tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/inde-23095/articlesInde – The Conversation2024-03-14T18:59:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2237752024-03-14T18:59:25Z2024-03-14T18:59:25ZL’e-sport, facteur d’inclusion et d’ascension sociale ?<p>Le jeu vidéo est la plus jeune industrie culturelle, mais aussi la plus importante, avec un marché <a href="https://www.leparisien.fr/economie/le-jeu-video-un-marche-plus-important-que-ceux-du-cinema-et-la-musique-reunis-22-10-2023-O544EA2EZ5AVTCHNL5IJOKY4FM.php">supérieur à ceux de la musique et du cinéma réunis</a>. La professionnalisation de ce divertissement a donné lieu à une nouvelle activité économique : l’e-sport.</p>
<p>Les compétitions internationales de jeux vidéo attirent une audience considérable, que ce soit via le streaming online ou lors d’événements physiques. En France, <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-05-19/plus-de-10-millions-de-personnes-pratiquent-ou-regardent-l-e-sport-mais-est-ce-vraiment-un-sport-a12f0d93-5b15-45ff-892e-366b10faa39d">10,8 millions de personnes pratiquent ou regardent l’e-sport</a>, en faisant un <a href="https://theconversation.com/le-jeu-video-counter-strike-un-eldorado-pour-investisseur-193885">secteur prometteur pour les investisseurs</a> et les annonceurs. <a href="https://www.sports.gouv.fr/faire-de-la-france-une-grande-nation-de-l-esport-et-donner-une-nouvelle-impulsion-la-strategie-1639">La France souhaite renforcer sa présence</a> en soutenant l’écosystème national et en créant de nouvelles grandes compétitions.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://theconversation.com/le-sport-discipline-populaire-mais-en-crise-214331">pratique de l’e-sport</a> garde une image élitiste et excluante. Le coût et la qualité du matériel nécessaire en font une discipline réservée aux classes sociales les plus élevées – un PC de gamer coûte plusieurs milliers d’euros, sans parler du clavier, du micro, de la caméra… Mais depuis 2020, l’e-sport sur mobile, bien plus accessible, <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/11/gaming-games-consels-xbox-play-station-fun/">a atteint plus de 51 % du marché mondial</a>, dépassant à lui seul tous les autres supports réunis : PC, console, arcade, cloud et réalité virtuelle. Bien qu’<a href="https://afjv.com/news/11292_etude-mediametrie-2023-francais-jeux-video.htm">elles représentent 53 % des pratiquants réguliers de jeux vidéo en France</a>, seulement 10 % des joueurs professionnels sont des femmes, dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/autres-sports/e-sport-malgre-le-sexisme-les-femmes-plus-que-jamais-pretes-a-s-imposer-20230704">environnement qui peut parfois s’avérer sexiste</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">CS :GO, LoL, Fortnite : pourquoi il y a si peu de femmes dans l’e-sport ?</span></figcaption>
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<p>Pourtant, dans certains pays en développement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296323007415">l’e-sport est un moyen de favoriser la diversité</a>, de valoriser les communautés, et de permettre l’ascension sociale. Bien que les ressources et les infrastructures y soient moins importantes, <a href="https://www.esportsearnings.com/countries">neuf des vingt pays qui dominent l’e-sport en termes de revenus sont des pays émergents</a> : la Chine, la Russie, le Brésil, l’Ukraine, la Thaïlande, la Pologne, Taïwan, les Philippines, et la Malaisie. Près de la moitié des revenus mondiaux de l’e-sport proviennent de ces pays émergents. Cet article se focalise sur les pratiques au Brésil et en Inde.</p>
<h2>L’e-sport mobile dans les favelas du Brésil</h2>
<p>Au Brésil, l’accès à Internet est à la fois coûteux et très rudimentaire en périphérie des grandes villes et le matériel informatique coûte plus cher que dans les pays occidentaux avec un salaire minimum proche de 200 euros. Grâce au jeu mobile, le Brésil est le deuxième pays au monde juste après les États-Unis qui a le <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/twitch-users-by-country">plus de spectateurs uniques mensuels sur Twitch avec 16,9 millions</a>. Les adolescents des favelas et des quartiers populaires voient dans l’e-sport un moyen de sortir de la pauvreté. Ils forment des communautés de joueurs où ils s’entraident pour progresser et s’efforcent de créer un écosystème favorable dans lequel ils pourront générer des revenus.</p>
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<p>Le <a href="https://ff.garena.com/en/">jeu <em>Free Fire</em></a> qui rassemble 71 % des joueurs brésiliens est le <a href="https://sambadigital.com/free-fire-brazils-hottest-video-game/">plus populaire car son fonctionnement ne nécessite qu’un smartphone ordinaire</a> et une connexion Internet stable. Ce jeu de <em>battle royale</em> qui mêle survie et tir selon la mécanique du <em>last man standing</em> (dernier survivant) et qui <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">ressemble beaucoup à <em>Fortnite</em></a> s’appuie sur une base de <a href="https://afkgaming.com/mobileesports/guide/how-many-fans-does-free-fire-have-in-the-world">plus de 196 millions de joueurs actifs mensuels</a> et 13 millions quotidiens pour concurrencer des jeux puissants sur mobile comme <em>Call of Duty</em> et <em>PUBG</em> (anciennement <em>PlayerUnknown’s Battlegrounds</em>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer des championnats du monde de <em>Free Fire</em> 2023.</span></figcaption>
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<p><a href="https://liquipedia.net/freefire/Liga_Brasileira_de_Free_Fire">La ligue professionnelle brésilienne de <em>Free Fire</em></a> est très active et produit de nombreux champions, dont le <a href="https://liquipedia.net/freefire/Nobru">streamer Nobru</a>, vainqueur du championnat du monde en 2019, qui compte <a href="https://www.instagram.com/nobru/">15 millions de followers sur Instagram</a> et <a href="https://www.youtube.com/@NobruTV">autant sur YouTube</a>. Cerol, autre célèbre joueur de <em>Free Fire</em>, a été élu meilleur streamer du pays en 2019. Mais les nouveaux rois de <em>Free Fire</em> sont les membres de <a href="https://loud.gg/">l’équipe brésilienne Loud</a>, qui en plus d’être leader sur Twitch, est le premier collectif e-sport au monde à atteindre le milliard de vues sur YouTube. Cette entreprise qui a connu une croissance fulgurante a été créée par le champion <a href="https://www.linkedin.com/in/brunobcoliveira/">Bruno « PlayHard » Bittencourt</a>, <a href="https://www.linkedin.com/in/jean-ortega-296303118/">Jean Ortega</a>, et <a href="https://www.linkedin.com/in/matthew-h-130990185/">Matthew Ho</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1735314056746013103"}"></div></p>
<p>PlayHard a recruté les meilleurs jeunes joueurs de <em>Free Fire</em> et convaincu les parents et les marques du potentiel de l’e-sport pour développer Loud. PlayHard souhaite favoriser une meilleure visibilité de la population noire sous-représentée parmi les streamers et créateurs de contenus. Il a particulièrement <a href="https://ge.globo.com/esports/valorant/noticia/2023/01/04/c-valorant-loud-entrara-no-cenario-feminino-com-quarteto-ex-b4.ghtml">encouragé les jeunes femmes à devenir pro-gameuses</a>, ayant perçu le fort potentiel commercial de l’e-sport féminin. En 2023, Loud a annoncé la <a href="https://www.meioemensagem.com.br/marketing/organizacoes-esports-inclusao">formation d’une équipe inclusive</a> composée de femmes cisgenres et transgenres, et de personnes non binaires. Loud est aussi à l’initiative de nombreuses actions humanitaires dans les favelas pour fournir du matériel informatique aux enfants et aux jeunes et leur proposer des formations aux nouvelles technologies numériques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Brésil, l’e-sport détrône le football dans les favelas.</span></figcaption>
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<p>Avec la même vision, <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">AfroGames est le premier centre d’entraînement pour athlètes e-sport au monde à être basé dans une favela</a>. Dans la zone nord de Rio de Janeiro, des centaines de jeunes vont se former pour devenir streamers et pro-gamers. Exclus de la société et immergés dans un environnement où la criminalité est la norme, ils voient dans l’e-sport un <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">moyen de gagner leur vie honnêtement et de retrouver espoir dans l’avenir</a>. <a href="https://forbes.com.br/forbes-tech/2023/05/com-foco-em-integrar-jovens-da-periferia-aos-games-afrogames-expande-alem-do-rio/">AfroGames est soutenue par plusieurs marques</a> comme la compagnie aérienne GOL, la boutique de jeux en ligne Nuuvem et le fabriquant de mémoire informatique Kingston. Plusieurs autres associations et académies d’e-sport se sont développées pour détecter et accompagner les meilleurs talents de l’e-sport brésiliens comme <a href="https://loja.fluxo.gg/">Fluxo</a>, <a href="https://neverest.gg/">Neverest</a>, et <a href="https://intz.com.br/">INTZ</a>.</p>
<h2>Le défi de l’inclusion par le jeu vidéo en Inde</h2>
<p>L’Inde est aujourd’hui le <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/economy/indicators/india-becomes-the-most-populated-a-dividend-or-a-damper/articleshow/99619028.cms">pays le plus peuplé du monde</a>, ayant dépassé la Chine en 2022, avec 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 370 millions de jeunes entre 10 et 25 ans. L’Inde souffre d’un niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/31/c-est-une-perte-de-temps-desillusionnes-et-frustres-nombre-d-indiens-quittent-le-marche-du-travail_6139659_3234.html">Le taux de chômage des jeunes dépasse 40 %</a>. Même les titulaires d’un master ont du mal à trouver un emploi et, lorsqu’ils y parviennent, le salaire est très bas, ce qui les empêche de subvenir à leurs besoins. Les taux d’équipement en ordinateurs et consoles sont très faible, mais il y a <a href="https://tech.hindustantimes.com/tech/news/india-to-have-over-800-million-smartphone-users-by-2022-cisco-study-story-nnYnDOiY6nulyiKRaZRsDP.html">800 millions d’utilisateurs de smartphones</a>, ce qui explique que l’e-sport soit essentiellement mobile.</p>
<p>Comme au Brésil, les <a href="https://esportsinsider.com/2023/06/esports-around-the-world-india">jeux de battle royale tels que <em>Free Fire</em>, <em>Fortnite</em> et <em>PUBG Mobile</em>, sont les plus populaires</a>, ainsi que <em>Call of Duty</em>, <em>Valorant</em>, <em>DOTA 2</em> et <em>League of Legends</em>. La pandémie de Covid-19 a stimulé l’usage des smartphones et le recours aux jeux vidéo comme passe-temps. De nombreux jeunes ayant perdu leur job étudiant ont transformé cette épreuve en opportunité en devenant entrepreneurs ou champions d’e-sport. Ainsi, en Inde les <a href="https://www.statista.com/statistics/1263250/india-esports-revenue-by-category/">revenus de l’e-sport ont plus que doublé entre 2021 et 2023</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Free Fire India, la version spécialement conçue pour l’Inde.</span></figcaption>
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<p>L’un des avantages de l’Inde dans le domaine de l’e-sport est que le coût de l’accès à Internet est l’un des plus bas au monde. YouTube y est très puissant avec environ 450 millions d’utilisateurs actifs. En plus des <a href="https://fr.babbel.com/fr/magazine/guide-des-langues-parlees-en-inde">22 langues officielles, plus de 200 langues autochtones</a> et des milliers de dialectes y sont parlés. Les marques souhaitent accéder à des ambassadeurs capables de promouvoir leurs produits dans les principales langues et à travers différentes communautés. Cela rend les streamers et les champions d’e-sports particulièrement intéressants d’un point de vue marketing, car ils peuvent <a href="https://www.game-insiders.com/blog/diversite-et-inclusion-dans-le-marketing-de-jeux-video-quelles-strategies-pour-un-marche-plus-inclusif">générer un taux d’engagement très élevé de manière inclusive</a> en termes de genre, de caste, de religion, et d’origine sociale.</p>
<p>C’est ce que propose <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7R4rzPBvlYU">Tushaar Garg, le fondateur et PDG de StreamO</a> et Irony Esports. Expert en marketing sportif, il a travaillé pour plusieurs institutions, dont l’<em>Indian Premier League Cricket</em>, la plus grande ligue sportive d’Inde. En août 2020, il crée StreamO, une entreprise visant à développer de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/blogs/voices/gender-inclusivity-in-the-gaming-sector-for-a-healthy-workplace-culture/">nouveaux espaces de rencontre inclusifs</a> centrés sur le jeu vidéo, à faciliter la formation de communautés de super fans de champions d’e-sport, à aider à monétiser le contenu des créateurs dédiés au jeu vidéo et à connecter les marques avec des publics jeunes ayant un haut niveau d’engagement.</p>
<p><a href="https://www.streamo.media/brands">Ces marques incluent</a> Amazon Prime, Netflix, Hyudai, Intel, Sony, Spotify et Puma. Plus de 5200 youtubeurs travaillent avec StreamO, ce qui représente plus de 100 millions d’abonnés. Grâce à StreamO, les streamers peuvent multiplier leur monétisation entre 10 et 20, selon la taille de leur communauté, ce qui leur permet de devenir eux-mêmes entrepreneurs, de développer leur structure, et d’avoir un impact positif sur la société et l’économie.</p>
<h2>Des modèles à suivre</h2>
<p>Bien que l’e-sport ne soit pas un exemple d’inclusivité en France et plus généralement dans les pays occidentaux, il est remarquable de constater que dans des pays comme le Brésil et l’Inde, des entrepreneurs audacieux utilisent le jeu vidéo comme un levier pour favoriser le développement social et la diversité. Malgré un manque de moyens et une maturité moins élevée, les efforts qui sont menés pour mettre en œuvre ces bonnes pratiques favorisent une société plus juste et plus inclusive dans ce secteur en plein essor.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pratique de l’e-sport peut paraître élitiste et excluante. Pourtant, les initiatives inclusives en faveur de la diversité se multiplient, surtout dans les pays émergents.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212452024-01-18T17:27:08Z2024-01-18T17:27:08ZAlunissage japonais : pourquoi tant de missions cherchent à se poser sur la Lune<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569509/original/file-20240116-29-1e4r8n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C4%2C1495%2C716&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mission japonaise SLIM en phase d’alunissage (vue d'artiste), prévue dans la nuit du 19 au 20 janvier 2024.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://jda.jaxa.jp/result.php?lang=e&id=1cf84b5cf27bea8355d3f80fbcf1a721">JAXA</a></span></figcaption></figure><p>Il y a 60 ans, une véritable course à la Lune eut lieu entre l’Union soviétique et les États-Unis, avec comme point d’orgue les six atterrissages Apollo entre 1969 et 1972. Puis le soufflé retomba : pas de base lunaire, pas même d’autre mission vers la Lune pendant pas mal de temps.</p>
<p>Notre satellite restant un objet scientifiquement intéressant, quelques missions lunaires se mirent en place quand même dans les années 1990, comme l’Américaine Clementine en 1994. Petit à petit, d’autres acteurs vinrent s’ajouter : le Japon (Hiten en 1990 puis Kaguya/Selene en 2007), l’Europe (SMART-1 en 2003), la Chine (Chang’e 1 en 2007) et l’Inde (Chandrayaan en 2008). Cependant, il s’agissait d’orbiteurs – des satellites tournant autour de la Lune, l’étudiant de loin.</p>
<p>Désormais, le devant de la scène est occupé par les atterrisseurs… Le Japon tentera ce 19 janvier de devenir le cinquième pays à atterrir sur la Lune avec sa sonde SLIM. C’est l’occasion de faire le point sur les missions qui constituent cette « course à la Lune », et de comprendre pourquoi notre satellite attire les convoitises.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rover en cours de déploiement" src="https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569511/original/file-20240116-15-ukgfon.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans la mission japonaise SLIM, ce rover LEV doit déployé par l’atterrisseur à la surface de la Lune (vue d’artiste).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://jda.jaxa.jp/result.php?lang=e&id=2234b09331e44d2e3227f505c0434e94">JAXA</a></span>
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<p>Le signal de départ de cette nouvelle course à la Lune a été donné en 2007 avec le <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/espace/clap-de-fin-pour-le-google-lunar-xprize-sans-vainqueur_120165">Google X-Prize</a> (le secteur privé marque le secteur spatial depuis les années 2000). Cette initiative devait récompenser le premier acteur privé à atterrir sur la Lune. Cinq équipes avaient été choisies comme finalistes mais au moment de clôturer en 2018, aucune n’avait réussi. Néanmoins, deux lancèrent quand même avec un peu de retard : l’Israélienne Beresheet lancée en 2019 et la Japonaise Hakuto-R lancée fin 2022… hélas sans succès. C’était le début, mais pas la fin. Examinons la situation actuelle.</p>
<h2>La NASA états-unienne, figure de proue entre missions publiques et privées</h2>
<p>Côté américain, le programme lunaire est multiforme. Il y a tout d’abord le programme de la NASA, actuellement baptisé Artemis, censé ramener des astronautes sur la Lune. Il a souffert de divers délais, dus à la fusée SLS… sans oublier un financement insuffisant ou des dépassements divers, qui font qu’Artemis I, mission inhabitée, n’a été lancée qu’en 2022, Artemis II (mission habitée autour de la Lune) vient d’être retardée à 2025 et Artemis III (mission habitée avec atterrissage) n’arrivera pas sur la Lune avant 2026. À noter que les Européens et les Canadiens sont impliqués dans ce programme. Artemis est aussi le nom d’accords internationaux non contraignants rassemblant 23 pays principalement d’Amérique et d’Europe et précisant des « règles » pour les activités lunaires futures.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-renvoyer-des-humains-sur-la-lune-189477">Dossier : Renvoyer des humains sur la Lune</a>
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<p>En parallèle est lancée dès 2018 l’<a href="https://www.nasa.gov/commercial-lunar-payload-services/">initiative CLPS</a> (Commercial Lunar Payload Services). Elle vise à soutenir les entreprises privées (14 actuellement) dans le développement de cargo vers le pôle sud lunaire et consiste en une somme de 2,6 milliards jusque 2028. Il faut donc relativiser un rien le côté « privé » : comme pour le développement du <a href="https://theconversation.com/industrie-spatiale-comment-reguler-le-new-space-206014">New Space</a> au début du millénaire, l’élan privé est fortement soutenu par l’argent public.</p>
<p>C’est cette année que CLPS se concrétise. <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/01/14/l-alunisseur-americain-peregrine-se-dirige-vers-la-terre-et-se-consumera-probablement-dans-l-atmosphere_6210732_1650684.html">Astrobotic vient de lancer Peregrine</a> le 8 janvier 2024, mais cette sonde n’alunira pas suite à un problème de carburant ayant mené à une explosion. Astrobotic doit aussi envoyer le rover <a href="https://science.nasaovission/viper/">VIPER de la NASA</a> en fin d’année 2024. Intuitive Machine lancera en février et dans quelques mois ses missions <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nova-C">Nova-C</a>, tandis que Firefly lancera bientôt la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Blue_Ghost">mission Blue Ghost</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rover dans un grand bac à sable" src="https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569508/original/file-20240116-21-2z7vft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le rover VIPER de la NASA, en test au laboratoire SLOPE (Simulated Lunar Operations Lab).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://science.nasa.gov/image-detail/amf-grc-2021-c-00740/">SLOPE lab, GRC</a></span>
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<p>Plus de missions encore sont prévues dans les années qui viennent. Point commun : il y a toujours un cargo NASA, plutôt de nature scientifique, mais il est parfois complété par du cargo privé. Par exemple, Peregrine emportait des cendres humaines… au grand dam des <a href="https://www.space.com/nasa-responds-navajo-nation-objection-human-remains-moon">Navajos qui ont protesté contre la désacralisation de la Lune</a> (la NASA leur ayant répondu que le privé faisait ce qu’il voulait).</p>
<p>Enfin, Musk développe son propre programme, avec une petite visite touristique prévue « bientôt » pour le milliardaire Maezawa…</p>
<h2>La Chine et la série Chang’e explore la face visible et la face cachée de la Lune</h2>
<p>Côté chinois, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_chinois_d%27exploration_lunaire">programme lunaire</a> porte le nom de la déesse associée à notre satellite, Chang’e. Il avance doucement mais sûrement : Chang’e-3 atterrit sur la face visible en 2013, Chang’e-4 atterrit sur la face cachée en 2019, Chang’e-5 ramène un échantillon de la face visible en 2020, et Chang’e-6 fera de même avec la face cachée cette année. On aura ensuite Chang’e-7 pour vérifier les « ressources » disponibles du côté du pôle sud et Chang’e-8 qui préparera l’utilisation in situ de celles-ci. Les atterrisseurs habités suivront dans les années 2030.</p>
<p>À noter : la Chine mène aussi un accord international visant une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Station_de_recherche_lunaire_internationale">« international lunar research station »</a> avec comme partenaires la Russie, le Venezuela, l’Afrique du Sud, le Pakistan, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, et l’Égypte.</p>
<h2>L’Inde, quatrième nation à réussir un alunissage</h2>
<p>Si l’Inde a signé les accords Artemis, elle possède son propre programme lunaire. La <a href="https://theconversation.com/la-mission-indienne-chandrayaan-3-est-la-premiere-a-se-poser-au-pole-sud-de-la-lune-212063">sonde Chandrayaan-3 s’est posée en 2023, ce qui a donné lieu à une grande célébration</a> – et pas mal de <a href="https://www.science.org/content/article/deeply-troubling-indian-scientists-slam-teaching-materials-moon-mission">récupération politique par le Premier ministre</a> !</p>
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<img alt="l’atterrisseur de Chadrayaan-3 sur la Lune" src="https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569507/original/file-20240116-23-kbjykr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chadrayaan-3 sur la Lune – photo prise par le rover Pragyan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.isro.gov.in/chandrayaan3_gallery.html">ISRO</a></span>
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<p>La suite s’appelle <a href="https://global.jaxa.jp/activity/pr/jaxas/no092/02.html">LUPEX (Lunar Polar Exploration Mission)</a>, une mission prévue pour 2026 avec récolte et analyse sur place d’échantillons lunaires.</p>
<p>Restent deux acteurs non négligeables. La Russie, tout d’abord, mais elle est un peu en perte de vitesse. Après un arrêt de 47 ans, l’<a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/exploration-lunaire-luna-25-ce-on-sait-crash-sonde-russe-lune-97950/">atterrisseur Luna 25</a> fut un échec en août 2023 et l’<a href="https://kosmosnews.fr/2023/10/16/lorbiteur-luna-26-aidera-a-choisir-le-lieu-datterrissage-de-luna-27/">orbiteur Luna 26</a> n’arrivera pas avant 2027.</p>
<p>Cette année sera aussi celle d’un nouvel essai pour la sonde privée japonaise Hakuto-R, après une <a href="https://theconversation.com/le-rover-emirati-rashid-doit-se-poser-sur-la-lune-pour-une-mission-ephemere-204283">échec lors de la phase d’approche pour se poser sur le sol lunaire fin avril 2023</a>.</p>
<h2>Pourquoi tant de convoitise</h2>
<p>Une tripotée de missions vont donc se poser sur la Lune dans les mois et les années qui viennent. Il est légitime de se demander pourquoi…</p>
<p>Plusieurs aspects entrent ici en jeu. Tout d’abord, il y a bien sûr le côté scientifique : <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-scientifiques-veulent-retourner-sur-la-lune-192798">notre satellite naturel garde encore quelques secrets et il reste donc pas mal de choses à étudier là-bas</a>, le mieux étant bien sûr de le faire sur place (avec un atterrisseur) et non de loin (avec un orbiteur). Soyons cependant clairs : faire avancer les connaissances fondamentales ne rapporte pas grand-chose, même si la science sert souvent d’alibi. L’intérêt du privé dans ce domaine est surtout de faire payer des laboratoires scientifiques qui veulent envoyer leurs missions.</p>
<p>Deuxième aspect : la fierté nationale. Comme dans les années 1960, les divers pays et chefs d’entreprise bombent le torse… la Lune apparaît ici comme un trophée, convoité par tous.</p>
<p>Troisième objectif : le tourisme. Le milliardaire japonais Maezawa serait le premier d’entre eux, et probablement pas le dernier… Reste à voir évidemment si la chose sera rentable à long terme, l’effet de nouveauté s’estompant rapidement et le nombre de clients fortunés restant faible.</p>
<h2>La Lune, nouvel eldorado minier ?</h2>
<p>Enfin, il y a évidemment l’attraction principale :les ressources lunaires… Qu’y a-t-il donc de si précieux sur la Lune ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">À qui appartiennent Mars, la Lune et leurs ressources naturelles ?</a>
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<p>De l’hélium-3, un <a href="https://www.polytechnique-insights.com/dossiers/espace/minage-extraterrestre/de-lhelium-3-lunaire-pour-la-fusion-nucleaire/">isotope de l’hélium pouvant être fort utile dans les centrales nucléaires à fusion</a>. Seuls problèmes : pour l’extraire en grandes quantités, il faudra quasiment retourner toute la surface lunaire, la défigurant à jamais, et il n’existe encore aucune centrale de ce type (juste des prototypes comme ITER, <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-023-04045-8">où la fusion est maîtrisée au mieux pendant 10 minutes</a>).</p>
<p>Divers éléments chimiques, ensuite, mais à ce niveau, les astéroïdes métalliques sont plus intéressants, le jour où l’on maîtrisera le « mining » spatial (ce qui est loin d’être le cas).</p>
<p>De la glace d’eau, enfin – surtout présente là où il fait froid, dans les cratères jamais éclairés des pôles lunaires, ce qui explique que de nombreuses missions se dirigent vers ces pôles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=971&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569503/original/file-20240116-29-qcojqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1220&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de la production de dihydrogène et de dioxygène par électrolyse de l’eau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/f/f5/Schemas_electrolyse_h2o.svg/657px-Schemas_electrolyse_h2o.svg.png?uselang=fr">Nécropotame, Wikipedia</a></span>
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<p>En lui faisant subir une électrolyse, on récupère de l’oxygène et de l’hydrogène à partir de cette eau. L’oxygène pourrait être utile pour des astronautes installés sur place – mais rappelons qu’aucune base n’est financée à ce jour, il n’y a que des <a href="https://www.esa.int/Enabling_Support/Space_Engineering_Technology/CDF/ESA_engineers_assess_Moon_Village_habitat">projets loin d’être 100 % concrets</a>. Les deux composés peuvent aussi servir de carburant pour des fusées, ce qui pourrait être utile pour des <a href="https://news.columbia.edu/news/envisioning-moon-launch-pad-explore-outer-solar-system">entreprises construisant et lançant des satellites depuis la Lune</a> – là aussi, étant donné qu’il n’y a pas encore de base lunaire, ce genre de plan (usine, base de lancement) relève à ce jour de la science-fiction. Enfin, une « station-service » sur une autoroute spatiale a été évoquée, mais les mêmes réserves s’appliquent évidemment. Bref, au mieux, l’exploitation des ressources lunaires est à envisager à très long terme, et certainement pas pour les années qui viennent.</p>
<p>Un dernier aspect semble intéressant à mentionner dans ce contexte : ces ressources lunaires peuvent être qualifiées de non renouvelables. En effet, l’hélium-3 et l’eau se sont accumulées sur des milliards d’années, et il faudra donc très longtemps pour que vent solaire et comètes remplacent ce qui serait exploité. La question est donc : est-ce une bonne idée de reproduire sur la Lune ce qu’on a fait sur Terre ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lespace-pour-tous-ou-seulement-pour-quelques-uns-143020">L’espace pour tous… ou seulement pour quelques-uns ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/221245/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yaël Nazé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’occasion de la tentative d’alunissage d’une mission japonaise, on fait le point sur la course à la Lune et ses raisons.Yaël Nazé, Astronome FNRS à l'Institut d'astrophysique et de géophysique, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200682024-01-11T16:41:37Z2024-01-11T16:41:37ZJapon, Inde, Haïti et ailleurs : ce que les toilettes publiques disent des sociétés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568829/original/file-20240111-17-fnevuh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C7%2C2556%2C1216&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Scène issue de _Perfect Days_ de Wim Wenders, dont le personnage principal est un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=kLYFBhcwYj4">Wim Wenders, « Perfect Days », Master Mind</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 décembre dernier, sortait en salle le film de Wim Wenders <a href="https://www.perfectdays-movie.jp/en/"><em>Perfect Days</em></a>, qui met en scène le quotidien d’un employé municipal de Tokyo, Hirayama, chargé de nettoyer les toilettes publiques. Ce film met en évidence, s’il en était encore besoin, les différences sociales et culturelles dans les façons d’appréhender ce petit coin, sa visibilité dans l’espace public, mais également les questions d’<a href="https://theconversation.com/que-risque-t-on-en-sasseyant-sur-des-toilettes-publiques-105465">hygiène</a> et d’assainissement.</p>
<p>Il rend partiellement compte d’une expérience développée par le <a href="https://tokyotoilet.jp/en/">Tokyo Toilet Project</a> lancé par l’ONG <a href="https://www.nippon-foundation.or.jp/en/what/projects/thetokyotoilet">The Nippon Foundation</a>, qui vise à réhabiliter 17 toilettes publiques de l’agglomération de Shibuya en œuvres d’art, toutes gratuites et utilisables par tous et toutes indépendamment du sexe, de l’âge ou du handicap.</p>
<p>L’une d’entre elles, réalisée par <a href="https://tokyotoilet.jp/en/yoyogifukamachi_mini_park/">Shigeru Ban</a>, est d’ailleurs équipée de cabines colorées et transparentes qui deviennent opaques quand on ferme la porte. Un dispositif qui permet, selon l’architecte, de répondre à deux préoccupations que peuvent avoir les utilisateurs concernant les toilettes : vérifier leur état de propreté et s’assurer que personne ne se trouve déjà à l’intérieur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1GcyTKfj_wQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Toilettes transparentes, Shibuya.</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/26/les-toilettes-publiques-au-japon-des-sanctuaires-de-paix-et-d-hygiene_6207661_3210.html">En esthétisant les toilettes</a> et en en faisant un élément ostensible du décor urbain, c’est-à-dire un outil de requalification de certains îlots de l’arrondissement de la capitale, ce projet donne à voir la place singulière que ces dernières occupent dans la culture nippone.</p>
<p>Néanmoins, s’il a vu le jour, c’est parce ce qu’un certain nombre de stéréotypes (les toilettes publiques étaient considérées comme sombres, malodorantes et effrayantes) en limitaient l’utilisation. Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes hésitent à employer les commodités au Japon. Même au sein du pays leader des toilettes de haute technologie – où l’entreprise <a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/jmhr/1/1/1_118/_pdf/-char/ja">Toto</a> participe au rayonnement de cette expertise synonyme de soft power –, ces stratégies d’évitement expriment à des degrés divers des processus de différenciation et d’exclusion.</p>
<h2>Une préoccupation sociétale</h2>
<p>Cet exemple permet de soulever des questions essentielles qui dépassent la singularité japonaise. Quelles stratégies adopter en matière d’implantation des toilettes publiques ? Quels choix de localisation ? Quelles dialectiques du visible et de l’invisible – de ceux qui les utilisent, ceux qui les entretiennent et des flux qui y sont rassemblés puis dispersés – se jouent dans et à travers ces lieux ?</p>
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<p>Cette perspective incite à dire que toute action envers les toilettes ne peut se contenter de se baser sur une seule unité géographique (comme un îlot ou un village), mais doit prendre en compte tous les effets que les toilettes, de leur localisation à leur entretien, ont sur la société. D’autant plus lorsque des toilettes, sublimées par l’art, en viennent à renforcer la centralité de Tokyo.</p>
