs indépendants sont engagés dans des projets à court terme et qu’ils travaillent avec plusieurs clients à la fois. La communication d’informations précises concernant le travail et les instructions relatives aux tâches par les managers, au moyen d’échanges informels et directs, devient donc nécessaire compenser l’absence de pratiques organisationnelles d’inclusion.</p>
<p>Une analyste que nous avons rencontrée dans le cadre de nos travaux a souligné le rôle clé joué par la clarté des consignes lors d’une de ses missions en cours :</p>
<blockquote>
<p>« Pour ce travail, je reçois des indications claires, quand j’en ai besoin […]. J’apprécie cela […]. Sinon je ne me sentirais pas à l’aise de travailler pour une organisation ni ne me sentirais incluse. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre élément important de la communication est l’utilisation de divers canaux, offrant ainsi une plus grande flexibilité aux travailleurs indépendants. Un des interviewés l’exprime clairement :</p>
<blockquote>
<p>« Être inclusif, pour moi, c’est accepter que les travailleurs indépendants indiquent leurs préférences de communication et ce qui leur convient le mieux »</p>
</blockquote>
<h2>Un management différent</h2>
<p>Dans les organisations qui font appel à des travailleurs indépendants, les échanges informels prévalent donc sur les <a href="https://en.em-normandie.com/professors-directory/aneta-orlinska">procédures formelles</a> de gestion des ressources humaines. Ainsi, mettre l’accent sur l’ambiance de travail reste essentiel pour créer un environnement inclusif.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s'interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<p>Interrogés sur ce que représente la notion d’« inclusion », les travailleurs indépendants insistent sur cette dimension d’ambiance, bien plus que sur des dimensions liées à l’identité de l’individu. Un rédacteur en free-lance apprécie par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Un environnement dynamique, flexible […] chaleureux, vivant […] et plus informel que dans les structures traditionnelles ».</p>
</blockquote>
<p>En effet, es travailleurs indépendants valorisent la flexibilité et l’adaptabilité dans leur travail, des caractéristiques mieux soutenues par une atmosphère informelle positive. Les structures rigides peuvent limiter leur capacité à s’adapter rapidement aux changements de projet ou aux demandes des clients. Pour les travailleurs en free-lance, qui peuvent se sentir isolés du fait de leur travail à distance ou en solo, l’ambiance informelle apparaît donc cruciale pour se sentir connectés avec leur manager et inclus.</p>
<p>Pour les managers, voici donc quelques points à méditer avant de se lancer dans des stratégies de gestion plus flexibles : externaliser certaines tâches auprès de free-lancers ne demandera pas forcément moins de management, mais un management différent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225029/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aneta Hamza-Orlinska ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les managers doivent veiller à la clarté de leurs consignes et contribuer à créer un environnement informel positif pour une meilleure collaboration avec les « freelancers ».Aneta Hamza-Orlinska, Professeure assistante en gestion des ressources humaines, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2245232024-02-29T16:20:00Z2024-02-29T16:20:00Z« Enfants influenceurs » : est-ce bien raisonnable ?<p>Ils s’appellent Swan, Kalys, Athena, Ryan, Mila, Lili-Rose ou Hugo. Ils ont entre 3 et 15 ans, et ils sont suivis par des millions de fans sur YouTube, TikTok, Instagram ou Snapchat. Ce sont des enfants influenceurs. Ces enfants mineurs, parfois même encore bébés, sont exposés quotidiennement par leurs parents aux « vues » et au su de toute la toile.</p>
<p>Derrière ces publications en apparence innocentes et spontanées se cache souvent un véritable business. En France, pas moins de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/le-juteux-business-des-parents-influenceurs-sur-les-reseaux-sociaux-07-02-2023-2507820_23.php">70 % des parents influenceurs déclarent ainsi gagner jusqu’à 5 000 euros</a> par mois grâce aux nombreux partenariats commerciaux qu’ils signent avec les marques, de quoi donc en tirer leur principale source de revenus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-familles-precieux-ambassadeurs-des-marques-sur-le-marche-convoite-des-jeunes-parents-223986">Les « influenceurs familles », précieux ambassadeurs des marques sur le marché convoité des jeunes parents</a>
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<p>Pour ce faire, ils n’hésitent pas à mettre en scène leurs enfants, le but étant de capter et de fidéliser leur audience à tout prix. Déballages de cadeaux, sketchs humoristiques, challenges, tests de jouets, les enfants sont mis à rude épreuve pour faire grimper les audiences.</p>
<p>Certains enfants, dits « kid influencers » possèdent même leur propre compte. C’est le cas de <a href="https://www.instagram.com/tiagotanti/">Tiago</a>, 4 ans, dont le compte Instagram, créé par ses parents Manon et Julien Tanti, stars de la téléréalité, dénombre plus de 1,3 million d’abonnés.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/Co74Ip_SwxR","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ces parents influenceurs se présentent le plus souvent comme des modèles de réussite, capables d’offrir à leurs enfants une existence de rêve, remplie de voyages, de cadeaux, de loisirs… Mais à quel prix ?</p>
<h2>Une enfance parfois mise en danger</h2>
<p>En effet, cette exposition n’est pas sans conséquence sur le développement psychologique et social et social de l’enfant. En témoigne la <a href="https://www.tiktok.com/@iam.moana">youtubeuse Emma</a>, star de TikTok, qui affiche près de 2 millions d’abonnés sur le réseau social. La jeune femme de 20 ans confie sans détour avoir été victime de cyberharcèlement durant ses années lycée à travers les moqueries et les messages haineux de certains internautes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1475513829740138502"}"></div></p>
<p>Encore plus inquiétant, Ruby Franke, une influenceuse américaine en parentalité suivie par près de 2,5 millions d’abonnés pour ses conseils éducatifs, <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/une-influenceuse-americaine-en-parentalite-ecope-de-30-ans-de-prison-pour-avoir-maltraite-de-ses-enfants-21-02-2024-XA6WGR55CVGPTB2CXF3QQ7JUKI.php">a été condamnée en février 2024</a> à une peine pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison pour maltraitance sur ses enfants. Elle affichait pourtant une vie parfaite avec son mari et ses 6 enfants sur une chaîne YouTube « 8 Passengers », désactivée depuis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1760363705747861821"}"></div></p>
<p>Le scandale a éclaté lorsque l’un de ses enfants, âgé de 12 ans, s’est échappé par la fenêtre de leur domicile, révélant des conditions de malnutrition et de maltraitance extrêmes. Les autorités ont découvert qu’elle malmenait également ses autres enfants, allant jusqu’à les forcer à effectuer des travaux physiques pénibles sans eau ni nourriture en pleine chaleur.</p>
<h2>Une prise de conscience nécessaire</h2>
<p>Le 6 février 2024, une <a href="https://www.actu-juridique.fr/civil/personnes-famille/le-respect-du-droit-a-limage-des-enfants-et-les-5-apports-de-la-loi-du-19-fevrier-2024/">nouvelle proposition de loi</a> visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants est venue compléter la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/exploitation_commerciale_image_enfants">précédente</a>, datée du 19 octobre 2020. Le texte vient renforcer l’obligation des parents de veiller à la vie privée de leur enfant, y compris son droit à l’image, et leur interdit de publier ou de diffuser toute image de leur enfant sans son consentement éclairé. Elle permet également au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou de diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent, notamment en cas de conflit ou de danger pour l’enfant.</p>
<p>Il s’agit bien là d’une avancée importante en faveur de la protection des enfants influenceurs. Pourtant, il reste encore du chemin à parcourir. En effet, le fait même que le législateur ait été obligé d’apporter un cadre juridique à ces nouvelles pratiques devrait nous interroger, en tant que société, sur nos pratiques numériques et sur la responsabilité collective mais aussi avant tout individuelle, de tous les acteurs.</p>
<p>En premier lieu, les parents influenceurs doivent davantage se responsabiliser. Leur rôle reste essentiel dans l’encadrement de cette pratique, et pour le respect de l’épanouissement de leurs enfants à travers leur droit à l’image et à leur intimité. Tout signe de stress ou de fatigue présenté par l’enfant doit les alerter sur le potentiel mal-être de leur progéniture. Après tout, leurs enfants sont des enfants comme les autres ; ils ont aussi droit à une enfance comme les autres.</p>
<p>En parallèle, les marques qui font appel à des « kid influencers » ou à leurs parents pour promouvoir leurs produits doivent assumer une responsabilité essentielle. En effet, notre travail de recherche présenté à une <a href="https://oui.ethz.ch/">conférence</a> en 2022 met en lumière une relation de co-création de contenu entre l’influenceur et la marque, incitant les entreprises à accorder une certaine liberté aux influenceurs dans la création de contenu. Cependant, il reste crucial que cette approche ne détourne pas l’attention des marques des conditions de travail des enfants impliqués.</p>
<h2>« Je protège mon enfant »</h2>
<p>Les plates-formes en ligne doivent également assumer leur mission de protection en garantissant la sécurité et la modération des contenus impliquant des enfants. Cela passe par des campagnes de sensibilisation, à <a href="https://www.economie.gouv.fr/campagne-sensibilisation-dediee-parentalite-numerique">l’image de celle proposée par le gouvernement en février 2023</a>, et d’accompagnement des parents influenceurs. Tout contenu dérangeant ou sensible concernant les enfants doit ainsi être retiré et déréférencé.</p>
<p>Enfin, les internautes ont eux aussi leur part de responsabilité dans cette situation. Leurs réactions, parfois empreintes de violence, peuvent sérieusement affecter le bien-être des enfants. De plus, ils possèdent le pouvoir, à travers un simple clic, de signaler voire de boycotter les contenus qui portent atteinte aux droits des enfants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9o8uvDqEHDU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de la campagne « Je protège mon enfant » lancée par le gouvernement en février 2023.</span></figcaption>
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<p>En France, il existe des exemples de bonnes pratiques ou d’initiatives visant à protéger les droits et l’intérêt des enfants sur les réseaux sociaux. Par exemple, l’association <a href="https://e-enfance.org/">e-Enfance</a>, reconnue d’utilité publique, propose des actions de sensibilisation, d’accompagnement et de défense des enfants et des adolescents sur Internet. Elle anime notamment le dispositif Net Ecoute, qui offre un service gratuit et anonyme d’écoute, de conseil et d’orientation pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, de cybersexisme, ou encore de cyberpornographie.</p>
<p>Un autre exemple est celui de la chaîne YouTube <a href="https://lespetitscitoyens.com/">« Les petits citoyens »</a>. Créés par l’association éponyme, ses contenus visent à éduquer les enfants aux valeurs de la République, à la citoyenneté et aux droits de l’homme. Cette chaîne propose des vidéos ludiques et pédagogiques qui abordent de nombreux sujets de société tels que la liberté d’expression, la laïcité pour n’en citer que quelques-uns.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Exposés par leurs parentes sur les réseaux sociaux, les « kid influencers » constituent un phénomène lucratif mais controversé en raison des questions éthiques et juridiques qu’il soulève.Elodie Jouny-Rivier, Enseignant-chercheur en marketing, ESSCA School of ManagementDouniazed Filali-Boissy, Professeure Associée - Département Marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230162024-02-08T10:39:41Z2024-02-08T10:39:41ZAprès le « greenwashing », le « greenhushing » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574015/original/file-20240207-28-w9n6z4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour éviter que leurs promesses environnementales ne soient disqualifiées comme du greenwashing, certaines firmes ont trouvé la solution : se taire et ne plus communiquer à ce sujet.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>N’avez-vous pas eu l’impression ces derniers temps que les entreprises communiquaient moins sur leurs engagements climatiques ? Si tel est le cas, votre intuition est la bonne. Ce nouveau phénomène a désormais un nom : le « greenhushing » (ou écosilence en français). Des acteurs économiques tels que BP, Shell ou Amazon l’ont pratiqué en 2023.</p>
<p>Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pour comprendre ce qu’est le greenhushing, il est nécessaire de revenir sur des années de « greenwashing » (ou écoblanchiment) avec lequel il s’inscrit en rupture. Ce procédé, <a href="https://www.communicationresponsable.fr/aux-origines-du-greenwashing/">massivement utilisé depuis les années 1990</a>, est aujourd’hui bien connu du public. Il consiste à maquiller en vert des produits ou des services qui ne le sont pas.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Jusqu’à récemment, les acteurs économiques n’hésitaient pas à faire des promesses vertes. L’objectif annoncé était souvent le même : atteindre une forme de neutralité carbone à un horizon plus ou moins lointain. <a href="https://www.liberation.fr/environnement/climat/greenwashing-totalenergies-vise-par-une-enquete-pour-pratiques-commerciales-trompeuses-20230126_TI3N74TWMNFHXMINYW3Z5FWIUM/">Ce cap a donné lieu à d’importantes dérives s’apparentant à des pratiques commerciales trompeuses</a>. Comprendre : les paroles n’étaient pas toujours suivies d’actes.</p>
<h2>La France, pionnière d’une réglementation coercitive</h2>
<p>Afin de juguler cette tendance en plein essor, les pouvoirs publics ont récemment décidé de s’emparer du sujet en mettant sur pied un arsenal législatif de plus en plus coercitif.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/proteger-les-consommateurs-du-greenwashing-subliminal-69083">Protéger les consommateurs du « greenwashing » subliminal</a>
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<p>En France, la <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/publicite-la-lutte-contre-le-greenwashing-est-engagee">loi Climat et résilience interdit depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2023</a> aux annonceurs <a href="https://theconversation.com/publicite-et-ecologie-faut-il-en-finir-avec-lautoregulation-128144">d’affirmer dans une publicité</a> qu’un produit ou un service est « neutre en carbone », « biodégradable » ou <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-astuces-pour-vendre-plus-vert-73996">« respectueux de l’environnement »</a> sans que soit publié son bilan d’émissions de gaz à effet de serre. Dans le cas d’une personne morale, le contrevenant risque une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 euros ou représentant la totalité des dépenses consacrées à l’opération illégale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/publicite-une-tolerance-de-plus-en-plus-grande-au-greenwashing-en-france-158044">Publicité : une tolérance de plus en plus grande au greenwashing en France ?</a>
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<p>Notre pays a été le premier à ouvrir la voie. L’Union européenne s’est depuis engagée dans le bannissement des allégations environnementales génériques sans preuve. <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20240111STO16722/ecoblanchiment-comment-l-ue-reglemente-les-allegations-ecologiques">L’actualisation en ce sens des règles de consommation a été votée en janvier 2024</a> par les députés européens. Elle attend désormais l’approbation du Conseil avant d’être retranscrite sous deux ans dans les droits nationaux.</p>
<p>Outre-Atlantique, l’État de Californie a à son tour promulgué le 1<sup>er</sup> janvier dernier une <a href="https://www.mayerbrown.com/en/insights/publications/2023/12/new-california-antigreenwashing-law-goes-live-on-january-1-2024--what-you-need-to-know-if-you-make-certain-green-claims">loi « anti-greenwashing »</a>. Majoritairement inspirée de la réglementation française, elle propose d’aller plus loin que la <a href="https://www.happi.com/contents/view_experts-opinion/2024-02-03/the-green-guides-staying-clean-while-going-green-in-household-personal-care/">dernière mise à jour des « green guides » de la Federal Trade Commission</a> en obligeant les annonceurs à fournir des données normalisées devant attester de la véracité de leurs promesses environnementales.</p>
<h2>Contourner l’opinion publique… et la justice</h2>
<p>Conséquence directe de ce nouvel environnement légal, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à cesser de communiquer sur leurs engagements climatiques. On appelle cela le greenhushing.</p>
<p>Outre le fait de se conformer à la réglementation, elles évitent ainsi de s’exposer au jugement de l’opinion publique, mais aussi de leurs clients, des investisseurs et des médias tout en se protégeant d’éventuelles poursuites judiciaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574019/original/file-20240207-30-km5gp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Aux États-Unis, la firme Delta a été attaquée en justice pour avoir affirmé qu’elle était la première compagnie aérienne neutre en carbone au monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Arnoux/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Il faut dire que le nombre de dossiers portés en justice en raison de communications environnementales trompeuses n’a jamais été aussi nombreux. En particulier aux États-Unis, comme en témoigne <a href="https://www.ftc.gov/enforcement/cases-proceedings/terms/1408">l’impressionnante liste de la Federal Trade Commission</a>. En mai dernier, Delta était ainsi <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2023/05/31/delta-airlines-carbon-neutral-lawsuit/">poursuivie devant les juges californiens</a> après avoir affirmé être la « première compagnie aérienne neutre en carbone ».</p>
<h2>Une popularité grandissante depuis 2023</h2>
<p>Jusqu’en 2022, l’expression « greenhushing » était surtout utilisée pour décrire un certain type de communication visant à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09669582.2016.1158829">réduire la dissonance entre les valeurs écologiques de l’entreprise et celles des clients</a>. Nous voyons qu’elle prend désormais un autre sens avec les dernières évolutions législatives.</p>
<p>Compte tenu de l’apparition récente du phénomène, il est encore peu documenté. Le cabinet de conseil suisse South Pole fut le premier, dès 2022, à l’évoquer dans son <a href="https://www.southpole.com/en/news/going-green-then-going-dark">rapport annuel « En route vers le Net Zéro »</a>. Ce rapport a contribué à populariser le greenhushing. À tel point qu’il est à présent mentionné dans de grands titres de presse tels que le <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2023/04/21/business/what-is-greenhushing.html"><em>New York Times</em></a> ou le <a href="https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2023/07/13/greenhushing-climate-trend-corporations/"><em>Washington Post</em></a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.</em> <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Il faut dire qu’il a connu un essor fulgurant. Au cours de cette dernière année, le nombre d’entreprises reconnaissant pratiquer le greenhushing a été multiplié par trois, selon South Pole. Au moins une <a href="https://subscriber.politicopro.com/article/2023/11/an-esg-backlash-spurs-a-new-corporate-strategy-greenhushing-00128372">sur cinq serait à présent concernée</a>.</p>
<p><a href="https://www.southpole.com/fr/publications/destination-net-zero-report">L’édition 2024</a> du rapport de South Pole, qui vient d’être publiée, nous apprend que tous les secteurs d’activité se livrent à présent au greenhushing. Parmi les 1400 compagnies sondées, 86 % de celles commercialisant des biens de consommation et 72 % des compagnies pétrolières disent avoir réduit leurs communications.</p>
<p>Mais cette nouvelle pratique ne se limite pas aux activités les plus polluantes. Les entreprises les plus engagées dans la lutte contre le changement climatique sont même en première ligne. Sur le panel étudié par South Pole, 88 % des firmes proposant des services environnementaux déclarent moins communiquer sur le sujet, alors que 93 % d’entre elles respectent pourtant leurs objectifs environnementaux.</p>
<h2>Des objectifs climatiques parfois revus à la baisse</h2>
<p>Il faut dire que les objectifs climatiques n’ont jamais été à ce point au centre de toutes les attentions. Le cabinet suisse indique que plus des trois quarts des entreprises investissent plus que l’année précédente pour atteindre la neutralité carbone, mais aussi que plus d’une sur deux fait état de difficultés croissantes pour communiquer sur ses engagements climatiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574113/original/file-20240207-20-c8sale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">BP est l'une des firmes à avoir pratiqué le greenhushing courant 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mike Mozart / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Conséquence directe de cette prise de conscience, certaines firmes figurant parmi les principaux émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre ont commencé à revoir à la baisse leurs ambitions.</p>
<ul>
<li><p>Début 2023, BP annonçait renoncer à réduire de 35 % à 40 % son empreinte carbone d’ici à 2030, l’un des objectifs les plus ambitieux du secteur pétrolier. <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2023/02/07/bp-climate-emissions-oil-profits/">Il est désormais question d’une baisse de « 20 à 30 % »</a>. Quelques jours plus tard, Shell déclarait à son tour <a href="https://www.latimes.com/business/story/2023-02-09/the-big-oil-companies-are-already-reneging-on-their-global-warming-goals">cesser d’investir davantage dans les énergies renouvelables</a>.</p></li>
<li><p>Amazon leur a emboîté le pas en revenant sur son engagement de réaliser 50 % de ses livraisons « zéro carbone » en 2030. La multinationale promet à présent une neutralité de toutes ses activités à l’horizon 2040, <a href="https://www.businessinsider.com/amazon-shipment-zero-gives-up-most-important-part-climate-pledge-2023-5?r=US&IR=T">soit 10 ans plus tard que l’objectif initial</a>.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-face-cachee-des-retours-produit-damazon-209553">La face cachée des retours produit d’Amazon</a>
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<p>Bien que cela tombe sous le sens, précisons que le greenhushing concerne uniquement les acteurs économiques qui avaient préalablement communiqué sur leurs engagements environnementaux. Or, à en croire les résultats de South Pole, ils demeurent minoritaires. Comprendre : le greenhushing n’est que la partie émergée de l’iceberg, sur une vaste majorité d’entreprises qui n’ont jamais communiqué sur leurs engagements environnementaux.</p>
<h2>Le greenhushing n’en est qu’à ses débuts</h2>
<p>Qu’il s’agisse de ne plus communiquer sur des actions pratiquées, de revoir à la baisse des objectifs ou d’en reporter l’échéance, toutes ces formes de greenhushing posent de nouveaux défis à nos sociétés.</p>
<ul>
<li><p>Cette invisibilisation des engagements climatiques risque de réduire la pression que l’opinion publique peut avoir sur les entreprises émettant beaucoup de gaz à effet de serre, et ce, quelle que soit leur taille.</p></li>
<li><p>Elle pourrait également conduire à limiter les retours d’expérience en la matière, affaiblir la concurrence entre les entreprises sur le plan environnemental et <em>in fine</em> à ralentir la prise de décisions relevant de la lutte et de l’adaptation au changement climatique. Ce qui irait à contre-courant des injonctions scientifiques à <a href="https://www.eib.org/fr/press/all/2022-428-majority-of-french-people-say-the-war-in-ukraine-and-high-energy-prices-should-accelerate-the-green-transition">accélérer la transition de nos économies vers un avenir à faible intensité carbone</a>.</p></li>
</ul>
<p>Cela est d’autant plus préoccupant dans un contexte où tout porte à croire que le greenhushing n’en est qu’à ses débuts. Les dispositifs coercitifs encadrant les communications environnementales n’ont jamais été aussi nombreux et vont probablement se multiplier dans un futur proche. Il semble essentiel que les entreprises se les approprient dans la philosophie des lois. C’est-à-dire, à des fins d’amélioration des performances écologiques de leurs produits et services et non pour cesser de communiquer à leur sujet, comme cela est déjà massivement observé.</p>
<p>Selon South Pole, la moitié des compagnies s’adonnant au greenhushing le font en raison de l’évolution récente du cadre légal. Sans surprise, les firmes françaises sont les plus concernées avec 82 % d’entre elles déclarant le pratiquer. Ce chiffre s’explique par le fait que notre pays possède la réglementation la plus stricte à l’échelle mondiale en la matière, bien devant l’Union européenne ou les États-Unis. Les autres motifs invoqués par les professionnels relèvent davantage d’un manque de données ou d’orientations infocommunicationnelles claires propres à leur secteur d’activité.</p>
<h2>Bientôt des données pour étudier le phénomène</h2>
<p>Ces différents arguments mettent en lumière la nécessité de disposer de données environnementales standardisées afin de pouvoir rendre publiques et comparer les actions des entreprises.</p>
<p>En Europe, cela sera bientôt le cas pour les plus importantes d’entre elles avec la mise en œuvre progressive à partir de 2024 de la <a href="https://theconversation.com/directive-csrd-un-nouveau-paradigme-pour-lentreprise-220403">Corporate Sustainability Reporting Directive</a> (CSRD). Elle rend obligatoire un <a href="https://finance.ec.europa.eu/capital-markets-union-and-financial-markets/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en">suivi extrafinancier annuel constitué des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance</a>.</p>
<p>Autant d’informations qui seront bientôt mise à disposition de tout un chacun. Et notamment de la communauté scientifique, qui ne devrait pas tarder à faire sienne la question du greenhushing. Le défi à relever est aussi complexe que subtil : étudier des communications qui n’existent pas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/decarbonisation-dici-2030-un-objectif-quasi-impossible-mais-necessaire-184502">Décarbonisation d’ici 2030 : un objectif quasi impossible, mais nécessaire</a>
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</p>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/223016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathis Navard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle tendance se profile en matière de communication environnementale pour les entreprises : revoir ses promesses à la baisse, phénomène que l'on appelle « greenhushing ».Mathis Navard, Docteur en Sciences de l'information et communication (ISI), Université de Poitiers, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2219022024-01-29T11:10:29Z2024-01-29T11:10:29ZQuand l’« effet Streisand » joue à plein contre Guerlain et amène à questionner le rôle du marketing<p>La sortie mondiale, le 2 janvier dernier, du tout nouveau produit de la marque <a href="https://theconversation.com/topics/lvmh-46603">Guerlain</a> « Orchidée impériale Gold Nobile » a généré de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/guerlain-sort-une-creme-anti-age-quantique-a-650-et-les-reactions-n-ont-pas-tarde_227866.html">virulentes critiques</a> sur les réseaux sociaux et dans plusieurs grands médias. La raison de ce <em>bad buzz</em> : le recours à des allégations au caractère scientifique mis en cause pour faire la promotion de cette crème « quantique » qui serait capable de rajeunir la peau (moyennant 650 euros le pot).</p>
