tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/elections-europeennes-59684/articlesélections européennes – The Conversation2024-01-23T16:36:18Ztag:theconversation.com,2011:article/2212512024-01-23T16:36:18Z2024-01-23T16:36:18ZÉlections européennes : les stratégies complexes des partis italiens<p>Les élections européennes revêtent en Italie, comme dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne, une double signification. Elles représentent tout d’abord un jalon dans la vie politique interne, une échéance qui permet aux partis d’enregistrer leur niveau de popularité auprès des citoyens et d’en tirer les conclusions en termes de stratégie électorale ultérieure. Elles permettent ensuite la constitution des différents <a href="https://www.europarl.europa.eu/about-parliament/fr/organisation-and-rules/organisation/political-groups">groupes parlementaires européens</a> et débouchent sur la formation de la nouvelle législature de l’assemblée parlementaire strasbourgeoise, avec une influence directe sur la constitution de la future Commission européenne (celle-ci doit <a href="https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/leadership/elections-and-appointments_fr">obtenir le vote de confiance du Parlement européen</a> pour pouvoir entrer en fonction au début de son mandat).</p>
<p>En Italie, dans l’actuelle phase de pré-campagne électorale, ce sont les enjeux internes qui priment. Chaque formation est à la recherche de la tête de liste optimale afin de réaliser la meilleure performance électorale possible, gage d’une affirmation de son pouvoir à l’intérieur du pays. La coalition de droite, emmenée par la cheffe du gouvernement <a href="https://theconversation.com/fr/topics/giorgia-meloni-124819">Giorgia Meloni</a>, entend marquer la solidité de son assise alors qu’à gauche la secrétaire du Parti démocrate, <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/europ%C3%A9en-de-la-semaine/20230729-elly-schlein-l-anti-meloni-et-nouvelle-figure-de-la-gauche-italienne">Elly Schlein</a>, veut réaliser un bon score de façon à conserver sa légitimité à la tête du principal parti d’opposition pour garder la possibilité de fédérer le camp de la gauche lors des échéances futures.</p>
<h2>Calculs domestiques à droite…</h2>
<p>Le premier débat est celui relatif aux têtes de liste. Giorgia Meloni et Elly Schlein sont tentées de prendre la tête de leurs listes respectives pour les élections européennes. Si toutes deux sont convaincues de pouvoir être des locomotives efficaces pour les résultats électorats de leur formation, il s’agit également, pour l’une comme pour l’autre, de conserver le leadership au sein de leur camp.</p>
<p>Les <a href="https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/italy/">sondages sont actuellement très favorables à Giorgia Meloni</a> et à son parti « Fratelli d’Italia », qui récolte presque 30 % d’intentions de vote dans les enquêtes pré-électorales. Giorgia Meloni semble bénéficier d’un état de grâce après plus d’une année passée à la tête de l’exécutif italien. Cette popularité personnelle, mais aussi une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/italie/italie-apres-15-mois-au-pouvoir-giorgia-meloni-a-imprime-sa-marque_6281874.html">pratique plutôt individuelle du pouvoir</a>, la pousse à vouloir incarner l’offre politique de son parti dans le cadre des élections européennes, ce qui réaffirmerait également son statut de cheffe de parti. Il faut également relever qu’au sein de la droite italienne on a longtemps vu Silvio Berlusconi jouer la personnalisation de son camp politique en se présentant de façon systématique comme tête de liste lors des différentes élections.</p>
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<p>Mais déjà apparaissent des contre-feux face à ces désirs de primauté. À droite, une victoire trop écrasante du parti de Giorgia Meloni ferait de l’ombre aux deux autres formations qui composent la coalition actuellement au pouvoir : Forza Italia et la Lega.</p>
<p>Forza Italia a du mal à survivre à la <a href="https://theconversation.com/italie-silvio-berlusconi-ou-la-revolution-liberale-qui-na-jamais-eu-lieu-207848">disparition de Silvio Berlusconi</a>, qui a toujours représenté la figure tutélaire de ce parti. L’actuel secrétaire de ce mouvement politique, Antonio Tajani, qui est également le ministre des Affaires étrangères de l’actuel gouvernement, est un modéré qui n’a pas le charisme de Berlusconi.</p>
<p>Aussi peut-on déjà observer une érosion électorale qui pourrait même prendre un aspect de véritable débâcle si ce parti (qui avait obtenu 8,78 % des suffrages aux européennes de 2019) passait sous la barre des 6 %. Forza Italia a longtemps été le pivot des coalitions de droite en Italie, une fonction qui s’exprimait dans les résultats mais aussi dans l’ancrage de modération qu’offrait cette formation, membre, au Parlement européen, du Parti populaire européen, qui regroupe les partis de droite dits traditionnels.</p>
<p>De plus, Forza Italia a toujours exprimé les intérêts des milieux entrepreneuriaux italiens, ne serait-ce que par l’influence importante de la famille Berlusconi en son sein. La réduction de cette formation de centre droit à une portion congrue ne représente pas un objectif politique pour Giorgia Meloni et les siens, car cela risquerait de déséquilibrer la coalition au pouvoir, mais aussi de susciter l’inimitié avec des centres de pouvoirs externes (le groupe de médias Mediaset, qui possède notamment trois chaînes de télévision et appartient à la famille Berlusconi).</p>
<p>Une autre évolution majeure au sein de la droite italienne concerne la Lega, qui semble engagée dans un cycle particulièrement négatif. Alors qu’aux élections européennes de 2019 elle caracolait en tête avec plus de 33 % des suffrages exprimés, elle se situe aujourd’hui autour de 9 % dans les enquêtes d’opinion, ce qui correspond d’ailleurs au niveau obtenu lors des dernières législatives, en 2022. La pente descendante des votes pour la Lega et Forza Italia crée également les termes d’une compétition entre les deux formations qui semblent inexorablement tirées vers le bas dans l’actuel cycle électoral.</p>
<p>La Lega et son leader, Matteo Salvini, ne veulent pas céder du terrain, si bien que la Lega apparait comme le principal compétiteur de Fratelli d’Italia, en cherchant sans relâche à déborder le parti de Giorgia Meloni sur sa droite. Il pourrait donc être paradoxalement contre-productif pour Meloni de devancer très nettement, en juin prochain, ses deux partenaires de coalition : ceux-ci pourraient dès lors être tentés de remettre en cause la viabilité de la majorité parlementaire actuelle. On pourrait penser que Giorgia Meloni serait attirée par une prise de pouvoir hégémonique ; mais le régime parlementaire italien rend assez improbable la possibilité de gouverner avec un seul parti. Il convient donc d’être attentif aux équilibres de la coalition au pouvoir.</p>
<h2>… et à gauche</h2>
<p>Ce questionnement à droite n’est pas sans conséquences sur le camp de gauche. Elly Schlein voudrait elle aussi se présenter comme tête de liste pour affirmer sa primauté sur le Parti démocrate. Cependant, des voix internes comme celles de Romano Prodi ou Enrico Letta lui conseillent de faire un pas de côté pour éviter l’opération politicienne qui consisterait à s’imposer en tête de liste pour démissionner aussitôt élue, car il semble peu probable qu’Elly Schlein choisisse d’aller siéger à Strasbourg.</p>
<p>Cette volonté de transparence exprimée par certains leaders du parti peut représenter un piège politique visant à affaiblir Schlein : si la liste du Parti démocrate obtient un score relativement médiocre, en dessous des 20 %, alors son leadership sur le parti pourrait être remis en question au bénéfice d’autres figures qui peuvent apparaître comme d’éventuels recours à gauche, comme l’actuel Commissaire européen Paolo Gentiloni.</p>
<p>Enfin, il est probable qu’Elly Schlein ne prendra sa décision qu’une fois celle de Giorgia Meloni connue, car elle voudra éviter un mano à mano avec la cheffe du gouvernement face à laquelle, dans la conjoncture actuelle, elle ferait pâle figure.</p>
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<p>Ici encore, il s’agit pour Elly Schlein de conserver la possibilité de fédérer un camp de « gauche élargie » dans une coalition capable de remporter des élections locales et nationales, en stabilisant des accords avec le Mouvement 5 Etoiles (M5S) et des formations centristes, comme « Plus d’Europe ». Cette stratégie ne peut réussir que si le Parti démocrate apparaît comme capable d’exercer l’hégémonie sur la coalition, et donc de se situer nettement au-dessus d’un M5S qui pointe à 16 % dans les sondages.</p>
<p>Il faut également relever l’actuelle marginalisation des formations du centre. Alors qu’aux dernières élections législatives Carlo Calenda et Matteo Renzi s’étaient alliés dans un groupe « Azione-Italia Viva » pour arriver à un résultat de 7,8 %, cet accord a volé en éclats et ces deux personnalités politiques ont maintenant des destins séparés. Matteo Renzi a annoncé sa candidature comme tête de liste du parti Italia Viva aux élections européennes, en espérant dépasser le seuil minimal de 4 % des votes exprimés, nécessaires pour obtenir des élus dans la loi italienne.La mésentente entre Carlo Calenda et Matteo Renzi fait peser une hypothèque sur la participation italienne au groupe Renew, un point plutôt négatif pour la formation d’Emmanuel Macron, Renaissance.</p>
<p>Par ailleurs, à gauche, on ne constate dans la phase actuelle que très peu d’espace pour d’autres sensibilités : lors des dernières législatives la liste d’alliance gauche-verte n’a enregistré que 3,6 % des suffrages, ce qui illustre le caractère étriqué du « camp de gauche » qu’Elly Schlein appelle de ses vœux.</p>
<h2>Meloni et Salvini, deux positionnements différents au Parlement européen</h2>
<p>Au-delà de ces questions essentielles pour l’avenir du panorama politique interne, il convient également de poser des questionnements sur les conséquences européennes de ce cadre électoral italien.</p>
<p>Lors de la campagne pour les européennes de 2019, le leader de la Lega Matteo Salvini, à l’époque ministre de l’Intérieur, se distinguait par son positionnement populiste et souverainiste. Ce faisant il mettait l’accent sur la défense d’une « Europe des peuples » qu’il opposait à l’Europe technocratique incarnée en particulier par le président français Emmanuel Macron. Une posture efficace : la Lega dépassait les 30 % et obtenait 25 députés au Parlement européen. Toutefois, l’influence du parti à Strasbourg s’est révélée limitée puisque ses députés siègent au sein du groupe <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/les-groupes-du-parlement-europeen-identite-et-democratie-id/">Identité et Démocratie</a> (ID) (en compagnie notamment des 18 élus du RN français) : or ID est resté en dehors des coalitions et n’a donc que marginalement pesé sur les débats.</p>
<p>En 2024, le scénario est différent. La Lega <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/03/italie-matteo-salvini-recoit-ses-allies-europeens-a-florence-dont-jordan-bardella-mais-sans-marine-le-pen_6203697_3210.html">continue d’afficher son compagnonnage avec le RN</a>, ce qui lui procurera certainement une position ancillaire au sein du futur groupe européen ID, puisque cette fois, elle obtiendra sans doute moins de députés que le RN et que, en outre, ID devrait s’élargir à davantage de formations. Cela ne devrait pas changer le relatif isolement de ce groupe au sein du Parlement européen mais cela entraînera probablement la nécessité d’élargir la coalition majoritaire au Parlement européen, face à la croissance de ce vote « hors majorité ».</p>
<p>L’affirmation du parti Fratelli d’Italia représente une variable dans le jeu politique européen. À Strasbourg, Fratelli d’Italia appartient au groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), où elle siège aux côtés de formations comme le Pis (Pologne) ou Vox (Espagne). Au cours de sa première année à la tête du gouvernement italien, Giorgia Meloni a opté pour une posture constructive au niveau européen, loin des rodomontades de Matteo Salvini. Les rencontres avec la présidente de la Commission, <a href="https://www.europe1.fr/international/lampedusa-giorgia-meloni-et-ursula-von-der-leyen-appellent-a-la-solidarite-des-europeens-4204076">Ursula von der Leyen</a>, mais aussi avec celle du Parlement européen, <a href="https://www.governo.it/en/articolo/president-meloni-meets-president-european-parliament-metsola/24518">Roberta Metsola</a>, ont confirmé cette tendance.</p>
<p>Giorgia Meloni apparait donc comme œuvrant à une probable stratégie de convergence avec la prochaine majorité de soutien à la Commission européenne, qui devrait graviter autour du PPE. Même si le groupe ECR n’en fait pas partie de manière organique, des compromis pointent déjà, ce qui devrait aboutir à une forme de « soutien externe » de la part des députés européens de Fratelli d’Italia à la future Commission. De plus, Giorgia Meloni pourrait être conduite à exercer un rôle de médiation avec Viktor Orban dans le contexte délicat de la présidence hongroise de l’Union qui débutera en juillet 2024.</p>
<p>Au sein de la coalition de droite italienne passe donc une ligne de démarcation entre populaires (Forza Italia) et conservateurs (Fratelli d’Italia) d’un côté, et Lega de l’autre, ancrée dans le groupe Identité et Démocratie.</p>
<p>Le positionnement politique de Giorgia Meloni peut lui permettre de jouer un rôle plutôt actif d’appui à la future coalition qui dominera le Parlement européen, sans toutefois en être un membre officiel, tout au moins pour le moment. Il s’agit d’une situation fragile car elle dépend du maintien de la coalition au pouvoir en Italie, <a href="https://theconversation.com/la-politique-italienne-est-elle-vraiment-atteinte-dinstabilite-chronique-187812">jamais certain</a>. Et elle caractérise une Italie qui reste à la marge du jeu européen. Il faut cependant relever combien cette situation apparaît comme en évolution par rapport aux précédentes élections de 2019 : cette fois, l’Italie se rapproche du barycentre européen.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221251/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Pierre Darnis a reçu des financements de recherche d'organismes publics (Académie d'excellence Université Côte d'Azur) ainsi que différents financements de recherche dans le cadre de projects financés par la Commission Européen (Horizon)</span></em></p>La droite au pouvoir et l’opposition de gauche s’interrogent encore sur la stratégie à adopter en vue des élections de juin prochain.Jean-Pierre Darnis, Professeur des Universités, directeur du master en relations franco-italiennes, Université Côte d'Azur, Chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS, Paris), professeur invité à l'université LUISS de Rome, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204382024-01-05T21:09:21Z2024-01-05T21:09:21Z2024, l’année des Européens ?<p>L’année est encore jeune mais les risques se multiplient déjà pour les Européens. À en croire les euro-pessimistes, 2024 sera sombre pour les tenants d’une Europe forte et autonome : le nouveau Parlement issu des <a href="https://elections.europa.eu/fr/">élections européennes de juin 2024</a> sera dominé par les souverainistes ; le soutien à l’Ukraine est remis en question par les égoïsmes nationaux ; la solidarité budgétaire entre États membres sera mise à l’épreuve par l’élaboration du prochain cadre financier pluri-annuel ; et une éventuelle nouvelle présidence Trump dégraderait profondément le lien transatlantique et donc la cohésion des Occidentaux en Eurasie.</p>
<p>Et si ces risques multiples constituaient, en réalité, des occasions de renforcer l’Europe ? Paradoxalement, 2024 ne peut-elle pas être l’année des Européens ?</p>
<h2>Parlement européen : mettre (enfin) les souverainistes au travail</h2>
<p>Les élections européennes, qui se déroulent tous les cinq ans, constituent le jalon institutionnel et politique le plus important pour la vie du continent. Ce sont elles qui détermineront la composition du seul organe supranational directement élu par les eurocitoyens.</p>
<p>Au vu des récents <a href="https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/european-parliament-election/">sondages</a>, la question n’est plus de savoir si, en juin, le Parlement verra ou non une progression des souverainistes ; il s’agit de se préparer à une situation où un rôle déterminant sera joué par des partis traditionnellement eurosceptiques : le Rassemblement national français, les <em>Fratelli d’Italia</em> alliés à la Ligue, le Fidesz hongrois, etc. Les deux grands mouvements politiques pro-européens – les sociaux-démocrates et les démocrates-chrétiens – sont si affaiblis que l’élection d’eurodéputés socialistes ou Les Républicains en France est incertaine.</p>
<p>Les récents <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/elections-europeennes-2024-qu-indiquent-les-sondages-pour-la-france/">sondages</a> annoncent une progression des groupes Identité et Démocratie et Conservateurs et Réformistes européens, qui regroupent les partis eurocritiques, eurosceptiques, anti-européens ou souverainistes du continent. Certes, le PPE devrait rester premier groupe en nombre de sièges au Parlement européen, les S&D devraient rester deuxièmes, et les centristes de Renew Europe troisième. Toutefois, ces trois groupes verraient tous leur nombre de sièges baisser, tandis que ID et les CRE verraient le leur <a href="https://www.euractiv.fr/section/elections/news/europeennes-2024-la-droite-limite-la-casse-la-gauche-radicale-et-les-nationalistes-progressent-selon-nos-projections/">augmenter</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lextreme-droite-au-parlement-europeen-ou-le-renard-dans-le-poulailler-194216">L’extrême droite au Parlement européen, ou le renard dans le poulailler</a>
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<p>Faut-il se résigner à voir le Parlement puis la Commission affaiblis et même paralysés par une vague anti-européenne ? Faut-il redouter une apathie politique durant toute la prochaine mandature ? L’espoir contraire est pourtant autorisé, malgré l’effacement des grands architectes de l’Union, symbolisé par la mort récente de <a href="https://theconversation.com/jacques-delors-le-premier-dirigeant-politique-europeen-220442">Jacques Delors</a>. En effet, les différents partis eurosceptiques seront sommés d’agir en raison même de leur propre succès. Les eurocitoyens toléraient l’inaction vitupérante tant que les partis souverainistes constituaient une minorité bruyante ; mais une série de victoires souverainistes au Parlement contraindront ces partis à prendre position et donc à agir concrètement.</p>
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<p>Jouer un rôle de premier plan au Parlement européen sera, pour ces partis, un test de sérieux politique : s’ils se refusent à s’unir en groupes cohérents et s’ils dédaignent de proposer des mesures concrètes, ils ne parviendront pas à obtenir les présidences de commission et le bilan politique dont ils ont besoin pour continuer à se « notabiliser ». De même que Giorgia Meloni est devenue instantanément <a href="https://www.robert-schuman.eu/questions-d-europe/723-un-an-de-gouvernement-meloni-un-chemin-tortueux-mais-resolu-vers-l-europe">pro-européenne</a> avec son accession à la présidence du conseil italien, de même les partis souverainistes seront contraints soit de se mettre au travail, soit de ruiner eux-mêmes leur crédibilité. On ne peut attendre un enthousiasme européiste de la part de ces partis. Mais on est en droit de prévoir une conversion rapide au pragmatisme institutionnel.</p>
<h2>Budget européen : développer les solidarités et revoir les priorités</h2>
<p>Le premier test de crédibilité du prochain Parlement et de la Commission qui en découlera (en partie) sera de contribuer à l’élaboration du cadre financier pluriannuel de l’Union. C’est là que les partis souverainistes doivent être explicitement mis au pied du mur. S’ils exigent une Union au service des citoyens, ils ne pourront pas reprendre purement et simplement le mantra des États membres autoproclamés « frugaux ».</p>
<p>Une réduction des dépenses européennes signifierait encore moins de protection des frontières par <a href="https://theconversation.com/frontex-une-administration-decriee-dans-la-tourmente-183468">FRONTEX</a>, encore moins de capacités allouées au <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/qu-est-ce-que-le-fonds-europeen-de-defe,encoremoinsdefondsstructurelsnse/">Fonds européen de Défense</a> et encore moins de soutien aux populations bénéficiaires des plans de relance et de résilience nationaux adoptés pour répondre aux crises économiques liées à l’épidémie de Covid-19.</p>
<p>Autrement dit, une vague souverainiste au Parlement mettra ces partis dans l’obligation de proposer de véritables priorités budgétaires au service des populations européennes. À défaut, ils se discréditeront.</p>
<h2>Élargissement : affirmer sa puissance</h2>
<p>Le deuxième test de crédibilité concernera l’élargissement en cours avec <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/292425-lue-decide-douvrir-les-negociations-dadhesion-avec-lukraine-et-la-mo">l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Moldavie et l’Ukraine</a> en décembre dernier. Rendu presque inévitable avec l’invasion russe de 2022, ce processus crée de fortes interférences dans la façon dont l’Union influence ses marches, dans les Balkans, en mer Noire et dans le Caucase.</p>
<p>Là encore, les Européens peuvent soit rechigner à tenir parole, irriter les États candidats anciens ou récents et miner ainsi leur prestige à leurs frontières ; soit au contraire faire de nécessité vertu et revisiter complètement leurs méthodes de discussion avec les États candidats.</p>
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<p>Placer les <a href="https://www.touteleurope.eu/les-pays-candidats-a-l-adhesion-europeenne">neuf candidatures</a> sous le signe du rapprochement géopolitique permettra de continuer à se montrer exigeant en matière d’<a href="https://www.touteleurope.eu/le-glossaire-de-l-europe/acquis-communautaire/">acquis communautaire</a> sans aborder l’élargissement uniquement d’un point de vue juridique et technocratique. Si, durant la prochaine mandature européenne, les discussions sont conduites uniquement dans la perspective de renforcer l’influence de l’Europe au sud et à l’est, les irritants pourront être considérablement réduits. Si la famille européenne se montre résolument accueillante du point de vue politique, on peut être plus patient du point de vue juridique et budgétaire.</p>
<h2>Politique extérieure : en attendant Trump</h2>
<p>2024 s’annonce-t-elle comme une année blanche pour la géopolitique de l’Europe dans la mesure où tout sera suspendu à l’élection américaine de novembre et aux nominations du prochain président (ou de la prochaine présidente) de la Commission européenne, du nouveau président (ou de la nouvelle présidente) du Conseil européen, et du prochain haut représentant (ou de la prochaine haut représentante) pour la politique extérieure ? Au moment même où le président chinois <a href="https://www.youtube.com/watch?v=W7W-67dzm3g">durcit le ton envers l’Europe</a>, où le président russe <a href="https://theconversation.com/russie-quand-vladimir-poutine-entre-en-campagne-220089">prépare sa réélection</a> et réitère ses déclarations condescendantes et agressives envers l’UE et où les « transatlantiques » perdent du terrain à Washington, l’Europe sera-t-elle aux abonnés absents en attendant des nominations qui ne surviendront qu’après l’été ?</p>
<p>Le premier semestre 2024 présente au contraire des occasions inespérées pour les Européens sur la scène internationale : le <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/la-visite-a-washington-de-volodymyr-zelensky-ne-suffit-pas-a-sortir-laide-americaine-a-lukraine-de-limpasse-20231213_CX7IKAJRFZFUJJEZ75BLVPYVPA/">recul de l’administration Biden sur le dossier ukrainien</a> ouvre la possibilité pour Bruxelles de montrer les fruits d’une décennie de soutien à Kiev, éclipsée par l’attention portée à la communication de l’administration américaine et de la présidence Zelensky.</p>
<p>C’est au premier semestre 2024 que les grands soutiens bilatéraux de l’Ukraine – Allemagne, Pologne, France, baltes – doivent souligner leur bilan (sanctions sans précédent, soutien décennal, etc.). Plus radicalement, la perspective d’une nouvelle présidence Trump doit être analysée comme une bonne nouvelle pour l’autonomie stratégique européenne. Si elle se concrétise, elle soulignera de nouveau que le lien transatlantique et l’OTAN ne peuvent suffire à protéger les Européens contre les dangers internationaux qui pèsent sur eux.</p>
<p>Si les risques s’accumulent pour les Européens en 2024, les occasions peuvent, elles aussi, se multiplier, pour peu qu’elles soient identifiées, saisies et exploitées. 2024 peut être l’année des Européens, à condition qu’ils ne s’installent pas dans l’attente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Confrontée à la montée des partis eurosceptiques à l’intérieur et aux pressions russes, chinoises et américaines à l’extérieur, l’UE pourra-t-elle connaître un sursaut salvateur ?Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2144982023-10-04T18:42:03Z2023-10-04T18:42:03ZL’Europe va-t-elle faire face à une nouvelle vague d’extrême droite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551198/original/file-20230929-17-y6jzfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C47%2C3982%2C2616&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, en Italie, au Portugal, en Autriche, en Belgique, en Espagne ou en Finlande, les formations d’extrême droite (ici Giorgia Meloni au Parlement européen) s’installent au cœur du jeu politique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rome-italy-october-23-2022-giorgia-2228022383">Alessia Pierdomenico/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’extrême droite européenne semble avoir le vent en poupe. Ces partis bénéficient à l’heure actuelle d’un regain de soutien qui pourrait annoncer un <a href="https://www.futuribles.com/les-populismes-europeens/">nouveau cycle d’extrême droite à l’échelle du continent</a>. Et peser sur les équilibres politiques de l’Union lors des élections européennes de juin 2024.</p>
<p>En France, Marine Le Pen a établi un nouveau record en totalisant 41,5 % des voix au second tour de l’élection présidentielle de 2022. En Hongrie, le Fidesz a recueilli 54 % des voix aux législatives, et conforté <a href="https://theconversation.com/lextreme-droite-autrichienne-soutien-indefectible-de-la-hongrie-de-viktor-orban-207055">Viktor Orban</a> au pouvoir pour un quatrième mandat consécutif. En Italie, <a href="https://theconversation.com/italie-la-victoire-de-giorgia-meloni-sexplique-par-la-stabilite-du-vote-conservateur-191557">Giorgia Meloni</a>, cheffe de file des post-fascistes des Fratelli d’Italia, a fêté sa première année à la tête du gouvernement. En Suède, les Démocrates de Suède de Jimmie Åkesson se sont hissés en 2022 à la deuxième place aux élections législatives, avec 20,5 % des suffrages.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/suede-et-italie-la-droite-radicale-au-gouvernement-197466">Suède et Italie : la droite radicale au gouvernement</a>
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<p>Ailleurs en Europe, les formations d’extrême droite s’installent également au cœur de jeu politique au <a href="https://journals.openedition.org/lusotopie/6351?lang=en">Portugal</a>, en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/18/en-espagne-la-droite-s-allie-a-l-extreme-droite-pour-gouverner-des-villes-et-des-regions_6178205_3210.html">Espagne</a> ou en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/22/finlande-l-extreme-droite-au-gouvernement-seme-la-zizanie_6178792_3210.html">Finlande</a> ; elles dominent les intentions de vote en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/01/en-autriche-herbert-kickl-artisan-du-rebond-de-l-extreme-droite_6180120_3210.html">Autriche</a> ou en <a href="https://www.rtbf.be/article/elections-2024-un-sondage-montre-que-les-extremes-se-renforcent-en-flandre-11196854">Belgique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-europeens-votent-entre-indifference-et-sentiment-dincompetence-117780">Les Européens votent, entre indifférence et sentiment d'incompétence</a>
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<p>À l’est de l’Europe, l’extrême droite progresse en Estonie, en Croatie, en Roumanie ou en Bulgarie. En <a href="https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/legislatives-en-pologne-vers-toujours-plus-dillibe.html">Pologne</a>, en dépit d’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/02/a-varsovie-l-opposition-democrate-galvanisee-par-une-gigantesque-marche_6191921_3210.html">forte mobilisation de l’opposition</a>, les conservateurs radicalisés du PiS (Prawo i Sprawiedliwość) font encore la course en tête en vue des législatives du 15 octobre prochain avec 38 % des intentions de vote, flanqués de Confédération, un <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/08/30/les-guerres-de-lextreme-droite-polonaise/">groupuscule radical hétérogène</a>, qui pourrait quant à lui réunir jusqu’à 11 % des voix.</p>
<h2>Des couches successives de ressentiment</h2>
<p>Loin d’affaiblir l’extrême droite, la guerre en Ukraine a créé un espace favorable aux discours protectionnistes et de repli sur l’espace national de ces partis, sur fond de diatribes anti-élites et d’une demande croissante d’autorité et de leadership fort.</p>
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<p>L’extrême droite surfe aujourd’hui sur la crise économique qui touche non seulement son électorat populaire mais aussi les classes moyennes. Beaucoup de ces partis, à l’instar du Rassemblement national, de la <em>Lega</em> italienne, du <em>Vlaams Belang</em> flamand, de Chega au Portugal ou du SPD tchèque (<em>Svoboda a přímá demokracie</em>), ont critiqué les sanctions contre la Russie, jugées <a href="https://www.populismstudies.org/ecps-report-the-impact-of-the-russia-ukraine-war-on-right-wing-populism-in-europe/">« injustes »</a> pour les citoyennes et les citoyens de leurs pays respectifs, appelant à plus de protection sociale.</p>
<p>Cette exploitation par l’extrême droite du pessimisme et des anxiétés sociales est venue prendre appui sur la contestation des mesures prises lors la pandémie de Covid-19 : beaucoup de ces partis, comme le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/26/l-extreme-droite-principale-force-antivax-en-autriche_6103656_3244.html">FPÖ autrichien</a> (<em>Freiheitliche Partei Österreichs</em>), Confédération en Pologne ou l’AfD (<em>Alternative für Deutschland</em>) outre-Rhin, se sont farouchement opposés aux mesures sanitaires et ont pu capitaliser, à bas bruit, sur les <a href="https://revistaidees.cat/en/losers-in-the-crisis-europes-radical-right-wing-in-the-Covid-19-pandemic/">colères</a> des populations.</p>
<p>La montée en puissance de l’extrême droite reflète aussi la persistance d’insécurités identitaires liées à l’immigration. <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/1-francais-sur-2-se-dit-defavorable-a-l-immigration-legale-des-populations-non-europeennes-au-sein-de-l-ue-selon-une-enquete_6073572.html">Les enjeux migratoires</a> continuent de travailler en profondeur les électorats européens. En témoigne la résurgence actuelle de ces débats en France, en Allemagne, en Italie, en Autriche ou au Royaume-Uni, tandis que <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/lampedusa-lile-symbole-qui-vit-au-rythme-des-arrivees-de-migrants-216841">Lampedusa</a> s’impose à nouveau comme le symbole de l’échec de l’Union européenne en matière de gestion des flux migratoires.</p>
<h2>Les européennes de 2024 en ligne de mire</h2>
<p>Cette consolidation des mouvements d’extrême droite devrait représenter un enjeu majeur des élections européennes de juin 2024. Sur la base des <a href="https://www.politico.eu/europe-poll-of-polls/">enquêtes nationales d’intentions de vote</a> dont on dispose, ces formations pourraient totaliser plus de 180 sièges au Parlement de Strasbourg, contre autour de 130 actuellement.</p>
<p>Les Fratelli d’Italia (FdI), le RN de Jordan Bardella, l’AfD allemande et Vox en Espagne sortiraient grands gagnants du scrutin, avec notamment 25 sièges pour la formation lepéniste et 27 élus pour les FdI. Marine Le Pen a d’ores et déjà entamé une tournée auprès de ses partenaires potentiels. L’ex (et probable future) candidate RN à la présidentielle a lancé à Beaucaire une <a href="https://www.leparisien.fr/politique/la-crise-migratoire-a-lampedusa-sinvite-a-la-rentree-du-rn-16-09-2023-HNLXMMMKS5FDRLIFPYISSSPWM4.php">première offensive</a> contre celle qui fait désormais figure de principale rivale pour le leadership européen de l’extrême droite, Giorgia Meloni.</p>
<p>Deux des anciens poids lourds, le PiS polonais et, surtout, la Lega de Matteo Salvini, devraient, eux, sortir affaiblis du scrutin de juin, avec respectivement 22 (-5) et 7 (-18) sièges. En Hongrie, Viktor Orban pourrait retrouver peu ou prou son niveau de 2019 mais demeure encore sans port d’attache au sein de l’extrême droite au Parlement européen.</p>
<p>De nouveaux acteurs devraient faire leur entrée au Parlement de Strasbourg : l’Alliance pour l’Union des Roumains (AUR), Chega au Portugal, Sme Rodina en Slovaquie ou les Démocrates danois. On attend de voir, en France, si <a href="https://www.lemonde.fr/elections-europeennes/article/2023/09/06/marion-marechal-designee-tete-de-liste-de-reconquete-aux-elections-europeennes_6188166_1168667.html">Marion Maréchal</a> sera en mesure de donner l’élan nécessaire à Reconquête pour s’assurer des élus en juin prochain.</p>
<h2>Tectonique des plaques</h2>
<p>À l’image de l’Italie ou de la France, de tels résultats demeurent pour l’essentiel indexés sur les équilibres politiques et les enjeux nationaux. Ils reflètent cependant certaines tendances lourdes à l’échelle de l’Europe.</p>
<p>En premier lieu, l’équilibre stratégique que beaucoup des acteurs de l’extrême droite ont su trouver <a href="https://esprit.presse.fr/article/gilles-ivaldi/l-extreme-droite-au-centre-44261">entre normalisation et radicalité</a>. D’un côté, ces partis ont gommé certaines des outrances de leur discours et de leur programme, notamment sur l’Europe, pour se rendre plus fréquentables ; de l’autre, ils ont préservé l’essentiel de <a href="https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2021-1-page-16.htm">leur ADN nationaliste, populiste et autoritaire</a>, pour mieux continuer de se démarquer des partis traditionnels et de prospérer sur le ressentiment et la colère.</p>
<p>Ce recentrage a ouvert de nouveaux espaces de coopération, en particulier avec la droite conservatrice ou libérale. L’Italie, la Finlande, la Suède, l’Espagne et demain sans doute l’Autriche, voire la Belgique, témoignent de cette fusion des droites. Même la CDU allemande (l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne, parti d’Angela Merkel et avant elle d’Helmut Kohl) semble s’engager sur la voie périlleuse de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/18/pousses-par-la-montee-de-l-extreme-droite-les-conservateurs-allemands-durcissent-le-ton_6189885_3210.html">l’alliance avec l’AfD sur le plan local</a>.</p>
<p>Plus généralement, les idées et les thèmes de l’extrême droite infusent au sein des partis de droite classique, à l’image de la radicalisation des conservateurs autrichiens, des libéraux aux Pays-Bas ou des Républicains d’Éric Ciotti en France.</p>
<p>Ce jeu complexe de forces centripètes et centrifuges sera au cœur des recompositions à venir au niveau européen.</p>
<h2>Vers un mariage des droites européennes ?</h2>
<p>La cartographie actuelle des groupes parlementaires oppose des partis plus « mainstream » et souvent plus atlantistes, autour de Giorgia Meloni, de Vox ou des -Polonais du PiS, réunis au sein des <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/les-groupes-au-parlement-europeen-les-conservateurs-et-reformistes-europeens-cre/">Conservateurs Réformistes européens (CRE)</a>, à un groupe <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/les-groupes-du-parlement-europeen-identite-et-democratie-id/">Identité et Démocratie (ID)</a> devenu au fil du temps le principal lieu de convergence des forces pro-russes autour de Marine Le Pen, Matteo Salvini, du FPÖ autrichien ou de l’AfD.</p>
<p>Forte de l’expérience italienne, Giorgia Meloni voudrait réussir le rapprochement avec le Parti populaire européen (PPE) et tirer les CRE vers le centre de la politique européenne. Viendraient s’agréger des partis tels que Vox, les Vrais Finlandais, l’Alliance nationale lettone ou l’AUR roumaine, portant l’effectif du groupe à quelque 80 sièges.</p>