<p>Partout dans le monde, les toilettes publiques témoignent de la complexité des espaces publics partagés. En Europe, les toilettes publiques sont souvent synonymes de saleté et de désagréments, et évoquent des <a href="https://journals.openedition.org/brussels/7154">espaces utilisés à des fins pour lesquelles ils n’ont pas été conçus</a> : consommation de drogues, supports de graffitis et de tags, rencontres sexuelles ou <a href="https://actu.fr/bretagne/vannes_56260/a-63-ans-vit-dans-toilettes-publiques-depuis-deux-ans_31502471.html">abris</a> (pour les personnes qui en sont privées), par exemple.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Size matters », centre commercial Palladium, Prague.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marcussen/2744676587/">Erik Marcussen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Ce sont des espaces polyvalents qui matérialisent notamment des inégalités de genre. <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.18574/nyu/9780814759646.003.0006/html">Les femmes ont davantage besoin de se rendre aux toilettes que les hommes</a> (spécialement en période de grossesse et de menstruations) et elles y passent plus de temps, mais les toilettes fermées sont moins nombreuses que les urinoirs.</p>
<p>Par ailleurs, la présence de certaines catégories de populations (migrants, toxicomanes sans domicile fixe) peut susciter des <a href="https://www.heidi.news/explorations/la-revolution-des-toilettes/dans-les-toilettes-de-la-riponne-flambant-neuves-et-autonettoyantes">réactions des pouvoirs publics</a> donnant à voir des mécanismes de domination. Plus généralement, dans nos sociétés qualifiées de développées, savoir qui nettoie les toilettes au sein de la sphère domestique, sur le lieu de travail et dans l’espace public en dit souvent beaucoup <a href="https://lafabrique.fr/un-feminisme-decolonial/">sur les rapports de domination et la reproduction des rôles genrés</a>.</p>
<h2>Un tabou mondial ?</h2>
<p>La question des excréments est souvent <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-01-20-Le-tabou-des-excrements">taboue</a>. Pourtant, la préoccupation est telle que l’ONU célèbre depuis 2013 une <a href="https://www.un.org/fr/observances/toilet-day">« Journée mondiale des toilettes »</a>, rappelant qu’un tiers de la population mondiale ne bénéficie pas de lieu approprié pour ses besoins, ce qui engendre de nombreux problèmes : violences, exclusion d’activités sociales (notamment pour les femmes et les enfants), conséquences sanitaires (y compris la diffusion d’épidémies telle que le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/biologie-et-sante/cholera-haiti-2010-2018-histoire-d-un-desastre/">choléra)</a>. Une organisation spécialisée à but non lucratif promeut cette journée et de nombreux projets à travers le monde : la <a href="https://worldtoilet.org/">World Toilet Organization</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Campagne de sensibilisation contre la défécation en plein air (Kanadukathan, Tamil Nadu, Inde). En Inde, l’OMS a estimé qu’environ 520 millions de personnes déféquaient régulièrement à l’air libre en 2015. Le problème est particulièrement préoccupant dans les zones rurales, où 69 % des ménages ont déclaré ne pas posséder de latrines en 2011. Néanmoins, la situation s’est considérablement améliorée : le pourcentage de ménages pratiquant la défécation à l’air libre a diminué, passant de 39 % en 2015-2016 à 19 % en 2019-2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Goreau-Ponceaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ainsi, les questions logistiques et techniques sont multiples : <a href="https://lepetitjournal.com/bombay/comprendre-inde/ramasser-les-excrements-est-hereditaire-base-sur-le-systeme-de-castes-293128">fosses septiques à évacuer</a>, façons dont on peut développer les toilettes sèches ou s’adapter au phénomène de défécation à l’air libre, systèmes de traitement et de recyclage des excreta, voire <a href="https://journals.openedition.org/rac/11042">réutilisation des excréments pour l’agriculture</a>…</p>
<h2>Le reflet de hiérarchies sociales</h2>
<p>Les attitudes envers les toilettes peuvent être le reflet de hiérarchies sociales (entre ceux qui les utilisent, ceux qui les nettoient, ceux qui évacuent les déchets). En Haïti, posséder des toilettes est devenu un signe de prestige, surtout après le séisme de 2010, quand de nombreuses ONG ont aidé à leur construction. Toutefois, leur entretien est dédié aux <a href="https://ayibopost.com/etre-bayakou-peut-rapporter-beaucoup-plus-que-vous-croyez/">bayakous</a>, des vidangeurs qui effectuent leur travail sans aucune mesure de sécurité ni d’hygiène, et qui sont particulièrement méprisés par la société – bien que ce métier indispensable leur permette de vivre, ainsi qu’à toute leur famille, a priori sans risquer le chômage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cité Soleil, agglomération de Port-au-Prince, Haïti. Ces toilettes installées par des ONG suite au séisme de 2010 ont été rapidement démontées pour être revendues ou reconverties en abris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, mai 2011</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans toute l’Inde rurale, l’évacuation manuelle des déchets reste la plus dégradante des pratiques. Alors même que l’interdiction de cette activité a été renforcée à travers une loi en 2013 (<a href="https://www.indiacode.nic.in/handle/123456789/2119?sam_handle=123456789/1362"><em>The prohibition of employment as manual scavengers and their rehabilitation Act</em></a>), cette profession, essentiellement réservée aux basses castes et Dalits (Scheduled Castes) et aux tribus répertoriées (Scheduled Tribes) perdure.</p>
<p>Depuis 1993, l’ <a href="https://www.indiacode.nic.in/bitstream/123456789/1581/1/199346.pdf">« Employment of Manual Scavengers and construction of Dry Latrines (prohibition) »</a> interdit la construction de toilettes sèches mais ces dernières existent toujours et sont même paradoxalement remises au goût du jour pour des raisons d’accessibilité dans les zones non connectées aux réseaux d’égouts, parfois par des ONG des Nords.</p>
<p>Les toilettes sèches permettent la séparation des flux, la valorisation de ressources perdues et des économies substantielles en eau. À ce titre, cet assainissement écologique et décentralisé incarne en Occident une certaine idée de la transition écologique. Pourtant, en Inde, le caractère problématique de leur gestion (évacuation des excreta) est loin d’être synonyme de transition pour les populations les plus marginalisées. Cet exemple soulève tout le paradoxe lié à la circulation des dispositifs d’assainissement.</p>
<p>En pratique, le nettoyage manuel des latrines (<a href="https://www.outlookindia.com/magazine/story/india-news-the-truth-about-manual-scavenging-in-india/305414">« manual scavenging »</a>) continue, avec l’aval des municipalités, dans les égouts bouchés des grandes villes. Les femmes, principalement, <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-67191131">continuent à utiliser leurs mains</a> pour nettoyer les matières fécales et les transporter loin des habitations. Le chemin de fer indien est l’autre grand employeur de femmes et hommes travaillant comme éboueurs manuels. En Inde, déféquer le long des rails est fréquent, notamment en ville.</p>
<p>Au sein des <a href="https://hal.science/hal-02477087">camps de réfugiés maliens</a>, au Niger, des toilettes collectives ont été installées par les <a href="https://reliefweb.int/report/niger/gestion-du-camp-de-r%C3%A9fugi%C3%A9s-d%E2%80%99abala-d%C3%A9partement-de-filingu%C3%A9-r%C3%A9gion-de-tillab%C3%A9ri-niger">ONG dès 2012</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Latrine installée dans le camp de réfugiés d’Abala, au Niger. En raison des difficultés d’accès à l’eau, les latrines étaient rarement nettoyées mais bouchées une fois pleines puis déplacées, ce qui entraînait des problèmes d’hygiène et de contamination de la nappe phréatique. Lors de cette visite d’agents du UNHCR, les réfugiés demandaient d’adapter les latrines à leur culture, notamment en installant des patères pour que les habits ne traînent pas par terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, août 2014</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles ont été rapidement privatisées par les Touaregs nobles (Imajaghan) grâce à un cadenas sur les portes pour en interdire l’accès aux groupes sociaux moins valorisés. Toutefois, ces toilettes sont entretenues par les Bella (ou Iklan), considérés dans cette <a href="https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/34649?mode=full">société très hiérarchisée</a> comme des esclaves ou des serviteurs ayant peu de droits et de rémunérations et qui, eux, vivent aux marges des camps et n’ont pas le droit de les utiliser. Ils vont faire leurs besoins dans le désert. Censées être accessibles à tous, ces toilettes qui visent à préserver l’hygiène du camp en toute équité sont donc récupérées pour reproduire les mécanismes d’exclusion et de domination.</p>
<h2>Des processus de hiérarchisation spatiale</h2>
<p>Les toilettes peuvent également donner à voir des processus de hiérarchisation spatiale entre quartiers centraux des métropoles et les périphéries, entre espaces urbains et espaces ruraux.</p>
<p>Par exemple, si les grandes métropoles, en étroite filiation avec la révolution hygiéniste, ont largement développé des réseaux techniques d’égouts, le paradigme des toilettes reliées à un réseau centralisé semble désormais inadapté à la morphologie des villes des Suds.</p>
<p>Trop étalées, trop morcelées, trop polycentriques, elles ont également pour particularité d’accueillir une importante population flottante qui occupe des zones d’habitats informels et qui n’a pas le « droit » à être raccordée aux réseaux d’égouts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-villes-africaines-vont-elles-exploser-130581">Les villes africaines vont-elles exploser ?</a>
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<p>Ces villes dépendent donc d’infrastructures décentralisées ou temporaires qui, finalement, se pérennisent via différents arrangements pour leur maintenance. Ou alors, à l’instar de la zone d’habitats spontanés (ou slum) de Kibera (Nairobi), ce sont d’autres pratiques qui se développent comme les <a href="https://www.aljazeera.com/features/2017/4/3/how-to-deal-with-kiberas-flying-toilets">« flying toilets »</a> qui consistent à se soulager dans des sacs en polyéthylène pour ensuite les jeter.</p>
<h2>Des lieux violents</h2>
<p>Les toilettes peuvent également être esquivées par crainte de violences ou d’insécurité, spécialement pour les <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/11/ESSITY_RAPPORT_Hygiene_des_toilettes_a_lecole.pdf">enfants</a> et les adolescents ou encore les femmes.</p>
<p>À travers le monde, l’absence de toilettes dans les écoles ou leur insalubrité excluent de nombreux enfants de l’éducation. C’est particulièrement vrai pour les filles qui, lors de leurs <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/voices/les-menstruations-source-d-absenteisme-scolaire-dans-le-monde">menstruations</a>, ne peuvent se changer et restent chez elles, ce qui les exclut encore plus de la société. Le besoin d’uriner dans l’espace public pose également des enjeux autour du <a href="https://silogora.org/la-pratique-du-pipi-sauvage-dans-lespace-public-parisien-entre-representations-et-assignations-de-genre/?print-posts=pdf">corps des femmes</a>. Les femmes, ne peuvent pas aussi facilement que les hommes, uriner dans l’espace public. Lorsqu’elles le font, elles sont vulnérables, face au risque accru d’agressions sexuelles.</p>
<p>Entre l’espace privé ou public, quand elles sont partagées ou impensées comme dans le cadre des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7907573/">soins hospitaliers</a> – les effets sociaux et émotionnels de la défécation dans un contexte hospitalier sont tout aussi répugnants, tant pour les patients que pour les professionnels et autres prestataires de soins –, l’installation et la gestion des toilettes prennent une importance réelle et peuvent même également être des enjeux de richesse.</p>
<h2>Un enjeu hautement politique</h2>
<p>Au-delà des tabous, des non-dits ou encore des processus d’<a href="https://www.liberation.fr/livres/1998/07/02/alain-roger-tout-paysage-est-un-produit-de-l-art_242859/">artialisation</a>, les toilettes sont au cœur de nos pratiques quotidiennes mais aussi des politiques publiques. Elles constituent donc un objet d’étude qui, loin d’être anecdotique, se trouve au croisement des enjeux du corps et de l’intimité, des mécanismes de différenciation et de hiérarchisation sociale, d’économies importantes et de questionnements éthiques.</p>
<p>Qu’elles soient visibles ou non, de haute technologie ou rudimentaires, qu’on en parle au pluriel (« les toilettes »), de manière plus hygiéniste (« le sanitaire ») ou avec familiarité (le « petit coin »), la question des toilettes est à la fois universelle et encore peu envisagée par les sciences humaines, même s’il y a récemment eu une relative vivacité académique pour le sujet Nous pouvons citer par exemple un <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100723760">essai</a> sur les toilettes publiques, le <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/">programme de recherche et action</a> sur les systèmes alimentation/excrétion et la gestion des urines et matières fécales humaines, ou encore <a href="https://calenda.org/1094070">l’appel à textes</a> pour un numéro spécial de la revue <a href="https://journals.openedition.org/suds/"><em>Suds</em></a>. Un début pour voir le petit coin plein de non-dits comme un grand témoin des enjeux de notre époque.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans les différents pays du monde, l’implantation des toilettes publiques se fait selon des modalités qui reflètent les rapports sociaux et économiques existants.Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Université de BordeauxAlice Corbet, Anthropologue, LAM, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2176002023-11-29T17:20:56Z2023-11-29T17:20:56ZFrance-Inde : un partenariat de plus en plus stratégique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561575/original/file-20231124-24-ag3fle.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron, accompagné notamment du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, échange avec Narendra Modi lors du G20 de New Delhi, le 10 septembre 2023.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1700804801464762673">Compte Twitter officiel d'Emmanuel Macron</a></span></figcaption></figure><p>« L’Inde aura un rôle déterminant pour notre avenir ; c’est aussi un partenaire stratégique et un pays ami », <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elysee/14-juillet-macron-a-decerne-la-grand-croix-de-la-legion-d-honneur-au-premier-ministre-indien-modi_AD-202307140259.html">déclarait</a> Emmanuel Macron quelques minutes après avoir décerné la grande croix de la Légion d’honneur au premier ministre Narendra Modi le 14 juillet 2023, invité à assister au traditionnel défilé sur les Champs-Élysées.</p>
<p>Il est vrai que depuis la signature d’un <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/inde/le-partenariat-strategique-franco-indien-en-4-questions/">partenariat stratégique en 1998</a>, la relation bilatérale franco-indienne a connu un essor sans précédent dans plusieurs domaines : culturel, économique, diplomatique, mais surtout stratégique. L’énergie nucléaire, l’aérospatiale, la recherche et développement, l’exportation d’armements et les exercices militaires conjoints sont autant de secteurs clés qui favorisent le développement de cette relation.</p>
<p>Depuis 2018, ce partenariat stratégique intègre une forte dimension Indo-Pacifique. Par la voix de leurs chefs d’État respectifs, <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/05/03/discours-a-garden-island-base-navale-de-sydney">Emmanuel Macron</a> et <a href="https://www.mea.gov.in/Speeches-Statements.htm">Narendra Modi</a>, les deux pays ont, chacun, formalisé sa propre stratégie Indo-Pacifique en 2018, à quelques mois d’intervalle.</p>
<h2>Une longue histoire commune</h2>
<p>La France et l’Inde entretiennent une relation bilatérale ancienne, remontant au XVII<sup>e</sup> siècle. À l’époque, Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, poursuivit l’ambition de bâtir un <a href="https://www.lesindessavantes.com/ouvrage/la-france-et-linde-des-origines-a-nos-jours/">empire colonial en Asie du Sud</a>. Cinq « comptoirs indiens » restèrent d’ailleurs sous souveraineté française jusqu’en 1954 : Pondichéry, Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor.</p>
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<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, les deux pays ont maintenu de bonnes relations symbolisées par le respect exprimé entre leurs chefs d’État respectifs : <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1962/09/25/m-nehru-a-invite-le-general-de-gaulle-a-se-rendre-en-inde_2371950_1819218.html">Jawaharlal Nehru et Charles de Gaulle</a>, Jacques Chirac et Indira Gandhi (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=JeTWGUJ0FZY">parfaitement francophone</a>), et désormais Emmanuel Macron et Narendra Modi (ce qui vaut d’ailleurs au président français des <a href="https://www.nouvelobs.com/opinions/20230710.OBS75561/emmanuel-macron-doit-sortir-de-son-silence-sur-les-abus-generalises-en-inde.html">critiques régulières de la part des ONG de défense des droits humains</a>, du fait de la politique conduite dans ce domaine par le premier ministre indien).</p>
<p>Par ailleurs, la France a été l’un des seuls pays à <a href="https://www.eoiparis.gov.in/page/india-france-economic-and-commercial-relations-brief">ne pas condamner</a> les essais nucléaires indiens en 1998 et soutient l’Inde dans son objectif de <a href="https://in.ambafrance.org/Relations-politiques-et-partenariat-strategique">devenir membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631232889940504576"}"></div></p>
<p>Identifiables comme de <a href="https://www.canalacademies.com/emissions/partager-le-savoir-le-francais-en-partage/les-alliances-francaises/valery-giscard-destaing-au-31%3Csup%3Ee%3C/sup%3E-colloque-de-lalliance-francaise">« grandes puissances moyennes »</a> selon une formule employée en 2009 par Valéry Giscard d’Estaing et qui semble toujours d’actualité aujourd’hui – l’Inde n’est toujours pas membre du Conseil de sécurité de l’ONU, les capacités opérationnelles de son armée sont limitées et la croissance de son économie compense à peine une démographie annuelle conséquente –, les diplomaties française et indienne ont régulièrement adopté des politiques étrangères convergentes, notamment lors de la guerre en Irak en 2003, marquées par une volonté d’autonomie stratégique dans la pratique de leurs politiques étrangères respectives et un rejet des politiques de blocs.</p>
<p>Si la France est aujourd’hui bien ancrée dans le camp occidental en tant que membre de l’OTAN, et l’Inde un acteur majeur du « sud global » à travers sa participation aux BRICS, les deux pays revendiquent toujours une politique étrangère indépendante.</p>
<p>Cette vision commune des relations internationales a permis à l’Inde et la France de développer un <a href="https://www.defense.gouv.fr/actualites/focus-partenariat-strategique-entre-linde-france">partenariat de défense approfondi</a>.</p>
<h2>Partenariat de défense</h2>
<p>Au lendemain de son indépendance en 1947, l’Inde ne veut pas dépendre exclusivement de l’ancien colonisateur britannique. Elle se tourne alors vers la France pour acheter du matériel militaire. En 1953, <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/pourquoi-l-inde-veut-s-offrir-le-rafale-599687.html">120 avions de chasse</a> de type Ouragan sont achetés au constructeur aéronautique français Dassault. L’embargo déclaré en 1965 sur les ventes d’armes à l’Inde pour donner suite aux guerres indo-pakistanaises est levé côté français dès 1966. Depuis, les ventes d’armements français en Inde sont en pleine expansion.</p>
<p><a href="https://www.sipri.org/databases/armstransfers">Sur la période 2002-2023</a>, la France est le deuxième fournisseur d’armement indien après la Russie, tandis que l’Inde est le principal client français. Plusieurs contrats sont emblématiques : six sous-marins de classe <a href="https://www.naval-group.com/fr/mise-en-service-de-lins-vagir-le-cinquieme-sous-marin-scorpener-de-classe-kalvari-entierement">Scorpène « indianisés »</a> réalisés par les chantiers de Bombay sont désormais en service et 36 avions de chasse Rafale ont été livrés entre 2020 et 2022.</p>
<p>En 2023, à l’issue du 14 juillet, l’Inde <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/l-inde-officialise-l-achat-de-26-rafale-marine-et-de-trois-sous-marins-a-la-france-969706.html">a annoncé l’acquisition</a> de trois sous-marins et de 26 avions Rafale supplémentaires.</p>
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<p>Exporter de l’armement n’est pas un acte neutre, dénué de tout intérêt politique, car cela <a href="https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/fiche_produit/pdf/3303331600732_EX.pdf">entraîne une diffusion</a> de standards d’entraînement, de culture opérationnelle, d’accoutumance technologique et de mise en application doctrinale. La vente d’armes verrouille une relation de défense à laquelle se superposent des intérêts géopolitiques et économiques.</p>
<p>À ces coopérations civilo-militaires s’ajoute la <a href="https://www.defense.gouv.fr/marine/actualites/mission-jeanne-darc-23-exercice-conjoint-franco-indien-frinjex-2023">multiplication d’exercices militaires bilatéraux</a> et multilatéraux ainsi que la participation active à des forums régionaux (<a href="https://www.ions.global">Indian Ocean Naval Symposium</a>, <a href="https://www.iora.int/en">Indian Ocean Rim Association</a>).</p>
<h2>Le tournant Indo-Pacifique</h2>
<p>En 2021, l’<a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2022/04/Asia-Focus-178-Paco-Milhiet.pdf">AUKUS</a>, un accord triparti entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni a entraîné l’annulation d’un contrat de sous-marin franco-australien. Depuis, la stratégie indo-pacifique française favorise le développement de ses relations avec les pays de l’océan Indien. Ce nouveau schème stratégique libère une marge de manœuvre pour la diplomatie française afin de renforcer ses liens avec d’autres pays de la zone, prioritairement l’Inde, désormais pierre angulaire de sa politique extérieure en Indo-Pacifique.</p>
<p>Preuve s’il en est, le 14 juillet 2023, le premier ministre indien, Narendra Modi, était <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-vendredi-14-juillet-2023-8320448">l’invité d’honneur</a> du défilé militaire sur les champs Elysées. Des <a href="https://www.bfmtv.com/societe/240-soldats-indiens-defilent-sur-les-champs-elysees_VN-202307140278.html">troupes indiennes ont défilé</a> tandis que des Rafale indiens <a href="https://www.bfmtv.com/societe/14-juillet-trois-avions-rafale-indiens-survolent-le-ciel-de-paris_VN-202307140271.html">survolaient</a> l’avenue parisienne.</p>
<p>Quelques instants plus tard, les diplomaties indiennes et françaises publiaient un <a href="https://www.mea.gov.in/bilateral-documents.htm">communiqué conjoint</a> pour célébrer les 25 ans du partenariat stratégique. Intitulé « Horizon 2047 : 25<sup>e</sup> anniversaire du partenariat stratégique entre l’Inde et la France, vers le centenaire des relations franco-indiennes », une <a href="https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/15/e8eae5f6be3ec256f7c8b5a89c072610ceb54381.pdf">« feuille de route »</a> énumérait 12 points comme autant de piliers d’une collaboration dans l’ensemble régional Indo-Pacifique : fonds marins, espace, coopération maritime, alliance solaire, campus franco-indien, Pacifique océanien.</p>
<h2>L’île de La Réunion, laboratoire des relations franco-indiennes</h2>
<p>Un territoire français de l’océan Indien, l’île de La Réunion, illustre cette nouvelle composante indo-pacifique de la relation franco-indienne.</p>
<p>La France, puissance riveraine de l’Indo-Pacifique à travers l’exercice de sa souveraineté dans ses collectivités d’outre-mer, entend utiliser l’île de La Réunion comme un relais de la bonne entente franco-indienne. Une grande partie de la population réunionnaise est d’origine indienne et un consulat indien sur l’île de La Réunion est ouvert depuis 1983. Depuis 2018, les deux pays ont signé un accord de <a href="https://www.geostrategia.fr/accord-militaire-inde-france-dans-locean-indien-vers-un-partenariat-strategique-renforce/">coopération logistique</a> donnant un accès à la base de La Réunion aux forces navales indiennes.</p>
<p>Des patrouilles conjointes impliquant un avion <a href="https://www.opex360.com/2019/10/30/linde-va-deployer-un-avion-de-patrouille-maritime-a-la-reunion-pour-des-missions-de-surveillance/">P8I indien</a> sont régulièrement effectuées. Grâce à son champ d’action de 2 200 km, cet appareil peut couvrir et surveiller depuis La Réunion une partie de la côte orientale de l'Afrique, ce qui constitue une plus-value stratégique considérable pour les forces armées indiennes. L’île de La Réunion devient donc progressivement une plate-forme stratégique de la collaboration militaire franco-indienne dans la zone.</p>
<h2>Une collaboration dictée par les intérêts nationaux</h2>
<p>Les stratégies française et indienne servent avant tout les impératifs nationaux propres à chacun des deux pays. Pour la France, il convient d’apparaître comme une puissance régionale légitime et de diversifier ses partenaires étrangers. Pour l’Inde, les relations tumultueuses avec le puissant voisin chinois et le rival pakistanais restent le facteur géopolitique déterminant.</p>
<p>Chaque stratégie comporte donc des spécificités et peut parfois restreindre les perspectives de collaborations franco-indiennes, notamment dans leur rapport avec les deux grandes puissances américaine et chinoise, et surtout vis-à-vis de la Russie, qui, depuis son invasion de l’Ukraine, reste un partenaire majeur de l’Inde.</p>
<p>Mais ces divergences n’affecteront pas la relation bilatérale à court terme. La relation franco-indienne reste au beau fixe, particulièrement en Indo-Pacifique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Inde et la France cultivent depuis plusieurs décennies une relation privilégiée, notamment sur le plan militaire.Paco Milhiet, Visiting fellow au sein de la Rajaratnam School of International Studies ( NTU-Singapour), chercheur associé à l'Institut catholique de Paris, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143162023-09-26T16:45:06Z2023-09-26T16:45:06ZAssassinat, indépendantisme sikh, terrorisme… Voici pourquoi la relation entre l’Inde et le Canada est sous tension<p>La déclaration du premier ministre canadien, Justin Trudeau, à la Chambre des communes, le 18 septembre dernier, en a surpris plusieurs, tant au pays que sur la scène internationale : le Service de renseignement de sécurité du Canada (SCRS) soupçonne que des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2011272/justin-trudeau-inde-assassinat-sikh">agents du gouvernement indien soient derrière le meurtre du citoyen canadien d’origine indienne et pendjabi, Hardeep Singh Nijjar</a>, le 18 juin à Surrey, en Colombie-Britannique. </p>
<p>Depuis la déclaration de Justin Trudeau, les médias indiens ne cessent de présenter le Canada (et son premier ministre) comme un pays offrant refuge au terrorisme khalistani.</p>
<p>Cette crise binationale a de multiples répercussions, tant <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/22/le-canada-s-enfonce-dans-la-crise-diplomatique-avec-l-inde-au-risque-de-s-isoler-sur-la-scene-internationale_6190408_3210.html">diplomatiques</a> qu’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012491/impact-tensions-canada-inde-inquietudes-investisseurs">économiques</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2012739/canada-inde-torontois">sociales</a>. Ses enjeux dépassent cette accusation d’assassinat commandité. Pour mieux comprendre les forces en présence, je vous propose, comme directeur du Centre d’études et de recherches sur l’Inde, l’Asie du Sud et sa diaspora à l’UQAM, un petit retour dans l’histoire récente du sous-continent indien et ses répercussions au Canada. </p>
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<a href="https://theconversation.com/la-crise-agricole-en-inde-provoque-un-imbroglio-politique-avec-le-canada-152596">La crise agricole en Inde provoque un imbroglio politique avec le Canada</a>
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<h2>Le Khalistan rêvé</h2>
<p>La décolonisation du sous-continent indien en 1947 a permis la création de deux nouveaux états-nations : l’Inde et le Pakistan. Cette partition a conduit à l’une des plus massive et tragique migrations humaines de l’histoire contemporaine, avec 10 millions de personnes déplacées et près d’un million de victimes. </p>
<p>Le Pendjab, grenier à blé de l’Asie du Sud, a été divisé entre le Pakistan (musulman) et l’Inde (majoritairement hindoue). Cette partition a laissé un goût amer aux Pendjabis, majoritairement d’allégeance sikhe — le sikhisme est cette nouvelle religion, instaurée au XVI<sup>e</sup> siècle et combinant plusieurs éléments de l’hindouisme et de l’islam. C’est ainsi qu’est né un mouvement de revendication pour la création d’un pays indépendant, niché au Pendjab, entre l’Inde et le Pakistan : le Khalistan.</p>
<p>Dans les années 1980, les conflits entre l’armée indienne et différentes factions militantes pour la création du Khalistan se sont accrus. En 1984, Indira Gandhi, première ministre de l’Inde à l’époque, a donné le feu vert à l’armée indienne pour envahir le Temple d’Or à Amritsar, lieu central de la foi sikhe. La communauté, en Inde et de par le monde, en a été profondément choquée. Dans les semaines qui ont suivi, Indira Gandhi a été assassinée par ses deux gardes du corps — sikhs — et un pogrom anti-sikh s’en est suivi dans l’ensemble de l’Inde : 3 000 d’entre eux ont été brutalement assassinés à Delhi, et entre 8 000 et 20 000 autres dans l’ensemble du pays. </p>
<p>Depuis, le désir de la création d’un état khalistani indépendant demeure présent chez la grande majorité de sikhs/Pendjabis, que ceux-ci vivent en Inde ou à l’étranger. Il importe cependant de noter que, comme dans toute communauté, des divisions importantes sont présentes au sein de leur communauté : alors que la majorité soutient le mouvement khalistani, elle rejette la violence pour l’atteinte de leur objectif.</p>
<h2>Une relation fragile et tendue</h2>
<p>Les premiers Indiens qui arrivent au Canada (une ancienne colonie britannique) sont d’allégeance sikhe, de langue pendjabi, et près de 5 000 d’entre eux s’installent en Colombie-Britannique au tout début du XX<sup>e</sup> siècle. Mais ce n’est qu’après 1971 que s’entame une immigration continue depuis l’Inde, et encore plus dans les années 80, alors que les tensions communautaires entre sikhs et hindous sont fortes en Inde. Plusieurs sikhs pendjabis sont alors accueillis par le Canada en tant que réfugiés politiques. </p>
<p>Forte de 771 790 membres lors du dernier recensement en 2021, la communauté sikhe canadienne est la plus grande hors de l’Inde. Le Canada compte 828 195 citoyens d’allégeance hindoue, portant ainsi le ratio sikh/hindou à prêt de 50/50, alors qu’en Inde, les sikhs ne représentent qu’à peine 3 % de la population.</p>
<p>Bien que l’Inde soit centrale à la <a href="https://www.international.gc.ca/campaign-campagne/indo-pacific-pacifique/index.aspx?lang=fra#:%7E:text=La%20strat%C3%A9gie%20pour%20l%27Indo,pays%20et%20%C3%A0%20l%27%C3%A9tranger.">Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique</a> adoptée en 2022, les relations bilatérales entre les deux pays battent de l’aile depuis plusieurs années. </p>
<p>D’une part, il faut rappeler <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Air_India_182">l’explosion du vol Air India 182</a> en partance de Toronto vers New Delhi en 1985 : cet attentat à la bombe est la pire attaque terroriste dans l’histoire du Canada et, avant le 11 septembre 2001, dans l’histoire de l’aviation civile internationale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lattentat-terroriste-le-plus-meurtrier-au-canada-a-tue-82-enfants-qui-se-souvient-deux-119211">L'attentat terroriste le plus meurtrier au Canada a tué 82 enfants... Qui se souvient d'eux?</a>
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<p>L’implication directe du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Babbar_Khalsa">Babbar Khalsa</a>, un groupe extrémiste sikh basé en Colombie-Britannique, a été confirmée. Le groupe a été classé comme organisation terroriste par le Canada dans les mois qui ont suivi. Un des inculpés a été reconnu coupable d’homicide involontaire, et un autre individu, suspecté d’être l’une des têtes dirigeantes du complot, a été tué par les autorités policières indiennes le 14 octobre 1992, en Inde. </p>
<p>L’Inde reproche toujours au Canada de ne pas avoir mené à fond l’enquête et le processus judiciaire dans cette affaire. </p>
<p>D’autre part, soulignons que les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pokhran-II#:%7E:text=Pokharan%2DII%20est%20le%20nom,%C3%A9t%C3%A9%20men%C3%A9e%20en%20mai%201974.">cinq essais nucléaires indiens en 1998 (Pokharan II)</a> ont été possibles grâce à l’utilisation d’uranium canadien mis à la disposition de l’Inde pour utilisation uniquement civile. Le premier ministre canadien de l’époque, Jean Chrétien, avait lui-même négocié, 22 ans plus tôt en tant que ministre de l’Industrie, cette entente avec l’Inde. </p>