<p>C’est l’influenceur G Milgram qui a commencé à dénoncer ce qu’il appelle un « bullshit marketing ». Et la demande de la marque auprès de ce youtubeur aux 176 000 abonnés de retirer sa vidéo n’a fait que donner plus d’écho à ses dénonciations.</p>
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<p>Cet exemple constitue une belle illustration de ce que l’on connaît en <a href="https://theconversation.com/topics/communication-21313">communication</a> sous le nom d’<a href="https://www.jstor.org/stable/24582908">effet « Streisand »</a>. Il souligne peut-être surtout le besoin pour les professionnels du marketing de réfléchir aux responsabilités qu’ils portent.</p>
<h2>Chronique d’un bad buzz</h2>
<p>Le jour de la sortie mondiale, le 2 janvier dernier, de la toute nouvelle crème Guerlain « Orchidée impériale Gold Nobile », le youtubeur G Milgram met donc en ligne sa vidéo qui, plus de 20 minutes durant, dénonce les affirmations de la marque autour de cette nouvelle crème anti-âge. Réalisée en collaboration avec des chercheurs, elle met en exergue les arguments fallacieux utilisés par Guerlain, arguments soi-disant scientifiques ayant présidé à la création de ce produit.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1749124121110179855"}"></div></p>
<p>La marque défendait en effet « une nouvelle voie de réjuvénation cosmétique pour la peau, née de la science quantique » et soulignait qu’elle est le fruit d’un partenariat avec des chercheurs de l’université Palacky en Tchéquie.</p>
<p>Dans la journée même, plusieurs scientifiques, le physicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Klein">Étienne Klein</a> par exemple, dont le tweet est vu par plus de 365 000 personnes (au 22 janvier), partagent la vidéo et dénoncent ces allégations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1742474069361012788"}"></div></p>
<p>24 heures après la sortie de la vidéo, la marque contacte le youtubeur pour lui demander de la retirer. Elle réagit également sur X (ex-Twitter) en réaffirmant ses fondements scientifiques, tweet vu par plus d’un million de personnes et qui suscite de la part des internautes l’ajout d’informations contextuelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1742944810682536126"}"></div></p>
<p>Dès le 4 janvier, de nombreux médias comme le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/guerlain-sort-une-creme-anti-age-quantique-a-650-et-les-reactions-n-ont-pas-tarde_227866.html"><em>Huffington Post</em></a>, <a href="https://www.liberation.fr/checknews/cosmetique-quantique-de-guerlain-un-fin-vernis-scientifique-et-une-grosse-louche-de-foutaises-20240105_ZAVUDZ7EB5EG3NAHY7GDBW4MAI/"><em>Libération</em></a>, <a href="https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/cosmetiques-guerlain-cree-la-polemique-avec-sa-creme-quantique_6301623.html">France 3</a> ou encore <a href="https://www.nouvelobs.com/sciences/20240104.OBS82866/la-creme-quantique-de-guerlain-moquee-sur-les-reseaux-sociaux.html"><em>L’Obs</em></a> reviennent sur cette polémique. Les arguments avancés par la marque sont parodiés par de très nombreux internautes, le produit fait également l’objet de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bQ33jpe50Lk">chronique</a> de l’humoriste Matthieu Noël sur France Inter. La 2<sup>e</sup> vidéo de G Milgram dans laquelle le youtubeur répond à la demande de suppression de sa vidéo par Guerlain génère plus de 235 000 vues en 13 jours. Dans ce contexte, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) se saisit de l’affaire.</p>
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<p>Face au déluge de critiques, la marque a procédé à des modifications substantielles de sa communication : c’est ainsi que toute mention du terme « quantique » a été supprimée dans le descriptif du produit. De même, le texte mettant en avant les évocations scientifiques de la publicité vidéo et sa voix off ont été supprimés pour être remplacés par de la musique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571404/original/file-20240125-29-4pagdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Descriptif du produit avant et après la polémique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France 3</span></span>
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<h2>Quand vouloir cacher donne davantage de visibilité</h2>
<p>Dans cette histoire, l’« effet Streisand » semble avoir joué à plein. Pareil nom a été donné à ce phénomène communicationnel par le journaliste Mike Masnick sur son blog en 2005. Sébastien Liarte, professeur des universités en sciences de gestion, en a donné la <a href="https://www.jstor.org/stable/24582908">définition</a> suivante :</p>
<blockquote>
<p>« L’effet Streisand décrit le phénomène qui assure une plus grande publicité et une diffusion plus importante de toute information qui serait restée confidentielle sur Internet, si on n’avait pas cherché à la cacher ou à la retirer. »</p>
</blockquote>
<p>En 2003, l’actrice américaine Barbra Streisand avait intenté une action en justice pour violation de sa vie privée et demandé le retrait d’une photo aérienne de sa demeure californienne. La photo, prise dans le cadre d’un projet sur l’érosion côtière, aurait pu passer inaperçue au milieu des quelque 12 000 autres clichés réalisés dans ce cadre. Or, cette demande de l’actrice déclenche un véritable intérêt pour cette photo en particulier. Téléchargée 6 fois avant son action en justice, elle est par la suite vue par plus de 400 000 personnes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Guerlain n’est pas la seule marque à avoir eu à faire face à pareil effet. <a href="https://www.numerama.com/politique/14266-ralph-lauren-tente-d-exploiter-le-droit-d-auteur-pour-censurer-la-critique.html">Ralph Lauren</a>, par exemple, a fait en 2009 l’objet d’une forte polémique après la publication d’une photo publicitaire d’une mannequin très fortement retouchée et amincie. Les tentatives de censure de la marque n’ont alors fait qu’amplifier l’intérêt envers cette publicité. <a href="https://media.greenpeace.org/archive/Give-the-Orangutan-a-Break--Nestle-KitKat-Spoof-Video-27MZIF20N4P6.html">Nestlé</a> a également connu des déboires similaires lorsqu’en 2010 la marque a tenté de faire retirer une parodie de sa publicité Kitkat réalisée par Greenpeace pour dénoncer l’usage massif de l’huile de palme dans la fabrication des produits de la marque.</p>
<h2>Pour un marketing qui apporte de la valeur à tous</h2>
<p>Comme le souligne Sébastien Liarte :</p>
<blockquote>
<p>« Les réponses communicationnelles ne font, le plus souvent, qu’amplifier la diffusion de l’audience du message qui lui est défavorable et provoquent cet effet “Streisand”. »</p>
</blockquote>
<p>Au regard de cet argument, il est donc raisonnable de penser que Guerlain n’aurait dû ni contacter G Milgram pour lui demander de supprimer sa vidéo ni prendre la parole sur X pour tenter de répondre à la 1<sup>re</sup> vidéo de l’influenceur. Mais est-ce là l’enseignement principal à tirer de cet épisode ? Non.</p>
<p>Il serait en effet dommage de ne pas profiter de cet événement pour mener une réflexion plus profonde sur la responsabilité des marques et des responsables marketing.</p>
<p>Le marketing jouit d’une image négative dans l’opinion publique. Le terme est souvent utilisé comme synonyme d’arnaque, manipulation ou tromperie. <a href="https://theconversation.com/le-marketing-souffre-dune-image-negative-aupres-dun-tiers-des-francais-200584">L’étude</a> de l’Association française du marketing (AFM) réalisée en 2023 met bien en évidence que « les croyances négatives renvoient à deux fonctions, le potentiel aliénant et l’opportunisme des actions marketing ». Pourtant, la discipline est définie par <a href="https://www.ama.org/the-definition-of-marketing-what-is-marketing/">l’American Marketing Association</a> comme « l’activité et les processus mis en place par les organisations pour créer, communiquer, délivrer et échanger des offres qui ont de la valeur pour les consommateurs, les clients, les partenaires et la société au sens large ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631197299358531584"}"></div></p>
<p>Le cas de la « crème quantique » Guerlain soulève à la fois des questionnements sur la valeur apportée aux consommateurs et aux clients et la valeur sociétale. Si l’on conçoit que proposer une crème anti-âge à 13 000 euros le litre, avec la proposition de payer le produit en 4 échéances, peut être génératrice de valeur pour le groupe LVMH, celle apportée au consommateur est nettement moins perceptible.</p>
<p>La responsabilité de la fonction marketing est d’inscrire ses pratiques dans le respect du consommateur et non dans la crainte des réactions suscitées, notamment de celles des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/07673701221146300">influenceurs</a> sur les réseaux sociaux. Elle se doit également de développer des pratiques génératrices de valeur pour l’ensemble de la société. </p>
<p>Comme l’indique <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807335516-marketing-plus-durable">Pierre Volle</a>, professeur à l’université Paris-Dauphine, le marketing doit « être mis au service d’une société plus durable ». Le responsable marketing ne devrait ainsi pas déployer son énergie à la multiplication d’offres de produits présentant des bénéfices douteux mais œuvrer pour le développement de pratiques respectueuses sur les plans sociétal et environnemental. Il en va de la responsabilité des praticiens du marketing mais également des enseignants-chercheurs dans leurs activités de formation et de recherche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Euzéby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En demandant au youtubeur G Milgram de supprimer la vidéo dans laquelle il critique la campagne marketing d’une crème anti-âge, Guerlain a sans doute contribué à lui donner davantage de visibilité.Florence Euzéby, Maitresse de conférences en sciences de gestion, IAE La Rochelle, IAE La RochelleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2214842024-01-26T14:56:06Z2024-01-26T14:56:06ZL’IA apprend à analyser les communications des poulets pour nous aider à comprendre leurs gloussements<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570212/original/file-20240116-21-fbzgp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C6000%2C3970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les poulets sont des communicateurs hors pair.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes-vous déjà demandé de quoi parlent les poulets ? Les poulets sont des communicateurs doués ; leurs gloussements, leurs cris et leurs roucoulements ne sont pas des sons aléatoires, mais un système linguistique complexe. Ces cris sont leur façon d’interagir avec le monde et d’exprimer leur joie, leur peur et de se transmettre des repères sociaux.</p>
<p>Comme pour les humains, le « langage » des poulets varie en fonction de l’âge, de l’environnement et, étonnamment, de la <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0010639">domestication</a>, ce qui nous permet de mieux comprendre leurs <a href="https://doi.org/10.3390/ani11020434">structures sociales</a> et leurs comportements. La compréhension de ces vocalisations peut transformer notre approche de l’aviculture, en améliorant le bien-être et la qualité de vie des poulets.</p>
<p>Nos recherches à l’université Dalhousie appliquent l’intelligence artificielle (IA) pour décoder le langage des poulets. Ce projet devrait révolutionner notre connaissance de ces créatures à plumes et de leurs méthodes de communication, en nous offrant une fenêtre sur leur monde qui nous était jusqu’à présent fermée.</p>
<h2>Traducteur de poulet</h2>
<p>L’utilisation de l’IA et de l’apprentissage automatique dans ce domaine revient à disposer d’un traducteur universel pour le langage des poulets. L’IA peut analyser de grandes quantités de données audio. Comme le montrent nos recherches, qui doivent encore faire l’objet d’une évaluation par les pairs, nos algorithmes apprennent à reconnaître les schémas et les nuances dans les <a href="https://doi.org/10.1101/2023.12.26.573338">vocalisations des poulets</a>. La tâche n’est pas simple : les poulets émettent toute une gamme de sons dont la hauteur, la tonalité et le contexte varient.</p>
<p>Mais grâce à des techniques avancées d’analyse des données, nous commençons à déchiffrer leur code. Cette percée dans le domaine de la communication animale n’est pas seulement une réussite scientifique ; c’est aussi un pas vers un traitement plus humain et plus empathique des animaux d’élevage.</p>
<p>L’un des aspects les plus intéressants de cette étude est la compréhension du contenu émotionnel de ces sons. Grâce au traitement du langage naturel (TLN), une technologie souvent utilisée pour déchiffrer les langues humaines, nous apprenons à interpréter l’<a href="https://doi.org/10.3390/s21020553">état émotionnel des poulets</a>. Sont-ils stressés ? Sont-ils contents ? En comprenant leur <a href="https://doi.org/10.3390/ani12060759">état émotionnel</a>, nous pouvons prendre des décisions plus éclairées concernant leurs soins et leur environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une personne en combinaison blanche tenant un iPad et entourée de poulets" src="https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comprendre les expressions des poulets aura un impact sur la façon dont ils sont élevés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Communication non verbale chez les poulets</h2>
<p>Outre les vocalisations, nos recherches portent également sur les indices non verbaux permettant d’évaluer les émotions des poulets. Nous avons ainsi étudié le clignement des yeux et la température du visage. La manière dont ces éléments peuvent constituer des <a href="https://doi.org/10.1101/2022.01.31.478468">indicateurs fiables</a> de l’état émotionnel des poulets est analysée dans une publication préliminaire (pas encore évaluée par les pairs).</p>
<p>En utilisant des méthodes non invasives telles que la vidéo et l’imagerie thermique, nous avons observé des changements de température autour des yeux et de la tête, ainsi que des variations dans le comportement de clignement des yeux, qui semblent être des réponses au stress. Ces résultats préliminaires ouvrent de nouvelles voies pour comprendre comment les poulets expriment leurs sentiments, tant sur le plan comportemental que physiologique, ce qui nous fournit des outils supplémentaires pour évaluer leur bien-être.</p>
<h2>Des volailles plus heureuses</h2>
<p>Ce projet dépasse le cadre de la curiosité intellectuelle ; ses <a href="https://doi.org/10.1101/2022.07.31.502171">retombées sont réelles</a>. Dans le secteur agricole, la compréhension des vocalisations des poulets est un moyen d’améliorer les pratiques d’élevage. Les agriculteurs peuvent utiliser ces connaissances pour créer de meilleures conditions de vie, ce qui se traduit par des poulets plus sains et plus heureux. Cela peut en retour avoir un effet sur la qualité des produits, la santé des animaux et l’efficacité globale de l’exploitation.</p>
<p>Les résultats de cette recherche peuvent également être appliqués à d’autres domaines de l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.measurement.2022.110819">élevage</a>, ce qui pourrait déboucher sur des avancées dans la manière dont nous interagissons avec une variété d’animaux de ferme et dans les soins qui leur sont prodigués.</p>
<p>Mais nos travaux ne se limitent pas aux pratiques agricoles. Ils pourraient influencer les politiques en matière de bien-être animal et de traitement éthique. L’évolution de notre connaissance de ces animaux nous incite à <a href="https://doi.org/10.3390/agriengineering5010032">plaider pour leur bien-être</a>. Cette étude modifie la façon dont nous envisageons notre relation avec les bêtes, en privilégiant l’empathie et la compassion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un homme introduit sa main dans un poulailler rempli de poulets" src="https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La compréhension de la communication et du comportement des animaux peut avoir une influence sur les politiques en matière de bien-être animal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Zoe Schaeffer)</span></span>
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</figure>
<h2>IA éthique</h2>
<p>L’utilisation éthique de l’IA dans ce contexte crée un précédent pour les futures applications technologiques dans le domaine de la science animale. Nous démontrons que la technologie peut et doit être employée pour <a href="https://doi.org/10.1007/s44230-023-00050-2">favoriser le bien-être de tous les êtres vivants</a>. C’est une responsabilité que nous prenons au sérieux ; nous veillons à ce que nos avancées en matière d’IA soient conformes aux principes éthiques et au bien-être des sujets de notre étude.</p>
<p>Les retombées de nos recherches s’étendent également à l’éducation et aux efforts de conservation. En comprenant les méthodes de communication des poulets, nous acquérons des connaissances sur le langage aviaire en général, offrant ainsi une perspective unique sur la complexité des systèmes de communication animale. Ces enseignements peuvent s’avérer essentiels pour les défenseurs de l’environnement qui œuvrent à la protection des espèces d’oiseaux et de leurs habitats.</p>
<p>En poursuivant nos avancées dans ce domaine, nous ouvrons les portes d’une nouvelle ère dans l’<a href="https://doi.org/10.3389/fvets.2021.740253">interaction entre l’animal et l’homme</a>. Notre quête pour <a href="https://doi.org/10.20944/preprints202309.1714.v1">décoder le langage des poulets</a> est plus qu’une simple recherche universitaire : c’est un pas vers un monde plus empathique et plus responsable.</p>
<p>En tirant parti de l’IA, nous ne nous contentons pas de percer les secrets de la communication aviaire, mais nous établissons également de nouvelles normes en matière de bien-être animal et d’utilisation éthique des technologies. La période dans laquelle nous vivons est passionnante ; nous sommes à l’aube d’une conception nouvelle de la relation entre l’homme et le monde animal, et tout commence par le poulet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221484/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suresh Neethirajan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’intelligence artificielle peut traiter un grand nombre de vocalisations de poulets et identifier des schémas dans les communications entre volatiles.Suresh Neethirajan, University Research Chair in Digital Livestock Farming, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216672024-01-25T14:51:43Z2024-01-25T14:51:43Z« Réarmement démographique » ou comment rater la cible (de communication) ?<p>« Permettre un réarmement démographique » : l’expression employée par le président Emmanuel Macron pour décrire son plan de relance de la natalité et de lutte contre <a href="https://theconversation.com/oui-messieurs-la-fertilite-masculine-decline-aussi-avec-lage-191911">l’infertilité</a> a suscité de vives réactions. Il ne s’agit pas ici de juger la pertinence de ce plan annoncé lors de sa conférence de presse du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ySrRVE3m_SU">16 janvier 2024</a>. Notre objectif est d’analyser ce que cette formule révèle de la difficulté de décideurs, gouvernementaux notamment, à comprendre la psychologie des comportements (et changements comportementaux). Sans cette compréhension, ils s’avèrent incapables de déterminer quelles conditions et caractéristiques doivent être respectées pour qu’une communication à visée persuasive soit efficace.</p>
<p>Ce travers s’était déjà exprimé lors de la pandémie de Covid-19 avec de multiples déclarations et <a href="https://theconversation.com/les-lecons-des-sciences-comportementales-pour-assurer-un-confinement-efficace-134831">mesures incitatives</a> ou coercitives aux résultats à l’efficacité nuancée (avec des dommages collatéraux parfois conséquents, comme une <a href="https://theconversation.com/appeler-a-la-peur-pour-proteger-la-population-et-obtenir-leffet-inverse-133946">montée importante de l’anxiété</a> pouvant aller <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19098/pandemie-2020">jusqu’à des symptômes</a> rappelant des <a href="https://datacovid.org/lefficacite-mitigee-des-appels-a-la-peur-dans-les-communications-du-covid19/">états de stress post-traumatique</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hymBfhTlob8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence d’Emmanuel Macron, mardi 16 janvier 2024.</span></figcaption>
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<p>La phrase d’Emmanuel Macron au sujet du « réarmement démographique » pour permettre « une France plus forte » « par la relance de la natalité » a pu être perçue comme réactionnaire. Elle a provoqué la colère de nombreuses personnalités politiques, notamment à la gauche de l’échiquier politique, mais aussi plus largement de diverses associations féministes ou concernées par les <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/rearmement-demographique-tolle-des-feministes-apres-les-propos-d-emmanuel-macron-20240117">droits des femmes et des familles</a>. Ce parti pris de formulation a occulté certaines mesures qui auraient pu être accueillies plus favorablement (par exemple, le plan de lutte contre l’infertilité attendu par <a href="https://www.midilibre.fr/2024/01/17/le-plan-de-lutte-contre-linfertilite-existe-maintenant-il-faut-le-mettre-en-oeuvre-estime-le-pr-samir-hamamah-11701559.php">certains spécialistes de la reproduction</a>) et a amoindri l’effet d’une perspective qui aurait pu avoir une connotation positive (la vie au travers de naissances à venir).</p>
<h2>Une rhétorique guerrière anxiogène</h2>
<p>Indépendamment d’un jugement sur le fond, la terminologie adoptée explique en partie ces réactions et marques de résistance. Tout d’abord, du fait de la rhétorique guerrière. L’historienne <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/parler-de-rearmement-demographique-est-extremement-inquietant-selon-cette-historienne_228477.html">Marine Rouch</a> a ainsi repéré « une sémantique ‘viriliste et guerrière’ qui n’a rien d’anodin ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1747527169121648875"}"></div></p>
<p><em>Le caractère guerrier de la métaphore a suscité de nombreuses réactions</em></p>
<p>Déjà mobilisé lors du Covid, ce lexique guerrier, par ses références en France à la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/radiographies-du-coronavirus/quand-crise-sanitaire-rime-avec-rhetorique-guerriere-5878741">première et à la Seconde Guerre mondiale</a>, avait alors frappé les esprits (« Nous sommes en guerre » avait martelé Emmanuel Macron). Implicitement et symboliquement également, l’idée de réarmement fait référence à la guerre et peut se révéler anxiogène, a fortiori dans le contexte actuel où guerres et conflits armés réactivent, partout dans le monde, et en particulier sur le continent européen, des <a href="https://www.lexpress.fr/societe/stress-angoisses-les-repercussions-de-la-guerre-en-ukraine-sur-la-sante-mentale-des-francais_2169594.html">angoisses qu’on croyait oubliées</a>.</p>
<p>Ce choix est dommageable, car une rhétorique guerrière entraîne un imaginaire anxiogène. Or, lorsque les individus ont peur, leur réponse inconsciente est souvent un <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2005-1-page-97.htm">mécanisme de défense psychologique d’évitement ou de déni</a>. Autrement dit, une réaction défensive destinée à diminuer l’inconfort psychologique ressenti, mais qui est à l’opposé de celle recherchée. En effet, faire face à une situation stressante nécessite de développer des efforts, cognitifs en particulier, et une stratégie dite d’adaptation. L’individu stressé peut préférer ne pas voir la réalité, la déformer ou encore discréditer la source de l’information <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/32044643/coping_as_a_mediator_of_emotion-libre.pdf">pour se protéger psychologiquement</a>. Ces réactions compromettent bien sûr l’efficacité persuasive.</p>
<h2>Un discours infantilisant et moralisateur</h2>
<p>Le message a aussi été perçu comme infantilisant. En filigrane, certaines et certains y ont entendu que les femmes ne seraient pas suffisamment matures pour décider par elles-mêmes de décisions relatives à la natalité. <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/rearmement-demographique-les-propos-demmanuel-macron-suscitent-la-colere-des-feministes-27efe6ce-b5ec-11ee-be97-0ca6f5a426b0">Cela a pu être vu comme</a> une « tentative de contrôler le corps des femmes », une volonté de « mettre les ventres des femmes au service de l’État ». <a href="https://rmc.bfmtv.com/actualites/societe/laissez-nos-uterus-en-paix-tolle-des-feministes-sur-le-rearmement-demographique_AD-202401170680.html">« Laissez nos utérus en paix ! »</a> a lancé de son côté la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert.</p>
<p>Ce message était instillé par ailleurs dans une communication descendante, dont le caractère directif, voire autoritaire, apparait dans la qualification « d’injonctions natalistes » <a href="https://www.bfmtv.com/societe/les-propos-de-macron-sur-le-rearmement-demographique-font-un-tolle-a-gauche-et-chez-des-associations-feministes_AD-202401170648.html">utilisée de nombreuses fois à son propos</a>. De ce fait, le message, a priori incitatif, avait tout pour engendrer de la <a href="https://www.cairn.info/marketing-social-et-nudge--9782376875482-page-75.htm">réactance (mécanisme de défense psychologique)</a> en raison d’une liberté qui pouvait sembler menacée. Ainsi, la députée écologiste Sandrine Rousseau a <a href="https://www.leparisien.fr/politique/macron-sur-la-natalite-les-uterus-des-femmes-ne-sont-pas-une-affaire-detat-fustige-rousseau-18-01-2024-WQI2PVOP5RASJGTJ6OD42PM5XA.php">réagi</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque femme est libre de choisir de faire des enfants ou de ne pas en faire » et</p>
<p>« Les femmes font absolument ce qu’elles veulent de leur corps ».</p>
</blockquote>
<p>De plus, le discours émanait d’un représentant des pouvoirs publics envers lesquels la méfiance des Français est grandissante. <a href="https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/N-2305-11464.pdf">Cette absence de confiance envers l’émetteur</a> ne pouvait que renforcer la résistance par une diminution de la crédibilité perçue de la source du message.</p>
<h2>Le délicat recours aux normes sociales</h2>
<p>De même, une composante morale transparaît de ce discours incitatif. Délibérément ou involontairement convoquée, la responsabilité individuelle est ainsi associée à un devoir de reproduction de chaque Français(e). Ce « bon » comportement apparaît de façon plus ou moins explicite comme la clé pour revendiquer un statut de « bon » ou « bonne » citoyen(ne). Or, la stimulation d’un devoir de conformité à des normes sociales est indissociable de la responsabilité morale individuelle. Une communication incitative en faveur de la natalité cherche donc à amener les récepteurs et réceptrices à se conformer à ce qui est présenté comme la norme du groupe, de la communauté. Les cibles ressentent de ce fait une pression sociale. L’individu exposé à cette forme d’influence sociale cherchera donc <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/002200275800200106">à se soumettre</a> pour obtenir l’approbation sociale ou éviter la désapprobation sociale.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Toutefois, le recours explicite ou implicite aux normes sociales exige d’être utilisé avec précaution. D’une part, certaines cibles ayant déjà internalisé une norme morale conforme à leurs valeurs, comme celle de faire des enfants, risquent finalement d’être rebutées par la volonté de persuasion – <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/45767255/Enhancing_or_Disrupting_Guilt_The_Role_o20160519-4175-57fjrw-libre.pdf">notamment si cette dernière est perçue comme manipulatrice</a>. Elles peuvent aussi ressentir une menace sur leur liberté individuelle et <a href="https://www.cairn.info/marketing-social-et-nudge--9782376875482-page-75.htm">développer de la réactance situationnelle</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-prefere-se-passer-des-journalistes-des-quil-le-peut-221367">« Emmanuel Macron préfère se passer des journalistes dès qu’il le peut »</a>