<p><a href="https://www.euractiv.fr/section/institutions/news/le-virage-de-giorgia-meloni-en-matiere-migratoire-pourrait-provoquer-une-recomposition-politique-en-europe/">L’aggiornamento de Meloni sur l’Europe</a> rend a priori possible le mariage des droites européennes, mais ce scénario se heurte aux exigences du PPE. Manfred Weber, le président du groupe PPE au Parlement européen, a rappelé que ses alliés devaient nécessairement être fermement pro-européens, respectant l’état de droit et soutenant sans équivoque l’Ukraine. Il a par ailleurs pointé du doigt le PiS polonais pour ses <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/en-pologne-une-maree-humaine-contre-la-derive-liberticide-du-gouvernement-20230604_PHVW7XTNCZBQDGZYLAGJYKLJ6I/">dérives illibérales</a>. Par ailleurs, les dynamiques internes du PPE, en particulier les dissensions en Allemagne entre la CDU et l’Union chrétienne-sociale (CSU), devraient peser sur les stratégies d’alliances à venir.</p>
<p>Face à cela, Marine Le Pen et Matteo Salvini devront, eux, compter sur leurs alliés traditionnels en Autriche ou en Belgique, et aller chercher de nouveaux partenaires en Slovaquie, au Portugal, voire auprès de Viktor Orban. Sans totalement pouvoir s’extirper, cependant, du carcan d’extrême droite que représentent encore de telles alliances, s’agissant, entre autres, d’une encombrante AfD qui reste à certains égards un refuge pour néo-nazis outre-Rhin.</p>
<p>Si les lignes seront naturellement amenées à bouger d’ici à juin 2024, ainsi qu’en a témoigné le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/25/elections-espagnoles-l-europe-entre-soulagement-face-au-recul-de-l-extreme-droite-et-crainte-d-un-blocage-politique_6183278_3210.html">recul de Vox</a> aux dernières élections en Espagne, les succès à venir laissent toutefois entrevoir un glissement du centre de gravité de la politique européenne et un pouvoir de nuisance accru d’une extrême droite dont il faut rappeler qu’elle demeure le principal moteur d’opposition aux valeurs fondatrices de l’Union européenne, notamment au sein de l’ID. <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/17/traditions-ode-au-travail-et-droits-des-nations-et-des-peuples-a-beaucaire-la-rentree-a-domicile-du-rn_6189727_823448.html">Le discours de Marine Le Pen à Beaucaire</a> a attesté d’un retour à une position eurosceptique plus dure, sur la vieille antienne lepéniste d’une coopération entre nations libres et indépendantes.</p>
<p>Avec pour conséquences aussi le risque d’un durcissement des politiques d’immigration de l’UE et d’un recul conservateur sur les grands enjeux du climat et de la transition énergétique, comme une menace supplémentaire sur un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/29/en-europe-la-mecanique-du-green-deal-se-grippe_6191520_3210.html">Green Deal européen affaibli</a> par la crise économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La consolidation des mouvements d’extrême droite pourrait représenter un enjeu majeur des élections européennes de juin 2024.Gilles Ivaldi, Chercheur en science politique, Sciences Po Andreu Torner, Doctorant en Relations Internationales, Universitat Ramon LlullLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1201432019-07-30T17:05:25Z2019-07-30T17:05:25ZSiphonner les voix des « fâchés pas fachos » : le pari perdu de Mélenchon<p>Avec seulement 6,3 % des voix, la France insoumise (FI), à<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/29/elections-europeennes-2019-le-recul-de-la-gauche-radicale-ne-s-explique-t-il-pas-par-le-tournant-populiste-de-ces-dernieres-annees_5468885_3232.html"> l’instar de la majorité des gauches radicales européennes</a>, a connu lors des élections européennes du 26 mai 2019 une érosion spectaculaire par rapport à 2017. Celles-ci n’ont plus que 41 députés au Parlement européen, soit 20 % de moins que durant la précédente mandature (52 eurodéputés).</p>
<p>Dès le début de la campagne, en août 2018, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=u5hvR4A9zhI">FI avait pourtant annoncé vouloir faire de cette élection un « référendum anti-Macron »</a>, enjoignant les Français à infliger au <a href="https://melenchon.fr/2017/09/11/le-president-des-riches/">« Président des riches »</a> une formidable « raclée démocratique ».</p>
<p>Cette crise de croissance, qui a dégénéré en crise ouverte au sein du mouvement, ne serait-elle pas la preuve de l’incapacité structurelle de Mélenchon et de ses amis à réussir ce pari audacieux qui aurait justifié leur hypothèse stratégique du « populisme de gauche », <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/pour-un-populisme-de-gauche">chère à la philosophe Chantal Mouffe</a> : conquérir l’électorat populaire de la droite nationaliste ? </p>
<p>Il s’agissait de rallier au moins une partie significative des millions d’ouvriers et d’employés, plus largement des Français aux revenus modestes. Élection après élection, ces derniers persistent à apporter leur suffrage au parti de Marine Le Pen, <a href="https://theconversation.com/le-fn-de-marine-le-pen-ni-vichy-ni-antisysteme-52267">le Rassemblement national (RN)</a>, au lieu de soutenir ceux qui veulent « redonner le pouvoir au peuple » et défendent l’idée d’un <a href="https://melenchon.fr/2017/08/26/linsoumission-nouvel-humanisme/">nouvel humanisme</a> contre les ravages du <a href="http://paularies.canalblog.com/archives/2013/09/22/28069148.html">« capitalisme extractiviste et productiviste</a> ».</p>
<h2>Le FN/RN solidement ancré au sein de l’électorat populaire</h2>
<p>Avec 32 % du vote des employés et 47 % de celui des ouvriers à ces élections européennes, le RN demeure <a href="https://www.cairn.info/des-votes-et-des-voix-de-mitterrand-a-hollande--9782353713592-page-101.htm">le premier parti populaire</a> de France, dans la continuité de ce est qui à l’œuvre non seulement depuis que Marine Le Pen a succédé à son père en 2011, mais bien depuis les années 1990, et ce qui fut le <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100108100">« tournant social » du FN</a>. Celui-ci a contribué fortement à la prolétarisation de son électorat, et par là même au renouvellement et à l’élargissement de sa base électorale. Le FN/RN a réussi à capter le vote ouvrier, et peut, depuis 25 ans au moins, se prévaloir d’un véritable <a href="https://www.sciencespo.fr/actualites/actualit%C3%A9s/%C2%AB-cette-france-de-gauche-qui-vote-front%C2%A0national-%C2%BB/3063">« ancrage de classe »</a>. </p>
<p>La force du FN/RN réside dans le fait que ce vote populaire n’est pas soumis à des fluctuations, mais se maintient – scrutin après scrutin – à des niveaux élevés, qui lui permettent de demeurer une force compétitive sur le marché politique, même si le mode de scrutin uninominal à deux tours <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/14/le-front-national-est-encore-loin-des-portes-du-pouvoir_4831773_3232.html">rend chimérique l’ambition de pouvoir disposer d’une majorité parlementaire en ne comptant que sur ses seules forces.</a></p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.cairn.info/histoire-des-droites-en-france--9782262070748.htm">la droite nationaliste</a> a-t-elle réussi le tour de force de pérenniser sa pénétration dans ce qui a constitué, pendant des décennies, « la base populaire et ouvrière » des gauches socialiste et communiste, avant qu’advienne, à partir du milieu des années 1980, <a href="https://www.cairn.info/les-ouvriers-et-la-politique--9782724609352.htm">un processus de désaffiliation</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2015-4-page-63.htm">qui remit durablement en cause le « vote de classe » à gauche. </a></p>
<h2>A la conquête des « fâchés pas fachos »</h2>
<p>Mélenchon ne fit pas d’autre constat <a href="https://www.lesinrocks.com/2012/05/14/actualite/actualite/melenchon-le-fn-est-illegitime-a-diriger-la-republique/">en juin 2012</a>, lorsqu’on l’interrogea sur son choix d’aller affronter Marine Le Pen dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais pour tenter d’accéder à la députation :</p>
<blockquote>
<p>« Le décrochage n’est pas qu’affectif, cette gauche-là est aujourd’hui incapable de prouver au peuple que ses intérêts sont à gauche. Il y a une déconnexion entre son programme et les classes populaires. Nous sommes la relève ». </p>
</blockquote>
<p>Son ambition pour les années à venir était la suivante : reconquérir au moins une partie de cet électorat ouvrier lépéniste, considéré comme définitivement perdu par certains à gauche. Ceux que Mélenchon désigne, depuis au moins les législatives de 2012, sous l’expression « les fâchés pas fachos ». A l’inverse, la Fondation Terra Nova expliquait que pour triompher en 2012, <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2011/05/17/ouvriers-sales-et-mechants_736188">le PS ne devait pas « chercher à restaurer sa coalition historique de classe » car « la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche ». </a></p>
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<p>Dès la présidentielle de 2012, dans la stricte continuation de ses prises de position antérieures, Mélenchon fit du FN son adversaire numéro un, et de Marine Le Pen sa <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-7-9/le-7-9-01-fevrier-2012">« principale ennemie »</a>, considérant que les deux représentaient un véritable danger autant pour les intérêts des salariés que pour l’unité de la nation républicaine, et que par là même, elle était <a href="https://www.lesinrocks.com/2012/05/14/actualite/actualite/melenchon-le-fn-est-illegitime-a-diriger-la-republique/">« illégitime »</a> à occuper la maison du pouvoir.</p>
<p>Par ailleurs, Mélenchon postulait que son « éradication » était également nécessaire pour des raisons stratégiques. En effet, le FN était présenté comme « le verrou » à faire sauter pour permettre de renverser le rapport des forces à gauche, condition de possibilité pour permettre une recomposition du système partisan en France. Il déclarait ainsi, le 19 avril 2012, lors de son ultime meeting au Parc des expositions de la porte de Versailles, devant 50 000 personnes : </p>
<blockquote>
<p>« Il faut pour des raisons morales, affectives que vous connaissez mais aussi pour des raisons politiques que nous levions le verrou que les Le Pen père, fille, et je ne sais qui encore, opèrent sur la situation politique. » </p>
</blockquote>
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<p>En effet, la menace du FN était, d’après lui, ce qui permettait aux socialistes de justifier le vote utile en leur faveur, et de préserver ainsi leur domination électorale à gauche. Finalement, ruse de l’histoire, le PS se délita pendant la mandature de François Hollande, <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif--9782724621655-page-193.htm">sombrant même dans les limbes en 2017</a>, tandis que le FN continua d’améliorer ses scores à chaque nouveau scrutin, allant jusqu’à dépasser la barre symbolique des 10 millions de voix <a href="https://theconversation.com/le-front-national-2002-2017-du-vote-de-classe-au-vote-de-classement-77303">au second tour de la présidentielle de 2017</a>.</p>
<h2>De l’éloge de la « société bigarrée » au codéveloppement</h2>
<p>Lors de la présidentielle de 2012, sachant que les électeurs du FN étaient les plus polarisés par la question de la « rencontre migratoire », Mélenchon – lors de son discours sur les plages du Prado à Marseille – avait déjà cherché à convaincre en faisant l’éloge de la « société bigarrée », en promouvant le « métissage ». Il soulignait alors les bienfaits <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-creuset-francais-gerard-noiriel/9782757857786">de l’immigration </a>extra-européenne pour la société française, ainsi que la communauté de destins des peuples du pourtour méditerranéen. </p>
<p>Ainsi, pour tenter de l’emporter dans cette bataille culturelle, et de détacher une partie de l’électorat populaire arrimé au FN, Mélenchon fit-t-il le choix de célébrer l’altérité, « l’Autre » dans sa singularité, récusant sans ambages toute conception ethnique, racialiste, exclusiviste de la nationalité française, et par là même défendant une conception ouverte, radicalement politique et universelle de la citoyenneté dans la tradition égalitaire du mouvement ouvrier organisé, comme l’illustra l’expérience historique de<a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-bruxellois-2018-1-page-175.htm"> la Commune de Paris</a>.</p>
<p>Cependant, au premier tour de la présidentielle de 2012, seuls 2 % des électeurs de Jean‑Marie Le Pen de 2007 se reportèrent <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/comprendre-le-vote-des-francais">sur sa candidature</a>. Il en fut de même en 2017, où ils ne furent que 4 % parmi les électeurs de Marine Le Pen de 2012 à apporter leur suffrage à Mélenchon. </p>
<p>Celui-ci avait pourtant décidé, lors du dernier scrutin présidentiel, de remiser en partie sa ligne résolument pro-immigration de 2012 qui, selon lui, lui aurait coûté des voix dans l’électorat populaire. Aussi préféra-t-il insister sur la nécessité de réduire les flux migratoires en s’attaquant à leurs causes, tout en affirmant – contrairement à 2012 – que l’immigration devait être assimilée à « un exil forcé », à « une souffrance », lui même ayant connu dans <a href="https://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Jean%E2%80%91Luc-Melenchon-se-confie-pour-la-premiere-fois-dans-un-livre-473027-3120083">son enfance l’expérience douloureuse « du partir »</a>, et que, par des politiques de codéveloppements ambitieuses, il fallait créer des conditions matérielles d’existence suffisamment dignes dans les pays d’émigration pour que les étrangers puissent demeurer « enracinés » chez eux. </p>
<p><a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4487">Comme dans les années 1960</a>, lorsqu’en Bretagne on revendiquait dans l’espace public vouloir « vivre et travailler au pays », et mettre ainsi fin à l’exode endémique des forces vives bretonnes contraintes de partir travailler notamment dans la capitale,<a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/07/pour-melenchon-chacun-doit-pouvoir-vivre-dans-son-pays_5107445_4854003.html">Mélenchon répéta maintes fois que les étrangers de tous les pays devaient avoir la possibilité eux aussi de « vivre dignement au pays »</a>. </p>
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<p>Pour Mélenchon, si « l’invasion migratoire » constituait un mensonge éhonté utilisé pour effrayer les nationaux et les détourner des adversaires véritables que seraient dans sa conception dichotomique de la société les membres de « l’oligarchie », de « la caste », et si <a href="https://avenirencommun.fr/le-livret-migrations/">la France se devait d’être exemplaire</a> au travers de sa politique d’accueil des étrangers réfugiés, il n’existait pas <a href="https://journals.openedition.org/lectures/13994">un « droit d’émigrer ».</a> Cela revenait à accepter, sans toutefois l’assumer franchement, que l’État puisse <a href="https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article46549">renvoyer les étrangers qui se voient refuser un titre de séjour par l’administration.</a></p>
<h2>La question sociale plutôt que la question ethnique</h2>
<p>Lors de la campagne de 2017, les cadres de la FI se réjouirent des déboires du FN : mauvaise prestation de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron lors du débat de l’entre-deux-tours, incapacité du FN à constituer un groupe parlementaire (contrairement à FI), <a href="http://www.rfi.fr/france/20170921-france-jean-luc-melenchon-rejouit-depart-florian-philippot-fn">suivi par le départ de son numéro deux, Florian Philipot</a>, en septembre 2017 après que ce dernier eut été brusquement déclassé dans l’organigramme du FN. Mélenchon rappela, comme il l’avait déjà fait le 27 août 2017 à Marseille, que le FN était <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NrJUYj2EHEg">« un parti qui ne sert à rien »,</a> un repaire d’illusionnistes, qui tromperaient sans vergogne les salariés, les classes populaires.</p>
<p>Entre 2017 et 2019, le dirigeant des Insoumis ne cessa de s’adresser aux « fâchés pas fachos », c’est-à-dire à ces électeurs que comptait le FN/RN censés être davantage sensibles à la question sociale qu’à la question ethnique/raciale, et susceptibles d’être séduit par le vote FI. A ses yeux, il existait un réservoir de voix important. Sans doute pensait-il aux <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/2017/09/21/01002-20170921ARTFIG00339-melenchon-tend-les-bras-aux-fn-faches-mais-pas-fachos.php">36 % des électeurs du FN qui déclaraient avoir une bonne opinion de lui.</a> Sans compter ceux qui, nombreux, parmi les indécis au sein de l’électorat frontiste, <a href="https://tempspresents.com/2014/05/22/le-marinisme-un-souverainisme-integral-nicolas-lebourg/">disaient du candidat de la FI qu’il était leur deuxième choix. </a></p>
<p>Il rappela l’actualité et la permanence de ce combat contre le RN/FN, notamment au plus fort de <a href="https://lundi.am/Une-politique-experientielle-Les-gilets-jaunes-en-tant-que-peuple">la crise des Gilets jaunes</a>, en décembre 2018, exprimant le désir de voir ces électeurs « fâchés pas fachos » manifester leur colère autrement qu’en apportant leur suffrage à la droite nationaliste.</p>
<h2>Quand le RN siphonne des électeurs de Mélenchon</h2>
<p>Les élections européennes auraient dû permettre de mesurer le chemin parcouru par la FI dans sa volonté de siphonner une partie de l’électorat frontiste, et notamment sa capacité à rallier ceux que Pascal Perrineau nomme <a href="https://www.cairn.info/le-vote-de-crise-l-election-presidentielle-de-1995--9782724606787.htm">les « gaucho-lepénistes »</a> qui, même minoritaires, représenteraient <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/cette-france-de-gauche-qui-vote-fn-pascal-perrineau/9782021362596">néanmoins 10 % de l’électorat frontiste</a>. </p>
<p>Il n’en fut rien : le transfert d’électeurs de Marine Le Pen de 2017 vers la FI, lors du scrutin du 26 mai 2019, a encore décru par rapport aux deux présidentielles de 2012 et 2017. Il a même été, pour ainsi dire, insignifiant : <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/05/116339-Rapport-JDV-COMPLET-d%C3%A9taill%C3%A9_2019_05.27.pdf">proche de 0 %</a>. A contrario, la liste RN dirigée par Jordan Bardella a réussi à rallier 7 % des électeurs de Mélenchon de 2017 qui ont voté à ces élections européennes.</p>
<p>Les enquêtes successives l’avaient démontré depuis longtemps : s’il est un électorat populaire faisant du FN/RN un véritable « parti de classe », l’électorat lepéniste reste <a href="https://www.cairn.info/des-votes-et-des-voix-de-mitterrand-a-hollande--9782353713592-page-101.htm">ancré à droite politiquement et culturellement</a>. D’origine européenne, il assume un positionnement résolument hostile à l’endroit des étrangers extra-européens et de culture arabo-musulmane, tout en exigeant que soit mis en œuvre par l’État un <a href="https://tempspresents.com/2014/05/22/le-marinisme-un-souverainisme-integral-nicolas-lebourg/">protectionnisme intégral</a> afin que les titulaires de la nationalité française soient privilégiés par rapport aux étrangers et protégés contre les supposés méfaits du « mondialisme », du « libre-échangisme ». </p>
<p>Aussi, lorsque des transferts de voix massifs ont eu lieu au détriment du FN, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2007-3-page-411.htm">comme en 2007</a>, c’est la droite libérale en la personne de Nicolas Sarkozy qui en a profité. A l’inverse, en 2017, Marine Le Pen est parvenue à attirer jusqu’à 14 % des électeurs qui avaient voté Sarkozy en 2012. </p>
<p>Ces deux cas de figure, à une décennie d’intervalle, apportent la preuve de la porosité entre des électorats des droites, tandis que la FI, en dépit de sa stratégie dite « populiste de gauche » visant à s’adresser, à partir de son programme <em>l’Avenir en commun</em>, aux classes subalternes par-delà les clivages partisans, n’a pas réussi à ramener dans son giron même une fraction de cet électorat au « tropisme droitier ». Et cela, en dépit d’un discours qui se voulait plus équilibré sur la question migratoire, au risque de se retrouver à contre-courant <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/10/01/immigration-melenchon-esquive-la-gauche-l-etrille_1682512">des propositions jugées maximalistes</a> de certaines <a href="https://www.academia.edu/37498483/Les_gauches_alternatives_en_France_du_bouillonnement_des_ann%C3%A9es_1968_aux_recompositions_de_la_fin_de_si%C3%A8cle">« gauches alternatives »</a>, <a href="https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/olivier-besancenot-sur-les-migrants-on-n-est-plus-d-accord-avec-jean-luc-melenchon-sur-la-liberte-de-circulation-et-d-installation-a-un-moment-il-etait-pour-1108826.html">comme le NPA</a>, en faveur de la liberté totale de circulation et d’installation. </p>
<p>Malgré ces échecs, Mélenchon et ses partisans n’ont pas renoncé, à partir de leur programme, véritable socle commun, à disputer au RN l’hégémonie culturelle au sein <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2015-4.htm">des classes populaires « blanches »</a>. En effet, outre la nécessité de rallier une fraction importante de la masse des abstentionnistes récurrents, mais aussi de pénétrer enfin l’électorat âgé (<a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/05/116339-Rapport-JDV-COMPLET-d%C3%A9taill%C3%A9_2019_05.27.pdf">3 % de suffrages seulement</a> chez les plus de 65 ans aux dernières élections européennes pour la FI, alors que celui-ci constitue l’électorat le plus mobilisé à tous les scrutins), il leur faudra également construire des jointures solides avec la multitude hétérogène <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Petits_Blancs">« des petits blancs »</a> pour espérer devenir à moyen terme « un parti au pouvoir ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120143/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Malgré tous ses efforts, la France insoumise ne parvient pas à capter les voix d'une frange de l'électorat populaire qui demeure ancré à droite politiquement et culturellement.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Bryan Muller, Doctorant contractuel chargé d'enseignement en Histoire contemporaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1198982019-07-05T12:41:14Z2019-07-05T12:41:14ZRoyaume-Uni : cap sur le Brexit dur !<p>La question peut paraître incongrue tant le Brexit est un sujet permanent de discussion politique depuis le référendum du 23 juin 2016. Pourtant, les atermoiements du Parlement britannique ont fini par écœurer les plus fins commentateurs, qui ne savent plus au fond si le Brexit <a href="https://theconversation.com/le-brexit-aura-t-il-jamais-lieu-114157">va un jour avoir lieu</a>.</p>
<p>Les élections des députés au Parlement européen ont poussé Nigel Farage hors de la retraite politique qu’il s’était octroyée, sans pourtant jamais renoncer à son mandat de député européen. Avec sa victoire dans les urnes, il revient, et avec lui le Brexit dur, au centre du jeu politique national.</p>
<p>Mais la démission de Theresa May, le 7 juin dernier, a ressuscité un autre personnage, Boris Johnson, qui trois ans après sera le prochain <em>prime minister</em>. Le Royaume-Uni reste décidément bien singulier : après avoir demandé le Brexit par référendum, demande confirmée par le gouvernement et le Parlement, les manifestants pro- et anti-Brexit ont envahi en mai 2019 les mêmes rues de Londres, comme si le Brexit était toujours incertain. Au point de rendre crédible pour quelques jours l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/brexit-le-second-referendum-est-officiellement-une-possibilite-au-royaume-uni_3454651.html">hypothèse d’un second référendum</a> !</p>
<p>Les cartes sont à nouveau rebattues et, selon toute vraisemblance, le Brexit est devenu une priorité politique outre-Manche. Enfin, serait-on tenté de dire !</p>
<h2>Le Brexit, un choix britannique</h2>
<p>Demandé par référendum <a href="https://theconversation.com/brexit-or-brexin-le-perfide-referendum-du-23-juin-2016-60993">il y a trois ans</a>, le Brexit entre en réalité depuis quelques semaines dans sa phase de lancement politique.</p>
<p>Les résultats du référendum avaient finalement surpris tout le monde, les Britanniques les premiers. Ils ont dû se mettre en ordre de bataille à marche forcée pour négocier le Brexit. Theresa May, tiède partisane du « Remain », a finalement mis une opiniâtreté peu commune à faire de la revendication politique du « Leave » une réalité juridique. Elle a négocié l’accord de Brexit avec l’Union européenne.</p>
<p>Elle a oublié sans doute de travailler à une majorité politique dans son parlement pour dépasser son propre parti divisé par le Brexit, finalement tout autant que le peuple britannique. Sa tactique a consisté à s’arc-bouter sur le référendum pour obtenir un accord de sortie de l’Union, en pensant que les parlementaires voteraient ensuite cet accord sous la contrainte du risque de désordre.</p>
<p>Partisans du Brexit dur (ce qui veut dire sans accord), soft (donc négocié avec les 27 États membres restant dans l’UE pour être organisé), du non-Brexit, du deuxième référendum se sont succédé dans l’enceinte surannée du Parlement britannique, sans parvenir à trouver d’autres solutions que de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/25/theresa-may-une-lente-descente-dans-l-enfer-du-brexit_5466967_3210.html">sacrifier Theresa May</a>. Celle-ci n’a pas vu venir le danger tant elle était sûre d’avoir négocié le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/24/la-premiere-ministre-britannique-theresa-may-annonce-qu-elle-demissionnera-le-7-juin_5466449_3210.html">meilleur accord possible</a>).</p>
<p>S’il y avait une leçon à tirer de cette farce tragi-comique, c’est que le débat politique ne peut plus être résumé au sentiment d’une urgente solution inéluctable. Le Brexit peut être négocié ou non, selon des modalités différentes, et ces options auraient dû faire l’objet d’une discussion politique au Royaume-Uni avant d’enclencher des négociations internationales avec l’Union européenne.</p>
<p>Les institutions européennes ont aussi porté le Brexit comme un fardeau. Ne voulant pas croire d’abord dans la possibilité de mettre un jour en œuvre l’article 50 TUE, elles ont ensuite réussi à défendre une unité des 27 États toujours membres de l’Union pour négocier le Brexit puis, dans un deuxième temps qui n’en finit pas de commencer, la future relation de l’Union avec un pays devenu tiers.</p>
<p>Elle a réussi, <a href="https://theconversation.com/michel-barnier-negociateur-du-brexit-la-juncker-touch-64325">grâce à l’énergie de Michel Barnier</a>, à mener à terme la négociation des 600 pages du traité de sortie. Mais elle est depuis dans l’expectative d’une décision britannique. L’Union européenne ne peut rien faire d’autre qu’attendre, comme d’ailleurs tous les citoyens et toutes les entreprises qui s’interrogent sur ce que sera le Brexit sans que personne n’apporte de réponse claire. L’incertitude politique devient le principal effet du Brexit, faisant monter la <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/grande-bretagne/brexit/reportage-en-ecosse-les-agriculteurs-subissent-deja-le-brexit-6404824">crise économique et politique</a>.</p>
<h2>Pour Boris Johnson, la voie est ouverte</h2>
<p>La démission de Theresa May ouvre la voie au retour de Boris Johnson. Jouant d’une image de trublion politique, il construit très consciencieusement son arrivée au poste de premier ministre. Il clame haut et fort qu’il va renégocier l’accord du Brexit. Pour ce faire, il faudra non seulement que les Britanniques proposent concrètement une autre solution politique de sortie de l’Union que celle trouvée à grand-peine par Madame May avec 27 partenaires, mais aussi que les trois questions « préalables » au Brexit trouvent une issue différente de celle négociée dans l’accord de sortie. Ces trois questions sont la facture du « divorce », le devenir des citoyens européens au Royaume-Uni et la nécessité politique de maintenir ouverte la frontière entre les deux Irlandes.</p>
<p>Dans le même temps, au mois de mai, le Royaume-Uni a dû organiser des élections européennes. Le Brexit Party est arrivé en tête avec 30,74 % des voix. Le Brexit est donc toujours <a href="https://www.theguardian.com/politics/live/2019/may/26/european-elections-2019-results-eu-election-parliament-brexit-party-farage-tories-may-live">majoritaire parmi les électeurs</a>. Les Liberal Democrats, largement anti-Brexit, arrivent en deuxième position avec moins de 20 % des votes, ce qui confirme aussi la <a href="https://resultats-elections.eu/resultats-nationaux/royaume-uni/2019-2024/">division du pays</a>. Le comportement des députés britanniques lors de la première séance du nouveau Parlement européen était donc déterminant.</p>
<p>Le parti du Brexit emmené par Nigel Farage s’est illustré, le 2 juillet 2019, en tournant le dos lors de l’Ode à la joie au Parlement européen. Difficile d’être plus clair : ces députés britanniques majoritaires en leur pays veulent le Brexit et se sentent déjà hors du jeu européen, sans plus vouloir montrer un quelconque sentiment d’appartenance collective. Le fait d’avoir dû organiser des élections au Parlement européen au Royaume-Uni a permis de faire émerger le Brexit, quelles qu’en soient les conditions, comme une option politique certaine. Reste encore et toujours à en dessiner les modalités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1146081033701470209"}"></div></p>
<h2>La question irlandaise renforce l’hypothèse du Brexit dur</h2>
<p>Pour renégocier un accord, il faudrait que Boris Johnson, s’il devient premier ministre, apporte un singulier changement politique. S’il refuse de payer la facture du divorce, il cristallise les oppositions des 27 qui auront beau jeu de <a href="https://theconversation.com/boris-johnsons-threat-to-not-pay-britains-brexit-bill-is-dangerous-for-the-uk-economy-118544">refuser toute nouvelle négociation</a>.</p>
<p>Il lui faut surtout trouver une nouvelle issue à la question de la frontière irlandaise, explosive au sens figuré comme au sens propre. Cette question ne peut être ignorée par Londres dans une renégociation de l’accord avec l’Union. L’Irlande exige que cette frontière reste ouverte, ce qui fut une condition de la paix du « Good Friday Agreement ». Theresa May avait promis une frontière invisible sans jamais avoir proposé de plan crédible pour y parvenir.</p>
<p>Les autres options juridiques sont finalement peu nombreuses : un statut spécial peut être négocié pour que l’Irlande du Nord reste dans une union douanière, de manière à éviter un retour du sentiment de frontière. C’était bien tout le sens du <em>backlash</em>, qui fit pourtant l’<a href="https://www.heraldscotland.com/news/17225890.brexit-deal-backlash-how-westminster-fallout-unfolded/">objet de toutes les critiques à Westminster</a>.</p>
<p>On voit mal ce que Boris Johnson pourrait faire de différent, sauf à octroyer l’impensable, à savoir réunifier l’Irlande, pour que sa partie nord reste dans l’Union européenne. Le peu de solutions juridiques pour garantir la frontière irlandaise rend paradoxalement le Brexit dur plus probable qu’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/25/apres-la-demission-de-theresa-may-le-brexit-sans-tete_5467124_3210.html">renégociation de l’accord de sortie</a>.</p>
<p>Les travaillistes n’ont d’ailleurs pas réussi à rallier des votes majoritaires <a href="https://www.sudouest.fr/2019/04/02/brexit-les-alternatives-au-plan-may-rejetees-le-royaume-uni-dans-l-impasse-5952192-7516.php">pour éviter cette option</a>. Boris Johnson refuse strictement tout nouveau référendum. Le Brexit sans accord avec l’Union est donc le nouvel horizon politique du Royaume… si, et seulement si, le Parlement parvient à trouver une majorité en ce sens, majorité par hypothèse transpartisane. La rupture bête et brutale devient crédible, alors qu’elle avait servi de repoussoir au gouvernement May.</p>
<h2>La fin de l’influence britannique dans l’Union européenne</h2>
<p>C’est bien aussi ce que montrent les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/top-jobs-europeens-la-liste-se-precise-1035065">derniers Conseils européens</a> qui ont longuement débattu des propositions de noms pour les postes de présidents de la Commission et du Conseil européen, de directeur de la Banque centrale européenne et du Haut représentant pour les affaires étrangères. La première ministre britannique, sur le départ dans son pays, n’a pas pu peser dans les négociations, mettant finalement le Royaume-Uni hors jeu avant même le Brexit.</p>
<p>La sortie de l’Union européenne est donc inéluctable et enfin claire. Reste une inconnue : <a href="https://theconversation.com/lunion-europeenne-face-aux-risques-du-halloween-brexit-115381">avant ou après Halloween</a>. Le cauchemar d’un choix démocratique n’est pas encore tout à fait terminé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédérique Berrod ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après trois ans de tergiversations et de négociations infructueuses, l’horizon est en passe de se dégager au Royaume-Uni. Et c’est l’option d’un scénario dur qui émerge.Frédérique Berrod, Professeure de droit public, Sciences Po Strasbourg – Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1197622019-07-03T20:29:18Z2019-07-03T20:29:18ZLa France insoumise aux européennes de 2019 : radiographie d’un échec<p>« Immense échec », « déception » : au soir du 26 mai, les cadres de la France insoumise (FI), Jean‑Luc Mélenchon en premier, n’ont pas cherché devant les caméras à minorer la réalité de la contre-performance survenue aux élections européennes de 2019.</p>
<p>Quelques jours avant le vote, <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/12/09/manon-aubry-dans-le-bain-politique-jusqu-a-la-tete-de-liste_1696941">Manon Aubry</a> se plaisait encore à évoquer devant des journalistes le frémissement des dernières enquêtes d’opinion, allant jusqu’à exprimer l’espoir que sa liste, à défaut de prétendre à la victoire, puisse au moins représenter <a href="https://www.cnews.fr/france/2019-05-21/face-aux-droites-nous-portons-une-troisieme-voie-sociale-et-ecologique-selon-manon">cette « troisième voie sociale et écologiste » </a>face aux <a href="https://www.cairn.info/histoire-des-droites-en-france--9782262070748.htm">droites libérales et nationalistes.</a></p>
<p>Il n’en fut rien. Avec seulement 6,3 % des suffrages exprimés, la FI a subi une érosion électorale spectaculaire par rapport à 2017. Dès le début de la campagne en août 2018, la formation de Jean‑Luc Mélenchon annonçait pourtant vouloir faire de cette élection proportionnelle plurinominale un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=u5hvR4A9zhI">« référendum anti-Macron »</a>, enjoignant ainsi aux électeurs d’infliger au <a href="https://melenchon.fr/2017/09/11/le-president-des-riches/">« Président des riches »</a> une formidable <a href="https://www.lemonde.fr/la-france-insoumise/article/2018/08/25/a-marseille-jean-luc-melenchon-promet-une-raclee-democratique-a-emmanuel-macron_5346247_5126047.html">« raclée démocratique » </a>.</p>
<p>Cet échec s’inscrit plus largement dans celui de la majorité des gauches radicales européennes : rassemblées dans le Parlement européen, celles-ci n’ont plus que 41 députés, soit 20 % de moins que durant la précédente mandature (52 eurodéputés). </p>
<p>Au même moment, avec leurs 3 millions de voix – record historique pour une formation se réclamant de l’écologie –, <a href="https://theconversation.com/la-surprise-verte-117904">les dirigeants d’EELV plastronnaient</a>. Les voilà convaincus d’être devenus, en l’espace d’une élection, la nouvelle force charnière capable de concurrencer les deux super-grands (LREM et RN) pour la conquête du pouvoir d’État, dix ans après leur poussée triomphale aux européennes de 2009 qui avait engendré les mêmes folles espérances, finalement vite déçues. </p>
<p>Comment comprendre cette chute libre, qui rappelle celle survenue aux élections européennes de mai 2014, lorsque le Front de gauche (FG), qui avait alors pour ambition première de disputer au Parti socialiste l’hégémonie à gauche, n’obtint que 6,61 % voix. Autrement dit, à peine mieux que ce qui fut réalisé en juin 2009, et surtout quatre fois moins de voix que <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2012-5-page-941.htm?contenu=article">lors de l’élection présidentielle de 2012</a>, où Mélenchon avait rassemblé, avec 11 %, près de 4 millions de voix sur son nom ? </p>
<h2>Que sont devenus les 7 millions d’électeurs de Jean‑Luc Mélenchon ?</h2>
<p>Depuis <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif--9782724621655-page-175.htm">son score remarquable</a> à l’élection présidentielle de 2017, et en dépit de son <a href="https://www.liberation.fr/politiques/2017/04/24/au-qg-de-melenchon-une-certaine-deception-d-etre-passe-si-pres_1564863">immense déception</a> de ne pas avoir pu monter dans le train de l’Histoire, Mélenchon aurait-il cédé à l’ivresse des sommets ? Il a été conforté par les enquêtes d’opinion qui continuaient à le présenter, <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/melenchon-premier-opposant-a-macron-hollande-loin-derriere-3419783">mois</a> après <a href="https://www.lepoint.fr/politique/sondage-jean-luc-melenchon-meilleur-opposant-a-emmanuel-macron-17-05-2018-2219110_20.php">mois</a>, comme le meilleur opposant à Emmanuel Macron. </p>