<p>De part et d’autre, la confiance entre les deux pays est fragile.</p>
<h2>Un citoyen d’intérêt</h2>
<p>Le bras de fer qui oppose présentement le Canada et l’Inde repose donc sur le fait que l’Inde aurait orchestré l’assassinat d’Hardeep Singh Nijjar.</p>
<p>Originaire de Jalandhar, au Pendjab, Nijjar a émigré vers le Canada en 1996. Selon le gouvernement indien, il serait membre du Babbar Khalsa international et aurait participé à l’attentat à la bombe de Ludhiana, au Pendjab, en 2007. En 2020, le gouvernement indien ajoute officiellement son nom à sa liste de « terroristes actifs ». </p>
<p>Nijjar a été l’un des organisateurs d’un référendum sur l’indépendance du Khalistan à Brampton, en Ontario, en septembre 2022 — activité tout à fait légale au Canada, mais qui ne serait aucunement tolérée en territoire indien. </p>
<p>En novembre dernier, l’Inde dépose au Canada une demande formelle d’extradition pour Nijjar. Il est assassiné sept mois plus tard. Rappelons ici qu’un processus d’extradition, peu importe le pays, est complexe, exige l’intervention d’Interpol, et prend plusieurs mois, voire des années.</p>
<h2>Un conflit indien… au Canada</h2>
<p>De prime abord, le conflit actuel en est un entre deux nations. Mais si l’on regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit davantage d’un conflit intranational indien qui s’exporte, inévitablement, dans les pays où s’est établie une population d’origine indienne. Mais ce conflit interne évolue dans un contexte canadien, où règne une Charte des droits et libertés qui protège la liberté d’expression. </p>
<p>Au Canada, on peut parler d’indépendance de la Catalogne, de l’Écosse, du Québec et du Khalistan. La liberté d’expression y est garantie, tant qu’elle n’incite pas à la violence. En Inde, cependant, on ne peut parler publiquement d’indépendance (khalistanie, kashmiri ou de certaines provinces du nord-est) sans craindre l’emprisonnement. De plus, le parti actuellement au pouvoir œuvre depuis plus de neuf ans à présenter la majorité hindoue comme étant opprimée par les diverses revendications des minorités religieuses et culturelles. </p>
<p>À cet égard, il est intéressant de noter que lors de la <a href="https://theconversation.com/la-crise-agricole-en-inde-provoque-un-imbroglio-politique-avec-le-canada-152596">grève agricole qui avait immobilisé New Delhi pendant près de neuf mois</a> en 2020-2021, protestation qui a mobilisé les fermiers de l’ensemble de l’Inde et de toute allégeance religieuse, le gouvernement, afin de manipuler l’opinion publique hindoue, affirmait que ces manifestations étaient orchestrées par les mouvements terroristes khalistanis.</p>
<p>Les propos du premier ministre Trudeau, <a href="https://www.lesoleil.com/2020/12/04/trudeau-persiste-et-signe-dans-sa-defense-des-agriculteurs-indiens-8eb3453ca4225a9741fafa93e6857506/">qui affirmait alors que le Canada défendrait toujours le droit de manifester sans violence</a>, avaient été présentés dans les médias indiens comme un support inconditionnel envers les mouvements d’indépendance terroristes khalistanis. </p>
<p><a href="https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/pblc-rprt-trrrsm-thrt-cnd-2018/index-en.aspx">Des mouvements radicaux sikhs sont présents au Canada, tout comme le sont certaines tendances extrémistes hindoues</a>, tel le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rashtriya_Swayamsevak_Sangh">Rashtriya Swayamsevak Sangh</a> (RSS). Il importe de souligner, d’une part, que la <a href="https://www.tsas.ca/wp-content/uploads/2023/03/Jhinjar_KnightREsearchBriefV2.pdf">grande majorité des Canadiens d’allégeance hindous ou sikhe ne sont pas radicaux</a> et, d’autre part, que le <a href="https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/pblc-rprt-trrrsm-thrt-cnd-2018/index-en.aspx">SCRS est fort conscient de la présence de factions plus radicales sur son territoire</a>.</p>
<h2>Cap sur une troisième élection majoritaire</h2>
<p>L’Inde est présentement courtisée par les puissances « occidentales » afin de faire contrepoids à la présence chinoise dans l’Indo-Pacifique. Le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad), cette alliance stratégique entre les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde, en est un bon exemple. Malgré le déclin de la démocratie en Inde, peu de pays osent critiquer son gouvernement. </p>
<p>Cela dit, le Canada ne pouvait passer sous silence l’implication potentielle de l’Inde dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar sur son territoire national. Justin Trudeau aurait discuté de la situation avec son homologue indien lors de la rencontre du G20 en Inde et, une fois de retour au pays, a présenté celle-ci aux citoyens canadiens.</p>
<p>Nous sommes à l’aube des élections fédérales indiennes. En avril et mai 2024, près d’un milliard d’électeurs et d’électrices auront le privilège d’exprimer leur voix. La stratégie électorale du BJP, actuellement au pouvoir, est d’accentuer le clivage entre hindous et les membres des autres minorités religieuses. Il s’agit d’attiser, chez la majorité, le sentiment d’être opprimés au sein de leur propre nation, tout comme le seraient les hindous ailleurs dans le monde. L’Inde vient ainsi de mettre en garde ses citoyens (hindous) sur le territoire canadien <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1918000/avertissement-delhi-crimes-toronto">contre d’éventuels « actes haineux »</a> à leur endroit, lire plutôt des représailles émanant de groupes terroristes khalistanis. </p>
<p>Les médias indiens — contrôlés majoritairement par les conglomérats <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/OXAN-DB276482/full/html">Adani</a> et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/OXAN-DB272755/full/html">Ambani</a>, tous deux très proches de Narendra Modi — collaborent activement à cette stratégie politique. Il va sans dire que le BJP a tout intérêt à maintenir et construire son discours sur le Canada comme terre d’asile pour les terroristes khalistanis, présentant ainsi un premier ministre indien bombant le torse et défendant les intérêts des <a href="https://academic.oup.com/jaar/article/90/4/805/7205783">« pauvres hindous persécutés », en Inde, comme au Canada</a>. </p>
<p>Pour le BJP, les relations indo-canadiennes pèsent peu comparativement à une élection majoritaire au printemps prochain, menant ainsi à un troisième mandat de cinq ans pendant lequel le BJP et son organisation paramilitaire, le RSS, pourraient installer encore plus profondément leur nationalisme ethnoreligieux (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindutva"><em>hindutvā</em></a>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214316/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Boisvert a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Gouvernement du Québec (Ministère des relations internationales et de la Francophonie), du Gouvernement du Canada (Affaires Mondiales Canada) et de l'Institut indo-canadien Shastri. </span></em></p>Les relations entre l’Inde et le Canada sont teintées par la présence dans ce pays d’importantes communautés sikhes et hindoues, qui y transposent leurs aspirations, tensions et frustrations.Mathieu Boisvert, Directeur, Centre d'études et de recherches sur l'Inde, l'Asie du Sud et sa diaspora et professeur au Département de sciences des religions, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129222023-09-24T15:32:40Z2023-09-24T15:32:40ZLe pays le plus peuplé du monde peut-il fournir des emplois à sa jeunesse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548687/original/file-20230917-36057-kzuxov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5356%2C3551&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mumbai, août 2017. Les Indiens migrent en grand nombre des campagnes aux villes, et dernièrement des villes aux campagnes, dans l’espoir de trouver un emploi.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mumbai-india-august-8-2017-falling-1107077855">Emmanuel Nalli/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques mois, l’Inde est officiellement devenue le <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/inde-pays-le-plus-peuple">pays le plus peuplé du monde</a>, comptant 1,4 milliard d’habitants. Alors qu’elle a longtemps été considérée comme un pays pauvre, son économie surpasse désormais celle de son ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, et se classe au cinquième rang mondial, tandis que son taux de croissance est <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/inde-le-pib-a-progresse-de-7-2-en-2022-23-20230531">l’un des plus élevés au monde</a>.</p>
<p>Ces indicateurs peuvent faire oublier les fragilités structurelles de l’économie indienne, au premier rang desquelles l’emploi et la pauvreté. <a href="https://pip.worldbank.org/country-profiles/IND">45 % de sa population vit avec moins de 3,65 dollars par jour</a>, et elle ne se place qu’au <a href="https://www.imf.org/external/datamapper/PPPPC@WEO/IND?zoom=IND&highlight=IND">127ᵉ rang mondial en termes de PIB par habitant</a>. Les taux de croissance spectaculaires de l’économie indienne au cours des vingt dernières années n’auront permis qu’une amélioration modeste des conditions de vie d’une vaste majorité d’Indiens. L’emploi est le principal canal de transmission de la croissance économique vers l’amélioration des conditions de vie ; or il est devenu un sujet majeur d’inquiétude.</p>
<h2>Une croissance sans emploi ?</h2>
<p>Une expansion économique qui ne créerait pas d’emplois ne saurait induire du développement humain. Et en Inde, l’élasticité emploi de la croissance, c’est-à-dire la variation en pourcentage du nombre d’emplois pour 1 % de croissance, n’a cessé de baisser depuis les années 1970. Elle était de 0,44 au début des années 2000, ce qui signifie que moins d’un demi-emploi est créé pour chaque point de croissance, et a continuellement décliné depuis, jusqu’à devenir négative en 2014 : la croissance détruisait alors des emplois.</p>
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<p>La croissance était alors qualifiée de « sans emploi » ou <a href="https://www.almendron.com/tribuna/wp-content/uploads/2013/03/Joblessness_Informalization_in_India.pdf">« jobless growth »</a>. Elle s’établit depuis aux alentours de 0,01. Cela signifie qu’un taux de croissance de 7,2 %, (celui enregistré sur l’année fiscale 2022-2023) permettrait de créer <a href="https://www.cmie.com/kommon/bin/sr.php?kall=warticle&dt=20220425122826&msec=57">6 millions d’emplois</a>, tandis que la population active croît de 10 millions d’individus par an, et alors que seuls 4 Indiens sur 10 en âge de travailler cherchent ou ont un emploi.</p>
<p>Cette fin de transition démographique et cet accroissement associé de la population active soulignent l’acuité de la question de l’emploi.</p>
<h2>L’emploi repose avant tout sur le secteur manufacturier</h2>
<p>La piètre capacité de la croissance indienne à créer des emplois trouve son origine d’une part dans le développement bridé du secteur manufacturier, et d’autre part dans l’essor précoce du secteur des services.</p>
<p>Au cours des années 1970, l’introduction conjuguée de deux législations a entravé la croissance des unités de production et leur capacité à bénéficier d’économies d’échelle.</p>
<p>Premièrement, les <a href="https://www.ilo.org/dyn/natlex/natlex4.detail?p_lang=fr&p_isn=5215">amendements de l’« Industrial Disputes Act »</a> en 1976 et 1984, ont introduit des rigidités sur le marché du travail, incitant les entreprises à recourir au travail informel, par ailleurs moins onéreux. Le coût moyen du travail baissant, les industries ont préféré utiliser ce facteur aux dépens du capital. L’intensité capitalistique du secteur était donc relativement faible, de même que la productivité du travail.</p>
<p>D’autre part, une réglementation a été introduite au cours des années 1970 et 1980 pour réserver la production de certains biens à de petites unités, ce qui a entravé l’accroissement de la taille des unités de production.</p>
<p>La conjugaison de ces deux phénomènes – salaires bas et protection des petites unités de production – a découragé le recours au capital et limité la capacité de ces industries à bénéficier d’économies d’échelle. L’emploi dans le secteur manufacturier était alors relativement abondant, mais la productivité du travail y était faible.</p>
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<p>Au moment où, dans les années 1990 et au début des années 2000, l’Inde s’est lancée, en partie sous l’égide du FMI, <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2006-3-page-189.htmInternational">dans l’ouverture et la libéralisation de son économie</a>, les mesures de protection de ces petites industries ont été retirées. Ces dernières se sont alors trouvées confrontées non seulement à la concurrence interne mais également à celle des importations.</p>
<p>Elles ont cherché à accroître leur taille, en privilégiant le recours au capital au détriment du travail. La croissance du secteur manufacturier qui s’en est suivie s’est appuyée sur une hausse de la productivité du travail, tandis que son contenu en emplois a été faible. Ainsi, entre 2011 et 2018, le secteur manufacturier a connu un taux de croissance moyen de 5,8 %, <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.IND.MANF.KD.ZG?end=2019&locations=IN&start=2011">tout en détruisant 3 millions d’emplois</a>. </p>
<h2>Un transfert intersectoriel de la main-d’œuvre trop lent</h2>
<p>La croissance de l’emploi dans le secteur manufacturier est essentielle pour l’amélioration du niveau de vie d’une grande partie de la population indienne, grâce au transfert intersectoriel de main-d’œuvre. Étant donné que 44 % de la population active est employée dans le secteur primaire – qui, par ailleurs, ne contribue qu’à 17 % du PIB – la productivité et donc la rémunération du travail agricoles sont faibles. Cette surabondance de main-d’œuvre peut en partie s’expliquer par le rôle d’assurance que joue le secteur agricole en Inde. L’emploi étant aux deux tiers informel, les travailleurs ne bénéficient d’aucun filet de sécurité, si ce n’est le travail sur la terre.</p>
<p>Ainsi, malgré une baisse tendancielle depuis trente ans de la part de la main-d’œuvre dans l’agriculture, celle-ci a à nouveau augmenté à partir de 2020 et suite aux mesures de confinement liées à l’épidémie de Covid-19. De nombreux Indiens, privés de moyens de subsistance, sont retournés dans leur village pour travailler dans les exploitations agricoles familiales. Un transfert de main-d’œuvre de l’agriculture vers l’industrie permettrait d’augmenter la productivité et donc les revenus agricoles, tandis que les rémunérations dans l’industrie sont en moyenne plus élevées.</p>
<p>De plus, compte tenu du niveau moyen de qualification de la main-d’œuvre indienne, un tiers de la population active n’a pas reçu d’instruction élémentaire. L’emploi manufacturier semble le plus à même d’absorber ces travailleurs. L’amélioration du niveau de vie de près d’un Indien sur deux dépend de ce transfert de main-d’œuvre, et donc de la création d’emplois dans l’industrie, création bien faible sur la période récente.</p>
<h2>La faible contribution du secteur des services</h2>
<p>Le secteur des services aurait également pu permettre la création d’emplois, si sa croissance n’avait pas reposé depuis les années 1980 sur des secteurs de niche extrêmement productifs requérant un niveau élevé de qualifications, tels que les services financiers, de communication ou aux entreprises. La part de ce sous-secteur dans la valeur ajoutée et l’emploi dans les services était, en 1983, respectivement de 9 % et 5 %. En 2012, il représentait 30 % de la valeur ajoutée dans les services mais n’employait que 10 % de la main-d’œuvre du secteur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701131135097733325"}"></div></p>
<p>L’expansion du secteur n’a pas conduit à une création massive d’emplois. Dans de nombreux pays comparables, les parts du secteur des services dans le PIB total et dans l’emploi sont équivalentes. En Inde, le secteur des services contribue aujourd’hui à 48 % de la création de valeur ajoutée, mais <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.SRV.TOTL.ZS?locations=IN">n’emploie que 31 % de la main-d’œuvre</a>.</p>
<p>Non seulement la source de la croissance dans les services ne permet pas une création massive d’emplois, mais encore ces emplois requièrent un niveau élevé de qualification, que peu de travailleurs indiens possèdent. Nous l’avons dit : 78 % de la population active <a href="https://data.oecd.org/eduatt/adult-education-level.htm">n’a pas dépassé le niveau secondaire</a>.</p>
<h2>L’emploi : l’enjeu central de l’avenir économique de l’Inde</h2>
<p>La création d’emplois dans l’industrie est un enjeu crucial pour l’économie indienne afin d’absorber les nombreux nouveaux entrants sur le marché du travail, de permettre le transfert de la main-d’œuvre de l’agriculture vers d’autres secteurs et donc l’amélioration des conditions de vie, et de rendre la croissance soutenable en favorisant la demande intérieure, l’économie indienne étant peu tournée, pour l’instant, vers les exportations.</p>
<p>L’importance du développement du secteur manufacturier a été reconnue par le gouvernement au travers de la mise en place de plans visant à stimuler cette industrie tels que <a href="https://www.makeinindia.com/">« Make in India »</a> ou encore le volet industriel du programme <a href="https://www.investindia.gov.in/fr-fr/atmanirbhar-bharat-abhiyaan">« Atmanirbhar Bharat »</a> ou Inde autonome, ainsi que l’assouplissement du droit du travail.</p>
<p>Entre 2020 et 2022, le secteur manufacturier a, à nouveau créé huit millions de nouveaux emplois. Bien que ces chiffres soient encourageants, ils ne sont, pour l’instant, pas à la mesure du défi, compte tenu de l’entrée massive d’actifs sur le marché du travail. L’emploi est un enjeu central de l’expansion économique et de la stabilité politique de l’Inde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212922/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Bros ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Inde connaît une rapide croissance économique, mais peine à créer des emplois en nombre suffisant pour les millions de jeunes actifs qui arrivent chaque année sur le marché du travail.Catherine Bros, Professeur des universités en économie, Université de Tours - LEO, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2132652023-09-12T21:50:34Z2023-09-12T21:50:34ZSanctions occidentales contre la Russie : l’Asie à la rescousse de Moscou<p>Avant d’envahir l’Ukraine en février 2022, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> avait, semble-t-il, anticipé les sanctions financières occidentales. Malgré celles-ci, et celles qui ont ciblé son commerce, l’économie russe a en effet affiché une relative solidité dans les mois qui ont suivi le début de la guerre. Ce résultat reflète la réallocation géographique rapide de son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/commerce-exterieur-61077">commerce extérieur</a> et sa préparation aux sanctions, avec la mise en place de nombreux circuits de contournements et un pivot manifeste vers l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, et surtout la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>.</p>
<p>En 2022, la Russie a enregistré un excédent commercial de 284 milliards de dollars vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux. Cet excédent considérable, plus du double de celui de 2019, masque néanmoins les tendances du commerce russe depuis le déclenchement du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">conflit</a>. En effet, l’excédent commercial qui atteignait près de 33 milliards de dollars en mars et avril 2022 s’est considérablement réduit depuis – 14 milliards en décembre (graphique 1a) –, mais reste toutefois supérieur à ce qu’il était en moyenne mensuelle entre 2019 et 2021 (10 milliards de dollars).</p>
<p>Sous les effets cumulés de la hausse des prix de l’énergie et de la montée en puissance progressive des sanctions, les exportations russes, après avoir progressé en début d’année, ont entamé une baisse graduelle à partir d’avril 2022 (graphique 1b). Mais, grâce à la réorientation de ses échanges vers les pays non alignés – ceux qui n’ont pas pris de sanctions à son encontre à la suite de l’invasion de l’Ukraine – la Russie a pu préserver des recettes plus élevées que celles enregistrées en moyenne entre 2019 et 2021.</p>
<h2>Un tournant commercial vers l’Asie</h2>
<p>Du côté des importations, la chute massive, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine, de 18 milliards à 8,5 milliards de dollars entre février et avril 2022, a été suivie d’une reprise lente jusqu’à un retour, au dernier trimestre 2022, au niveau mensuel moyen observé sur la période 2019-2021, essentiellement grâce à la Chine (graphique 1c).</p>
<h2>Graphique 1 : Une réallocation du commerce extérieur russe vers les pays non alignés</h2>
<p><iframe id="9iHlZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9iHlZ/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="I3Cfi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/I3Cfi/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="oNQWA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oNQWA/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En décembre 2022, cette dernière fournissait en effet 52 % des importations russes, contre 27,6 % en moyenne sur la période 2019- 2021, de quoi compenser la baisse des importations en provenance des pays alignés, essentiellement de l’Union européenne (UE) dont la part dans les importations russes n’était plus que de 24 % en décembre 2022 contre 48 % en moyenne sur la période 2019-2021. En définitive, l’Inde, la Chine et la Turquie ont offert des débouchés aux exportations russes tandis que, côté importations, la Chine a remplacé les pays alignés.</p>
<h2>De nouvelles destinations pour le pétrole russe</h2>
<p>Représentant 52 % de ses exportations en 2022, les produits pétroliers ont permis à la Russie d’engranger 238 milliards de dollars (exportations nettes) au cours de l’année. Malgré les restrictions croissantes visant ces produits, dans le but d’affaiblir ses recettes d’exportations et de rendre l’effort de guerre plus difficile, la Russie a profité de la hausse des prix de l’énergie, dans un contexte de reprise post-crise sanitaire, et de la fragmentation internationale quant aux sanctions à adopter en réponse à son agression pour maintenir, voire accroître sa rente pétrolière (graphique 2).</p>
<p>Alors qu’à partir de mars 2022, du fait des embargos mis en place rapidement, les flux à destination des États-Unis et du Royaume-Uni déclinent et atteignent, dès le mois de mai des quantités négligeables, que l’UE – un peu plus lentement – réduit ses importations (passant d’environ 12 milliards de dollars en mars à 6 milliards en décembre 2022), la Chine, et surtout l’Inde ont vu leurs importations augmenter (graphique 2).</p>
<h2>Graphique 2 : Les exportations de produits pétroliers déroutées vers l’Inde et la Chine</h2>
<p><iframe id="g2jzx" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/g2jzx/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Une relative résilience des importations</h2>
<p>Si, grâce à la Chine, les importations russes ont fait preuve de résilience, cela ne signifie pas pour autant qu’elle s’est substituée à l’Europe sur les produits sanctionnés. La Chine peut en effet avoir accru ses exportations sur les produits non sanctionnés ou les avoir augmentées au-delà de la baisse des exportations européennes vers la Russie sur certains produits sanctionnés, et peu sur d’autres, de telle sorte que l’on observe une variation des exportations chinoises d’une ampleur qui ne reflète pas la réalité de la substitution.</p>
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<p>Et c’est, d’une certaine manière, ce que l’on constate : sur plus de 2 milliards de dollars de baisses d’importations en provenance de l’UE, la compensation a été de moins de 10 %, tandis qu’elle n’a été supérieure à 80 % que pour 515 millions de dollars de baisses d’importations.</p>
<p>Ainsi, alors que la Chine est le principal pays qui a compensé les baisses d’importations en provenance d’Europe du fait des sanctions, moins de 24 % l’ont été ; le cas le plus flagrant étant celui des importations de matériel de transport en provenance d’Europe pour lesquelles plus des 75 % de la baisse – très forte – n’ont pas été compensées.</p>
<h2>Une dédollarisation en faveur du yuan</h2>
<p>En revanche, la Chine a offert à la Russie des moyens de contourner les sanctions financières. Il faut dire que depuis les sanctions liées à l’annexion de la Crimée en 2014, la banque centrale russe a non seulement fortement accumulé des réserves, mais aussi diversifié ses avoirs étrangers. Alors que la part du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dollar-85009">dollar</a> dans les réserves s’élevait à 44 % 2014, celle-ci n’était plus que de 11 % en 2022, une partie importante des réserves ayant été transférée vers le yuan et l’or : le yuan représentait 17 % des réserves et 22 % d’entre elles étaient détenues en or fin 2022 (graphique 4a).</p>
<p>Contrairement à 2014, la banque centrale s’était donc préparée aux restrictions avant l’invasion de l’Ukraine, en « dédollarisant » ses réserves de change, ce qui a permis au rouble, après s’être fortement déprécié face au dollar à la suite du déclenchement du conflit et des sanctions de février 2022, de rapidement revenir à son niveau d’avant-guerre, atteignant le taux de 54,5 roubles pour un dollar en juin 2022, niveau jamais connu depuis 2015 – en moyenne mensuelle.</p>
<p>En autorisant en septembre 2022 la Chine à payer ses achats de gaz russe en yuans et en roubles, Moscou a aussi, par ce biais, accentué la dédollarisation de l’économie russe. Cette inflexion concerne l’ensemble des exportations : ainsi, avant l’invasion de l’Ukraine, plus de 80 % des exportations étaient libellées en monnaies des pays alignés comme le dollar et l’euro, contre 12 % pour le yuan ; ce dernier atteint fin 2022 plus de 35 % dans le paiement des exportations, la part du dollar et de l’euro étant quant à elle passée sous la barre des 50 % (graphique 4b).</p>
<h2>Graphique 3 : La diversification des réserves internationales et la dédollarisation de l’économie russe en 2022</h2>
<p><iframe id="lwdtg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lwdtg/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="KI0BL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/KI0BL/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au total, l’évolution des échanges commerciaux et du rouble montre qu’il ne fallait pas attendre des sanctions occidentales un effondrement <em>immédiat</em> de l’économie russe. Leurs effets devront être appréhendés à plus longue échéance puisqu’en rendant l’effort de guerre plus difficile pour la Russie, elles devraient peser à terme sur les plans économique, financier et technologique. Ces effets commencent d’ailleurs à se faire sentir avec une dépréciation du rouble de l’ordre de 30 % depuis le début de l’année 2023 – particulièrement marquée depuis la fin du printemps – en raison notamment du poids financier de la guerre, couplé à la baisse des recettes pétrolières du fait des sanctions entrées en vigueur fin 2022.</p>
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<p><em>Cet article reprend des extraits de la lettre du Cepii de juillet-août 2023 intitulée <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13860">« Russie : sanctions occidentales et échappatoires orientales »</a> et accessible gratuitement en version intégrale sur le site du Cepii</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213265/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Mignon est conseiller scientifique au CEPII, membre du Cercle des économistes, présidente de la section 05 (sciences économiques) du CNU et secrétaire générale l'AFSE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carl Grekou et Lionel Ragot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La relative résistance de l’économie russe s’explique notamment par la place grandissante du yuan chinois dans ses échanges financiers extérieurs.Carl Grekou, Économiste, CEPIILionel Ragot, Conseiller scientifique au CEPII, professeur d'économie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresValérie Mignon, Professeure en économie, Chercheure à EconomiX-CNRS, Conseiller scientifique au CEPII, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2120632023-08-22T20:58:02Z2023-08-22T20:58:02ZLa mission indienne Chandrayaan-3 est la première à se poser au pôle sud de la Lune<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544034/original/file-20230822-19-r2ntq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C17%2C1879%2C942&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’atterrisseur Vikram devrait amener le rover jusqu’à la surface de la Lune.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.isro.gov.in/Chandrayaan3_curtainraiser_video.html">ISRO</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Ce mercredi 23 août, la mission Chandrayaan-3 de l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) déploiera son atterrisseur et son rover à la surface de la Lune. </p>
<p>Comme son nom l’indique, il s’agit de la troisième mission du programme d’exploration lunaire indien. Les destins des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_Chandrayaan">deux précédentes sondes Chandrayaan</a> ont été contrariés, et les responsables de l’agence spatiale indienne espèrent que cette troisième mission sera couronnée de succès.</p>
<p>Alors, quel est le rôle de Chandrayaan-3 ? La caméra du module d’atterrissage nous montre déjà quelques <a href="https://twitter.com/isro/status/1692476417093890282">belles images de la surface lunaire</a>. Celles-ci illustrent aussi que la séparation d’avec le module de propulsion (qui reste en orbite lunaire) est bien réussie. Maintenant, l’atterrisseur et le rover doivent démontrer que l’ISRO peut réussir un alunissage en douceur.</p>
<p>L’atterrisseur contient principalement quatre instruments, dont des instruments thermiques et atmosphériques, ainsi qu’un réseau de réflecteurs laser, qui sont utilisés pour mesurer la distance qui sépare la Terre de la Lune avec une grande précision. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="le rover Pragyan" src="https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543689/original/file-20230821-10983-3qb6yh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le rover Pragyan explorera la composition chimique de la surface.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.isro.gov.in/Chandrayaan3_curtainraiser_video.html">ISRO</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour cela, un laser de forte puissance est envoyé vers la Lune. On mesure le temps nécessaire à l’impulsion lumineuse pour faire l’aller-retour — multiplié par la vitesse de la lumière, ce temps (environ 2,5 secondes aller-retour) nous donne la distance Terre-Lune. L’atterrisseur sera également en mesure de mesurer les « tremblements de Lune », <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/moonquakes">témoins d’une activité sismique faible</a>, qui se produisent tous les mois. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/planete-mars-les-premiers-seismes-jamais-detectes-132221">Planète Mars : les premiers séismes jamais détectés</a>
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<p>La vitesse à laquelle les ondes sismiques se déplacent sur la Lune peut être utilisée pour calculer sa densité. On espère ainsi pouvoir calculer des valeurs plus précises de l’épaisseur de la croûte lunaire (sa couche la plus externe).</p>
<p>Enfin, le rover contient des instruments dont l’objectif principal est d’identifier la composition chimique de la surface lunaire par <a href="https://research.aber.ac.uk/en/studentTheses/lunar-surface-composition-from-x-ray-fluorescence-spectroscopy">spectroscopie à rayons X</a>.</p>
<h2>Les précédentes missions indiennes vers la Lune</h2>
<p>La première mission du programme, Chandrayaan-1, a été lancée en 2008. Les missions Chandrayaan-2 et Chandrayaan-3 ont des points communs technologiques avec cette première sonde. Il s’agissait d’un orbiteur et d’une sonde conçue pour atteindre la surface à grande vitesse. Au cours de la première année d’exploitation prévue, l’orbiteur a fourni des résultats inédits, notamment la <a href="https://solarsystem.nasa.gov/missions/chandrayaan-1/in-depth/">cartographie de la Lune</a> dans une gamme de longueurs d’onde et une étude de la composition de la surface lunaire — en se concentrant sur des éléments tels que le calcium, le magnésium et le fer.</p>
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<p>Mais le résultat le plus probant a sans doute été obtenu avec la sonde d’impact lunaire. Il s’agissait d’un « pénétrateur planétaire », c’est-à-dire d’un petit nombre d’instruments emballés dans de l’aluminium pour les protéger, envoyé vers la surface de la Lune. L’objectif était de préparer un rover lunaire ultérieur, mais la sonde a également permis à l’orbiteur de détecter de <a href="https://www.planetary.org/articles/2430">l’eau liquide sur la surface lunaire</a>. Jusque là, on pensait que l’eau existait sous forme de glace, cachée dans des cratères ombragés des zones polaires de la Lune.</p>