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<p>De surcroît, en appeler à la responsabilité individuelle peut entrer en conflit avec la perception d’une nature infantilisante du message délivré. Il est en effet paradoxal de demander aux cibles de se conduire en adultes responsables et « en même temps » de leur délivrer un message perçu comme infantilisant. « nouveau, la contradiction dans les intentions perçues réduit la persuasion recherchée.</p>
<p>En outre, il existe <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/47395178/Recycling_the_Concept_of_Norms_to_Reduce_Littering_in_Public_Places-libre.pdf">deux types de normes</a>. D’une part, les normes injonctives – fondées sur la perspective de récompenses ou sanctions sociales. D’autre part, les normes descriptives – qui résultent de ce que font les membres de la communauté et de ce qui est considéré comme le comportement « normal ». Ce second type de norme se base fortement sur l’exemple. Or sur ce point, Emmanuel Macron est dans l’impossibilité de se présenter comme <a href="https://theconversation.com/devoir-dexemplarite-detricoter-les-cols-roules-des-politiques-192891">l’exemple à suivre</a>. Cela affaiblit l’effet de norme descriptive et peut sembler paradoxal, comme n’a pas manqué de le noter le collectif féministe <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/rearmement-demographique-les-propos-demmanuel-macron-suscitent-la-colere-des-feministes-27efe6ce-b5ec-11ee-be97-0ca6f5a426b0">Nous Toutes</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Un homme cisgenre de 46 ans sans enfants qui vient nous donner des leçons sur la façon dont on doit utiliser nos utérus… »</p>
</blockquote>
<p>De plus, la mobilisation de normes sociales ou morales risque d’activer des émotions négatives chez celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas les suivre : culpabilité et honte notamment. Il est alors question de réponses affectives de valence négative, susceptibles de déclencher elles aussi des comportements de défense, d’évitement, de déni, voire le fameux effet « boomerang » consistant à <a href="https://books.google.fr/books/about/Communication_and_Persuasion.html?id=j_FoAAAAIAAJ">prendre le contre-pied</a> exact de ce qui est préconisé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1747945785809932547"}"></div></p>
<h2>La confiance, pierre angulaire de la persuasion ?</h2>
<p>En conséquence, et comme le précise la philosophe Cristina <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-06579-000">Bicchieri</a>, pour espérer convaincre en recourant à toutes ces mécaniques d’influence sociale, il ne faut rien négliger. En particulier, Bicchieri pointe la nécessité de :</p>
<blockquote>
<p>« prévoir comment les gens vont interpréter un contexte donné, quels indices ressortiront comme saillants et comment des indices particuliers sont liés à certaines normes ».</p>
</blockquote>
<p>Comme le souligne le chercheur en philosophie de la santé, <a href="https://theconversation.com/les-francais-es-face-a-leur-responsabilite-133726">David Simard</a>, les Français ont un rapport complexe et ambigu à l’autorité et à l’État. De tendance facilement contestataire, ils valorisent la liberté individuelle mais en oublient parfois son corollaire, la responsabilité individuelle. De même, ils ne supportent pas les injonctions mais reprochent facilement à l’État de ne pas définir et/ou de <a href="https://theconversation.com/debat-quand-le-libre-choix-cache-la-societe-disciplinaire-que-denoncait-michel-foucault-138089">ne pas faire respecter des règles</a>. Cela rend l’exercice de la communication incitative encore plus compliqué, surtout à une époque où la confiance dans les élites, dans les médias, dans la Science, dans les politiques semble sérieusement altérée.</p>
<p>Or, en matière de communication liée à la santé (natalité et infertilité s’y rattachent), les chercheurs en psychologie sociale <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21613380">Gabriele Prati</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21957983/">Luca Pietrantoni et Bruna Zani</a> ont montré que cette <a href="https://theconversation.com/politique-une-histoire-de-confiance-186487">confiance</a> représente une clé essentielle de l’efficacité persuasive.</p>
<p>Pour espérer persuader les Français de faire plus d’enfants, il faudrait donc avant toute chose faire (re)naître la confiance… Cela semble passer tout d’abord par une meilleure maîtrise de la psychologie comportementale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221667/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les recherches en communication apportent un éclairage critique sur la rhétorique du « réarmement démographique » utilisée par Emmanuel Macron.Marie-Laure Gavard-Perret, Professeure des universités en gestion, Grenoble IAE, laboratoire CERAG, spécialiste du marketing social et de la communication persuasive et préventive. Co-responsable de la chaire de recherche Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE., Grenoble IAE Graduate School of ManagementMarie-Claire Wilhelm, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Grenoble INP, CERAG, co-responsable de la Chaire Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209482024-01-16T16:19:06Z2024-01-16T16:19:06ZMusique, films, logiciels : quand les messages anti-piratage encouragent… le piratage !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568817/original/file-20240111-19-uv4d8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=340%2C12%2C1703%2C992&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Exemple de campagne de communication affichée aux États-Unis dans les années&nbsp;2000.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/thomashawk/12246570">Flickr/ Thomas Hawk</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/piratage-26347">piratage</a> est un acte courant (<a href="https://www.telerama.fr/ecrans/piratage-de-films-la-pandemie-a-propage-le-virus-de-la-fraude-7010172.php">14 millions de pirates en France en mars 2020</a>) qui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/26/etrange-epoque-ou-pirater-des-films-ou-des-series-est-encore-assimile-a-un-geste-cool_6074492_3232.html">pénalise de nombreux secteurs</a>, aux premiers rangs desquels figurent les industries musicale et cinématographique, ou encore les producteurs de jeux et de logiciels. Les estimations montrent que 37 % des logiciels dans le monde sont piratés, ce qui représente un <a href="https://gss.bsa.org/wp-content/uploads/2018/05/2018_BSA_GSS_Report_en.pdf">manque à gagner qui dépasse les 46 milliards de dollars</a>. Face à ces pratiques illicites, les professionnels et le régulateur ont conçu et mis en place des stratégies, parfois agressives, visant à <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/04/08/le-gouvernement-presente-son-projet-de-loi-pour-lutter-contre-le-piratage-audiovisuel_6076059_3234.html">décourager de tels comportements</a>.</p>
<p>En mai 2023, le Centre national du cinéma et de l’image animée CNC et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ont lancé une campagne de spots radio pour appeler à soutenir la création en évitant les pratiques illégales.</p>
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<iframe style="width:100%;height:100%;position:absolute;left:0px;top:0px;overflow:hidden" frameborder="0" type="text/html" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x8l4oja" width="100%" height="100%" allowfullscreen="" title="Dailymotion Video Player"> </iframe>
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<p>Depuis les années 2000, il est ainsi fréquent que les utilisateurs soient exposés à des messages anti-piratage dans les médias ou au début d’une œuvre. Or, en dépit des intentions claires des concepteurs de ces messages, les effets de ces derniers sont parfois atténués ou, pire, contre-productifs.</p>
<p>Voici donc toute l’ironie de la situation : certaines campagnes visant à décourager le piratage contribuent peut-être finalement à l’encourager. La raison ? Une méconnaissance de certains ressorts du comportement humain.</p>
<h2>« Voleriez-vous une voiture ? »</h2>
<p>Comment dès lors concevoir une campagne pertinente sur un tel sujet ? Les sciences comportementales viennent au secours des secteurs concernés en mettant en évidence trois erreurs fondamentales susceptibles de favoriser le piratage au lieu de le décourager. Ces trois erreurs fréquentes reposent sur le raccourci mental qui laisse penser que <a href="https://doi.org/10.1080/01972243.2022.2095683">« plus est toujours préférable à moins »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/series-et-sport-en-streaming-quand-labondance-doffres-encourage-le-piratage-114754">Séries et sport en streaming : quand l’abondance d’offres encourage le piratage</a>
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<p>La première de ces erreurs est d’asséner au public une longue liste d’arguments contre le piratage. Les concepteurs de ces messages pensent que les arguments s’additionnent les uns et aux autres et donc qu’un plus grand nombre d’arguments sert mieux la cause défendue. Malheureusement, l’audience a plutôt tendance à adopter un raisonnement à la moyenne : les arguments les plus forts en termes de pouvoir persuasif sont dilués par la présence simultanée d’arguments <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11002-014-9286-1">faibles</a>.</p>
<p>Par exemple, le spot vidéo « Le piratage c’est du vol », diffusé au Royaume-Uni au début des films dans les années 2000 commençait par « Voleriez-vous une voiture ? Jamais ! » En comparant le piratage à des exemples raisonnablement pertinents (voler un DVD) tout en y ajoutant des exemples a priori incongrus comme voler une voiture, le message s’en trouvait dilué. Ce spot a ainsi par la suite donné lieu à de nombreuses parodies ou détournements qui le tournent en ridicule.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HmZm8vNHBSU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Spot « Piracy it’s a crime » (Le piratage c’est du vol) diffusé dans les salles de cinéma au Royaume-Uni dans les années 2000.</span></figcaption>
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<p>Une deuxième erreur consiste, comme le fait la <a href="https://www.getitrightfromagenuinesite.org/the-law-what-it-means/">campagne actuellement en cours au Royaume-Uni</a>, à expliquer l’impact du piratage au moyen de nombreux chiffres, comme le nombre d’emplois perdus ou le montant des dommages causés aux industries concernées. Ces statistiques sont souvent froides, incapables de susciter des émotions et d’une certaine façon, déshumanisantes.</p>
<p>Une <a href="http://evene.lefigaro.fr/citation/mort-homme-tragedie-mort-million-hommes-statistique-13144.php">citation</a> attribuée à Staline résume bien cette idée :</p>
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<p>« La mort d’un homme est une tragédie, celle d’un million d’hommes est une statistique ».</p>
</blockquote>
<p>Le fait que les gens ne puissent s’identifier à une victime bien définie et ressentir des émotions prive certains messages anti-piratage d’un pouvoir émotionnel pourtant bien nécessaire.</p>
<h2>« Tout le monde le fait ! »</h2>
<p>La troisième erreur consiste à souligner à quel point le piratage est répandu. Affirmer, comme l’a fait récemment une <a href="https://www.km.gov.lv/lv/jaunums/biedriba-par-legalu-saturu-uzsak-pretpiratisma-socialo-kampanu-0">publicité en Lettonie</a> que « 46 % de la population a déjà piraté des films sur Internet » signale involontairement une norme sociale. Le pirate potentiel peut donc juste sentir qu’il se comporte comme tout le monde.</p>
<p>Au bilan, ne pas pirater « comme tout le monde » reviendrait à être « le dindon de la farce ». Récemment, une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/1467-8721.01242">expérience</a> édifiante l’a encore montré : en cherchant à diminuer le vol de bois fossilisé, le parc national de la « Petrified Forest » en Arizona a en réalité conduit à une augmentation du nombre de vols lorsque les pancartes mentionnaient qu’un grand nombre de visiteurs volaient.</p>
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<p>Même si ces erreurs sont très répandues, des tactiques relativement simples permettent de les corriger. Une première piste serait de sélectionner les arguments les plus puissants. Une autre piste serait de remplacer ou de combiner les statistiques souvent arides avec des récits de victimes du piratage bien identifiées, capables d’éveiller des réactions émotionnelles fortes. Enfin, pour éviter le piège de la norme sociale, il semble souvent préférable d’insister sur l’injonction à ne pas pirater ou de mentionner le nombre de personnes ayant décidé de ne plus pirater.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/series-et-sport-en-streaming-comment-limiter-le-piratage-face-a-leclatement-de-loffre-116203">Séries et sport en streaming : comment limiter le piratage face à l’éclatement de l’offre ?</a>
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<p>Le comportement humain est complexe et les raccourcis habituels du type « plus est préférable à moins » peuvent sembler convaincants. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’influencer efficacement le comportement humain, les sciences comportementales peuvent aider à concevoir des campagnes plus efficaces. Il apparaît donc comme urgent de les intégrer à la réflexion de manière précoce, y compris pour d’autres enjeux cruciaux comme le changement climatique ou la lutte contre la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220948/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les sciences comportementales relèvent trois erreurs de communication qui peuvent expliquer les effets contre-productifs de certains messages visant à lutter contre les pratiques illégales en ligne.Gilles Grolleau, Professor, ESSCA School of ManagementLuc Meunier, Professeur de Finance, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201862024-01-03T17:37:45Z2024-01-03T17:37:45Z20 ans de radars en France : quels autres leviers aujourd’hui pour promouvoir la sécurité routière ?<p>Il y a 20 ans, la France inaugurait son premier <a href="https://theconversation.com/topics/radars-60448">radar automatique</a>. La généralisation du contrôle automatisé qui s’en suivit explique bien en partie la baisse de la mortalité au volant, passant de <a href="https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-linsecurite-routiere/bilans-annuels-de-la-securite-routiere/bilan-2022-de-la-securite-routiere">7 242 victimes en 2002 à 3 550 en 2022</a>. Dans la lutte française contre l’<a href="https://theconversation.com/topics/securite-routiere-48255">insécurité routière</a>, le maniement du bâton représente une approche à l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.aap.2012.11.022">efficacité indéniable</a>. Et la démultiplication des bâtons n’est pas près de disparaitre, comme l’illustre le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037411183">décret publié en juillet 2023</a>, allongeant à 15 la liste des infractions que les radars automatiques pourront désormais sanctionner (bien qu’ils ne soient pas encore capables de toutes les détecter).</p>
<p>Même si le recours à la sanction fonctionne, qu’en est-il néanmoins du recours à d’autres approches en matière de sécurité routière ? Les aurait-on oubliées ? La question se pose d’autant plus que les politiques publiques manifestent un intérêt croissant pour les <a href="https://theconversation.com/le-don-aux-associations-une-incitation-efficace-pour-changer-les-comportements-215608">incitations non contraignantes</a> issues des sciences comportementales. Nos travaux explorent comment cette voie pourrait être empruntée et comment, notamment, favoriser chez les usagers de la route, une motivation à respecter le Code de la route qui soit autre que la crainte d’une amende ou d’un retrait de points sur le permis. Depuis le 1<sup>er</sup> janvier, d'ailleurs, a été <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/12/27/dossier-fin-du-retrait-de-point-pour-les-petits-exces-de-vitesse-tout-savoir-sur-cette-mesure-qui-entre-en-vigueur-au-1er-janvier-11664513.php">supprimé ce retrait de point pour les petits excès de vitesse</a>.</p>
<h2>Deux sources de respect des règles</h2>
<p>L’étude des facteurs favorisant le respect des règles (notamment légales) est classiquement appréhendée sous l’angle de deux grandes approches.</p>
<p>La première est fondée sur la dissuasion : décourager un conducteur de rouler plus vite que nécessaire, par exemple en agitant la menace de se faire flasher. Le mécanisme repose sur la motivation des usagers de la route à éviter les sanctions (notre fameux bâton) en cas de non-respect des règles. Bien que son efficacité sur les routes soit attestée, elle reste néanmoins <a href="https://doi.org/10.4324/9781315130620-14">relative et limitée dans le temps</a>. La dissuasion est également coûteuse car elle nécessite de maintenir une crainte constante du contrôle et de la sanction. La source de motivation reste de plus externe au conducteur. Par ailleurs, le recours à l’autorité est parfois <a href="https://doi.org/10.3917/ems.gallo.2022.01.0075">perçu d’un mauvais œil</a> et peut engendrer un <a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">rejet</a>. En témoignent les nombreuses dégradations de radars durant le mouvement des « gilets jaunes » par exemple.</p>
<p>La seconde approche, qui repose sur la légitimité perçue, fait appel à des motivations de nature plus intrinsèques : l’envie des conducteurs de respecter les règles routières lorsqu’ils les perçoivent, ainsi que les autorités qui les édictent et les font appliquer, comme étant justes, efficaces, morales et cohérentes avec leurs valeurs et leurs représentations des besoins en matière de sécurité routière.</p>
<p>Comment favoriser cette perception de légitimité envers les règles routières ? Y répondre implique de pouvoir définir et modéliser scientifiquement ce « sentiment » de légitimité. Cela implique également de pouvoir mesurer ce sentiment pour juger de l’efficacité (ou de l’inefficacité) des actions visant à le favoriser. C’est dans cette voie que notre équipe, composée des chercheurs de l’Université Catholique de Lille et de l’Université Gustave Eiffel, s’est engagée, réalisant une série de trois études complémentaires.</p>
<h2>Une règle perçue efficace, mieux qu’une grosse sanction</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.aap.2021.106299">La première d’entre-elles</a> est une analyse détaillée de 26 articles scientifiques, dans le but d’identifier les principales définitions de la légitimité perçue déjà existantes dans le champ de la sécurité routière, ainsi que les principaux outils permettant de la mesurer. Il apparaît que le sentiment de légitimité éprouvé envers les règles routières peut se décomposer en quatre paramètres psychologiques. On y retrouve l’efficacité (« Je suis cette règle car elle a un véritable impact sur la sécurité routière »), l’efficience (« Je suis cette règle car elle est bien adaptée, contraignante sans l’être trop »), l’équité (« Je suis cette règle car c’est la même pour tous ») et enfin l’alignement moral (« Je suis cette règle car elle est compatible avec mes valeurs »).</p>
<p>Ceci identifié, la <a href="https://hal.science/hal-04342132v1/document">deuxième de nos études</a> a convoqué un panel de 833 automobilistes représentatifs de la population française pour répondre à deux questionnaires en ligne à 10 jours d’intervalle. Les participants étaient invités à évaluer le ressenti qu’ils avaient sur la légitimité des règles routières dans leur ensemble, et ce, en fonction des quatre paramètres psychosociaux identifiés au-dessus.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566639/original/file-20231219-17-ah59p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du questionnaire soumis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les principaux résultats ont indiqué que la légitimité perçue des règles routières varie peu en fonction de caractéristiques telles que le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle du participant, ou encore l’année d’obtention de son permis. La sensibilité générale aux sanctions, le rapport au temps, l’empathie ou l’orientation politique ne l’influencent pas davantage.</p>
<p>Il est en revanche apparu que parmi les quatre paramètres qui composent la perception de légitimité des règles routières, l’efficacité perçue semble être le meilleur prédicteur du respect des règles. En outre, qu’une règle routière soit perçue comme légitime apparait plus déterminant pour son respect que la perception du risque d’accident ou la perception de la sévérité des sanctions encourues en cas de non-respect des règles.</p>
<h2>Comment communiquer alors ?</h2>
<p>Ces résultats établis, il ne nous restait plus qu’à tester dans quelle mesure la présentation de messages préventifs courts et originaux, jouant chacun sur les différents paramètres de la légitimité, pouvait favoriser le respect des règles routières.</p>
<p>À défaut de pouvoir être réalisée sur simulateur de conduite (en raison de la pandémie de Covid-19 à ce moment-là), notre dernière expérience a été réalisée en ligne, en deux temps et auprès de 1 308 usagers de la route représentatifs de la population française. Nous nous sommes ainsi contentés de leurs comportements déclarés, une mesure qui reste toutefois <a href="https://doi.org/10.1016/j.aap.2014.12.008">scientifiquement valide</a>.</p>
<p>Différents messages basés chacun sur un des quatre paramètres constituant la perception de légitimité ont été élaborés. L’efficacité de ces messages a été comparée à celle de messages mobilisant d’autres leviers plus classiques de changements comportementaux tels que la <a href="https://milgram.ulb.be/100g/episodes-100g/normes-sociales-100g/">norme sociale</a> descriptive (qui renseigne sur la proportion d’individus adoptant ou non un comportement donné) et <a href="https://doi.org/10.1016/j.trf.2022.06.011">dynamique</a> (qui renseigne sur l’évolution de cette proportion), ou l’identification aux automobilistes. D’autres messages croisant ces différents leviers ont également été proposés aux participants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=151&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=151&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=151&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=190&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=190&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566640/original/file-20231219-17-v4imup.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=190&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemples de messages présentés aux participants de la troisième étude. Dans la colonne de gauche, le premier, le second et le troisième message mobilisent respectivement le facteur « efficacité », « efficience » et « alignement moral » des règles routières. Dans la colonne de droite, le premier message mobilise une norme sociale dynamique, le second l’identification aux automobilistes alors que le troisième mobilise en croisement le facteur « efficacité » des règles routières et la norme sociale descriptive.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les résultats indiquent que les messages reposant sur l’efficacité ou l’efficience des règles routières et suscitant l’identification aux automobilistes sont les plus percutants. Ce constat s’observe notamment pour les automobilistes qui attribuent préalablement un faible niveau de légitimité aux règles routières.</p>
<p>Les messages mettant en avant l’alignement moral et ceux qui jouent sur la norme sociale perçue semblent, eux, générer un effet contre-productif : ils diminuent les intentions de respecter les règles routières. Potentiellement perçus comme peu honnêtes, beaucoup pourraient y voir une <a href="https://doi.org/10.3917/ems.gallo.2022.01.0075">tentative de manipulation</a>. Il serait donc préférable d’éviter le recours à ce type de leviers ou de les utiliser dans un format de communication permettant une argumentation plus développée.</p>
<p>Adapter le contenu des messages de sensibilisation diffusés par différents canaux pour rendre plus saillant le sentiment de légitimité comme nous l’avons fait dans cette dernière étude, mais aussi impliquer les usagers de la route dans les processus de création et de mise en œuvre des règles routières pourrait ainsi renforcer la légitimité qu’ils attribuent à ces règles. Le développement d’actions visant à favoriser la légitimité perçue des règles routières pourrait également se faire durant la formation à la conduite, les stages de sensibilisation à la sécurité routière, ou encore les interventions réalisées en milieu scolaire ou professionnel.</p>
<p>La littérature scientifique et les études présentées ici nous enseignent que le sentiment de légitimité représente un levier intéressant pour favoriser la sécurité routière. Si cette approche continuait à être développée, elle permettrait peut-être de réduire le recours au maniement du bâton dans la lutte contre l’insécurité routière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Varet est membre du collectif de chercheurs-consultants Bellegarde.co. Son équipe de recherche (Anthropo-Lab - ETHICS EA 7446) a reçu un soutien financier sur appel à projet de la Délégation à la Sécurité Routière (DSR), pour la réalisation du projet présenté dans cet article ainsi que pour d'autres projets de recherche. Son équipe de recherche a également reçu un soutien financier sur appel à projet de la Fondation MAIF pour la Recherche, pour la réalisation d'un autre projet en lien avec la sécurité routière.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Pelé est membre de l'Anthropo-Lab, équipe de recherche du laboratoire ETHICS EA 7446 de l'Institut Catholique de Lille. Son équipe de recherche a reçu un soutien financier sur appel à projet de la Délégation à la Sécurité Routière (DSR), pour la réalisation du projet présenté dans cet article ainsi que pour d'autres projets de recherche. Son équipe de recherche a également reçu un soutien financier sur appel à projet de la Fondation MAIF pour la Recherche, pour la réalisation d'un autre projet en lien avec la sécurité routière.</span></em></p>Le Code de la route est de plus en plus respecté par crainte des sanctions liées : comment pourrait-il l’être davantage encore en renforçant sa légitimité auprès des conducteurs ?Florent Varet, Chargé de recherche en psychologie sociale, Institut catholique de Lille (ICL)Marie Pelé, Chargée de recherche en éthologie, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188762023-12-25T20:23:45Z2023-12-25T20:23:45ZLa guerre de l’information tous azimuts de la Russie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567164/original/file-20231221-25-uac9ue.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C11%2C1862%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d’écran provenant de l’un des dessins animés produits par la CMP Wagner à destination des pays africains. On voit ici un combattant de Wagner, avec sur la manche un chevron de la CMP et le drapeau russe, voler au secours d’un soldat malien qui défend son pays face à une agression militaire française.