<p>Pour le dire autrement : aurait-il succombé à sorte d’euphorie triomphaliste l’amenant à postuler que <a href="https://univ-droit.fr/recherche/actualites-de-la-recherche/parutions/31182-histoire-d-une-revolution-electorale-2015-2018">« la révolution électorale </a> », qui a engendré une recomposition profonde du champ politique en France, aurait effacé définitivement de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2012-2-page-255.htm">la compétition partisane</a> aussi bien le PCF que le PS et les écologistes ? </p>
<p>Ainsi eut-il ces mots définitifs à l’endroit de ces organisations, au lendemain de ce qu’il avait qualifié de <a href="https://lafranceinsoumise.fr/2017/07/30/vague-degagiste-va-continuer/">« vague dégagiste »</a>.</p>
<blockquote>
<p>« Ne focalisons pas sur l’ambiance de décomposition de la vieille gauche ! Les spasmes d’agonie du PS du PCF, d’EELV, leur échec électoral terrible et celui de leur complicité pour bloquer la percée de La France insoumise. Laissons décanter. La vie est ailleurs. » </p>
</blockquote>
<p>Pour Jean‑Luc Mélenchon, entre la FI et la nouvelle majorité présidentielle <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20170808.OBS3144/jean-luc-melenchon-une-certaine-idee-du-chaos.html">dépourvue de base sociale</a> à ses yeux, et par là-même de légitimité politique pour conduire ses réformes, il n’y aurait plus rien d’un tant soit peu signifiant, si ce n’est des organisations jugées décrépites, condamnées par la roue de l’histoire. La FI avait donc la voie libre pour construire et affermir « <a href="http://www.lcp.fr/afp/melenchon-se-pose-en-chef-dune-opposition-populaire">l’opposition populaire</a> » qu’elle prétendait incarner de façon exclusive, et apparaître comme la seule alternative dite <a href="https://melenchon.fr/2017/08/26/linsoumission-nouvel-humanisme/">« humaniste »</a> à Emmanuel Macron et à sa dite « société du tout-libéral », du « tout-marché ». </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OYZ3WAKtN8A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En cela, les élections européennes de 2019 étaient censées constituer une épreuve de vérité, qui devait voir son « hégémonie » à gauche confirmée et confortée par l’onction du suffrage universel.</p>
<p>Mais avec 6,3 % seulement (et 1 428 548 voix), la FI terminait, le 26 mai 2019, au même niveau que le Front de gauche cinq ans auparavant, même si – différence notable – son autre composante principale, le PCF, avait décidé de présenter sa propre liste – une première depuis 2004. L’abstention et la migration électorale se sont cumulés pour provoquer cette déperdition électorale redoutée.</p>
<h2>Démobilisation de l’électorat de 2017</h2>
<p>Comme en 2014, la FI a souffert plus que n’importe quelle autre formation de ce que Mélenchon redoutait plus que tout : une réelle démobilisation de son électorat de 2017. Tandis que seulement 47 % de ses électeurs de 2017 se sont rendus aux urnes, le niveau de participation n’a atteint que <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/05/116339-Rapport-JDV-COMPLET-d%C3%A9taill%C3%A9_2019_05.27.pdf">40 % chez les électeurs revendiquant une proximité partisane avec la FI</a>. </p>
<p>Comparativement, le Rassemblement national (RN), même s’il a eu à souffrir également de l’abstention de masse, a bénéficié <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/05/116339-Rapport-JDV-COMPLET-d%C3%A9taill%C3%A9_2019_05.27.pdf">d’une bonne participation de son électorat partisan (61 %)</a>, prouvant sa grande capacité de mobilisation électorale, scrutin après scrutin. <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/05/116339-Rapport-JDV-COMPLET-d%C3%A9taill%C3%A9_2019_05.27.pdf">Il en a été de même à gauche pour EELV (58 %)</a>.</p>
<p>Pour Jean‑Luc Mélenchon, cette démobilisation a d’abord confirmé ce qu’il désignait, en juin 2017, comme étant une <a href="https://www.liberation.fr/video/2017/06/18/melenchon-notre-peuple-est-entre-dans-une-forme-de-greve-generale-civique_1577721">« grève générale civique</a> », autre nom pour désigner la <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-actuel/La-democratie-de-l-abstention">« démocratie de l’abstention »</a>. Cette abstention de masse touche prioritairement les classes populaires, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1023.htm?contenu=resume">celles qui ont un faible niveau d’étude</a>. </p>
<p>Aussi, les cadres de la FI n’ont eu de cesse d’exhorter leurs électeurs – notamment les jeunes entre 18 et 35 ans qui ont été la colonne vertébrale du vote Mélenchon en 2017 –, de ne pas se comporter comme des <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2007-1-page-29.htm">« intermittents du vote »</a>. Ils les ont appelés, au contraire, à réitérer leur vote en faveur de la FI. Car, disaient-ils, s’abstenir revenait in fine à contribuer <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KyIxlU42-ao">au succès de la liste soutenue par le président de la République</a>, alors que l’enjeu de cette élection européenne était justement de battre celle-ci pour délégitimer l’action réformatrice d’Emmanuel Macron.</p>
<p>Mais le sursaut espéré n’a pas lieu, et ce sont trois millions d’électeurs de Mélenchon qui ont boudé les urnes. Parmi eux, des électeurs des classes populaires des grands centres urbains qui se positionnent traditionnellement à gauche sur l’échiquier politique. En 2017, la campagne de Mélenchon avait pourtant permis de les mobiliser, son image s’améliorant par ailleurs considérablement <a href="https://www.soprasteria.com/docs/librariesprovider29/Publications-Ipsos/rapport-vague13.pdf?sfvrsn=a8ab8f5a_0">dans les dernières semaines.</a></p>
<h2>Un trésor de guerre envolé</h2>
<p>La plupart des cadres de la FI, Mélenchon au premier chef, se sont persuadés, à tort, que les 7 millions d’électeurs ayant voté Mélenchon en 2017 leur étaient acquis, que c’était d’une certaine façon leur trésor de guerre. Au risque de développer ce que d’aucuns à gauche ont nommé <a href="https://www.liberation.fr/debats/2019/05/31/la-france-insoumise-un-echec-qui-vient-de-loin_1730837">un « syndrome hégémonique »</a>.</p>
<p>Ainsi, au cours de ces deux dernières années, ils n’ont cessé de répéter que la FI disposerait d’un noyau électoral de 7 millions de voix. Ce faisant, ils ont fait fi à la fois de la composition particulièrement hétérogène de l’électorat de 2017, et de la configuration très particulière ayant rendu possible une performance électorale aussi exceptionnelle et qu’inattendue. </p>
<p>En 2017, au premier tour de la présidentielle, Mélenchon avait frôlé les 20 % d’abord parce qu’il avait su incarner, au détriment de Benoît Hamon, le « vote utile » à gauche. Et cela, contrairement à 2012 où François Hollande avait largement bénéficié, au premier tour de la présidentielle, de cette <a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2014-3-page-681.htm">« approche stratégique du vote »</a>. </p>
<p>En 2017, Mélenchon en a largement bénéficié grâce au vote acquis des communistes et à celui de la gauche radicale. Mais on assista surtout à <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3749-1-study_file.pdf">un transfert de voix massif</a> avec l’apport de 26 % des électeurs de François Hollande, 40 % d’Eva Joly, et même 12 % de François Bayrou – soit 3 millions de voix. Ce vote s’est cristallisé durant les quatre dernières semaines de la campagne, jusqu’au jour du vote où <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3749-1-study_file.pdf">près de 20 % des électeurs de Mélenchon se sont décidés à voter en sa faveur</a>.</p>
<p>Selon une étude, il a été considéré comme le candidat à gauche ayant fait <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3749-1-study_file.pdf">la meilleure campagne</a> (43 % Mélenchon contre 3 % Hamon), et surtout comme étant le plus capable d’être au second tour (36 % pour Mélenchon contre 8 % Hamon) pour permettre à la gauche de ne pas être éliminée, comme en 2002, et éviter ainsi un duel entre les droites libérale et nationaliste.</p>
<h2>La confirmation d’un vote de circonstance</h2>
<p>Lors de la dernière élection européenne, en plus de l’abstention massive déjà évoquée, on a assisté au détachement de pans entiers de l’électorat de 2017 : 40 % des électeurs de Mélenchon de 2017 ont décidé de <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/05/116339-Rapport-JDV-COMPLET-d%C3%A9taill%C3%A9_2019_05.27.pdf">« laisser tomber » la FI</a>, malgré les appels de ses dirigeants, pour se reporter sur les autres listes de gauche : EELV (17 %), Parti communiste (13 %), PP-PS (7 %), Génération (2 %), Lutte ouvrière (1 %). Ce qui représente 1,2 million de voix. </p>
<p>Nombreux sont les électeurs qui, ayant voté Mélenchon dans le contexte particulier de 2017, longtemps indécis, sont retournés voter en faveur d’organisations dont ils se sentent plus proches. Ils ont ainsi apporter la preuve que le vote Mélenchon de 2017 avait été autant un vote de circonstances que celui <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01021593v2/document">« du dernier moment »</a>, témoignant de sa grande fragilité. </p>
<p>Comme en 2014, ce flot de départs n’a nullement été compensé par l’arrivée de nouveaux électeurs. Les 6,3 % aux élections européennes ont obtenus presqu’exclusivement grâce aux 37 % d’électeurs de Mélenchon de 2017 ayant voté à nouveau en 2019. Les élections européennes de 2019 ont confirmé le caractère volage (<a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/europe-ecologie-electorat-volage-electorat-stratege">à l’instar des électeurs écologistes</a>) de cet électorat que les dirigeants de la FI ne parviennent pas à stabiliser sur le moyen terme, à l’inverse du RN qui dispose d’un vaste socle d’électeurs fidèles. </p>
<p>En 2017, 51 % des électeurs de Marine Le Pen savaient depuis longtemps qu’ils comptaient voter pour elle et 76 % ont fait leur choix avant le début de la campagne. Cette assise permet au RN de résister non seulement à l’action de forces centrifuges, mais également de moins souffrir comparativement de l’abstention massive que les autres partis.</p>
<h2>Les difficultés en Europe d’une alternative radicale à gauche</h2>
<p>L’échec de la FI à ces élections européennes de 2019, ramenée à l’étiage de 2014, <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/05/28/au-parlement-europeen-la-gauche-radicale-en-declin_1730289">fait écho à celui de nombreuses organisations de la gauche radicale européenne</a>, en premier lieu à celui du <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2018-2-page-87.htm?contenu=resume">« parti mouvement », Podemos</a>, qui espérait en 2015 pouvoir supplanter définitivement le PSOE dans le système partisan espagnol. </p>
<p>Il démontre l’immense difficulté de ces organisations porteuses d’une alternative radicale, sinon révolutionnaire, à l’ordre institutionnel et à l’organisation économique existante à confirmer leur percée électorale fulgurante dans des contextes socio-politiques distincts.</p>
<p>Les élections européennes de mai 2019 ont démontré à la fois la capacité de résilience des organisations traditionnelles, <a href="https://theconversation.com/le-moment-populiste-en-espagne-est-passe-116641">notamment en Espagne</a>, mais aussi la fragilité de l’électorat des gauches radicales qui soit revient à d’anciennes allégeances, soit renoue avec l’abstention récurrente, ou encore la dépendance de ces organisations à l’image publique de leur « leader charismatique » .</p>
<p>La dégradation de leur image, comme ce fut le cas de Mélenchon avec <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/17/non-la-perquisition-subie-par-jean-luc-melenchon-et-la-france-insoumise-n-est-pas-politique_5370832_4355770.html">la désastreuse « séquence des perquisitions »</a> déteint inévitablement sur celle de l’organisation qu’il prétend incarner en dehors et à l’intérieur. </p>
<p>L’appel de Mélenchon à un activisme de proximité et débridé des militants insoumis, leur stratégie de saturation de l’espace à l’échelon local ou encore la volonté des cadres de la FI de proposer « au peuple » <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/reforme-du-code-du-travail/video-melenchon-appelle-le-peuple-a-deferler-a-paris-le-23-septembre-contre-le-coup-d-etat-social-de-macron_2344949.html">un calendrier de mobilisation propre</a>, en parallèle à celui des confédérations syndicales, n’aura pas permis de fidéliser l’électorat de 2017. </p>
<p>Le destin des gauches radicales en Europe, et donc de la FI, serait-il de ressembler à celui de <a href="https://twitter.com/JLMelenchon/status/1142790087412989952">Sisyphe</a> ? Croire s’approcher enfin de la « maison du pouvoir » avant de retomber brusquement, et ainsi gagner le droit de recommencer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119762/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment comprendre cette chute libre, qui rappelle étrangement celle intervenue aux élections européennes de mai 2014, à l'époque du Front de gauche ?Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Bryan Muller, Doctorant contractuel chargé d'enseignement en Histoire contemporaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182962019-06-06T19:59:29Z2019-06-06T19:59:29ZQuel est l’impact de l’immigration sur la montée nationaliste au sein de l’UE ?<p>Du Royaume-Uni à l’Italie en passant par l’Autriche et d’autres pays européens, les résultats des récentes élections ont montré <a href="https://theconversation.com/le-nouveau-visage-du-nationalisme-europeen-116494">que les partis populistes et nationalistes séduisent de plus en plus d’électeurs</a>. Même si chaque parti a sa spécificité, beaucoup entre eux critiquent le processus d’intégration des pays au sein de l’Union européenne (UE). Plus précisément, ils considèrent la construction de l’UE comme une restriction de la souveraineté nationale, et nombreux partagent une vision hostile à l’immigration.</p>
<p>Face au contexte politique actuel, dans quelle mesure les flux migratoires sur les derniers dix ans favorisent-ils la montée des partis nationalistes ?</p>
<p>Nous proposons ici un résumé de <a href="https://www.nber.org/papers/w2507">travaux récents</a>, menés dans le cadre d’une <a href="https://www.anr-malynes.com/">étude plus large</a> concernant l’impact des migrations sur le marché du travail en Europe.</p>
<h2>L’impact de l’immigration sur les intentions de vote</h2>
<p>L’une des possibilités établies serait de considérer l’immigration comme cause directe de la montée des sentiments anti-migrants. Les citoyens nés en Europe peuvent percevoir les migrants comme des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/international-organization/article/educated-preferences-explaining-attitudes-toward-immigration-in-europe/EE145A6B222E943889E95610B683ADE8">concurrents directs sur le marché du travail</a> et comme des <em>escrocs</em> fraudant aux <a href="https://www.mitpressjournals.org/doi/pdf/10.1162/rest.91.2.295">aides sociales</a> (par exemple des allocations) ou abusant des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1542-4774.2011.01051.x">ressources publiques</a> comme les écoles et les hôpitaux. À tort ou à raison, certains Européens pensent que les immigrants ne s’adapteront pas à la culture et aux normes sociales de leur pays d’accueil et que leur présence risque de faire augmenter la criminalité, compromettant ainsi la cohésion et la sécurité de leurs communautés.</p>
<p>Dans le cadre d’une augmentation des flux migratoires vers l’Europe, de telles postures peuvent inciter les Européens à se rapprocher des mesures promises par les partis nationalistes. Ces derniers ont progressé en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S016604621400012X">Allemagne</a>, avec le succès électoral de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047272716000414">Italie</a> avec la Ligue, en <a href="https://academic.oup.com/jeea/article/15/6/1341/3063007">Autriche</a> avec le Parti de la Liberté (FPÖ), en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/kykl.12161">Suisse</a> avec le Parti du Peuple et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0014292119300418">France</a> avec le Rassemblement national (ex-Front national).</p>
<p>On pourrait croire que les nationalistes rencontrent le plus de succès dans les pays qui font face à une vague d’immigration importante. Pourtant, les données disponibles montrent une réalité bien plus complexe.</p>
<h2>L’afflux d’immigrants peu qualifiés provoque une hausse nationaliste</h2>
<p>Un regard sur les résultats des <a href="https://www.nber.org/papers/w24510.pdf">élections de 1990 à 2010 aux États-Unis</a> suggère que l’impact de l’immigration sur le vote des citoyens américains dépend premièrement du niveau d’éducation des migrants. Ils sont rejetés massivement dans les circonscriptions où l’afflux d’immigrants peu qualifiés (ayant un niveau d’éducation primaire ou secondaire au mieux) est le plus important.</p>
<p>En Europe, des résultats similaires émergent suite à l’analyse de l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0014292119300418">élection présidentielle française de 2017</a>, qui révèle comment les circonscriptions confrontées à des afflux importants d’immigrants peu éduqués ont vu ainsi une montée de soutien au Front national.</p>
<p>Nous avons récemment étudié la manière dont les flux migratoires vers des régions européennes ont influencé le vote dans <a href="https://www.nber.org/papers/w25077">28 circonscriptions de 12 pays européens entre 2007 et 2016</a>. Nous avons constaté qu’une augmentation standard – d’environ 6 % – du nombre d’immigrants peu qualifiés dans une région provoquait une poussée nationaliste, qui se reflète dans les urnes, dans une proportion équivalente à l’écart entre un « parti radical » de gauche et un « parti conservateur ».</p>
<p>Ce phénomène, à la fois important et déroutant, touche à la fois la proportion de population immigrée dans une région et le vote de ses résidents « indigènes ».</p>
<p>En outre, nous avons remarqué que l’attitude des électeurs face à l’immigration varie en fonction de leur profil. L’éducation reste le critère majeur : les citoyens issus d’un niveau d’éducation faible deviennent plus facilement nationalistes en réaction à l’immigration de travailleurs peu qualifiés par rapport aux profils plus formés. Une régularité qui se reflète aussi dans le groupe d’électeurs plus âgés (> 58 ans), et qui touche les hommes plus que les femmes. Finalement, la réaction nationaliste à l’immigration est plus forte dans les petites villes que dans les métropoles.</p>
<h2>Les migrants hautement qualifiés freinent le nationalisme</h2>
<p>Un second phénomène entre également en jeu. Nos recherches indiquent que l’afflux de migrants hautement qualifiés (ayant effectué des études supérieures) éloigne les scores nationalistes, au profit des partis progressistes comme les socialistes ou les libéraux en Europe.</p>
<p>Généralement, l’ampleur de cet effet – contraire au précédent – dépend du profil de chaque électeur. Les citoyens de sexe masculin, jeunes et moins éduqués votent beaucoup moins pour les partis nationalistes quand ils sont confrontés à des travailleurs hautement qualifiés, par rapport aux femmes, aux plus âgés et aux mieux éduqués.</p>
<p>Comment expliquer ce phénomène ? Nos travaux montrent une hausse de la conscience politique des citoyens natifs face à ce type d’immigration et un indice plus élevé de confiance envers les institutions européennes et nationales. Sans compter les avantages qu’ils apportent à l’économie locale, les immigrants hautement qualifiés étant eux-mêmes souvent europhiles, peuvent influencer leur entourage, et encourager le vote pro-européen. Certains incitent ainsi les plus jeunes, qui ont souvent une vision plus mondialisée de la société, à se rendre aux urnes.</p>
<h2>Une cartographie de scénarios</h2>
<p>Nous avons travaillé sur des scénarios alternatifs pour analyser les effets de l’immigration peu qualifiée et hautement qualifiée sur le vote nationaliste dans les régions d’Europe occidentale (<a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/nuts/background">niveau NUTS2</a>). La carte A montre la simulation de l’impact des flux migratoires observés entre 2007 et 2016.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275941/original/file-20190522-187176-lcztfd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte A : Effets des flux migratoires réels entre 2007 et 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La prévalence de l’immigration peu qualifiée a engendré une hausse de nombre de votes nationalistes en Italie, ainsi que dans plusieurs régions du Royaume-Uni, du Danemark et de France (zones en gris pâle et gris foncé). À l’inverse, la prédominance de l’immigration hautement qualifiée a entraîné une baisse des votes nationalistes dans des régions et des villes comme Madrid, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Zürich et Londres (zones en bleu clair et bleu foncé).</p>
<h2>Les contraintes peu crédibles proposées par les nationalistes</h2>
<p>Observons maintenant comment les nationalistes réagiraient s’ils détenaient le pouvoir décisionnel au niveau national ou même européen. Matteo Salvini, Marine Le Pen et Nigel Farage l’utiliseraient-ils vraiment pour limiter l’afflux d’immigrants peu qualifiés, comme ils le prétendent ?</p>
<p>La carte B, qui dépeint le scénario hypothétique d’une Europe sans immigration de travailleurs peu qualifiés, permet d’en douter.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275949/original/file-20190522-187147-1ej53gv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte B : Scénario hypothétique d’une Europe sans immigrants peu qualifiés.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Probablement sans surprise, dans un tel scénario, les partis nationalistes ne créent plus de consensus politique. Leur programme politique étant axé sur l’immigration, ils sont en grande partie devenus les hérauts d’une seule cause. S’ils parvenaient à fermer les frontières aux migrants les moins éduqués, leur électorat pourrait leur tourner le dos et voter en fonction d’autres préoccupations que l’immigration. Stopper l’afflux d’immigrants peu qualifiés n’est donc pas dans leur intérêt politique à long terme.</p>
<p>En revanche, les gouvernements nationalistes pourraient décider de restreindre l’accès des migrants aux prestations sociales. Le soutien populaire à de telles mesures est ancré dans les opinions négatives des citoyens européens, qui redoutent <a href="https://www.iza.org/publications/dp/10805">que les immigrants peu qualifiés profitent du système social à leur détriment</a>. Toutefois, ces mesures auraient pour effet de dégrader les conditions de vie des migrants sans nécessairement réduire leur nombre.</p>
<h2>Une immigration équilibrée peut réduire le nationalisme</h2>
<p>La montée en puissance du nationalisme est-elle donc inévitablement liée à une immigration massive ? Vu les effets variés provoqués par le différent niveau de qualification des migrants, la réponse est non. La carte C présente un scénario dans lequel les afflux d’immigrants peu qualifiés et hautement qualifiés par région seraient équivalents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275942/original/file-20190522-187169-4xyhal.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte C : Scénario hypothétique d’un équilibre entre immigration peu qualifiée et hautement qualifiée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’arrivée d’immigrants hautement qualifiés en Italie, au Royaume-Uni et au Danemark pourrait bénéficier à l’économie locale, accroître la confiance des natifs et les éloigner du nationalisme en contrebalançant l’impact de l’afflux de travailleurs peu qualifiés. Le problème politique causé par l’immigration, qui pousse les Européens à voter pour les partis nationalistes, pourrait en fait être réglé par un meilleur équilibre entre migrants peu et hautement qualifiés.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simone Moriconi reçoit un financement de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR - AAPG, 2018) pour le projet "Migration et offre de travail quand la culture compte" (MALYNES).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Giovanni Peri reçoit des fonds de la National Science Foundation et de la Russel Sage Foundation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Riccardo Turati ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le nationalisme progresse en Europe, où de nombreux partis politiques sont hostiles à l’immigration. Mais quel rôle joue-t-elle dans leur succès ? La recherche met en évidence des nuances inattendues.Simone Moriconi, Associate professor, IÉSEG School of ManagementGiovanni Peri, Professor of Economics, University of California, DavisRiccardo Turati, PhD candidate in Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1181662019-06-04T23:09:46Z2019-06-04T23:09:46ZEn Hongrie, Viktor Orban prophète contesté en son pays<p>Avec un taux de participation de 43,36 %, le plus élevé depuis l’adhésion du pays à l’UE (en 2004), le Fidesz-Magyar Polgári Szövetség de Viktor Orban, associé au KDNP (Kereszténydemokrata Néppárt), s’est imposé comme le principal vainqueur du scrutin, <a href="https://resultats-elections.eu/resultats-nationaux/hongrie/2019-2024/">remportant 52,33 % des suffrages exprimés</a> le 26 mai dernier.</p>
<p>Il s’agit là d’une légère augmentation par rapport aux élections de 2014, le Fidesz-KDNP ayant obtenu 51,48 % à l’époque. <a href="https://theconversation.com/vote-sur-letat-de-droit-en-hongrie-une-victoire-symbolique-pour-viktor-orban-103384">Suspendu du Parti populaire européen</a> (PPE), le Fidesz consolide sa place au sein de cette famille politique grâce aux 13 sièges décrochés dans la nouvelle législature du Parlement européen (PE).</p>
<p>Plusieurs facteurs expliquent ce succès.</p>
<h2>Le vote des Hongrois de l’étranger</h2>
<p>Tout d’abord, la mobilisation du Fidesz pendant la campagne électorale a été massive, le mot d’ordre étant « chaque vote compte ». Le parti a bénéficié d’une importante couverture dans la presse, <a href="https://theconversation.com/en-hongrie-on-peut-critiquer-lue-a-volonte-mais-pas-le-gouvernement-de-viktor-orban-117681">majoritairement acquise à sa cause</a>.</p>
<p>Profitant du sommet européen à Sibiu (Roumanie), le 9 mai 2019, Viktor Orban a également mené campagne en Transylvanie, où les Magyars de Roumanie disposent du droit de vote pour les élections dans ce pays voisin.</p>
<p>Si les ressortissants hongrois vivant dans un autre État membre ont dû s’inscrire dans le registre de l’Office électoral national afin de pouvoir voter depuis l’étranger et se présenter au bureau de vote de leur pays de résidence, les Hongrois de Transylvanie ont, quant à eux, eu la possibilité de voter par e-mail.</p>
<p>Ils seraient 99 628 en Roumanie, 29 144 en Serbie et seulement 4 194 dans les pays où la double nationalité n’est pas reconnue (comme en Slovaquie) – soit un total de 115 324 d’électeurs <a href="https://index.hu/english/2019/05/26/european_elections_2019_hungary_live/hungary_votes_in_the_2019_european_elections/">sans adresse permanente dans le pays</a> contre 20 290 Hongrois à l’étranger ayant l’unique possibilité de voter dans les bureaux de vote de l’ambassade.</p>
<h2>Famille, religion et immigration</h2>
<p>Plus fondamentalement, l’ancrage du Fidesz dans la société est le résultat d’un processus de long terme. Dans l’opposition de 2002 à 2010, ce parti a pu consolider sa base électorale, en <a href="https://www.hertie-school.org/en/debate/allcontent/detail/content/why-is-orban-so-strong/">rassemblant autour de lui tous les partis de droite</a>.</p>
<p>Déterminante est aussi sa politique économique, initialement soutenue par l’extrême droite hongroise et mise en place dans le contexte particulier de la crise économique en Europe. Grâce aux fonds européens ainsi qu’à une <a href="https://emerging-europe.com/interviews/hungary-must-identify-more-endogenous-sources-to-maintain-growth/">politique monétaire à la fois stratégique et laxiste</a>, le gouvernement de Viktor Orban a pu donner l’impression que l’économie hongroise prospérait, alors que ses performances ont été souvent remises en question par l’opposition.</p>
<p>Ainsi, depuis 2010, près d’un demi-million de Hongrois, insatisfaits de leurs conditions de vie au pays, ont quitté leur patrie pour s’installer dans d’autres États membres. La Hongrie se trouve ainsi confrontée à une <a href="https://emerging-europe.com/interviews/hungary-must-identify-more-endogenous-sources-to-maintain-growth/">relative pénurie de main-d’œuvre</a>.</p>
<p>À cela s’ajoute le discours de Viktor Orban enraciné <a href="https://www.hertie-school.org/en/debate/allcontent/detail/content/why-is-orban-so-strong/">dans une forme d’hégémonie culturelle</a>, qui consiste à mettre l’accent sur un certain nombre de thèmes, parmi lesquels la famille et la religion, chers aux citoyens hongrois.</p>
<p>Outre sa nouvelle rhétorique contre l’immigration et le discours sur la démocratie « illibérale », le gouvernement de Budapest a considérablement restreint l’espace d’expression de l’opposition, que ce soit parmi les partis politiques ou la société civile.</p>
<h2>Le moment Momentum</h2>
<p>Même si le Fidesz est le grand gagnant de ces élections, le succès de l’opposition, certes à une échelle beaucoup plus modeste, mérite d’être également souligné. L’opposition a ainsi réussi à assurer sa représentation au Parlement européen, et ce malgré son accès limité aux médias, notamment dans les zones rurales.</p>
<p>Les partis qui ont proposé un renouvellement de la classe politique hongroise, mettant en avant de nouveaux candidats (surtout des femmes) et promouvant le discours d’une Europe fédérale, ont réussi leur pari. <a href="https://hungarytoday.hu/momentum-ep-program-focus-on-younger-generations-eu-integration/">C’est le cas de Momentum</a>, qui remporte 9,89 % des suffrages pour sa première participation aux élections européennes.</p>
<p>Inspiré par la République en Marche d’Emmanuel Macron, depuis sa création, <a href="https://momentum.hu/momentum-hungary-new-political-generation/">Momentum</a> s’est présenté comme un mouvement pro-européen. Il s’est érigé contre les dérives autoritaires du gouvernement et la détérioration des conditions de vie dans le pays, notamment à propos de la situation des écoles et des hôpitaux, rongés par le manque d’investissement et (souvent) la corruption.</p>
<p>Le succès de Momentum s’explique en partie par l’intégration à son agenda des sujets comme le climat et de la question sociale, surtout depuis que le gouvernement a adopté une loi dénommée « le droit à l’esclavage » : pour atténuer la pénurie de main-d’œuvre, ce projet de gouvernement prévoyait l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires de 250 à 400, accordant aux employeurs un délai de trois ans pour leur paiement. La mesure a été fortement contestée dans les rues de Budapest.</p>
<h2>L’effacement des Verts et de l’extrême droite</h2>
<p>Les sociaux-démocrates ont remporté 5 sièges au total, l’un revenant au MSZP (une alliance constituée du Magyar Szocialista Párt et du Párbeszéd Magyarországért), les 4 autres étant octroyés à la Coalition démocratique (DK). Le score obtenu par la DK a été la <a href="https://index.hu/english/2019/05/26/european_elections_2019_hungary_live/">grande surprise du scrutin</a>. Si le MSZP, affaibli depuis 2009, a perdu un peu plus de 4 % par rapport aux élections européennes de 2014, passant de 10,90 % à 6,66 %, la DK de Ferenc Gyurcsány parvient en revanche à s’imposer comme le deuxième parti du pays : elle progresse de 9,75 % des voix en 2014 à 16,19 % en 2019.</p>
<p>À l’heure où dans de nombreux pays européens les jeunes se mobilisent et marchent pour le climat, en Hongrie les Verts (Lehet Más a Politika – LMP) ont quant à eux perdu leur représentation au Parlement européen, sanctionnés pour leur stratégie de non-coopération avec Momentum et la DK.</p>
<p>Le Jobbik (Mouvement pour une Hongrie meilleure) – à l’origine un parti d’extrême droite qui a évolué depuis 2016 vers le centre avec un discours pro-européen – s’était hissé au deuxième rang aux élections européennes de 2014 avec 14,67 % des votes. Cette fois, il obtient seulement 6,41 % en mai 2019. Les leaders du Jobbik ont imputé leur échec à la stratégie du gouvernement, <a href="https://www.jobbik.com/jobbik_the_government_wanted_to_destroy_us_but_we_are_still_alive_and_fighting">accusé de les avoir empêchés de faire campagne</a>. Selon le candidat du Jobbik, Péter Jakab, sa simple survie serait déjà une victoire.</p>
<h2>Cap sur les municipales</h2>
<p>Dans un pays où la presse n’est plus indépendante et où l’espace d’expression de l’opposition est systématiquement restreint, les résultats du pouvoir méritent d’être nuancés. À Budapest, le Fidesz n’a obtenu que 41 % des suffrages, où il a été devancé par le vote en faveur de la Coalition démocratique (DK), des Sociaux-démocrates du MSZP et de Momentum. Ce dernier s’est imposé à Budapest.</p>
<p>S’ils parviennent à coopérer, ces trois partis d’opposition (MSZP, DK et Momentum) peuvent influer sur le résultat des élections municipales qui auront lieu en octobre, en premier lieu à Budapest mais aussi dans d’autres villes du pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ramona Coman a reçu des financements de l'UE (H2020, Jean Monnet), du FNRS et de l'ULB.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>László Andor est secrétaire général du FEPS et ancien Commissaire chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'intégration (2010-2014). </span></em></p>Sans grande surprise, Viktor Orban est le grand gagnant des élections européennes de mai 2019. Mais l’opposition progresse à Budapest et dans plusieurs régions du pauy.Ramona Coman, Professeure de science politique, Université Libre de Bruxelles (ULB)László Andor, Professeur associé, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179052019-05-29T15:33:49Z2019-05-29T15:33:49ZDébat : Européennes, mais où sont passés les « gilets jaunes » ?<p>Depuis six mois, les <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-17-decembre-2018">éditorialistes les plus écoutés</a>, les <a href="https://audiable.com/boutique/cat_document/gilets-jaunes-pour-un-nouvel-horizon-social/">commentateurs les plus aguerris</a>, les <a href="https://blogs.mediapart.fr/raul-magni-berton-0">politologues les plus capables</a> nous annoncent une mutation radicale de la vie politique française. À la première occasion, on allait voir ce qu’on allait voir : le mouvement des « gilets jaunes » allait bouleverser le paysage partisan et faire cesser l’illusion d’un soutien populaire au gouvernement, aux institutions de la V<sup>e</sup> République et à l’intégration européenne. L’irruption des « gilets jaunes » au Parlement européen serait la grande surprise des élections européennes, en France et peut-être même ailleurs.</p>
<p>À force de refaire le monde sur les plateaux, dans les colonnes des journaux ou dans les amphis des facultés, ces analystes ont perdu de vue la réalité sociologique et politique de ce mouvement, que l’on peut enfin mesurer avec précision à l’issue de ces élections européennes.</p>
<h2>Une fois encore, un simulacre d’élection présidentielle</h2>
<p>Que nous apprend le scrutin de dimanche dernier ? D’abord, il confirme la <a href="https://theconversation.com/les-elections-europeennes-metamorphosent-le-clivage-gauche-droite-117862">bipolarisation de la vie politique française</a> autour du Rassemblement national et de la République en marche, apparue à l’occasion de l’élection présidentielle de 2017.</p>
<p>Alors que les commentateurs ont souligné à loisir la victoire du premier sur la seconde, il nous semble plus exact de dire que les deux partis sortent également vainqueurs de cette élection en confirmant leur centralité. En effet, une fois de plus, la France a fait de l’élection européenne une présidentielle par procuration, comme cela avait été systématiquement le cas de 1979 à 1999, quand s’imposait déjà la règle de la circonscription nationale.</p>
<p>À l’époque, ce sont les leaders des partis qui prenaient la tête des listes, pour préparer ou rejouer l’élection présidentielle. En ces temps-là, tout comme dimanche dernier, l’attention des médias se portait pour l’essentiel sur les deux listes arrivées en tête. C’est absurde, puisqu’il s’agit d’une élection visant à désigner un ensemble de députés européens, et non de la conquête d’un unique siège : toutes les listes qui franchissent le <a href="https://theconversation.com/europeennes-un-choix-du-mode-de-scrutin-pas-si-innocent-que-cela-114156">seuil des 5 %</a> participent à la répartition des sièges à pourvoir. Il n’y a pas même de « prime majoritaire » venant gratifier la liste arrivée première, comme c’est le cas pour les municipales ou les régionales, qui justifierait de s’intéresser au « vainqueur ». Ce concept est donc purement symbolique, produit d’un réflexe pavlovien de commentateurs obsédés par l’élection présidentielle.</p>