<p>L’impact à grande vitesse du pénétrateur de Chandrayaan-1 a projeté un grand nombre de particules de la surface lunaire dans l’atmosphère. L’analyse de la diffusion de la lumière solaire sur ces particules a permis de déterminer leur composition chimique.</p>
<p>Pour ces raisons, la mission Chandrayaan-1 a été considérée comme un succès, bien que la communication avec l’orbiteur ait été perdue à mi-chemin de la durée prévue de la mission.</p>
<p>L’objectif de la deuxième mission, Chandrayaan-2, était d’amener un atterrisseur et un rover sur la surface lunaire. L’orbiteur a atteint la Lune en 2019 et a largué l’atterrisseur Vikram et le rover Pragyan en direction du sol lunaire deux semaines et demie plus tard.</p>
<p>Malheureusement, dans un incident similaire à celui de Chandrayaan-1, la <a href="https://www.science.org/content/article/failure-part-game-indian-spacecraft-presumed-lost-after-moon-landing-attempt">communication a été perdue</a>. La masse combinée de l’atterrisseur et du rover de près de 1,5 tonne — à peu près le poids d’une berline — s’est écrasée à la surface.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image de la Lune depuis l’orbite" src="https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543706/original/file-20230821-15-qtirft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les caméras embarquées de Chandrayaan-3 ont déjà renvoyé des images de la Lune depuis l’orbite.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.isro.gov.in/Ch3_Video_Lunar_Orbit_Insertion.html">ISRO</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une troisième mission plus chanceuse ?</h2>
<p>Cette troisième mission échappera-t-elle à l’apparente malédiction qui a frappé les deux précédentes ? Jusqu’à présent, les choses semblent très prometteuses. La mission a été lancée le 14 juillet 2023 et communique toujours avec la Terre après cinq semaines. </p>
<p>Le déploiement de l’atterrisseur et du rover reste bien sûr le véritable défi : en cas de succès, l’Inde deviendra le quatrième pays seulement à disposer d’un rover fonctionnel sur la surface lunaire, derrière l’Union soviétique, les États-Unis, et la Chine. Ceci améliorera grandement la réputation de l’Inde en matière de lancements scientifiques dans l’espace, et l’agence aura potentiellement plus de poids pour financer la planification de futures missions.</p>
<p>En effet, un élément important de cette mission est son <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-asia-india-66530022">coût, de 75 millions de dollars</a> — un budget exceptionnellement bas pour une mission de recherche quittant la Terre, comparable au coût d’un lancement Falcon 9 de SpaceX. Ce coût peut être comparé à celui de la récente mission Artemis de la NASA, dont les coûts prévus de chaque futur lancement s’élèvent à 800 millions de dollars… sans parler des 13,1 milliards de dollars de coûts de développement au cours des vingt dernières années. </p>
<p>L’orbiteur Chandrayaan-2 fonctionne toujours, en orbite autour de la Lune. Cela signifie qu’il existe des options pour Chandrayaan-3 en cas de problème, car <a href="https://indianexpress.com/article/technology/science/failed-chandrayaan-2-mission-orbiter-chandrayaan-3-isro-8898090/">l’autre satellite peut servir de plate-forme de communication de secours</a>, ce qui réduit les risques d’échec. </p>
<p>En cas de succès, les résultats obtenus par l’atterrisseur et le rover aideront les scientifiques à repérer les futurs sites d’alunissage et les emplacements potentiels des bases lunaires. La connaissance du site d’atterrissage est essentielle pour les grandes structures, car la marge d’erreur est beaucoup plus réduite en raison des coûts plus élevés. La possibilité de construire des structures en <a href="https://theconversation.com/how-to-build-a-moon-base-120259">ressources locales telles que le béton lunaire</a> — en utilisant le sol lunaire comme matériau de construction semblable à du ciment — serait un bon moyen de réduire la masse qui doit être lancée depuis la Terre… pour autant que le matériau adéquat se trouve à proximité.</p>
<p>Personnellement, j’espère que Chandrayaan-3 sera un succès, car il apparaît de plus en plus que les entreprises privées sont en concurrence pour effectuer des missions et des explorations spatiales. Leur objectif principal étant commercial — <a href="https://theconversation.com/les-vacances-spatiales-seront-elles-bientot-a-la-portee-de-tous-164871">tourisme</a> ou <a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">collecte de ressources</a> — il est probable que les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-scientifiques-veulent-retourner-sur-la-lune-192798">découvertes scientifiques</a> seront laissées de côté, réduites à une réflexion après coup, <a href="https://theconversation.com/tourisme-spatial-quand-les-plaisirs-de-quelques-uns-polluent-la-planete-de-tous-146552">voire entravées</a>. Ainsi, chaque succès d’une agence spatiale signifie plus de données libres d’utilisation pour la communauté scientifique et le grand public.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212063/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ian Whittaker ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La sonde indienne pourrait poser les bases pour de futures missions avec des astronautes (ou des « vyomanautes »), voire pour des bases lunaires.Ian Whittaker, Senior Lecturer in Physics, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2112862023-08-15T21:08:59Z2023-08-15T21:08:59ZViolences ethniques dans l’État de Manipur : comment expliquer les atermoiements du gouvernement indien ?<p>Début août, dans l’État de Manipur (nord-est de l’Inde), l’enterrement de 35 membres de l’ethnie Kuki tués lors d’affrontements les ayant opposés à des représentants de l’ethnie Meitei, majoritaire dans cet État, a été <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/postponed-mass-burial-of-35-kukis-delayed-as-ethnic-clashes-continue-in-manipur-meitei-groups-criticize-conglomerate-101691053524061.html">remis à plus tard</a>. Les Meitei se sont en effet opposés à ce que cette inhumation collective se déroule selon le plan initialement prévu, affirmant que cela provoquerait une nouvelle montée de tensions et donc de nouvelles violences.</p>
<p>Cet épisode est le dernier en date du <a href="https://www.tribuneindia.com/news/nation/manipur-violance-explained-what-triggered-and-why-is-peace-yet-to-return-528010">conflit ethno-religieux qui ensanglante le Manipur depuis des mois</a>. Il met aux prises la communauté Meitei, qui est hindoue et compte pour un peu plus de 50 % des habitants de l’État, avec les communautés tribales Kuki et Naga, majoritairement chrétiennes.</p>
<p>Depuis le mois de mai, ces violences ont <a href="https://www.telegraphindia.com/north-east/manipur-bearing-brunt-of-violence-kukis-make-up-two-thirds-of-the-victims-says-reuters-analysis/cid/1955181">causé 80 morts</a> et contraint des milliers de personnes à fuir. Pourtant, le gouvernement central de New Delhi n’a réagi – et seulement en paroles – que lorsque les images d’une attaque choquante contre deux femmes ont été diffusées en ligne fin juillet.</p>
<p>Cette <a href="https://observers.france24.com/fr/asie-pacifique/20230721-inde-viol-manipur-ethnie-violences-kuki-meitei">vidéo insoutenable</a> a montré deux femmes Kuki forcées par un groupe d’hommes à marcher complètement nues dans les rues d’un petit village de Manipur. L’une des femmes aurait ensuite subi un viol collectif. Les médias ont indiqué que les hommes seraient issus de la communauté Meitei.</p>
<h2>L’inaction du gouvernement</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=646&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=646&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=646&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=812&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=812&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542566/original/file-20230814-17-ejl5vj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=812&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Manipur, en rouge sur cette carte, est située à la frontière du Myanmar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Les députés de l’opposition ont déposé une <a href="https://www.thestar.com/news/world/asia/india-s-modi-faces-a-no-confidence-vote-over-silence-on-ethnic-violence-tearing-at/article_17541698-0883-527e-8b52-351450d565fa.html">motion de censure</a> contre le premier ministre Narendra Modi, invoquant l’incapacité de son gouvernement à mettre fin aux violences.</p>
<p>Après que la vidéo a été largement partagée en ligne, et plus de deux mois après que les affrontements ont éclaté, Modi a fini par s’exprimer. Il a <a href="https://thewire.in/politics/seventy-nine-days-after-violence-roke-out-narendra-modi-finally-talks-about-manipur">qualifié les faits d’« incident honteux »</a> et a déclaré que les gouvernements des États devaient renforcer leurs systèmes juridiques afin de protéger les « mères et les sœurs » du pays.</p>
<p>Toutefois, il n’a pas manqué, dans cette même déclaration, de <a href="https://www.financialexpress.com/india-news/manipur-violence-video-narendra-modi-bjp-nirbhaya-moment/3184842/">rappeler des exemples</a> de violences commises dans les États dirigés par l’opposition, et n’a pas condamné les violences de manière générale. Au bout du compte, la motion de censure a été <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20230810-inde-%C3%A9chec-de-la-motion-de-censure-contre-narendra-modi-en-l-absence-de-dizaines-d-opposants">rejetée</a>, après quelques jours de débats durant lesquels Modi avait finalement accepté de s’exprimer devant le Parlement, réitérant alors des propos similaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689883091572080640"}"></div></p>
<p>Une grande partie de l’élite politique indienne a gardé un silence assourdissant ou s’est livrée à du <a href="https://thewire.in/politics/narendra-modi-manipur-response-humanity">« whataboutism »</a>, c’est-à-dire qu’elle a mis en avant d’autres faits, commis ailleurs, pour minorer la portée des événements survenus dans le Manipur. Ainsi, lorsque la ministre chargée des femmes et du développement de l’enfant, Smriti Irani, a été interrogée au Parlement sur les violences faites aux femmes au Manipur, elle a <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/india/when-smriti-irani-shouted-at-opposition-over-manipur-in-parliament/articleshow/102181242.cms?from=mdr">éludé sa responsabilité</a> et pointé du doigt les violences commises dans les États gouvernés par l’opposition.</p>
<p>Il s’agit d’une nouvelle illustration de <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3389">l’indifférence du gouvernement de l’Inde à l’égard des violences visant les femmes</a>. De même, l’administration actuelle s’est toujours montrée parfaitement apathique face aux discriminations et violences dont sont victimes les communautés marginalisées et minoritaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JYL9OnZ3itI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les femmes figurant dans la vidéo ont depuis déposé plainte auprès de la Cour suprême de l’Inde. Les avocats qui les représentent ont <a href="https://thewire.in/law/we-cant-justify-what-happened-in-manipur-by-saying-this-happened-elsewhere-sc">affirmé</a> que la police avait collaboré avec les auteurs de ces actes. Dans un communiqué, la Cour suprême a déclaré que la violence à l’encontre des femmes au Manipur avait atteint une <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/india/supreme-court-says-violence-against-women-in-manipur-unprecedented-refuses-to-hear-cases-of-other-states/articleshow/102284901.cms?from=mdr">« ampleur sans précédent »</a>.</p>
<h2>Derrière les violences</h2>
<p>Le Manipur est un petit État d’environ trois millions d’habitants situé à la frontière du Myanmar. La proximité de cette frontière a rendu le Manipur particulièrement sujet aux insurrections et aux conflits. Les cas de violences ethniques sont souvent attribués aux décennies de conflits non résolus entre divers groupes tribaux et non tribaux.</p>
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<p>Les récentes violences ont été déclenchées par la décision de la <a href="https://www.thehindu.com/news/national/other-states/manipur-high-court-directs-state-to-consider-inclusion-of-meitei-community-in-scheduled-tribes-list/article66756719.ece">Haute Cour du Manipur en avril 2023</a> d’inclure la communauté Meitei, majoritaire dans l’État, dans la liste des <a href="https://ncst.nic.in/content/frequently-asked-questions">« tribus répertoriées »</a>. Or le fait de classer un groupe dans cette catégorie confère à ses membres des garanties constitutionnelles spéciales, du moins sur le papier.</p>
<p>Pourtant, d’après de nombreux indicateurs sociaux, tels que l’accès à l’emploi et à l’éducation, la communauté Meitei <a href="https://www.reuters.com/graphics/INDIA-VIOLENCE/movakzwygva/">affiche de meilleurs résultats</a> que les autres groupes ethniques du Manipur.</p>
<p>Les communautés tribales kuki et naga <a href="https://www.outlookindia.com/national/intricacies-of-meitei-s-st-status-demand-and-the-hill-valley-divide-in-manipur-news-290275">craignent</a> que si les Meitei sont classés dans la catégorie des tribus répertoriées, leur influence politique, déjà très importante dans l’État, s’en trouvera encore renforcée. Les communautés tribales redoutent également que cela permettra aux Meitei <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-66260730">d’acheter des terres et de s’installer</a> dans les zones Kuki.</p>
<p>Le <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/08/01/modi-india-manipur-violence-rape/">conflit</a> né de ces tensions a abouti à l’incendie d’églises, à des violences sexuelles, à des meurtres et à d’autres atrocités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683781104589733891"}"></div></p>
<p>En réaction à l’explosion de violence observée en mai, les autorités du Manipur ont <a href="https://www.thehindu.com/opinion/op-ed/an-internet-ban-will-not-restore-peace-in-manipur/article67106942.ece">bloqué Internet dans l’État</a>. L’ordonnance en ce sens <a href="https://drive.google.com/file/d/1lV8EIpCIk0QausqzjphWvcNk4ejFujMi/view?ref=static.internetfreedom.in">publiée par le gouvernement</a> affirme que des « éléments antisociaux » utilisent les réseaux sociaux pour « exacerber les tensions au sein de l’opinion publique » et qu’il s’agit d’une mesure nécessaire pour arrêter la propagation de la désinformation.</p>
<p>Les blocages arbitraires d’Internet, décidés pour une grande variété de raisons, sont devenus <a href="https://www.reuters.com/article/india-internet-shutdown-idINL8N2YZ245">trop courants en Inde</a>, malgré un <a href="https://indiankanoon.org/doc/82461587/">arrêt rendu en 2020 par la Cour suprême</a> qui a déclaré que la suspension d’Internet était une « mesure drastique » que les gouvernements des États ne devaient utiliser que si elle était « nécessaire et inévitable ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-france-ou-ailleurs-couper-lacces-aux-reseaux-sociaux-pour-couper-court-aux-emeutes-209583">En France ou ailleurs, couper l’accès aux réseaux sociaux pour couper court aux émeutes ?</a>
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<h2>Pourquoi le Manipur a-t-il été tellement négligé ?</h2>
<p>Les États du nord-est de l’Inde ont longtemps été considérés par le gouvernement central comme périphériques, aussi bien du point de vue du développement que de celui de la géographie. Des États comme le Manipur ont été soumis à une <a href="https://doi.org/10.1215/15366936-8913107">« gouvernance néocoloniale »</a> et n’ont pas bénéficié d’un développement social, politique ou économique suffisant, parce qu’ils sont souvent perçus comme des « zones d’ombre amorphes » au sein de l’Inde.</p>
<p>Les habitants de la région ont souvent été <a href="https://www.outlookindia.com/website/story/the-neglected-states-of-the-nation/220206">négligés</a> et considérés comme des étrangers par le reste du pays. Les gouvernements centraux successifs ont pour la plupart jugé que ces régions devaient être militarisées, disciplinées et surveillées par des forces de police importantes.</p>
<p>Le Manipur a également été soumis à des lois abusives telles que l’<a href="https://www.mha.gov.in/sites/default/files/armed_forces_special_powers_act1958.pdf">Armed Forces Special Powers Act</a>, qui accorde aux forces armées indiennes des pouvoirs spéciaux pour maintenir l’ordre dans les « zones perturbées ». Cette militarisation a contribué à une <a href="https://www.outlookindia.com/national/intricacies-of-meitei-s-st-status-demand-and-the-hill-valley-divide-in-manipur-news-290275">violence constante</a> dans la région.</p>
<p>Le vernis démocratique de l’Inde lui a permis d’échapper à l’examen par le reste du monde des violences ethniques qui se déroulent actuellement à Manipur. L’indignation internationale concernant ces faits a jusqu’ici été minime. De fait, Modi a été accueilli avec tous les honneurs dans ces prétendus bastions de la démocratie que sont les États-Unis (fin juin) et la France (mi-juillet).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/14-juillet-pourquoi-narendra-modi-linvite-de-marque-demmanuel-macron-fait-debat-209174">14 Juillet : pourquoi Narendra Modi, l’invité de marque d’Emmanuel Macron, fait débat</a>
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<p>Durant sa visite à Washington, un journaliste a interpellé Modi sur le déclin du respect des droits de l’homme et de la démocratie en Inde. Le premier ministre a répondu que la <a href="https://www.ndtv.com/india-news/democracy-runs-in-our-veins-says-pm-to-question-on-rights-of-muslims-4144923">démocratie est dans l’ADN de l’Inde</a> et qu’elle a été instaurée pour tous, indépendamment de la caste, de la croyance, de la religion et du sexe.</p>
<p>La visite de Modi en France en juillet pour conclure de nouveaux <a href="https://www.aljazeera.com/news/2023/7/13/military-deals-in-focus-as-france-rolls-out-red-carpet-for-modi">accords de défense</a> a coïncidé avec <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/RC-9-2023-0335_EN.html">l’adoption d’une résolution</a> du Parlement européen exhortant les autorités indiennes à prendre des mesures pour mettre fin à la violence au Manipur. Toutefois, Emmanuel Macron n’a pas évoqué cette question lors de son entrevue avec lui.</p>
<p>Si des États comme les États-Unis et la France croient véritablement aux droits de l’homme, ils doivent adopter une position beaucoup plus ferme à l’égard de l’évolution actuelle de l’Inde, qui dérive vers toujours plus d’autoritarisme et d’illibéralisme. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jay Ramasubramanyam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans cet État périphérique, à la frontière du Myanmar, des violences interethniques ont déjà fait des dizaines de morts. La réaction du gouvernement central a été tout à fait insuffisante.Jay Ramasubramanyam, Assistant Professor, Law & Society Program, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2111572023-08-11T13:54:07Z2023-08-11T13:54:07ZAvec le prix des denrées qui augmentent, le Sénégal pourrait connaître de nouvelles turbulences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541798/original/file-20230808-21-49wab3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C0%2C5615%2C3732&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un manifestant lance une pierre sur la police lors d'une manifestation à Dakar, au Sénégal, le 3 juin 2023. Ces affrontements contre le régime en place pourrait être un prélude à d'autres, cette fois contre la hausse du prix des denrées. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Leo Correa)</span></span></figcaption></figure><p>La cherté du coût de la vie a souvent conduit de nombreux peuples dans la rue. Il se peut fort bien que la hausse du prix des denrées de base ait des impacts politiques au sein de plusieurs États, notamment au Sénégal. </p>
<p>Avec la suspension récente des exportations de certains types de riz en provenance d’Inde, rien n’exclut de nouvelles émeutes de la faim dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, qui vient d’être secoué par des <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/le-senegal-s-embrase-la-communaute-internationale-se-mobilise-03-06-2023-2522824_3826.php">mobilisations d’une rare violence</a> en soutien à l’opposant Ousmane Sonko, condamné à la prison par le régime en place.</p>
<p>Doctorante en science politique à l’Université d’Ottawa, mes recherches portent sur l’analyse des mouvements sociaux face à l’accaparement des terres, à l’accès des femmes aux ressources productives et à l’étude des politiques agricoles au Sénégal.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541805/original/file-20230808-11343-hkw1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des affrontements ont lieu entre des manifestants et des policiers antiémeute dans un quartier de Dakar, au Sénégal, le 3 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Leo Correa)</span></span>
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<h2>D’inquiétantes restrictions pour l’Afrique</h2>
<p>Le gouvernement indien a en effet annoncé le 20 juillet 2023 la <a href="https://www.lexpress.fr/monde/asie/linde-interdit-lexportation-de-riz-blanc-non-basmati-quelles-consequences-64UFXCYO6FBDBCG7TOHK4QBTSI/">suspension de ses exportations de riz blanc non-basmati</a>. Cette décision s’ajoute à celle de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/1380258/economie-entreprises/senegal-cote-divoire-benin-linde-complique-lapprovisionnement-en-riz/">restriction des exportations de brisures de riz et l’ajout d’une taxe de 20 % pour tout achat de paddy rice</a>. </p>
<p>Ces actions menées par le gouvernement indien ont pour objectif de limiter la hausse du coût du riz sur son territoire et faire face à sa baisse de production due à des conditions climatiques difficiles. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la pandémie de la Covid-19 et le changement climatique ont contribué à une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/04/11/l-inflation-reste-a-des-niveaux-eleves-sur-fond-de-ralentissement-de-la-croissance-mondiale_6169074_3234.html">inflation record des économies mondiales</a> ainsi qu’une hausse du coût des céréales sur les marchés mondiaux. </p>
<p>L’Ukraine et l’Inde sont les principaux exportateurs de blé et de riz à destination des pays africains. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/22/l-ukraine-et-la-russie-signent-un-accord-avec-l-onu-et-la-turquie-pour-relancer-les-exportations-de-cereales_6135808_3210.html">L’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes</a> signé en juillet 2022 a permis l’approvisionnement de <a href="https://fondation-farm.org/ble-guerre-ukraine-afrique/">800 000 tonnes de blé vers l’Afrique du Nord, contre 5 à 6 millions de tonnes avant la crise et un million à destination des pays de la Corne de l’Afrique</a> via le Programme alimentaire mondial, dont le principal fournisseur est l’Ukraine. </p>
<p>La récente décision de la Russie de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/cereales-ukrainiennes-quelles-consequences-apres-le-retrait-russe-17-07-2023-2528624_24.php">ne pas reconduire l’accord sur les exportations de céréales</a> ravive de nombreuses craintes au sein des gouvernances des États africains dont la sécurité alimentaire est déjà menacée. La <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/insecurite-alimentaire-un-africain-sur-cinq-a-eu-faim-en-2021_5250298.html">malnutrition a touché en Afrique 278 millions de personnes en 2021</a>.</p>
<h2>« On a faim, le riz est cher »</h2>
<p>Cette situation rappelle les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2008/04/17/cinq-questions-sur-la-crise-alimentaire-mondiale_1034481_3210.html">conditions qui ont conduit aux émeutes de la faim de 2008</a> en <a href="https://doi.org/10.3917/rtm.196.0927">Afrique, en Asie et en Amérique latine</a>, dus en partie à une hausse du prix des denrées vivrières et des matières premières sur les marchés mondiaux. </p>
<p>Au Sénégal, on pouvait entendre les slogans suivants, « <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/04/17/01003-20080417ARTFIG00006-crise-alimentairela-disette-menace-au-senegal.php">On a faim</a> ! », « <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/hausse-du-prix-du-riz-une-preoccupation-mondiale_1626923.html">Le riz est cher, va-t’en</a> ! » à destination du président Abdoulaye Wade. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541813/original/file-20230808-25-vo5w0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président sénégalais Abdoulaye Wade accueille son homologue français Nicolas Sarkozy, à son arrivée à Dakar, le 26 juillet 2007, un peu avant les émeutes de la faim.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Pascal Rossignol, pool)</span></span>
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<p>La chercheuse au Centre de recherche sur les systèmes climatiques de l’université de Columbia, et spécialiste de <a href="https://theconversation.com/we-simulated-how-a-modern-dust-bowl-would-impact-global-food-supplies-and-the-result-is-devastating-133662">la manière dont les changements environnementaux affectent la sécurité alimentaire</a>, <a href="https://www.alisonheslin.com/">Alison Heslin</a>, affirme qu’il existe une <a href="https://doi.org/10.1177/0022343319898227">corrélation entre l’accès à l’alimentation, l’urbanisation, la pauvreté, le type de régime politique et l’apparition d’émeutes</a>. </p>
<p>Pour Heslin, les émeutes de la faim ont une profonde nature politique. En effet, lors de ces émeutes, les demandes des participants dépassent les revendications liées à l’accès aux denrées. <a href="https://doi.org/10.1177/0022343319898227">Cet accessibilité devient une force mobilisatrice de revendications</a> sociales, économiques et politiques. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541804/original/file-20230808-30403-37xtfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des policiers tirent des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation à Dakar, le 2 juin 2023. Les affrontements entre la police et les partisans du chef de l’opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, ont fait neuf morts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Leo Correa)</span></span>
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<p>Ces éléments sont observables au sein des émeutes qui ont secoué le Sénégal en 2008, allant de protestations contre la vie chère à des revendications <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/noteafrique11antil.pdf">exigeant le départ du président Abdoulaye Wade</a>. </p>
<h2>Les difficultés de production de riz local</h2>
<p>Le riz constitue l’un des aliments de base de la cuisine sénégalaise. La production nationale ne couvre que <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/video/2023/01/31/senegal-a-quand-l-autosuffisance-en-riz_6159968_3212.html">40 % de la consommation locale</a>. L’État sénégalais dépend grandement des importations de riz indien, qui représentait en <a href="https://www.ansd.sn/sites/default/files/2023-01/NACE_2021_VERSION_FINALE-30122022-rev.pdf">2021 70,7 % des achats de riz</a>. </p>
<p>La filière rizicole sénégalaise rencontre de nombreux défis. La vallée du fleuve Sénégal, dont les rizicultures sont irriguées, fournit la majorité de la production nationale. <a href="https://www.agrimaroc.org/index.php/Actes_IAVH2/article/view/1080/1537">La Casamance produit également du riz, par culture pluviale</a>, mais le rendement est faible. Le changement climatique a un impact important : les <a href="https://www.ifad.org/documents/38714170/43334911/S%C3%A9n%C3%A9gal_IFAD+Futur+de+l%27agri.pdf/6ec32c0d-92c5-1038-0ba9-5bbdc0d8f83e?t=1625228825636#:%7E:text=Mais%20l%E2%80%99agriculture%20s%C3%A9n%C3%A9galaise%20reste,limit%C3%A9es%20des%20exploitants%20agricoles%20%C3%A0">pluies irrégulières, la salinisation et l’acidification des sols</a> limitent l’augmentation des rendements du riz local. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541801/original/file-20230808-24-8949pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des enfants transportent des sacs de riz, dans un village du Sénégal, en avril 2023. La filière rizicole sénégalaise rencontre de nombreux défis, exacerbés par le changement climatique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À la suite des émeutes de la faim de 2008, d’importants investissements ont été entrepris par le gouvernement sénégalais dans la filière rizicole à travers notamment le programme de la <a href="https://www.jeuneafrique.com/192231/archives-thematique/agriculture-les-fruits-de-la-goana/">Grande Offensive agricole pour la Nourriture et l’Abondance</a>,(GOANA). Les résultats de ce programme n’ont pas été à la hauteur des attentes des agriculteurs qui dénonçaient une <a href="http://senemag.free.fr/spip.php?article658">production de riz de contre-saison de mauvaise qualité</a> dû à l’empressement du gouvernement d’augmenter les rendements. </p>
<p>D’autres programmes se sont ajoutés au GOANA, dont le <a href="https://www.ipar.sn/IMG/pdf/2009_Prog_Nat_Autosufisance_Riz.pdf">Programme national d’Autosuffisance en Riz</a> (PNAR), mais on en est encore loin. </p>
<p>Cette production locale rencontre également des limites liées à sa commercialisation. Les ménages sénégalais ont une <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/04/17/riz-le-senegal-veille-au-grain_1722023/">nette préférence pour la brisure de riz importée d’Asie</a> par rapport au riz local qui se caractérise par de gros grains. Cette préférence alimentaire des foyers sénégalais est liée à la colonisation. Durant cette période, la <a href="https://www.alimenterre.org/le-senegal-peut-nourrir-le-senegal">France distribuait au Sénégal des brisures de riz provenant des rizières d’Indochine</a>. Il faut également noter que le prix de cette brisure de riz est également bien moins élevé que celui du riz local.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541799/original/file-20230808-19-8e9054.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président français Emmanuel Macron accueille le président sénégalais Macky Sall, le 23 juin 2023, au palais de l’Élysée à Paris, lors d’un sommet pour aider les pays en développement à mieux lutter contre le changement climatique et la pauvreté.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Christophe Ena)</span></span>
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</figure>
<h2>Déjà une profonde instabilité politique</h2>
<p>Le Sénégal fait ainsi face ces derniers mois à une profonde instabilité politique. De <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/le-senegal-s-embrase-la-communaute-internationale-se-mobilise-03-06-2023-2522824_3826.php">violentes mobilisations et des émeutes ont éclaté dans les différentes villes du pays</a> en soutien à l’opposant Ousmane Sonko, à la suite de ses récentes condamnations.</p>
<p>Cet opposant <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20220804-s%C3%A9n%C3%A9gal-qui-est-cette-jeunesse-derri%C3%A8re-le-leader-de-l-opposition-ousmane-sonko">cristallise pour ses partisans</a> une <a href="https://www.seneplus.com/opinions/pastef-le-pragmatisme-politique-en-marche-pour-roume">politique de rupture</a> avec la gouvernance de Macky Sall par sa dimension <a href="https://www.seneplus.com/opinions/pastef-le-pragmatisme-politique-en-marche-pour-roume">souverainiste</a>. Il soutient entre autres une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/13/presidentielle-au-senegal-ousmane-sonko-un-candidat-antisysteme-pas-si-rebelle-que-ca_5423134_3212.html">sortie du franc CFA, la réduction du train de vie de l’État</a> et la mise en place d’un <a href="https://senego.com/programme-du-candidat-ousmane-sonko-voici-ce-quil-souhaite-faire-pour-le-senegal_852436.html">fonds patriotique</a> pour financer les petites et moyennes entreprises et les industries nationales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541806/original/file-20230808-15-pf92pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des amis et des parents arrivent au cimetière local pour l’enterrement d’Elhaji Cisse, à Dakar, au Sénégal, le 5 juin 2023. Selon la famille, l’étudiant de 26 ans a été abattu par les forces de sécurité alors qu’il se trouvait près d’une manifestation.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La répression policière et l’annonce de la non-reconduction de mandat du président Macky Sall ont permis une accalmie sociale relative, mais le récent <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/01/au-senegal-le-gouvernement-annonce-la-dissolution-du-parti-d-ousmane-sonko_6184036_3212.html">emprisonnement de Sonko et la dissolution de son parti</a> fait craindre l’éclosion de nouvelles violences au Sénégal. <a href="https://www.enqueteplus.com/content/chert%C3%A9-de-la-vie-moncap-pastef-fait-l%E2%80%99%C3%A9tat-des-lieux">Selon son parti</a>, l’augmentation des prix est liée à l’incapacité du gouvernement à privilégier les emplois et les entreprises nationales et à mener une lutte contre la corruption et la déperdition des ressources. </p>