</span> </figcaption></figure><p>Dans sa <a href="https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/revue-nationale-strategique-2022">Revue nationale stratégique (RNS) de 2022</a>, la France a porté l’influence <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=23071">au rang de priorité stratégique</a>. La précédente RNS, <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/2017-revue_strategique_dsn_cle4b3beb.pdf">publiée en 2017</a>, avait déjà été révisée en 2021 afin de préciser les priorités stratégiques françaises à l’horizon de 2030 ; mais les tensions observées en 2022 ont poussé à sa révision anticipée.</p>
<p>L’influence est un sujet majeur des relations internationales. Les acteurs étatiques et privés en ont douloureusement pris conscience avec le début de la guerre dans le Donbass en 2014, puis avec l’affaire <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Le-scandale-Cambridge-Analytica-raconte-linterieur-2020-03-09-1201082963">Cambridge Analytica en 2016</a>. Depuis, la prégnance de cette thématique n’a fait que croître, et elle est devenue incontournable avec la guerre de l’information observée dès l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la sphère informationnelle y étant un <a href="https://theconversation.com/ukraine-la-guerre-se-joue-egalement-dans-le-cyberespace-178846">enjeu de conflictualité significatif</a>.</p>
<p>Marquée par <a href="https://theconversation.com/la-russie-est-elle-vraiment-en-train-de-perdre-la-guerre-de-la-communication-contre-lukraine-183761">différentes étapes</a>, cette guerre de la communication a comporté des <a href="https://theconversation.com/face-a-la-contre-offensive-ukrainienne-la-russie-hesite-sur-la-communication-a-adopter-190622">phases d’hésitation dans la gestion de la rhétorique russe</a> lorsque, au cours de l’été 2022, l’Ukraine gagnait du terrain lors de sa contre-offensive. Moscou a ensuite adapté son discours de façon à survaloriser la portée de victoires de moyenne importance, par exemple <a href="https://theconversation.com/la-bataille-de-soledar-lecons-militaires-et-communicationnelles-198422">lors de la prise de Soledar</a> en janvier 2023.</p>
<p>Enfin, alors que le Kremlin doit gérer une invasion de l’Ukraine plus longue et plus délicate que prévu, son action informationnelle s’étend à d’autres théâtres et domaines pour affaiblir les alliés de Kiev. Pour autant, ces opérations ne sont pas toujours couronnées de succès, comme l’a montré, par exemple, le récent épisode de la peinture au pochoir d’étoiles de David sur les murs de Paris, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/07/pochoirs-d-etoiles-de-david-a-paris-la-piste-d-une-operation-d-ingerence-russe-privilegiee_6198775_3224.html">imputée à la Russie</a>. Rapidement détectée par le <a href="https://www.sgdsn.gouv.fr/notre-organisation/composantes/service-de-vigilance-et-protection-contre-les-ingerences-numeriques">Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum)</a>, l’opération n’a pas eu les conséquences sans doute souhaitées par ses organisateurs.</p>
<h2>L’Occident, une cible de plus en plus cruciale au fil du temps</h2>
<p>Si, au début du conflit, la Russie a davantage axé ses efforts d’influence sur le continent africain et le Moyen-Orient que sur les Occidentaux, l’inscription du conflit dans la durée a infléchi cette orientation. En effet, Moscou parie sur l’usure des soutiens de l’Ukraine et sur leurs divisions que pourraient alimenter des tensions sociales internes, des agendas politiques propres ou des intérêts divergents. L’Ukraine restant profondément dépendante de l’appui occidental, notamment en matière d’armement, tout événement de nature à fragiliser ce soutien aura une importance majeure sur la poursuite du conflit.</p>
<p>En ce sens, l’opération <a href="https://theconversation.com/operation-doppelganger-quand-la-desinformation-russe-vise-la-france-et-dautres-pays-europeens-208071">Dôppelganger</a>, si elle n’était pas originale sur le fond, a revêtu une ampleur inédite. Rappelons que la Russie a, dans ce cadre, créé des « clones » de nombreux journaux occidentaux afin d’y diffuser des contenus visant à nuire à la réputation de l’Ukraine, voire à diviser les Européens. La campagne Dôppelganger a été accompagnée d’un intéressant dispositif de suivi destiné à évaluer la pénétration de cette opération au sein des populations et à mesurer l’effet réel de la campagne.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AQs_hJt9reg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Cette opération avait duré plusieurs mois mais avant d’être officiellement démasquée à l’été 2023. Pour autant, la révélation de l’existence du projet Dôppelganger n’a pas mis un terme aux opérations informationnelles, qui sont la trame de la <a href="https://www.rfi.fr/fr/france/20230929-guerre-cognitive-le-cerveau-nouveau-champ-de-bataille">guerre cognitive</a> à laquelle nous assistons actuellement. Plus récemment, alors que l’attaque du Hamas du 7 octobre a profondément <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/11/le-hamas-fait-tout-pour-attirer-israel-dans-le-piege-d-une-operation-terrestre_6193806_3232.html">déstabilisé le Moyen-Orient</a> et que les Occidentaux craignent que l’onde de choc de cette explosion de violence ne se traduise par des troubles sur leurs territoires, une nouvelle opération a été identifiée.</p>
<p>C’est Viginum qui, en tirant la sonnette d’alarme, a permis à l’État français de <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/russie/evenements/evenements-de-l-annee-2023/article/russie-nouvelle-ingerence-numerique-russe-contre-la-france-09-11-23">mettre officiellement en cause le site « Recent Reliable News » (RNN)</a> pour avoir sciemment amplifié sur la toile l’impact des images d’étoiles de David taguées dans le X<sup>e</sup> arrondissement de Paris.</p>
<p>Outre le millier de bots employés pour relayer l’information au travers de quelque 2 600 tweets, les <a href="https://www.lejdd.fr/societe/etoiles-de-david-taguees-paris-le-couple-interpelle-en-flagrant-delit-ete-renvoye-en-moldavie-139642">ressortissants moldaves</a> interpellés en flagrant délit fin octobre ont indiqué avoir agi moyennant rémunération. Par ailleurs, les enquêteurs sont remontés jusqu’à un <a href="https://www.bfmtv.com/police-justice/etoiles-de-david-taguees-a-paris-le-commanditaire-presume-choque-par-les-accusations-d-antisemitisme_AV-202311100167.html">personnage trouble</a>, connu pour ses anciennes accointances pro-russes en Moldavie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1720333601391124855"}"></div></p>
<p>L’action tentait de capitaliser sur une crise existante et sur un contexte social tendu, marqué par <a href="https://www.la-croix.com/france/Actes-antisemites-France-justice-elle-moyens-sanctionner-2023-11-02-1201289161">l’augmentation des agressions physiques contre des personnes juives</a>, afin d’en tirer profit en termes d’influence et de guerre cognitive.</p>
<h2>La démultiplication des zones de crises</h2>
<p>Cette instrumentalisation de contextes perturbés dans le but de les exacerber et d’en tirer profit pour la Russie est une méthode qui a été souvent employée, y compris assez récemment sur le continent africain, nouveau théâtre de confrontation avec l’Occident, et spécialement avec la France. Des versions africaines des médias <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer">Sputnik et RT</a> ont été lancées dès 2014, et on a également constaté, dès 2018, la présence de groupes de mercenaires, comme Wagner, <a href="https://www.irsem.fr/media/report-irsem-97-russia-mali-en.pdf">notamment au Soudan et en République centrafricaine (RCA)</a>.</p>
<p>Dans le même sens, ont fait leur apparition des films produits par des agences de la constellation Prigojine comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210603-centrafrique-touriste-une-fiction-au-service-de-la-propagande-russe">« <em>Le Touriste</em> »</a> ou « <em>Granit</em> », produits par la <a href="https://www.areion24.news/2022/06/10/le-geant-endormi-lessor-du-cinema-comme-instrument-de-soft-power-russe/6/">société Aurum</a>.</p>
<p>Plus récemment encore, des dessins animés présentant la France et ses forces armées tour à tour comme des serpents, des rats ou des zombies ont déferlé sur l’Afrique de l’Ouest, et plusieurs pseudo-fondations et ONG ont repris des dialectiques servant les intérêts russes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DPiG6GbUjAk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En outre, après que le président Bazoum au Niger, considéré comme proche de la France, a été <a href="https://theconversation.com/niger-le-putsch-de-trop-211846">renversé par un coup d’État militaire</a> rapidement soutenu par la sphère informationnelle rattachée à la Russie, l’armée française a été <a href="https://www.tf1info.fr/international/niger-une-campagne-de-desinformation-menee-par-moscou-accuse-l-armee-francaise-d-avoir-enleve-des-enfants-enlevements-2266282.html">accusée d’avoir enlevé des enfants dans ce pays dans le cadre d’un trafic pédophile</a>. Ces contenus, diffusés par une « fondation de défense des droits de l’homme » <a href="https://fondfbr.ru/fr/articles_fr/france-niger-minors-fr/">connue pour être une officine de désinformation rattachée à la Russie</a> et pour avoir gravité dans la mouvance d’Evguéni Prigojine, seront repris par Dimitri Poliansky, représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies <a href="https://archive.ph/ZsFZP">sur son compte Telegram</a>.</p>
<h2>La psychologie humaine, un champ de bataille parmi d’autres</h2>
<p>La guerre cognitive peut être définie comme la militarisation de tous les aspects de la société, y compris de la psychologie humaine et des relations sociales, afin de modifier les convictions des individus et, in fine, leur façon d’agir.</p>
<p>Ce thème, et le concept qui le sous-tend, sont pris au sérieux au point d’avoir été le sujet du défi d’innovation de l’OTAN de l’automne 2021, organisé par le Canada cet automne-là, qui s’intitulait <a href="https://www.canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/campagnes/defi-d-innovation-de-l-otan-automne-2021.html">« La menace invisible : Des outils pour lutter contre la guerre cognitive »</a>.</p>
<p>Dans le cas présent, la démultiplication des crises peut, en tant que telle, représenter une forme de « stress test » visant à mesurer la capacité des Occidentaux à gérer une pluralité de désordres. En outre, le continent africain est un enjeu d’autant plus important pour la Russie que les sanctions européennes consécutives à l’invasion de l’Ukraine poussent le Kremlin à diversifier ses sources de financement, par exemple en recourant à des sociétés militaires privées afin de capter des fonds et des matières premières pour concourir au soutien d’une économie russe contrainte d’assumer l’effort de sa guerre contre l’Ukraine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En de nombreux points du globe, la Russie mène de nombreuses opérations informationnelles visant à affaiblir les alliés de l’Ukraine.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188772023-12-21T17:37:23Z2023-12-21T17:37:23Z« Bouge 30 minutes chaque jour » : la campagne manque-t-elle sa cible ?<p>« <a href="https://www.gouvernement.fr/les-priorites/bouge-30-minutes">Bouge 30 minutes chaque jour !</a> », tel est le slogan de la <a href="https://www.grandecause-sport.fr">Grande cause nationale 2024</a>, <a href="https://www.sports.gouv.fr/presentation-de-la-grande-cause-nationale-2024-par-amelie-oudea-castera-ministre-des-sports-et-des">récemment dévoilée par la ministre des Sports</a>, et massivement diffusé par les médias, avec des <a href="https://youtu.be/X81WD4JfA9I?feature=shared">ambassadeurs sportifs</a> de <a href="https://youtu.be/nHHQW4OKYTk?feature=shared">renom</a>. L’argumentaire est clair : la <a href="https://theconversation.com/gare-a-la-sedentarite-deux-semaines-sans-bouger-peuvent-ruiner-la-sante-151081">sédentarité</a> est le <a href="https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1211">mal du siècle et augmente le risque de décès prématurés de 20 à 30 %</a>. Pratiquer une activité physique régulière est essentiel pour prévenir les pathologies chroniques et les accidents cardiaques et cérébraux, mais aussi pour préserver la <a href="https://theconversation.com/bouger-dehors-cet-hiver-sera-plus-que-jamais-necessaire-pour-garder-le-moral-149950">santé mentale</a>. Des recherches biomédicales très développées en attestent, <a href="https://www.inserm.fr/expertise-collective/activite-physique-prevention-et-traitement-maladies-chroniques/">avec un niveau de preuve très élevé</a>.</p>
<p>Pour autant, un regard sociologique sur ces orientations gouvernementales montre les paradoxes de ces campagnes de promotion de la santé par les activités physiques et sportives. Là aussi, la littérature scientifique est très avancée, mais malheureusement peu prise en compte.</p>
<h2>Entrepreneur de sa santé</h2>
<p>Les campagnes de communication privilégiées par l’État posent question. Leur vision de la prévention est à questionner. La démarche proposée est basée sur les théories du <a href="https://theconversation.com/comment-tenir-vraiment-vos-bonnes-resolutions-en-2017-70802">changement comportemental</a> : la motivation individuelle est au cœur du processus. Il s’agit de convaincre et mobiliser le sujet afin de créer des routines personnelles pour changer de modes de vie. L’idée est d’amener la population à se prendre en charge, à être entrepreneuse de soi-même pour chaque jour intégrer l’activité physique et/ou le sport dans son emploi du temps. L’auto-responsabilisation est de mise, avec son corollaire, la culpabilisation.</p>
<p><a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_conversion_des_corps_bouger_pour_etre_sain_gilles_vieille_marchiset-9782343189260-64511.html">Nos enquêtes dans plusieurs pays européens</a> révèlent la diffusion de ce paradigme gestionnaire, très éloigné de la vie quotidienne des populations socialement défavorisées (celles qu’il faut convaincre en priorité), souvent débordées par l’urgence du quotidien.</p>
<p>Cette vision néo-libérale, qui irrigue les hautes sphères gouvernementales de la plupart des pays occidentaux, privilégie des campagnes de communication généralistes, notamment des spots publicitaires dans les grands médias (en déléguant l’action de l’État à des entreprises de communication privées). Là où L’État pourrait avoir une approche privilégiant des actions de proximité, il choisit une action par le haut et déplace la responsabilité vers les populations, appelées à se prendre en charge. Cette approche se révèle souvent improductive.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pour aller plus loin, un documentaire Arte éclairant.</span></figcaption>
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<h2>Un message peu clair et inefficace ?</h2>
<p>Tout d’abord, l’ambiguïté demeure dans la définition des termes : sport et/ou activité physique. Les messages sont constamment brouillés. D’un côté, l’activité physique quotidienne est préconisée dans sa version la plus large : <a href="https://youtu.be/ZXoTVmyGLSk?feature=shared">mobilités, ménage, jardinage</a>. De l’autre, les bienfaits du sport sont également défendus <a href="https://youtu.be/X81WD4JfA9I?feature=shared">par des champions</a>, dont le niveau de pratique et le mode de vie sont inaccessibles pour la grande majorité de la population.</p>
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<p>Certes, la pratique sportive est en hausse en France (<a href="https://injep.fr/publication/les-chiffres-cles-du-sport-2023/">60 % en 2023 contre 54 % en 2018</a>), mais les inégalités sociales et territoriales restent très fortes. Le sport demeure très éloigné des modes de vie des populations sédentaires, souvent marquées par des expériences sportives désagréables (à l’école ou en club) ou socialement défavorisées.</p>
<p>Le sport reste en effet moins accessible pour les classes populaires, <a href="https://injep.fr/publication/les-chiffres-cles-du-sport-2023/">notamment chez les femmes</a>. Les personnes que nous avons interrogées connaissent parfois les slogans, mais ont des difficultés à les appliquer au jour le jour : les urgences du quotidien (travail, alimentation, transport, aide aux devoirs) priment. Une mère de famille interviewée dans un quartier populaire de Strasbourg précise :</p>
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<p>“J’essaie d’y aller, au fitness… j’ai failli y aller aujourd’hui, mais bon j’avais aussi les lessives. Toutes ces choses, pour qu’après la semaine, j’arrive à suivre le rythme normal !”</p>
</blockquote>
<p>Dès lors, même si les messages sont répétés continuellement, notamment lors d’événements promotionnels (challenges sportifs, collecte de matériels, festivals, etc.), comme pour les appels à la consommation de fruits et de légumes, <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_conversion_des_corps_bouger_pour_etre_sain_gilles_vieille_marchiset-9782343189260-64511.html">ces slogans peinent à être appliqués</a>, surtout par les populations éloignées des modes de vie sain défendus. Comme le montrent <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_conversion_des_corps_bouger_pour_etre_sain_gilles_vieille_marchiset-9782343189260-64511.html">nos enquêtes dans quatre pays européens</a>, seuls les plus avertis, déjà actifs, intègrent finalement les messages de santé publique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/30-minutes-dactivite-physique-a-lecole-un-dispositif-contre-la-sedentarite-a-questionner-212817">« 30 minutes d'activité physique » à l’école : un dispositif contre la sédentarité à questionner</a>
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<h2>Des solutions existent !</h2>
<p>La démarche de promotion de la santé par les activités physiques doit prendre en compte les modes de vie difficiles des personnes sédentaires : des freins culturels, économiques et environnementaux sont à lever. La question des équipements de proximité est cruciale : le manque d’équipements sportifs est criant, notamment dans les grandes agglomérations. Le soutien de l’entourage et l’accompagnement par des professionnels de l’activité physique bien formés (à l’université) est primordiale. Le tissu associatif local doit être mobilisé dans la durée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cxLiOhKkARA?wmode=transparent&start=13" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un programme de recherche européen sur la promotion de la santé par l’activité physique et leur réception par les classes populaires.</span></figcaption>
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<p>Il est indispensable donc de valoriser une approche territorialisée, de partir des ressources locales pour construire des projets locaux de développement de l’activité physique et sportive pour toutes et tous (la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/279107-loi-2-mars-2022-democratiser-le-sport-en-france#:%7E:text=La%20loi%20porte%20sur%20trois,mod%C3%A8le%20%C3%A9conomique%20vertueux%20au%20secteur.">loi du 2 mars 2022</a> visant à démocratiser le sport en France, prévoit le développement de plans sportifs locaux). Les recherches-formations collaboratives menées en Seine-Saint-Denis (<a href="https://www.professionbanlieue.org/Innovation-pedagogie-par-le-sport-un-heritage-social-des-Jeux-Olympiques-et">Profession banlieue</a>) ou en Alsace (<a href="https://vimeo.com/796675913/7e34c7425a">Les Olympiades des ainés</a>) ouvrent de belles perspectives. L’idée est de créer des environnements physiques et humains favorables à la pratique du plus grand nombre.</p>
<p>A ce niveau, la participation sociale des populations locales est à intégrer dans les dispositifs innovants. Il convient de construire des eco-systèmes reliant toutes les parties prenantes dans chaque ville ou communauté de communes rurales. L’aménagement urbain peut ainsi être combiné à la mobilisation des associations, mais aussi des habitants. Des expérimentations sont en cours, <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/ilsontlasolution/en-haute-marne-saint-dizier-veut-faire-bouger-ses-habitants-avec-le-design-actif_5397037.html">comme à Saint Dizier</a>.</p>
<p>Bien que critiques, les travaux sociologiques sont aussi forces de propositions pour faire de la promotion des activités physiques une grande cause nationale réussie. Néanmoins, un changement de perspective est indispensable pour lever les paradoxes mis en avant. Les solutions existent. Une vision écosystémique et territorialisée est à organiser en mobilisant les collectivités locales, les clubs sportifs, les associations socioculturelles, les entreprises et surtout les populations. Cette démarche pourrait même être un héritage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. La balle est dans le camp des élus locaux pour agir au plus près des populations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles VIEILLE MARCHISET est vice-président de l'Institut de recherche collaborative sur l'activité physique et la promotion de la santé (ReCAPPS). Il a reçu des financements de l'Université de Strasbourg (Initiative d'Excellence), de l'Agence régionale de santé Grand Est et de la Collectivité européenne d'Alsace. </span></em></p>La promotion de l’activité physique et sportive sera la grande cause nationale de 2024. Mais la communication interroge : seules les personnes déjà actives semblent intégrer les messages.Gilles Vieille Marchiset, Professeur de sciences sociales, directeur de l'Unité de recherche Sport et Sciences sociales, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186612023-11-29T17:22:03Z2023-11-29T17:22:03ZÉconomie durable : la location, cela peut aussi profiter aux entreprises<p>La campagne de Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui commence en cette fin du mois de novembre 2023, a été interprétée dès sa sortie comme dirigée contre la vente de biens de consommation, avec le personnage emblématique d’un « dévendeur » et son badge étiqueté sur sa poitrine. Si la campagne peut se comprendre du point de vue environnemental, elle a braqué les commerçants à un moment de l’année où ils comptent bien réaliser un important chiffre d’affaires, entre opérations promotionnelles du Black Friday et fêtes de Noël en perspectives.</p>
<p>La campagne a divisé <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/contre-le-black-friday-une-campagne-maladroite-du-gouvernement-divise-bechu-et-le-maire_226165.html">jusqu’au sein du gouvernement</a>. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a ainsi « assumé » cette communication (qui <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/la-campagne-critiquee-de-l-ademe-sur-la-sobriete-ne-sera-pas-retiree-affirme-christophe-bechu-7512436">reste maintenue</a> malgré les demandes visant son retrait) tandis que le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, l’a jugée « maladroite ».</p>
<p>En fait, la campagne peut être comprise comme visant à promouvoir d’abord une consommation plus raisonnée, avec en particulier la mise en avant du prêt (on peut toujours rêver…) mais surtout de la <strong>location</strong> des biens de consommation au détriment de la <strong>vente</strong>. Cela ne concerne évidemment que les biens durables car on ne peut bien entendu pas louer les biens non durables comme la nourriture.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le dévendeur et la ponceuse », campagne de l’Ademe (novembre 2023).</span></figcaption>
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<p>Les producteurs et les commerçants ne devraient pourtant pas s’alarmer car choisir de louer plutôt que de vendre est souvent dans leur intérêt : dans de nombreux cas, la location apparaît bel et bien dans l’intérêt des entreprises.</p>
<h2>Plus de voitures louées que vendues</h2>
<p>La <a href="https://mitpress.mit.edu/9780262200714/the-theory-of-industrial-organization/">théorie micro-économique</a> enseigne que, lorsque le prix du bien durable est susceptible de chuter au cours du temps (par obsolescence ou parce que d’autres modèles plus performants arrivent sur le marché ou parce que le bien ne peut être facilement réparé), l’entreprise a intérêt à privilégier la location des biens qu’il produit plutôt que la vente. Il s’agit là d’un intérêt « égoïste » et non d’une volonté d’aller vers un comportement plus responsable.</p>
<p>En effet, si l’entreprise ne peut pas s’engager sur la valeur future du bien, le consommateur risque d’attendre avant d’acheter. Dans le cas d’une location, celui-ci ne craint alors plus rien puisqu’il n’est pas propriétaire du bien : il loue donc le bien dans la période présente et il pourra toujours décider de ne pas le louer dans la période future si les conditions sont devenues défavorables.</p>
<p>La location est par exemple particulièrement prisée pour les automobiles, désormais <a href="https://www.24matins.fr/etude-la-location-de-voiture-depasse-lachat-une-premiere-en-france-1352791">davantage louées sur de longues périodes que vendues</a>. Pour les véhicules électriques, d’une part le prix futur pourrait baisser pour un même modèle du fait des économies d’échelle, mais aussi parce qu’il existe encore des incertitudes sur le vieillissement des batteries, la disponibilité des pièces détachées ou encore en termes deréglementation (si de nouvelles aides d’État sont débloquées par exemple).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561926/original/file-20231127-27-vb2m5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les véhicules, notamment électriques, sont désormais davantage loués qu’achetés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/route-voiture-vehicule-mouvement-13928020/">Hyundai/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour l’outillage, la location se pratique dans les magasins de bricolage, malgré le coût assez élevé, car le client particulier en a peu l’usage et a peu de place pour le stocker chez lui. En revanche, pour les ordinateurs portables, dont le marché est stabilisé, on ne pratique quasiment pas la location. Si elle était pratiquée, celle-ci ne le serait que pour des motifs écologiques.</p>
<h2>Une révolution pour le commerce</h2>
<p>Si la location est impossible pour une raison ou une autre, la firme peut contourner le problème en restant sur le système de la vente, mais à la condition de pouvoir proposer un engagement crédible. Plusieurs pistes sont possibles :</p>
<ul>
<li><p>par un contrat qui prévoirait un nombre maximal d’objets produits (pour maintenir la rareté et empêcher le prix de chuter), la fourniture des pièces détachées, etc. Le contrat doit être intertemporel et couvrir les deux périodes présente et future.</p></li>
<li><p>en déposant un certain montant d’argent auprès d’un tiers de confiance, montant que la firme perdrait en cas de non-respect de son obligation. C’est possible en théorie mais sans doute moins en pratique.</p></li>
</ul>
<p>En revanche, l’entreprise n’aura pas besoin de s’engager si sa marque est réputée – et de préférence dans le haut de gamme, donc chère. On peut citer comme exemples emblématiques de ce type de marques le géant du numérique Apple ou encore les constructeurs allemands BMW, Audi et Mercedes.</p>
<p>Pour les biens de luxe, la location est généralement exclue. En effet, pour le consommateur, louer un bien de luxe, fondamentalement ostentatoire, comme une montre Rolex, ruinerait l’effet d’ostentation : il lui faut donc nécessairement l’acheter. Toutefois, pour certaines autres catégories de biens de luxe comme les jets d’affaires (par exemple les Falcon 900EX ou les Gulfstream III), l’ostentation reste compatible avec la location.</p>
<p>Au bilan, comme on le voit, le débat vente ou location n’est pas si simple et va bien au-delà de la simple protection de l’environnement quand on regarde du côté des firmes. Pour les commerçants et revendeurs, le passage à la location signifie le passage d’une activité commerciale à une activité de service, une vraie révolution pour eux. C’est bien cela qui les inquiète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218661/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis de Mesnard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon la théorie microéconomique, mettre à disposition un bien sur une durée déterminée permet aux loueurs de se prémunir contre des baisses de prix.Louis de Mesnard, Professeur émérite de Sciences de Gestion, IAE Dijon, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143542023-11-21T14:39:16Z2023-11-21T14:39:16ZLes médias sociaux, une arme à double tranchant pour l’image des syndicats<p>L’image des syndicats est souvent évoquée pour expliquer <a href="https://doi.org/10.25318/36280001202201100001-eng">l’érosion du taux de syndicalisation au Canada au cours des quatre dernières décennies</a>, qui a passé de 38 % en 1981 à 29 % en 2022. Les travailleurs peinent à <a href="https://doi.org/10.1177/102425890701300204">s’identifier aux syndicats, perçus comme des organisations vieillissantes, et donc à s’y engager</a>.</p>