<p>En 2019, les règles relatives au cumul des mandats devaient empêcher ce détournement de l’élection européenne, en privant les responsables des partis de la possibilité de se présenter sans intention de siéger. La campagne s’est néanmoins muée, une fois de plus, en simulacre d’élection présidentielle : les têtes de listes étaient pour la plupart des inconnus, choisis pour ne pas faire d’ombre aux leaders des partis, qui ont conservé un rôle-clé dans la campagne.</p>
<p>Dans ce contexte présidentialiste, Emmanuel Macron et Marine Le Pen – qui ne siègeront ni l’un ni l’autre au Parlement européen – ont réussi à imposer l’idée que l’élection était une sorte de revanche de l’élection présidentielle, et que le vote utile s’imposait.</p>
<h2>L'évaporation des « gilets jaunes » ?</h2>
<p>Les exégètes du mouvement des « gilets jaunes », qui n’ont pas tari de pronostics et d’interprétations depuis six mois, sont aujourd’hui étrangement silencieux. Ils sont bien en peine de nous expliquer pour qui a voté le peuple en colère qu’ils décrivent si bien depuis le 17 novembre 2018.</p>
<p>Comme toujours en pareil cas, ils inventeront des intentions aux abstentionnistes. Mais l’argument tournera court, puisque la participation a fait un bond remarquable : dimanche dernier, 50,1 % des électeurs se sont déplacés pour aller voter, contre 42,4 % en 2014 et 42,6 % au second tour des législatives de 2017. L’abstention reste massive, mais pas au point de pouvoir être interprétée comme un rejet du système politique français.</p>
<p>Il est, par ailleurs, difficile de considérer que les « gilets jaunes » auraient boudé l’élection faute de liste à leur goût : 34 étaient en compétition, dont pas moins de trois issues du mouvement, qui ont toutes fait des scores anecdotiques (Ensemble Patriotes et Gilets jaunes : 0,6 %, Alliance jaune : 0,5 %, Mouvement pour l’initiative citoyenne : 0,03 %)</p>
<p>Électoralement, tout se passe comme si le mouvement des « gilets jaunes » n’avait jamais eu lieu : il est impossible d’en trouver une trace dans les résultats du scrutin de dimanche – sauf à considérer que les partisans de la détaxation du gazole auraient massivement voté pour la liste de Yannick Jadot.</p>
<h2>Les « gilets jaunes » : 0,5 % de la population</h2>
<p>Pour comprendre cette invisibilité du vote des « gilets jaunes », les faits ne doivent pas être analysés à la lumière d’intérêts ou de convictions.</p>
<p>Il faut, en revanche, se souvenir que, au plus fort de la mobilisation, le mouvement des « gilets jaunes » n’a réuni que moins de 0,5 % de la population française (287 000, selon le ministère de l’intérieur), ce qui est modeste au regard de l’histoire des mobilisations sociales et politiques des dernières décennies.</p>
<p>À l’origine, ce mouvement inédit dans sa forme et ses revendications a certes rencontré un <a href="https://theconversation.com/debat-la-foule-nest-pas-le-peuple-108487">fort écho de sympathie</a>, mais comprendre le désarroi des populations les plus fragiles ou le ras-le-bol de l’automobiliste matraqué par les taxes et les radars automatiques, avant de l’être par les CRS, ne vaut pas rejet du système politique français dans son ensemble ou appel au remplacement d’Emmanuel Macron par Éric Drouet.</p>
<p>Ce qui a réellement singularisé le mouvement des « gilets jaunes », ce n’est pas son ampleur, c’est l’écho qui lui a été offert par les médias et les réseaux sociaux. Sa médiatisation s’est nourrie de leaders hauts en couleur, prompts aux déclarations outrancières et aux dérapages, invités permanents des médias audiovisuels. Elle s’est repue du recours systématique à une violence télégénique contre les personnes et les biens, et au refus constant de respecter les formes légales de la mobilisation civique. Elle a été alimentée par l’esprit de revanche de l’ensemble des battus de l’élection présidentielle de 2017, ayant pour toute explication à leur échec les trahisons d’Emmanuel Macron. Elle a été sur-interprétée par des intellectuels en mal de révolution prolétarienne que le style présidentiel hérissait.</p>
<p>En somme, il n’y a pas de trace électorale du mouvement des « gilets jaunes » parce qu’il n’a jamais eu l’ampleur qu’ont bien voulu lui prêter certains journalistes, commentateurs et responsables politiques.</p>
<h2>Comprendre néanmoins la mobilisation des « gilets jaunes »</h2>
<p>Le mouvement des « gilets jaunes » n’en reste pas moins un phénomène sociologique et politique digne d’intérêt. Il convient d’en comprendre les sources, les formes et les ressorts, comme essaient de le faire patiemment <a href="https://rue89bordeaux.com/2019/01/4-focus-etude-gilets-jaunes-chercheurs-bordelais/">certains chercheurs plus épris de science que de gloire médiatique</a>. Il faut analyser ce que ce mouvement dit de l’épuisement des formes traditionnelles de la représentation en France, de la défiance d’une partie de la population vis-à-vis du pouvoir, des partis et des institutions, de l’émergence des réseaux sociaux comme outils de mobilisation et d’information.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-peut-on-encore-gouverner-a-lheure-des-reseaux-sociaux-108442">Débat : Peut-on encore gouverner à l’heure des réseaux sociaux ?</a>
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<p>De même, il convient d’analyser les résultats des scrutins de 2017 et de dimanche dernier avec les concepts de la sociologie et de la géographie électorale, pour voir se dessiner <a href="http://www.lefigaro.fr/elections/europeennes/europeennes-2019-les-cinq-lecons-de-la-carte-des-resultats-20190527">deux France</a> : celle, prospère et urbaine des électeurs de LREM et celle, déclassée, périurbaine et rurale de ceux du RN. Le mouvement des « gilets jaunes » ne doit pas être appréhendé comme un phénomène qui vient bousculer les équilibres politiques existants, mais comme un révélateur de ceux-ci.</p>
<p>La révolution politique annoncée n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu, faute de dynamique et de structuration du mouvement et de l’émergence d’un leader suffisamment légitime, charismatique et compétent. Dès le 17 novembre 2018, <a href="http://www.slate.fr/story/170766/qui-sont-gilets-jaunes-et-soutiens-portrait-robot-categories-socio-professionnelles">des enquêtes</a> ont montré que les « gilets jaunes » se recrutaient principalement chez les électeurs du RN et de LFI, et chez les abstentionnistes. Ces citoyens s’étaient donc largement exprimés – ou tus – lors des élections de 2017.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612">Les « gilets jaunes », une transition populiste de droite</a>
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<p>Dimanche dernier, leur comportement électoral a été conforme à ces analyses. Plusieurs enquêtes révèlent en effet que les électeurs proches du mouvement ont massivement voté <a href="https://www.lesinrocks.com/2019/05/27/actualite/actualite/les-gilets-jaunes-auraient-vote-en-majorite-pour-le-rn-aux-europeennes/">pour la liste du RN (44 %) et quasiment aucun pour la liste Renaissance (4 %)</a>.</p>
<h2>Un emballement médiatique et intellectuel</h2>
<p>Cette France déclassée, ces citoyens mus par le sentiment d’être les perdants du système et de la mondialisation, ces électeurs en révolte contre les institutions ont toujours existé. Ils puisent leurs références dans les révolutions de 1789 et 1848 et dans la Commune de Paris. Ils ont alimenté depuis les débuts de la V<sup>e</sup> République un vote protestataire, d’extrême-gauche puis d’extrême-droite, ou des mouvements politiques atypiques. Souvenons-nous du succès du parti de Pierre Poujade, qui recueillit 52 députés aux législatives de 1956, ou encore de la liste Chasse, pêche, nature et traditions, qui obtint 6 sièges aux européennes de 1999.</p>
<p>Les « gilets jaunes » ont acquis une visibilité sans rapport avec leur nombre par la conjonction de trois facteurs : la puissance de mobilisation et de communication permise par les réseaux sociaux, la course à l’audience des chaînes d’information continue et la soif de revanche des leaders politiques victimes de l’émergence de LREM. Ils ont aussi capitalisé sur le ras-le-bol, déjà ancien, des classes moyennes, éternelles victimes des évolutions socio-économiques contemporaines, et sur les maladresses d’un exécutif qui n’a pas compris qu’il a été, en partie, <a href="https://theconversation.com/la-presidentielle-de-2017-est-une-election-par-defaut-75991">élu par défaut</a>.</p>
<p>Samedi 25 mai, 12 000 personnes ont défilé en France pour demander, une fois encore, la prise en compte de revendications assez peu claires. Les cortèges continuent à offrir aux chaînes de télévision des échauffourées spectaculaires.</p>
<p>Il reste que l’élection européenne a démontré que des citoyens qui représentent désormais 0,02 % de la population française, quand bien même ils seraient qualifiés par certains de « peuple en colère », n’ont pas les moyens de bouleverser le paysage politique français.</p>
<p>Espérons que le scrutin de dimanche dernier marquera la fin d’un emballement médiatique et intellectuel dont le principal intérêt aura été de nous mettre en garde contre les fragilités de la démocratie à l’heure de l’information continue, des réseaux sociaux et des fake news.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Costa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Électoralement, tout se passe comme si le mouvement des « gilets jaunes » n’avait jamais eu lieu : il est impossible d’en trouver une trace dans les résultats du scrutin de dimanche.Olivier Costa, Directeur de recherche au CNRS / Directeur des Etudes politiques au Collège d'Europe –, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179352019-05-28T23:44:31Z2019-05-28T23:44:31ZVers la « salvinisation » de l’Europe ?<p>Au lendemain des élections européennes, Matteo Salvini se pose comme le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/26/elections-europeennes-2019-en-italie-la-ligue-de-matteo-salvini-arrive-en-tete_5467711_3210.html">grand vainqueur du scrutin</a>, en Italie comme en Europe. La liste de la Ligue n’a-t-elle pas remporté plus de 34 % des suffrages ? Le nombre des eurodéputés « salvinistes » n’a-t-il pas bondi de 5 à 28 ? Désormais premier parti d’Italie, la Ligue veut fédérer tous les populistes nationalistes vainqueurs en France, au Royaume-Uni, en Pologne et en Hongrie.</p>
<p>Les négociations pour constituer des groupes parlementaires et choisir le président de la Commission sont d’ores et déjà engagées. Mais le leader italien peut-il peser politiquement au point de donner le la au continent ? Rien n’est moins sûr. Certes, la communication et le marketing propulsent Matteo Salvini sur le devant de la scène. Mais l’arithmétique parlementaire et la tactique partisane lui refusent le premier rôle.</p>
<h2>Une brève histoire du continent salviniste</h2>
<p>Omniprésent depuis des mois à la une des médias chez lui et à l’étranger, Matteo Salvini a fait très habilement fructifier son capital de départ – les 17 % des voix obtenus lors des <a href="https://theconversation.com/en-italie-laboratoire-et-avant-garde-du-scenario-dune-coalition-contre-nature-92899">législatives italiennes de mars 2018</a>. En obtenant la vice-présidence du Conseil des ministres et le poste de ministre de l’Intérieur, il a arraché une parité symbolique avec Luigi di Maio et le <em>Movimiento 5 Stelle</em> (M5S), qui l’avait pourtant distancé dans les urnes à plus de 32 % des voix au Sénat comme à la Chambre des députés.</p>
<p>Puis, à force de déclarations hostiles aux migrants, à l’islam, aux élites et <a href="https://theconversation.com/le-clivage-france-italie-premier-acte-de-la-campagne-des-europeennes-111868">au couple Merkel-Macron</a>, il a affiché une proximité personnelle avec le premier ministre hongrois Viktor Orban à la fin du mois d’août 2018, grâce à une conférence de presse conjointe à Milan. Il a même fait le déplacement de Varsovie, en janvier 2019, pour signer un document avec le Parti Droit et Justice (PiS) qui n’avait rien demandé. Point d’orgue de sa campagne continentale, Matteo Salvini a réuni autour de lui 12 partis nationalistes européens dans son fief de Milan, le 18 mai dernier.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-marche-sur-milan-117537">La marche sur Milan</a>
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<p>Désormais, la Ligue dispose de l’hégémonie politique en Italie car il a laminé son allié de coalition : le M5S n’a en effet rassemblé que 17 % des voix lors de cette élection. De même, à l’ouest du continent, au sein de l’alliance avec Marine Le Pen, Salvini est devenu dominant face aux 23 eurodéputés menés par Jordan Bardella. Enfin, il a lancé des têtes de pont en direction de l’Est à la faveur de la suspension prononcée par le Parti populaire européen (PPE) à l’encontre du Fidesz hongrois. De l’hégémonie nationale à la suprématie continentale, le pas semble franchi pour le leader ligueur. Peut-être peu trop vite…</p>
<h2>L’arbre italien et la forêt européenne</h2>
<p>Matteo Salvini dispose-t-il réellement d’un réseau d’alliances partisanes capable de lui assurer le leadership en Europe ? L’arbre (franco-)italien qui prospère ne doit pas masquer la forêt nationaliste européenne, qui stagne.</p>
<p>C’est vrai, certains alliés de groupe parlementaire européen ont prospéré : le <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_que-faut-il-retenir-des-resultats-des-elections-europeennes?id=10231202">Vlaams Belang belge a attiré plus de 11 % des voix</a> et a gagné 2 sièges de plus qu’en 2014. Le Rassemblement national français fait un écho honorable au triomphe de la Ligue, avec une première place conquise face à la liste Renaissance.</p>
<p>Mais plusieurs alliés effectifs ou potentiels de la Ligue marquent le pas. L’essor électoral du Parti de la liberté d’Autriche, le FPÖ, est stoppé net par <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">« l’Ibizagate »</a> qui a discrédité son chef, Heinz-Christian Strache. Avec 19,7 % des voix, le FPÖ a fait un score inférieur à celui du deuxième tour de la présidentielle de 2016 (46,2 %) et des législatives de 2018 (26 %). Éclipsé par l’ÖVP du chancelier Kurz (34,5 % des voix dimanche), le FPÖ est expulsé de la coalition au pouvoir, perdant ainsi la crédibilité que donne l’exercice du pouvoir national.</p>
<p>La stagnation est évidente aussi pour le parti nationaliste anti-euro allemand <em>Alternativ für Deutschland</em> (AfD) : il n’a réuni que 10,5 % des voix. S’il progresse par rapport aux 7,1 % des européennes engrangés en 2014, en revanche il baisse par rapport aux législatives de 2018 (12,6 % des voix). Enfin, la percée annoncée de <em>Vox</em> en Espagne se solde par un plutôt modeste 6 % des voix.</p>
<p>Certains alliés de la Ligue ont même subi de réels revers : le Parti du peuple danois passe de 26,5 % à 13 % des voix. Dans le Parlement européen précédent, il siégeait dans un autre groupe que la Ligue mais était courtisé pour rejoindre l’orbite salvinienne. Le parti estonien EKKRE chute, pour sa part, de 18 % à 12 % des suffrages et perd la moitié de ses sièges. Quant au PVV de Geert Wilders, allié de la première heure, son électorat est siphonné : il passe de 13,32 % à 3,5 % des voix. On le voit : les gros bataillons d’eurodéputés de la Ligue et du RN seront finalement bien seuls s’ils n’attirent pas d’autres partis.</p>
<p>À court terme, l’hégémonie personnelle de Matteo Salvini en Europe bénéficie de l’affaiblissement ou du tassement de ses alliés nationalistes. Ainsi, quand le RN passe de 24,86 % des voix en France en 2014 à 23,31 % en 2019, cela évite à la Ligue une lutte interne pour la suprématie. Mais, dans les mois qui viennent, la salvinisation du Parlement européen puis de la Commission européenne sera nécessairement entravée par la faiblesse numérique et politique de ses partenaires. Le populisme a peut-être fait une percée. Mais le groupe de la Ligue est, lui, contenu.</p>
<h2>Vers une « internationale » des populistes europhobes ?</h2>
<p>Fort de son contingent de plus de 50 sièges, le binôme Ligue-RN s’impose comme un acteur incontournable du Parlement européen. Il progresse en nombre de sièges par rapport à la précédente législature grâce au gain de 23 sièges de la Ligue. Mais gagne-t-il en attractivité politique au point de rassembler les forces europhobes ?</p>
<p>Les partis populistes, anti-islam et anti-fédéralistes étaient éclatés en différents groupes dans le Parlement européen issu des élections de 2014. Aux côtés de l’Europe des Nations et des Libertés (ENL) rassemblant la Ligue et le FN, les eurosceptiques du Fidesz de Viktor Orban siégeaient au sein du PPE avec la CDU-CSU allemande et Les Républicains français. Les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) rassemblaient, de leur côté, le PiS polonais et les conservateurs britanniques. Le groupe Europe de la Liberté et de la Démocratie directe accueillait UKIP de Nigel Farage ainsi que le M5S. Et les négociations pour constituer le groupe ENL avaient donné lieu à de multiples rebondissements.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La composition du nouveau Parlement européen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne :DR</span></span>
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<p>C’est le premier défi de la « salvinisation » de l’Europe : Matteo Salvini parviendra-t-il à éviter l’éclatement traditionnel des forces d’extrême droite au moment de constituer des groupes parlementaires au Parlement européen ? Il en va de son poids politique <a href="https://theconversation.com/quand-le-parlement-europeen-se-nationalise-117872">au moment de la nomination du président de la Commission</a>.</p>
<p>Matteo Salvini pourra relever le défi quantitatif sans difficulté : un groupe parlementaire doit en effet être constitué d’au moins 25 eurodéputés (La Ligue est déjà à 28) issus de 7 États membres. Les parlementaires du RN français, du FPÖ autrichien, du Vlaams Belang belge du PVV néerlandais et, potentiellement de l’AfD allemande, du Parti populaire danois, du Parti des Vrais Finnois en Finlande et du EKKRE estonien, fourniront les troupes nécessaires.</p>
<h2>L’impossible ralliement du Fidesz hongrois et du PiS polonais</h2>
<p>Matteo Salvini butera surtout sur sa faible séduction politique, notamment à l’est de l’Europe qui concentre de grands bataillons de députés eurosceptiques. Dans cette région, les vainqueurs sont le Fidesz du premier ministre hongrois Viktor Orban (avec plus de 52 % des voix et 13 eurodéputés) et le PiS polonais (45,38 % des voix et 26 sièges). Ces partis partagent des thématiques anti-islam et anti-fédéralistes avec la Ligue et le RN. Mais ils ont une ligne politique qui ne leur permet pas de siéger avec le RN et la Ligue.</p>
<p>Viktor Orban ne quittera pas le PPE. D’abord, il ne se risquera pas à perdre son hégémonie régionale au profit de Salvini : il vaut mieux être premier dans le groupe de Višegrad (V4) que second à Bruxelles. <a href="https://theconversation.com/litalie-nouveau-laboratoire-de-l-orbanisation-de-leurope-96566">L’orbanisation de l’Europe</a> ne peut s’accommoder de sa salvinisation. De plus, pour le Fidesz, l’ancrage historique dans le PPE est un gage de respectabilité et de sérieux que ne peuvent lui donner le RN et la Ligue. Enfin, Orban est courtisé par un PPE affaibli par la perte de 39 sièges au Parlement européen. Pour conserver sa place de premier groupe parlementaire d’Europe, il ne laissera sans doute pas les 13 eurodéputés hongrois quitter le groupe.</p>
<p>Quant au parti polonais Droit et Justice, étiqueté trop rapidement « national-populiste » en France, il ne peut rejoindre un groupe mené par la Ligue. La russophilie traditionnelle de la Ligue, du RN et du FPÖ ne peut cohabiter avec la ligne nationaliste hostile à la Russie qui constitue l’ADN du PiS. D’autre part, le PiS est en position de force sur l’échiquier politique national <a href="http://www.rfi.fr/europe/20190527-europeennes-pologne-ultraconservateurs-confortes-legislatives">avec près de 46 % des voix</a> et il prépare les élections parlementaires de l’automne. Lui non plus ne prendra pas le risque d’un renversement d’alliance qui le rangerait dans le camp de l’extrême droite en Europe.</p>
<p>Enfin et surtout, le PiS est un parti profondément structuré par le catholicisme conservateur qui ne peut être dupe des manifestations de foi tardive de Matteo Salvini. En d’autres termes, brandir un crucifix le lendemain des élections ne suffira pas à faire passer la Ligue pour un parti démocrate-chrétien.</p>
<p>En clair, il ne faut pas confondre salvinisation d’un groupe parlementaire et hégémonie continentale. Dans les discours, les symboles et les images, Matteo Salvini est déjà omniprésent. Mais dans les négociations qui s’engagent pour la Commission, il jouera le rôle d’un <em>challenger</em>, pas d’un <em>leader</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les discours, les symboles et les images, Matteo Salvini est déjà omniprésent. Mais dans les négociations qui s’engagent, il jouera le rôle d’un challenger pas d’un leader.Cyrille Bret, Géopoliticien et philosophe, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179042019-05-28T09:18:07Z2019-05-28T09:18:07ZLa surprise Verte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276779/original/file-20190528-42584-1yooh1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1194%2C813&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le dirigeant des Verts, Yannick Jadot, au soir du scrutin européen, le 26 mai 2019, à Paris.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphane de Sakutin/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Alors que les sondages pré-électoraux les situaient généralement entre 7 % et 9 %, ils réalisent en France le score confortable de 13,5 %. Il est vrai que les écologistes ont toujours obtenu leurs meilleurs résultats lors des élections européennes : en 1989, déjà, la liste menée par Antoine Waechter avait obtenu 10,59 % des suffrages exprimés. Plus récemment en 2009, le parti d’Europe Écologie Les Verts (EELV), constitué depuis peu, réalisait le score record de 16,28 %.</p>
<p>Si, aujourd’hui, on admet de compter non seulement les voix recueillies par EELV mais aussi l’apport des listes « Urgence écologique » (1,82 %) et Parti animaliste (2,17 %), on obtient un total de 17,46 %.</p>
<h2>Un scrutin qui réussit bien aux écologistes</h2>
<p>Les raisons de cette spécificité du vote européen sont connues. Les électeurs savent aujourd’hui que cette Europe tant décriée par ailleurs a au moins la vertu de légiférer assez efficacement dans le domaine de la protection de l’environnement. Une bonne partie de notre législation environnementale provient de directives européennes – qu’il s’agisse de la qualité de l’air et de l’eau, de la protection des espaces naturels (<a href="http://www.natura2000.fr/">Natura 2000</a>) ou très récemment de l’<a href="https://theconversation.com/fin-de-la-peche-electrique-un-pas-decisif-vers-des-pratiques-plus-durables-112923">interdiction de la pêche électrique</a>.</p>
<p>Il est probable aussi que les électeurs français admettent jusqu’ici plus volontiers de confier des responsabilités aux écologistes au niveau local (communes, régions) et au niveau supranational (Union européenne) davantage qu’au niveau national (présidentielle, législatives).</p>
<p>Enfin, une dernière raison tient à la <a href="https://theconversation.com/europeennes-un-choix-du-mode-de-scrutin-pas-si-innocent-que-cela-114156">spécificité du mode de scrutin proportionnel</a> en vigueur dans les élections européennes. Avec un scrutin de ce type, les écologistes sont dispensés du souci de rechercher un partenaire politique plus puissant susceptible de les épauler, comme c’est le cas lors des élections législatives.</p>
<h2>Le nouveau virage écologique de la gauche</h2>
<p>Plusieurs raisons expliquent le fait que le score obtenu par les Verts a constitué une véritable surprise. La première est que l’on doutait de la bonne santé du parti Vert affecté par de <a href="https://theconversation.com/apres-nicolas-hulot-francois-de-rugy-et-les-dilemmes-de-lecologie-politique-102525">multiples querelles de personnes</a>. Le refus de cautionner le choix de Manuel Valls comme premier ministre avait entraîné des désaccords profonds au sein du mouvement et conduit au départ de leaders Verts de premier plan (François de Rugy, Jean‑Vincent Placé).</p>
<p>S’ajoutant à ce contexte, la séquence électorale de 2017 avait été <a href="https://theconversation.com/demain-la-gauche-79640">catastrophique pour les Verts, comme pour leurs alliés socialistes</a>. Contraints de renoncer pour la première fois de son histoire à une candidature écologiste lors de la présidentielle, les Verts ont aussi sombré électoralement avec leur partenaire socialiste lors des législatives qui ont suivi, perdant ainsi une bonne partie des fonds liés au financement public des résultats électoraux.</p>
<p>Enfin, lors de la campagne des européennes, beaucoup d’observateurs avaient noté que des partis autres que les Verts avaient fortement infléchi leur offre électorale en proposant des mesures supposées répondre aux crises environnementales.</p>
<p>Ce sont, pour l’essentiel, les partis de gauche qui ont suivi cette nouvelle stratégie. Jean‑Luc Mélenchon pour les Insoumis et Benoît Hamon (Génération·s), candidat socialiste à la présidentielle de 2017, avaient anticipé ce mouvement. Aujourd’hui, le Parti socialiste (désormais intitulé PS Social Écologie) et le Parti communiste – qui a réuni en mai 2018 des « Assises communistes de l’Écologie » – confirment ce nouveau virage idéologique.</p>
<h2>Des conversions tardives qui n’ont pas convaincu</h2>
<p>Pourtant, les résultats désastreux des partis de gauche (PC, Génération·s, LFI, Parti socialiste) démontrent clairement que les électeurs de sensibilité écologiste n’ont pas été séduits par cette apparente conversion aux valeurs de l’écologie. Bien au contraire, il est vraisemblable que les médiocres résultats de la gauche s’expliquent pour partie par une désertion d’une fraction de leurs électeurs en faveur de la liste d’EELV.</p>
<p>Pour quelles raisons ces stratégies ont- elles échoué ? Sans doute parce qu’il est toujours difficile de croire aux conversions tardives, qui ressemblent souvent à des alignements de circonstance plus qu’à des convictions profondes. Peut-être aussi parce que, selon la formule consacrée, les électeurs préfèrent généralement l’original à la copie.</p>
<p>Enfin, pour une raison de stratégie électorale bien comprise : On sait qu’au sein du Parlement européen, les Verts, bien que peu nombreux, ont fait preuve d’intelligence et de ténacité pour peser sur les politiques publiques environnementales de l’Union européenne (par exemple, dans la lutte qui a conduit à l’<a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/meps-confirm-electric-fishing-ban-despite-eleventh-hour-dutch-effort/">interdiction de la pêche électrique</a>). Pour ceux qui privilégient l’enjeu environnemental, voter pour un renforcement du groupe Vert est sûrement une stratégie plus sûre que de voter en faveur de partis de gauche qui, au sein du Parlement européen ne sont pas leaders dans le domaine des politiques d’environnement.</p>
<h2>La mobilisation d’une partie des jeunes</h2>
<p>Certains éléments pouvaient, cependant, inciter les observateurs à anticiper le bon résultat des Verts. C’est, d’abord, la vigueur des alertes émises dans les derniers mois par les scientifiques sur la montée du risque climatique et sur la dégradation inquiétante de la biodiversité.</p>
<p>Ce sont ensuite les diverses manifestations, comme en réponse à ces alertes, telles que les <a href="https://theconversation.com/ces-trois-jeunesses-qui-se-mobilisent-pour-le-climat-113297">« Marches pour le Climat »</a> ou les actions de terrain du groupe <a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-pourquoi-je-mengage-dans-laction-non-violente-contre-le-changement-climatique-107337">Extinction Rebellion</a>. Mais la conversion de convictions en votes n’est sûrement pas un phénomène purement mécanique, et l’on pouvait par conséquent douter de la réalité de cette conversion.</p>
<p>Au lendemain de cette élection, nous n’avons pas de preuve effective que les bons résultats des Verts s’expliquent principalement par une mobilisation en réponse aux messages de la communauté scientifique. Mais certains éléments vont cependant dans ce sens. Ainsi, il semble clair qu’une fraction des classes d’âge les plus jeunes (18-24ans), plus présente dans les mobilisations de terrain, a aussi contribué, davantage que dans les élections antérieures aux bons résultats des Verts.</p>
<p><a href="https://www.ifop.com/publication/europeennes-2019-profil-des-electeurs-et-clefs-du-scrutin/">Selon l’IFOP</a>, 23 % des jeunes de 18-24 ans auraient choisi le vote en faveur de l’écologie contre 15 % pour LREM, et 14 % pour le RN. Il ne faut pas déduire de ces chiffres une conversion massive de la jeunesse en faveur de l’écologie : vraisemblablement, les jeunes en question appartiennent plus souvent à des milieux aisés, sont plus souvent étudiants ou lycéens, et moins souvent membres des catégories populaires, comme du reste l’ensemble de l’électorat écologiste. Ce résultat, cependant, diffère de ce que l’on observait auparavant.</p>
<h2>Une troisième force durable ?</h2>
<p>La réussite des Verts lors des élections européennes signifie-t-elle que, désormais, l’écologie politique tiendra ce rang de « troisième parti » de France dans les élections à venir ? Pour les prochaines élections, les municipales de 2020, il est probable que le niveau actuel des écologistes leur permettra de revendiquer plus qu’auparavant des positions de leadership dans d’éventuelles alliances avec leurs partenaires de gauche.</p>
<p>Pour l’avenir plus lointain, tout dépendra de la capacité des partis de gauche à imaginer et à mettre en œuvre une reconstruction fructueuse de la nébuleuse de gauche. Elle sera sans doute longue et complexe à mettre en œuvre, mais si elle réussit, les Verts devront composer avec elle.</p>
<p>Et ils seront à nouveau confrontés à un problème non résolu : comment accéder au pouvoir national avec un mode de scrutin (majoritaire à deux tours) qui, compte tenu du niveau électoral de l’écologie politique impose l’apport d’un partenaire plus puissant ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Boy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réussite des Verts lors des élections européennes signifie-t-elle que, désormais, l’écologie politique tiendra ce rang de « troisième parti » de France dans les élections à venir ?Daniel Boy, Directeur de recherches émérite à Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178722019-05-27T19:50:48Z2019-05-27T19:50:48ZQuand le Parlement européen se « nationalise »<p><a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12016M013">L’article 13 du traité sur l’Union européenne (TUE)</a>, qui contient la liste des institutions de l’Union européenne (UE), cite le Parlement européen (PE) en premier. Suivent ensuite le Conseil européen, le Conseil, la Commission européenne, la Cour de justice de l’UE, la Banque centrale européenne et la Cour des comptes. À l’image de la construction européenne, ce Parlement est original, tout en restant grandement méconnu, bien qu’étant la seule assemblée internationale élue au suffrage universel direct. Il a pourtant bénéficié d’un accroissement constant de ses pouvoirs au fil des traités européens.</p>
<p><a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12016M010">Les articles 10-2</a> et <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12016M014">14-2</a> du TUE, dans leur rédaction issue du traité de Lisbonne, établissement très clairement un lien entre le Parlement et les citoyens de l’Union. En dépit de la crise de la représentation politique et du faible engouement pour le parlementarisme tant national qu’européen, les citoyens de l’Union sont directement représentés au PE. Et bien que les institutions européennes semblent lointaines aux citoyens de l’Union, il est fondamental de voter pour son renouvellement. La représentativité et la légitimité du Parlement ne doivent pas s’affaiblir, ni le fossé entre les citoyens et leurs représentants européens s’accroître.</p>
<p>De surcroît, son renouvellement tous les cinq ans représente une étape charnière dans le fonctionnement du système institutionnel de l’Union. Celui-ci s’inscrit en 2019 <a href="https://theconversation.com/lunion-europeenne-face-aux-risques-du-halloween-brexit-115381">dans le contexte particulier du retrait du Royaume-Uni</a>. Avec le Brexit et la montée des populismes et des nationalismes en Europe, le prochain Parlement sera davantage éclaté – ce qui ne va pas faciliter l’application du processus des <em>Spitzenkandidaten</em>, les nominations aux hautes fonctions européennes, ainsi que la détermination des priorités stratégiques de l’UE jusqu’à 2024.</p>
<h2>Un fort attachement à l’Europe mais pas à l’élection européenne</h2>
<p>Plus de 420 millions d’Européens des 28 États membres étaient invités à élire leurs 751 députés européens qui, une fois le Brexit intervenu, ne seront plus que 705, <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L:2018:165I:TOC">conformément à la décision du Conseil européen</a> prise sur la base d’une proposition initiale du PE. Il a en effet réparti 27 des 73 sièges du Royaume-Uni entre 14 États membres, en application du principe de proportionnalité dégressive, pour tenir compte de l’évolution démographique des États membres. La France – qui passe de 74 à 79 sièges – et l’Espagne gagnent ainsi 5 sièges ; l’Italie et les Pays-Bas 3 sièges, etc.</p>
<p>Bien entendu, ces représentants supplémentaires n’entreront en fonction que lors du retrait effectif du Royaume-Uni. La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:L:2019:101:TOC">décision du Conseil européen du 11 avril 2019</a> a en effet bien précisé que si le Royaume-Uni était encore un État membre entre le 23 et le 26 mai 2019, « il sera dans l’obligation de procéder aux élections au Parlement européen conformément au droit de l’Union ». L’UE s’est donc trouvée face au paradoxe qui voit un État membre souhaitant quitter l’UE élire des députés européens.</p>
<p>L’élection de 2019 a été marquée par une offre électorale émiettée et pléthorique. 41 listes ont été déposées en Allemagne pour 96 sièges à pourvoir ; 38 en Espagne pour 54 sièges ; 34 en France pour 74 sièges à pourvoir, tout comme en Croatie pour seulement 11 sièges à attribuer. Ce bric-à-brac électoral, qui ne facilite pas le choix des électeurs, va de pair avec une autre caractéristique, à l’évidence très française : les débats sont restés nationaux et n’ont pas – ou très peu – portés sur les questions européennes. En France, le duel entre les listes Renaissance et Rassemblement national a ainsi eu des airs de remake de l’élection présidentielle française de 2017.</p>
<p>Faut-il alors relever un paradoxe européen caractérisé par « un <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/actualites/Attentes-citoyens-envers-UE-etude.pdf">fort attachement à l’Europe mais pas à l’élection européenne »</a>, cela en dépit de la progression des mouvements politiques nationalistes, populistes ou extrémistes ? Cet attachement est conforté par le fait que, <a href="https://www.ecfr.eu/paris/post/sept_jours_pour_sauver_lunion_europeenne">selon un sondage rendu public le 16 mai 2019</a>, « deux Européens sur trois redoutent le démantèlement de l’UE. » Il permet de comprendre le grand intérêt que conserve le projet européen, ainsi que la remontée du taux de participation aux élections européennes.</p>
<h2>Une assemblée davantage fragmentée</h2>
<p>En raison d’un taux de participation de 50,93 % (42,61 % en 2014), le plus élevé depuis vingt ans, on est en droit de se demander si les Européens ont (enfin ?) pris conscience de l’importance des élections européennes.</p>
<p>La participation atteint ainsi 88,47 % en Belgique (vote obligatoire), 64,30 % en Espagne, 61,41 % en Allemagne ou encore 50,12 % en France. Pour la première élection en 1979, elle avait été de 61,99 %, puis en baisse constante pendant quarante ans. Cette élection a ainsi été plus européenne que les précédentes.</p>
<p>Comme attendu, le Parlement sera davantage fragmenté pour la législature 2019-2024, notamment en raison de la fin du duopole entre le PPE (Parti populaire européen) et le PSE (Parti socialiste européen), qui perdent respectivement 36 et 38 sièges – ce qui va rendre le jeu des alliances pour diriger le PE plus compliqué. La poussée des partis nationalistes et eurosceptiques est moins importante que prévue, alors que les Verts et les Libéraux sont en progression assez forte et deviennent des groupes pivots pour constituer une majorité parlementaire.</p>
<p>Finalement, dans le nouveau Parlement, les cartes sont rebattues : une <a href="https://theconversation.com/vers-une-nouvelle-logique-politique-au-parlement-europeen-117813">« nouvelle logique politique »</a> s’installe, mais les équilibres ne sont pas bouleversés.</p>
<h2>Composition du Parlement européen basée sur la structure du Parlement sortant</h2>