<p>L’inflation à la hausse et les restrictions d’importation du riz indien pourraient ainsi devenir un facteur amplificateur des mobilisations en soutien à Ousmane Sonko.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211157/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Alima Cissé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Déjà secoué en juin par de violentes émeutes contre le régime en place, le Sénégal pourrait connaître de nouvelles turbulences à la suite de la hausse du prix des denrées, notamment le riz.Diana Alima Cissé, Doctorante à l'École d'études politiques, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083932023-07-12T21:12:02Z2023-07-12T21:12:02ZÀ qui appartiennent les paysages de l’Himalaya ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534089/original/file-20230626-5406-n3ldgn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C3648%2C2654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Labour et plantation de pommes de terre dans le village d'estive de Milam (Inde), à 3 800m. </span> <span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><blockquote>
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<p>Le soldat tient mon appareil photo, et c’est lui-même qui efface les clichés compromettants. Compromettants ? J’avais pourtant cru suivre la règle donnée à notre arrivée à Milam, village d’estive au pied d’un glacier himalayen : interdiction de photographier le camp militaire indien à proximité.</p>
<p>La frontière du Tibet, autrement dit de <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2019-2-page-29.htm">l’ennemi chinois</a>, se trouve à moins de 20 kilomètres à vol d’oiseau.</p>
<p>À plus de 3 500 m d’altitude, cette haute vallée du Johar, dans l’État indien de l’Uttarakhand, a une grande valeur stratégique. Les touristes peuvent y passer lors d’un trek, attirés par les sommets voisins (la Nanda Devi, 7816 m) ou par les ruines de Milam, ce Pompéi himalayen abandonné avec la <a href="https://www.researchgate.net/publication/273463122_Politics_of_Scale_in_a_High_Mountain_Border_Region_Being_Mobile_Among_the_Bhotiyas_of_the_Kumaon_Himalaya_India">fin progressive du commerce transfrontalier</a>d epuis l’invasion chinoise du Tibet en 1959.</p>
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<span class="caption">La Police de la Frontière Indo-Tibétaine (ITBT) est souvent présente à la petite gare routière de Munsyari.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">Dans la petite ville de Munsyari, voitures de touristes et hôtels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les promoteurs du tourisme (petites agences du bourg de Munsyari à trois jours de marche, tour-opérateurs de Delhi, etc.) encouragent l’arrivée de visiteurs, étrangers autant qu’indiens. Mais ce tourisme est loin d’être prioritaire face aux enjeux géopolitiques.</p>
<p>J’avais commis l’erreur de photographier, non seulement des panoramas où l’on pouvait discerner dans le lointain un bout de campement, mais aussi le temple local : or, sur son fronton était affichée une inscription remerciant l’armée de son soutien à la restauration de l’édifice.</p>
<figure class="align-right zoomable">
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<span class="caption">Localisation de Milam, en Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
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<p>À qui appartient le paysage dans le Haut Johar ? Assurément pas aux touristes. Aux pasteurs transhumants qui y mènent paître chèvres et bovins ? Aux rares agriculteurs qui montent à Milam cultiver de la ciboulette et des pommes de terre, ces dernières souvent vendues aux militaires ? Aux chercheurs de <a href="https://scroll.in/article/1028581/the-worlds-most-expensive-fungus-is-now-disappearing-from-the-himalayas">cordyceps</a>, ce champignon qui se vend un million de roupies le kilo (12 000 €) en raison de ses vertus médicinales et aphrodisiaques pour le marché chinois ? Assurément, le paysage appartient avant tout aux militaires.</p>
<h2>Les paysages, un pouvoir politique</h2>
<p>Dans une Asie des hautes terres où l’agriculture demeure prédominante, mais où se développe le tourisme, les paysages appréciés par les touristes sont-ils les mêmes que ceux construits par les villageois ? Il ne s’agit pas là seulement d’une question d’esthétique, <a href="http://journals.openedition.org/developpementdurable/14449">mais bien de pouvoir politique</a>. En effet, si les paysages touristiques sont les mêmes que les paysages agraires, alors leurs producteurs, avant tout les populations locales, disposent d’un certain levier pour imposer leurs vues aux promoteurs du tourisme, y compris à l’État.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Restaurant d’altitude sur le chemin des estives et du trek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Si ce n’est pas le cas, <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/6555">il y a risque que les villageois soient dépossédés de leurs ressources</a>, au profit de nouvelles constructions paysagères édifiées aux seules fins du tourisme. Cela prendrait alors la suite d’une longue tradition historique en Himalaya indien, l’État s’efforçant depuis la colonisation britannique de contrôler les forêts au <a href="https://journals.openedition.org/ccrh/2863?lang=en">nom de l’exploitation de bois d’œuvre</a>, puis de la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2007-1-page-109.htm">protection de l’environnement</a>.</p>
<h2>Des zones agraires qui séduisent</h2>
<p>Mais voyageons plus à l’est, à 370 km à vol d’oiseau : autre terrain d’étude au Népal, les Annapurnas, et plus précisément la <a href="http://journals.openedition.org/viatourism/5266">zone du trek du Mardi Himal</a>, itinéraire ancien « rouvert » en 2012 et en plein essor depuis.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Le paysage de la haute montagne : la crête du Mardi Himal, vers 4000 m, peu avant le Upper View Point – avril 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Dérioz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Là, aucune restriction à la photographie ! Le touriste est roi, et bien mieux accueilli que dans le Johar, dans une zone moins stratégique, ouverte depuis plus longtemps aux étrangers, dans un pays où le tourisme <a href="https://wttc.org/DesktopModules/MVC/FactSheets/pdf/704/169_20220613165223_Nepal2022_.pdf">représente plus de 7 % du PIB</a>.</p>
<p>Les lodges sont nombreuses le long des chemins de trek. La part des touristes népalais est en forte croissance, mais ils sont venus tout comme les touristes étrangers surtout pour les cimes et les pics – avec de plus en plus une composante sportive (canyoning, parapente…).</p>
<p>Les paysages agraires, comme les terrasses rizicoles, jusque vers 1800 m, ne sont pas la principale attraction de départ. Il reste que nos entretiens révèlent que c’est souvent l’ensemble des panoramas qui sont photographiés – de fantastiques versants étagés sur parfois plus de 1000 m.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Battage, sur une terrasse. Khanigaon (Lwang, versant gauche de l'idi Khola) - 20 novembre 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Dérioz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Et la progression de la marche, qui traverse à basse altitude les villages et les champs, fait découvrir des paysages et des sociétés agraires qui séduisent, notamment les touristes occidentaux.</p>
<h2>Des locaux qui mettent en tourisme leur culture</h2>
<p>Cela est mis à profit par les populations locales, et notamment les <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1999_num_108_605_21766">Gurung, une ethnie tibéto-birmane</a>. Ils possèdent la plupart des refuges et des lodges, et leur culture est <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/6555">mise en valeur, voire mise en tourisme</a>, par des spectacles folkloriques ou de petits musées comme celui de Ghandruk. Les chants et les danses sont appréciés des touristes, tout comme les plats « traditionnels » qui sont cuisinés avec des ingrédients cultivés localement sans intrants chimiques. Le risque de renforcer une <a href="https://journals.openedition.org/civilisations/1370">dimension « exotisante » et folklorisante</a> existe cependant.</p>
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<p>Ces initiatives privées ont des soutiens hors de la région, grâce aux émigrés qui peuvent investir leur épargne dans l’accueil touristique, mais aussi dans le cadre institutionnel de l’Annapurna Conservation Area Project (ACAP), entièrement financé par les droits d’entrée payés par les touristes (21 € par personne étrangère en 2023) ; il a une composante participative laissant un certain pouvoir de décision aux populations locales, pour le tourisme, mais aussi pour les usages agricoles ou la gestion de la forêt, et permet la redistribution d’une partie des revenus touristiques aux villages concernés.</p>
<p>Dans la zone étudiée, un programme coordonné d’hébergements chez l’habitant (<em>homestays</em>) en lien avec un réseau de chemins (<a href="https://www.nepalhighlandtreks.com/machhapuchhre-model-trek.html">Macchapucchre Model Trek</a>) a encouragé à partir de 2007 le développement local, si crucial à une époque où l’on sortait de la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2002-4-page-47.htm">guerre civile</a>. L’organisation collective au niveau de chaque village est souvent institutionnalisée par des groupes de femmes, de façon à répartir les nuitées de façon équitable entre les ménages. De fait, les <a href="http://echogeo.revues.org/14724">femmes apparaissent souvent comme les principales bénéficiaires</a>, mais cela se traduit par une surcharge de travail pour elles, surtout quand les hommes sont en migration, et les hautes castes Brahmanes et les Gurung perçoivent l’essentiel des revenus.</p>
<h2>Des communautés qui adaptent leurs intérêts aux situations</h2>
<p>Une association locale pratique un principe de distribution semblable près de Munsyari. Mais pour le reste, la situation du côté indien est fort différente. Dans le Johar, point d’ACAP, pas de politique touristique intégrée à une politique environnementale. La population dominante est celle des Bhotias, une communauté qui est parvenue à obtenir le statut de « tribu » pour bénéficier de la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/discrimination-positive">politique de discrimination positive de l’Inde</a>, alors même qu’il s’agissait de ces <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-29707-1">riches marchands transfrontaliers qui commerçaient avec le Tibet</a> tout en faisant travailler leurs terres par des métayers de castes intouchables.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">En Inde, dans le Johar, les trekkeurs empruntent les mêmes sentiers que les muletiers ravitaillant l’armée ou les villages d’estive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ils ont perdu une partie de ces terres du fait des réformes agraires, mais leur reconversion dans des activités urbaines, en plaine, à Delhi ou ailleurs, s’est faite de façon souvent fort profitable.</p>
<p>Une partie d’entre eux cherche à entretenir les hameaux d’altitude désertés, anciens relais du commerce et de la transhumance où se trouvent les autels des aïeux – les noms de famille des Bhotias incluent souvent le toponyme de leur hameau ancestral. Mais pour la plupart, leurs intérêts se trouvent ailleurs, loin de la haute montagne, y compris dans l’armée puisque comme les Gurung les Bhotia ont souvent été recrutés dès l’époque coloniale comme soldats.</p>
<p>Pour les touristes, la visibilité des Bhotia est donc faible. Un petit « Tribal Museum » leur est consacré à Munsyari, mais pour le reste le peu de tourisme culturel existant met en exergue la culture <em>pahari</em>, « des montagnes », plus que la culture d’une communauté en particulier. « Des Bhotia ? Mais n’en trouverez pas ici ! », nous répondit même une touriste du Bengale, très sure d’elle.</p>
<p>Les revenus des 10 à 15 000 touristes annuels sont bien incapables de freiner l’exode rural, qui, tout comme sur le versant sud des Annapurna, multiplie les friches à moyenne altitude, et seuls les champs autour de Munsyari sont cultivés relativement intensivement, en pommes de terre notamment. Singes et sangliers rendent l’agriculture plus difficile, ce qui engendre un cercle vicieux, car la croissance des friches favorise la multiplication de la faune sauvage.</p>
<p>Mais les touristes n’en ont cure. Si le paysage se ferme à cette altitude, il leur restera toujours de fantastiques panoramas plus haut, à l’étage des pelouses et des rocs. Le paysage rural est (encore ?) une ressource importante pour les Gurung, mais ne l’est plus pour les Bhotia.</p>
<p>Alors à qui appartient ce paysage ? Il appartient aux paysans népalais, dans la mesure où ceux-ci sont souvent partie prenante des aménagements touristiques, mais il appartient de moins en moins aux paysans indiens, soit que les enjeux militaires ou hydroélectriques prennent trop de place, soit que simplement les villageois se détournent progressivement de leurs ressources agraires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208393/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le programme de recherche qui m’a conduit à ces altitudes, financé par l’ANR, s’appelait AQAPA : À Qui Appartiennent les Paysages en Asie ? La mise en tourisme des hautes terres en Asie méridionale : dynamiques sociales et patrimonialisation des paysages dans les campagnes à minorités ethniques (Inde, Népal, Laos, Chine, Vietnam)</span></em></p>Dans une Asie des hautes terres où l’agriculture demeure prédominante et où se développe le tourisme, les paysages deviennent un enjeu aussi politique qu'esthétique.Frédéric Landy, Professeur de géographie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087842023-07-12T15:40:38Z2023-07-12T15:40:38ZRé-écrire l’histoire : comment le pouvoir en Inde cherche à diffuser une vision exclusivement hindoue de son passé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535846/original/file-20230705-15-3432xf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1280%2C716&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Projet de statue monumentale (212&nbsp;mètres) au guerrier Chhatrapati Shivaji Maharaj, qui doit être édifiée dans la baie de Bombat (Mumbaï).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://media.biltrax.com/the-design-and-planning-of-chhatrapati-shivaji-maharaj-memorial/">Chhatrapati Shivaji Maharaj Memorial</a></span></figcaption></figure><p>Depuis son arrivée au poste de premier ministre en 2014, Narendra Modi instrumentalise souvent la religion en présentant l’Inde comme un <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/religions-du-monde/20230420-hindouisme-religion-et-instrumentalisation-par-les-nationalistes-hindous">« hindu rashtra », un pays hindou</a>. La grande historienne indienne <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/01/en-inde-les-nationalistes-hindous-reecrivent-l-histoire-pour-legitimer-la-primaute-des-hindous_6132984_3210.html">Romila Thapar</a> estime à cet égard que, « en Inde, les nationalistes hindous réécrivent l’histoire pour légitimer la primauté des hindous ». C'est également au nom de sa volonté de réécrire certains éléments de l'histoire que <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/narendra-modi-veut-changer-le-nom-de-l-inde-en-bharat-et-offusque-l-opposition_6020129.html">Modi a remplacé le nom « Inde » par celui de « Bharat »</a> dans les invitations envoyées à ses homologues pour <a href="https://www.g20.org/fr/g20-india-2023/new-delhi-summit/">le G20 de Delhi</a> qui se tiendra les 9 et 10 septembre.</p>
<p>Si l’instrumentalisation de l’histoire n’est pas l’apanage des Indiens – elle a largement contribué à la <a href="https://www.cairn.info/la-creation-des-identites-nationales--9782020342476.htm">naissance et au développement du nationalisme en Europe</a> –, elle alimente aujourd’hui un <a href="https://theconversation.com/linde-nation-multiculturelle-aux-immenses-ambitions-internationales-203777">projet idéologique d’unification culturelle du pays</a>.</p>
<h2>Une vision coloniale de l’Inde revisitée</h2>
<p>Aux origines des débats actuels, on trouve souvent l’interprétation biaisée produite dès le début de l’époque coloniale, au XIX<sup>e</sup> siècle : pour les colons britanniques, l’Inde, alors divisée en de nombreux royaumes et principautés, est <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/comparative-studies-in-society-and-history/article/abs/does-india-have-history-does-history-have-india/3C2A175653E0B3ADFB53514AA6EC4615">« sans histoire »</a>. Dans un univers culturel nourri d’une riche littérature plurilingue, il n’existait en effet pas de genre historiographique comparable aux chroniques européennes ou chinoises en la matière. Les Européens en déduisent que les Indiens, préoccupés par les approches spirituelles, ne s’intéresseraient pas à l’histoire.</p>
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<p>Le corollaire de cette attitude supposée est sans appel : l’Inde serait condamnée à l’immobilisme, enfermée dans des traditions sclérosantes et à la merci de despotes indifférents aux besoins de leur peuple. C’est une justification toute trouvée de la colonisation : celle-ci allait permettre d’arracher les Indiens à leur passivité, pour les faire « entrer dans l’Histoire ».</p>
<p>Ceux qui s’engagent dans la <a href="https://books.openedition.org/septentrion/13944?lang=fr">lutte anti-coloniale</a> estiment donc primordial de contrer cette vision et d’écrire eux-mêmes leur histoire afin que tous les Indiens prennent conscience de l’existence d’une Nation indienne. Pour cela, il faut étudier son passé et donc sa spécificité, définir son identité, affirmer ses valeurs. Pour beaucoup d’intellectuels de l’époque, le <a href="https://www.editions-picquier.com/produit/la-decouverte-de-linde">passé de l’Inde est surtout marqué par son extraordinaire diversité</a>. Non-violence et tolérance apparaissent comme des vertus cardinales propres au passé pré-colonial de l’Inde. La brutalité de la domination coloniale se trouvait en rupture avec ce passé. Articles et ouvrages dénoncent alors la sujétion économique de l’Inde et vantent sa capacité à absorber pacifiquement les influences venues de l’extérieur.</p>
<p>À l’indépendance, les leaders indiens qui gouvernent le pays construisent une démocratie « laïque », qui suppose que l’État protège toutes les communautés religieuses, surtout si elles sont minoritaires.</p>
<p>Il n’y a pas vraiment d’écriture d’une histoire « officielle », mais les premiers manuels scolaires entendent renforcer le sentiment national et contribuer à la concorde. Le récit de la lutte anti-coloniale insiste sur l’unité du combat et le rôle des élites. <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv4s7jj4">L’écriture de l’histoire en Inde</a> est aussi influencée par les interprétations marxistes, par définition exemptes de lecture religieuse du passé, qui mettent en avant les phénomènes sociaux et économiques pour expliquer l’évolution du pays.</p>
<h2>Le nationalisme hindou « en guerre » contre l’histoire de l’Inde ?</h2>
<p>Cette vulgate est contestée en 1998, quand le Bharata Janatya Party (Parti du peuple, BJP), le parti de la droite nationaliste hindoue, <a href="https://frontline.thehindu.com/cover-story/article30161045.ece">parvient au pouvoir central pour la première fois</a>.</p>
<p>À l’époque, il ne possède pas la majorité absolue à la Lok Sabha (la Chambre basse du Parlement) et ne peut pas imposer un agenda politique mettant en œuvre son idéologie de <a href="https://www.asianstudies.org/publications/eaa/archives/on-the-difference-between-hinduism-and-hindutva/">l’<em>hindutva</em></a>, définie dans les années 1920 pour affirmer que l’Inde est avant tout hindoue (pour rappel, <a href="https://international.blogs.ouest-france.fr/archive/2015/08/30/inde-religion-recensement-catholiques-musulmans-14609.html">quelque 80 % des 1,4 milliard d’Indiens sont aujourd’hui hindous</a>, environ 14 % musulmans, le reste se partageant entre une pluralité de minorité, dont des chrétiens). Mais certaines initiatives sont révélatrices : de nouveaux manuels sont élaborés pour mettre en valeur un ancien passé « hindou » de l’Inde, un âge d’or qui aurait précédé les conquêtes musulmanes du XI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Dans les <a href="https://frontline.thehindu.com/the-nation/education/article30215755.ece">manuels recommandés par le National Council of Educational Research and Training</a> (NCERT), l’Inde « glorieuse » est présentée comme celle d’une époque pré-islamique durant laquelle les habitants du pays étaient tous autochtones et de « race » aryenne, ce qui contredit les preuves matérielles, linguistiques et génétiques généralement admises.</p>
<p>Cette vision prend clairement ses racines dans les interprétations coloniales britanniques de l’histoire indienne. Dans son ouvrage <a href="http://journals.openedition.org/samaj/6636"><em>Aurangzeb : The Man and the Myth</em></a> (Penguin Random House India, 2017), l’historienne américaine Audrey Truschke souligne que « l’animosité intemporelle entre hindous et musulmans incarne la stratégie britannique du “diviser pour régner” ».</p>
<p>Ces manuels réécrits ne furent cependant pas utilisés car dès 2004, le <a href="https://www.nytimes.com/2004/05/13/international/asia/in-huge-upset-gandhis-party-wins-election-in-india.html">parti du Congrès revient au pouvoir</a>. L’offensive reprend en 2014, quand le <a href="https://www.lepoint.fr/monde/inde-le-nationaliste-hindou-modi-en-passe-de-l-emporter-16-05-2014-1824253_24.php">BJP remporte de nouveau les élections générales</a>, mais cette fois, en obtenant à lui seul la majorité absolue à la Lok Sabha.</p>
<p>Lors de son premier discours devant l’Assemblée, le nouveau premier ministre Narendra Modi se plaignit des <a href="https://www.firstpost.com/politics/1200-years-of-servitude-pm-modi-offers-food-for-thought-1567805.html">« mille deux cents ans de servitude »</a> subis par l’Inde : il ajoutait sans ambiguïté la période dite « musulmane » à la période coloniale qui avait vu se développer un nationalisme indien alors principalement dirigé contre le Raj britannique.</p>
<p>Cette vision de l’histoire de l’Inde, était déjà présente au sein du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh – « Association des volontaires nationaux », une association hindoue créée en 1925 et matrice idéologique pour beaucoup de cadres du BJP – et répandue dans les écoles de l’organisation dès les années 1960. Depuis 2014, elle s’est peu à peu imposée dans les États dirigés par le BJP, avec la rédaction de <a href="https://www.nytimes.com/2023/04/06/world/asia/india-textbooks-changes.html">nouveaux manuels</a>, mais aussi par des attaques ad hominem contre les universitaires indiens ou étrangers qui défendent une interprétation nuancée des relations passées entre hindous et musulmans.</p>
<p>Les médias se sont fait l’écho de ce nouveau nationalisme qui conduit à considérer un pan entier de l’histoire et de la culture indiennes comme étranger. « Le Sangh Parivar [nébuleuse d’organisations pro <em>hindutva</em>] est en guerre contre l’histoire de l’Inde » écrivait en 2018 A.G. Noorani, ancien avocat à la Cour suprême, dans un <a href="https://frontline.thehindu.com/the-nation/communalism/politics-of-history/article24901838.ece">article du magazine <em>Frontline</em></a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1672215295958581251"}"></div></p>
<p>Après la <a href="https://asiacentre.eu/fr/2019/05/29/inde-que-signifie-le-triomphe-de-narendra-modi/">reconduction au pouvoir du BJP et de Modi en 2019</a>, cette guerre s’est intensifiée, prenant des formes multiples : villes débaptisées pour hindouïser leur nom (comme <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-2020-1-page-92.htm">Allahabad, devenue Prayagraj</a>), construction d’un <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/en-direct-du-monde/en-inde-un-temple-dedie-au-dieu-ram-bientot-construit-sur-le-site-d-une-ancienne-mosquee_4041277.html">temple sur l’emplacement de l’ancienne mosquée de Babri</a> détruite par des militants hindous en 1992, transformation des musées.</p>
<p>Cette réécriture du passé ne concerne plus seulement l’histoire de la période dite musulmane, mais aussi ce qui la précède et ce qui lui succède. Ainsi, les événements mentionnés dans les célèbres épopées du <a href="https://www.lexpress.fr/culture/livre/le-mahabharata_811258.html"><em>Mahabharata</em></a> et du <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/ramayana/"><em>Ramayana</em></a> sont de plus en plus souvent présentés comme des faits historiques. Par ailleurs, l’histoire du combat pour l’indépendance de l’Inde est l’objet d’une relecture qui vise à minorer, voire à effacer l’action des hommes et femmes politiques favorables à une vision séculariste et tolérante du pays. Si Gandhi conserve une place de choix dans l’imaginaire et les discours des dirigeants, Nehru, qui dirigea l’Inde pendant 17 ans après son indépendance acquise en 1947, voit sa place dans le combat pour l’indépendance de l’Inde minorée, voire occultée.</p>
<p>Les conséquences de cette offensive culturelle peuvent être graves : assassinats d’intellectuels qui s’affirment « rationalistes », attaque contre un <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/city/pune/maratha-activists-vandalise-bhandarkar-institute/articleshow/407226.cms">institut de recherche accusé d’avoir aidé un historien américain</a>… À l’école, la propagande menace d’imprégner durablement les esprits des jeunes Indiens : bien souvent, les manuels scolaires sont les seuls matériels dont disposent les enseignants. L’accent mis sur l’apprentissage par cœur fait que les enfants répètent inlassablement ce qui s’y trouve écrit.</p>
<h2>Déclinaisons régionales : l’impossible unification de l’histoire de l’Inde ?</h2>
<p>Il y a peu de protestations massives contre les nouvelles interprétations de l’histoire promues par le BJP et le RSS. Pour autant, il ne faudrait pas en conclure que les perceptions sont devenues uniformes et conformes à une doxa commune à toute l’Inde.</p>
<p>D’abord, l’Inde est un État fédéral et l’éducation est une prérogative des États. Les manuels scolaires ne sont effectivement révisés que dans les régions dirigées par le BJP, ce qui concerne la moitié des Indiens, même si le NCERT a recommandé en 2020 un allègement des programmes pour les manuels de sciences sociales dans tous les États du pays en éliminant des chapitres sur les pogroms anti-musulmans de 2002, l’histoire moghole ou les mobilisations sociales récentes.</p>
<p>Il existe aussi, dans les différentes régions de l’Inde, des versions régionales de l’histoire qui peuvent s’écarter, parfois significativement, des prises de position du BJP. C’est notamment le cas en Inde du Sud qui revendique un passé dravidien et non aryen. Au Tamil Nadu, certains affirment qu’une civilisation tamoule, aussi glorieuse que les civilisations sanskrites et brahmaniques, portée par les Indo-Aryens, s’est déployée pendant plusieurs millénaires précédant l’ère chrétienne sur un continent aujourd’hui englouti, <a href="https://www.thepeninsula.org.in/2021/03/26/tamil-civilisation-and-the-lost-land-of-lemuria-kumari-kandam/">Kumari Kandam</a>. Cette affabulation, basée sur une hypothèse, avancée à l’époque coloniale par le zoologiste britannique Philip Sclater, est prise très au sérieux par les plus militants.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535598/original/file-20230704-23-qrt2nw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La statue de l’Unité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Statue_de_l%27Unit%C3%A9#/media/Fichier:Statue_of_Unity.jpg">Snehrashmi/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La réécriture de l’histoire passe aussi par la glorification de certains personnages historiques héroïsés, quasi divinisés, auxquels on dresse des statues, comme celle du poète et philosophe tamoul <a href="https://www.indica.today/research/conference/historical-monument-of-saint-thiruvalluvar/">Tiruvalluvar</a> achevée en 1999 sur un rocher situé à la pointe sud de l’Inde, ou la statue de l’Unité, à l’effigie de Vallabhabhai Patel, ministre de l’Intérieur à l’indépendance, inaugurée en 2018 à l’embouchure de la Narmada, au Gujarat : c’est la plus grande au monde (182 m de haut, 240 m avec sa base). Elle met à l’honneur un personnage présenté par le BJP comme un défenseur des hindous face à un Nehru laïque. Dans la baie de Bombay, une <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/sep/14/india-to-break-record-for-worlds-largest-statue-twice">statue à la gloire de Shivaji</a>, un héros régional du XVII<sup>e</sup> siècle qui a combattu contre les Moghols, est en construction. Elle devrait atteindre 212 mètres.</p>
<p>Parallèlement, un foisonnement d’approches non professionnelles au travers de romans historiques, de pièces de théâtre et de <a href="https://thewire.in/film/rrrs-abuse-and-distortion-of-history-is-vulgar">films</a> utilise des personnages issus d’un folklore transmis souvent oralement et localement pour évoquer le passé glorieux des différentes régions. Il est donc fort à parier que la multiplicité des passés de l’Inde aura du mal à être absorbée dans une vision unifiée conforme à l’idéologie de l’<em>hindutva</em>.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Viguier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le projet politique des ultra-nationalistes du BJP, au pouvoir en Inde depuis maintenant neuf ans, passe par une réécriture de l’histoire visant à imposer un récit centré sur l’hindouisme.Anne Viguier, Directrice du département Asie du Sud et Himalaya, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091742023-07-12T15:39:58Z2023-07-12T15:39:58Z14 Juillet : pourquoi Narendra Modi, l’invité de marque d’Emmanuel Macron, fait débat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537123/original/file-20230712-20-pmgu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C5733%2C3844&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juin 2017, Narendra Modi avait été l’un des premiers chefs d’État étrangers à se rendre en France après l’élection d’Emmanuel Macron. Il revient en grande pompe six ans plus tard.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/paris-france-june-3-2017-president-657978733">Frederic Legrand - COMEO/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>C’est une tradition qui, depuis plusieurs années, tend à se systématiser : la France invite officiellement un pays, représenté par son chef d’État, au défilé du 14 Juillet. Cet invité d’honneur assiste à la cérémonie du haut de la tribune, aux côtés du président français.</p>
<p>On se souvient de l’émotion du roi Hassan II, qui allait mourir neuf jours plus tard, voyant défiler <a href="https://maroc-diplomatique.net/14-juillet-1999-quand-la-garde-royale-defilait-sur-les-champs-elysees/#">trois compagnies de la garde royale marocaine</a> sur les Champs-Élysées, en 1999 ; des <a href="https://www.leparisien.fr/politique/ce-matin-les-anglais-conduisent-le-defile-14-07-2004-2005139778.php">troupes britanniques</a> en 2004 ; de <a href="https://www.rfi.fr/fr/france/20140714-14-juillet-le-symbole-allemagne-champs-elysees">l’Allemagne</a> dix ans plus tard ; ou encore des <a href="https://www.tf1info.fr/politique/video-14-juillet-un-defile-sous-le-signe-de-l-ukraine-2222369.html">neuf pays d’Europe centrale et orientale</a> en 2022. En 2017, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/defile-du-14-juillet-2017-le-jour-ou-donald-trump-fut-ebloui">Donald Trump</a>, invité lui aussi, fut si impressionné, dit-on, qu’il avait envisagé un temps d’organiser les mêmes défilés aux États-Unis.</p>
<p>Associer une puissance étrangère à la parade militaire de cette fête nationale remplit plusieurs fonctions. Cela permet d’abord d’inscrire la geste militaire dans une atmosphère de coopération et d’ouverture au monde, et non de défi guerrier, de nationalisme bravache ou de démonstrations d’intimidation. Les défilés militaires russes (<a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/defense/russie-le-defile-militaire-du-9-mai-tres-reduit-declenche-les-moqueries-de-kiev_AV-202305100307.html">bien pâle cette année</a> pour des raisons évidentes), <a href="https://www.lejdd.fr/international/video-defile-militaire-pekin-la-demonstration-de-force-80930">chinois</a> ou a fortiori <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20230209-la-cor%C3%A9e-du-nord-d%C3%A9voile-une-quantit%C3%A9-record-de-missiles-lors-d-une-grande-parade-militaire">nord-coréens</a> sont, eux, assumés comme étant tout à la gloire d’un régime.</p>
<p>Cela permet, ensuite, de profiter d’un attribut français de rayonnement symbolique : le 14 Juillet et la Révolution sont des événements historiques ayant une grande portée mondiale, et inviter à l’occasion de leur célébration des personnalités étrangères met en valeur cet aspect souvent exalté de l’histoire française… même si les présidents français aiment également inviter leurs homologues dans le symbole de la monarchie qu’est <a href="https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/dans-la-tradition-emmanuel-macron-recoit-son-homologue-emirien-a-versailles-20220718">Versailles</a>.</p>
<p>Enfin, cela donne la possibilité de mettre l’accent sur une relation, une priorité politique, mais aussi de créer une attente : qui aura l’honneur d’être convié ? Des anniversaires peuvent justifier le choix : <a href="https://www.clan-r.org/portail/premiere-guerre-hollande-invite-72-pays-au">72 pays</a> en 2014 pour le centenaire de la Première Guerre mondiale, et <a href="https://www.france24.com/fr/20160713-video-soldats-australiens-neo-zelandais-invites-honneur-14-juillet-defile-paris-champs-elys">l’Australie et la Nouvelle-Zélande</a> en 2016, à l’occasion des 100 ans de la bataille de la Somme.</p>