<p>Les médias sociaux font naître <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_dialogue/---actrav/documents/publication/wcms_875935.pdf">l’espoir d’un vent de renouveau pour le mouvement syndical</a>. Ces plates-formes leur offrent en effet – au moins en théorie – la possibilité d’améliorer leur image en fluidifiant la communication avec leurs membres, en adoptant de nouvelles méthodes de mobilisation et en s’adressant à un public plus jeune et connecté.</p>
<p>Néanmoins, les espoirs suscités par les médias sociaux pour redorer l’image des syndicats s’avèrent en partie déçus. <a href="https://doi.org/10.1177/00221856231192322">Nos recherches récentes</a> révèlent quatre effets de distorsion que les médias sociaux peuvent avoir sur l’image des syndicats. Si ces effets peuvent contribuer à revitaliser leur image publique, ils peuvent également aboutir au résultat inverse et représenter une menace tout à fait sérieuse : celle de les rendre invisibles.</p>
<h2>Facteur de division</h2>
<p>Une première conséquence des médias sociaux est qu’ils peuvent exacerber les clivages entre les syndicats et les employeurs ou les gouvernements. Un phénomène qui n’est pas sans rappeler la <a href="https://www.pewresearch.org/politics/2014/06/12/political-polarization-in-the-american-public/">polarisation qui frappe la sphère politique</a>.</p>
<p>Selon les responsables syndicaux avec lesquels nous nous sommes entretenus, cette polarisation en ligne est en partie attribuable aux normes de communication sur les médias sociaux, marquées notamment par une <a href="https://theconversation.com/its-not-just-bad-behavior-why-social-media-design-makes-it-hard-to-have-constructive-disagreements-online-161337">grande tolérance à l’égard des postures virulentes et agressives</a>. L’incitatif à communiquer de manière plus clivante en ligne découlerait également de la concurrence féroce à laquelle doivent se livrer les communicants pour capter l’attention fugace des utilisateurs des médias sociaux.</p>
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<img alt="Images of social media likes, follows, and comments float above a hand scrolling on a cell phone screen" src="https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548897/original/file-20230918-21-ek67qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La structure et la culture associées aux médias sociaux incitent certains syndicats à adopter des styles de communication plus brefs, moins nuancés et plus affirmatifs, dans le but de rallier leurs partisans et d’amplifier la portée de leurs messages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La structure et la culture associées aux médias sociaux incitent ainsi certains syndicats à adopter des styles de communication plus brefs, moins nuancés et plus affirmatifs, dans le but de rallier leurs partisans et d’amplifier la portée de leurs messages.</p>
<p>L’effet de polarisation en ligne n’affecte pas tous les syndicats de la même manière. Nos résultats indiquent que les syndicats les plus touchés par cet effet sont souvent ceux les plus militants.</p>
<h2>Tout à l’égo</h2>
<p>Les médias sociaux peuvent également contribuer à déformer l’image numérique des syndicats en encourageant des comportements autocentrés. Il a déjà été démontré que les médias sociaux <a href="https://doi.org/10.1037/ppm0000137">encouragent les individus à adopter des comportements narcissiques</a>. Notre étude révèle que cette tendance se manifeste également pour des organisations comme les syndicats.</p>
<p>Les médias sociaux encouragent en effet les syndicats à mettre en scène leurs membres de manière extrêmement positive. Cette survalorisation de l’effectif syndical s’explique essentiellement par les règles du jeu algorithmique des médias sociaux. En d’autres termes, le contenu faisant l’éloge des membres d’un syndicat aurait tendance, selon les responsables syndicaux, à susciter davantage d’engagement (likes, commentaires ou partages). Par conséquent, certains gestionnaires de médias sociaux privilégient les contenus célébrant les mérites des membres afin de maximiser la viralité de leur communication en ligne. </p>
<p>Cette tendance au « tout à l’égo » semble le plus prononcée dans les syndicats dont l’effectif est homogène et l’identité professionnelle forte, où il est incidemment plus aisé d’encourager un sentiment de fierté professionnelle. </p>
<h2>Grossir ses traits jusqu’à la caricature</h2>
<p>La troisième façon dont les médias sociaux peuvent déformer l’image en ligne des syndicats est en exagérant certains de leurs caractéristiques ou traits identitaires au point de les rendre grotesques ou caricaturales.</p>
<p>Ce type de distorsion découle notamment du sentiment d’obligation perçu par certains syndicats d’alimenter régulièrement leurs comptes de média sociaux. À cet égard, soulignons que tous les syndicats de notre étude publient entre cinq et sept messages par semaine sur leurs pages Facebook. </p>
<p>Cependant, tous les syndicats ne disposent pas de contenu nouveau ou attrayant à partager sur une base aussi régulière. Pour satisfaire à la boulimie des médias sociaux, certains syndicats se rabattent sur le partage en ligne d’activités aussi routinières que des réunions, formations ou assemblées syndicales. Répétées à l’envi, ces scènes banales de la vie syndicale finissent par grossir exagérément les caractéristiques bureaucratiques de ces organisations. </p>
<p>C’est donc sans surprise que les syndicats ayant une <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/oi/authority.20110803110716472">culture bureaucratique</a> prononcée sont les plus susceptibles de s’autocaricaturer en ligne.</p>
<h2>Noyés dans l’actualité</h2>
<p>L’effet d’effacement est la dernière distorsion que les médias sociaux peuvent faire subir aux images numériques des syndicats. Un phénomène identique se produit lorsque les gestionnaires de médias sociaux abreuvent les comptes des syndicats de flots d’articles de presse et de republications, plutôt que de partager du contenu directement lié au syndicat.</p>
<p>Dans pareille situation, la visibilité numérique du syndicat décline, au point de rendre son identité diaphane. Cet effet est encore plus prononcé lorsque le partage d’article ou la republication n’est accompagné d’aucun texte introductif qui tisse un lien entre la nouvelle et le syndicat ou ses membres. </p>
<p>Les syndicats les plus exposés à l’effet d’effacement sont ceux dont les responsables des médias sociaux manquent d’expertise ou ceux dont le modèle de syndicalisme est axé sur la <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/oi/authority.20110803100456590">prestation de services</a></p>
<p>plutôt que sur la mobilisation active des membres.</p>
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<img alt="An laptop open to a news article is seen over the shoulder of a young woman" src="https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548903/original/file-20230918-27-77a0sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les syndicats dont les médias sociaux sont noyés sous un flot d’articles de presse et de republications risquent de brouiller leur image au point de devenir invisibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Les risques de l’invisibilité numérique</h2>
<p>Les médias sociaux apparaissent donc comme une arme à double tranchant pour les syndicats. Si certains effets de distorsion peuvent avoir des résultats positifs, d’autres apparaissent comme clairement négatifs. La polarisation et l’égocentrisme, par exemple, peuvent être bénéfiques parce qu’ils augmentent l’engagement en ligne. Au contraire, les effets de caricature et d’effacement conduisent à réduire le nombre de réactions.</p>
<p>Un contenu peu engageant tend à devenir invisible en raison du fonctionnement des algorithmes des médias sociaux. Les syndicats <a href="https://doi.org/10.1177/0022185620979337">soumis à ces effets</a> courent ainsi le risque d’être marginalisés de la sphère publique numérique.</p>
<p>La communication étant un levier essentiel du pouvoir syndical, il est donc à craindre que les médias sociaux n’affaiblissent leur capacité à défendre les droits des travailleurs, au lieu de la renforcer. Notre étude souligne alors la nécessité pour les syndicats de réfléchir à la manière dont ils peuvent construire une image en ligne qui soit à la fois efficace, engageante et alignée sur leur identité organisationnelle. À l’ère numérique, les syndicats doivent trouver le bon dosage entre l’engagement et la visibilité algorithmique pour redorer leur image.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214354/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Lévesque a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec- Société et culture. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc-Antonin Hennebert et Vincent Pasquier ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Si le paysage numérique offre aux syndicats des possibilités d’engagement et de mobilisation de leurs membres, il présente également des défis, notamment le risque d’être marginalisé dans le vaste univers virtuel.Vincent Pasquier, Professeur en GRH et relations professionnelles, HEC MontréalChristian Lévesque, Professeur de Relations du Travail, HEC MontréalMarc-Antonin Hennebert, Professor of Human Resources Management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143172023-11-21T14:39:11Z2023-11-21T14:39:11ZFaire le mauvais buzz sur les réseaux sociaux, ça vous tente ? Voici comment !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559387/original/file-20231114-25-wra0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C989%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parce qu'elles prennent l'esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://semji.com/fr/guide/quest-ce-qu-un-bad-buzz/">Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet</a>, c’est-à-dire « faire le mauvais buzz », ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.</p>
<p>C’est manifestement ce qui est arrivé aux trois personnes dont je présente ici les cas embarrassants, avec le projet de décrypter les raisons de leur mauvaise fortune. Mon objectif n’est pas de mettre en cause la valeur de leurs idées ou de leurs combats (féminisme, LGBTisme ou antispécisme), mais plutôt d’examiner leurs stratégies de communication à partir de mon point de vue d’<a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">artiste anthropologue</a>.</p>
<p>Plus spécifiquement, je souhaite mettre en lumière les <a href="https://ifftb.com/wiki/cadrage-effet-de/">effets de cadrage</a> qui les ont desservies et que je soupçonne être la principale cause de l’énorme dégât de commentaires désobligeants qui ont été formulés à leur endroit, avec atteinte à leur réputation sur les réseaux sociaux. </p>
<p>Construit sur les fondements de mon étude du <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/27428">changement d’état d’esprit</a>, cet article s’intéresse aux ruptures de cadre provoquées par des communicateurs malhabiles ainsi qu’aux répercussions psychiques de leurs prestations sur l’humeur d’internautes mal préparés à cette expérience. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-talk-shows-quon-aime-des-machines-a-broyer-la-dignite-198044">Les talk-shows qu’on aime : des machines à broyer la dignité ?</a>
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<h2>La « théorie des cadres » en communication</h2>
<p>Les techniques de <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/10320?lang=fr">cadrage</a> et de <a href="https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2006-4-page-377.htm">recadrage</a> soutenues par les principes fondamentaux de la communication sont utilisées en psychiatrie, en thérapie familiale, en publicité, en arts et en gestion médiatique des comportements sociaux ou privés, principalement. </p>
<p>La théorie générale qui sous-tend ces différentes applications est souvent attribuée au sociologue Erving Goffman, dont la pensée sur le sujet fait l’objet du livre intitulé <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Les_Cadres_de_l%E2%80%99exp%C3%A9rience-2094-1-1-0-1.html">« Les cadres de l’expérience »</a>. Le principe central de cette théorie est que <a href="https://tactics.convertize.com/fr/definitions/framing-effect-effet-de-cadrage">« nous réagissons différemment aux messages ou aux choix que l’on nous soumet en fonction de la manière dont on nous les présente »</a>.</p>
<p>La théorie des cadres est toutefois antérieure aux travaux de Goffman. Elle prend racine dans l’œuvre de l’anthropologue Gregory Bateson et de ses partenaires de l’<a href="https://www.cairn.info/l-ecole-de-palo-alto--9782130606628.htm">École de Palo Alto</a>. Cette équipe de recherche a établi des rapports significatifs entre <a href="http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/bateson/eco-esprit/2-3-0-formes-pathologies-relations2.htm">pathologies de la communication et pathologies des relations sociales</a>. </p>
<p>C’est sous le nom de <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2001-1-page-229.htm">« syndrome trancontextuel »</a> que Bateson a regroupé les réactions émotives et psychiques observées chez des personnes confrontées à l’expérience brutale d’une rupture de cadre – ou d’une « transgression » des contextes de communication – lorsque celle-ci se produit dans le cours d’un échange significatif. C’est cette épreuve cognitive à la fois troublante et risquée que parodie avec humour la scène suivante construite sur le modèle de la « caméra cachée ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NG08aAve42E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si les ruptures de cadre peuvent provoquer le rire lorsqu’elles sont mises en scène, elles peuvent aussi entraîner la perplexité, la colère ou même la <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/430">souffrance psychique</a> lorsqu’elles se produisent dans la réalité.</p>
<h2>Trois buzz négatifs</h2>
<p>Les trois vidéos qui suivent présentent des cas d’espèce dont les conséquences sur les internautes sont facilement discernables grâce à la présence visible de commentaires, d’apartés et de réactions exprimées au moyen de <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert/raconte-moi-robert/mot-jour/meme.html">mèmes</a>, comme celui que constitue le <a href="https://www.rtl.fr/culture/cine-series/qui-etait-juan-joya-borja-alias-el-risitas-l-homme-derriere-le-rire-culte-d-internet-7900026236">rire culte de l’humoriste espagnol El Risitas</a>. </p>
<p>Le premier cas est celui d’une entrevue donnée par Typhaine D, une militante dont l’apostolat est de <a href="https://typhaine-d.com/index.php/actualites/234-manifeste-de-la-feminine-universelle">promouvoir une langue « féminine universelle »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hNKGMPqAwQE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’effet déjanté de ses prestations, que ce soit dans la vidéo ci-dessus ou dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v4J3m7VnlS8">conférence TEDx Talks de 2022</a>, est une conséquence de sa manière d’enchevêtrer des cadres discursifs réciproquement incompatibles sans avoir l’air de s’en apercevoir : celui du débat d’idées et celui de la comédie burlesque. Pour les personnes qui en ressentent les effets, il en résulte un paradoxe qui les coince entre des émotions contradictoires, comme en témoignent les commentaires laissés sous ses vidéos :</p>
<ul>
<li><p>😂 Franchement, j’ai beaucoup ri ! Puis après je me suis souvenu que cette personne existe pour de vrai et qu’elle n’est pas internée en psychiatrie…</p></li>
<li><p>😵💫 Il n’y a pas de mot assez fort pour décrire le malaise que j’ai éprouvé durant cette vidéo… </p></li>
<li><p>🤔 Je n’ai pas su définir si c’était de l’humour ou un exposé féministe. Je ne sais pas s’il faut que je pleure ou que je rigole ?</p></li>
</ul>
<p>Le deuxième cas concerne Arnaud Gauthier-Fawas, responsable d’une association militante pour les <a href="https://www.inter-lgbt.org/">droits des personnes LGBT</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nuCV9fh5-b4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le paradoxe avec lequel il faut composer ici est à la fois d’ordre <a href="https://journals.openedition.org/lcc/180">perceptif</a> (comme dans une illusion d’optique) et <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/paradoxe/2-paradoxes-scientifiques/">cognitif</a> (comme lorsque deux visions du monde s’opposent). L’échange auquel on assiste est déconcertant parce qu’il met en doute notre capacité d’évaluer la réalité sur la seule base de nos perceptions : bien qu’on puisse être d’avis que Gauthier-Fawas présente bien l’apparence d’un <em>homme blanc</em>, il faut réviser notre estimation en conséquence de l’arbitraire de son identité psychique : « <em>Je ne suis pas un homme, monsieur ! Je ne suis pas blanc</em> ! » L’effet surréaliste qui en résulte pour l’observateur est comparable à celui qu’entraîne la contemplation du célèbre tableau de Magritte, <a href="https://artshortlist.com/fr/journal/article/trahison-des-images-magritte">La trahison des images (1928)</a>.</p>
<p>Le troisième et dernier cas s’alimente à la source de plusieurs performances médiatiques de Solveig Halloin, activiste <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2022-2-page-58.htm">végétaliste</a> se portant, entre autres, à la <a href="https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/qui-est-solveig-halloin-la-militante-activiste-qui-a-fait-le-buzz-dans-touche-pas-a-mon-poste-2112721">défense des animaux d’abattage</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B08OfmfGKV8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le mode paradoxal sur lequel s’exprime cette militante – notamment lorsqu’elle affirme « <em>se battre</em> pour que la violence cesse » – garantit à lui seul l’apparition du syndrome de Bateson chez ses interlocuteurs. En sublimant la cause animale qu’elle défend, Solveig Halloin franchit le seuil critique qui relie le profane au sacré, forçant dès lors une promiscuité de sens choquante entre <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=343310679576397">élevage et holocauste</a>. Cela appelle des commentaires acides à lire sous plusieurs de ses <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rJIOez7-G_s">vidéos</a>.</p>
<h2>Trois cadres rompus</h2>
<p>Ces trois cadres rompus de la communication entraînent des réactions à classer dans des catégories distinctives du syndrome transcontextuel de Bateson. Le premier cas – qui fait sauter les frontières entre le sérieux du débat et le jeu du théâtre – exploite les effets déroutants d’un changement de règles qui survient en plein cours d’un événement social significatif. Les personnes qui s’aventurent sur un tel terrain doivent savoir qu’elles entreprennent un <a href="https://web.archive.org/web/20220718093758id_/https://journals.openedition.org/communication/7002">jeu sans fin</a>, c’est-à-dire un jeu « qui ne peut pas engendrer de l’intérieur les conditions de son propre changement ».</p>
<p>Le deuxième cas – qui abolit les <a href="http://www.lyber-eclat.net/lyber/korzybski/glossaire.html">différences entre la carte des perceptions et le territoire de l’expérience</a> – exploite les effets pervers d’un changement de niveau d’abstraction non maîtrisé. </p>
<p>Le troisième cas – qui culbute le sacré dans la cour du profane et vice-versa – exploite les effets catastrophiques d’un changement de paradigme, lequel commande une conversion irréversible de l’humanité tout entière. Ce dernier type de rupture peut causer des troubles psychiques d’une très grande gravité.</p>
<h2>Les réseaux sociaux comme « méta cadre » de communication</h2>
<p>Parce qu’elles prennent l’esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales. Lorsqu’on les envisage dans le « méta cadre » des réseaux sociaux, toutefois, leurs conséquences pathologiques se trouvent diminuées par les ripostes créatives de personnes (youtubeurs, tiktokeurs, instagrameurs et autres influenceurs) pratiquant l’art de la <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-dialogue-en-entreprise--9782100798711-page-96.htm"><em>métacommunication</em></a>, c’est-à-dire l’art de « communiquer sur la communication ». </p>
<p>Grâce à la mise en abîme que leurs <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/region-zero-8/segments/chronique/195001/technologie-youtube-tendance-musique-reaction-video">« vidéos de réaction »</a> accomplissent dans nos esprits – c’est-à-dire grâce à des « vidéos de vidéos » dans lesquelles on peut observer des « réactions humaines à des réactions humaines » – notre sort collectif sur les réseaux sociaux s’en trouve amélioré par la présence de dispositifs nous indiquant comment nous conduire en cas de rupture de cadre : <em>Attention ! Indignez-vous ici ! Riez maintenant ! Soyez méfiant en tout temps !</em></p>
<p>Par leur capacité à recadrer les communications cabossées, ces méta vidéos confirment – au grave détriment de malheureux attiseurs de rumeurs – l’une des plus belles hypothèses de Bateson : « chaque fois qu’on introduit une confusion dans les règles qui donnent un sens aux relations importantes, on provoque une douleur et une inadaptation qui peuvent être graves. Or, si on peut éviter ces aspects pathologiques, l’expérience a des chances de déboucher sur la créativité ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214317/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest est membre de l'Institut de recherches et d'études féministes (IREF) de l'Université du Québec à Montréal ; de SAS-Femmes, Collectif de recherches et d'actions pour la sécurité, l'autonomie et la santé de toutes les femmes ; et du Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l'Université de Montréal.</span></em></p>Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet, ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161092023-11-16T17:24:18Z2023-11-16T17:24:18ZSommeil : il est possible de dialoguer avec les rêveurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559715/original/file-20231115-19-szdbgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5982%2C3889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il n’est pas facile pour les scientifiques d’explorer le monde des rêves, mais les connaissances progressent.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/fond-decran-numerique-de-bateau-a-voile-noir-DKix6Un55mw">Johannes Plenio/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LtxtwPoVzqI"><em>Inception</em></a> de Christopher Nolan, le personnage principal est capable d’infiltrer les rêves d’autres personnes, et même d’influencer leur contenu. Et si cette fiction n’était pas si éloignée de la réalité ?</p>
<p>Nos travaux suggèrent en effet qu’il est possible d’interagir avec des volontaires pendant leur sommeil, voire de dialoguer avec eux, à certains moments propices. Explications.</p>
<h2>La science des rêves : une discipline difficile</h2>
<p>Si l’on se réveille parfois avec des souvenirs vifs de nos aventures nocturnes, à l’inverse il arrive que l’impression d’une nuit sans rêves prédomine lorsqu’arrive le matin, comme si le temps s’était évanoui.</p>
<p>En effet, si nous nous souvenons en moyenne <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2012.00106/full">d’un à trois rêves par semaine</a>, nous ne sommes pas tous égaux face au souvenir de nos rêves. Ainsi, les gens qui disent ne jamais rêver constituent environ <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1389945702002551">2,7 à 6,5 % de la population</a>. Souvent, cependant, ces gens ont déjà rêvé dans le passé, quand ils étaient enfants par exemple. La proportion de gens qui dit n’avoir jamais rêvé de toute sa vie est très faible : 0,38 %.</p>
<p>Le fait de se rappeler des rêves dépend de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2020.00724/full">nombreux facteurs</a> tels que le sexe (les femmes se rappellent plus fréquemment de leurs rêves) ou l’intérêt pour les rêves, ainsi que de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/326900077_Researching_Dreams_The_Fundamentals">façon dont on collecte les rêves</a> (en tenant un « carnet de rêve », ou en les enregistrant au dictaphone, par exemple).</p>
<p>De par leur nature privée et évanescente, les rêves sont difficiles à capturer par les scientifiques. Certes, aujourd’hui, grâce aux connaissances acquises dans le domaine des neurosciences, il est possible, en analysant l’activité cérébrale d’un individu, son tonus musculaire et ses mouvements oculaires, de classifier son état de vigilance. Les scientifiques peuvent ainsi déterminer si une personne dort, et dans quel stade de sommeil elle se trouve : phase d’endormissement, sommeil lent léger, sommeil lent profond ou sommeil paradoxal.</p>
<p>Mais ces mesures physiologiques ne permettent pas de savoir si un dormeur rêve (les rêves pouvant se produire dans tous les stades de sommeil), et encore moins à quoi il rêve… Les chercheurs n’ont typiquement pas accès à l’expérience de rêve au moment même où elle est vécue. Ils sont donc contraints de se fier au récit de rêve collecté après la bataille – au moment du réveil – sans garantie que ce récit soit fidèle à ce qu’il s’est passé dans la tête du dormeur.</p>
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<img alt="Photo d’une femme qui dort dans une caravane, de dos." src="https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559967/original/file-20231116-25-axyh3v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Déterminer à quoi rêvent les gens durant leur sommeil reste encore hors de la portée des scientifiques….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/donna-che-dorme-sulla-roulotte-ffustAcaX0E">Михаил Калегин/Unsplash</a></span>
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<p>En outre, pour comprendre ce qui se passe dans le cerveau lors des rêves – et à quoi ils servent – il faudrait pouvoir comparer l’activité cérébrale lors des moments où les rêves se produisent avec ceux où ils sont absents. Par conséquent, il est impératif de déterminer avec précision quand les rêves surviennent pour progresser dans la science des rêves.</p>
<p>Pour y parvenir, l’idéal serait de pouvoir communiquer avec les dormeurs. Impossible ? Pas pour tout le monde : c’est ici qu’entrent en scène les rêveurs lucides.</p>
<h2>Les rêves lucides : une clé pour ouvrir la porte des songes</h2>
<p>La plupart d’entre nous réalisent avoir rêvé seulement au réveil. Les rêveurs « lucides », eux, ont la capacité unique d’être conscients de rêver, alors même qu’ils sont endormis en sommeil paradoxal, une période du sommeil durant laquelle l’activité cérébrale est plus proche de celle de la phase d’éveil.</p>
<p>Encore plus étonnant : les rêveurs lucides peuvent parfois même exercer un contrôle partiel sur le déroulement de l’histoire de leurs rêves ! Ils sont alors capables de s’envoler, de faire apparaître ou disparaître des personnes, de changer la météo, de se transformer en animaux… Bref, les possibilités sont infinies.</p>
<p>De tels rêves lucides peuvent survenir spontanément ou être provoqués par un entraînement spécifique. L’existence des rêves lucides est connue depuis l’Antiquité, mais elle a longtemps été considérée comme ésotérique, et indigne d’une exploration scientifique.</p>
<p>Cette vision des choses a changé grâce à une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.2466/pms.1981.52.3.727">expérience astucieuse</a> mise en place par le psychologue Keith Hearne et le psychophysiologiste Stephen Laberge, dans les années 1980. Ces deux chercheurs se sont mis en tête de prouver scientifiquement que les rêveurs lucides sont bien endormis quand ils prennent conscience de rêver. Partant du constat que le sommeil paradoxal est caractérisé par des mouvements oculaires rapides, yeux fermés (d’où son nom de « Rapid Eye Movement sleep » en anglais), ils se sont posé la question suivante : serait-il possible d’utiliser cette propriété pour demander au dormeur d’envoyer un « télégramme » au monde alentour, depuis son rêve ?</p>
<p>Hearne et Laberge ont recruté des rêveurs lucides pour tenter d’obtenir une réponse. Ils se sont mis d’accord avec eux avant qu’ils ne s’endorment sur le télégramme à envoyer : les participants devraient faire des mouvements oculaires spécifiques, comme déplacer leur regard de gauche à droite trois fois, lorsqu’ils prendraient conscience qu’ils rêvaient. Et, alors qu’ils étaient objectivement en sommeil paradoxal, les rêveurs lucides l’ont fait !</p>
<p>Grâce à ce code de communication, les chercheurs pouvaient désormais détecter en temps réel des moments de rêve. Ces travaux ont ouvert la voie à de nombreuses recherches où les rêveurs lucides agissent comme des agents infiltrés du monde onirique, réalisant des missions (comme <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-21067-9">retenir sa respiration</a> en rêve) et les signalant aux expérimentateurs grâce au code oculaire.</p>
<p>À l’heure actuelle, il est possible de combiner de telles expériences avec des techniques d’imagerie cérébrale, afin d’étudier les régions cérébrales sollicitées lors des rêves lucides. Ceci constitue un énorme progrès dans la quête pour mieux comprendre les rêves et leur mécanisme de formation.</p>
<p>En 2021, près de 40 ans après les travaux pionniers de Hearne et Laberge, une <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdfExtended/S0960-9822(21)00059-2">étude</a> réalisée par notre équipe, en collaboration avec des chercheurs du monde entier a permis d’aller encore plus loin.</p>