<p>Du fait de l’affaiblissement des deux grands groupes politiques qui règnent depuis vingt ans sur la vie politique européenne, la fragmentation politique fait son entrée au Parlement européen. Elle n’est, en fin de compte, que le reflet des tendances politiques observées dans les États membres, ce qui n’est pas sans conséquence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276629/original/file-20190527-193510-1bf6odz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La composition du nouveau Parlement européen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Commission européenne :DR</span></span>
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</figure>
<p>Avant 2019, le PE n’était pas dans la situation d’un Parlement national, car il dialoguait avec deux « gouvernements » : la Commission responsable devant lui ; le Conseil qui détient toujours l’essentiel du pouvoir de décision. Une majorité et une minorité coexistaient.</p>
<p>Avec le nouveau Parlement, on se rapproche de la situation d’un Parlement national avec une majorité et une opposition : une majorité pro-européenne face à un ensemble de partis eurosceptiques. Il est donc logique que le Parlement soit davantage divisé.</p>
<h2>Un « Spitzenkandidat » à la présidence de la Commission européenne ?</h2>
<p>Le traité de Lisbonne accroît le rôle du Parlement dans la désignation de la Commission et de son président. Il introduit <a href="https://www-cairn-info.bases-doc.univ-lorraine.fr/revue-civitas-europa-2014-2-page-163.htm">« une logique inédite de politisation des élections »</a>. Selon l’<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12016M017">article 17-7 TUE</a>, le Conseil européen lui propose un candidat à la fonction de président de la Commission, « en tenant compte des élections européennes ». <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.C_.2016.202.01.0001.01.FRA&toc=OJ:C:2016:202:TOC">Une Déclaration n° 11 <em>ad</em> article 17-6 et 7</a> précise que les deux institutions ont une responsabilité commune dans le bon déroulement de ce processus de nomination, et que des consultations portant sur le profil des candidats aux fonctions de président de la Commission pourront être arrêtées d’un commun accord – ce qui n’est pas le cas pour l’instant.</p>
<p>Partant, le Conseil européen n’a – en droit – aucune obligation d’investir le vainqueur du scrutin ; il doit seulement tenir compte des élections, pas forcément non plus du résultat de ces élections. Cette volonté de politisation des élections européennes a vu naître le processus <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Spitzenkandidat">des <em>Spitzenkandidaten</em></a>, selon lequel le candidat tête de liste du parti européen remportant les élections devient président de la Commission européenne. Lors du scrutin de 2014, Jean‑Claude Juncker, tête de liste du PPE, a ainsi accédé à cette présidence.</p>
<p>Ce système est cependant controversé, voire plus. Le Parlement en a une conception maximaliste : il s’est déclaré <a href="http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2018-0030_FR.html?redirect">« prêt à rejeter tout candidat à la présidence de la Commission qui n’a pas été désigné comme <em>Spitzenkandidat</em> en amont des élections européennes »</a>. Cette lecture parlementariste vaut-elle mise en garde, car le Parlement voit de nombreux avantages dans cette procédure : respect de l’équilibre institutionnel ; transparence accrue de l’élection ; renforcement de la légitimité politique de la Commission ; sensibilisation des citoyens européens à l’enjeu du vote du fait de sa personnalisation.</p>
<p>Le processus des <em>Spitzenkandidaten</em> n’est pourtant pas toujours considéré comme démocratique. Tel est par exemple le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/02/23/remarks-by-president-donald-tusk-following-the-informal-meeting-of-the-27-heads-of-state-or-government-on-23-february-2018/">point de vue du Président du Conseil européen Donald Tusk</a>. Les <em>Spitzenkandidaten</em> ne sont en effet pas forcément très connus du grand public. La logique qui sous-tend ce processus transforme la Commission en gouvernement, ce qui est source d’ambiguïtés.</p>
<p>Certains membres du Conseil européen, dont le Président Macron, estiment qu’ils devraient concourir sur des listes transnationales. Quoi qu’il en soit, vu les scores des groupes PPE et PSE, <em>Spitzenkandidat</em> ou pas, le futur Président de la Commission devra être élu avec une majorité de 376 voix.</p>
<h2>La fragilité du « Spitzenkandidat » du PPE et le grand mercato des nominations</h2>
<p>En application du processus du <em>Spitzenkandidat</em>, le PPE ayant obtenu 180 sièges, Manfred Weber, son candidat tête de liste devrait être désigné. Cette automaticité ne va pas de soi, en raison de la <a href="https://www.politis.fr/articles/2018/11/manfred-weber-fragile-spitzenkandidat-du-ppe-39591/">fragilité du <em>Spitzenkandidat</em> du PPE</a>. Sa candidature n’a pas suscité une grande mobilisation, et ne connaît pas la même dynamique que celle de Jean‑Claude Juncker en 2014. Son positionnement politique très à droite ne plaide pas non plus en sa faveur.</p>
<p>Le PPE joue un rôle de premier plan depuis vingt ans, ce qui ne fait à nouveau pas l’unanimité, même s’il demeure le parti le plus important. De son côté, le socialiste néerlandais, Frans Timmermans, chef de file du PSE, estime qu’il y a une majorité possible sans le PPE. La présidence de la Commission sera vraisemblablement très disputée.</p>
<p>Plusieurs membres du Conseil européen n’acceptent pas d’avoir les mains liées par ce processus, notamment le Président Emmanuel Macron. De plus, l’Allemagne détient déjà de nombreuses présidences : celles du Mécanisme européen de stabilité, de la Banque européenne d’investissement, de la Cour des comptes et du Conseil de résolution unique de l’Union bancaire. Il ne faut pas oublier non plus que les nominations aux hautes fonctions de l’UE font l’objet d’un grand marchandage d’ensemble, qui concerne les présidences de la Commission, du Conseil européen, de la Banque centrale européenne, ainsi que le poste de Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.</p>
<p>Dans un souci de rapidité, de fluidité et d’efficacité, le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/05/09/remarks-by-president-donald-tusk-at-the-press-conference-of-the-informal-summit-in-sibiu/">Président du Conseil européen Donald Tusk</a> a d’ailleurs précisé que ce processus de désignation débuterait par une réunion à 28, ce 28 mai 2019. Selon les traités, il devra respecter l’équilibre géographique de l’Union, sa démographie, afin que les petits comme les grands États membres soient représentés à ces plus hautes fonctions. Les équilibres politiques et de genres devront l’être également.</p>
<p>L’objectif est de parvenir le plus rapidement possible à un consensus pour franchir cette étape charnière de la vie institutionnelle européenne, qui va être suivie d’une autre tout aussi cruciale et consistant à jeter les bases du futur avenir commun de l’Union.</p>
<h2>Besoin de projection</h2>
<p>Dans la perspective de l’adoption de l’agenda stratégique de l’UE pour les cinq prochaines années, la Commission européenne a ouvert le bal. Elle a recommandé d’articuler ce programme stratégique 2019-2024 <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-2392_fr.htm">autour de cinq axes</a> : une Europe protectrice, concurrentielle, équitable, durable et influente. Ce premier acte a été suivi d’un deuxième qui a consisté pour les dirigeants de l’UE, réunis de manière informelle à Sibiu (Roumanie), en <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/05/09/the-sibiu-declaration/">l’adoption d’une Déclaration</a> reposant sur dix engagements. Ce document est la conclusion d’un processus de réflexion sur l’avenir de l’UE, qui a débuté par une <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/21236/160916-bratislava-declaration-and-roadmap-fr.pdf">précédente Déclaration adoptée à Bratislava en septembre 2016</a>, <a href="https://theconversation.com/brexit-or-brexin-le-perfide-referendum-du-23-juin-2016-60993">après le référendum britannique sur le retrait de l’Union du 23 juin 2016</a>.</p>
<p>La Déclaration de Sibiu énumère 10 engagements qui s’articulent <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/39295/fr_leaders-agenda-note-on-strategic-agenda-2019-2024-0519.pdf">autour de quatre grands thèmes</a> :</p>
<ul>
<li><p>protéger les citoyens et les libertés ;</p></li>
<li><p>développer un modèle économique européen d’avenir ;</p></li>
<li><p>construire un avenir plus vert, plus équitable et plus inclusif ;</p></li>
<li><p>promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe dans le monde.</p></li>
</ul>
<p>Ce programme stratégique concerne tant les « affaires intérieures » européennes que les défis mondiaux, car l’UE a <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0509-quelle-nouvelle-europe">« un besoin de projection, plus que de protection »</a>.</p>
<p>Ces prolégomènes seront-ils un premier pas suffisant vers la nécessaire refondation de l’UE, sachant que le Conseil européen des 20-21 juin 2019 doit décider du troisième acte qu’est l’Agenda stratégique de l’UE pour les cinq prochaines années ? Les stratégies, qu’elles soient décennales comme celle de Lisbonne (2000) ou comme Europe 2020, ou bien seulement quinquennales, ont de quoi laisser perplexe ! Elles ne produisent quasiment aucun résultat et leur caractère fourre-tout – et langue de bois – n’évoquent rien ou si peu aux Européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec le nouveau Parlement, on se rapproche de la situation d’un Parlement national avec une majorité et une opposition : une majorité pro-européenne face à un ensemble de partis eurosceptiques.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178622019-05-27T14:14:37Z2019-05-27T14:14:37ZLes élections européennes métamorphosent le clivage gauche-droite<p>Dès le soir du 26 mai, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/la-republique-en-marche/video-nous-avons-recu-le-message-de-nombreux-francais-sur-l-urgence-ecologique-annonce-edouard-philippe_3461537.html">premier ministre Édouard Philippe</a> est intervenu pour expliquer que, contrairement à ce que disaient les spécialistes, selon lui, le clivage gauche-droite était définitivement mort et que les élections européennes avaient entériné le nouveau clivage entre progressistes et nationalistes sur lequel Emmanuel Macron avait bâti toute la campagne de La République en marche (LREM) en 2017.</p>
<p>Il est vrai que le résultat des élections européennes de 2019 réduit à la portion congrue les partis de la gauche comme LFI (6,3 % des suffrages exprimés), le PS – nouvelle mouture Place publique (6 %) ou ancienne mouture frondeuse de Génération.s (3 %) –, dépassant à peine le PCF (2,5 %). De même, il entérine la débâcle de la liste des Républicains qui finit à 8,5 % après avoir longtemps été créditée d’un vrai dynamisme électoral pouvant la conduire selon les sondages vers les 15 %.</p>
<p>Il est également vrai que le Rassemblement national (RN) et LREM totalisent à eux deux environ la moitié des suffrages exprimés dans des élections qui ont mobilisé davantage que d’habitude, ayant été transformées depuis la crise des « gilets jaunes » en test de politique nationale, voire en plébiscite pour ou contre le président de la République dont la légitimité n’a jamais été durablement établie pour nombre de Français depuis les élections de 2017.</p>
<h2>La question sociale reste centrale</h2>
<p>Le premier réflexe est donc de considérer que le clivage gauche-droite s’est éteint au profit de l’affrontement de deux ensembles électoraux que tout oppose, et notamment la sociologie de leurs électeurs. Celui-ci relancerait, de manière paradoxale, la lutte des classes entre – d’un côté – les jeunes ouvriers et employés peu diplômés, habitant des zones désindustrialisées, à fort taux de chômage, votant RN et – de l’autre – les seniors des catégories supérieures habitant des départements plus riches, votant LREM.</p>
<p>Dans cet affrontement entre un néolibéralisme pro-européen, n’ayant plus de gauche que son niveau de tolérance culturelle propre aux classes supérieures, et un mouvement souverainiste anticapitaliste et populaire, n’ayant plus de droite que son refus de l’immigration, on voit se jouer une double confrontation : de nature économique entre riches et pauvres et de nature sociale entre ceux qui disposent de bonnes perspectives d’avenir et ceux dont la mobilité sociale ou celle de leurs enfants s’effondre.</p>
<p>La question sociale n’est donc pas évacuée comme le sous-entend le discours du « ni gauche ni droite ». Or c’est bien elle qui a toujours structuré le clivage gauche-droite.</p>
<h2>L’écologie politique devient le pivot de la gauche</h2>
<p>L’explication par le nouveau clivage entre progressistes et souverainistes fait, par ailleurs, peu de cas de la percée d’Europe Écologie Les verts (EELV) qui obtient 13,5 % des suffrages, sauf à expliquer que le macronisme c’est aussi de l’écologie – ce qui n’a pas vraiment convaincu Nicolas Hulot.</p>
<p>Ce succès ne s’inscrit nullement dans ce schéma binaire, car l’écologie politique reste ancrée dans un mouvement antilibéral de gauche mais fondamentalement pro-européen, comme l’a d’ailleurs expliqué très clairement Yannick Jadot. Rien n’indique que les électeurs de la liste EELV se soient ralliés au libéralisme économique, comme le montrent les <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/lenquete-electorale-2019">résultats de l’enquête électorale 2019 du Cevipof</a>. C’est même tout le contraire.</p>
<p>Les électeurs de la liste EELV sont fortement libéraux sur le plan culturel – ce qui est mesuré ici sur la base d’un indice de trois questions portant sur l’immigration, la peine de mort et le mariage homosexuel. Mais ils sont très faiblement libéraux sur le plan économique – ce qui est mesuré par un indice de trois questions portant sur la liberté dont doivent jouir les entreprises, sur la redistribution des richesses pour assurer la justice sociale et sur la réduction du nombre des fonctionnaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les valeurs des électorats aux élections européennes de 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête électorale 2019/Cevipof</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<hr>
<p>La gauche s’est redéployée autour de la défense de l’environnement, chacune de ses listes proposant une nouvelle alliance entre la justice sociale et la réinvention du système économique afin de préserver les ressources naturelles et la biodiversité. Les élections européennes de 2019 ont vu s’opérer l’abandon par la gauche de sa traditionnelle philosophie productiviste au profit d’une philosophie associant égalité et qualité de vie et cela dans une perspective internationaliste typiquement de gauche, même si cela débouche sur la remise en cause de l’Union européenne en tant que telle.</p>
<p>C’est bien l’éclatement des listes de gauche et leur incapacité momentanée à produire un mouvement unifié qui donne par contrecoup l’impression que la vie politique française se résume au combat de LREM et du RN. On ne peut donc pas mesurer l’évolution des cultures politiques en prenant comme indicateur l’offre partisane.</p>
<h2>La liste LREM absorbe les électeurs du centre-droit</h2>
<p>Du côté de LREM, sa résistance électorale est venue du fait qu’une partie de ses électeurs proviennent de la droite et du centre alors que le parti présidentiel perdait les électeurs de gauche qui l’avaient soutenu en 2017.</p>
<p>L’enquête électorale 2019 montre ainsi que si la liste LREM récupère 61 % des électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, 27 % de son potentiel électoral aux européennes vient d’anciens électeurs de François Fillon ou de Nicolas Dupont-Aignan, et 6 % seulement de l’ensemble de l’électorat de gauche. On voit donc que l’ancrage à droite de LREM s’est confirmé.</p>
<p>En revanche, 11 % des électeurs d’Emmanuel Macron lors de ce premier tour de la présidentielle entendaient voter pour la liste du PS–Place publique et 14 % pour la liste EELV, alors que les intentions de départ vers les listes de droite s’avéraient bien plus rares (2,5 % pour LR et 2,5 % également pour la liste UDI).</p>
<p>Sur ce terrain, la stratégie électorale d’Emmanuel Macron a bien fonctionné puisque nombre d’électeurs âgés ayant du patrimoine ont préféré jouer la carte du vote utile pour contrer le RN – ce que confirme l’analyse de la géographie électorale – plutôt que de voter pour la liste LR dont la campagne a été bien menée mais sur laquelle pèse toujours le poids des rivalités internes de personnes comme sa position assez ambiguë à l’égard de l’Union européenne.</p>
<h2>Les Européennes n’ont pas permis le retour à la normalité démocratique</h2>
<p>L’enfermement du débat politique dans le face-à-face entre LREM et le RN n’a cependant pas que des côtés positifs pour le gouvernement. Il ne faut pas oublier que la participation atteint seulement les 50 %, dépassant certes les prévisions des sondages, mais restant très basse alors même qu’il s’agissait d’une élection d’infirmation ou de confirmation de la présidentielle de 2017. Les résultats obtenus par les diverses listes doivent donc être divisés par deux en nombre d’inscrits – ce qui ne permet pas de faire des projections fiables sur le long terme. Ce qui veut dire que la crise démocratique est loin d’avoir été absorbée, le premier parti restant, et de loin, celui des abstentionnistes.</p>
<p>Les gilets jaunes, avec 0,5 % des suffrages exprimés, n’ont pas pu transformer leur révolte en offre politique crédible malgré le très haut niveau de proximité voire de soutien de la part des Français. Le vote RN a pu ainsi profiter de la contestation sociale en attirant environ 50 % des électeurs les plus proches des gilets jaunes et dont la culture est <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612">populiste, anticapitaliste mais assez largement hostile à l’immigration</a>.</p>
<p>L’erreur d’analyse qui a consisté à voir dans les gilets jaunes un mouvement social de gauche permet de comprendre le désarroi de Jean‑Luc Mélenchon, qui voit son score électoral s’effondrer alors qu’il avait sous les yeux la révolte qu’il attendait depuis si longtemps. Même si l’on peut distinguer les gilets jaunes actifs de ceux qui les soutiennent, il faut bien reconnaître que ce mouvement n’a nullement renforcé la gauche radicale, bien au contraire.</p>
<h2>Quelle base sociale pour la reconstruction de la gauche ?</h2>
<p>Il était donc de bonne guerre de la part du premier ministre comme de LREM d’invoquer la <a href="https://theconversation.com/paysage-apres-la-bataille-presidentielle-la-gauche-et-la-droite-meme-pas-mortes-84191">disparition du clivage gauche-droite</a>. Mais l’analyse montre que les élections européennes ont plutôt reconfiguré cette opposition à travers les enjeux que constituent le libéralisme économique de l’Union européenne et la défense de l’environnement.</p>
<p>Il reste que l’on peut donner deux interprétations du paysage politique français actuel. On peut, tout d’abord, considérer que l’opposition LREM-RN est celle de deux droites, LREM étant la réincarnation modernisée du giscardisme et de l’ancienne UDF, le RN reprenant à son compte le gaullisme dans ce qu’il avait de souverainiste mais aussi de social.</p>
<p>On peut aussi lire cette évolution en termes sociologiques, LREM défendant les classes aisées ou dotées de ressources scolaires et le RN défendant les classes populaires et ceux qui se sentent exclus de la vie politique institutionnelle.</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, la question se pose de savoir sur quelle base sociale la gauche peut se reconstruire. Car l’écologie politique ne parle pour l’essentiel qu’aux plus diplômés, même s’ils n’appartiennent pas aux catégories supérieures. Le débat risque donc d’être bloqué encore longtemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117862/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question sociale n’est pas évacuée comme le sous-entend le discours du « ni gauche ni droite ». Or c’est bien elle qui a toujours structuré le clivage gauche-droite.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178132019-05-26T22:53:44Z2019-05-26T22:53:44ZVers une nouvelle logique politique au Parlement européen<p>Les élections européennes 2019 ont été présentées, par les responsables politiques comme par les journalistes, comme un combat entre les partisans de l’intégration européenne et les opposants à celle-ci, entre les mondialistes et les nationalistes. Les partisans de l’intégration européenne ont, partout, dénoncé le risque populiste, tandis que les partis eurosceptiques de la droite extrême veillaient, comme jamais auparavant, à faire front commun.</p>
<p>Les résultats du scrutin reflètent cette polarisation. Mais il y a plus.</p>
<h2>Des électeurs poussés vers le vote utile</h2>
<p>Cette dramatisation des enjeux a, certes, produit son effet. Elle a suscité un net regain de participation électorale dans de nombreux États, et a poussé les électeurs au vote utile. En France, la campagne a été plus ou moins réduite à une opposition entre la liste du RN et la liste Renaissance, malgré la présence de 34 listes. Emmanuel Macron a fait le pari, risqué et perdu, d’appeler à la mobilisation contre le RN. Marine Le Pen, qui n’en demandait pas tant, a largement bénéficié de ce cadrage du scrutin, en engrangeant les votes des électeurs qui entendaient sanctionner le président.</p>
<p>Ce vote utile a provoqué un effondrement de LFI (6,3 %), qui se fait devancer par la liste du PS et de Place publique (6,4 %), PS dont Jean‑Luc Mélenchon assurait pourtant qu’il était moribond. De même, alors que les sondeurs nous promettaient, il y a trois mois encore, une entrée tonitruante des « gilets jaunes » au Parlement européen, les trois listes issues du mouvement ont fait des scores insignifiants. Là aussi, le FN a sans aucun doute bénéficié d’un large report des voix.</p>
<p>Le vote utile a aussi joué en faveur de la liste Renaissance (La République en marche). Elle perd le pari présidentiel, mais sauve les meubles avec un score de 22,5 %, honorable pour un parti aux affaires. En conséquence, la décente aux enfers continue pour le PS et LR, partis qui avaient dominé le jeu politique français depuis 1958. Le PS limite certes la casse, mais il fait moins de la moitié de son score de 2014 (13,9 %). LR est beaucoup plus bas que prévu (8,2 %, à comparer aux 20,8 % de 2014), malgré l’espoir suscité par la campagne de François-Xavier Bellamy.</p>
<p>Ce sont les écologistes d’EELV qui tirent leur épingle du jeu, avec un score inattendu (13,1 %), qui rappelle leur succès de 2009 (16,3 %). Dans un débat très polarisé, traversé par des angoisses profondes quant à l’avenir de la France et de l’Europe et par une logique de rejet ou de soutien à Emmanuel Macron, ils ont séduit l’électorat en faisant entendre une voix alternative.</p>
<p>Au total, en France, le ratio entre pro et anti-européens reste stable par rapport à 2014 : les eurosceptiques ne progressent pas, et les députés français au PE resteront largement favorables à l’intégration européenne. Le RN arrive en tête, ce qui est une victoire symbolique importante, mais son score (23,5 %) est moins bon qu’en 2014 (24,9 %). Surtout, comme on l’a dit, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">crise des « gilets jaunes »</a> qui agite la France depuis six mois et le phénomène du vote utile laissaient entrevoir un succès plus net encore.</p>
<h2>La révolution eurosceptique n’a pas eu lieu</h2>
<p>A l’échelle européenne, il est difficile de tirer des leçons d’ensemble. Les résultats sont très contrastés, selon les configurations politiques nationales, la popularité du gouvernement, et le moment auquel cette élection intervient dans la vite politique. Une fois encore, les élections européennes ont donné lieu à 28 campagnes électorales parallèles, fortement centrées sur des enjeux domestiques. On constate même un recul par rapport à 2014 sur ce point, puisque le dispositif des <em>Spitzenkandidaten</em> (candidats des différents partis européens à la Présidence de la Commission) a rencontré moins d’écho cette fois-ci et a suscité plus d’oppositions.</p>
<p>On ne voit donc pas se dessiner de grandes tendances à l’échelle de l’Union. On note, toutefois, un recul global des partis de gouvernement et une montée des écologistes. On remarque aussi que le raz-de-marée souverainiste n’a pas eu lieu : leur score global est important, mais il ne progresse pas. Les populistes font des résultats remarquables dans certains pays, mais subissent des revers dans d’autres : la révolution eurosceptique n’a pas eu lieu.</p>
<h2>La poursuite de l’affaiblissement des partis traditionnels</h2>
<p>Au Parlement européen, ce qui frappe, c’est la poursuite de l’affaiblissement des socialistes (groupe S&D) et des démocrates-chrétiens (groupe PPE). Les deux groupes, qui dominent largement le fonctionnement du Parlement européen depuis sa création, ne cumulent plus que 43 % des voix (chiffres à confirmer). Leur score total était de 66 % en 1999, 64 % en 2004, 58 % en 2009 et 54 % en 2014. Plus que la continuation d’une tendance, c’est un effondrement.</p>
<p>Cela veut dire, concrètement, que ces deux groupes, qui totaliseront environ 325 sièges, ne pèsent plus assez lourd pour faire passer des textes facilement. Et, pour commencer, ils ne seront pas en situation d’assurer sans renfort l’élection du futur président de la Commission européenne, qui doit être « élu » à la majorité des membres du PE, soit 373 voix au moins.</p>
<p>En 2014 déjà, les groupes S&D et PPE, affaiblis, avaient dû nouer une alliance avec les libéraux du <a href="https://alde.eu/fr/">groupe ALDE</a>. Le renouvellement d’un tel accord est désormais incontournable, d’autant que le groupe ALDE se renforce nettement, et devrait – avec l’appoint des députés français de la liste Renaissance – passer le cap des 100 sièges (contre 67 en 2014).</p>
<p>Le groupe des Verts, qui devrait totaliser environ 70 députés (contre 50 en 2014), saura sans doute monnayer lui aussi chèrement son appui. Le « duopole » constitué par les socialistes et les démocrates-chrétiens a définitivement vécu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117813/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Costa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France, comme à l’échelle européenne, le « duopole » constitué par les socialistes et les démocrates-chrétiens a définitivement vécu.Olivier Costa, Directeur de recherche au CNRS / Directeur des Etudes politiques au Collège d'Europe –, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1177802019-05-24T15:19:04Z2019-05-24T15:19:04ZLes Européens votent, entre indifférence et sentiment d'incompétence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276368/original/file-20190524-187179-1eamhj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près de 400 millions d'Européens de 28 pays sont appelés aux urnes jusqu'à dimanche pour élire les membres du parlement européen.
Le taux d'abstention est souvent élevé, et des campagnes encouragent les citoyens à aller voter, comme ici à la station de métro Luxembourg, à Bruxelles. </span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Virginia Mayo</span></span></figcaption></figure><p>Les 432 millions de citoyennes et citoyens européens en âge de voter <a href="https://theconversation.com/europeennes-cinq-infos-indispensables-avant-daller-voter-117637">élisent le Parlement européen depuis jeudi et jusqu'à dimanche 26 mai.</a> Quarante ans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne">après les premières élections</a>, ce scrutin est le plus souvent considéré par les partis et les électeurs eux-mêmes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/03/les-elections-europeennes-eternelles-mal-aimees_5457599_3232.html">comme une élection de second rang</a>, de moindre importance que celles qui se jouent au niveau national.</p>
<p>Pour les partis, elles constituent un moyen de tester l’état des forces en présence. Pour les électeurs, elles permettent un vote d’expression puisque sans conséquence visible sur le choix du gouvernement. Cela favorise les petits partis et plus généralement ceux de l’opposition, d’autant plus qu’il s’agit d’un scrutin à la proportionnelle. C’est donc souvent l’occasion de voter « avec son cœur » ou « avec ses pieds ». </p>
<p>Plus généralement, ces élections tendent à attirer moins d’électeurs que les scrutins de « premier ordre » comme les législatives.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276372/original/file-20190524-187165-157f33y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La leader française d'extrême droite Marine Le Pen répond aux journalistes après une conférence de presse à Henin-Beaumont, dans le nord de la France, vendredi. Les sondages suggèrent que le parti de Le Pen figurera parmi les deux premiers. Les élections européennes sont souvent l'occasion pour les électeurs de voter « avec leur cœur » ou « avec leurs pieds ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Michel Spingle</span></span>
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<h2>Intérêt mitigé</h2>
<p>En attendant le soir du 26 mai <a href="https://www.marianne.net/politique/quelle-heure-connaitra-t-le-resultat-des-elections-europeennes-dimanche">où les résultats seront connus</a>, un certain nombre de constats peuvent déjà être établis. </p>
<p>Une fois encore, les campagnes se sont concentrées sur les enjeux nationaux, à la limite de l’illisibilité du fait du très grand nombre de listes : pas moins de 17 au Portugal, 34 en France et 41 en Allemagne ! </p>
<p>Par ailleurs, l’abstention s’annonce probablement aussi importante que lors des élections précédentes. À quelques semaines du scrutin, <a href="http://www.europarl.europa.eu/at-your-service/files/be-heard/eurobarometer/2019/parlemeter-2019/report/en-parlemeter-2019.pdf">seuls 53% des citoyennes et citoyennes se disaient plus ou moins certains d’aller voter</a>.</p>
<p>Comment comprendre ce peu d’intérêt ? Dans le cadre d’une enquête menée de mars à mai 2019 par les membres <a href="http://www.restep.ca">du réseau de recherche RESTEP</a>, pilotée par moi-même, nous avons rencontré différents groupes de citoyens et citoyennes en France, en Belgique et au Portugal. </p>
<p>Sans prétendre à la représentativité, les discussions au sein de ces groupes aux profils divers (étudiant.es, jeunes sans diplômes, jeunes diplômés en recherche d’emploi, employée.es des secteurs publics et privés, seniors, etc) offrent cependant un éclairage singulier. Elles permettent de saisir les sentiments de compétence ou d’incompétence face à la politique, les façons de raisonner, et de comprendre ce qui fait ou ne fait pas sens pour les citoyens quand ils parlent de l’intégration européenne et ce qui compte pour eux au moment d’aller voter… ou non.</p>
<h2>Des citoyens conscients de la campagne, mais ne se sentant pas compétents</h2>
<p>Interrogés sur la campagne européenne, l’ensemble des participants, à l’exception des séniors, concèdent une certaine passivité par rapport à l’actualité européenne. Tous expriment un sentiment d’incompétence fort, c’est-à-dire la sensation de ne pas être en mesure de se prononcer sur les enjeux électoraux par manque d’information, par manque de temps, ou par manque d’intérêt. </p>
<p>En Belgique, la campagne est perçue comme apathique et sans contenu. En France, un certain nombre d’électeurs expliquent leur manque d’intérêt par leur manque de confiance en leurs propres compétences pour évaluer les différentes alternatives politiques au niveau européen. </p>
<p>D’autres l’expliquent par les caractéristiques mêmes de la campagne jugée excessivement polarisante et réductrice. Cela fait écho aux séniors portugais qui déplorent le ton et le manque de contenu de la campagne. Les partis préfèrent axer leurs stratégies sur les questions domestiques et les attaques personnelles. Le <a href="https://journals.openedition.org/ress/2990">caractère de second ordre des élections européennes</a>, que les politologues analysent depuis longtemps, est donc évident pour les électeurs eux-mêmes dans les trois pays, au travers notamment des campagnes menées par les partis politiques.</p>
<h2>Une profonde défiance vis-à-vis du politique et des médias</h2>
<p>Ce qui ressort de ces discussions, quelle que soit la génération ou le niveau de diplôme des participants, c’est avant tout une profonde méfiance envers les médias d’abord, et les élites politiques ensuite. </p>
<p>Les propos recueillis confirment des analyses déjà anciennes sur la perception des élites comme corrompues, éloignées de la réalité et des institutions politiques généralement opaques. Les médias traditionnels sont eux perçus comme sensationnalistes, accentuant à dessein les antagonismes politiques, au mieux occultant les enjeux d’importance, au pire manipulant carrément les perceptions de leurs audiences. </p>
<p>Face à ce rejet des institutions traditionnelles de la démocratie représentative, beaucoup soulignent que ce sont les citoyens eux-mêmes qui doivent s’emparer de ces enjeux et apporter des solutions, particulièrement chez les plus jeunes.</p>
<h2>Une campagne loin des vraies affaires… européennes</h2>
<p>Lorsqu’on demande aux citoyens de quels enjeux la campagne devrait parler, ils placent l’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1169826/motion-urgence-climatique-catherine-mckenna-trudeau">urgence climatique </a>en premier. De manière surprenante, la crise économique semble loin et les questions de chômage, de la monnaie unique ou de la dette sont peu évoquées. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276371/original/file-20190524-187172-1c96ywn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation pour le climat à Bruxelles, vendredi le 24 mai. Des rassemblements sont organisés dans plusieurs pays de l'Union européenne pour exiger une action plus dure contre le réchauffement climatique, une des priorités des citoyens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Francisco Seco</span></span>
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</figure>
<p>En revanche, les inégalités, à différentes échelles, reviennent dans toutes les discussions. Beaucoup déplorent par ailleurs que les enjeux proprement européens, tels que la politique fiscale et la politique de défense (au Portugal), le modèle économique de l’Europe (en France et en Belgique), le fonctionnement des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Institutions_de_l%27Union_europ%C3%A9enne">institutions européennes </a> ne soient pas traités dans la campagne.</p>
<p>Au final, un constat alarmant pour la démocratie, tant nationale qu’européenne.</p>
<h2>Des élections de second ordre… pour vrai</h2>
<p>Il ressort de ces instantanés plusieurs choses. </p>
<p>D’une part, les élections européennes de 2019, traitées comme des élections de second ordre par les partis, à coup de campagnes exclusivement nationales, sont bien perçues comme telles par les citoyens. </p>
<p>Pour beaucoup la polarisation croissante de l’offre politique, la difficulté d’acquérir de l’information et l’orientation exclusivement nationale des partis justifient leur manque d’intérêt et accentuent leur sentiment d’incompétence politique. Dès lors, comment blâmer les citoyens pour leur manque d’engagement alors que la très grande majorité des partis ne se saisissent pas des enjeux. Ils préfèrent mener leur campagne sur des oppositions binaires sans lien avec l’UE (pour ou contre le gouvernement national, contre l’extrême droite, etc). </p>
<p>Tant que les partis ne seront pas prêts à prendre des risques et à se saisir des questions européennes, il parait illusoire d’attendre des citoyennes et des citoyens européens qu’ils et elles se mobilisent et se sentent réellement investis pour ce scrutin.</p>
<p><em>Cet article a été écrit avec la collaboration de Céline Belot, Hélène Caune, Anne-Marie Houde, Morgan Le Corre Juratic, et Damien Pennetreau</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117780/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les résultats présentés dans cet article sont le fruit d’une entreprise collective, néanmoins, les propos n’engagent que leurs auteur.es. Cette recherche a bénéficié d'un financement du Fonds de Recherche Société et Culture du Québec et a été menée dans le cadre du réseau RESTEP. Le RESTEP est un réseau de recherche international réunissant des chercheur.e.s de sept universités européennes et canadiennes, dirigé par Laurie Beaudonnet et Frédéric Mérand (Université de Montréal) et financé par le volet ‘activités Jean Monnet’ du Programme Erasmus + de la Commission européenne. La présente recherche est dirigée par Laurie Beaudonnet (Université de Montréal, Directrice scientifique du Centre Jean Monnet de Montréal). Les responsables locales pour chaque pays sont Céline Belot (CNRS-Pacte) pour la France, Virginie Van Ingelgom (FNRS – UC Louvain) pour la Belgique, et Marina Costa Lobo (Institut des Sciences Sociales – Université de Lisbonne) pour le Portugal.