<p>En 2023, c’est donc l’Inde, dirigée depuis huit ans par <a href="https://theconversation.com/fr/topics/narendra-modi-44900">Narendra Modi</a>, qui est à l’honneur. Un choix qui a <a href="https://rmc.bfmtv.com/actualites/international/modi-invite-d-honneur-du-14-juillet-pourquoi-l-invitation-d-emmanuel-macron-fait-polemique_AN-202305120596.html">suscité des réserves</a>.</p>
<h2>Un geste toujours scruté</h2>
<p>Les questions « Pourquoi l’Inde ? » et « Pourquoi Narendra Modi ? » ne présentent pas les mêmes enjeux. Il est possible de mettre un pays à l’honneur à travers des manifestations culturelles (des « années » culturelles se tiennent régulièrement et, exemple parmi d’autres, l’ambassade d’Inde à Paris vient d’organiser le festival <a href="https://festivalnamastefrance.fr/">Namasté France</a>. Inviter des <a href="https://www.defense.gouv.fr/actualites/14-juillet-2023-linde-invitee-dhonneur-du-defile">troupes à défiler</a> présente une tout autre tonalité. Et inviter un chef d’État ou de gouvernement peut susciter des protestations au vu de son image et de sa pratique du pouvoir.</p>
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<p>En 2010, <a href="https://www.lesechos.fr/2010/07/treize-pays-africains-au-defile-du-14-juillet-a-paris-428034">l’invitation de 13 pays africains</a> et de leurs chefs d’État par Nicolas Sarkozy avait fait polémique. Si le continent africain mérite toujours l’attention (et Paris venait d’aligner les pensions militaires versées à des vétérans africains ayant combattu dans les armées françaises sur celles des Français), des associations se sont émues de <a href="https://www.lorientlejour.com/article/664425/Defile_controverse_des_troupes__de_13_pays_africains_pour_le_14_juillet.html">l’accueil de « dictateurs » et d’armées accusées d’exactions</a>.</p>
<p>Deux ans plus tôt, en 2008, alors qu’il s’agissait de lancer une nouvelle <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2008-1-page-51.htm">Union pour la Méditerranée</a>, c’est la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/06/12/01003-20080612ARTFIG00063-bachar-al-assad-officiellement-invite-au-defile-du-juillet.php">présence du président syrien Bachar Al-Assad</a> qui indigna.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QVGe8R2drj4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bachar Al-Assad au défilé du 14 juillet (Archive INA, 14 juillet 2008).</span></figcaption>
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<p>L’invitation faite cette même année à d’autres leaders peu connus pour leur attachement à la démocratie – le Tunisien Ben Ali, l’Égyptien Hosni Moubarak – a aussi choqué : « À la tribune officielle du 14 juillet, place de la Concorde, il y aura le carré des dictateurs », écrivait un <a href="https://www.liberation.fr/planete/2008/06/11/le-dictateur-syrien-bachar-el-assad-invite-officiel-au-defile-du-14-juillet_21147/">quotidien peu avant les festivités</a>. Quelques années plus tôt, le président syrien était encore boycotté par Jacques Chirac pour <a href="https://www.lejdd.fr/International/proces-de-lassassinat-de-rafiq-harir-le-spectre-de-bachar-el-assad-a-la-haye-3762554">son rôle probable dans l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005</a>.</p>
<h2>La realpolitik a ses raisons que le cœur ignore</h2>
<p>Mais la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2007-3-page-95.htm">realpolitik</a> a ses raisons que le cœur ignore. Si Jacques Chirac boycotta Bachar Al-Assad après 2005, il avait été en 2000 l’un des seuls représentants occidentaux <a href="https://www.leparisien.fr/politique/chirac-et-bouteflika-aux-obseques-d-assad-13-06-2000-2001436412.php">présents aux obsèques de son père Hafez Al-Assad</a> (président de la Syrie de 1970 à sa mort), et croyait alors que le fils pourrait être un réformateur. Nicolas Sarkozy estimait pour sa part que son projet d’Union pour la Méditerranée nécessitait une invitation de l’ensemble des leaders de la région, même autoritaires. Les moments de recueillement ou de célébrations servent aussi à cette diplomatie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qui-sont-les-infrequentables-sur-la-scene-internationale-201040">Qui sont les « infréquentables » sur la scène internationale ?</a>
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<p>Depuis son arrivée au poste de premier ministre, Narendra Modi (qui avait déjà <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/asia/india/9625212/Britain-ends-10-year-boycott-of-Narendra-Modi.html">fait l’objet d’un véritable boycott de la part des Occidentaux auparavant</a>, quand il était à la tête de l’État du Gujarat) est régulièrement critiqué par les ONG. Pour autant, il n’est pas Bachar Al-Assad.</p>
<p>D’abord parce qu’il est à la tête d’une puissance nucléaire, <a href="https://information.tv5monde.com/international/linde-devient-le-pays-le-plus-peuple-du-monde-2438307">pays le plus peuplé au monde</a> et bientôt troisième économie de la planète. Ensuite parce qu’il n’a pas mené une guerre civile contre son propre peuple, avec le double soutien russe et iranien, et n’a pas été <a href="https://onu.delegfrance.org/bachar-al-assad-s-est-rendu-coupable-de-crimes-de-guerre">accusé de crimes de guerre par le représentant français aux Nations unies</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/linde-nation-multiculturelle-aux-immenses-ambitions-internationales-203777">L’Inde, nation multiculturelle aux immenses ambitions internationales</a>
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<p>Il n’en reste pas moins qu’une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/indignation-la-derive-autoritaire-de-l-inde-et-le-silence-de-l-occident">dérive autoritaire</a> est aujourd’hui imputée au leader indien, qui semble inamovible depuis qu’il est devenu premier ministre en 2014, à la tête d’un parti nationaliste hindouiste (le BJP, pour Bharatiya Janata Party).</p>
<p>Une <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20200109-derives-pouvoir-nationaliste-hindou-inde">dérive nationale-religieuse</a> aussi, dans un pays où l’on craint désormais pour les <a href="https://theconversation.com/violences-anti-musulmanes-en-inde-quelle-responsabilite-pour-le-gouvernement-modi-132884">droits des musulmans</a> (16 % de la population, environ 200 millions de personnes), et où <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271071-religion-et-politique-dans-linde-de-narendra-modi">l’identité hindouiste est désormais glorifiée</a>.</p>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/inde-l-opposant-rahul-gandhi-condamne-a-de-la-prison-pour-diffamation-envers-modi-20230323">L’arrestation</a> du principal opposant, Rahul Gandhi, pour diffamation contre le premier ministre, ainsi que différents <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/scandale-fiscal-en-inde-adani-enterprises-reussit-a-faire-bondir-son-titre-en-bourse-de-15-5-950905.html">scandales financiers liés au BJP</a>, incitent de nombreux observateurs à affirmer qu’en Inde la démocratie est en recul. Des instituts comme <a href="https://thewire.in/rights/india-autocratiser-v-dem-report-2023">V-Dem</a> (Suède) ou <a href="https://freedomhouse.org/country/india/freedom-world/2023">Freedom House</a> (États-Unis) ne veulent plus qualifier le pays de « plus grande démocratie du monde », soulignant les pratiques d’intimidation du pouvoir. L’inquiétude existe donc. Doit-elle prévaloir ? Quelle posture adopter face à ce type de situation ?</p>
<h2>Le choix de l’Inde</h2>
<p>On peut écouter ceux qui, dans un souci de vigilance, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/24/miser-sur-l-inde-est-un-calcul-de-court-terme-pour-la-france_6174696_3232.html">préconisent de ne pas parler avec les régimes autoritaires</a>. Lorsque Emmanuel Macron reçoit le <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220722-emmanuel-macron-re%C3%A7oit-son-homologue-%C3%A9gyptien-abdel-fattah-al-sissi-%C3%A0-l-%C3%A9lys%C3%A9e">président égyptien Sissi</a> (janvier 2022) ou le <a href="https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-macron-recoit-le-prince-heritier-saoudien-ce-vendredi-16-06-2023-2524705_20.php">prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane</a> (juin 2023), les mêmes arguments se font entendre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1669672182094483459"}"></div></p>
<p>On peut également entendre d’autres voix, qui estiment que la diplomatie ne consiste pas à discuter uniquement <a href="https://www.la-croix.com/diplomatie-cest-parler-aussi-gens-tres-desagreables-2023-06-24-1101272810">avec les pays avec lesquels nous serions d’accord sur tout</a>. Elle serait même faite pour le contraire, c’est-à-dire pour aplanir les différends et maintenir le dialogue.</p>
<p>L’actuel président français n’a jamais caché que telle était sa conception, même lorsqu’il s’agissait de <a href="https://www.bfmtv.com/international/asie/russie/pourquoi-emmanuel-macron-continue-t-il-de-parler-avec-vladimir-poutine_VN-202211210815.html">parler avec Vladimir Poutine</a> au lendemain de l’invasion de l’Ukraine. </p>
<h2>Entretenir un partenariat stratégique</h2>
<p>À cet égard, l’invitation lancée à Modi peut être perçue comme un moyen d’entretenir le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/128895-discours-de-mjacques-chirac-president-de-la-republique-sur-les-fondem">partenariat stratégique initié avec l’Inde en 1998 par Jacques Chirac</a>, dans un effort alors salué pour ouvrir des horizons asiatiques à la diplomatie française (un autre partenariat stratégique avait été signé avec Pékin l’année précédente).</p>
<p>Mais il y a plus. Face à la montée en puissance chinoise, et plus globalement du fait de son propre essor, l’Inde est devenue un acteur majeur du système international, diplomatique, économique et militaire. La visite d’État de Narendra Modi aux États-Unis en juin 2023 (soumise d’ailleurs aux <a href="https://time.com/6289932/the-biden-modi-meeting-was-a-failure-for-democracy/">mêmes critiques</a>), et la qualité de l’accueil qui lui a été réservé par Joe Biden, ont montré que ce rôle indien n’avait pas échappé à Washington.</p>
<p>L’Inde fait partie du <a href="https://theconversation.com/le-quad-pilier-de-la-strategie-indo-pacifique-de-ladministration-biden-158966">QUAD</a> (dialogue quadrilatéral pour la sécurité), cette alliance informelle en Asie-Pacifique, aux côtés des États-Unis, du Japon et de l’Australie. Le pays, qui entretient également la diaspora la plus nombreuse du monde, est aujourd’hui courtisé. La France doit-elle s’extraire de ce jeu ? Bien entendu, répondre à cette question par la négative ne signifie pas qu’il faille souscrire à tout ce qui se passe en Inde.</p>
<p>Autres points : <a href="https://www.jstor.org/stable/48562559">Paris défend le vocable de « région Indo-Pacifique »</a> pour évoquer les questions asiatiques, notamment du fait de sa double présence dans l’océan Indien et l’océan Pacifique, avec ses territoires d’outre-mer.</p>
<p>New Delhi est également un client potentiel, notamment dans le domaine de l’armement (on évoque <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/le-rafale-proche-dun-nouveau-contrat-en-inde-la-marine-locale-le-prefere-au-modele-de-boeing_838410">l’achat de 26 Rafale Marine</a>). Emmanuel Macron <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/21/la-france-propose-une-participation-d-emmanuel-macron-au-sommet-des-brics-en-afrique-du-sud_6178547_3212.html">souhaite par ailleurs être invité au prochain sommet des BRICS</a> (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui se tiendra à l’automne en Afrique du Sud, pour relancer sa relation avec le Sud global. Autant de raisons de ne pas bouder le premier ministre indien.</p>
<p>L’aspiration de plusieurs géants du Sud à une nouvelle reconnaissance, <a href="https://theconversation.com/avec-le-conflit-russie-ukraine-le-renouveau-des-non-alignes-184295">leurs griefs contre un Occident jugé hégémonique</a> qui voudrait maintenir un statu quo anachronique dans la hiérarchie des puissances internationales, sont des réalités qu’un boycott ne ferait pas disparaître. Cesser le dialogue serait même contreproductif. </p>
<p>Pour autant, n’attendons pas de miracles. Lorsque Modi parle avec Washington, Londres ou Paris, c’est pour être écouté et traité en égal. Pas pour se faire chapitrer, ni entraîner dans une guerre russo-ukrainienne vue depuis le Sud comme une affaire d’Européens et <a href="https://www.lexpress.fr/monde/asie/un-pays-pauvre-doit-il-rejeter-la-russie-lambassadeur-indien-en-france-se-confie-GSJT5SKNUNGSNKOU4NUUSXS6IY/">dont il estime qu’elle n’est pas la sienne</a>.</p>
<p>Si l’invitation de Modi ne sert qu’à cautionner les dérives qu’on lui impute, alors le bilan sera négatif. Mais si derrière les images de la tribune officielle du 14 juillet un dialogue pouvait perdurer, permettant de contribuer à éviter en bonne intelligence des dérives politiques nuisibles, alors le protocole et la tradition auraient du bon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce 14 juillet, le controversé premier ministre indien sera l’invité d’honneur de la cérémonie du 14 juillet. Une invitation qui a suscité une polémique liée à sa politique nationaliste et autoritaire.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072442023-06-13T17:58:25Z2023-06-13T17:58:25ZInde : l’humiliation, une technique de management malheureusement efficace<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530578/original/file-20230607-28-u3x9em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C0%2C1169%2C761&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En entreprise, l’humiliation n’a officiellement pas sa place dans une organisation bien gérée. Or, ce principe ne s’applique malheureusement pas dans tous les contextes…
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2828320-intimidation-ou-humiliation-au-travail-jeune-femme-contrarieuse-victime-de-harcelement-doigts-pointant-vers-une-femme-illustrationle-dans-un-style-plat-vectoriel.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le mot « humiliation » vient du latin <em>humus</em>, la terre. Métaphoriquement, humilier quelqu’un consiste à le faire tomber à terre, puis à lui frotter le visage dans la boue avant de l’y abandonner, impuissant, blessé, <a href="https://www.humiliationstudies.org/documents/evelin/HealingCyclesOfHumiliation.pdf">honteux et soumis à la risée de tous</a>. Cette métaphore étymologique est instructive car elle suggère un mécanisme psychosociologique basique, puissant et malheureusement courant.</p>
<p>En théorisant un peu, on pourrait dire que l’humiliation consiste à dégrader l’identité d’une personne au point que celle-ci <a href="https://www.researchgate.net/publication/366643457_Workplace_Humiliation_and_the_Organization_of_Domestic_Work">ne peut plus occuper une position à partir de laquelle elle pourrait faire valoir ses droits</a>. Poussée à son terme, l’humiliation peut même créer une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/pouvoirs-de-l-horreur-essai-sur-l-abjection-julia-kristeva/9782020055390">« identité abjecte</a> » lorsque la personne humiliée finit par se voir elle-même comme un être vil et dégoutant qui mérite pleinement les traitements humiliants auxquels on la soumet.</p>
<p>Selon le discours officiel, l’humiliation n’a pas sa place dans une entreprise bien gérée. En effet, nous pensons savoir depuis les <a href="https://crf.wallonie.be/compasinfo/breve.phpid=38&rub-id=54.html">expériences de Hawthorne</a> menées dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle que la productivité des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/employes-91481">employés</a> augmente lorsqu’on s’intéresse à eux en tant que personnes. Pourtant, ce principe ne s’applique malheureusement pas dans tous les contextes.</p>
<h2>Moins de 60 euros par mois</h2>
<p>Pour mieux comprendre le lien entre humiliation au travail et productivité, j’ai mené un projet de recherche collectif avec mes collègues Rohit Varman de l’Université de Birmingham et Per Skålén de la Karlstadt Universitet. Après de longs entretiens sociologiques menés auprès d’employées domestiques et de leurs employeurs dans la ville de Calcutta en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, nous avons documenté des cas d’humiliation particulièrement visibles et cherché à établir des liens entre humiliation et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/productivite-37011">productivité</a>.</p>
<p>Les résultats de notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/01708406231157034">étude</a>, publiés récemment dans la revue de référence <em>Organization Studies</em>, sont accablants. Nous montrons comment les employées (en grande majorité des femmes de classes sociales inférieures) sont systématiquement soumises à des humiliations symboliques mais aussi physiques et sexuelles. Elles n’ont pas le droit d’utiliser les mêmes ustensiles que leurs maîtres et doivent s’asseoir sur le sol. Elles se font souvent frapper et insulter lorsque le travail n’est pas assez rapide. En cas de blessures graves, les médecins concluent à un accident plutôt qu’à une agression avec coups et blessures.</p>
<p>De nombreux témoignages, tout aussi troublants, font état d’attouchements et de viols – notamment sur les domestiques les plus jeunes (à partir de 11 ans). L’humiliation atteint souvent son comble lorsque la travailleuse violée cherche du soutien auprès de la famille de son employeur. Dans ce cas, sa parole est dénigrée et les membres de la famille veillent à ce que l’employée délatrice perde le peu de crédibilité qu’elle avait.</p>
<p>Pourtant, au bilan, les maisons de la classe moyenne sont nettoyées et les enfants sont gardés, 12 heures par jour et sept jours par semaine, pour des salaires largement inférieurs au salaire minimum du pays qui est pourtant inférieur à 60 euros par mois.</p>
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<p>Au-delà des spécificités liées au contexte indien, notre travail de recherche nous enseigne que l’humiliation des travailleurs peut malheureusement constituer une stratégie très rentable, dès lors que l’employeur bénéficie d’une main-d’œuvre abondante, précaire et peu organisée. En effet, même si la qualité du travail n’est pas optimale, un employé humilié devient docile, silencieux et craintif. Il travaille de longues heures et se contente du salaire qu’on veut bien lui verser.</p>
<h2>Le discours officiel a ses limites</h2>
<p>C’est donc sur cette base qu’il faut réfléchir aux meilleures manières de lutter contre l’humiliation au travail. S’il existe des configurations où l’humiliation est profitable sur le long terme comme en Inde, alors la solution ne viendra peut-être pas uniquement de l’entreprise mais plutôt du législateur et de la société civile qui devront faire en sorte que l’humiliation ne soit jamais une stratégie rentable. Par exemple en favorisant la création de groupes de discussion informels et de syndicats officiels, ou encore en sensibilisant les inspecteurs et médecins du travail sur la question, ou même en créant des conditions fiscales avantageuses lorsque des politiques en faveur des employés sont mises en place.</p>
<p>Certes, on pourrait se dire que le cas des employés de maison en Inde constitue un cas extrême. Cependant, plus proches de nous, les limites du discours officiel sur la non-rentabilité de l’humiliation comme technique de management éclatent dès que l’on prend le temps de parler avec des travailleurs de leurs conditions de travail. Peut-être par honte, les personnes ne se confient pas trop pendant la première demi-heure, puis, <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-2-page-25.htm">à un moment, arrivent les histoires troublantes</a>… Un jeune jardinier qui doit accourir aux sifflements du patron, un ouvrier du bâtiment non documenté qui se fait appeler « Mamadou » par les collègues rigolards, une professeure des écoles sommée par le principal de corriger une note qui aurait déplu aux parents…</p>
<p>L’humiliation peut donc apparaître partout, même dans des domaines où sa présence n’est pas soupçonnée. Raison de plus de réagir et d’enclencher les moyens de lutter contre dès les premières manifestations du phénomène.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207244/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ismael Al-Amoudi est Professeur à Grenoble Ecole de Management ; Senior Research Fellow à Cardiff University Business School ; Associate Editor de la revue Organization; Directeur du Centre d'Ontologie Sociale et Academic Advisory Board Member de l'Independent Social Research Foundation.
Les opinions exprimées dans cet article n'engagent aucune des organisations sus-mentionnées.</span></em></p>Une étude menée auprès d’employés de maison à Calcutta montre que les vexations infligées par les employeurs contribuent à l’efficacité de leur travail malgré un niveau de salaire très bas.Ismael Al-Amoudi, Professor of organisational theory & Director of the Centre for Social Ontology, Digital Chair., Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042192023-06-12T18:40:23Z2023-06-12T18:40:23ZGestion des déchets en Inde : les initiatives citoyennes peuvent-elles faire la différence ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524733/original/file-20230506-21-xcpq9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C1278%2C954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ordures jetées et laissées dans la rue sont un problème majeur en Inde ; ici à Vellore.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:India_-_Sights_%26_Culture_-_Common_garbage_dump_outside_a_temple_%282566331277%29.jpg">McKay Savage / Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La gestion des déchets est un problème majeur dans de nombreuses villes à travers le monde, en particulier dans plusieurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652619321249">pays en voie de développement</a>, dont l’Inde. À Bengaluru (plus communément connu sous le nom de Bangalore), le collectif citoyen <a href="https://www.theuglyindian.com/">« The Ugly Indian »</a> s’est emparé du problème et nettoie les rues et les trottoirs de la ville.</p>
<p>En Inde, l’intensité de problème de la gestion des déchets est particulièrement évidente, surtout dans les grandes villes où la population est confrontée à des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/taja.12380">tas d’ordures</a> sur les trottoirs ou au coin des rues. En cause, les habitants qui y déposent leurs déchets, ainsi que le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0956053X08000901">manque de personnel et de ressources des systèmes de collecte</a>.</p>
<p>Ces amoncellements d’ordures dégradent et polluent les environs, une situation parfois aggravée par <a href="https://edition.cnn.com/2022/12/10/india/india-bhalswa-landfill-pollution-climate-intl-hnk-dst/index.html">l’incendie des déchets</a>. Ils attirent également des animaux errants tels que des vaches, des rats et des chiens ; ce qui entraîne parfois des <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11252-021-01097-4">rencontres désagréables</a>.</p>
<p>Au fil du temps, de nombreux <a href="https://theconversation.com/inde-propre-un-pari-sanitaire-a-haut-risque-politique-57461">programmes d’assainissement</a> – à l’image de la campagne <a href="https://swachhbharat.mygov.in/">« Inde propre »</a> – gérés par le gouvernement ont essayé d’améliorer les infrastructures sanitaires et de sensibiliser le public à l’importance d’un environnement propre.</p>
<p>Toutefois, beaucoup de ces initiatives n’ont pas atteint leurs objectifs en raison d’une mauvaise <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0956247814567058">mise en œuvre des programmes</a>, d’un suivi inadéquat, d’une incapacité à garantir des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8552289">changements de comportement</a> et de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/25741292.2022.2069650">défauts de conception</a> qui n’abordent pas les problèmes sous-jacents, tels que le sans-abrisme, la pauvreté, les migrations urbaines massives et les inégalités sociales.</p>
<h2>« The Ugly Indian », une initiative citoyenne de nettoyage</h2>
<p>Frustrés par le manque de résultats des actions gouvernementales, certains <a href="https://theconversation.com/lutter-contre-la-corruption-grace-a-la-societe-civile-apprendre-du-cas-indien-67496">groupes de citoyens</a> se sont engagés dans des solutions participatives pour tenter de résoudre ce problème.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/00420980221084246">Une étude que j’ai réalisée</a> présente une telle initiative dans la grande ville de Bengaluru. Conduite par des bénévoles, qui se font appeler avec un sens certain de l’autodérision <a href="https://www.theuglyindian.com/">« TUI » (The Ugly Indian)</a>, a pour objectif d’éliminer et d’empêcher les ordures des rues et des trottoirs de cette ville indienne.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un exemple de rénovation menée par le collectif TUI. YouTube, The Ugly Indians.</span></figcaption>
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<p>Pour cela, les bénévoles ont créé des événements appelés « spot-fix » ou « remis en beauté » pour améliorer l’apparence des lieux. Les bénévoles sont recrutés via les réseaux sociaux (notamment Facebook et Twitter). La plupart d’entre eux ne sont pas réguliers et ne participent qu’une ou deux fois aux spot-fixes qui ont lieu à côté de chez eux.</p>
<p>Concrètement, ils ramassent les ordures, nettoient les rues, peignent les murs et parfois même installent des plantes en pot. Immédiatement après les événements, des <a href="https://www.facebook.com/theugl.yindian/photos/pcb.5941497155909490/5941496792576193/">photos frappantes « avant-après »</a> sont publiées sur les réseaux sociaux. Les lieux sont ensuite entretenus par des bénévoles locaux, qui veillent à ce que les endroits restent propres et à ce que toute dégradation supplémentaire soit évitée.</p>
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<p>Les spot-fixes ponctuels ne sont ainsi considérés comme des succès que s’ils restent propres pendant <a href="https://theuglyindian.com/about_us.html">au moins 90 jours</a>. Les commentaires sur la page Facebook indiquent parfois que certains endroits nettoyés se détériorent et que certains sont particulièrement difficiles à améliorer.</p>
<p>Ces discussions indiquent cependant que la plupart de ces endroits restent propres. En 2018, il était ainsi estimé que 400 spot-fixes avaient été effectués en trois ans et qu’environ <a href="http://timesofindia.indiatimes.com/articleshow/64278967.cms">95 % d’entre eux sont restés propres</a>.</p>
<p>Ces spot-fixes sont effectués dans différentes localités de la région municipale de Bengaluru. La fréquence peut varier, la page Facebook du groupe annonçant en moyenne deux ou trois événements par semaine. Parfois, des campagnes intensives peuvent viser à atteindre des <a href="https://bangaloremirror.indiatimes.com/bangalore/civic/a-100-make-overs-in-just-over-a-month/articleshow/81859375.cms">chiffres plus élevés</a> sur de courtes périodes.</p>
<h2>Entre autonomie et normes implicites</h2>
<p>Ces événements bénéficient une organisation très sommaire, et les participants sont libres de faire ce qu’ils veulent avec très peu des contraintes. Mélange d’improvisation et de préparation en amont, il n’y a pas d’organisme central qui gère ces initiatives. Ces événements sont ainsi caractérisés par un sens de l’égalitarisme où la hiérarchie est largement absente.</p>
<p>Néanmoins, il existe des normes communes, qui garantissent la coordination de l’action des participants. Ils mettent par exemple souvent l’accent sur le slogan « Taisez-vous, on a du boulot », de telle sorte que les personnes qui s’engagent dans des discussions inutiles sont ignorées pour se remettre rapidement au travail.</p>
<p>Il existe également des motifs communs entre les lieux, qui donnent une certaine uniformité aux actions. Par exemple, de nombreux spots présentent des couleurs comme le rouge brique et le blanc. Une autre couleur dominante est le bleu. Nous pouvons également observer la dominance de ces couleurs et des motifs géométriques similaires dans les spots nettoyés de toute la ville.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un exemple de rénovation menée par le collectif TUI. YouTube, The Ugly Indians.</span></figcaption>
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<p>Ces normes ont évolué de multiples façons. Tout d’abord, beaucoup des mêmes participants se réunissent pour des spot-fixes dans différentes localités et reprennent des éléments similaires. Ensuite, les réseaux sociaux (qui servent de principales plates-formes de communication) présentent le travail et les résultats des événements précédents, ce qui permet de guider les attentes des participants potentiels. Enfin, les outils et les ressources comme les balais, les pinceaux, les peintures, etc. sont réutilisés d’un spot-fix à l’autre.</p>
<h2>L’inclusivité grâce à l’anonymat</h2>
<p>Les participants ont également une aversion pour l’autopromotion individuelle dans le cadre de cet effort. Bien qu’ils encouragent les <a href="https://www.newindianexpress.com/cities/bengaluru/2022/feb/12/ugly-indian-takes-up-500-km-mission-for-bengaluru-roads-2418422.html">médias à mettre en lumière leur travail</a>, permettant d’attirer davantage de participants et de toucher différents quartiers de la ville, ils préfèrent rester des <a href="https://swachhindia.ndtv.com/theuglyindian-group-determined-to-beautify-urban-spaces-26370/">citoyens anonymes</a>.</p>
<p>L’identité personnelle ou l’origine des participants n’est pas précisée dans les spots-fixes. De même, l’appartenance à des groupes plus importants tels que les partis politiques ou les groupes religieux n’est pas mise en évidence. Cela contribue à rendre ces événements ouverts à la participation d’une manière inclusive.</p>
<h2>Un travail en coopération avec d’autres acteurs</h2>
<p>En outre, le travail est effectué sans blâmer qui que ce soit, en <a href="https://bangaloremirror.indiatimes.com/bangalore/civic/palace-road-2-0-exudes-karnataka-pride/articleshow/95285893.cms">collaboration avec les systèmes existants</a>. Le personnel municipal responsable de la collecte des déchets dans la région est notamment consulté en amont des spot-fixes. Ils participent à l’événement et fournissent des ressources, notamment des véhicules utilisés pour l’enlèvement des ordures accumulées. Ainsi, les participants collaborent avec la collectivité et s’assurent de leur soutien.</p>
<p>Il existe également une collaboration avec des organisations locales telles que les sociétés coopératives de logement, les entreprises qui ont des bureaux à proximité et les bases des forces armées qui ont des résidences dans les environs. Toutefois, le matériel publicitaire de ces organisations n’est pas affiché sur le site de l’événement.</p>
<p>Grâce à ces différentes caractéristiques (participation ouverte, égalitarisme, autonomie, normes implicites, anonymat et coopération avec d’autres acteurs), les résultats sont satisfaisants, même avec peu de moyens et en peu de temps. Ces solutions ponctuelles, qui ont survécu à Bengaluru pendant plus de dix ans, inspirent d’ailleurs des <a href="https://www.thehindu.com/news/cities/chennai/the-ugly-indian-makes-debut-in-chennai/article5953980.ece">efforts similaires</a> ailleurs dans le pays. C’est pourquoi les commentaires sur les réseaux sociaux décrivent TUI comme une « idée » qui se répand, plutôt que comme une organisation.</p>
<p>Il est vrai que cette solution n’aborde pas le problème du traitement des ordures et ne résout pas le problème à la base. Cependant, les différences visibles dans la rue à la suite des réparations ponctuelles ont sensibilisé la population à la propreté des lieux publics.</p>
<p>Cela montre que les efforts communautaires avec très peu de ressources ou avec une organisation structurelle minimale peuvent parfois être efficaces, durables, et avoir un impact important.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204219/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacob Vakkayil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les amoncellements sauvages d’ordures en ville constituent un problème majeur en Inde. Pour tenter de faire bouger les lignes, un collectif citoyen s’est emparé du problème et nettoie les rues.Jacob Vakkayil, Professor in Management, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048782023-05-14T15:20:49Z2023-05-14T15:20:49ZEn relations internationales, le non-alignement existe-t-il vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525678/original/file-20230511-33794-7w8lnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C72%2C1837%2C1182&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">18e (et dernier à ce jour) sommet du Mouvement des non-alignés en 2019 à Bakou, Azerbaïdjan.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f5/18th_Summit_of_Non-Aligned_Movement_gets_underway_in_Baku_069.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ces dernières années, dans un contexte marqué par l’intensifcation de la confrontation sino-américaine et, spécialement depuis le 24 février 2022, par l’effondrement des relations russo-occidentales, <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/l-autre-guerre-froide/">l’invocation de la guerre froide s’impose de plus en plus</a> dans les commentaires sur l’état du monde.</p>