<h2>De la fiction à la réalité : dialoguer avec le rêveur</h2>
<p>Nous savions déjà que les rêveurs lucides étaient capables d’envoyer des informations depuis leur rêve. Mais peuvent-ils en recevoir également ? Autrement dit, serait-il possible de dialoguer avec un rêveur lucide ? Pour en avoir le cœur net, nous avons exposé un rêveur lucide à des stimuli tactiles durant son sommeil. Nous lui avons aussi posé des questions fermées, telles que « Aimez-vous le chocolat ? »</p>
<p>Ce dernier a été en mesure de répondre en souriant pour signifier un « oui » et en fronçant les sourcils pour un « non ». En outre, dans le cadre de ces travaux, des rêveurs lucides se sont vu présenter verbalement des équations mathématiques simples. Ils ont réussi à fournir des réponses appropriées tout en restant endormis.</p>
<p>Évidemment, les rêveurs lucides ne répondaient pas toujours, loin de là. Mais le fait qu’ils puissent le faire parfois (18 % des cas dans notre étude) ouvrait la porte à une communication entre expérimentateurs et rêveurs.</p>
<p>Cependant, le rêve lucide reste un phénomène rare et même les rêveurs lucides ne sont pas lucides tout le temps ni durant tout le sommeil paradoxal. Le portail de communication que nous avions ouvert était-il limité au seul sommeil paradoxal « lucide » ? Pour le déterminer, nous avons entrepris de nouveaux travaux.</p>
<h2>Élargir le portail de communication</h2>
<p>Pour savoir si nous pouvions communiquer de la même façon avec n’importe quel dormeur, quel que soit le stade de sommeil, nous avons mené des expériences avec des volontaires non rêveurs lucides sans troubles du sommeil, ainsi qu’avec des personnes atteintes de narcolepsie. Cette maladie, qui se caractérise par de nombreux endormissements (le plus souvent en sommeil paradoxal), est associée avec une <a href="https://academic.oup.com/sleep/article/38/3/487/2416990">propension accrue</a> aux rêves lucides.</p>
<p>Lors de <a href="https://www.nature.com/articles/s41593-023-01449-7">cette nouvelle expérimentation</a>, nous avons présenté verbalement aux participants des mots existants (par exemple « pizza ») et des mots inventés (par exemple « ditza ») dans tous les stades de sommeil. Nous leur avons demandé de sourire ou de froncer les sourcils en fonction du type de mot (inventé ou non). Sans grande surprise, les personnes narcoleptiques ont pu répondre quand elles étaient lucides en sommeil paradoxal, confirmant nos résultats de 2021.</p>
<p>Plus surprenant, en revanche, est le fait que les deux groupes de participants se sont aussi avérés capables de réagir à nos stimuli verbaux dans la plupart des stades du sommeil, même en l’absence de rêve lucide ! Les volontaires ont été capables de répondre de manière intermittente, comme si des fenêtres de connexion avec le monde extérieur s’ouvraient temporairement à ces moments précis.</p>
<p>Nous avons même pu déterminer la composition du cocktail d’activité cérébrale propice à ces moments d’ouverture vers le monde extérieur : en analysant l’activité cérébrale des dormeurs avant la présentation des stimuli, nous avons été en mesure de prédire s’ils allaient nous répondre ou non.</p>
<p>Pourquoi de telles fenêtres de connexion avec le monde extérieur existent-elles ? On peut émettre l’hypothèse que le cerveau s’est développé dans un contexte où un minimum de traitement cognitif était nécessaire durant le sommeil : on peut par exemple imaginer que nos ancêtres devaient rester attentifs aux stimuli extérieurs lorsqu’ils dormaient, en cas d’approche d’un prédateur. Dans le même ordre d’idée, on sait que le cerveau d’une mère réagit préférentiellement aux pleurs de son bébé pendant le sommeil…</p>
<p>Nos résultats suggèrent qu’il est désormais envisageable de « dialoguer » avec n’importe quel dormeur, quel que soit le stade de sommeil dans lequel il se trouve. En affinant les marqueurs cérébraux qui prédisent les moments de connexion avec le monde extérieur, il devrait être possible d’optimiser davantage les protocoles de communication à l’avenir.</p>
<p>Cette avancée ouvre la voie à un dialogue en temps réel avec les dormeurs, offrant ainsi aux chercheurs la possibilité d’explorer les mystères des rêves au moment même où ils surviennent. Mais si la frontière entre la science-fiction et la réalité s’amincit, rassurez-vous : les neuroscientifiques sont encore loin de savoir décoder le contenu de vos rêves. Vous pouvez donc continuer à rêver sur vos deux oreilles !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Accéder aux rêves des autres, un fantasme de science-fiction ? Pas si sûr : des scientifiques sont récemment parvenus à communiquer avec des dormeurs. Un pas de plus vers l’obtention de la clé des songes…Başak Türker, Chercheuse postdoctorale, Institut du Cerveau (ICM)Delphine Oudiette, Chercheure en neurosciences cognitives, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167582023-11-05T18:21:54Z2023-11-05T18:21:54ZLe style des communiqués de presse, une question de culture nationale<p>Les entreprises multinationales (EMN) utilisent des communiqués de presse pour informer leurs clients internationaux de leurs activités de marketing, produits, services ou résultats financiers. Ces communications sont généralement rédigées en anglais des affaires universel (<em>business English as a lingua franca</em>, BELF, considérée comme une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0889490605000086">langue différente</a> de la langue maternelle anglaise) au lieu de leur langue nationale.</p>
<p>Par exemple, les multinationales allemandes (SAP, E.ON, RWE, etc.) ou françaises (EDF, Sanofi, Alcatel-Lucent, etc.) publient leurs communiqués en anglais. Même les multinationales britanniques (BP, Vodafone Group, BT Group, etc.) et américaines (Intel, IBM, Apple, etc.) utilisent le BELF comme langue standard pour dialoguer avec leurs parties prenantes à l’international.</p>
<p>Cependant, malgré cette base linguistique commune, le pays d’origine de la multinationale forme l’architecture du style qui affecte la manière dont leurs communiqués de presse sont rédigés. C’est l’une des conclusions de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090951622001055">notre récente étude</a> qui a utilisé un logiciel d’analyse de l’utilisation des mots (LIWC) pourtant sur plus de 2 000 communiqués rédigés par 86 multinationales britanniques, américaines, françaises et allemandes.</p>
<h2>Complexité ou émotion</h2>
<p>Nos résultats montrent notamment que les multinationales américaines et allemandes mettent davantage l’accent sur la complexité et la profondeur de l’analyse (le « traitement cognitif ») que les multinationales britanniques et françaises.</p>
<p>Par exemple, l’entreprise américaine d’informatique Dell a publié le <a href="https://www.dell.com/learn/us/en/uscorp1/corporate_secure_dellpressrelease/2017-07-13-dell-introduces-industry-first-security-suite">communiqué</a> suivant en 2017 pour présenter une nouvelle solution de sécurité informatique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=130&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=130&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=130&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556828/original/file-20231031-17-kfakh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dell.com/learn/us/en/uscorp1/corporate_secure_dellpressrelease/2017-07-13-dell-introduces-industry-first-security-suite">Dell (2017)</a></span>
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<p>Au travers des termes comme « parce que » (<em>because</em>) ou « en plus de » (<em>in addition to</em> – certains termes relevés n’apparaissent pas dans les captures d’écran présentées), le communiqué élabore des idées et des causalités. Le texte incorpore ainsi une profondeur analytique qui transparaît notamment dans les formulations « isolé de » (<em>isolated from</em>), ou « aider… contre » (<em>help… against</em>). En outre, l’utilisation des mots « intégrer » (<em>integrate</em>), « permettre » (<em>enable</em>) et « créer » (<em>creating</em>) incite les lecteurs à réfléchir sur le lien entre les différents éléments du texte, ce qui augmente le niveau de complexité. Par conséquent, le texte renvoie l’image d’une entreprise qui fournit des produits et services hautement sécurisés.</p>
<p>Quant aux multinationales britanniques et allemandes, leurs communications mobilisent davantage le registre de l’émotion – contrairement à celles de leurs homologues françaises. Les entreprises américaines ont, de leur côté, plus tendance à adopter un ton impersonnel et distant.</p>
<p>Par exemple, British Petroleum Company, BP, a publié en septembre 2023 le <a href="https://www.bp.com/en/global/corporate/news-and-insights/press-releases/the-ev-network-and-bp-pulse-unveil-the-uk-largest-public-ev-charging-hub-at-the-nec-birmingham.html">communiqué</a> de presse suivant, qui concerne l’ouverture du plus grand centre public de recharge de véhicules électriques du Royaume-Uni à Birmingham.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556836/original/file-20231031-29-mj3etu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bp.com/en/global/corporate/news-and-insights/press-releases/the-ev-network-and-bp-pulse-unveil-the-uk-largest-public-ev-charging-hub-at-the-nec-birmingham.html">BP (2023)</a></span>
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<p>Notons d’abord que le texte intègre une citation d’un partenaire – une pratique répandue outre-Manche – qui véhicule l’identité et affiche des connotations émotionnelles. En outre, on retrouve des termes comme « meilleur » (<em>best</em>), « idéal » (<em>ideal</em>), « fier » (<em>proud</em>), « excitant » (<em>exciting</em>), « impressionnant » (<em>impressive</em>) ou encore « rassurant » (<em>reassuring</em>). Ce stimulus émotionnel vise à traduire le niveau de sensibilisation de l’entreprise sur les enjeux de développement durable.</p>
<p>Comme on a pu le voir dans le cas de BP, les multinationales britanniques font souvent référence à leurs partenaires. A contrario, les multinationales françaises et allemandes minimisent leur présence dans leurs communications.</p>
<p>Par exemple, la multinationale britannique de services de communication, BT Group, a publié le <a href="https://newsroom.bt.com/bt-group-completes-multi-million-pound-revamp-of-glasgow-office/">communiqué de presse</a> suivant en septembre 2023 sur la rénovation de leurs bureaux en Écosse :</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=253&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556843/original/file-20231031-29-b8v646.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=318&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.bt.com/bt-group-completes-multi-million-pound-revamp-of-glasgow-office/">BT Group (2023)</a></span>
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<p>À travers les termes « membres » (<em>members</em>), « collègues » (<em>colleagues</em>) ou encore « partie de » (<em>part of</em>), le texte reflète l’interdépendance de l’entreprise avec ses partenaires. Par conséquent, ces mots à connotation sociale amènent les destinataires, c’est-à-dire les clients ou les investisseurs potentiels, à faire le lien avec l’engagement de l’entreprise vis-à-vis de l’ensemble de la société.</p>
<p>Même si les multinationales britanniques, allemandes et françaises partagent les mêmes cultures européennes, les styles linguistiques des approches cognitives et émotionnelles, le ton de la communication pour montrer la distance psychologique et l’orientation sociale n’affichent donc pas nécessairement des styles linguistiques identiques.</p>
<h2>Quelles réactions chez les destinataires ?</h2>
<p>Mais comment réagissent les destinataires de cette communication ? Pour en savoir plus, nous avons créé quatre versions différentes d’un communiqué pour analyser les attitudes de plus de 1 000 investisseurs/clients potentiels dans les quatre pays en question (Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne, France). Leurs réactions à l’égard des communiqués de presse ont globalement confirmé que les différentes pratiques répondaient bien aux attentes des destinataires.</p>
<p>C’est en effet le public britannique qui a montré l’attitude la moins positive à l’égard des communiqués de presse qui utilisent des mots pour expliquer des informations complexes ou analysent profondément une situation – ce que les entreprises du Royaume-Uni évitent, comme nous l’avons vu. De la même manière, le public allemand a montré l’attitude la plus positive à l’égard des communiqués de presse à caractère émotionnel – ce dont ne se privent pas les organisations germaniques. En revanche, comme attendu après l’étude des communications, le public français est celui qui préfère le moins le style émotionnel.</p>
<p>En conclusion, les résultats soulignent le caractère unique de la culture nationale et séparent la langue de cette culture : en effet, l’origine de la multinationale influe sur le style linguistique de l’utilisation d’une même langue pour communiquer, en l’occurrence le <em>Business English as a Lingua Franca</em> (BELF).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chavi Chi-Yun Chen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans leurs communications en anglais, les multinationales américaines et allemandes mettent davantage l’accent sur l’analyse et la complexité du texte que leurs homologues britanniques et françaises.Chavi Chi-Yun Chen, Assistant Professor, International Negotiation and Sales Management, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166642023-11-02T20:57:59Z2023-11-02T20:57:59ZSport féminin : les médias sociaux ont-ils réussi là où les médias traditionnels ont échoué ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556605/original/file-20231030-19-owtjmy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C19%2C1115%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Serena Williams, l’une des sportives américaines les plus présentes sur les réseaux sociaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bosstweed/9666265544">Boss Tweed/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les médias sociaux (terme qui désigne les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> comme Facebook ou Instagram, mais aussi les sites de partage de contenus, les blogs ou les forums) ont ouvert de nouvelles voies aux athlètes féminines, qui peuvent désormais non seulement montrer leurs prouesses athlétiques, mais aussi façonner leur <a href="https://theconversation.com/pourquoi-creer-son-image-de-marque-personnelle-110164">« marque personnelle »</a> (<em>personal branding</em>).</p>
<p>Par exemple, la superstar du tennis Serena Williams, retraitée des courts depuis octobre 2022, n’est pas seulement connue pour ses talents de joueuse mais aussi pour sa forte présence sur les médias sociaux. L’Américaine aux 23 titres du Grand Chelem utilise des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> telles qu’Instagram et Twitter pour partager son parcours de mère, ses projets de mode et son plaidoyer en faveur de <a href="https://www.marca.com/en/tennis/us-open/2022/09/02/63117a05e2704e4e188b4579.html">l’égalité des sexes dans le sport</a>. La joueuse a ainsi été une figure de proue dans la lutte pour les droits des femmes dans le tennis, et sa présence sur les médias sociaux lui a permis d’étendre son influence au-delà du court.</p>
<p>Un autre exemple est celui de Megan Rapinoe, membre de l’équipe nationale féminine de football des États-Unis, qui a été reconnue non seulement pour ses talents de footballeuse, mais aussi pour son activisme social et politique. La joueuse utilise notamment les médias sociaux pour s’exprimer sur des questions telles que l’égalité des sexes, les droits des personnes <a href="https://olympics.com/en/news/megan-rapinoe-lgbtq-community-inspiration">LGBTQI+</a> et la justice raciale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1654567971337977856"}"></div></p>
<p>Le troisième cas est celui de Simone Biles, une sensation de la gymnastique, qui s’est emparée des médias sociaux pour inspirer ses adeptes et se rapprocher d’eux. La gymnaste américaine partage ses routines, ses séances d’entraînement et ses moments personnels. Elle s’exprime également sur des questions telles que la <a href="https://www.turnbridge.com/news-events/latest-articles/simone-biles-mental-health/">santé mentale</a>, l’autonomisation des jeunes filles et la positivité du corps.</p>
<h2>Le sport féminin sous-représenté dans les médias traditionnels</h2>
<p>Mais qu’est-ce qui pousse les consommateurs à suivre ces athlètes féminines sur les plates-formes ? Nous avons publié une <a href="https://cgscholar.com/bookstore/works/instagram-users-motives-of-social-media-engagement-with-female-athletes?category_id=cgrn&path=cgrn%2F282%2F287">étude</a> sur ces motivations, qui révèle également comment ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/influenceurs-81090">influenceurs</a> s’emparent de ces outils pour s’émanciper du traitement historiquement réservé au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sport-feminin-113654">sport féminin</a>.</p>
<p>L’idée est que, tout au long de l’histoire, les athlètes féminines ont souvent été <a href="https://www.thenation.com/article/archive/slide-show-6-ways-media-represents-female-athletes/">jugées davantage pour leur apparence</a> que pour leurs compétences athlétiques dans les médias grand public. Cette focalisation erronée a créé une <a href="https://www.sportanddev.org/latest/news/15-rules-sports-media-representation-female-athletes">pression supplémentaire</a> pour les athlètes féminines, souvent au détriment de leurs véritables capacités et de leur potentiel. Cette situation a longtemps entretenu un <a href="https://rm.coe.int/bis-factsheet-gender-equality-sport-media-en/1680714b8f">manque persistant d’égalité</a> entre les hommes et les femmes dans le sport.</p>
<p>En fait, les sports féminins ont été globalement <a href="https://insider.fitt.co/changing-the-game-a-new-era-in-womens-sports/">mis à l’écart</a>, confrontés à des problèmes de sous-représentation ou de sous-financement par rapport aux sports masculins. Mais les médias sociaux contribuent désormais à changer la donne. Les athlètes féminines disposent en effet des outils nécessaires pour développer leurs propres récits, définir leur identité et amplifier leur voix.</p>
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<p>En créant du contenu et en interagissant avec les fans, ces athlètes ne sont donc plus seulement reconnues pour leurs prouesses sur le terrain : elles encouragent <a href="https://www.heraldsun.com.au/sport/womens-sport/insight/social-media-posts-pay-up-to-50k-each-for-australian-athletes-who-tops-the-rich-list/news-story/711551b4917ebd64473fb0a15b279079">l’esprit d’entreprise</a>, le sens de la communauté et l’autonomisation de leurs <em>followers</em>.</p>
<p>Par exemple, Olivia Dunne, gymnaste de l’université d’État de Louisiane, influenceuse et mannequin pour le magazine Sports Illustrated, a lancé le Livvy Fund en juillet 2023 pour aider les athlètes féminines de son université à obtenir des contrats de <a href="https://deadline.com/2023/07/lsu-gymnast-and-influencer-olivia-dunne-sets-fund-to-promote-lsu-women-college-athletes-1235432481/">nom, d’image et de licence (NIL)</a>. Dunne, considérée comme l’une des athlètes féminines les mieux payées en raison de ses gains considérables sur les médias sociaux, cherche ainsi à partager ses connaissances du secteur et ses relations avec d’autres étudiantes-athlètes et à élever le sport féminin dans le processus.</p>
<p><div data-react-class="TiktokEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.tiktok.com/@livvy/video/7278801190639537454 ?lang=fr"}"></div></p>
<p>Alors que les médias traditionnels n’ont pas réussi à capturer la véritable essence des athlètes féminines, les médias sociaux ont semble-t-il été en mesure d’ouvrir la voie à cet égard. Les consommateurs se sont ainsi détournés de la tendance des médias traditionnels à se focaliser sur l’apparence des athlètes féminines plutôt que sur leurs exploits sportifs.</p>
<h2>Au-delà des performances sportives</h2>
<p>En effet, les médias sociaux ont pu développer de nouveaux types de liens entre les consommateurs et leurs idoles.</p>
<p>D’abord, <strong>l’inspiration et l’autonomisation</strong> (<em>empowerment</em>) : de nombreuses personnes, en particulier les jeunes filles, considèrent les athlètes féminines comme des figures d’inspiration. Elles admirent le dévouement, le travail acharné et la persévérance dont ces athlètes font preuve dans leur carrière sportive. Les athlètes féminines utilisent les médias sociaux pour partager leurs histoires personnelles, leurs luttes et leurs réussites, ce qui constitue une source de motivation et d’encouragement pour ceux qui les suivent.</p>
<p>De même, de nombreuses athlètes féminines représentent des groupes sous-représentés dans le monde du sport, tels que les femmes, les personnes de couleur et la communauté LGBTQI+. Les fans sont attirés par ces athlètes parce qu’elles incarnent l’esprit d’autonomisation et de dépassement des barrières. Les fans peuvent s’identifier à leur parcours et éprouver un sentiment de fierté à soutenir des athlètes qui remettent en cause le statu quo.</p>
<p>Les <em>followers</em> apprécient également <strong>l’authenticité et les liens créés par le biais du divertissement</strong> : les médias sociaux offrent en effet une ligne de communication directe entre les athlètes et leurs fans. Les athlètes féminines utilisent ces plates-formes pour donner à leurs fans un aperçu des coulisses de leur vie, de leurs routines d’entraînement et des défis quotidiens auxquels elles sont confrontées. Cette authenticité aide les fans à se connecter à un niveau plus personnel, ce qui rend les athlètes accessibles.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, le divertissement peut également provenir de l’esprit de communauté créé par les athlètes sur les médias sociaux. Les fans se divertissent en se connectant avec des personnes partageant les mêmes idées et en partageant leur enthousiasme pour les athlètes et les sports qu’ils aiment.</p>
<p>Enfin, <strong>le militantisme par le biais de la popularité</strong> constitue un dernier levier d’engagement des utilisateurs de médias sociaux : les athlètes féminines tirent souvent parti de leur notoriété pour défendre des causes sociales et politiques importantes. Cela permet non seulement de sensibiliser les gens, mais aussi de les encourager à les suivre pour qu’ils relayent à leur tour les messages.</p>
<p>Ce faisant, les athlètes féminines, autrefois peu appréciées, transforment aujourd’hui le paysage sportif, inspirent une nouvelle génération, défendent une culture d’égalité et de respect. Leurs activités en ligne ont un impact positif sur le développement de jeunes talents dans une variété de sports.</p>
<p>De cette manière, ces sportives brisent les barrières, créent une image accessible et alignent leur marque sur des causes sociales et politiques importantes, attirant ainsi des supporters qui partagent leurs valeurs et leurs croyances. En ce sens, ils établissent une marque personnelle polyvalente et durable qui va au-delà de leurs performances sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis quelques années, les athlètes de haut niveau s’emparent des plates-formes comme Instagram ou TikTok pour changer la perception du public sur l’image traditionnellement véhiculée.Helmi Issa, Professeur assistant, Burgundy School of Business Roy Dakroub, UX Research Manager - Sports Research Lead at EPAM Systems, Adjunct Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160382023-10-20T12:35:42Z2023-10-20T12:35:42ZTout comme Daesh, le Hamas diffuse les images de ses atrocités afin de maximiser leur impact psychologique<p>Le Hamas a chorégraphié très soigneusement <a href="https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/7097/guerre-israel-palestine-gaza-hamas-semaine1">son attaque contre des objectifs militaires et civils dans le sud d’Israël, le 7 octobre</a>. Même si leurs actions terroristes dans le passé ont parfois été très <a href="https://www.jpost.com/israel-news/on-this-day-suicide-bombing-kills-15-at-sbarro-pizzeria-676228">« spectaculaires »</a>, il y a cette fois un changement important dans la stratégie de propagande de l’organisation. </p>
<p>En effet, les membres de l’organisation ont soigneusement préparé l’opération, comme le montrent les <a href="https://www.pbs.org/newshour/world/hamas-posted-video-of-mock-attack-on-social-media-weeks-before-border-breach">vidéos enregistrées</a>, mais ils ont surtout pris soin de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Yt7TexDOTas">documenter visuellement</a> leurs actions terroristes et de les diffuser sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Comment expliquer ce changement dans leur stratégie de propagande ? </p>
<p>Je propose deux hypothèses : premièrement, le Hamas souhaitait maximiser l’impact de son attaque, tant par le nombre de victimes mortelles que par la prise d’otages ; deuxièmement, l’organisation palestinienne cherchait à obtenir un niveau élevé d’exposition publique de ses atrocités afin de nuire psychologiquement aux Israéliens et de gagner les faveurs d’une certaine opinion publique palestinienne, arabe et musulmane. </p>
<p>En ce sens, le Hamas se rapproche du modus operandi de communication de l’<a href="https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/les-djihadistes-de-l-etat-islamique-ei-menace-au-moyen-orient_1562607.html">État islamique (EI)</a> — Daesh. Il a bien compris le pouvoir des images brutales comme arme dans leur guerre contre Israël.</p>
<p>J’ai étudié depuis un certain temps la question de la propagande des organisations islamistes. J’ai consacré un chapitre sur le sujet dans mon livre sur la <a href="https://www.routledge.com/Strategic-Communication-and-Deformative-Transparency-Persuasion-in-Politics/Nahon-Serfaty/p/book/9780367606794">« transparence grotesque »</a>, donc le dévoilement proactif (<em>proactive disclosure</em>, dans le langage stratégique) des images sanguinaires et dégradantes du corps humain, dans la communication publique. J’ai aussi étudié les stratégies de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/15245004221136223?icid=int.sj-abstract.citing-articles.25">recrutement</a> des organisations terroristes et analysé l’influence de la révolution iranienne dans la propagande terroriste islamiste, tant chiite que sunnite. </p>
<h2>L’impact « visuel » de la révolution iranienne</h2>
<p>En mettant fortement l’accent sur les images (décapitations, massacres, etc.), lors de sa campagne de terreur dans les années 2010, l’État islamique-Daesh défiait en quelque sorte l’un des principes les plus sacrés de l’islam sunnite, qui condamne les représentations visuelles du corps humain. À l’opposé, les talibans afghans appliquent rigoureusement cette prescription coranique, interdisant la diffusion d’images, le cinéma et la télévision. </p>
<p>Mais un changement s’est produit dans le monde islamique avec la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_iranienne">révolution iranienne</a>, en 1979, sous la direction des ayatollahs chiites. Cet événement a eu une influence significative sur d’autres groupes islamistes, même au sein d’organisations d’inspiration wahhabite-sunnite telles que EI-Daesh et Al-Qaida. </p>
<p>En effet, le chiisme est plus « libéral » sur l’utilisation d’images visuelles comme outil pour propager la foi et glorifier le comportement héroïque des martyrs. Les ayatollahs iraniens ont également revendiqué le martyre des kamikazes combattant les ennemis de l’Islam, soit des « ennemis proches » musulmans (lors de la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988), soit des « ennemis lointains » non musulmans (comme dans le cas de l’organisation chiite <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-hezbollah">Hezbollah</a> responsable de l'attentat au camion piégé contre la caserne des Marines américains à Beyrouth en 1983).</p>
<h2>Influences croisées</h2>
<p>L’organisation sunnite palestinienne <a href="https://catalog.swanlibraries.net/Record/a1153458?searchId=28670680&recordIndex=8&page=1&referred=resultIndex">Hamas</a>, étroitement liée aux Frères musulmans égyptiens, collabore avec le Hezbollah chiite et reçoit du financement de l’Iran, démontrant la pollinisation croisée idéologique et stratégique entre les deux principales branches de l’Islam en matière de terrorisme et de propagande.</p>
<p>La révolution iranienne de 1979 a marqué un tournant dans la re-politisation de l’Islam. Dans ses chroniques sur l’Iran, le philosophe français Michel Foucault observe avec enthousiasme la « politique spirituelle » qui anime le mouvement dirigé par l’ayatollah Khomeini. Pour Foucault, la révolution islamique représentait une rupture avec les valeurs occidentales et les prescriptions libérales/marxistes de modernisation, à travers la mobilisation de toute une société dotée d’une « volonté politique » et d’idéaux utopiques. Même si la « folie » de Foucault sur la révolution iranienne a été <a href="https://rauli.cbs.dk/index.php/foucault-studies/article/download/3989/4391">largement critiquée</a>, son analyse offre un aperçu pertinent de l’impact du mouvement social d’inspiration chiite dans le monde islamique et au-delà.</p>