</span></em></p>Les élections européennes sont souvent perçues comme de seconde importance par les électeurs, et souvent l’occasion de voter « avec son cœur » ou « avec ses pieds ».Laurie Beaudonnet, professeure de science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1175852019-05-24T12:45:37Z2019-05-24T12:45:37ZEn Italie, Matteo Salvini pour la première fois sur la défensive<p>On commence à distinguer les premières fissures dans la <em>success story</em> de Matteo Salvini et de la Ligue. Certes, il est probablement encore trop tôt pour pouvoir parler de l’épuisement d’un cycle politique, même si en Italie les cas de montée et de déclin politique rapide ne manquent pas. Mais certains signes laissent deviner un mouvement souterrain dans le paysage politique en Italie, tout en suggérant que le pari de Matteo Salvini i les élections européennes pour devenir l’acteur politique hégémonique en Italie et en Europe risque d’échouer.</p>
<h2><em>Virtú</em> et <em>Fortuna</em>, les ressorts de l’ascension de Matteo Salvini</h2>
<p>Au début de la campagne, le sentiment général était celui que cette élection aurait dû s’apparenter à la marche triomphale de Salvini vers l’hégémonie politique en Italie et, dans le cadre d’un projet plus vaste, en Europe. D’autre part, l’histoire récente de Matteo Salvini et de la Ligue témoignait d’une réussite formidable.</p>
<p>En 2013, Salvini sort du second rang de la Ligue avec un parcours caractérisé par une forme d’<a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/04/07/matteo-salvini-l-irresistible-ascension-du-capitaine_1719959">extrémisme politique</a>. Il intègre la Ligue du Nord dans les années quatre-vingt après avoir milité dans les rangs de l’extrême gauche et, jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, il représente la <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/07/07/les-trois-vies-de-matteo-salvini-le-temps-du-militant_5327550_3214.html">tendance d’extrême gauche</a> au sein du parti.</p>
<p>Après les élections du 2013, Salvini prend un parti qui plafonne à 4 %, discrédité par des scandales de corruption, affaibli par un leadership en déclin et doté d’un programme politique basé sur un clivage nord-sud désormais dépassé. Il le transforme en l’actuelle Ligue nationaliste, parti dominant dans le champ du centre-droit italien, en tête dans les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/italie-mauvaise-passe-pour-matteo-salvini-1017831">derniers sondages disponibles avec plus de 30 % des intentions de vote</a>, et à la tête d’un gouvernement de coalition avec le Mouvement 5 étoiles. Rappelons ici sonexcellent résultat aux élections législatives de 2018 : de 17 % des suffrages exprimés.</p>
<p>Au pays de Machiavel, une combinaison adéquate de « Virtú » (la capacité politique) et « Fortuna » (les circonstances) a favorisé la montée en puissance de Matteo Salvini. <em>Virtú</em> comme sa capacité innée de communication, son habilité à imposer des thèmes à l’agenda politique (notamment l’immigration), son transformisme et capacité d’adaptation aux divers contextes politiques.</p>
<p><em>Fortuna</em> comme le déclin progressif du leadership politique de Silvio Berlusconi, et le nouvel espace politique créé par le déplacement vers le centre du Parti démocratique qui a permis à la Ligue (ainsi qu’au M5S) de s’approprier des thèmes à la fois d’extrême droite (immigration, sécurité, nationalisme) et de gauche (problèmes sociaux liés aux difficultés économiques de l’après-crise de 2008).</p>
<h2>Premières difficultés pour Salvini et la Ligue</h2>
<p>Toutefois, en attendant les résultats de l’élection de ce dimanche dans laquelle la Ligue est sur le point de devenir le premier parti italien, la campagne électorale a montré – pour la première fois – Salvini et la Ligue en difficulté, souvent placés dans une posture défensive.</p>
<p>Même l’<a href="https://www.lesoir.be/225089/article/2019-05-18/milan-salvini-lance-les-souverainistes-la-conquete-de-leurope">événement organisé</a>, samedi 18 mai, à Milan avec les dirigeants des partis européens d’extrême droite n’a pas eu l’impact espéré : les manifestations organisées contre l’événement ont fait la une des journaux télévisés, et le message politique lancé par Salvini est resté très vague dans sa référence à la nécessité d’un renouveau radical en Europe.</p>
<p>La réunion a eu aussi lieu au moment exact où l’un des principaux alliés de Salvini, le FPÖ autrichien (Parti de la liberté d’Autriche), a sombré dans une <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">crise inédite</a> et a été évincé du gouvernement de coalition en raison du scandale concernant les liens de ses dirigeants avec la Russie et les soupçons de financements occultes.</p>
<h2>Les trois menaces qui pèsent sur la Ligue</h2>
<p>La Ligue, malgré les sondages et malgré sa capacité d’imposer le discours politique dominant en Italie, connaît donc des difficultés croissantes, et les raisons sont principalement au nombre de trois :</p>
<ul>
<li><p>Premièrement, on observe en Italie un phénomène paradoxal qui pourrait être défini comme la « neutralisation des populismes ». En d’autres termes, la Ligue commence à payer la cohabitation avec le Mouvement 5 étoiles au sein du gouvernement. Ces derniers mois, le plus pénalisé par l’alliance a été le M5S, en baisse dans les sondages et forcé à accepter de nombreux compromis qui ont dénaturé son agenda politique. Désormais, c’est au tour de la Ligue de souffrir de cette alliance : l’inaction du gouvernement Conte, en raison des vetos croisés de la part des deux partis, les tensions et querelles persistantes risquent d’éclipser les sujets sur lesquels la Ligue a construit son discours politique, telles que l’immigration et la sécurité, soulignant ainsi l’instabilité du gouvernement et sa manque d’efficacité.</p></li>
<li><p>Deuxièmement, la Ligue subit, beaucoup plus que le Mouvement 5 étoiles, les répercussions des enquêtes judiciaires sur les affaires de corruption impliquant ses dirigeants. Les cas d’<a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/decryptage-les-sept-points-de-discorde-qui-menacent-le-gouvernement-salvini-di-maio">Armando Siri</a>, sous-secrétaire d’État accusé d’avoir touché un pot-de-vin, ainsi que l’enquête pour corruption visant le maire de Legnano (près de Milan), lui aussi membre de la Ligue, affaiblissent l’image de la « nouvelle » Ligue. Cette menace est particulièrement redoutée par Salvini, qui a construit sa propre carrière en marquant son opposition à la vieille Ligue du Nord touchée par des scandales et des enquêtes.</p></li>
<li><p>Troisièmement, le plan d’hégémonie européenne de la Ligue se heurte aux difficultés rencontrées par la droite populiste <a href="https://theconversation.com/une-europe-sous-linfluence-de-forces-populistes-encore-desunies-115965">pour construire des alliances solides en Europe</a> et mener à bien son projet politique. Les désaccords insurmontables sur des questions telles que le rôle de la Russie (sur lequel, par exemple le Rassemblement national en France et le parti Droit et Justice en Pologne se trouvent sur des positions opposées), ou les questions budgétaires (entre la rigueur du FPÖ autrichien et la critique des politiques d’austérité de la part de Ligue italienne) font vaciller l’alliance et affaiblie la capacité opérationnelle de cette future <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/pays-bas/une-alliance-entre-les-partis-d-extreme-droite-au-parlement-europeen-est-elle-possible_3395013.html">« Alliance européenne des peuples et des nations »</a> au Parlement européen. En outre, le cas autrichien montre clairement comment les tentatives de l’extrême droite visant à influencer le Parti populaire européen (PPE) dans le cadre d’une possible alliance post-électorale sont vouées à l’échec, après les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/04/26/joseph-daul-president-du-ppe-aucune-entente-ne-se-fera-avec-un-parti-populiste_5455221_3210.html">prises de position</a> claires des dirigeants du PPE en Europe à ce sujet.</p></li>
</ul>
<h2>Face au principe de réalité économique</h2>
<p>Enfin, la précaire situation économique et financière italienne, et en particulier le poids de la <a href="https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/dette-record-croissance-en-berne-le-mauvais-eleve-italien-preoccupe-la-zone-euro-5cd18d357b50a60294a4db8c">dette publique</a>, sont à la fois un fardeau qui empêche le développement du pays mais aussi un frein politique sur toute sorte d’aventure populiste. Cela obligera le gouvernement actuel (comme les gouvernements précédents) à faire face, tôt ou tard, au principe de réalité, celui des ressources limitées, et donc à payer en terme de soutien électoral les promesses non tenues.</p>
<p>Dans un tel contexte, la concurrence avec le M5S, les problèmes judiciaires, l’absence de résultats économiques du gouvernement actuel et de débouché politique européen, menacent de faire dérailler les projets de Matteo Salvini au lendemain des élections européennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117585/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luca Tomini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au lieu de servir de marchepied vers son hégémonie politique en Italie, cette élection européenne pourrait bien marquer l’amorce d’un nouveau cycle, moins pour le dirigeant de la Ligue.Luca Tomini, Chercheur qualifié FNRS. Professeur en science politique (ULB), Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1175562019-05-23T22:13:47Z2019-05-23T22:13:47ZLes gauches européennes renouent-elles progressivement avec le protectionnisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/275866/original/file-20190522-187169-1lfh277.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C991%2C571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La question du protectionnisme pourrait être un élément de recomposition du Parlement européen.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ikars/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La récente approbation de l’<a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-parlement-europeen-approuve-l-accord-de-libre-echange-ue-singapour-20190213">accord de libre-échange</a> entre l’Union européenne (UE) et Singapour, le premier signé avec un pays appartenant à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), ne constitue pas une nouveauté dans la pratique commerciale européenne de ces dernières années. </p>
<p>Ce traité, qui permettra l’ouverture réciproque presque totale des deux marchés, n’est que le dernier d’une série d’accords commerciaux dits de « nouvelle génération » dont les négociations sont débutés dans la seconde moitié des années 2000. Après les accords conclus avec le Canada (CETA), le Japon (JEFTA), ou encore la Corée du Sud, d’autres sont en cours de négociation : avec les pays du Maghreb, l’Amérique latine, l’Inde, les membres du ASEAN, l’Australie, ou encore les États-Unis. En effet, même si le TAFTA n’a pas abouti, un nouveau projet d’accord, moins ambitieux car <a href="http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/december/tradoc_118238.pdf">privé de la partie concernant l’agriculture</a>, est actuellement en discussion.</p>
<p>Ni l’agenda ni le discours public de l’UE ne semblent aujourd’hui changés. Pourtant, des indices de tensions croissantes apparaissent dans le domaine de la politique commerciale, susceptibles sans doute d’avoir un impact important dans le nouveau parlement européen qui sera élu le 26 mai prochain. En toile de fond, le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/le-ralentissement-du-commerce-mondial-se-confirme-1006017">ralentissement continu du commerce mondial</a> depuis 10 ans et le risque incombant d’une escalade de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/Internet/telephonie/guerre-commerciale-entre-la-chine-et-les-etats-unis-quatre-questions-sur-la-suspension-des-relations-entre-google-et-huawei_3451633.html">guerre commerciale</a> entre États-Unis et Chine.</p>
<h2>Géométrie variable et clivages partisans</h2>
<p>Plus que la question de l’euro, sur laquelle même les principales forces politiques eurosceptiques, à droite comme à gauche, semblent désormais avoir beaucoup nuancé les propos radicaux d’autrefois (voire les avoir <a href="https://www.valeursactuelles.com/politique/sortir-de-leuro-nest-plus-la-priorite-du-rassemblement-national-102853">partiellement reniés</a>), le libre-échange risque-t-il de devenir, après l’austérité, l’un des thèmes au centre du débat économique et politique européen ? À gauche, la discussion sur le sujet, ravivée par l’impact de la crise économique de 2008 et par la longue stagnation qui s’en est suivie, est d’autant plus brûlante car ses représentants restent très divisés en la matière.</p>
<p>Que des forces politiques protectionnistes ou libre-échangistes puissent se retrouver à gauche comme à droite de l’échiquier politique ne permettent pas pour autant de conclure que le clivage partisan est inopérant. L’analyse des votes au parlement européen de la précédente législature sur les accords de libre-échange met en exergue certes une réalité complexe, se manifestant parfois à géométrie variable, mais également des constantes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275864/original/file-20190522-187169-15rdvy7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.europarl.europa.eu/portal/en">Commission européenne</a></span>
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<p>D’abord, une forte polarisation gauche-droite est présente entre les groupes parlementaires qui ont une forte homogénéité interne. Toujours presque à l’unanimité, la gauche de la gauche, alternative et radicale du GUE/NGL, avec les Verts et les régionalistes (Verts-ALE), ont voté contre tous les traités de libre-échange, tandis que les libéraux (ALDE) et les populaires (PPE) les ont soutenus sans failles. En revanche, le vote a été volatile et fragmenté à droite et à l’extrême droite, au sein des groupes Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD) et Europe des nations et des libertés (ENL). </p>
<p>Le groupe de la gauche sociale-démocrate (S&D), qui a approuvé dans sa large majorité les accords, a lui aussi été fragilisé par des divisions importantes. Des clivages partisans internes sont présents au sein de ses principaux partis : le Parti démocrate italien, le SPD allemand et le Parti travailliste britannique, où une minorité, variable par nombre de députés selon le vote – souvent correspondant à l’aile gauche – a rejeté les accords ou s’est abstenue.</p>
<h2>Influences nationales</h2>
<p>Le comportement des partis politiques découle également de considérations locales concernant la compatibilité de l’économie à laquelle ouvrir ses propres marchés. Le CETA est l’accord qui a reçu le plus grand nombre de votes contraires : 254, contre les 152 du JEFTA et les 186 de celui avec Singapour. Cette forte crispation s’explique par la crainte que le Canada pouvait à la fois menacer l’agriculture européenne et se révéler un cheval de Troie utilisé par les entreprises américaines dans leur stratégie de pénétration des marchés européens. La moitié de la délégation du Parti travailliste britannique a ainsi voté exceptionnellement contre. D’autres partis sociaux-démocrates, qui se sont exprimés favorablement lors des autres accords, ont fait de même, à l’image des Polonais et des Tchèques.</p>
<p>Mais la propension libre-échangiste ou protectionniste n’est pas uniquement le résultat du taux d’ouverture des respectives économies nationales. Il relève aussi de processus politiques historiquement sédimentés, évoluant au fil du temps, et soumis à revirements. À gauche le champion du libre-échangisme en Europe ne se trouve pas dans le très libéral Royaume-Uni, mais en Espagne : le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a en effet approuvé à l’unanimité ou à la quasi-unanimité tous les accords de libre-échange. Pedro Sanchez, qui a gauchisé la ligne politique de son parti, a ainsi brusquement abandonné ses propos critiques à l’égard du CETA et des autres accords de libre-échange une fois devenu premier ministre. </p>
<p>Ce qui n’est pas surprenant pour un pays marqué par l’autarcie de la période franquiste des années 1940 et 1950, devenu rapidement une <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NE.EXP.GNFS.ZS?end=2017&locations=ES-IT-FR-GB-DE&name_desc=false&start=1960&view=chart">économie exportatrice</a>, qui maintient constamment dans l’élaboration de sa politique commerciale un regard tourné vers l’Amérique Latine. Les espagnols sont parmi les plus fervents partisans des accords commerciaux entre l’UE et le Mercosur. Au pôle opposé, les champions du protectionnisme au sein de la social-démocratie se trouvent aux Pays-Bas, en Autriche, en Belgique et en France. La délégation socialiste française a en grande majorité rejeté ces accords (à l’unanimité dans le cas du CETA).</p>
<h2>Aux sources du protectionnisme de gauche</h2>
<p>L’historien David Todd a montré comment le protectionnisme, en tant que discours politique en mesure d’attirer l’attention de l’opinion publique et d’influencer la culture économique d’une nation, se soit affirmé en réaction à la puissance commerciale du Royaume-Uni après 1820, dans pays comme la France, l’Allemagne en cours d’unification, ou encore aux États-Unis. Ce type de protectionnisme, accompagnant l’essor et la consolidation de la démocratie au XIX<sup>e</sup> siècle, comme courant de pensée trouve ainsi sa matrice dans un nationalisme progressiste, <a href="https://www.grasset.fr/lidentite-economique-de-la-france-9782246711810">héritier de la Révolution française</a>.</p>
<p>Chez la gauche social-démocrate, les premiers trois quarts du XX<sup>e</sup> siècle ont été caractérisés par une propension générale à ne pas entraver les échanges commerciaux par des politiques protectionnistes, voir les développer, notamment à partir des années 1950, à travers une majeure intégration des marchés nationaux.</p>
<p>Lors de la crise économique de 1929 ont fait surface des propositions protectionnistes, qui n’arrivent que tardivement et partiellement à remettre en cause la doctrine économique précédente. La Première Guerre mondiale avait en effet favorisé la diffusion d’une conception du libre-échange comme l’une des conditions essentielles pour le maintien de la paix. Que l’on songe, en France, à l’<a href="https://books.openedition.org/igpde/2320?lang=fr">« attente libérale à l’extérieur »</a> de Léon Blum lors du Front populaire ; au Royaume-Uni, à l’approche adoptée par les travaillistes sous le deuxième gouvernement de Ramsay MacDonald, ainsi qu’à la modération des propos protectionnistes dans la période de renouvellement de la <a href="https://cronfa.swan.ac.uk/Record/cronfa31883">culture économique du parti</a> qui précède le retour au gouvernement de l’après-guerre ; en Allemagne, aux positions de Rudolf Hilferding et à la politique du SPD presque <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/contemporary-european-history/article/liberalising-regional-trade-socialists-and-european-economic-integration/40BFAC77550AD0402C90296E92824051">tout au long de la République de Weimar</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275861/original/file-20190522-187179-jc2txc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation du Rassemblement populaire, 14 juillet 1936. Dans la tribune, de gauche à droite : Thérèse Blum, Léon Blum, Maurice Thorez, Roger Salengro, Maurice Viollette, Pierre Cot.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Rassemblement-populaire-14-juillet-1936.jpg">Bibliothèque en ligne Gallica/Wikimedia</a></span>
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<p>À la suite de l’effondrement du commerce provoqué par les années 1930 et la Seconde Guerre mondiale, l’intégration internationale des économies capitalistes a été relancée sous la pression américaine dans le nouveau cadre institutionnel instauré par les <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/accords-de-bretton-woods/">accords de Bretton Woods</a> de 1944, et sous l’impulsion de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE). En pleine guerre froide, le drapeau de la paix sous forme de promotion du libre-échange avait même été agité par les communistes, qui prônaient le rétablissement des relations commerciales Ouest-Est.</p>
<p>Au niveau régional européen, en 1957, le marché commun à six a marqué un tournant. Les partis socialistes en ont soutenu la création. En France, le gouvernement présidé par le socialiste Guy Mollet a joué un rôle important pendant la phase de négociation et les votes de la SFIO français et du SPD allemand ont été décisifs pour la ratification du Traité de Rome. Ainsi, des trois majeurs pays fondateurs, seuls les socialistes italiens ont montré une certaine méfiance en s’abstenant. Les partis communistes s’y étaient opposés en dénonçant les intérêts des trusts, des États-Unis et en déplorant le propos antisoviétique. Ce qui n’a pas empêché une évolution relativement rapide des positions du Parti communiste italien (PCI) vers une attitude positive à l’égard du marché commun.</p>
<p>La baisse vertigineuse des tarifs douaniers implémentée dès la fin des années 1960 à la suite du Kennedy Round, puis la crise économique des années 1970 ont ensuite changé la donne. Les tensions autour du libre-échange ont alors commencé à se cristalliser. D’abord, chez les travaillistes britanniques, comme l’a montré l’élaboration puis la mise à l’écart du programme économique du parti, <em>l’Alternative economic strategy</em>, lors du deuxième gouvernement d’Harold Wilson, puis <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100656020">chez les socialistes français</a>.</p>
<p>Néanmoins, pour qu’un clivage permanent s’instaure au sein de la gauche, il faudra attendre les années 1980 et 1990. La vague néolibérale portée par Reagan et Thatcher, la conversion au nouveau cadre libéral d’une partie majoritaire de la gauche, la création d’un marché unique mondial des capitaux, la montée des inégalités, l’arrivée sur le devant de la scène économique mondiale des pays émergents (avant tout la Chine) et, enfin, la création de l’euro.</p>
<h2>Critique de la mondialisation et nouveaux acteurs</h2>
<p>Depuis, sans surprise, c’est le projet d’accord avec les États-Unis, censé créer la zone de libre-échange plus grande du monde, qui a catalysé le plus de polémiques et d’oppositions. La relance du traité transatlantique Tafta (également surnommé Ttip), dont les négociations étaient au point mort depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, ne cesse aujourd’hui de semer le trouble, comme l’a encore confirmé le <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/03/14/le-parlement-europeen-confus-sur-un-accord-commercial-avec-les-etats-unis_5436140_4355770.html">vote au parlement européen du 14 mars</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275863/original/file-20190522-187143-1rz8mqk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le projet d’accord entre les États-Unis et l’UE n’avance plus depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Zerbor/Shutterstock</span></span>
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<p>Pour les voix critiques de la mondialisation, loin de constituer un processus aboutissant à une situation gagnant-gagnant, source de croissance économique et création d’emploi pour tous les pays concernés, ces accords sont soumis à plusieurs accusations : le caractère secret des négociations, le nivellement vers le bas des normes environnementales et sanitaires, la libéralisation des services publics, les externalités négatives du transport de marchandises (polluant et contribuant au réchauffement climatique), le privilège accordé aux investisseurs par la possibilité de saisir des tribunaux d’arbitrage créés ad hoc pour exiger des compensations par l’État responsable d’avoir pris des décisions contraires aux bénéfices escomptés, la destructions d’emplois, la dégradation des conditions de travail et la baisse des salaires par l’intensification de la concurrence, etc.</p>
<p>À gauche, l’opposition au libre-échangisme de nouvelle génération est devenu plus large depuis l’affirmation de nouveaux acteurs politiques (à l’instar de la France insoumise, de Syriza en Grèce et de Podemos en Espagne), le tournant à gauche du Parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn, ou encore par ce qui reste des socialistes français après l’éclatement provoqué par la naissance de La République en marche (Génération.s et Place publique-PS).</p>
<p>S’il est difficile de prévoir l’attitude du nouveau parlement européen dans la politique commerciale future, il est néanmoins raisonnable de s’attendre à un durcissement du clivage entre libre-échangistes et protectionnistes, entre la gauche et le centre-droit libéral, entre les gauches, et au sein même de la gauche sociale-démocrate. L’extrême droite n’est pas non plus à l’abri de voir une ligne de clivage en interne se consolider : en Italie, le gouvernement Ligue du Nord-M5E, deux partis qui s’étaient traditionnellement prononcés contre les accords de libre-échange, vient de donner son approbation aux négociations pour le nouveau traité transatlantique entre l’UE et les États-Unis…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117556/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Massimo Asta a reçu un financement du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne en vertu de l'accord de subvention Marie Skłodowska-Curie Individual Fellowship. </span></em></p>Une analyse des votes au parlement européen sur les accords de libre-échange révèle des positions à géométrie variable et de profondes lignes de fracture au sein même des partis.Massimo Asta, Marie Sklodowska Curie Fellow, Université de Cambridge, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1147792019-05-23T22:13:25Z2019-05-23T22:13:25ZCatégoriser le vivant : l’Europe face à CRISPR<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276046/original/file-20190523-187143-iou3m3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=33%2C2%2C1274%2C783&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">CRISPR en action.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://search.creativecommons.org/photos/3d7892c4-1b1b-41d8-b6d9-a2e7d0e91d4e">Kurzgesagt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Qu’est-ce que le « vivant » ? Comment est défini un « organisme » ? À partir de quel type d’intervention devient-il « génétiquement modifié » ? Pour bon nombre d’entre nous, le réflexe serait d’aller chercher des réponses dans les manuels de biologie de niveau collège. Mais cela ne fera naître que de nouvelles questions.</p>
<p>Premièrement celle de savoir qui définit ces termes : qui décide de ce qu’est ou n’est pas un OGM ? Qui a créé les critères qui établissent la distinction entre les deux catégories ? Qui les interprète ? Pour les citoyens européens, ce sont les institutions de l’Union européenne qui s’en chargent. Or les récents progrès scientifiques viennent remettre en question leur méthode de définition du vivant.</p>
<p>Les principales définitions sont données par la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001. Celle-ci fait d’un organisme « toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique ». L’OGM est quant à lui « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle. » <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-de-lulu-et-nana-les-premiers-bebes-crispr-107969">Lulu et Nana</a>, les deux jumelles chinoises nées suite à une intervention CRISPR, seront donc contentes d’apprendre qu’elles n’ont jamais été des « bébés OGM », n’en déplaise à certains acteurs politiques qui s’appuient sur ce syntagme.</p>
<p>Ce texte prévoit une autre exception notable : les produits de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mutag%C3%A9n%C3%A8se">« mutagénèse »</a>, du moins telle qu’elle était pratiquée au moment de l’entrée en vigueur de la directive. À l’époque, les nouvelles nucléases, enzymes permettant d’éditer le génome en ciblant précisément l’ADN et en provoquant sa recombinaison, n’étaient pas sur le marché. L’arrivée des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Doigt_de_zinc">doigts-de-zinc</a>, des nucléases TALE puis de type CRISPR a complètement changé la donne.</p>
<h2>La mutagénèse « dirigée » : être ou ne pas être un OGM</h2>
<p>Retour fin 2014. La Confédération paysanne, bientôt suivie par d’autres associations, envoie une lettre au premier ministre français. Elle demande à l’administration de poser un moratoire sur la culture des plantes issues de nouvelles techniques de mutagénèse, qui sous-tendent notamment l’usage de nucléases. Les services du premier ministre ne répondent pas, et dans ce contexte, le silence de l’administration vaut refus. Les associations décident alors d’attaquer ce refus implicite devant les juridictions administratives, jusqu’au Conseil d’État.</p>
<p>La juridiction administrative suprême se retrouve face à une situation qui la place à la limite de sa compétence. La disposition attaquée se trouve aux articles L-531 et suivants du code de l’environnement. Il s’agit donc de vérifier la légalité d’une décision administrative au vu de lois transposant elles-mêmes une directive européenne.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La CJUE au Luxembourg.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Levrier</span></span>
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<p>La question qui se pose est donc celle de l’interprétation de la directive de 2001 au vu des nouvelles techniques d’édition du génome. Pas seulement en France, évidemment, mais partout en Europe. Avoir recours à une nucléase pour modifier une plante, est-ce créer un OGM ou pas ? La question est « de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé », c’est-à-dire qu’en l’occurrence elle « soulève une difficulté sérieuse d’interprétation ». C’est pourquoi le Conseil d’État a décidé de renvoyer la question à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_de_justice_de_l%E2%80%99Union_europ%C3%A9enne">Cour de Justice de l’Union européenne</a> (CJUE).</p>
<h2>Dialogue des juges</h2>
<p>Le concept de dialogue des juges est forgé par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Genevois">Bruno Genevois</a> dans ses conclusions à l’arrêt Cohn-Bendit : « à l’échelon de la Communauté européenne, il ne doit y avoir, ni gouvernement des juges, ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges ». Ce dialogue prend ici la forme du renvoi préjudiciel : le Conseil d’État demande à la CJUE d’interpréter le droit de l’Union au vu du cas d’espèce qui lui est soumis. Cet avis sera rendu en deux temps.</p>
<p>Le premier à rendre ses conclusions est l’avocat général de la CJUE. L’avis publié en janvier 2018 conclut que l’expression « mutagénèse » qui se trouve dans la directive englobe ces nouvelles techniques. Il ouvre cependant un nouveau front : la directive ne proposant pas de régime pour cette catégorie précise (la catégorie « mutagénèse »), les États pourraient pallier le vide juridique en prenant leurs propres réglementations au niveau national.</p>
<p>Finalement, la Cour de Justice rendra un arrêt le 25 juillet 2018 en allant à l’opposé des conclusions de l’avocat général. Le raisonnement tenu est simple : les produits de la mutagénèse dirigée sont des OGM parce que la modification du génome de l’organisme ne s’effectue pas de manière « naturelle » ou « traditionnelle ». La catégorie « mutaganèse dirigée » est donc distincte de la catégorie « mutagénèse », laquelle reste exemptée du régime des OGM. Elle confirme en passant l’intuition de l’avocat général : les États peuvent réglementer les produits de la mutagénèse au niveau national pour pallier le vide juridique. Mais cela ne concerne donc que la mutagénèse classique, dans la mesure où les produits des nucléases et autres « nouvelles techniques » ne sont pas exemptées du régime des OGM.</p>
<h2>Faut-il retourner à la case départ avec une nouvelle directive ?</h2>
<p>Les scientifiques-conseils de la Commission européenne, le <a href="https://ec.europa.eu/research/sam/index.cfm">Scientific Advice Mechanism</a> (SAM), ont à leur tour rendu un avis en novembre 2018 sur la question. Ils précisent plusieurs points. Pour eux, l’enjeu sanitaire ne se situe pas tant au niveau de la modification du génome de l’organisme, mais de sa tolérance aux herbicides, dont l’usage décuplé fait peser une lourde tension sur l’écosystème. Ensuite, ils considèrent que ce sont « les propriétés du produit final en lui-même qui doivent être examinées, peu importe la technique utilisée pour générer ce produit ».</p>
<p>Cette dernière considération est avant tout une perspective pragmatique : l’usage de nucléases ne laisse pas de traces, difficile donc pour une agence de régulation de vérifier si une espèce mise sur le marché vient de mutagénèse « classique » ou de l’usage de nucléases. De facto, le régime actuel est devenu bancal, et l’arrêt de la CJUE n’est pas une solution à moyen terme. Des sociétés comme Calyxt, filiale de l’entreprise française Cellectis, proposent déjà des espèces modifiées par nucléases TALE. La course à la modification des plantes par CRISPR continue, et les scientifiques ont récemment franchi une nouvelle <a href="https://www.nature.com/articles/s41587-019-0038-x">étape</a>.</p>
<p>Parmi les défis que devront relever les nouvelles équipes qui arriveront cette année dans le jeu institutionnel européen, redéfinir les catégories de ce qu’est le vivant dans l’Union européenne ne sera pas le moindre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du projet ComingGen n°ANR 18-CE38-0007-01.</span></em></p>Qui décide de ce qu’est ou n’est pas un OGM ? Redéfinir les catégories de ce qu’est le vivant dans l’Union européenne est un défi majeur.Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1176372019-05-23T22:13:08Z2019-05-23T22:13:08ZEuropéennes : cinq infos indispensables avant d’aller voter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276075/original/file-20190523-187172-achyh5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C23%2C1180%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vote pour renouveler le Parlement européen a lieu entre le 23 et 26 mai 2019.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/vectors/%C3%A9lections-europ%C3%A9ennes-choix-europe-4216066/">parsucco/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Des millions d’électeurs s’apprêtent ce dimanche à choisir les 751 membres du Parlement européen parmi 28 états membres et représenter ainsi 512 millions de citoyens à travers l’Union européenne. <a href="https://theconversation.com/european-elections-a-beginners-guide-to-the-vote-114473">Ces élections européennes</a>, un gigantesque exercice démocratique, auront de profondes conséquences pour les citoyens européens et le rôle de l’UE à l’échelle internationale.</p>
<p>Voici les cinq informations clefs qu’il faut avoir en tête et qui pourraient bien redéfinir l’Europe, et peut-être, le monde.</p>
<h2>Les populistes gagnent-ils du terrain ?</h2>
<p>Les flambées populistes font partie intégrante de la vie politique. Dans son histoire récente, l’Europe a vécu des périodes où des partis politiques pro-européens ont cédé plusieurs fois le pas à des mouvements populistes anti-européens tout comme d’ailleurs de nombreux États à travers le monde.</p>
<p>Les mouvements populistes actuels ont tendance s’attacher à des questions d’ordre national, s’opposantn souvent à des décisions clefs du gouvernement, comme l’a démontré le mouvement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> ou plus internationales, s’interrogeant par exemple sur l’utilité même de l’Union européenne, ou encore s’attardant sur des tendances plus spécifiques telles que les migrations ou la mondialisation.</p>
<p>Les élections de 2019 sont l’opportunité parfaite pour ces mouvements populistes de gagner du terrain sur le plan international.</p>
<p>Parmi les partis les plus à même de gagner des sièges au parlement, citons celui de Nigel Farage, le <a href="https://theconversation.com/le-brexit-une-tragedie-shakespearienne-107152">Brexit party</a> au Royaume-Uni, le <a href="https://theconversation.com/le-fn-de-marine-le-pen-ni-vichy-ni-antisysteme-52267">Rassemblement national de Marine Le Pen</a> et la Ligue de Matteo Salvini en Italie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/italie-les-cles-de-la-popularite-de-matteo-salvini-109354">Italie : les clés de la popularité de Matteo Salvini</a>
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<p>Le parti d’extrême-droite allemande <a href="https://theconversation.com/la-renaissance-de-lextreme-droite-en-allemagne-66094">Alternative pour l’Allemagne</a> (AfD) est aujourd’hui le plus large parti d’opposition dans le pays mais il ne devrait pas être un compétiteur de grande envergure, tout comme le <a href="https://theconversation.com/lautriche-dans-la-tourmente-de-laffaire-ibiza-117384">parti autrichien FPÖ, actuellement en pleine tumulte</a>.</p>
<p>La Hongrie en revanche pourrait être représentée par le parti de centre-droit Fidesz (et ce en dépit de <a href="https://www.opendemocracy.net/en/breaking-fresh-evidence-hungary-vote-rigging-raises-concerns-fraud-european-elections/">nombreuses allégations</a> à l’encontre de la validité du dernier scrutin national).</p>
<p>La Pologne sera elle aussi divisée entre des groupes pro-européen comme la <a href="http://www.rfi.fr/europe/20190518-pologne-coalition-europeenne-mobilisent-varsovie">Coalition européenne</a> et le parti Droit et justice qui défend l’idée d’une Europe « chrétienne » constituée d’États souverains.</p>
<h2>Comment le Parlement européen se constituera-t-il ?</h2>
<p>Après les élections, les nouveaux élus des partis populistes, de droite comme de gauche, devront se positionner au sein des <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/quels-sont-les-groupes-politiques-representes-au-parlement-europeen.html">huit groupes politiques présents au Parlement</a>. Ils peuvent également choisir de ne pas s’associer à ces partis. Ces choix auront d’importantes conséquences sur la façon dont travaillera le Parlement.</p>
<p>En travaillant au sein de la coalition, ils peuvent influencer des décisions clefs (par exemple s’opposer à l’euro, peser sur les politiques migratoires ou en diplomatie étrangère) et créer des consensus avec les autres partis, de droite comme de gauche.</p>
<p>De même, ils peuvent refuser de s’engager sur certaines législations et bloquer la prise de décision au sein du Parlement.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/une-europe-sous-linfluence-de-forces-populistes-encore-desunies-115965">Les partis populistes</a> ayant formulé des programmes bien spécifiques sur certaines questions européennes – y compris celles impliquant une dimension internationale – auront plus ou moins de poids selon le nombre de sièges obtenus.</p>