<p>L’un des aspects majeurs du retour de la rhétorique de la guerre froide est l’emploi fréquent de la formule de « non-alignement », en référence au Mouvement portant ce nom, <a href="https://globalsouthstudies.as.virginia.edu/key-moments/belgrade-1961-non-aligned-conference">instauré en 1961</a> et qui existe toujours officiellement : il compte aujourd’hui 120 pays et a tenu son dernier sommet à Bakou en 2019.</p>
<p>Aujourd’hui, comme à l’époque, un certain nombre d’États dits « du Sud » <a href="https://www.cairn.info/revue-naqd-2023-1-page-406.html">refuseraient de s’inscrire clairement dans un camp ou dans un autre</a>, et se rapprocheraient les uns des autres pour faire valoir leurs intérêts spécifiques. De même que, durant la guerre froide, l’Ouest accusait souvent le Mouvement des non-alignés (MNA) d’être instrumentalisé par Moscou, il déplore aujourd’hui que nombre d’États du Sud rechignent à s’associer aux sanctions contre la Russie et à <a href="https://theconversation.com/avec-le-conflit-russie-ukraine-le-renouveau-des-non-alignes-184295">condamner l’agression russe contre l’Ukraine</a>.</p>
<p>Il apparaît dès lors utile de rappeler ce que fut - et ce que ne fut pas - le Mouvement des non-alignés durant la guerre froide, afin de comprendre dans quelle mesure la référence à cette organisation et à cette période est pertinente de nos jours.</p>
<h2>Une importance historique exagérée</h2>
<p>Le non-alignement a été un mythe unificateur pour quelques pays leaders du mouvement et pour leurs régimes (notamment la Yougoslavie et l’Algérie) qui, via leur adhésion à ce concept, ont renforcé leur statut international et leur <a href="https://books.openedition.org/iheid/4165?lang=fr">légitimité intérieure</a>.</p>
<p>Rappelons cependant que le MNA a mis beaucoup de temps à se structurer. Après la <a href="https://www.cambridge.org/core/books/cold-wars/9A581A5A18BE15169D34FE39D2D962E1">brève rencontre de Brioni (1956) entre Tito, Nehru et Nasser</a>, la conférence de Belgrade (1961, avec 23 pays) a été la <a href="https://direct.mit.edu/jcws/article-abstract/18/4/79/13902/On-the-Road-to-Belgrade-Yugoslavia-Third-World?redirectedFrom=fulltext">première réunion formelle des pays qui ont ensuite constitué le mouvement</a>. Il n’y a pas eu de conférence dans la seconde moitié des années 1960, après <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/nonaligned-movement-summits-9781350032095/">celle du Caire en 1964</a> : le mouvement s’institutionnalise seulement entre les conférences de Lusaka (1970) et d’Alger (1973).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525634/original/file-20230511-23-ayrauu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Première conférence du Mouvement des non-alignés en 1961 à Belgrade, Yougoslavie.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La fameuse <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53274">conférence de Bandung (1955)</a> avait certes une certaine dimension de non-alignement, voulue notamment par l’Inde et la Chine après la création de l’Organisation de l’Asie du Sud-Est (OTASE) par les États-Unis en septembre 1954. Toutefois, elle n’a pas proscrit l’appartenance à des alliances, et nombre de pays alliés des États-Unis y ont condamné l’impérialisme communiste.</p>
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<p>À partir de 1959, les tensions sino-indiennes, et plus encore <a href="https://mondesasiatiques.wordpress.com/2018/10/23/20-octobre-1962-debut-de-la-guerre-sino-indienne/">la guerre entre les deux pays en 1962</a>, ont conduit à un affrontement entre le mouvement afro-asiatique, mené par la Chine (et l’Indonésie), et le MNA dont l’Inde était un des leaders.</p>
<p>Le schisme sino-soviétique a encore plus compliqué le paysage. L’opposition entre « radicaux » et « modérés » marque <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/07075332.2023.2187429">le début des années 1960</a> et la fin des années 1970. L’échec chinois (et indonésien) à réunir une « seconde conférence de Bandung » à Alger en 1965 montre <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/histoire-du-monde-se-fait-en-asie_9782738148773.php">l’impasse de l’afro-asiatisme militant</a>.</p>
<p>Même au sein des « radicaux », des désaccords profonds existaient. Kwame Nkrumah (président du Ghana de 1960 à 1966) était bien plus hostile à l’influence des idées occidentales (de l’Ouest ou de l’Est) qu’Ahmed Ben Bella (premier président de l’Algérie, de 1963 à 1965), obsédé par le développement et qui voulait utiliser le non-alignement pour <a href="https://www.cornellpress.cornell.edu/book/9781501767913/the-ideological-scramble-for-africa/">obtenir des ressources financières des deux camps</a>. Pour nombre de pays non-alignés, comme l’Afghanistan, il s’agissait là clairement d’un objectif majeur.</p>
<p>Le mouvement connaît un certain âge d’or au début des années 1970, influençant l’agenda international, notamment en promouvant un <a href="https://muse.jhu.edu/issue/31641">Nouvel ordre économique international</a>, également poussé à l’ONU par le <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/limportance-historique-du-g77">G77</a>, créé en 1964 pour que les pays en voie de développement pèsent dans l’organisation. De nouveaux leaders s’affirment, comme Julius Nyerere en Tanzanie. </p>
<p>Mais l’Inde commence à s’aligner sur l’URSS à partir de 1971, notamment contre la Chine, et l’Égypte sur les États-Unis. Le sommet de 1979 se tient à La Havane, ce qui met mal à l’aise nombre des 93 États présents, qui craignent de le voir récupéré par l’URSS. L’invasion par cette dernière de l’Afghanistan à la fin de l’année suscite un second malaise, incitant par exemple la Birmanie à devenir <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1868103421992068">le premier État à quitter volontairement le MNA</a>.</p>
<p>Tito, dernière figure historique du mouvement, meurt en 1980, alors même que <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/08/DERENS/58989">la diplomatie active de la Yougoslavie dans les pays du Sud</a> montre ses limites : Belgrade craint le radicalisme cubain et se rapproche des États-Unis, de la Chine et de la CEE. En outre, en cette période de double choc pétrolier, les pays du Sud non pétroliers critiquent l’égoïsme des membres de l’OPEP, dont certains font partie des non-alignés.</p>
<p>Les conflits Sud-Sud créent des tensions : l’invasion de l’Ouganda par la Tanzanie et celle du Cambodge par le Vietnam, en 1978, l’isolement de l’Égypte dans le monde arabe après sa paix avec Israël, la guerre Irak-Iran qui débute en 1980 (Téhéran <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1982_num_47_2_3141">fait capoter le projet d’un sommet des non-alignés à Bagdad en 1982</a>), ou les ambitions libyennes au Tchad. Cuba et l’Inde sont hostiles à la Chine, ne condamnent pas l’intervention soviétique en Afghanistan, soutiennent le Vietnam qui a envahi le Cambodge, et s’en prennent aux pays du Sud qui soutiennent les résistances (Chine, Pakistan, pays de l’Asean).</p>
<p>Au début des années 1980, nombre d’États du Sud profitent du retour à la guerre froide consécutif à la fin de la Détente pour s’aligner davantage sur un des deux Grands, dans le but d’en tirer des bénéfices économiques et stratégiques. Certains privilégient alors des formes de construction régionale contribuant à une fragmentation du Sud. Le MNA <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/15907476-1989-l-annee-ou-le-monde-a-bascule-pierre-grosser-tempus-perrin">perd de sa visibilité</a>.</p>
<h2>Aujourd’hui, un Sud uni face à l’Occident ?</h2>
<p>Il est beaucoup question aujourd’hui de <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/michel-duclos-la-desoccidentalisation-du-monde-est-une-lame-de-fond-GYP7Y6X3XRASJJFUUXDA4GHSYI/">désoccidentalisation du monde</a> et d’affirmation du Sud, à travers les pays dits « émergents » - en réalité souvent émergés depuis plusieurs décennies et qui tirent désormais la croissance économique mondiale.</p>
<p>Certains intellectuels indonésiens ont voulu, il y a une dizaine d’années, renommer le MNA en « Mouvement de Solidarité du Sud ». La Chine ravive ses anciennes prétentions à <a href="http://french.peopledaily.com.cn/International/n3/2017/0914/c31356-9268798.html">exercer un leadership du Sud</a>, tout en appréciant les formats bilatéraux ainsi que <a href="https://twitter.com/MoritzRudolf/status/1655607912511799296">les organisations régionales +1</a>.</p>
<p>Alors que les travaux historiques sur les relations Est-Sud au temps de la guerre froide <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9783110642964/html">se multiplient</a>, la Russie rejoue elle aussi la carte de la solidarité internationale, <a href="https://www.hurstpublishers.com/book/russia-in-africa/">notamment en Afrique</a>, son ministre des Affaires étrangères y vantant <a href="https://tass.com/politics/1053570">la nécessaire égalité des États</a>, alors que son pays piétine, comme dans le passé, ses petits voisins. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dans-les-coulisses-du-groupe-wagner-mercenariat-business-et-diplomatie-secrete-200492">Dans les coulisses du groupe Wagner : mercenariat, business et diplomatie secrète</a>
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<hr>
<p>La possible <a href="https://www.20minutes.fr/monde/russie/4035115-20230502-non-g7-ridiculise-car-19-pays-veulent-adherer-brics">extension du groupe des BRICS</a> est présentée par ses promoteurs et ses partisans comme une saine revanche du Sud, derrière le leadership de Pékin et Moscou, dans une croisade contre l’unipolarité et l’unilatéralisme des États-Unis, l’imposition des « valeurs » occidentales et l’exportation de la démocratie, et plus largement contre la domination de l’Occident et le prétendu bellicisme otanien.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624471104491253761"}"></div></p>
<p>Que le « Reste » uni se dresse contre l’Occident suscite au sein de ce dernier des craintes - ou des espoirs - souvent excessifs. Parler de « non-alignement » permet de vanter l’« agentivité » des acteurs du Sud (qui, en fait, a toujours existé, même au <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/appels-dempire-9782213595948">temps de l’unipolarité</a>), de prôner un monde multipolaire qui serait par nature plus stable et juste (ce qui reste à prouver), d’épouser des grands principes (égalité, justice, priorité aux questions globales, résolutions pacifique des conflits, désarmement…) qui ne sont guère respectés et parfois instrumentalisés par nombre d’États du Sud, de surévaluer la convergence des intérêts entre pays du Sud si différents entre eux (apparente déjà dans les organisations régionales), et de considérer qu’on peut dégéopolitiser les questions économiques, sociales, technologiques et environnementales. </p>
<p>Or il n’y a, entre tous ces nombreux pays du Sud, <a href="https://www.foreignaffairs.com/world/global-south-defense-fence-sitters">ni identité commune ni recherche de projet commun</a>. Rares sont les pays qui peuventp parler à tout le monde pour éviter les fossés entre Nord et Sud et entre Occident et alignement sino-russe, comme l’Indonésie a prétendu le faire en présidant le G20 de novembre dernier… avec peu de succès.</p>
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<p>Nombre de pays cherchent à parier économiquement sur la Chine, désormais aussi sur l’Arabie saoudite ou le Brésil, tout en continuant de se « couvrir », notamment dans le domaine de la sécurité, du côté américain. « Tenir les deux bouts » permet d’être courtisé, et de faire du chantage à davantage d’alignement. C’est ainsi qu’on interprétait la politique chinoise de la Russie jusqu’aux années 2000 : « Retenez-moi ou je fais un malheur en me jetant dans les bras de Pékin ». De fait, nombre de pays ont conscience des capacités coercitives des États-Unis, mais aussi du risque d’être vassalisés par la Chine.</p>
<h2>Un multi-alignement plus qu’un non-alignement</h2>
<p>En réalité, le jeu de la plupart des États est pro-actif. Il existe une vraie diplomatie des puissances « moyennes » qui évitent l’alignement non par de grandes déclarations de principe ou à travers la participation à des grand-messes où les discours se succèdent, mais par du <a href="https://www.stimson.org/2022/brics-quad-and-indias-multi-alignment-strategy/">multi-alignement</a> comme le fait l’Inde, qui jongle entre le <a href="https://theconversation.com/le-quad-pilier-de-la-strategie-indo-pacifique-de-ladministration-biden-158966">Quad</a>, les BRICS et <a href="https://theconversation.com/quand-la-chine-organise-un-nouvel-espace-de-vassalite-190932">l’Organisation de Coopération de Shanghai</a>), ou par des diplomaties à la fois multivectorielles (comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2014-4-page-189.htm">Kazakhstan</a> depuis les années 1990), et transactionnelles dans le bilatéral (<a href="https://passes-composes.com/book/325">ainsi de la Turquie</a>), ou encore par des formes diverses de « minilatéralisme », la multiplication des partenariats, et la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2023-1-page-93.htm">« polygamie institutionnelle »</a>. </p>
<p>Bref, on peut toujours prétendre qu’on est retourné au monde de la guerre froide, simplifié rétrospectivement autour de quelques cartes ; mais les stratégies des pays qui jouent avec la question de l’alignement montrent bien qu’un monde avec trois ensembles distincts n’existe pas aujourd’hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204878/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Grosser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Durant la guerre froide, plus d’une centaine de pays en développement affichaient leur « non-alignement » vis-à-vis des grandes puissances. Cette notion a de nouveau le vent en poupe aujourd’hui.Pierre Grosser, Professeur de relations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048922023-05-05T13:34:49Z2023-05-05T13:34:49ZCouronnement de Charles III : les joyaux de la Couronne auraient dû être restitués depuis longtemps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524200/original/file-20230503-20-py1mx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C17%2C1920%2C1253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un affût de canon d’État transporte le cercueil de la reine Elizabeth II, drapé dans l’étendard royal avec la couronne impériale d’État ainsi que l’orbe et le sceptre du souverain, après les obsèques à l’abbaye de Westminster, à Londres, en septembre 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Mike Egerton/Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Lors du couronnement du roi Charles, l’archevêque de Canterbury invitera celui-ci à <a href="https://www.worldhistory.org/article/1533/the-coronation-ceremony-of-the-british-monarchy/">« punir et réformer ce qui ne va pas et à confirmer ce qui fonctionne bien »</a>.</p>
<p>Ces mots n’ont pas qu’une valeur symbolique, il s’agit d’un contrat entre le monarque et le peuple britannique.</p>
<p>Tout au long de l’histoire britannique, ce contrat a souvent été incarné par les joyaux de la Couronne et d’autres objets d’apparat, qui joueront un rôle clé dans l’ascension officielle de Charles sur le trône britannique. Grandeur, spectacle et célébrité sont depuis longtemps associés à la famille royale britannique, et les joyaux de la Couronne ont traditionnellement mis en valeur chacun de ces aspects.</p>
<p>Mais au XXI<sup>e</sup> siècle, le temps est venu pour le monarque de respecter son vœu de « réformer ce qui ne va pas » en restituant ces joyaux précieux.</p>
<h2>Des joyaux à l’avant-scène</h2>
<p>Je mène des recherches sur le colonialisme et j’enseigne l’histoire des politiques identitaires, des traumatismes historiques et de l’histoire britannique.</p>
<p>Le passé colonial et impérial de trois célèbres éléments de l’apparat britannique — la couronne de saint Édouard (couronne impériale d’État), le sceptre du souverain et la couronne de la défunte reine mère — comporte dans leur conception des vestiges du colonialisme avec les diamants <a href="https://www.thecourtjeweller.com/2022/01/the-queens-cullinan-diamonds.html">Cullinan I, Cullinan II et Koh-i-Noor</a>, ainsi que des milliers d’autres bijoux.</p>
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<img alt="Un vieil homme sur un trône, assis à côté d’une couronne ornée de joyaux" src="https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=349%2C0%2C5819%2C4723&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521867/original/file-20230419-26-5p7ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le prince Charles, aujourd’hui roi, lit le discours de la reine assis près de la couronne impériale au Parlement britannique en mai 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Ben Stansall/Pool Photo via AP)</span></span>
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</figure>
<p>L’histoire de ces diamants est tragique, et pourtant, deux d’entre eux occupent une place importante au couronnement du roi Charles, à une époque où la douleur postcoloniale est particulièrement vive. La famille royale est consciente de cette histoire. C’est probablement la raison pour laquelle elle a choisi de <a href="https://www.bbc.com/news/uk-64638152">ne pas inclure le Koh-i-Noor</a> dans la cérémonie.</p>
<p>Des voix se sont élevées pour demander le rapatriement du diamant Koh-i-Noor en Asie du Sud, dans le cadre de débats publics sur <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-09-12/kohinoor-ce-diamant-indien-devenu-joyau-de-la-couronne-britannique-fait-polemique-voici-pourquoi-44498101-a01e-4b4b-ae51-a030c17bcbce">l’histoire de la colonisation britannique</a> (bien que le gouvernement indien ait déclaré qu’il avait officiellement mis fin à cette requête).</p>
<p>D’autres joyaux de la Couronne seront néanmoins exposés pendant une grande partie de la cérémonie : la couronne de saint Édouard, le sceptre du souverain, l’épée d’État et l’orbe du souverain, ainsi que des vêtements de couronnement sertis de pierres précieuses.</p>
<p>Cet étalage vise à attirer l’attention sur la royauté, à renforcer l’identité britannique et à immerger les citoyens britanniques et du Commonwealth dans la relation entre souverain et sujet. Cet objectif est d’autant plus important aujourd’hui que l’identité de la monarchie, actuelle et future, est en jeu.</p>
<h2>Les joyaux volés</h2>
<p>L’héritage de la colonisation britannique — et des efforts de décolonisation aux 20<sup>e</sup> et XXI<sup>e</sup> siècles — est empreint de traumatismes et d’interrogations sur l’identité et la nation.</p>
<p>Le couronnement des monarques anglais, en remontant à <a href="https://www.historic-uk.com/HistoryUK/HistoryofEngland/Edgar-the-Peaceful/">Edgar en 973 de notre ère</a>, marque la transition du pouvoir, désigne les souverains et leurs sujets et distingue les compétences humaines en matière de gouvernance de celles qui sont censées être transmises par Dieu.</p>
<p>Au XXI<sup>e</sup> siècle, cependant, les joyaux de la Couronne et les insignes du couronnement font l’objet d’un examen minutieux dans un contexte de décolonisation et de volonté de rétablir les relations internationales de la Grande-Bretagne.</p>
<p>L’identité et la réparation sont au cœur des préoccupations actuelles, ce qui renforce l’importance du couronnement — et du roi Charles.</p>
<p>L’intérêt porté <a href="https://www.ctvnews.ca/world/the-queen-the-future-of-the-monarchy-and-how-the-queen-s-death-affects-the-commonwealth-1.6063285">au sens de la monarchie</a> après le décès de la reine Elizabeth laisse penser que le public débattra de sa pertinence et de sa valeur au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Moi qui vis et enseigne au Canada, sur le territoire non cédé des Tk’emlups te Secwepemc, j’ai observé la <a href="https://edmonton.ctvnews.ca/i-can-t-feel-mournful-indigenous-leaders-reflect-on-colonialism-after-death-of-queen-elizabeth-ii-1.6062822">réaction plutôt froide des dirigeants autochtones</a> aux invitations à assister aux funérailles de la souveraine. Le fait que certains d’entre eux ne se soient pas émus de son décès illustre l’impact de la colonisation sur la monarchie.</p>
<h2>Agression coloniale</h2>
<p>Les joyaux de la Couronne représentent davantage que la grandeur de l’histoire britannique, car ils sont sertis de pierres précieuses qui symbolisent l’agression et l’idéologie coloniales.</p>
<p>Si le public du couronnement est enchanté par le prestige de la cérémonie du couronnement, l’est-il autant par le passé colonial brutal de la Grande-Bretagne ?</p>
<p>Autrement dit, les spectateurs seront-ils frappés par le contraste entre, d’une part, la pureté et la sainteté que l’on confère à la couronne de saint Édouard, à la couronne impériale, au sceptre et à l’orbe du souverain et, d’autre part, les origines coloniales, avec tout ce qu’elles comportent de violence et d’humiliation, des pierres précieuses qui y sont incrustées ?</p>
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<img alt="Un homme chauve en costume sombre est assis à côté d’une couronne ornée et incrustée de bijoux" src="https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521889/original/file-20230419-24-igdxop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le prince William à côté de la couronne impériale lors de l’ouverture du Parlement britannique en mai 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Ben Stansall/Pool Photo via AP)</span></span>
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<p>Une prise de conscience et une reconnaissance de ces origines doivent faire partie du couronnement si l’on veut que la monarchie reste pertinente.</p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1007/s00710-018-0601-z">diamants Cullinan I et Cullinan II</a> sont emblématiques du passé colonisateur et impérial de la Grande-Bretagne. Ils sont sertis dans le sceptre du souverain et la couronne impériale de l’État.</p>
<p>Symboles apparents de pouvoir, de justice et de droiture, ils ne possèdent pourtant pas ces attributs. Leur présence constitue une tache pour le couronnement.</p>
<h2>Le diamant Koh-i-Noor</h2>
<p>Il en va de même pour le diamant Koh-i-Noor, <a href="https://www.hrp.org.uk/tower-of-london/history-and-stories/the-crown-jewels/">« offert » de force en 1849 par le maharadjah Duleep Singh, âgé de 10 ans, à la Compagnie britannique des Indes orientales</a>, et placé par la suite dans la couronne de feue la reine mère à l’occasion de son couronnement en 1937.</p>
<p>Même s’il ne sera pas présent lors du couronnement de Charles, il fait toujours partie des joyaux de la Couronne — et il n’est pas l’incarnation de la vertu.</p>
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<img alt="Une couronne ornée d’un gros diamant est posée sur du velours violet au-dessus d’un cercueil" src="https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521886/original/file-20230419-22-4iyp76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo de 2002, on voit la couronne fabriquée pour la reine mère Elizabeth avec le Koh-i-Noor posée sur son cercueil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Alastair Grant)</span></span>
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<p>Des personnalités politiques indiennes continuent de réclamer le retour du Koh-i-Noor. Parmi elles, on trouve un <a href="https://lepetitjournal.com/bombay/comprendre-inde/diamant-koh-i-noor-inde-royaume-uni-346748">descendant de Mahatma Gandhi</a> qui a indiqué que ce retour était un élément essentiel de la « réparation » de la colonisation brutale de l’Inde du 17<sup>e</sup> au XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Certains joyaux de la Couronne ne font pas l’objet de demandes de restitution. C’est le cas du <a href="https://www.doretdargent.com/autre/le-saphir-de-saint-edouard-ou-edouard-le-confesseur/">saphir bleu de la couronne de saint Édouard</a>, fabriquée en 1661, et du spinelle connu sous le nom de <a href="https://www.doretdargent.com/autre/black-princes-ruby-le-rubis-du-prince-noir/">rubis du prince noir</a> de la couronne impériale d’État, qui date de 1937.</p>
<p>Ils nuisent toutefois à l’image monarchique. Symboles d’une très grande richesse, ils soulèvent des questions sur l’utilité de la monarchie dans un pays confronté à des <a href="https://www.theguardian.com/business/cost-of-living-crisis">défis économiques</a>, à des bouleversements culturels, à des enjeux d’immigration, à une crise climatique et à une histoire de <a href="https://www.globalcitizen.org/en/content/Systemic-racism-in-britain-black-history-month/">racisme et d’injustice institutionnels</a>.</p>
<p>Si le roi Charles veut vraiment punir et réformer ce qui ne va pas et confirmer ce qui fonctionne bien, il doit commencer par les joyaux de la Couronne, en reconnaissant et en réparant les dommages causés lors de leur acquisition.</p>
<p>Les joyaux ne font pas le monarque, et leur restitution renforcerait et moderniserait la monarchie britannique contemporaine à un moment où le besoin se fait pressant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204892/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie St. John-Stark est affiliée à la Memory Studies Association, coprésidente du groupe de travail "Mémoire et traumatisme" (MSA) et co-éditrice de Transdisciplinary Trauma Studies (De Gruyter Press).</span></em></p>Le rapatriement des joyaux de la Couronne renforcerait la monarchie britannique contemporaine à un moment où elle a grand besoin de se moderniser.Annie St. John-Stark, Assistant Professor of History, Thompson Rivers UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028022023-04-20T14:04:01Z2023-04-20T14:04:01ZLes pays du BRICS veulent un nouvel ordre mondial. Sera-t-il multipolaire ou sino-américain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521953/original/file-20230419-16-htdkgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva serre la main du président chinois Xi Jinping après une cérémonie de signature qui s'est tenue au Grand Hall du Peuple à Pékin, en Chine, le 14 avril 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs-1">discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs en août 2019</a>, le président français, Emmanuel Macron, a évoqué que « nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. » </p>
<p>Une hégémonie occidentale qui, selon lui, était vraisemblablement française au XVIII<sup>e</sup> siècle, par l’inspiration des Lumières, sans doute britannique au XIX<sup>e</sup> siècle grâce à la révolution industrielle, puis américaine au XX<sup>e</sup> siècle à la suite des deux guerres mondiales.</p>
<p>Mais avec l’émergence des pays du BRICS, acronyme regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, on assiste à une des plus importantes mutations des relations internationales depuis la révolution industrielle. Initialement créé en 2009 sous le nom de BRIC, un « S » a été ajouté en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud.</p>
<p>La volonté affichée des pays du BRICS est de transformer la structure « occidentalo-centrée » de l’ordre économique mondial actuel vers un système international polycentrique ou multipolaire. </p>
<p>Sont-ils en train d’y parvenir ?</p>
<p>Senior fellow à la <a href="https://ferdi.fr/biographies/zakaria-sorgho">FERDI</a> et à <a href="https://acetforafrica.org/our-people/zakaria-sorgho/">ACET-Africa</a>, et chercheur associé au <a href="https://www.create.ulaval.ca/chercheurs/zakaria-sorgho">CREATE</a> à l’Université Laval, je m’intéresse à l’économie internationale et aux enjeux de développement. </p>
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<span class="caption">Les amis du BRICS : le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, à droite, inspecte une garde d’honneur avec le président chinois Xi Jinping lors d’une cérémonie de bienvenue tenue à l’extérieur du Grand Hall du Peuple à Pékin, Chine, le 14 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span>
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<h2>Des pays en forte croissance</h2>
<p>Totalisant en 2022 une population de plus de 3,2 milliards d’individus, soit plus de quatre fois celle des sept pays du G7 (environ 773 millions d’habitants), le groupe des BRICS constitue un vaste marché économique.</p>
<p>Leur place dans l’économie mondiale n’a cessé de croître ces dernières décennies, au détriment de celle du G7. Ainsi, la part du produit intérieur brut (PIB) total des BRICS dans le PIB mondial, calculé en parité de pouvoir d’achat (PPA), a surpassé celle du G7 (31,02 % contre 30,95 %) et la tendance ne semble pas s’inverser. </p>
<p>Le PIB en PPA est l’indicateur approprié pour comparer des pays, car il tient compte du fait que la même quantité d’argent ne représente pas la même richesse dans des pays différents. Il élimine donc le différentiel des pouvoirs d’achat lié aux monnaies nationales, ce qui permet de comparer des pommes avec des pommes.</p>
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<span class="caption">Figure 1.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ce résultat des pays du BRICS est particulièrement dû à la croissance économique soutenue des deux leaders asiatiques du groupe, la Chine et l’Inde, dont les parts individuelles dans le PIB (PPA) mondial sont passées respectivement de 3,29 % et 3,78 % en 1990 à 18,64 % et 7,23 % en 2022. On assiste sur la même période à un recul marqué de la contribution des deux leaders du G7 dans l’économie mondiale, les États-Unis passant de 20,38 % à 15,51 % et le Japon, de 8,56 % à 3,79 %. Les dernières prévisions de croissance économique du FMI pour la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2023/04/11/world-economic-outlook-april-2023">Chine et l’Inde en 2023 sont 5,2 % et 5,9 % respectivement, contre 1,6 % pour les États-Unis et 1,3 % pour le Japon</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des milliers d’Indiens prennent un bain sacré à l’occasion du festival Ramnavi, le 30 mars 2023. L’Inde est en voie de devenir la nation la plus peuplée du monde, dépassant la Chine de 2,9 millions d’habitants d’ici à la mi-2023, avec 1 4286 milliard d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Manish Swarup)</span></span>
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</figure>
<p>Toutefois, les <a href="https://www.20minutes.fr/economie/4021526-20230201-croissance-dix-plus-grandes-economies-mondiales">États-Unis demeurent la première puissance économique</a>, avec un PIB de 25 billions de dollars en 2022, soit un peu plus du quart de l’économie mondiale. La Chine suit de près, avec un PIB de 18,3 billions de dollars, soit près de 20 % du total. </p>
<p>Par ailleurs, les pays du BRICS ont un niveau d’endettement en pourcentage de PIB et un ratio de dette publique par habitant beaucoup plus modérés en comparaison à ceux des pays du G7. En 2022, le montant moyen de la dette publique par habitant s’élevait à environ 72 303 $ dans les pays du G7, contre environ 5 950 $ dans les pays du BRICS.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Figure 2.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Le dollar américain mis au défi</h2>
<p>Depuis quelques années, nombreux pays et leurs multinationales, utilisant largement le dollar américain dans les transactions internationales, font face à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraterritorialit%C3%A9_du_droit_am%C3%A9ricain">extraterritorialité du droit américain</a>. </p>
<p>En effet, les États-Unis se servent de plus en plus du dollar comme une « arme » de diplomatie au gré de la politique étrangère de Washington. Ainsi, les États-Unis ont su globalement contraindre les autres États à respecter une loi votée en 2017 au Congrès américain <a href="https://www.dhs.gov/news/2021/02/11/countering-america-s-adversaries-through-sanctions-act-faqs">« Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act »</a>, qui renforce les sanctions déjà existantes contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les deux poids lourds du BRICS : le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, le 21 mars 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce « chantage » du dollar exaspère des pays, notamment ceux des BRICS, et les incite à mettre en œuvre des alternatives pour assurer leurs transactions commerciales hors du contrôle de Washington. Jusqu’à maintenant, malgré les fluctuations des taux de change, la place du dollar américain contre les autres monnaies de réserve est demeurée passablement stable, selon le FMI. </p>
<p>Toutefois, toujours selon le FMI, la <a href="https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2021/05/05/blog-us-dollar-share-of-global-foreign-exchange-reserves-drops-to-25-year-low">part du dollar américain dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales a chuté de 71 % en 1999 à 59 % en mai 2021, son plus bas niveau depuis 25 ans</a>, au profit d’autres devises telles que l’euro, le rouble, le yuan (ou Renminbi) ou même l’or. En décembre 2022, le billet vert a encore perdu un point de pourcentage pour s’établir à 58 % dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<h2>Le yuan, la prochaine monnaie commune du BRICS ?</h2>