<p><a href="https://www.leddv.fr/analyse/michel-foucault-patient-zero-de-lislamo-gauchisme-20211112">Foucault écrit</a> : </p>
<blockquote>
<p>Sa singularité qui a constitué jusqu’ici sa force risque bien de faire par la suite sa puissance d’expansion. C’est bien, en effet, comme mouvement ‘islamique’ qu’il peut incendier toute la région, renverser les régimes les plus instables et inquiéter les plus solides. L’Islam — qui n’est pas simplement une religion, mais un mode de vie, une appartenance à une histoire et à une civilisation — risque de constituer une gigantesque poudrière, à l’échelle de centaines de millions d’hommes. Depuis hier, tout État musulman peut être révolutionné de l’intérieur, à partir de ses traditions séculaires. </p>
</blockquote>
<p>La révolution iranienne a également influencé la légitimation stratégique de la violence comme moyen d’atteindre des objectifs politiques et religieux. </p>
<h2>Martyrs et guerre sainte</h2>
<p>Enracinée dans la glorification chiite du martyre — historiquement liée à l’assassinat de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Hussein_ibn_Ali">Imam Hussein</a>, petit-fils du Prophète, en l’an 680 par des opposants musulmans dans la ville de Karbala — la justification de la violence contre soi-même afin de détruire des ennemis infidèles a été largement adoptée par des organisations extrémistes d’<a href="https://www.cairn-int.info/article-E_RAI_009_0081--islamist-strategies-and-the-legitimizing.htm">inspiration sunnite</a>. </p>
<p><a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/129">Le jihad (la guerre sainte) mené contre l’Union soviétique par les moudjahidines (combattants)</a> de différents pays arabes et musulmans en Afghanistan a également prouvé la valeur stratégique de la violence contre une puissance occupante. Idéologiquement et opérationnellement, l’exemple afghan est devenu le modèle pour des milliers de militants qui sont retournés en héros victorieux dans leurs pays ou régions d’origine (Algérie, Cachemire, Bosnie, Irak, Pakistan, Tchétchénie).</p>
<p>Un autre effet de la révolution iranienne et de la guerre antisoviétique en Afghanistan a été la prise de conscience de l’importance de ce que le chercheur iranien <a href="https://academic.oup.com/joc/article-abstract/29/3/107/4371739?redirectedFrom=fulltext">Hamid Mowlana</a> appelle un « système de communication total », combinant les réseaux de communication traditionnels, tels que les mosquées ou les écoles religieuses (madrasas), avec les moyens de communication modernes. </p>
<p>Les moudjahidines combattant les Soviétiques ont exploité leurs prouesses militaires avec l’aide des réseaux de diffusion américains et européens et, paradoxalement, de l’appareil de propagande du gouvernement américain présidé par le républicain Ronald Reagan.</p>
<p>À l’ère d’un sectarisme virtuel non territorialisé, le Hamas, inspiré par les actions de l’EI-Daesh et sous l’influence de la glorification chiite des images des martyrs et de la « violence sainte », s’est lancé sur deux fronts dans cette étape de la guerre contre l’État juif : un front violent contre Israël par le terrorisme et les lancements de roquettes ; l’autre par la propagande et la guerre psychologique pour démoraliser ceux qu’ils appellent « l’ennemi » et gagner l’admiration de leurs <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_foZMY8xfD8">supporteurs</a>, y compris ceux et celles du monde universitaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216038/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isaac Nahon-Serfaty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En diffusant les images brutales de son opération du 7 octobre, le Hamas se rapproche du modus operandi de communication de l’État islamique. Il a bien compris leur pouvoir comme arme de guerre.Isaac Nahon-Serfaty, Associate Professor, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140112023-10-09T10:11:37Z2023-10-09T10:11:37ZRéussir sa start-up par l’échec accéléré : mode d’emploi des tests A/B<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549318/original/file-20230920-27-rwxzyc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C567%2C3510%2C2411&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tester, c’est se protéger de coûts en cas d’échecs.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/technologie-ecran-ecran-tactile-tablette-numerique-6476590/">Mikael Blomkvist / Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aucun entrepreneur ou manager peut se vanter de ne s’être jamais trompé. L’échec fait partie du cours normal de la vie des entreprises et des organisations en général. Qu’il s’agisse d’innovation en termes de produit, de communication, de prix, de distribution, ou même de procédures logistiques, le taux d’échec importe moins que le <a href="https://hbr.org/2011/04/failing-by-design#:%7E:text=Principle%203%3A%20Be%20quick%20about%20it%E2%80%94fail%20fast.&text=Third%2C%20the%20sooner%20you%20can,in%20it%20is%20not%20large">risque associé à ces échecs</a>. Autrement dit, mieux vaut se tromper de nombreuses fois à petites échelles que de se tromper sur une décision d’envergure qui entrainera des dépenses déterminantes pour le futur de l’entreprise.</p>
<p>Parce qu’un échec peut coûter cher (argent, temps, réputation…), les entreprises peuvent se montrer réticentes à innover ou alors se contentent-elles de se réfugier dans des améliorations assez marginales de produits existants. L’enjeu est donc d’échouer rapidement et à moindre coût : « fail fast, fail cheap » comme on dit outre-Atlantique.</p>
<p>L’<a href="https://hbr.org/2023/07/its-ok-to-fail-but-you-have-to-do-it-right">échec accéléré</a> est une philosophie qui consiste à tester ses idées dans le cadre d’un processus itératif pour déterminer si elles ont ou non du potentiel. Cette approche permet de lancer à grande échelle les idées qui ont donné des résultats encourageants lors des tests et de retravailler (voire abandonner) les idées qui ne produisent pas les résultats attendus. On <a href="https://www.entrepreneur.com/growing-a-business/4-times-fail-fast-fail-cheap-is-the-wrong-advice/294308">réduit ainsi le coût et le temps</a> dédiés aux idées qui ne sont pas susceptibles de réussir.</p>
<p>Prendre la peine de tester ses idées avant d’engager des ressources potentiellement importantes n’est pas incompatible avec l’esprit entrepreneurial et la prise de risque, au contraire. Considérons un dirigeant d’entreprise d’expérience qui décide de pénétrer un marché international dont il pressent assez bien les évolutions. Certes, il n’aurait peut-être pas besoin de tests pour valider cette stratégie. Néanmoins, ceux-ci pourraient trouver leur utilité pour répondre à la question du « comment » mettre cette stratégie en œuvre (comment communiquer auprès du marché local par exemple) : si le but peut paraître clair, la façon de l’atteindre ne l’est pas forcément.</p>
<h2>Trois principes pour mener un bon test</h2>
<p>Le test A/B est une méthodologie utilisée dans divers domaines, notamment dans le domaine du marketing numérique et du développement de produits. Cette technique consiste à comparer deux versions ou plus d’une page Web, d’une application ou d’un produit pour déterminer laquelle est la plus performante sur des objectifs spécifiques tels que le taux de clics, le nombre de téléchargements ou d’achats.</p>
<p>En présentant différentes versions à des groupes d’utilisateurs distincts et en mesurant méticuleusement le comportement qui en résulte, les tests A/B dévoilent des informations sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas auprès du public ciblé. Ce processus permet aux organisations d’optimiser leurs produits, services ou contenus à partir de preuves empiriques plutôt que de se fier à l’intuition des managers.</p>
<p>L’exercice repose sur trois principes essentiels. Premièrement, il requiert un échantillon représentatif des clients ou des utilisateurs de l’organisation. Deuxièmement, les individus faisant partie de l’échantillon (autrement appelés les « participants ») doivent être assignés aléatoirement entre les différentes versions qui sont comparées dans le cadre du test A/B, une étape généralement automatisée à l’aide d’un logiciel comme <a href="https://support.google.com/optimize/answer/6197440">Google Optimize</a>, <a href="https://business.adobe.com/products/target/adobe-target.html">Abode Target</a> ou <a href="https://www.facebook.com/business/help/1159714227408868">Meta for Business</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il ne faudrait pas qu’une éventuelle différence observée dans les réponses soit due à la façon dont a été constitué l’échantillon. Par exemple, prenons le cas d’un site Web utilisant un fond vert dans le pays A et un fond bleu dans le pays B. Si l’on observe davantage de clics dans un pays plutôt que dans l’autre, on ne peut pas être certains que la différence est attribuable au changement de couleur ou au pays dans lequel vivent les participants.</p>
<p>Troisièmement, un test A/B ne doit compter qu’un changement entre versions à la fois, au risque de ne pas être en mesure d’identifier précisément la cause d’une différence entre les versions. Soumettre une comparaison entre deux versions où varient à la fois le texte et la couleur et observer une préférence marquée pour l’une ne permet pas de tirer de conclusion : est-ce dû au texte ou à la couleur ? On ne peut isoler pas la cause des préférences.</p>
<h2>Une méthode en quatre étapes</h2>
<p>Dans le cadre de nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/14707853231165635">travaux</a>, nous avons développé une méthode permettant de conduire des expérimentations terrains (c’est-à-dire en conditions réelles, à la différence d’expérimentations en laboratoire où les conditions sont artificielles) à partir d’applications mobiles. Nous illustrons la procédure ici à l’aide d’un test A/B dont le but est d’établir quel format publicitaire est le plus efficace dans un jeu mobile entre la bannière (la publicité apparaît en bas ou en haut de l’écran) et l’interstitielle (la publicité couvre tout l’écran avant d’être fermée par l’utilisateur, généralement après un délai de cinq secondes).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549312/original/file-20230920-27-2acicj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Parce que les publicités bannières restent discrètes, elles ne dérangent pas vraiment les utilisateurs. Dans le même temps, elles sont peu susceptibles de générer des clics, alors qu’il s’agit d’une source importante de revenus pour les développeurs qui comptent sur la publicité pour monétiser leur app. Les publicités interstitielles, à l’inverse sont susceptibles d’agacer les utilisateurs. Mais précisément parce qu’elles sont très visibles, les chances que les utilisateurs cliquent dessus sont plus importantes. La question pour un développeur de jeux mobiles est donc de savoir s’il vaut mieux utiliser des publicités bannières ou interstitielles.</p>
<p>Pour répondre à cette question, nous avons lancé un test A/B en suivant les étapes suivantes :</p>
<ul>
<li>Identifier les éléments à tester et le nombre de versions</li>
</ul>
<p>Nous avons ici deux versions du même jeu mobile qui varie selon le format publicitaire. Une version A où les utilisateurs sont confrontés à des publicités bannières à l’écran d’accueil et une version B où les utilisateurs sont confrontés à des publicités interstitielles après avoir perdu et avant de retourner à l’écran d’accueil. La variable manipulée est ici le format publicitaire.</p>
<ul>
<li>Identifier les comportements à observer</li>
</ul>
<p>Nous avons choisi de comparer les deux formats sur trois mesures : le taux de clics publicitaires, le revenu publicitaire et l’engagement des utilisateurs mesuré par le nombre de parties jouées.</p>
<ul>
<li>Échantillonner et collecter les données</li>
</ul>
<p>Cette étape qui semble technique est en vérité automatisée par des outils en ligne dont l’usage ne requiert pas une expertise technique avancée.</p>
<ul>
<li>Analyser et interpréter les données</li>
</ul>
<p>De même, l’analyse des données peut être automatisée. Il faut néanmoins être en mesure de faire sens des résultats affichés à l’écran.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549310/original/file-20230920-23-cx5jvs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ici, la ligne grise obtenue avec Google Optimize représente le format bannière (« Baseline »), et la ligne bleue le format interstitiel (« Variant A »). Les régions ombrées représentent les intervalles de confiance : il y a 95 % de chances que la véritable valeur d’une métrique (celle que l’on observerait en sondant toute la population) se situe dans la région ombrée. Moins les régions ombrées se chevauchent, plus on peut avoir confiance dans les résultats indiquant ici que le format interstitiel est plus performant que le format bannière.</p>
<p>La partie gauche du tableau porte sur les données observées alors que la partie droite fournit des statistiques sur les données modélisées à partir des données observées. On lit qu’il y a plus de 99,9 % de chance que le format interstitiel génère plus de revenus publicitaires que le format bannière à l’échelle de l’ensemble des utilisateurs. La différence entre les deux versions est estimée à plus de 1000 %.</p>
<p>Notre article donne davantage d’explications sur l’exploitation des statistiques calculées automatiquement par Google Optimize et fournit une procédure pour les calculer soi-même.</p>
<p>Les tests A/B sont particulièrement intéressants pour les entreprises du numérique en raison des dépenses limitées liées au changement d’un élément du service (changer le format publicitaire d’une app ne requiert que du code). Il devient donc possible de mener de nombreux tests en parallèle sur des échantillons différents et de maximiser la satisfaction des utilisateurs en testant continuellement des changements sur des aspects différents du service.</p>
<p>Dans ce cas, le coût réel de l’expérimentation est le coût d’opportunité qui consiste à fournir un service sous-optimal aux clients. Mais ne pas expérimenter signifie risquer de continuer à fournir un service qui ne satisfait pas autant les clients qu’une version alternative le ferait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214011/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jamel Khenfer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Puisqu’un échec peut s’avérer coûteux par une entreprise, autant l’avoir anticipé en testant ses idées. Une recherche récente propose une feuille de route à suivre.Jamel Khenfer, Associate Professor of Marketing, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070682023-10-09T10:11:33Z2023-10-09T10:11:33ZE-mails, Zoom, WhatsApp, Slack… quand la multiplication des outils numériques mine la qualité de vie au travail<p>Teams, Zoom, Microsoft 365, Slack, Drive, Dropbox et tant d’autres systèmes de visioconférence, messageries professionnelles ou plates-formes de partage et stockage documentaire… Pour assurer la continuité des <a href="https://theconversation.com/topics/teletravail-34157">activités à distance</a> au cours de la crise sanitaire puis stabiliser les modes de travail hybrides, les entreprises se sont dotées d’une multitude d’outils collaboratifs dont les usages se sont <a href="https://referentiel.lecko.fr/etat-de-lart-2023/">intensifiés</a>, <a href="https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=NT%2095">sans priorisation</a> et parfois sans structuration des stratégies d’usage.</p>
<p>Ils se sont ajoutés aux dispositifs précédents, aux réunions et autres e-mails. Les canaux de <a href="https://theconversation.com/topics/communication-21313">communication</a> s’accumulent et cela semble impacter le bien-être des salariés comme l’efficience organisationnelle. Plusieurs travaux récents rendent ainsi compte d’un mal-être croissant des salariés face à l’effet <a href="https://shs.hal.science/file/index/docid/155184/filename/RFG_Kalika_Boukef_Isaac_V_27_12_2006.pdf">mille-feuille</a> résultant d’une digitalisation chaotique.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.opentext.fr/a-propos/press-releases?id=4E9C3B66883245DFA0AAEE0C449E806C">étude</a> commandée en 2022 par opentext, leader de la gestion de documents numériques et d’échanges de données, 40 % des salariés de 12 pays (dont la France) se disent stressés par la mauvaise gestion de l’information, notamment par le trop grand nombre d’applications à consulter chaque jour. Autre chiffre, une <a href="https://www.pega.com/fr/business-complexity">étude</a> de la plate-forme Pega sur 14 pays affirmait début 2022 que les trois quarts des employés estiment que leur travail est devenu plus complexe, et 42 % en attribuent la responsabilité à la transformation digitale.</p>
<p>C’est également ce qui ressort du <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-presente-les-resultats-de-son-barometre-teletravail-et-organisations-hybrides-2022-0686-63a59.html">baromètre</a> Télétravail et organisations hybrides conçu par Malakoff Humanis. Les personnes interrogées y déclarent que la première difficulté générée par le travail hybride concerne bien le renforcement de la digitalisation du travail, comme ce manager qui œuvre pourtant dans un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des outils numériques :</p>
<blockquote>
<p>« Avant, j’avais les mails, c’était simple, j’allais éventuellement de temps en temps sur Skype pour demander si la personne était libre pour un appel. Tandis que maintenant il y a des discussions sur SMS, sur WhatsApp, sur Teams, par mail, éventuellement des contenus sur le réseau social d’entreprise… C’est très difficile de gérer le flux d’informations, on peut louper des informations parce qu’on ne regarde pas le bon canal. Donc on perd tous du temps. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2014-1-page-110.htm">Infobésité</a>, chaos informationnel, hyperconnexion, fragmentation de l’activité… Une <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/numerique-collaboratif-et-organisation-du-travail/">étude</a> qualitative de la <a href="https://www.chairefit2.org/">chaire FIT2</a> de Mines Paris PSL menée auprès d’une vingtaine de collaborateurs de quatre organisations a ainsi tenté de mieux comprendre les effets réels de ces outils afin d’envisager les régulations nécessaires à une meilleure organisation porteuse de qualité de vie au travail et de performance.</p>
<h2>À chaque outil son usage</h2>
<p>Face à cet amoncellement difficile à gérer, il paraît tout d’abord nécessaire de <a href="https://shs.hal.science/file/index/docid/155184/filename/RFG_Kalika_Boukef_Isaac_V_27_12_2006.pdf">rationaliser le portefeuille d’outils de communication</a> que les entreprises ont à leur disposition. Il s’agit d’identifier les cas d’usage les plus pertinents pour chaque outil, en fonction du type de message à délivrer et du contexte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532247/original/file-20230615-15-b4go5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nombre d’entreprises ont conscience de ce besoin mais peinent souvent à faire aboutir leur réflexion. À titre d’exemple, nous montrons ici la <a href="https://blog.doist.com/communication-asynchrone/">pyramide des usages</a> des différents outils de communication de l’entreprise DOIST qui compte 90 salariés. En raison de son fonctionnement en <em>full-remote</em> c’est-à-dire avec des salariés travaillant où ils le veulent et quand ils le veulent, celle-ci a ressenti le besoin de formaliser précisément les canaux à utiliser selon qu’il s’agisse de faire une annonce, de partager des idées, de commenter le travail d’autres personnes, d’organiser des échanges bilatéraux, des réunions d’équipe ou des groupes de travail, d’organiser un événement de <em>team building</em>, ou encore d’agir en cas d’urgence.</p>
<p>Comme souvent en matière de management et d’organisation du travail, il n’existe pas de recette unique. C’est à chaque entreprise, voire à chaque équipe, de façonner sa propre pyramide des outils/usages au plus près de ses besoins et contraintes opérationnels. D’autant que pareille structuration des outils ne suffit pas et qu’elle doit nécessairement s’accompagner d’une régulation de leurs usages, qui ne peut se concevoir qu’à plusieurs échelles.</p>
<h2>Agir individuellement reste limité face aux outils collaboratifs</h2>
<p>D’un point de vue individuel, il reste toujours possible de s’assurer des plages de concentration et de respiration. Ce peut être en indiquant « absent » ou « occupé » dans l’agenda, en désactivant ses notifications, en mettant son téléphone en mode silencieux, en filtrant les appels ou mails… Ces mesures d’hygiène mentale seront d’autant plus justifiées que les autres niveaux de régulation seront défaillants. Elles atteignent cependant vite leurs limites du fait de la nature « collaborative » de ces outils.</p>
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<p>Les marges de manœuvre dont bénéficie l’individu en matière d’usages numériques collaboratifs restent en effet fortement cadrées par les pratiques de son équipe, et particulièrement par les attentes de sa hiérarchie. Un manager nous précise :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui compte, ce n’est pas vous ou votre décision, c’est le collectif avec lequel vous travaillez. »</p>
</blockquote>
<p>Le dirigeant possède ainsi un devoir d’exemplarité, qui peut cependant être difficile à tenir lorsque tous ses homologues ne jouent pas le jeu : un effet de concurrence insidieux s’installe alors entre, d’une part, ceux qui cherchent à faire respecter le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/archives/archives-courantes/loi-travail-2016/les-principales-mesures-de-la-loi-travail/article/droit-a-la-deconnexion">droit à la déconnexion</a> pour leur équipe comme pour eux-mêmes et, d’autre part, ceux qui restent constamment connectés, incitant leurs collaborateurs à l’être aussi.</p>
<p>La régulation doit donc aussi s’envisager de façon plus globale sans pour autant être construite exclusivement par une hiérarchie éloignée des réalités opérationnelles des acteurs de terrain.</p>
<h2>Trois pistes : partager, expliciter, faire évoluer</h2>
<p>Certes, des règles institutionnelles restent nécessaires pour traiter les enjeux de cybersécurité, d’astreintes ou de développement durable. Le dialogue professionnel permettra surtout de réfléchir à la manière d’adapter l’usage des outils aux besoins de l’activité réelle, qui peuvent grandement varier d’un corps de métier à l’autre. Ophélie Morand et Vincent Grosjean, chercheurs à l’Institut national de recherche en santé et sécurité au travail (INRS), <a href="https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=NT%2095">expliquent</a> ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Pour un commercial, le numérique est le vecteur par lequel il alimente normalement son agenda de travail ; pour un cadre technique, c’est le perturbateur principal de ce même agenda de travail. »</p>
</blockquote>
<p>Il s’agira également de <strong>partager</strong> les meilleures pratiques développées par certaines équipes et pouvant être utiles à d’autres, sans pour autant les imposer. Une homogénéisation progressive peut ainsi émerger, dictée par l’impératif même de communication qui ne s’arrête pas à la frontière d’une ou plusieurs divisions. D’une manière générale, les règles institutionnelles auront intérêt à ouvrir le champ des possibles plutôt qu’à contraindre les usages.</p>
<hr>
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<p>Une fois cette régulation collective stabilisée, elle doit enfin être <strong>explicitée</strong> et documentée de façon à pouvoir servir de référence à tous. Or, trop souvent, ces régulations restent implicites et sont juste supposées être connues. Cette documentation doit cependant rester <strong>évolutive</strong> pour intégrer les nouvelles contraintes opérationnelles ou outils numériques qui pourraient émerger tout en permettant une amélioration continue des usages et pratiques.</p>
<p>En suivant ces pistes, le grand bazar digital pourrait ainsi se transformer en opportunité pour les entreprises. Les outils collaboratifs permettent en effet de faire un pas de côté salutaire en partant non plus seulement de l’activité pour penser la technologie, comme le préconisent les ergonomes, mais également des technologies pour <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2017-1-page-15.htm">« repenser » et « repanser »</a> le travail. Plutôt que de se reposer passivement sur les outils, il s’agit au contraire de les mettre au cœur de la discussion sur le travail réel. Que ce soit « en creux » ou par « effet de loupe », les outils numériques sont des révélateurs permettant d’objectiver l’organisation du travail pour la faire évoluer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suzy Canivenc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les individus ne peuvent agir totalement seuls pour se protéger des méfaits de la digitalisation des organisations. Un ouvrage propose ainsi des pistes pour une bonne régulation.Suzy Canivenc, Chercheure associée à la Chaire Futurs de l'Industrie et du Travai, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138212023-09-20T16:09:22Z2023-09-20T16:09:22ZAbsentéisme record : comment les entreprises peuvent-elles répondre ?<p>En 2022, près d’un salarié sur deux a été absent au moins une journée. Un <a href="https://www.ayming.fr/insights/barometres-livres-blancs/barometre-de-labsenteisme-et-de-lengagement/">record</a> révélé par le quinzième baromètre de l’absentéisme et de l’engagement, réalisé par Ayming et AG2R La Mondiale et dévoilé mi-septembre. Quant au taux d’absentéisme dans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprises</a> françaises, il s’est élevé à 6,7 % sur l’année, soit un bond de plus de 20 % depuis la période prépandémique.</p>
<p>En parallèle, les organisations éprouvent des difficultés à recruter et fidéliser leurs collaborateurs et de nombreux domaines d’activités se trouvent en situation de pénurie. Selon l’enquête « besoins en main-d’œuvre 2023 de Pôle emploi, <a href="https://statistiques.pole-emploi.org/bmo">61 % des recrutements sont jugés « difficiles »</a> par les entreprises, contre 57,9 % un an plus tôt.</p>
<p><iframe id="7Nak6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7Nak6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="HDN40" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HDN40/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces dernières observent une distanciation grandissante des collaborateurs, notamment symbolisée par les phénomènes de <a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">« grande démission »</a> ou de <a href="https://theconversation.com/quiet-quitting-au-dela-du-buzz-ce-que-revelent-les-demissions-silencieuses-192267">« quiet quitting »</a> (démissions silencieuses), deux problèmes auxquels sont également confrontés de <a href="https://voxeurop.eu/en/great-resignation-great-rotation-finding-better-work-europe-after-Covid/">nombreux pays de l’Union européenne</a> et <a href="https://www.consultancy.uk/news/35152/quarter-of-uk-workforce-could-quit-as-great-resignation-rolls-on">nos voisins d’outre-Manche</a>.</p>
<p>Cette tendance risque d’être aggravée par l’émergence de trois nouveaux enjeux qui, dans un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/les-tensions-sur-le-marche-du-travail-en-2019">contexte prépandémique déjà difficile</a>, compliquent davantage la fidélisation des employés : la période de confinements pour ralentir la propagation du Covid-19 a amené à une remise en question de la place du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> dans la vie ; l’essor du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/teletravail-34157">télétravail</a> challenge la cohésion des équipes, notamment parce qu’il réduit les moments de partage et les échanges informels pour fluidifier les interactions ; plus récemment, la réforme des retraites a rallongé la vie professionnelle, alors que les risques psychosociaux liés au travail et l’absentéisme continuent d’augmenter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-vous-profitiez-de-lete-pour-reflechir-au-sens-de-votre-travail-210914">Et si vous profitiez de l’été pour réfléchir au sens de votre travail ?</a>
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<p>Selon nous, ces difficultés révèlent notamment, en creux, l’existence de problèmes de communication interne <a href="https://www.puf.com/content/La_communication_dans_lentreprise">signalés depuis longtemps</a> par les spécialistes en communication organisationnelle et qui persistent voire s’accentuent malgré des changements qui favorisent la flexibilité demandée par les employés, notamment <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2022-3-page-121.htm">l’adoption croissante du travail hybride au lendemain de la pandémie</a>.</p>
<h2>La piste de la « réflexion collective »</h2>