<iframe src="https://public.flourish.studio/visualisation/374664/embed" frameborder="0" scrolling="no" style="width:100%;height:600px;" width="100%" height="400"></iframe>
<div><a class="‘flourish-credit’" target="‘_top’"><img> </a></div>
<p>Un regroupement des votes vers le centre-droit verrait le conservateur <a href="https://www.eppgroup.eu/">Parti Européen du Peuple ; (PPE)</a> renforcé. Il s’agit du groupe parlementaire le plus important actuellement avec 217 sièges occupés par des euro-députés de tous les États membres soit 29 % des députés européens. Il imposerait le prochain agenda parlementaire et pourrait revigorer postes et politiques décisionnaires clefs au sein de l’UE.</p>
<p>Au contraire, si les électeurs désertent le centre-droit et les partis populistes, les partis démocrates et socialistes deviendront les deuxième et troisième partis les plus importants, ce qui compliquera la vie de la coalition du centre-droit et celle du PPE.</p>
<h2>Les Verts peuvent-ils changer la donne ?</h2>
<p>Le poids des Verts dans cette élection ne doit par ailleurs pas être sous-estimée. En Angleterre comme dans le reste de l’Union, les partis dits Verts espèrent rallier les voix de celles et ceux mal à l’aise avec les messages simplistes des partis d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. La force des partis Verts est alors de proposer une narrative qui sort de la dynamique d’opposition de type « eux » contre « nous » en fédérant les citoyens autour d’une cause commune et universelle : faire <a href="https://theconversation.com/la-montee-en-puissance-dune-justice-climatique-mondiale-105867">face au changement climatique</a>.</p>
<p>Le Parlement européen ne compte pas un mais deux groupes à tendance écologiste et tous deux devraient augmenter leur nombre de sièges.</p>
<p>S’ils parvenaient à s’entendre et à rallier d’autres groupes à leur cause, le Parlement européen pourrait devenir moteur dans la lutte contre le changement climatique tout en renforcement la capacité de l’institution à travailler avec la Commission européenne et les législations européennes en vigueur sur le sujet.</p>
<p>L’UE deviendrait alors un acteur incontournable face à des puissances sous influence de dirigeants climatosceptiques comme les États-Unis ou le Brésil.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climatoscepticisme-energies-fossiles-sortie-de-laccord-de-paris-trump-affole-la-planete-69296">Climatoscepticisme, énergies fossiles, sortie de l’Accord de Paris : Trump affole la planète</a>
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<h2>Le Royaume-Uni choisira-t-il à nouveau le Brexit ?</h2>
<p>Depuis le référendum actanten juin 2016 le départ du Royaume-Uni de l’UE, le <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=le+Brexit">Brexit</a>, le gouvernement britannique demeure dans l’incapacité de s’accorder sur un accord de sortie.</p>
<p>Ce trou noir législatif est aussi une opportunité de dénigrer les pouvoirs en place.</p>
<p>Ainsi le Brexit Party de Nigel Farage offre une échappatoire : « vous voulez quitter l’UE ? Votez pour nous et nous ferons en sorte que ce message soit entendu ». Même si, en pratique les parlementaires européens ne peuvent imposer le Brexit depuis le Parlement européen.</p>
<p>En revanche, les partisans du « Remain » ne sont pas forcément unis quant à leur différents objectifs sur le plan européen, ce qui rend leur communication – et l’adhésion à leur projet européen- plus difficile et moins lisible pour le citoyen britannique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276073/original/file-20190523-187153-p7hz51.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les discussions entre le Royaume-Uni et l’UE sur le Brexit se trouvent dans une impasse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/HaTrIRCH_WI">kevin grieve/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Qui seront les futurs responsables de l’UE ?</h2>
<p>Le Parlement européen a gagné en autorité, en visibilité et en légitimité depuis la première élection de 1979.</p>
<p>C’est désormais une institution sur laquelle les États membres s’appuient, qui légifère de concert avec la Commission européenne et scrute les législations proposées sur le commerce, la diplomatie extérieure, les questions environnementales ou encore le budget de l’Union.</p>
<p>C’est aussi le parlement qui choisit les profils des responsables au plus hauts postes de la Commision européenne. Les principaux partis européens proposent ainsi leur « tête de liste » au Conseil européen pour le poste de président de la Commission européenne (parmi d’autres postes). Actuellement <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/elections-europeennes-2019-les-candidats-a-la-presidence-de-la-commission.html">six candidats sont en lice (Spitzenkandidat)</a> parmi les huit groupes parlementaires.</p>
<p>Ils seront, tout comme les parlementaires européens, en charge de promouvoir et construire la stratégie <a href="https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-and-fiscal-policy-coordination/eu-economic-governance-monitoring-prevention-correction/european-semester/framework/europe-2020-strategy_fr">Europe 2020</a>.</p>
<p>Au centre de cette feuille de route se trouvent notamment les relations bilatérales dans le cadre de la coopération franco-allemande ainsi que la délicate question des équilibres régionaux des pays baltes aux Balkans. Il faudra par ailleurs compter sur de nouveaux partenaires désormais indissociables de la stratégie européenne, comme le Canada et la Chine tout en réanimant le travail déjà commencé avec les États-Unis autour des questions sensibles que sont le commerce, l’aide au développement et la concurrence internationale.</p>
<p>Qui des populistes ou des pro-européens l’emportera ? Les premiers résultats nous indiqueront quelle Europe se profilera pour demain.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3-zKEhd10wM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">INA, 15 mai 1979.</span></figcaption>
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<p><em>Traduction de la version originale en anglais par Clea Chakraverty.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amelia Hadfield a reçu, lors de son dernier poste à la Canterbury Christ Church University un financement européen Jean Monnet. Elle n'a cependant pas reçu d'autres financement depuis qu'elle a pris son poste en tant que cheffe du département Politique de l'Université de Surrey. </span></em></p>Quels sont les points clefs de ce scrutin ? Et quel sera l’impact pour l’Union européenne de demain ?Amelia Hadfield, Head of Department of Politics, University of SurreyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/993922019-05-22T18:46:28Z2019-05-22T18:46:28ZPourquoi étudier les vieillesses dans leur diversité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272746/original/file-20190506-103085-51pyni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Viellir regagne lentement une image « positive » </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/pwMds57bapI">Tiago muraro/unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le regard porté sur le « vieillissement de la population » n’a cessé de s’affiner au cours des dernières décennies.</p>
<p>De nombreux études et travaux ont tenté d’informer ce phénomène, non seulement par le biais <a href="https://books.google.fr/books?id=AWytS5GNPx4C&pg=PR3&lpg=PR3&dq=Growing+old+in+the+twentieth+century_,+London,+Routledge,+1989.&source=bl&ots=wVAhkDeK-j&sig=ACfU3U32KdyJYZXeOqn4fCKfJNu0pbA1zg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwj8pJ3w__7hAhUFVhoKHWsoCvYQ6AEwAXoECAYQAQ#v=onepage&q=Growing%20old%20in%20the%20twentieth%20century_%2C%20London%2C%20Routledge%2C%201989.&f=false">d’analyses et de projections démographiques</a>, mais également par la mobilisation d’une <a href="https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Allongement_de_la_vie___Quels_d__fis___Quelles_politique__-9782707197474.html">réflexion politique et sociétale</a> quant aux « adaptations » subséquentes à mettre en œuvre (politiques sociales, des retraites, de santé, de prévention, des villes, de la mobilité…), ainsi qu’aux anticipations et aux innovations à imaginer.</p>
<p>Le vocable récurrent de « défi » traduit l’idée de plus en plus unanimement partagée d’une nécessaire mise en mouvement, d’une impérative saisie de la question par l’ensemble des forces sociales (décideurs, scientifiques, entreprises, institutions médicales, associations, professionnels de la santé, « profanes »…), sous peine de se retrouver collectivement dépassés par une vague dont on n’aurait pas pris la mesure à temps.</p>
<h2>Une rhétorique de l’alarmisme</h2>
<p>Ce terme cependant a rapidement pris une connotation négative dans un contexte où la nouvelle donne démographique a largement été perçue comme un danger pour l’équilibre sociétal dans les pays occidentaux : poids économique des aînés en raison du coût des retraites et des soins, charge de la dépendance pour les professionnels et les aidants proches, et en corollaire, croissance de l’isolement social des personnes âgées sur <a href="https://books.google.be/books?id=_BzihfoTRGYC&pg=PA244&lpg=PA244&dq=mullan+the+imaginary+timebomb&source=bl&ots=kG3Z5j9N61&sig=ACfU3U0i-x3qIC1Q8dzULhmwsTrqZgOKyQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiT7_Dg36ziAhUNURUIHYfxBG4Q6AEwDHoECAgQAQ#v=onepage&q=mullan%20the%20imaginary%20timebomb&f=false">fond de délitement des liens familiaux</a>, entre autres.</p>
<p>Les idées de menace, de risque et de déclin composaient il y a peu une certaine rhétorique de l’alarmisme. De nos jours, cette rhétorique s’est nettement nuancée, les discours publics ayant peu ou prou pris la mesure de cette pédagogie de la peur et ayant commencé à s’en distancier. D’autres discours ont ainsi vu le jour, dans une volonté d’invalider cette image largement pessimiste véhiculée jusqu’alors.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272741/original/file-20190506-103075-axfd7s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le vieillissement est une période pleine d’opportunités.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/users/pasja1000-6355831/?utm_source=link-attribution&amp;utm_medium=referral&amp;utm_campaign=image&amp;utm_content=3336451%22>pasja1000</a>%20de%20<a%20href=%22https://pixabay.com/fr/?utm_source=link-attribution&amp;utm_medium=referral&amp;utm_campaign=image&amp;utm_content=3336451%22>Pixabay</a>">Pasja1000/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Articulés pour nombre d’entre eux autour des thèmes du <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2013-2-page-17.htm">« vieillissement actif »</a> ou du « vieillissement réussi », en soulignant les opportunités de cette période de la vie pour autant que les acteurs s’y préparent, leur connotation nettement plus optimiste n’est cependant pas parvenue à occulter le déplacement d’une question de société vers une question individuelle, à savoir la <a href="https://books.openedition.org/pucl/3382">responsabilisation des individus quant à leur propre parcours de vieillissement</a>.</p>
<h2>De nouveaux angles d’approche</h2>
<p>De manière parallèle ou plus en marge, différentes disciplines des sciences humaines (histoire, géographie, sociologie, ethnologie, psychologie…) ont multiplié les études macro, micro, conceptuelles ou ancrées dans le terrain, constituant ainsi une véritable « mosaïque scientifique ».</p>
<p>Elles ont ouvert la voie à un changement de regard, en proposant d’autres angles d’approche, d’autres focales. Elles ont permis de prendre la pleine mesure de ce que le vieillissement des personnes – ou dit autrement, l’avancée en âge, comme le signifie mieux le terme anglais « ageing » – n’est certainement pas : un phénomène homogène dans le temps et dans l’espace.</p>
<p>Il est au contraire un <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100968540">phénomène éminemment diversifié</a>, selon les <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/vieillir-pluriel-1942.html">contextes</a>, les groupes sociaux, les trajectoires individuelles.</p>
<p>Ouvrir la boîte de cette hétérogénéité et de cette diversité est aujourd’hui plus que nécessaire. Diversité dans le temps : la vieillesse d’aujourd’hui, si elle peut s’inscrire par endroits dans une certaine continuité avec le passé, prend aussi des formes renouvelées, <a href="https://books.google.be/books?id=7Kg9ngEACAAJ&hl=fr&source=gbs_book_other_versions">dues aux nombreuses évolutions et modifications sociétales</a> : allongement de la durée de vie en bonne santé, décloisonnement des âges, mobilité sociale, mobilité géographique, évolution des normes et valeurs en matière de rôles sociaux et de solidarités intergénérationnelles, développement des nouvelles technologies d’information et de communication ainsi que des technologies médicales, développement de <a href="https://books.google.be/books/about/A_Fresh_Map_of_Life.html?id=TxqhSpbjVGgC&redir_esc=y">services professionnalisés</a>, etc. Diversité selon les <a href="https://www.researchgate.net/publication/281252874_Vieillesses_differenciees_et_effets_de_milieu_Contribution_a_une_theorie_sociologique_du_vieillissement_et_de_la_vieillesse">contextes</a> – nationaux, locaux, effets de milieux, effets de classes… Et, enfin, diversité selon le genre et selon les <a href="https://books.google.be/books/about/Connecting_Gender_and_Ageing.html?id=zRMpAAAAYAAJ&redir_esc=y">dispositions et inclinations personnelles</a>.</p>
<h2>L’espace social module l’expérience de la vieillesse</h2>
<p>Si cela n’a rien de surprenant en soi, s’interroger sur la manière de vieillir dans les campagnes, dans les quartiers riches d’une capitale, ou encore en s’expatriant dans un pays du Maghreb permet de saisir comment ces contextes particuliers façonnent des expériences du vieillir multiples, faites pour certains d’une quête de continuité et pour d’autres, d’une aspiration au changement, voire à une rupture avec le cadre de vie antérieur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272739/original/file-20190506-103071-1aixtnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des contextes particuliers façonnent des expériences du vieillir multiples.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/users/omaralnahi-891511/?utm_source=link-attribution&amp;utm_medium=referral&amp;utm_campaign=image&amp;utm_content=798989%22>omer%20yousief</a>%20de%20<a%20href=%22https://pixabay.com/fr/?utm_source=link-attribution&amp;utm_medium=referral&amp;utm_campaign=image&amp;utm_content=798989%22>Pixabay</a>">Omaralnahi/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’attachement à un territoire, à une maison, à un cadre de vie peut forger une grande part de la signification donnée à l’avancée en âge, tout comme le détachement de ceux-là peut à son tour constituer le ressort d’un tournant dans l’existence. Effets de milieu, effets de classe, trajectoires migratoires composent ainsi des vieillesses socialement différenciées que viennent encore moduler les <a href="https://www.cdcsasbl.be/recherche/publications/edition-et-co-%C3%A9dition-d-ouvrages/">singularités individuelles</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=951&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=951&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=951&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1195&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1195&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240601/original/file-20181015-165885-1hnbczo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1195&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.editions-academia.be/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59799">Editions Academia</a></span>
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<p>Le contexte historique façonne lui aussi les conditions de vie des populations et des générations. Par exemple, celle habituellement désignée du <a href="n%C3%A9e%20apr%C3%A8s%20la%20Seconde%20Guerre%20mondiale">« baby-boom »</a> étudiée par <a href="https://journals.openedition.org/ress/2441">Catherine Bonvalet et Céline Clément</a> en a connu de bien plus favorables que la génération précédente. Elle a dans une certaine mesure été l’initiatrice de nouveaux rapports sociaux, au sein du foyer, entre les générations elles-mêmes, dans le monde du travail, etc. L’effet de « génération » (population ayant évolué dans un même espace-temps), à l’instar d’effets de milieu et de classe module dès lors bien lui aussi des manières de vieillir spécifiques.</p>
<p>Dégager et comprendre avec finesse l’ensemble des relations structurantes qui se nouent entre ces contextes et des modes de vieillir permet de se départir du regard encore souvent déficitaire sur cet âge de la vie. Multiplier les études à ce sujet conduira peut-on l’espérer à envisager ce temps de vie du point de vue de la multiplicité de ses formes possibles et à envisager les conditions favorables à leur réalisation.</p>
<hr>
<p><em>Cet article reprend partiellement l’introduction de l’ouvrage collectif coordonné par Sylvie Carbonnelle et Dominique Joly, 2018, <a href="http://www.editions-academia.be/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59799">« Vieillir aujourd’hui. Des mo(n)des recomposés ? »</a>, Louvain-La-Neuve, Academia-L’Harmattan.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99392/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Carbonnelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question du vieillissement des populations n’est plus aussi alarmiste qu’avant mais continue de questionner la responsabilisation des individus dans leur propre parcours de vieillissement.Sylvie Carbonnelle, Socio-anthropologue, Centre de Diffusion de la Culture Sanitaire asbl et, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1174162019-05-22T18:46:05Z2019-05-22T18:46:05ZLes syndicats ont-ils été oubliés de la campagne européenne ?<p>Le premier débat en France traitant des élections européennes du 26 mai 2019 – qui a réuni 12 candidates et candidats têtes de listes le 4 avril – a surtout marqué le public <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/04/05/europeennes-un-premier-debat-a-douze-candidats-surtout-marque-par-sa-cacophonie_5445958_823448.html">par sa longueur et sa cacophonie</a></p>
<p>Au-delà du caractère périlleux de l’exercice, l’organisation du débat se révèle assez instructive de la façon dont sont aujourd’hui publiquement présentés les enjeux européens : alors qu’une large place est faite aux arguments d’ordre culturel, en lien notamment avec les questions de frontières et d’immigration, ceux relevant du registre socio-économique tendent à passer au second plan.</p>
<h2>Un discours sur l’Europe très cadré</h2>
<p>Ces deux cadres interprétatifs se font concurrence dans un contexte marqué par les atermoiements du Brexit, la montée des populismes dans plusieurs <a href="https://www.cambridge.org/fr/academic/subjects/politics-international-relations/comparative-politics/cultural-backlash-trump-brexit-and-authoritarian-populism?format=PB">États membres</a>, et un Euroscepticisme croissant, <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2007-1-page-123.htm?contenu=article">notamment chez les Européens les plus modestes</a>.</p>
<p>Le cadre de l’argument dit « culturel » souligne l’attachement premier des Européens à leurs <a href="https://theconversation.com/peut-on-parler-dune-identite-europeenne-116687">identités nationales</a> et leur réticence, dès lors, à se reconnaître dans le projet européen. Le second cadre renvoie à un registre socio-économique, dans lequel les doutes à l’égard des politiques européennes sont liés à l’orientation jugée de plus en plus néo-libérale de ces dernières.</p>
<p>Les campagnes électorales, comme en ce printemps 2019, sont alors des moments d’observation privilégiés de la force relative de ces deux lectures concurrentes des dynamiques de politisation de l’Union européenne. Il en est de même des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/07036330108429098">référendums nationaux qui scandent l’histoire de l’Europe</a>, en marquant des étapes, lors des élargissements successifs, ou des tournants, du Traité de Maastricht au Brexit.</p>
<h2>Ce que révèle l’analyse des débats depuis 2005</h2>
<p>C’est dans cette perspective que <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bjir.12303">nous avons étudié</a> les débats qui ont accompagné le référendum français de 2005 portant sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe et en Irlande, ceux de 2008 et 2009 sur le Traité de Lisbonne et celui de 2012 sur le <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-le-pacte-budgetaire-europeen.html">Pacte budgétaire européen</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275855/original/file-20190522-187176-194vk7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiches lors du référendum européen sur un traité constitutionnel commun, 2005, Bourgogne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d5/Oui_Non_Non_Bourgogne_2005.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’analyse lexicale de sept corpus d’articles de presse de quotidiens français et irlandais, ainsi que des entretiens avec des responsables syndicaux en France et en Irlande, nous ont conduits à une conclusion nette : le cadrage socio-économique a, dans les deux pays, largement dominé les débats médiatiques et les interventions syndicales à l’occasion de ces référendums.</p>
<p>Un tel résultat contredit les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/ps-political-science-and-politics/article/europes-blues-theoretical-soulsearching-after-the-rejection-of-the-european-constitution/9937865BCBE88D6FF100269484F1402E/core-reader">analyses</a> qui accordent aujourd’hui une place prépondérante aux facteurs culturels pour expliquer les attitudes à l’égard de l’Europe, et la montée de l’Euroscepticisme en particulier.</p>
<p>Les termes et arguments d’ordre culturel sont mentionnés dans les articles de presse étudiés, mais notre analyse montre qu’ils le sont moins systématiquement que les arguments socio-économiques, qui structurent ainsi plus fortement les débats.</p>
<p>Comment, dès lors, expliquer l’attention croissante accordée au registre culturel, tant dans le débat public que dans les discussions académiques ?</p>
<h2>L’influence du « plombier polonais »</h2>
<p>Revenons <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-26-janvier-2015">au référendum de 2005 en France</a> visant à soutenir ou non un projet de constitution européenne.</p>
<p>Le théorème du <a href="http://www.rfi.fr/europe/20170826-france-pologne-plombier-polonais-travailleur-detache-macron-bolkestein">« plombier polonais »</a>, en référence à la <a href="https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2005-25-page-5.htm">directive Bolkestein</a> sur les travailleurs détachés, a été fortement associé à la campagne. Alors que les tenants du « non » estiment que la directive facilite le dumping social, l’image du « plombier polonais », caricature d’une force de travail venant concurrencer des travailleurs « locaux », va ainsi contribuer à donner force à la grille de lecture culturaliste.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275856/original/file-20190522-187153-118hkm1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">‘Je reste en Pologne, venez nombreux’ En 2005 le ministère du tourisme polonais avait détourné à son profit la caricature du « plombier polonais ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Polish_Plumber#/media/File:Polish_Plumber.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Or la facilité avec laquelle la référence au « plombier polonais » s’est diffusée interpelle quand on sait que l’expression est en fait intervenue tardivement dans le débat français, suite à une <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2005/06/11/le-plombier-polonais-fossoyeur-du-oui_523039">conférence de presse du Commissaire Bolkestein à Paris le 6 avril 2005</a>.</p>
<p>L’expression est donc popularisée par le Commissaire européen lui-même, cherchant à contrer les critiques émises à propos de son projet de directive sur la libéralisation des services : elle devient emblématique en même temps qu’elle rabat ces critiques sur des postures présentées comme étant avant tout xénophobes.</p>
<h2>Une diversité des registres d’opposition au projet européen</h2>
<p>Ce faisant, cette référence masque la <a href="http://www.editionsbdl.com/fr/books/enqute-sur-les-opposants-leurope.-droite-et-gauche-leur-impact-dhier-aujourdhui/718">diversité des registres des oppositions</a> à l’Europe ; minimise, voire nie la dimension transnationale que <a href="https://www.economica.fr/livre-qui-a-peur-de-bolkestein-crespy-amandine,fr,4,9782717864298.cfm">ces dernières peuvent prendre</a> ; et entretient une confusion sur la ligne de partage entre arguments culturels et identitaires d’une part, et arguments socio-économiques de l’autre.</p>
<p>Cela signale aussi toute la difficulté d’analyser les débats européens à partir des termes employés dans la presse. Pour tenir à distance les risques liés aux biais de classification (considérer <em>a priori</em> qu’un terme renvoie à tel ou tel des deux cadres), une démarche inductive se révèle plus pertinente : c’est celle que nous a permise de mener le logiciel <a href="http://www.image-zafar.com/Logiciel.html">d’analyse lexicale Alceste</a>, conduisant alors à réévaluer l’importance des arguments socio-économiques dans les débats des campagnes référendaires.</p>
<h2>Peu d’importance donnée aux syndicats…</h2>
<p>Un deuxième élément explique la sous-estimation du registre socio-économique dans ces débats européens. Il tient au fait que les <a href="https://www.cambridge.org/core/books/politicising-europe/3716D1D6E2B1159E25839350E4046A2F#fndtn-information">travaux sur la politisation de l’Union européenne</a>, qui débattent de la nature politique de l’entité européenne au regard de l’équilibre entre ses <a href="https://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/policypaper19-fr.pdf">dimensions technocratique, bureaucratique et démocratique</a>, n’accordent qu’une place restreinte aux acteurs syndicaux, pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’une part les comparaisons internationales en matière de syndicalisation et d’action collective sont réputées difficiles. De l’autre, il existe aussi le sentiment d’un décalage croissant entre les dirigeants syndicaux et leurs bases. Richard Hyman <a href="https://www.erudit.org/en/journals/ri/2010-v65-n1-ri3695/039525ar/abstract">montre par exemple</a> que si les dirigeants des principaux syndicats ont soutenu le projet européen, leurs membres dans différents pays comme la France ou l’Irlande ont eu tendance à voter autrement, lors des référendums.</p>
<p>S’ajoute enfin l’impression que les syndicats sont aujourd’hui dépassés par des mobilisations collectives qui démontrent leurs difficultés à représenter efficacement le monde du travail – idée que la <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2019-1-page-109.htm">crise des gilets jaunes</a> en France a récemment ravivée. L’intérêt à aller voir du côté de ces acteurs s’en trouverait dès lors amoindri.</p>
<h2>… en dépit d’une présence très active</h2>
<p>Or, en France en 2005, comme en Irlande entre 2008 et 2012, les organisations syndicales ont de fait pris une part très active dans les campagnes des différents <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/referendum-2005-la-voix-syndicale-dans-la-campagne">référendums étudiés</a>.</p>
<p>Certaines, à l’instar des leaders syndicaux irlandais du secteur public, engagés dans le « Charter Group » pour défendre l’intérêt de la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ:C:2012:326:TOC">Charte des droits fondamentaux de l’UE</a>, ont soutenu le « oui ».</p>
<p>D’autres ont été fortement divisées sur les positions à prendre, à l’instar de la CGT en 2005, dont les journaux commentent largement à l’époque les profondes <a href="https://www.lesechos.fr/2005/02/la-cgt-sur-le-point-de-dire-non-a-la-constitution-europeenne-596522">fractures internes</a>. D’autres encore ont été ébranlées par le succès inattendu du « non », comme le fut la CFDT, dont le soutien aux orientations politiques européennes s’est montré depuis moins inconditionnel d’après certains de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bjir.12303">nos enquêtés</a>.</p>
<p>En ce sens, les syndicats sont des acteurs à part entière des dynamiques de politisation de l’UE, <a href="http://www.cornellpress.cornell.edu/book/?GCOI=80140100323970">historiques comme contemporaines</a>, et doivent être analysés comme tels.</p>
<p>La non-prise en considération de leur action risque en effet de conduire trop rapidement à la conclusion que la question sociale en Europe a été balayée par la question de l’identité.</p>
<h2>Quelle action collective possible ?</h2>
<p>Ces interrogations formulées pour la période 2005-2012 restent pleinement d’actualité en 2019.</p>
<p>Une nouvelle gouvernance économique européenne se met en effet en place après 2011 se manifestant notamment par une surveillance accrue des États membres et de leurs politiques socio-économiques par les instances de l’UE.</p>
<p>Dans quelle mesure cette nouvelle gouvernance reconfigure-t-elle l’espace politique européen ? Le fait-elle sur des bases nationales ou sociales ? Comment les syndicats traditionnels et les nouveaux mouvements sociaux participent-ils à ces dynamiques de politisation ? Quelles en sont les conséquences pour la démocratie en Europe ?</p>
<p>Ces questions se trouvent au cœur d’un <a href="https://www.erc-europeanunions.eu">projet de recherche</a> intitulé « European Unions » et consacré aux mobilisations collectives, <a href="https://www.rowmaninternational.com/book/labour_and_transnational_action_in_times_of_crisis/3-156-0031fd8b-045f-429b-9a58-1ca49380e656">transnationales en particulier</a>, que fait naître la nouvelle gouvernance économique européenne.</p>
<h2>Des orientations politiques à défendre et à observer</h2>
<p>Dans un contexte de difficultés économiques et d’incertitudes politiques souvent présenté comme étant plus propice au repli national et aux revendications identitaires, nous entendons examiner ces mobilisations à partir des cas de la détermination des salaires et de l’offre de services d’intérêt général en matière de santé, de transport et de réseaux de distribution d’eau.</p>
<p>Alors que s’est ouvert le 21 mai le <a href="https://www.etuc.org/fr/confederation-europeenne-des-syndicats-14eme-congres-etuc19">14ᵉ Congrès de la Confédération européenne des syndicats</a> (CES) à Vienne, en Autriche, la question des orientations politiques et sociales que les acteurs syndicaux d’Europe entendent collectivement défendre est plus d’actualité que jamais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117416/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Bethoux a reçu des financements du Programme Ulysses du Partenariat Hubert Curien en 2011 dans le cadre de son travail de recherche en lien avec cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Darragh Golden est membre du projet Labour Politics and the EU's New Economic Governance Regime (European Unions) et a reçu un soutien financier de l'ERC.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roland Erne est membre du projet Labour Politics and the EU's New Economic Governance Regime (European Unions) et a reçu un soutien financier de l'ERC.</span></em></p>A la veille du scrutin européen, le débat accorde une large place aux arguments d’ordre culturel, oubliant trop souvent le registre socio-économique.Elodie Béthoux, Maîtresse de conférences en sociologie, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayDarragh Golden, Post-doctoral researcher, University College DublinRoland Erne, Professor, Jean Monnet Chair of European Integration and Employment Relations, University College DublinLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166872019-05-21T20:58:27Z2019-05-21T20:58:27ZPeut-on parler d’une identité européenne ?<h2>François Dubet, Université de Bordeaux : « Chacun perçoit l’Europe de son propre point de vue »</h2>
<p>La question de l’identité est toujours enfermée dans le même paradoxe. D’un côté, l’identité semble inconsistante : une construction faite de bric et de broc, un récit, un ensemble instable d’imaginaires et de croyances qui se décomposent dès que l’on essaie de s’en saisir. Mais d’un autre côté, ces identités incertaines semblent extrêmement solides, enchâssées dans les subjectivités les plus intimes. Souvent, il suffit que les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/planete-terre/identites-collectives-et-alterites-la-fabrique-des-imaginaires">identités collectives imaginaires</a> se défassent pour que les individus se sentent menacés et blessés au plus profond d’eux-mêmes.</p>
<p>Après tout, les centaines de milliers de sujets de sa Majesté qui ont manifesté le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/23/les-opposants-au-brexit-se-mobilisent-a-londres-pour-appeler-a-un-second-referendum_5440290_3210.html">23 mars contre le Brexit</a> se sentaient européens parce que cette part infime d’eux même risque de leur être arrachée, alors même qu’ils ne pourraient pas la définir précisément.</p>
<p><strong>L’identité européenne en mouvement</strong></p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273085/original/file-20190507-103082-ddp6k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Migrations européennes, 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cartotheque.sciences-po.fr/media/Migrations_europeennes_stock_2013/1946/">FNSP, Sciences Po, Atelier de cartographie</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Je suppose que les historiens et les spécialistes des civilisations pourraient aisément définir quelque chose comme une <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0466-l-europe-face-au-defi-de-l-identite-qui-sommes-nous">identité européenne</a> tenant aux histoires communes des sociétés et des États qui se sont formés dans les mondes latins, les mondes chrétiens et germaniques, les guerres répétées, les alliances monarchiques, les révolutions, les échanges commerciaux, la circulation des élites et les migrations intérieures à l’Europe.</p>
<p>Les histoires des États nationaux sont tout simplement incompréhensibles en dehors de l’histoire de l’Europe. Ceci dit, nous aurions beaucoup de mal à définir cette identité fractionnée, clivée, mouvante. Chacun perçoit l’Europe de son propre point de vue, et d’ailleurs quand les institutions européennes se risquent à définir une identité européenne, elles n’y parviennent difficilement.</p>
<p>L’identité européenne serait-elle qu’un leurre, un cumul d’identités nationales, les seules vraiment solides, car étayées par des institutions ?</p>
<p><strong>Vivre l’Europe pour l’aimer</strong></p>
<p>Les sondages, à manier avec précaution, montrent que les individus <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1246/">hiérarchisent leurs sentiments d’appartenance</a>. On se sent Breton et Français, et Européens, et croyant, et une femme ou un homme, et de telle ou telle origine sans que, dans la plupart des cas, <a href="https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2006-4-page-298.htm">ces multiples identifications soient perçues comme des dilemmes</a>.</p>
<p>Même ceux qui en veulent à l’Europe politique car trop libérale et trop bureaucratique, ne semblent guère désireux de revenir aux mobilisations en masse pour défendre leur pays contre leurs voisins européens. Et ce, malgré, la montée des partis d’extrême droite un peu partout en Europe, qui soulignent un attachement à l’identité nationale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fpo-afd-vox-les-partis-dextreme-droite-a-loffensive-116602">FPÖ, AfD, Vox : les partis d’extrême droite à l’offensive</a>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273102/original/file-20190507-103045-1trbfp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La monnaie commune a simplifié beaucoup les échanges entre les Européennes, mais n’a pas effacé les disparités.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/antique-bills-business-cash-210600/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Au-delà d’une conscience politique explicite, il s’est ainsi formé une forme d’identité européenne vécue à travers les déplacements de populations, les loisirs ou modes de vie.</p>
<p>Beaucoup de ceux qui combattent l’Europe n’imaginent probablement plus de demander des visas et de changer des Francs contre des Pesetas pour passer deux semaines en Espagne.</p>
<p>Pourtant les démagogues accusent l’Europe d’être la cause de leurs malheurs, une attaque qui <a href="http://www.progressives-zentrum.org/return-to-the-politically-abandoned-conversations-in-right-wing-populist-strongholds-in-germany-and-france/?lang=en">résonne de plus en plus forts dans les oreilles des groupes socio-économiques désavantagés</a>.</p>
<p>Il n’est pas exclu que la critique de l’Europe procède plus de l’amour déçu que de l’hostilité. L’identité européenne existe bien plus qu’on ne le croit. Il suffirait que l’Europe implose pour qu’elle nous manque, et pas seulement au nom de nos intérêts bien compris.</p>
<h2>Nathalie Heinich, CNRS/EHESS : « Doit-on parler d’identité européenne ? »</h2>
<p>Parler d’« identité » à propos d’une entité chargée de connotations politiques n’est jamais neutre, comme on le voit avec la notion d’« identité française » : soit on affirme l’existence de cette entité (« identité européenne ») en visant implicitement sa distinction par rapport à un collectif supérieur (par exemple l’Amérique, la Chine…), et l’on est d’emblée dans la revendication d’un soutien aux petits (« dominés ») contre les grands (« dominants ») ; soit on vise implicitement sa distinction par rapport à un collectif inférieur (la nation, la France), et l’on est dans la revendication d’une affirmation de la supériorité du grand sur le petit. Tout dépend donc du contexte et des attendus.</p>
<p><strong>Une expression à deux sens</strong></p>
<p>Mais si l’on veut éviter une réponse normative pour s’en tenir à une description neutre, dégagée de jugement de valeur, alors il faut distinguer entre deux sens du terme « identité européenne ». Le premier renvoie à la nature de l’entité abstraite nommée « Europe » : ses frontières, ses institutions, son histoire, sa ou ses cultures, etc. L’exercice est classique, et la littérature historienne et politiste <a href="http://www.arenes.fr/livre/europa-notre-histoire/">est abondante à ce sujet</a> même si le mot « identité » n’y est pas forcément requis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-b3kNX4tcTM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Peut-on (encore) parler d’identité européenne ? » (« Is there (still) such a thing as European identity ? », Roger Casale, TEDx Oxford.</span></figcaption>
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<p>Le second sens renvoie, lui, <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2015-2-page-357.htm?try_download=1">aux représentations</a> que se font les individus concrets de leur « identité d’Européen », c’est-à-dire la manière et le degré auquel ils se rattachent à ce collectif de niveau plus général que l’habituelle identité nationale. Le diagnostic passe alors par l’enquête sociologique sur les trois « moments » de l’identité – autoperception, présentation, désignation – par lesquels un individu se sent, se présente et est désigné comme « européen ». Et cette enquête peut prendre une dimension quantitative, avec un dispositif de type sondage représentatif basé sur ces trois expériences. La question « Peut-on parler d’une identité européenne ? » ne pourra dès lors trouver de réponse qu’au terme d’une telle enquête.</p>
<p><strong>Une question pour les citoyens et leurs représentants</strong></p>
<p>Mais les enjeux politiques de la question n’échappent à personne, et c’est pourquoi il faut avoir à l’esprit la fonction que revêt, dans la réflexion sur l’Europe, l’introduction du mot « identité » : il s’agit bien de transformer un projet économique et social en programme politique acceptable par le plus grand nombre – voire désirable.</p>
<p>C’est pourquoi le problème n’est pas tant de savoir si l’on peut, mais si l’on doit faire de l’Europe un enjeu identitaire et non plus seulement économique et social. Et donc : « Doit-on parler d’identité européenne ? »</p>
<p>La réponse à cette question appartient aux citoyens et à leurs représentants – pas aux chercheurs.</p>
<h2>Nikolaos Papadogiannis, Université de Bangor, Royaume-Uni : « L’identité européenne : une pluralité d’options »</h2>
<p>Le résultat du référendum britannique de 2016 sur l’adhésion à l’UE a provoqué des ondes de choc à travers l’Europe. Elle a, entre autres, suscité des débats sur la question de savoir si une <a href="http://euroacademia.eu/presentation/european-culture-as-a-mirage/">« culture européenne »</a> ou une « identité européenne » existe réellement ou si les identités nationales dominent toujours.</p>
<p>Il serait erroné, à mon sens, de passer sous silence l’identification de diverses personnes à « l’Europe ». Cette identification est l’aboutissement d’un long processus, en particulier dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, qui a impliqué à la fois les politiques des institutions de la CEE/UE et les initiatives locales.</p>
<p>La mobilité transfrontalière des jeunes depuis 1945 est un exemple clé de la première : elle a souvent été développée par des groupes qui n’étaient pas formellement liés à la CEE/UE. Ils ont tout de même contribué à développer un <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/B/bo25400340.html">attachement à « l’Europe »</a> dans plusieurs pays du continent.</p>
<p>Comme l’a montré le politologue <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-5965.1971.tb00641.x">Ronald Inglehart</a> dans les années 1960, plus les jeunes « étaient jeunes » et plus ils voyageaient, plus ils étaient susceptibles de soutenir une union politique toujours plus étroite en Europe. Plus récemment, les programmes d’échanges Erasmus ont également contribué à développer des formes d’identification à l’Europe.</p>
<p><strong>Se sentir « européen »</strong></p>
<p>Simultanément, se sentir « européen » et adhérer à une identité nationale sont loin d’être incompatibles. Dans les années 1980, de nombreux Allemands de l’Ouest se sont passionnés pour une Allemagne réunifiée <a href="https://www.worldcat.org/title/in-europes-name-germany-and-the-divided-continent/oclc/28375767">faisant partie d’une Europe politiquement unie</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274933/original/file-20190516-69174-10ocemp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une partie du mur de Berlin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MariaTortajada/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’attachement à « l’Europe » a également été un élément clé du nationalisme régional dans plusieurs pays européens au cours des trois dernières décennies, tels que le nationalisme écossais, catalan et gallois. Un cri de ralliement pour les nationalistes écossais depuis les années 1980 a été <a href="https://edinburghuniversitypress.com/book-the-modern-snp.html">« l’indépendance en Europe »</a>. Il en est encore ainsi aujourd’hui. Il est assez révélateur que le slogan principal du Parti national écossais de centre gauche (SNP), le parti nationaliste le plus puissant d’Écosse, pour les élections du Parlement européen de 2019, soit : <a href="https://www.snp.org/eu/">« L’avenir de l’Écosse appartient à l’Europe »</a>.</p>
<p><strong>Des objectifs nationaux variés réunis sous la bannière étoilée</strong></p>
<p>Cependant, ce qui mérite plus d’attention, c’est l’importance attachée à la notion d’identité européenne. Divers groupes sociaux et politiques l’ont utilisée, de l’extrême gauche à l’extrême droite.</p>
<p>Le sens qu’ils attachent à cette identité varie également. Pour le SNP, il est compatible avec l’<a href="https://www.ouest-france.fr/europe/grande-bretagne/brexit/brexit-l-espagne-ouvre-la-porte-une-adhesion-l-ue-d-une-ecosse-independante-6080700">adhésion de l’Écosse à l’UE</a>. Le SNP combine cette dernière avec une compréhension inclusive de la nation écossaise, qui est ouverte aux personnes nées ailleurs dans le monde, mais qui vivent en Écosse.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LXV127hQehI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Discours du leader du SNP et premier ministre écossais, Nicola Sturgeon, lors de l’ouverture royale du Parlement écossais le 2 juillet 2016.</span></figcaption>
</figure>
<p>En Allemagne, par contre, l’AfD (Alternative für Deutschland, Alternative for Germany) d’extrême droite s’identifie à « l’Europe », mais critique l’UE. Elle combine la première avec l’islamophobie. Un exemple clair de ce mélange est une <a href="https://www.apnews.com/e4a3dca3c7464ca3925e4fe67afda5a6%22">affiche</a> publiée par ce parti avant les élections de 2019. et demandant aux « Européens » de voter pour l’AfD, afin que l’Europe ne devienne pas une « Eurabie ».</p>
<p>Si l’identification à l’Europe existe, il s’agit d’un phénomène complexe, formulé de plusieurs façons. Cela n’implique pas nécessairement un soutien à l’UE. De même, les identités européennes ne s’excluent pas nécessairement mutuellement avec les identités nationales. Enfin, elles peuvent, bien que pas toujours, reposer sur des stéréotypes à l’encontre de personnes considérées comme « non européennes ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116687/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on parler d’« identité européenne », thématique chère à de nombreux partis politiques européens ? Réponses et analyses de trois spécialistes de l’identité.François Dubet, Professeur des universités émérite, Université de BordeauxNathalie Heinich, Sociologue, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Nikolaos Papadogiannis, Lecturer in Modern and Contemporary History, Bangor UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166992019-05-12T20:01:50Z2019-05-12T20:01:50ZUE : ces erreurs de communication qui alimentent l’euroscepticisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273141/original/file-20190507-103082-1b2bhqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=166%2C232%2C5270%2C3225&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré quelque 1 500 brochures publiées par an, moins de 15 % de la population européenne est capable de répondre à des questions précises sur le fonctionnement de l’UE.</span> <span class="attribution"><span class="source">Andriano.cz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 9 mai est la <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-journee-de-l-europe.html">journée de l’Europe</a>. Or, en France, les dernières consultations européennes ont montré que la communication des institutions de l’Union européenne était le premier sujet d’interrogation des citoyens. Et, effectivement, il y a de quoi s’interroger : plus la politique de communication de l’UE est cohérente, c’est-à-dire portée par un objectif politique clair (rapprocher l’Europe des citoyens) et une stratégie explicite (incarnée par le <a href="http://europa.eu/documents/comm/white_papers/pdf/com2006_35_fr.pdf">livre blanc de 2006</a>), moins cette politique est efficace : l’euroscepticisme ne se réduit pas, il se renforce. Pourquoi ?</p>
<h2>Pas de démocratie sans communication</h2>
<p>En démocratie, la communication est un enjeu central. En effet, communication et démocratie poursuivent, par des voies différentes, le même objectif : construire du sens commun entre êtres humains égaux, libres et radicalement différents les uns des autres. De plus, très concrètement, la démocratie de masse (plusieurs millions d’habitants) n’est tout simplement pas possible sans outil de communication permettant de s’adresser à l’ensemble des citoyens. C’est parce que la presse écrite, la radio, la télévision, Internet et les réseaux sociaux numériques permettent à des hommes politiques de s’adresser à leurs électeurs et autorisent des militants associatifs à interpeller les institutions que peut exister la démocratie. Or, la démocratie européenne est fragile. Une communication inadaptée ne peut que la fragiliser davantage : déjà 48 % des citoyens déclarent ne faire « plutôt pas confiance » à l’UE, et cette tendance est globalement en hausse, comme peut encore en témoigner le Brexit !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273134/original/file-20190507-103082-y81k5r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de l’enquête Eurobaromètre standard de l’automne 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/index.cfm/ResultDoc/download/DocumentKy/84931">Europa.eu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après plus de 20 ans de recherche sur le sujet, nous avançons deux explications essentielles à cette dramatique inefficacité communicationnelle : l’inadaptation des moyens et l’aveuglement stratégique.</p>
<ul>
<li><p><strong>Le marketing : un outil inadapté</strong>. Le marketing n’est pas un outil de communication, c’est une recette persuasive. Or, la persuasion vise à convaincre, à faire penser comme le persuadeur, alors que la communication vise à maintenir la différence dans l’égalité et la liberté. La persuasion est légitime et nécessaire en période électorale, mais elle est dangereuse le reste du temps car elle vise à fabriquer du consensus, alors que l’essence de la démocratie est le dissensus. C’est l’expression publique et légitime des désaccords qui marque la démocratie, c’est la recherche d’une seule et unique opinion qui signale les régimes non démocratiques.</p></li>
<li><p><strong>Un aveuglement stratégique</strong>. Vouloir rapprocher l’Europe des citoyens est un objectif impossible à atteindre. Soit l’Europe est démocratique, ce sont les citoyens qui font effectivement l’Europe et, du coup, il ne sert à rien de rapprocher les citoyens d’eux-mêmes ; soit l’Europe est technocratique, ce sont les élus et les fonctionnaires qui font l’Europe, et fixer publiquement l’objectif de se rapprocher des citoyens est une bourde monumentale qui montre, aux yeux de tous, que l’Europe se fait sans les citoyens, sans légitimité démocratique, alors qu’on veut justement les persuader du contraire ! Dans ces conditions, loin de renforcer la légitimité des institutions, la communication publique actuelle ne fait que l’affaiblir. Il faut donc en changer.</p></li>
</ul>
<h2>Renoncer au prêt-à-penser communicationnel</h2>
<p>En faisant une synthèse des <a href="https://journals.openedition.org/communication/7069">principaux écrits</a> consacrés à la communication européenne, on peut, en effet, mettre à jour un ensemble composite de simplifications, de raccourcis factuels, d’évidences non discutées, qui sont un frein majeur à l’élaboration d’une politique de communication publique qui corresponde aux idéaux démocratiques. Les trois principaux éléments de ce « pret-à-penser communicationnel » stérilisateur sont :</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=948&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=948&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=948&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1192&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1192&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273120/original/file-20190507-103049-11pgyf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1192&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<ul>
<li><p><strong>L’Union souffre d’un déficit d’information</strong>. L’Union ne souffre pas d’un déficit d’information, mais d’un manque de culture civique. Ce que montrent les enquêtes Eurobaromètre, c’est le déficit de connaissances civiques sur les institutions européennes. Moins de 15 % de la population européenne est capable de répondre à des questions précises sur le fonctionnement de l’UE. Les Européens ne savent ce qu’est le processus de codécision, ou ignorent le rôle d’initiative de la Commission : ils ne manquent pas d’informations. Au contraire, il y en a déjà beaucoup trop : l’Union européenne diffuse plus de 40 000 communiqués de presse (toutes langues confondues) par an, fabrique plus de 1 500 brochures papier et possède l’un des plus gros serveurs Internet d’Europe sur lequel les citoyens peuvent accéder à tous les textes officiels. Diffuser encore plus d’informations dans une société où chacun est déjà sursaturé de messages, c’est ajouter de la confusion à la méconnaissance.</p></li>
<li><p><strong>Communiquer efficacement c’est cibler</strong>. La communication n’est pas un stand ou le tireur plus ou moins adroit tente d’atteindre une cible en carton. La communication est un processus de relations entre altérités libres et égales. Elle réclame que chacun se reconnaisse comme différent et néanmoins doté des mêmes potentialités. Il est donc primordial de s’identifier et d’identifier la personne à qui l’on s’adresse. Cependant, identifier – c’est-à-dire reconnaître dans sa singularité – n’est pas cibler, c’est-à-dire rassembler dans un même groupe des personnes différentes ayant une ou plusieurs caractéristiques similaires. Cibler, c’est nier l’identité, c’est refuser de reconnaître la singularité d’autrui, pour tenter de le rendre conforme à ses propres représentations, à ses propres intérêts. De plus, le principe même de la communication politique n’est pas de segmenter, de transformer la masse informe des consommateurs en cibles ayant des attentes spécifiques, mais de forger du commun (et non de l’unique) à partir de la singularité des individus.</p></li>
<li><p><strong>Aujourd’hui, la communication numérique doit être centrale</strong>. C’est totalement faux. Même si les jeunes utilisent massivement les réseaux sociaux numériques, même si Internet autorise une communication interactive, la télévision reste le média central. C’était vrai, hier, pour le débat autour du projet constitutionnel européen, c’est toujours vrai, aujourd’hui. Les propres enquêtes de la Commission, les sondages Eurobaromètre, indiquent régulièrement trois choses : la télévision demeure le média le plus regardé, c’est la première source d’information sur l’Europe, elle est considérée comme un média plus crédible qu’Internet.</p></li>
</ul>
<p>En matière de communication politique à l’échelle de l’Union européenne, il faut donc tout changer. L’union politique volontaire d’États-nations gardant leur souveraineté est un processus inédit dans l’histoire de l’humanité. Il convient donc de mettre en place une communication publique, elle aussi, totalement inédite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116699/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Dacheux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une diffusion trop massive ou encore la priorité donnée à la communication numérique sont autant d’éléments qui brouillent les messages et creusent le fossé entre les institutions et les citoyens.Éric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166022019-05-09T19:57:48Z2019-05-09T19:57:48ZFPÖ, AfD, Vox : les partis d’extrême droite à l’offensive<p>Les prochaines élections européennes pourraient constituer un véritable tournant dans l’histoire politique de l’Union européenne. À une époque où de plus en plus de partis dits « traditionnels » sont fortement désavoués par les citoyens, les partis « populistes » et « nationalistes » semblent en mesure de profiter de la situation.</p>
<p>Procédons à un bref retour en arrière afin d’analyser l’évolution de quelques partis d’extrême droite depuis le dernier scrutin européen de 2014.</p>
<h2>L’essor confirmé du FPÖ en Autriche</h2>
<p>Le FPÖ (<em>Freiheitliche Partei Österreichs</em>, Parti de la liberté d’Autriche) est sans nul doute la formation politique qui a réalisé la plus grande percée politique au cours de la dernière décennie. Qu’il est loin le temps où le parti de feu Jörg Haider – à l’instar du Front national sous Jean‑Marie Le Pen – n’était qu’un parti marginal contestataire, n’ayant pas véritablement vocation à exercer le pouvoir. Depuis qu’Heinz-Christian Strache est devenu le leader du FPÖ, celui-ci enchaîne les succès électoraux. Lors des élections européennes de 2014, le FPÖ a recueilli 19,72 % des voix, se plaçant ainsi en troisième position <a href="https://www.bmi.gv.at/412/Europawahlen/Europawahl_2014/start.aspx#pk_01">derrière respectivement les conservateurs de l’ÖVP (26,98 %) et les sociaux-démocrates du SPÖ (24,09 %)</a>.</p>
<p>Dés cette époque, la formation politique autrichienne avait déjoué bon nombre de pronostics en obtenant un score étonnamment élevé. Nouveau rebondissement lors des élections nationales de 2017 : avec 25,97 % des suffrages exprimés, le FPÖ a fait son entrée dans une <a href="http://www.euw19.at/umfragen.html">coalition gouvernementale aux côtés de l’ÖVP</a>. D’après un <a href="https://www.oe24.at/oesterreich/politik/EU-Wahl-Prognose-OeVP-liegt-knapp-vor-SPOe/376641899">sondage récent</a>, le trio de tête en Autriche ne changerait pas lors de ces Européennes. Mais il convient tout de même de souligner la progression, selon les sondages, du FPÖ : avec un score pouvant atteindre les 23,5 %, ce parti gagnerait un peu plus de trois points par rapport au dernier scrutin européen. L’ÖVP se placerait devant le SPÖ avec 28,5 % contre 27 % des voix.</p>
<p>Cette progression attendue du FPÖ traduit une réalité : les Autrichiens se sont habitués à ce parti de gouvernement qui a gagné en respectabilité sur l’échiquier national. Toujours en surfant sur les mêmes thématiques de campagne, il continue sa progression inexorable auprès d’une partie de l’opinion publique.</p>
<p>Il y a quelques jours encore, alors que sa formation politique est en pleine campagne des Européennes, le vice-chancelier autrichien et numéro deux du gouvernement, Heinz-Christian Strache, a suscité une vive polémique en faisant référence à la <a href="https://amp.lepoint.fr/2310452">théorie du « grand remplacement »</a></p>
<p>Tout en expliquant que le FPÖ était partisan d’une politique d’immigration strictement contrôlée, Heinz-Christian Strache a insisté sur le fait qu’on ne pouvait pas nier que l’immigration venait bouleverser la démographie autrichienne. Fidèle à une rhétorique et une doctrine idéologique qui puise sa source dans le national-socialisme, le FPÖ continue pourtant – année après année – à occuper sa place aussi bien au niveau national qu’européen.</p>
<p>Et nul doute qu’Heinz-Christian Strache se servira de ces élections pour préparer en amont le prochain objectif du FPÖ : la conquête de la chancellerie autrichienne.</p>
<h2>L’AfD allemande : tirs de barrage sur l’Europe</h2>
<p>En Allemagne, la situation est quelque peu différente : l’Alternative für Deutschland (AfD, Alternative pour l’Allemagne) est un tout jeune parti politique.</p>
<p>Fondé en février 2013, celui-ci s’est rapidement imposé sur la scène politique locale. Il s’est emparé des <a href="https://theconversation.com/en-allemagne-la-resistible-ascension-de-lextreme-droite-103749">thèmes de campagne propres aux partis d’extrême droite en Europe</a>, tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « élites politiques et peuple allemand ».</p>
<p>Lors des élections européennes de 2014, l’AfD, un an seulement après son apparition, s’est classée loin derrière les conservateurs de la CDU (30 %) et les sociaux-démocrates du SPD (27,3 %). <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/europawahlen/2014/ergebnisse.html">Les 7,1 % recueillis par l’AfD</a> constituaient, malgré tout, une bonne rampe de lancement pour ce parti d’extrême droite. Concrétisation de son ascension : lors des élections législatives de 2017, l’AfD a réussi l’exploit de faire une <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/bundestagswahlen/2017/ergebnisse.html">entrée historique au Parlement en devenant avec 12,6 % des voix la troisième force politique au Bundestag</a>.</p>
<p>Ainsi, plus que jamais, les élections européennes de 2019 constituent-elles un défi de choix pour l’AfD : continuer à s’imposer sur la scène politique allemande et mettre à mal, à l’instar du FPÖ en Autriche, la bipolarisation de la vie politique allemande entre la CDU et le SPD. D’après plusieurs sondages, l’AfD oscillerait entre 10 % et 15 % d’intentions de vote lors de ce scrutin. Un sondage en date du 25 octobre 2018, réalisé par l’Institut INSA, le plaçait même <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/europawahl.htm">au-delà de la barre des 15 % avec 16 %</a>.</p>
<p>De fait, ce parti encore jeune compte bien s’appuyer sur son score aux élections européennes pour s’imposer un peu plus sur la scène nationale allemande. En passant la barre symbolique des 10 %, l’AfD rentrerait dans le cercle fermé des partis d’extrême droite qui comptent en Europe.</p>
<p>Lors de cette campagne et en parfaite cohésion avec la position des partis politiques d’extrême droite, l’AfD se montre tout aussi critique à l’égard de l’UE. Cette formation défend tantôt l’idée de quitter l’UE ou bien la dissolution pure et simple de cette institution. De plus, les candidats de l’AfD concentrent leurs attaques contre l’Agence Frontex qu’ils accusent de <a href="https://www.merkur.de/politik/europawahl-2019-wahlprogramme-von-cdu-csu-spd-freien-waehlern-und-anderen-parteien-zr-12003337.html">favoriser l’immigration illégale et massive au sein des pays membres de l’UE</a>.</p>
<p>Tout comme pour le FPÖ, l’AfD adopte la même stratégie de campagne à savoir une critique sévère de l’Union européenne. Arguant la priorité nationale avant la priorité européenne, le jeune parti espère bien gagner en crédibilité auprès de l’opinion publique.</p>
<h2>Vox, le retour de l’extrême droite au Parlement espagnol</h2>
<p>Le FPÖ en Autriche, l’AfD en Allemagne et l’invité-surprise de ces dernières semaines à la course aux élections européennes : le parti d’extrême droite espagnol, Vox.</p>
<p>Fondé en 2013, Vox est le résultat d’une scission de membres du Parti populaire ayant pour objectif d’incarner une nouvelle droite nationaliste en Espagne. À l’occasion des élections générales en 2015, Vox n’avait recueilli que 0,23 % des voix. Mais, lors des élections en Andalousie, en décembre 2018, le parti d’extrême droite parvient à obtenir 10,96 %, et douze sièges. Il est alors le premier parti d’extrême droite à faire son entrée au Parlement espagnol depuis la fin du franquisme. Enfin, lors des récentes élections générales espagnoles de 2019, <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/086692-000-A/espagne-vox-le-retour-de-l-extreme-droite/">Vox recueille 10,3 % des suffrages</a> et peut désormais espérer s’installer durablement sur la scène politique espagnole.</p>
<p>Se montrant très critique à l’égard de la politique migratoire de l’UE, cette formation insiste sur la nécessité pour les immigrés de s’intégrer pleinement dans le pays et en acceptent les valeurs. Un récent sondage affirme que Vox pourrait son entrée au Parlement européen avec près de 8 % des suffrages, <a href="http://www.rtve.es/noticias/20190218/psoe-ganaria-elecciones-europeas-vox-lograria-seis-eurodiputados-segun-sondeo-del-parlamento-europeo/1886021.shtml">obtenant six députés</a>. Pour ce faire, Vox souhaite s’inspirer de Donald Trump et de Jair Bolsonaro (Brésil) en <a href="https://www.bfmtv.com/international/vox-le-parti-de-l-extreme-droite-espagnole-qui-perce-dans-les-sondages-1680096.html">misant sur les réseaux sociaux</a>.</p>
<h2>Ensemble, contre l’Union européenne</h2>
<p>Gage d’une lutte commune, il y a quelques jours, <a href="https://www.humanite.fr/prague-lextreme-droite-europeenne-se-cherche-encore-671453">Marine Le Pen était à Prague</a>, en République Tchèque, aux côtés d’autres leaders européens pour appeler à une « révolution nationale » à l’occasion de ces élections européennes.</p>
<p>Forts de leurs récents succès électoraux, les partis d’extrême droite d’Allemagne, d’Autriche et d’Espagne pourraient jouer les troubles fêtes au Parlement européen. Paradoxalement, leur présence, au sein d’une institution qu’ils critiquent, ne ferait que renforcer leur impact auprès des médias et à l’échelle européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116602/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est l'ancien directeur de cabinet du Maire de Remiremont
Conseiller municipal LR d'opposition de la ville de Maxéville</span></em></p>Leur présence, au sein d’une institution qu’ils critiquent, ne ferait que renforcer leur impact auprès des médias et à l’échelle européenne.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Sciences politiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164772019-05-08T19:34:27Z2019-05-08T19:34:27ZL’Allemagne est-elle encore pro-européenne ?<p>Les tensions qui se sont manifestées ces derniers mois entre la France et l’Allemagne ont conduit nombre de commentateurs à douter de l’engagement européen de Berlin et à mettre l’accent sur la montée du populisme outre-Rhin. Le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/traite-de-cooperation-franco-allemand-d-aix-la-chapelle/">traité d’Aix-la-Chapelle</a>, présenté lors de la journée franco-allemande du 22 janvier 2019, a fait apparaître au grand jour ces tensions. Lors des négociations longues et difficiles, d’aucuns ont même pu douter de son aboutissement.</p>
<p>De nombreuses petites phrases de la part du Président français témoignent de son agacement face à la lenteur et à la tiédeur des réactions des chrétiens-démocrates allemands (CDU) à ses propositions – depuis son discours de la Sorbonne de septembre 2017 jusqu’à <a href="http://www.leparisien.fr/politique/pour-une-renaissance-europeenne-la-lettre-d-emmanuel-macron-aux-europeens-04-03-2019-8024766.php">sa lettre du 4 mars 2019</a> en faveur d’« une renaissance européenne », adressée à tous les Européens.</p>
<p>C’est surtout la réponse de la nouvelle présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer (« AKK ») formulée, le 10 mars 2019, dans l’édition dominicale de <em>Die Welt</em>, qui a mis le feu aux poudres – de nombreux médias (allemands comme français) ayant retenu prioritairement les points dans lesquels celle-ci opposait à Macron une fin de non-recevoir. Le titre choisi par ce journal – <a href="https://www.welt.de/politik/deutschland/article190037115/AKK-antwortet-Macron-Europa-richtig-machen.html">« Faisons l’Europe comme il faut, maintenant »</a> (<em>Europa jetzt richtig machen</em>) pouvait être perçu comme un reproche adressé sans nuance au Président français qui, pour prêcher la renaissance de l’Europe, ferait les choses de travers.</p>
<h2>Quand Berlin froisse Paris</h2>
<p>Les commentateurs ont surtout relevé la phrase dans laquelle AKK affirme que « le centralisme européen, l’étatisme européen, la communautarisation des dettes, l’européanisation des systèmes de protection sociale et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. » Cette tribune dans <em>Die Welt</em> visait à clarifier les divergences franco-allemandes afin d’éviter de vains débats sur un certain nombre de questions entre les deux pays.</p>
<p>La proposition d’AKK d’installer une bonne fois pour toutes le Parlement européen à Bruxelles – une idée récurrente du côté allemand qui surgit invariablement en période électorale – a également retenu l’attention. AKK qualifie ainsi l’existence de deux sièges, à Bruxelles et à Strasbourg, d’« anachronisme » inutilement coûteux (ce qu’à mi-voix on ne conteste d’ailleurs pas du côté français). Mais cette demande a froissé la susceptibilité de Paris.</p>
<p>Même chose pour la proposition selon laquelle « l’UE devrait à l’avenir être représentée par un siège permanent commun au Conseil de sécurité des Nations unies ». Une idée déjà défendue par Willy Brandt dans les années 1970 : il apparaissait alors logique que ce soit l’UE qui soit représentée de façon permanente au Conseil de sécurité de l’ONU dès l’instant que celle-ci aurait réussi son intégration.</p>
<p>Ces réactions françaises n’ont pas permis de percevoir la réponse d’AKK dans son ensemble. La dirigeante de la CDU cherche des réponses aux mêmes questions que Macron en matière de stratégie pour l’Europe face aux USA et à la Chine ou encore face à la Russie de Poutine qui, dit-elle, « semble vouloir tirer sa force de la déstabilisation et de l’affaiblissement de ses voisins. » Elle oppose à ces trois puissances les valeurs du « European way of life » symbolisé par « la démocratie représentative, le régime parlementaire, l’État de droit, les libertés individuelles et l’économie sociale de marché. »</p>
<h2>Des États plus forts pour une Europe plus forte</h2>
<p>En matière de défense, Annegret Kramp-Karrenbauer affirme : « Nous devons demeurer transatlantiques, tout en devenant plus européens. » Une formule qui révèle à la fois les continuités et les évolutions de l’Allemagne dans le nouveau contexte international. AKK, qui a déjà plaidé en faveur d’un assouplissement des règles soumettant à l’aval du Parlement les interventions extérieures de la « Bundeswehr » (l’armée allemande), évoque ainsi la mise en place d’un Conseil de sécurité européen, auquel appartiendrait le Royaume-Uni, quelle que soit l’issue du Brexit (une possibilité envisagée également par Emmanuel Macron).</p>
<p>Elle évoque aussi la création, en Allemagne même, d’un Conseil national de sécurité permettant de coordonner la politique étrangère, de défense et de sécurité, d’aide au développement et du commerce extérieur.</p>
<p><strong>Autre point important, sa vision des structures de l’Europe :</strong></p>
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<p>« Refonder l’Europe ne se fera pas sans les États-nations : ce sont eux qui fondent la légitimité démocratique et l’identification des peuples. Ce sont les États membres qui formulent leurs propres intérêts et en font la synthèse à l’échelon européen. C’est de cette réalité qu’émane le poids des Européens sur la scène internationale. »</p>
</blockquote>
<p>Un signal en faveur de plus d’intergouvernementalité en Europe plutôt que davantage d’intégration supranationale, avec au mieux la poursuite des processus « communautaires ».</p>
<p>Dans ce même texte paru dans <em>Die Welt</em>, la présidente de la CDU cherche visiblement à réagir à la montée des populismes en Europe, à prendre en compte les inquiétudes des populations en matière de politique d’immigration pour donner à l’Europe une dimension protectrice par la réforme (une place importante étant accordée à la politique africaine).</p>
<p>Mais, bien que critique à l’égard de plusieurs points de la politique de « renaissance européenne » de Macron, ce texte présente aussi un important potentiel pour la relance de la coopération franco-allemande au profit de l’Europe.</p>
<h2>Vu de Berlin, le retour de la « France irréformable »</h2>
<p>Pour l’Allemagne les inquiétudes face à l’immigration, la défense et les relations avec l’Afrique sont centrales. En revanche, ce texte n’aborde pas certains enjeux qui nourrissent le débat français sur l’Europe et les relations franco-allemandes. C’est le cas de l’excédent du solde commercial allemand que de nombreux économistes voudraient voir réduit par une politique de relance de la consommation des ménages en Allemagne : par une politique d’augmentation du pouvoir d’achat via la hausse des salaires, donc, mais aussi par une politique d’investissements massifs dans les infrastructures.</p>
<p>C’est un sujet que semble mal maîtriser la chancelière Merkel qui, peu soucieuse des équilibres internationaux, ne comprend pas en quoi les excédents commerciaux allemands peuvent poser problème à ses partenaires. Un dossier sur lequel AKK a préféré ne pas se prononcer.</p>
<p>Dans cette affaire, il faut bien comprendre que les réponses de Macron au mouvement des « gilets jaunes » – augmenter le pouvoir d’achat au détriment de la lutte contre les déficits publics – a provoqué une vive déception outre-Rhin.</p>
<p>L’opinion publique allemande, tout comme les états-majors de la plupart des partis, avaient pourtant bien accueilli son programme européen, sa politique volontariste en faveur de réformes, dans un premier temps couronnée de succès. Mais le mouvement des « gilets jaunes » a ravivé outre-Rhin la crainte que la France soit irréformable et cesse, une fois de plus, d’être un partenaire fiable.</p>
<h2>Avantages et inconvénients de l’Union européenne : des avis partagés</h2>
<p>Si l’on en croit un sondage effectué par l’Institut berlinois de recherches « Policy matters » à la demande de la fondation des syndicats, la <a href="https://rp-online.de/politik/eu/europawahl/europawahl-2019-wahlbeteiligung-hoeher-als-2014-65-millionen-menschen-wahlberechtigt_aid-37579885">Hans-Böckler-Stiftung</a>, les deux tiers des électeurs allemands auraient l’intention d’aller voter le 26 mai prochain.</p>
<p>Si tel était le cas, cela représenterait un bond spectaculaire de près de 20 points par rapport au taux de participation de 48,10 % en 2014. Un chiffre déjà plus élevé que le taux moyen enregistré dans l’Union européenne (42,60 %), notamment français (42,43 %). Ce sondage reste toutefois à manier avec prudence, l’électorat allemand restant très partagé sur l’appréciation de l’Union européenne.</p>
<p>Aujourd’hui, 83 % des personnes interrogées dans ce sondage souhaitent un approfondissement de la coopération avec les autres pays membres de l’UE et 72 % seraient même en faveur de la mise en place d’une avant-garde européenne qui pourrait aller plus vite de l’avant. En revanche, 37 % seulement estiment que l’<a href="https://www.spiegel.de/politik/ausland/europaeische-union-so-denken-die-deutschen-ueber-die-eu-a-1252954.html">Union européenne comporte plus d’avantages que d’inconvénients</a>. Pour 24 %, les inconvénients l’emportent et aux yeux de 39 % les deux s’équilibrent.</p>
<p>Plus l’électeur se situe à un niveau élevé de l’échelle sociale, plus son vote est positif ; et plus il est négatif à mesure qu’on descend au sein de cette même échelle. Les couches les plus défavorisées reprochent à l’Union européenne son manque de justice sociale. Les principales revendications portent sur la faiblesse du taux d’imposition des multinationales, sur davantage de protection contre la criminalité, la lutte contre le terrorisme et contre l’inégalité hommes-femmes.</p>
<h2>Pas de bouleversement politique en vue en Allemagne</h2>
<p>Un sondage, réalisé par l’institut <a href="https://www.wahlrecht.de/umfragen/europawahl.htm"><em>Forschungsgruppe Wahlen</em></a> et publié le 12 avril dernier, attribue 32 % des intentions de vote à la CDU/CSU, 19 % aux Verts, 18 % au SPD, 7 % au FDP, 6 % à Die Linke et 10 % à l’AfD. Ce parti d’extrême droite, qui a enregistré une hausse de 2,6 points aux élections fédérales de septembre 2017 et semblait crédité d’un potentiel protestataire plus important aux Européennes, enregistrerait ainsi une <a href="https://www.bundeswahlleiter.de/europawahlen/2014/ergebnisse/bund-99.html">progression de près de 3 points par rapport à 2014</a>. Dans les derniers jours de la campagne électorale, il n’est toutefois pas impossible que l’AfD soit à la hausse (un sondage non vérifié lui accorderait jusqu’à 15 % des voix).</p>
<p>Les gagnants potentiels du scrutin pourraient donc être les Verts (+8,3 points), qui bénéficieraient d’un transfert de voix venues du SPD, tandis que le FDP (Libéraux) doublerait son score (+3,6 points). Le SPD perdrait, quant à lui, près de 10 points et la CDU/CSU un peu plus de 3,2 points.</p>
<p>On ne s’attend donc pas à un bouleversement du paysage politique en Allemagne. Les intentions de vote aux Européennes collent assez bien aux tendances que révèlent les intentions de vote pour des élections fédérales.</p>
<p>Les craintes que nourrissent les partis démocratiques portent surtout sur les élections régionales de l’automne prochain dans les Länder du Brandebourg, de Thuringe : l’AfD y est créditée d’intentions de vote autour de 20 %, voire même supérieures à 20 % dans le cas de la Saxe.</p>
<p>Les nouveaux Länder issus de l’ancienne RDA n’ont pas encore, dans leur ensemble, fait leur conversion entière au régime libéral de la RFA. Leur électorat, quand il n’est pas parti à l’Ouest, n’a pas grandi avec la construction européenne.</p>
<p>Mais, malgré ces particularités sociales et territoriales, l’Allemagne d’aujourd’hui reste un pays favorable à l’Europe. L’Union européenne, comme ne cessent de le dire les dirigeants politiques et économiques du pays – <a href="https://www.t-online.de/finanzen/boerse/news/id_85511426/bvmw-praesident-ohoven-die-wachsende-europaskepsis-macht-mir-grosse-sorge-.html">à l’instar de Mario Ohoven, président de la Fédération des entreprises du Mittelstand (Verband mittelständischer Wirtschaft (BVMW)</a> – demeure bien le fondement en matière de paix, de liberté et de bien-être.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116477/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les élites allemandes restent très pro-européennes, un quart de l’électorat outre-Rhin estime que les inconvénients l’emportent sur les avantages apportés par l’Union européenne.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.