<p>Un problème fréquent de communication interne dans l’entreprise est la difficulté pour une grande partie des employés de faire parvenir leurs idées aux décideurs, <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=twcLCwAAQBAJ">soit par crainte de s’exprimer, soit parce que, une fois exprimées, ces idées ne sont pas prises en compte par les décideurs</a>. Quant aux décideurs, ils paraissent sous l’emprise <a href="https://cooperateur.coop/fr/reseau/chronique/quest-ce-que-lisomorphisme-et-pourquoi-sen-soucier">d’un « isomorphisme organisationnel</a> ». Or, ces comportements mimétiques peuvent les mener, dans un souci de légitimité, à adopter des discours en faveur de « bonnes pratiques » très répandues même quand ils les considèrent comme délétères.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Ainsi, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00380385221103955">dans le cadre d’un projet de recherche qualitative</a> où les participants s’exprimaient rétrospectivement sur leurs pratiques managériales, l’ancien PDG d’une agence britannique du secteur audiovisuel admettait défendre certaines pratiques qui lui semblaient « très restrictives ».</p>
<p>Pour échapper à ces tendances, nous encourageons les entreprises à utiliser autant que possible la <a href="https://www.consultvox.co/blog/pourquoi-utiliser-lintelligence-collective/">« réflexion collective »</a>. Ce concept managérial trouve ses racines dans le travail du penseur américain <a href="https://books.openedition.org/enseditions/41231?lang=fr">John Dewey. Pour ce dernier, l’intelligence</a> se conçoit comme une méthode d’ajustement permanent aux conditions spécifiques dans lesquelles les individus font face à des problèmes.</p>
<p>Les entreprises peuvent mettre en place des processus efficaces de réflexion collective en utilisant des méthodes qualitatives souvent employées par les chercheurs en sciences humaines (entretiens plutôt que sondages, groupes de discussion, recueil de rapports écrits…), soit en faisant intervenir des chercheurs extérieurs, soit en mettant en place elles-mêmes des procédures adaptées à leurs spécificités.</p>
<p>L’extrait suivant, tiré des résultats d’un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10632921.2021.1884152">projet de recherche sur la communication et la légitimité organisationnelle</a> reflète le ton général des avis exprimés par des managers interviewés sur la valeur de la recherche qualitative :</p>
<blockquote>
<p>« On peut facilement tomber dans le piège d’essayer de comprendre et d’analyser en utilisant seulement des chiffres. Il y a des choses extrêmement importantes que nous avons besoin de comprendre et que ne montrent pas les chiffres : ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons, comment nous allons le faire »._</p>
</blockquote>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/hrm.22103">L’intérêt majeur pour les managers et dirigeants</a> réside donc, par l’écoute et la compréhension des situations vécues au quotidien par les collaborateurs, dans l’apport de solutions à court, moyen et long terme. La définition de ces solutions pourra ensuite enclencher une transformation progressive de l’organisation et de ses pratiques dans une démarche d’amélioration continue, limitant potentiellement la frustration des collaborateurs liée à l’inertie de leur structure.</p>
<h2>Une recherche permanente de progrès</h2>
<p>C’est l’expérience qui a été par exemple menée dans une division française d’un leader international des gaz industriels. La direction ressentait une frustration croissante des équipes commerciales de terrain devant leurs remontées d’informations qui ne généraient pas de changement au niveau des processus du groupe. Les responsables de la division ont réagi en mettant en place un processus d’écoute active avec les différents services.</p>
<p>Cette démarche a non seulement favorisé le décloisonnement mais a également mené à l’évolution de l’organisation de la division. De nouveaux métiers ont été définis et des missions transverses ont été créées pour fluidifier les échanges entre clients, commerciaux et équipes de développement produit. Cette nouvelle organisation n’est toutefois pas gravée dans le marbre et évoluera en fonction de son efficacité et sa pertinence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quiet-quitting-au-dela-du-buzz-ce-que-revelent-les-demissions-silencieuses-192267">« Quiet quitting » : au-delà du buzz, ce que révèlent les « démissions silencieuses »</a>
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<p>Une PME du secteur du voyage éducatif de la région parisienne a également réussi à mener sa transformation culturelle, technique et digitale en s’inspirant notamment de ces procédés de recherche qualitative : écoute et implication des collaborateurs dans la refonte des pratiques, amélioration continue via des points d’étape qualitatifs réguliers avec chaque partie prenante, communication ouverte, exigeante et bienveillante.</p>
<p>Ces pratiques ont été portées par la personnalité du dirigeant qui a par ailleurs misé sur le développement des compétences de ses collaborateurs, notamment dans la communication interpersonnelle, et instauré progressivement une culture de l’écoute active, de l’expérimentation, de la remise en question, de la reconnaissance des erreurs et de la recherche permanente du progrès.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548847/original/file-20230918-21-siyd8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les managers ont intérêt à écouter et comprendre les situations vécues au quotidien par les collaborateurs pour définir au mieux des solutions.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1652049">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans ces deux exemples, les pratiques inspirées des méthodes de recherche qualitative ont eu des vertus qui ont contribué à la satisfaction, la motivation et la fidélisation des collaborateurs. Les commerciaux du groupe de gaz industriels se sont sentis reconnus, écoutés, contributifs, et ont gagné en efficacité dans leurs missions par la création de solutions nouvelles et l’allègement de l’inertie et des lourdeurs organisationnelles perçues. Les équipes du groupe de tourisme éducatif ont notamment développé leurs compétences, renforçant ainsi leur capacité d’adaptation et de résilience dans le contexte difficile de ces dernières années.</p>
<p>Les mesures favorisant la communication et la réflexion collective présentent donc potentiellement de nombreux bénéfices mais restent toutefois à double tranchant. La démarche doit être authentique, dans une volonté d’intégrer les informations collectées pour expérimenter et faire évoluer les processus en continu. Si les partages d’information et les processus d’écoute n’aboutissent pas à des changements respectant cette logique, la bonne volonté de contribution et le sentiment de reconnaissance risquent fort de tourner à la désillusion et au désengagement.</p>
<h2>Faisable avec peu de ressources</h2>
<p>L’adoption des mesures proposées, ne serait-ce qu’à titre d’expérience pilote, ne requiert pas a priori la mobilisation d’une grande quantité de ressources, surtout par rapport aux nombreux impacts positifs qu’elles pourraient avoir à plusieurs niveaux :</p>
<p>Pour les organisations, des processus opérationnels qui se fluidifient et gagnent en efficacité ; moins d’absentéisme et moins d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/arrets-de-travail-61855">arrêts maladie</a> ; des employés plus motivés, « enracinés » et prêts à mettre leur énergie au service d’une entreprise à laquelle ils se sentent davantage connectés.</p>
<p>Pour les collaborateurs, une amélioration du bien-être au travail en se sentant appréciés et écoutés, plus de sens et davantage de pouvoir d’agir. Au niveau du monde de la santé et des dépenses associées au mal-être psychique, peut-être que moins de praticiens se trouveraient au quotidien face à des patients <a href="https://web.s.ebscohost.com/abstract?direct=true&profile=ehost&scope=site&authtype=crawler&jrnl=17772044&AN=153377734&h=Ta30r4MViM59%2BK%2FTmbk9mdOZa3XcaGt9OjxWyACKXZAsK5jK%2Fw0vl72F7JflRgsAyDZSxD3T39cVJXW6R76YZQ%3D%3D&crl=c&resultNs=AdminWebAuth&resultLocal=ErrCrlNotAuth&crlhashurl=login.aspx%3Fdirect%3Dtrue%26profile%3Dehost%26scope%3Dsite%26authtype%3Dcrawler%26jrnl%3D17772044%26AN%3D153377734">qui leur parlent de problématiques professionnelles</a> – que le professionnel de santé ne pourra pas forcément résoudre.</p>
<p>Pour la recherche, une rupture de la dichotomie entre recherche et pratique ; malgré le <a href="https://www.nber.org/papers/w28846">cliché du chercheur dans sa « tour d’ivoire »</a>, la plupart des chercheurs souhaitent que leur travail soit utile et qu’il ait des impacts concrets.</p>
<p>Pour le marché du travail et la société en générale (sur le long terme) : la collaboration entre organisations et chercheurs peut aider à construire un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09548963.2016.1204050">corpus de recherche empirique suffisamment robuste pour avoir un éventuel impact sur la législation</a>. Cet élément est fondamental pour améliorer les conditions de travail dans la durée, car même avec plein de bonne volonté il est très difficile pour une entreprise de mettre en place des réformes qui vont à l’encontre de l’environnement normatif auquel elle doit se conformer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sonia Levillain est la fondatrice du cabinet de conseil et d'intervention Travailler & Manager Autrement.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabiola Alvarez Lorenzo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour répondre aux aspirations de sens au travail, les organisations doivent développer l’écoute et la remontée d’informations de leurs équipes. Des méthodes simples existent.Sonia Levillain, Professeur de Management, IÉSEG School of ManagementFabiola Alvarez Lorenzo, Docteur en Management (University of St Andrews), chargée de cours de sociologie, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971542023-08-31T17:57:06Z2023-08-31T17:57:06ZLa dynamique de communication entre bébés montre les racines du langage<p>La proto-communication est l’acquisition chez le bébé de l’aspect communicatif de l’acquisition du langage, essentiellement de <em>l’attention conjointe</em>, qui prépare les mécanismes de base du dialogue : l’alternance des tours de parole (quand le parent parle, le bébé se tait), la continuité (le bébé n’interrompt pas une interaction, il répond toujours au parent), la synchronie interactionnelle (par exemple si le parent sourit, le bébé sourit).</p>
<p>La littérature consacrée à l’étude des premières capacités cognitives et linguistiques chez l’enfant, affirme d’ouvrage en ouvrage l’impossibilité de l’existence d’une protocommunication chez l’enfant de moins de 1 an. Dans cette étude une nouvelle approche apporte des nouvelles informations que nous ignorions au sujet de la naissance du langage.</p>
<h2>Des informations datées</h2>
<p>Certaines pseudo connaissances ont été transmises d’ouvrages en ouvrages sans qu’elles soient vérifiées scientifiquement, par exemple :</p>
<ul>
<li><p>Ce ne serait que vers le 9<sup>e</sup> mois que les bébés commenceraient à effectuer des échanges communicatifs intentionnels avec des adultes. Avant cet âge, ses mouvements seraient purement réflexes.</p></li>
<li><p>Ce ne serait seulement à partir du 12<sup>e</sup> mois qu’ils seraient capables de coordonner le mouvement d’extension du bras et de l’index pour signaler qu’ils veulent diriger l’attention de l’adulte ou qu’ils veulent que l’adulte lui atteigne un objet.</p></li>
<li><p>Ce ne serait qu’entre les 12-18 mois que ces actes de communication se diversifient.</p></li>
</ul>
<p>En réalité,<a href="https://www.theses.fr/2014PA05H021">cette nouvelle étude</a> démontre le contraire. D'habitude, l’étude de la naissance de la parole chez l’enfant se centre sur l’analyse de l’interaction entre mère et enfant. Le modèle théorique universel dégagé de ces interactions met l’accent sur l’organisation de la communication à partir de l’association du regard et du geste entre l’enfant, un objet et l’adulte (c’est le concept de l’attention partagée/triangulaire ou conjointe).</p>
<p>Tandis que les auteurs inscrivent l’impossibilité des bébés de posséder et encore moins, de faire usage des moyens pré-linguistiques, il se trouve que cette méthode de répétition des informations ne rend plus compte de la réalité.</p>
<h2>Mettre à jour nos démarches</h2>
<p>La seule méthode qui permet la mise à jour de ces connaissances est l’analyse des enregistrements des interactions réelles par le recueil régulier d’un même groupe d’enfants et pendant une certaine période de temps.</p>
<p><a href="https://www.theses.fr/2014PA05H021">Dans mon travail de recherche</a>, je démontre que les affirmations signalant l’impossibilité de la proto-communication chez les bébés ne sont plus d’actualité.</p>
<p>Il ressort de ces analyses que les bébés âgés de 5 à 11 mois sont déjà capables de mettre en place plusieurs types de procédés protocommunicatifs plus riches que ceux théorisés entre mère-enfant tels que :</p>
<ul>
<li><p>Différents types d’attention conjointe : le bébé montre de manière spontanée un intérêt vers ses partenaires et vers l'objet d'attention, aussi ils portent l'attention sur un autre bébé et non pas sur un objet.</p></li>
<li><p>Différents types d’interaction : trois enfants portent leur attention de manière simultanée sur le même objet et sur deux objets différents. Vers 6 mois peut s'instaurer une relation triangulaire, quatrilaire et cinquilaire.</p></li>
<li><p>• Différents types de proto-actes du langage : un bébé qui pointe vers un objet pour qu’un autre bébé atteigne l’objet ; les proto-requêtes, proto-expressifs, assertifs et directifs apparaissent.</p></li>
</ul>
<p>Dans le champ de la linguistique, rares sont les études qui considèrent l’interaction entre pairs en très bas âge en étape pré-linguistique.</p>
<p>Une partie de mes travaux de recherche a consisté à filmer des bébés de 5 à 11 mois pendant 6 mois une fois par semaine. L’analyse des séquences vidéo permet de relever une liste de signes au niveau protodialogique, permettant de constater un contact bien établi entre bébés ainsi que la réussite à instaurer des échanges. Ces éléments permettent d’affirmer que les bébés de 5, 6 et 7 mois se sont engagés dans des épisodes d’attention conjointe. Ils montrent une capacité à gérer leurs contacts. Ils ont acquis un certain degré de compétences dans différents domaines comme l’attention conjointe, l’alternance des tours de parole, la synchronisation ou les interactions.</p>
<h2>Plus de performance dans l'interaction</h2>
<p>Les résultats de cette étude permettent par ailleurs de souligner que les caractéristiques des procédés proto-communicatifs mis en place entre bébés se révèlent plus performants que celles des procédés entre mère et enfant, inscrits et répertoriés dans la littérature ancienne.</p>
<p>Pour conclure, je dresse une liste des bénéfices au niveau de l’acquisition du langage et de la communication qu’entraîne la pratique des procédés proto-communicatifs entre pairs d’âge de 5 à 11 mois concernant :</p>
<ul>
<li><p>l’attention conjointe</p></li>
<li><p>les compétences du bébé dans l’organisation du prédialogue</p></li>
<li><p>l’alternance de tours de rôles</p></li>
<li><p>la synchronie interactionnelle</p></li>
<li><p>les réactions anticipatrices</p></li>
<li><p>l’intentionnalité dans les productions vocales</p></li>
<li><p>les protoactes du langage</p></li>
<li><p>l’interaction.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats de toute recherche constituent des apports scientifiques et pratiques qui serviraient à améliorer notre qualité de vie. Que peut-on retenir de ces nouvelles recherches ?</p>
<p>Selon Laurent Danon-Boileau, professeur émérite de l’Université René Descartes : </p>
<blockquote>
<p>« Cette considération novatrice est particulièrement intéressante du point de vue des conceptions générales de l’acquisition et de la relation de communication entre pairs et communication adulte/enfant. Elle pourrait avoir certaines incidences sur la prise en charge des très jeunes enfants. »</p>
</blockquote>
<h2>Quel bénéfices pratiques pourrait-on en tirer de ces nouvelles données ?</h2>
<p>Pour aller plus loin, il faudrait un autre travail de recherche qui pourra mettre en relation les nouvelles données avec le système institutionnalisé de prise en charge du jeune enfant en travaillant directement avec des psychologues, et des personnes qui prennent en charge les enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197154/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yelly Hernandez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dès l’âge de six mois environ, les bébés montrent de premières situations de communication avec les adultes et entre eux.Yelly Hernandez, Docteur en Psycholinguistique - Sciences du Langage, Laboratoire MoDyCo, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094812023-08-23T20:20:25Z2023-08-23T20:20:25ZLe vox pop, une pratique plus complexe qu'on le croit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540523/original/file-20230801-15-5f1zo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C2%2C997%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vox pop est une pratique complexe et digne d'intérêt : l'assemblage de quelques interventions individuelles suffit pour faire allusion au public dans les médias. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Omniprésents dans les médias, les vox pop font souvent l’objet de rires, de critiques ou d’indifférence dans le discours populaire. Cette pratique complexe en mal d’amour et de reconnaissance se targue pourtant de « nous » représenter à divers degrés en tant que public dans les médias. </p>
<p>Et s’il était temps de lui accorder davantage d’intérêt et de soin ?</p>
<p>Le vox pop ou micro-trottoir est <a href="https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8365690/vox-pop?utm_campaign=Redirection%20des%20anciens%20outils&utm_content=id_fiche%3D8365690&utm_source=GDT">généralement défini</a> comme un sondage d’opinion informel réalisé auprès de membres du public pour être diffusé dans les médias, principalement dans un contexte journalistique. </p>
<p>Ce format, qui est tenu pour acquis collectivement, fait parfois l’objet de critiques ou de parodies. </p>
<p>Ces dernières années, le populaire <em>Bye bye</em> de fin d’année québécois s’est par exemple moqué des <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/le-15-18/segments/entrevue/149516/bye-bye-a-w-bienveillance-internautes-parodie-controverse-michel-olivier-girard">publicités de hamburgers de A&W</a> sous forme de micro-trottoir (2019) et des capsules de l’humoriste Guy Nantel (2018). </p>
<p>Les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=13b1CNHjZcc">vox pop produits par Nantel</a> à partir de mauvaises réponses de ses interlocuteurs à des questions de connaissances générales ont d’ailleurs soulevé une rare <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/medium-large/segments/entrevue/25163/guyn-nantel-voxpop-375e-anniversaire-montreal">réflexion publique</a> sur cette pratique, certains qualifiant sa démarche de <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/499872/le-mepris">méprisante</a>. </p>
<p>C’est afin de creuser les dessous fascinants de cette pratique plus complexe qu’il n’y paraît que j’ai consacré une thèse doctorale en communication au vox pop.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/86doxhkVB6c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’humoriste Guy Nantel a inclus des extraits de ses discussions de consentement à la participation dans un vox pop publié sur YouTube en septembre 2021.</span></figcaption>
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<h2>D’où viennent les vox pop ?</h2>
<p>Selon les dictionnaires, le vox pop tire son nom de l’expression latine <em>vox populi, vox Dei</em>, dont les <a href="https://www.press.jhu.edu/books/title/7794/vox-populi">premières traces</a> remontent au VIII<sup>e</sup> siècle. Cette formule, traduite par « la voix du peuple est la voix de Dieu », pourrait suggérer que cette prise de parole a une autonomie ou un pouvoir intrinsèque.</p>
<p>Les <a href="https://editions-metailie.com/livre/vox-populivox-dei/">études sur son usage</a> suggèrent que cette « voix » a plutôt été forgée sur mesure au fil des siècles afin de refléter les intérêts dominants du clergé, puis de la royauté. Il faudra attendre les grandes révolutions sociales du XVIII<sup>e</sup> siècle, ainsi que la montée subséquente des concepts de « classe ouvrière » et « d’opinion publique » avant que ces prises de parole issues de la population soient valorisées.</p>
<p>Le développement des médias a joué un rôle important dans l’émergence du vox pop, en particulier <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/016344379401600403">l’introduction vers 1860</a> d’une technique journalistique inédite : l’interview. En effet, il était jusque-là peu commun pour les journalistes de citer directement leurs sources. Cette technique a aussi favorisé la création d’enquêtes plus approfondies à travers la <a href="https://corpus.ulaval.ca/entities/publication/cd1b746f-d4ad-4dde-a893-4021999d441a">mise en série d’interviews</a> d’abord avec des personnalités connues, puis des personnes « anonymes ». </p>
<p>Rappelant les vox pop actuels, on rassemblait dorénavant plusieurs interventions sur un thème d’actualité, par exemple la controverse suscitée par le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k529229p/f2.item.zoom">port du pantalon chez les femmes à bicyclette</a> dans un article du Gaulois de 1895 !</p>
<p>Le vox pop a également été influencé par la <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674027428">montée du marketing et des sondages d’opinion</a> au XX<sup>e</sup> siècle qui tentaient de définir ce qu’on considérait désormais comme le public de masse. On entend en effet communément que le vox pop s’adresse à des gens supposément « ordinaires » et qu’il représente l’opinion de « monsieur et madame Tout-le-Monde ».</p>
<h2>Quelques exemples précurseurs dans les médias</h2>
<p>Même si les conditions médiatiques et sociales d’existence des vox pop étaient présentes près d’un siècle plus tôt en Europe et en Amérique du Nord, mes recherches m’ont principalement permis de retracer des exemples concrets de vox pop à partir de 1930. Réalisé à Paris en 1932, le reportage photographique <a href="https://collections.museeniepce.com/fr/app/collection/7/author/9437/view?idFilterThematic=0">« Mesdames, voulez-vous voter ? »</a> accompagne chaque cliché de courts témoignages de passantes dont certaines semblent peu convaincues de la nécessité de permettre le vote aux femmes. </p>
<p>De 1932 à 1948, c’est au tour de l’émission radiophonique américaine <a href="https://archives.lib.umd.edu/repositories/2/resources/606">Vox Pop</a> de profiter des récentes avancées technologiques pour sortir ses microphones filaires du studio vers la rue et sonder le public sur toutes sortes de sujets. Au fil des années, les créateurs de l’émission travailleront consciemment à <a href="https://www.routledge.com/Radio-Reader-Essays-in-the-Cultural-History-of-Radio/Hilmes-Loviglio/p/book/9780415928212?gclid=CjwKCAjwq4imBhBQEiwA9Nx1Bh3Ircd1VhNThKmIbzu2tYV_9SfmHXGzEcaRJkuDgFjmOsfK-5KaTxoCx0EQAvD_BwE">représenter le public américain de façon exemplaire</a> et idéalisée à la radio, y compris lorsqu’il sera appelé à se mobiliser pendant la Deuxième Guerre mondiale. </p>
<h2>Un tour de force de représentation</h2>
<p>D’hier à aujourd’hui, l’une des particularités du vox pop est de faire appel à un échantillon limité de personnes triées sur le volet et d’amplifier leurs propos pour les amener à représenter plus largement le « grand public ». </p>
<p>Le linguiste américain <a href="https://www.cambridge.org/core/books/matters-of-opinion/D9DB315616B798ADCEC44621DEFDAB04">Greg Myers</a> écrira, dans son ouvrage <em>Matters of Opinion</em>, que pour le vox pop, </p>
<blockquote>
<p>La règle semble être qu’une seule personne ne peut pas parler au nom du « public », mais que n’importe quelle combinaison de trois personnes peut le faire. (traduction libre)</p>
</blockquote>
<p>Contrairement aux sondages d’opinion réalisés par des firmes professionnelles, la représentation qui est évoquée ici n’a rien de statistique. Cette citation résume cependant bien le pouvoir sous-estimé du vox pop et de ses créateurs et créatrices à générer des images plus ou moins déformées de certaines portions du public à destination d’auditoires médiatiques variés.</p>
<h2>Une pratique complexe et ses enjeux</h2>
<p>De ses origines à sa documentation, le vox pop est souvent associé à la pratique du journalisme. Ce format flexible qui permet de prendre le pouls de la population rapidement est fréquemment inséré dans les reportages. </p>
<p>Son utilisation est cependant plus problématique qu’il n’y paraît. </p>
<p>Les quelques études réalisées sur le vox pop journalistique nous apprennent qu’il est <a href="https://doi.org/10.1515/commun-2017-0040">malaimé des journalistes</a>, le plus souvent <a href="https://doi.org/10.1080/1461670X.2016.1187576">conçu de façon biaisée</a> et utilisé pour <a href="https://doi.org/10.1177/0267323118793779">soutenir le narratif du reportage</a> plutôt que l’expression autonome des opinions du public.</p>
<p>Le vox pop peut également être utilisé pour faire la promotion d’un produit ou de sa propre image de marque. Cet usage est particulièrement présent sur les réseaux sociaux. </p>
<p>Avec <a href="https://www.tiktok.com/tag/microtrottoir">7 milliards de vues associées au mot-clic #microtrottoir</a> à ce jour, les vox pop sont par omniprésents sur le réseau social TikTok du <a href="https://www.tiktok.com/@netflixfr/video/7099814861667896581?q=%40daetienne%20%23Netflix&t=1690489693841">jeu-questionnaire commandité</a> jusqu’à la <a href="https://www.tiktok.com/@jeremydruaux/video/7075397062832999686?is_copy_url=1">drague auprès de jeunes femmes</a> parfois en état d’ébriété.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Popularité du mot-clic #microtrottoir sur TikTok" src="https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539858/original/file-20230727-17-hyvw1u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">On dénombrait 7 milliards de visionnements associés au mot-clic #microtrottoir sur le réseau social TikTok en juillet 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TikTok</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La complexité du vox pop est manifeste lorsqu’on le considère comme <a href="https://voxpop.media/">pratique à part entière</a> portée par des créateurs et créatrices médiatiques d’horizons variés, allant de journalistes régis par un code de déontologie à des influenceurs sociaux peu encadrés. </p>
<p>Parmi les enjeux rencontrés sur le terrain, on dénote, sans pouvoir tous les nommer, le consentement de participation parfois absent, la déformation potentielle des propos, l’impossibilité de faire retirer des contenus problématiques ou encore leur risque de devenir viral. Sans suggérer que la participation à un vox pop se doit nécessairement d’être rémunérée, certains questionnements peuvent également être soulevés lorsque des contenus produits à partir de contributions d’inconnus sont monétisés.</p>
<p>La collaboration à des vox pop peut être une source de fierté, mais aussi potentiellement dommageable. Leur écho est aussi social puisque leur accumulation influence positivement ou négativement notre perception collective. À l’image de la maxime <em>vox populi, vox Dei</em>, les créateurs et créatrices médiatiques ont en effet un pouvoir énorme sur les propos et gestes qu’ils décident de mettre en scène, de récolter et de faire circuler dans l’espace médiatique.</p>
<h2>Pour des vox pop responsables</h2>
<p>À mon sens, il importe de valoriser une <a href="https://voxpop.media/hero">approche où la responsabilité collective des vox pop serait davantage partagée</a>. </p>
<p>Les créateurs et créatrices médiatiques sont d’abord invités à concevoir et réaliser leurs vox pop dans le respect des contributeurs à toutes les étapes et à faire preuve de plus de transparence sur leur démarche. </p>
<p>Les participants et participantes ont également un rôle clé à jouer : contribuer de façon assumée et mesurée aux vox pop ou exprimer leur refus si la démarche présentée ne leur convient pas. </p>
<p>Finalement, il incombe aux membres de l’auditoire de soulever des interrogations devant les contenus potentiellement problématiques et de donner de l’amour à ceux qu’ils jugent réalisés avec respect, quel que soit leur propos… </p>
<p>Oui, de l’amour, le vox pop en a bien besoin et il s’enrichit en sa présence !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209481/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cynthia Noury a reçu des financements des Fonds de recherche du Québec - Société et Culture, du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Réseau international de recherche-création Hexagram.</span></em></p>Les vox pop sont omniprésents dans les médias. Ils sont cependant méconnus et souvent malaimés du public et médias.Cynthia Noury, Docteure en communication, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.