<p>La <a href="https://rightsindevelopment.org/notre-travail/la-nouvelle-banque-de-developpement-des-bric/?lang=fr">Nouvelle banque de développement (NBD) du groupe des BRICS</a>, basée à Shanghai, et inaugurée en 2015, vise à mettre fin à l’hégémonie de la devise américaine dans leurs transactions internationales. </p>
<p>Sa mission est de financer les infrastructures et le développement durable dans les marchés émergents et les pays en développement. Elle se veut une alternative au système de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), plus orientée vers les pays en développement. La volonté des membres fondateurs de la NBD est de créer une monnaie commune.</p>
<p>Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-06-29/guerre-en-ukraine/etats-unis-et-allies-ont-gele-330-milliards-de-dollars-russes-depuis-le-debut-du-conflit.php">plusieurs centaines de milliards de dollars</a> d’avoirs de la banque centrale russe ont été gelés par les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Cette sanction sans précédent contre Moscou envoie un signal fort à certains dirigeants (qui seraient tentés de mal se comporter) sur les possibilités d’action de l’Occident.</p>
<p>Cela a apporté un argument aux pays du BRICS dans leur diplomatie contre l’ordre économique actuel. Depuis, plusieurs pays ont décidé d’effectuer leurs échanges commerciaux sous autres monnaies que le dollar américain, essentiellement le yuan. </p>
<p>Dans ce contexte, la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/15/la-visite-de-lula-en-chine-illustre-les-ambitions-et-les-limites-des-brics_6169645_3210.html">visite du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva en Chine le 14 avril</a> n’est pas passée inaperçue. Il s’est dit prêt à augmenter ses échanges avec la Chine réalisés désormais en yuan.</p>
<p>Outre le Brésil, la Chine a aussi conclu des ententes commerciales avec le Venezuela, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-la-chine-et-l-iran-annoncent-un-partenariat-strategique-global">l’Iran</a>, l’Inde et la Russie, lui permettant d’utiliser le yuan (à la place du dollar) dans ses transactions avec ces pays. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1940243/petrole-chine-arabie-saoudite-cooperation-golfe">Le président Xi Jinping a aussi participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG)</a>, soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. La Chine souhaite une entente avec les pays du CCG pour régler en yuan ses importations de pétrole et du gaz. Ce qui affaiblirait davantage le dollar américain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Xi Jinping a participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. On le voit, sur cette photo prise le 9 décembre 2022, avec des dirigeants des pays du Golfe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Xie Huanchi/Xinhua via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le projet des pays du BRICS est né de frustrations et d’exaspérations face à l’imposition d’un ordre international très occidentalo-centré du monde. Dans leur <a href="http://www.brics.utoronto.ca/docs/090616-leaders.html">déclaration commune du 16 juin 2009</a>, les dirigeants des BRICS souhaitent « un ordre mondial multipolaire plus démocratique et plus juste, fondé sur l’application du droit international, l’égalité, le respect mutuel, la coopération, l’action coordonnée et la prise de décision collective de tous les États ». </p>
<p>Cet idéal fédérateur des BRICS pourrait être mis à mal par des ambitions potentielles de Pékin de partager le leadership mondial avec Washington. L’Inde et la Russie n’appuieront pas une domination bicéphale sino-américaine du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Zakaria Sorgho est Senior fellow à ACET-Africa (Ghana) et du FERDI (France). </span></em></p>Les pays du BRICS souhaitent un ordre mondial multipolaire. Mais cet idéal pourrait être compromis si Pékin décide de partager le leadership mondial avec Washington.Zakaria Sorgho, Senior fellow at FERDI & ACET-Africa, and Research associate at CREATE, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037772023-04-17T15:58:32Z2023-04-17T15:58:32ZL’Inde, nation multiculturelle aux immenses ambitions internationales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521025/original/file-20230414-28-6rytjb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C55%2C7348%2C4847&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À New Delhi, le 26&nbsp;janvier 2017, défilé de véhicule militaires emportant le missile de croisière supersonique à moyenne portée Brahmos, lors de la 68<sup>e</sup>&nbsp;célébration du Jour de la République.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/new-delhi-india-january-26-2017-1897758673">PradeepGaurs/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Désormais le pays le plus peuplé de la planète avec <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-du-lundi-17-avril-2023-7300367">1 milliard 428 millions d'habitants</a>, l’Inde abrite de multiples cultures sur son territoire. Aujourd’hui, le premier ministre Narendra Modi cherche à forger l’image d’un peuple indien uni, voire uniforme, tourné vers l’ambition de faire de « la plus grande démocratie du monde » une superpuissance. Dans son ouvrage <a href="https://editions.flammarion.com/breve-histoire-de-linde/9782080285386">Brève histoire de l’Inde. De pays des mille dieux à la puissance mondiale</a>, paru le 5 avril aux éditions Flammarion et dont nous vous présentons ici quelques extraits, Anne Viguier, spécialiste de l’histoire de l’Inde et de l’Asie du Sud, montre toute la complexité d’une société hétérogène qui s’interroge autant sur elle-même que sur son rapport au monde extérieur.</em></p>
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<h2>Un mille-feuille de langues et de cultures</h2>
<p><em>Un conservatoire de la diversité humaine</em></p>
<p>[…] La singularité de l’Inde ne vient pas d’une histoire du peuplement par vagues successives. Après tout, l’ensemble de la planète fut peu à peu colonisé par <em>Sapiens</em> de cette manière. L’Europe sans la Russie, aussi vaste que l’Asie du Sud, est également habitée par des populations diverses, et on sait bien que les peuples germaniques s’y sont mêlés aux Celtes qui les avaient précédés à l’ouest. Mais ce qui surprend, en Inde, c’est que les traces linguistiques de ce passé ancien sont accompagnées de particularismes culturels qui semblent résister au temps, sans que des frontières politiques ne séparent les groupes sur la longue durée : ce n’est pas le politique qui, comme en Europe, a construit cette diversité résistante.</p>
<p>Pourtant, l’Inde fut la matrice de royaumes et d’empires parfois immenses. Par quel mystère l’unification politique échoua-t-elle à s’imposer de manière durable, même sur une partie du territoire, avant que la conquête coloniale britannique ne vienne, au XIX<sup>e</sup> siècle, tenter de soumettre chaque Indien à la même loi ?</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>L’Inde vient remettre en cause le récit encore trop habituel d’une histoire de l’humanité suivant une trajectoire unique. […] Les récentes découvertes archéologiques, partout dans le monde, remettent en cause ce récit de référence. L’Inde se trouve être un laboratoire singulier des expériences collectives humaines. Y ont cohabité, jusqu’à nos jours, tous les modèles politiques, une infinité de coutumes, des formes d’organisation sociale parfois très fluides, parfois très rigides.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-foret-lieu-symbolique-et-mythique-des-recits-traditionnels-indiens-125507">La forêt, lieu symbolique et mythique des récits traditionnels indiens</a>
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<p>Rien ou presque ici de la centralisation chinoise, pas d’Église régissant les âmes ni de <em>limes</em> ou murailles fermant l’espace, une réinvention permanente des traditions, une conservation aléatoire d’un passé rarement mis à l’écrit et une capacité à s’emparer des inventions venues d’ailleurs, mais aussi d’y résister. Ainsi, l’Inde adopta des éléments de l’astrologie romaine, elle acclimata la médecine arabe, se régala bien vite du piment venu d’Amérique, mais ne se mit que très tard à utiliser le papier ou la brouette.</p>
<p><em>Ordonner le chaos</em></p>
<p>[…] N’imaginons pas que chaque groupe, en Inde, s’est refermé sur sa propre culture. Traversé d’échanges en tout genre (hommes, idées, marchandises), le monde indien s’est constamment recomposé, associant métissages et particularismes. Le propre des Indiens est peut-être leur capacité à se réclamer d’identités multiples, selon les circonstances, les besoins, les interlocuteurs.</p>
<p>Cette histoire complexe ne peut être passée sous silence, même si le récit présenté ici se veut bref. Car concevoir un récit unifié du passé de l’Inde est une gageure. En Inde, la multiplicité des récits sur l’histoire reste une réalité, chaque groupe ayant établi sa propre mythologie pour expliquer son origine, ce qui n’empêche pas ses habitants actuels de se reconnaître aussi dans un récit national plus récent qui leur donne la certitude de partager une culture commune justifiant l’existence d’un seul État.</p>
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<img alt="Vue aérienne de la Statue de l’Unité, en Inde" src="https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3994%2C2988&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521020/original/file-20230414-24-97marz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Statue de l’Unité, représentant Sardar Vallabhbhai Patel, l’un des pères fondateurs de l’Inde contemporaine, a été inaugurée en 2018 par Narendra Modi, dans l’État du Gujarat. Avec ses 240 mètres, elle est de loin la plus grande statue du monde. Modi y voit le symbole de l’unité et de la puissance du pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mahi.freefly/Shutterstock</span></span>
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<p>Un jeune Tamoul interrogé au sortir de sa salle de classe parlera avec fierté des dernières découvertes archéologiques témoignant d’une culture antique brillante dans le sud de l’Inde, à l’appui des descriptions tirées de la plus ancienne littérature écrite dans sa langue. Il évoquera comme une réalité historique l’ancienne légende d’un continent englouti, le pays de Kumari, réceptacle disparu d’une glorieuse civilisation dravidienne. Un militant du parti des nationalistes hindous, dans la plaine du Gange, affirmera avec conviction que les Indiens descendent des Arya, peuple autochtone dont les Européens forment une branche ultérieure venue d’Inde. Dans l’ouest du pays, les militants de la Shiv Sena (parti des « fils du sol ») glorifieront plutôt la geste d’un héros du XVII<sup>e</sup> siècle, Shivaji, qui combattit les puissants Moghols.</p>
<p>À chacun son époque de référence, son mythe, sa manière d’être au monde… De même que, dans l’hindouisme, le <em>dharma</em> n’impose pas de principes d’action universels, puisque chacun doit adapter ses interventions aux circonstances immédiates, à l’environnement (y compris aux agencements des astres) et aux règles propres à sa caste, de même la présence du passé résonne de manière singulière pour chacun, en dépit des efforts pour inventer une « nouvelle Inde » dépouillée de tous ces particularismes qui, selon certains, l’affaiblissent.</p>
<p>[…]</p>
<h2>Une fragile démocratie en quête d’un rôle mondial</h2>
<p>Au cours des années 2000-2010, le nationalisme hindou s’était doublé d’un national-populisme incarné par un nouveau leader, Narendra Modi. […]</p>
<p>En avril 2014, à l’issue d’une campagne à l’américaine anticipant le style Trump deux ans plus tard, le BJP emmené par Narendra Modi remporta les élections générales en réussissant l’exploit d’obtenir à lui seul la majorité absolue des sièges à la Lok Sabha. Même s’il restait minoritaire en voix à l’échelle nationale (31 %), le scrutin uninominal à un seul tour lui avait permis de remporter une majorité de circonscriptions, notamment dans la région hindiphone la plus peuplée.</p>
<p>Pour assurer cette victoire, le parti avait joué sur tous les tableaux : les militants les plus durs espéraient une mise en œuvre de la politique de l’<em>hindutva</em>, tandis que les hautes castes hindoues misaient sur l’abandon des quotas ; la jeunesse en quête d’emploi et de reconnaissance croyait au <em>Make in India</em> (fabriquer en Inde) promis par Modi ; les membres des basses castes espéraient une amélioration de leur sort par un homme qui revendiquait son origine modeste et racontait à l’envi son expérience de petit vendeur de thé dans l’échoppe de son père quand il était enfant.</p>
<p>Le premier mandat de Narendra Modi mit surtout en avant une politique économique offensive, tout en élaborant une personnalisation du pouvoir de plus en plus marquée. Les résultats mitigés firent croire, en 2019, que le BJP allait perdre les élections. Mais de nouveau, ce fut une grande victoire qui parut effacer de manière irréversible toutes les tendances antérieures à une régionalisation de la politique.</p>
<p>La façon dont la personnalité de Modi a été mise en scène y fut sans doute pour beaucoup. Dans la culture indienne, obsédée par la hiérarchie et les symboles, la projection ostensible du pouvoir est ce qui permet la reconnaissance quasi inconditionnelle d’un statut. Ce pouvoir peut être obtenu par différents moyens : la non-violence ou au contraire la violence ; ce n’est pas une question morale. Le succès est attribué au <em>karma</em> de l’individu. L’étoile qui monte est saluée avec une adulation disproportionnée. <em>A contrario</em>, on s’écarte rapidement de celui qui connaît une passe difficile. C’est pourquoi la propagande doit saturer l’espace médiatique pour diffuser l’image du succès et donc de la puissance, et s’assurer des allégeances renouvelées.</p>
<p>[…]</p>
<h2>L’ambition rêvée d’une superpuissance</h2>
<p>L’Inde n’est ni la Chine ni la Russie. Comment dompter une population si vaste, si diverse, comment enrégimenter toutes les castes, toutes les tribus, toutes les croyances, pour les faire tendre vers un but commun ? Certes, les moyens modernes de communication créent un espace imaginaire inédit pour réunir tous les Indiens. Certes, l’idéologie de l’<em>hindutva</em>, qui veut uniformiser l’Inde, s’est implantée au-delà de son bastion originel des régions nord-indiennes, surfant sur la xénophobie locale en Assam, au Gujarat ou au Maharashtra.</p>
<p>Mais de fortes identités régionales persistent au sud, au centre, à l’est. Les élections qui continuent malgré tout à ponctuer la vie politique le montrent. Les Indiens ont le temps. Un temps cyclique tropical. Ils aiment les films-fleuves pleins de chansons, les interminables matchs de cricket, les grandes fêtes qui s’étirent en longueur. Ils peuvent soudainement rejoindre une marche protestataire traversant l’Inde, abandonner leurs champs pour faire le siège de la capitale pendant un an, s’installer dans une rivière pour empêcher la construction d’un barrage ou, plus modestement, s’accrocher aux arbres pour empêcher qu’on les coupe. Tout dépend des lunettes que l’on chausse pour regarder, des lieux où l’on voyage, des personnes que l’on rencontre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-paysans-indiens-pourront-ils-faire-flechir-le-gouvernement-modi-109791">Les paysans indiens pourront-ils faire fléchir le gouvernement Modi ?</a>
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<p>Longtemps, les Français ont plutôt cultivé une fascination pour la Chine, un pays dont l’organisation quasi militaire pouvait mieux correspondre à l’esprit cartésien et au goût napoléonien pour l’ordre. L’Inde fascine certains qui y retournent sans cesse, mais effraie la majorité : trop complexe, trop diverse, trop religieuse et, aujourd’hui, trop intolérante ? C’est l’Europe tout entière, dans son multilinguisme, son fédéralisme inachevé, son idéal humaniste, qui devrait dialoguer avec l’Inde et concevoir des ponts, des échanges, aussi bien économiques que culturels.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Livre d’Anne Viguier « Brève histoire de l’Inde. Du pays des mille dieux à la puissance mondiale »" src="https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520768/original/file-20230413-26-uelqne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce texte est issu de « Brève histoire de l’Inde. Du pays des mille dieux à la puissance mondiale », paru le 5 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://editions.flammarion.com/breve-histoire-de-linde/9782080285386">Éditions Flammarion</a></span>
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<p>Le prix Nobel d’économie (1998) et inventeur de l’Indice de développement humain (IDH) Amartya Sen, dans son éclairant essai <em>The Argumentative Indian</em> (2005), en commentant la pensée de Rabindranath Tagore qui affirmait que « l’idée de l’Inde » militait contre « la conscience intense de la séparation de son propre peuple et des autres », souligne que cela vaut autant à l’intérieur du pays – qu’il ne faut pas voir comme une mixture de cultures juxtaposées – que pour la relation de l’Inde avec l’extérieur.</p>
<p>C’est un message refusant une définition exclusive de l’identité. Ouverture à l’espace, mais foi dans la possibilité du renouvellement : « Quand les vieilles paroles expirent sur la langue, de nouvelles mélodies jaillissent du cœur ; et là où les vieilles pistes sont perdues, une nouvelle contrée se découvre avec ses merveilles », écrivait aussi Tagore dans <em>L’Offrande lyrique</em>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203777/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Viguier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Historiquement constitué d’une mosaïque de langues et de cultures, le deuxième pays au-delà du milliard d’habitants compte s’imposer comme puissance économique et géopolitique.Anne Viguier, Directrice du département Asie du Sud et Himalaya, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030762023-04-04T17:35:31Z2023-04-04T17:35:31ZEn Inde, comment encourager les plus démunis à scolariser leurs enfants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518758/original/file-20230331-135-r991l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=80%2C53%2C1117%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Inde, seuls 8 % des jeunes adultes les plus pauvres terminent le deuxième cycle d'études.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/enfants-inde-orphelinat-filles-1144109/">Abigailjthompson/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’accès à l’éducation est l’un des principaux droits humains fondamentaux et un tremplin pour la croissance économique, le bien-être et le développement durable. Pourtant, un jeune adulte sur dix dans le monde (sur <a href="https://unstats.un.org/sdgs/report/2019/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2019.pdf">environ un milliard de jeunes adultes</a>) ne possède pas les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que l’éducation et la pauvreté soient étroitement liées. La pauvreté pèse souvent lourdement sur les possibilités et les aspirations des enfants en matière d’éducation. La grande majorité (92 %) des jeunes les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, d’Asie centrale et d’Asie du Sud n’ont pas terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/topics/inde-23095">Inde</a>, en particulier, seuls <a href="https://www.education-inequalities.org/">8 % des jeunes adultes les plus pauvres</a> terminent ce deuxième cycle. En effet, de nombreux obstacles se dressent sur le chemin des enfants les plus défavorisés lorsqu’il s’agit d’éducation. Ainsi, le manque de sensibilisation des parents, la pression exercée pour que les enfants contribuent aux revenus du ménage ou encore aux tâches quotidiennes contribuent à éloigner la possibilité, pour eux, d’aller au bout de leurs études secondaires. Pourtant, l’éducation reste l’une des méthodes les plus efficaces pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.</p>
<h2>Psychologie sociale</h2>
<p>Pour mieux comprendre les raisons de ces obstacles, nous avons mené une étude de terrain dans l’est de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a> qui a permis d’éclairer une partie des mécanismes psychologiques relatifs à l’éducation des enfants des ménages du « bas de la pyramide » qui regroupe, selon la Banque mondiale, celles et ceux gagnant entre 1,90 et 3,20 dollars américains par jour. Nous avons axé notre recherche sur la manière dont les campagnes d’informations relatives à l’éducation destinées à ces populations pourraient être rendues plus efficaces à travers le prisme de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/358109684_A_bottom_of_pyramid_perspective_on_quality_education_in_the_tropics">théorie des niveaux de représentation</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un concept de psychologie sociale selon lequel plus vous percevez un événement à distance, plus cet événement vous semblera abstrait et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité de l’événement. En revanche, plus vous percevez un événement de près, plus vous le percevez comme étant concret et vous vous concentrez sur les facteurs de faisabilité de l’événement.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>La distance peut être physique, temporelle, sociale ou psychologique. Par exemple, si vous envisagez de prendre des vacances dans un an, vous aurez des pensées plus abstraites et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité tels que la destination ou l’idée du moment de détente que vous passerez. En revanche, si vous devez partir en vacances la semaine prochaine, vous aurez des pensées plus concrètes et vous vous concentrerez sur les facteurs de faisabilité tels que le choix de l’hôtel et le calcul de l’heure à laquelle vous devez quitter votre domicile.</p>
<h2>Un vaste « bas de la pyramide »</h2>
<p>Différents segments peuvent être formés à l’échelle mondiale au sein des personnes et foyers situés dans le <a href="https://www.econbiz.de/Record/segmenting-the-base-of-the-pyramid-rangan-kasturi/10009233225">« bas de la pyramide » des revenus et patrimoines</a>. Par exemple, les plus démunis financièrement (environ 1,4 milliard de personnes) n’ont pas accès à la nourriture, au logement ou à l’eau potable et dépendent principalement de l’aide d’organisations à but non lucratif pour survivre.</p>
<p>Le segment intermédiaire, composé d’environ 1,6 milliard de personnes, dispose généralement d’un revenu instable en tant que travailleur journalier ou temporaire et peut généralement s’offrir un repas par jour. Enfin, les consommateurs les moins démunis – parmi les plus démunis – financièrement (environ 1 milliard de personnes) peuvent avoir des revenus semi-réguliers et s’offrir avec parcimonie quelques biens de consommation tels qu’un téléviseur, un téléphone portable ou une bicyclette.</p>
<p>Au sein de ces ensembles, nous avons considéré que les consommateurs les plus démunis seraient probablement plus réceptifs à une approche abstraite de l’éducation de leurs enfants, telle que l’idéal d’un avenir prospère. En revanche, les consommateurs les moins démunis seraient plus enclins à répondre à une approche plus concrète de l’éducation que pourraient suivre leurs enfants, approche dans laquelle un accès simple et facile à cette éducation est central.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour vérifier ce postulat, nous avons mené une étude quasi expérimentale sur le terrain dans un village du Bengale occidental, dans l’est de l’Inde. Au cours de nos entretiens en face à face, nous avons montré à nos répondants deux campagnes d’information différentes pour leurs enfants. L’une d’entre elles mettait fortement l’accent sur la désirabilité (« un avenir réussi ») et l’autre sur la faisabilité (« un accès simple et facile à l’éducation »).</p>
<p>Les résultats ont confirmé notre théorie. Les participants les plus démunis financièrement ont davantage apprécié la campagne qui présentait un cadre de désirabilité, attiré par la vision abstraite et lointaine de l’éducation apportant « un avenir prospère » à leur enfant. Les participants moins démunis financièrement ont préféré la campagne qui présentait un cadre de faisabilité, avec une approche plus concrète mettant en avant « un accès plus facile à l’éducation » pour leur enfant.</p>
<h2>Réduire les obstacles à l’éducation</h2>
<p>Dans l’ensemble, cette étude examine les mécanismes psychologiques de l’approche de l’éducation des enfants par les foyers les plus défavorisés et la manière dont nous pouvons utiliser différentes modalités d’information pour encourager l’éducation des enfants. Ce faisant, nous fournissons des suggestions perspicaces pertinentes sur la manière d’améliorer l’efficacité des campagnes d’information des enfants ciblant le segment des populations les plus démunies.</p>
<p>Plus précisément, cette recherche suggère deux points : (1) ces campagnes devraient être adaptées aux populations du « bas de la pyramide » et que ce vaste segment, qui compte 4 milliards de personnes, ne devrait pas être traité comme un tout ; (2) il est essentiel de développer des campagnes d’information de ces populations basées sur une meilleure connaissance de ces consommateurs, qui en constituent le public principal, pour une plus grande efficacité. Dans l’ensemble, des stratégies différenciées et des messages ciblés sont essentiels pour communiquer les avantages de l’éducation des enfants au sein de ces populations.</p>
<p>Ainsi, cette étude peut avoir des implications considérables pour les décideurs politiques, les gouvernements et les organisations à but non lucratif qui s’efforcent de réduire les obstacles à l’éducation, potentiellement globalement, bien que notre étude se limite à une région de l’Inde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les communications doivent faire preuve de désirabilité en présentant l’éducation comme une clé pour l’avenir.Yenee Kim, Assistant Professor, marketing, EDHEC Business SchoolMalobi Mukherjee, Senior Lecturer, Business, James Cook UniversityReetika Gupta, Associate Professor of Marketing, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2019802023-03-19T16:17:55Z2023-03-19T16:17:55ZMacron à Pékin : les Européens peuvent-ils freiner le rapprochement sino-russe ?<p>Essayer d’enfoncer un coin entre Chine et Russie à propos de l’Ukraine : tel est <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/emmanuel-macron-en-chine-le-president-francais-recu-par-le-president-chinois-xi-jinping-a-pekin-8821f3ba-d44d-11ed-b507-c1be895331af">l’objectif avoué du président français</a> pour sa visite d’État de trois jours en République populaire de Chine.</p>
<p>En effet, Emmanuel Macron, venu en compagnie de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, effectue ce déplacement à un moment critique du point de vue du positionnement stratégique de la Chine. D’un côté, le président Xi Jinping a multiplié les signes de rapprochement stratégique avec Vladimir Poutine : <a href="https://www.lexpress.fr/monde/asie/visite-de-xi-jinping-a-moscou-attention-danger-3M45Q3F7IZBIPFRMDJLB2MHBZY/">sa visite d’État à Moscou</a>, les 21-22 mars derniers peu après l’annonce de <a href="https://theconversation.com/mandat-darret-de-la-cpi-contre-vladimir-poutine-une-victoire-pour-la-justice-internationale-202536">l’émission d’un mandat d’arrêt à l’encontre de son hôte par la Cour pénale internationale</a>, a marqué les esprits ; son <a href="https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-ce-que-contient-vraiment-le-plan-de-paix-chinois-20230321">« plan de paix » pour l’Ukraine</a> est apparu comme une caution apportée à l’agenda sécuritaire russe ; et le développement des échanges commerciaux avec une <a href="https://theconversation.com/leconomie-russe-dans-la-guerre-pas-deffondrement-mais-une-erosion-notable-200101">Russie sous le coup de sanctions internationales multiformes</a> constitue une alliance objective avec l’économie russe.</p>
<p>Toutefois, Pékin hésite à se solidariser complètement avec le Kremlin : la Chine n’a pas reconnu les <a href="https://theconversation.com/annexions-russes-en-ukraine-quand-la-force-tord-le-bras-au-droit-192125">annexions russes en Ukraine</a> ; elle se refuse pour le moment à livrer des armements à la Russie ; et elle évoque toujours la possibilité de <a href="https://www.dhnet.be/actu/monde/2023/04/06/guerre-en-ukaine-xi-jinping-sest-dit-pret-a-appeler-zelensky-IWBC2UQE4JCNZFJQQEUABDP26A/">mener des discussions avec les autorités de Kiev</a>.</p>
<p>Pour la diplomatie européenne en général et la diplomatie française en particulier, il est essentiel de jouer des fissures que l’on peut deviner entre Moscou et Pékin. À l’heure où les Français redoutent un soutien chinois plus marqué à l’effort de guerre russe et au moment où ils espèrent associer les autorités chinoises à une médiation, il est essentiel de mesurer les solidarités véritables et les dissensus réels au sein du « bloc » russo-chinois.</p>
<h2>Contre la relation transatlantique, un axe eurasiatique</h2>
<p>Le soutien de la RPC à la Russie est loin d’être conjoncturel. Les deux pays n’ont cessé de développer leurs échanges et leurs coopérations au cours deux dernières décennies. Après avoir, en 1994, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/le-developpement-des-relations-frontalieres-entre-la-chine-et-la-russie">résolu leurs différends frontaliers</a> issus de la période soviétique, ils ont conclu, dès 2001, un <a href="https://www.liberation.fr/planete/2001/07/17/signature-d-un-pacte-sino-russe-a-moscou_371731/">partenariat stratégique bilatéral</a> qui s’est matérialisé sur plusieurs plans.</p>
<p>Les échanges commerciaux ont crû de façon régulière malgré les crises économiques (2008, 2014, 2021). Ils ont même atteint en 2022 le niveau de <a href="https://asialyst.com/fr/2023/02/25/russie-pivot-asie-accelere/">190 milliards de dollars</a>, un record, et une augmentation de 30 % par rapport à 2021.</p>
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<p>La RPC est devenue dès 2010 le deuxième partenaire commercial de la Russie, derrière l’Union européenne dans son ensemble, mais devant tous les pays de l’UE pris individuellement. Fourniture d’énergie, de minerais et de matériel de défense côté russe, exportation de machines-outils, de produits pharmaceutiques et de composants électroniques côté chinois : les complémentarités se sont rapidement renforcées par <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/en-russie-la-relance-du-marche-des-changes-privilegie-le-yuan-pour-se-dedollariser-947988.html">l’instauration d’échanges financiers en roubles et yuans</a> et d’une <a href="https://www.cairn.info/economies-du-sud-toujours-conditions-neoliberales--9791039900591-page-135.htm">banque de développement</a> au sein des BRICS.</p>
<p>Le gazoduc <a href="https://www.iris-france.org/142837-%E2%80%89force-de-siberie%E2%80%89-vers-une-domination-gaziere-russe%E2%80%89/">Force de Sibérie</a>, lancé en 2014 et inauguré en 2019, relie la Sibérie au nord-est de la Chine. Elle sera bientôt renforcée par <a href="https://www.lexpress.fr/monde/force-de-siberie-2-comment-la-russie-entend-vendre-encore-plus-de-gaz-a-la-chine_2180804.html">Force de Sibérie 2</a>. Ces infrastructures donnent à la Russie un débouché alternatif à l’UE, engagée dans une stratégie de sevrage des hydrocarbures russes. Elles offrent également à la RPC un fournisseur d’énergie à bas prix au moment où les États-Unis ont repris une position de leader sur les marchés mondiaux de l’énergie.</p>
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<p>Ce partenariat est largement cimenté par la contestation de l’Occident sur la scène internationale. Bien avant l’arrivée de Xi Jiping au pouvoir en 2013 et avant la rupture de la Russie avec l’Occident en 2014, les deux anciens empires remettaient déjà en cause l’action internationale des États-Unis en particulier et des Occidentaux en général : au Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) comme partout dans le monde, les diplomaties chinoises et russes se sont mutuellement épaulées pour critiquer les interventions de l’OTAN à l’étranger (Serbie, Afghanistan), pour contester les régimes démocratiques libéraux et pour dénoncer les « doubles standards » d’un Occident qui violerait les règles qu’il entend imposer aux autres acteurs internationaux.</p>
<p>Au CSNU, le <a href="https://research.un.org/fr/docs/sc/quick">droit de veto a été abondamment utilisé</a> par la Russie (29 fois) et par la RPC (15 fois) depuis 1991 pour contrer les condamnations occidentales sur l’Ukraine, Taïwan, le Xinjiang, etc. On constate donc une « alliance défensive objective » entre puissances nucléaires membres permanents du CSNU.</p>
<p>Cet attelage anti-occidental se double d’une certaine coopération à l’échelle eurasiatique : conjointement créatrices de l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) en 2001, Russie et Chine ont cherché à instaurer une véritable hégémonie conjointe en Eurasie pour lutter contre le terrorisme, le séparatisme et le crime organisé dans la région. Mais aussi pour <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LOrganisation-cooperation-Shanghai-outil-lutte-russo-chinoise-contre-limperialisme-americain-2022-09-15-1201233394">contrer l’influence des États-Unis</a> dans la région suite aux guerres d’Irak et d’Afghanistan. L’OCS rapproche lors d’exercices militaires réguliers dans toutes les dimensions (air, terre, mer, cyber) les deux puissances militaires et leurs alliés. Le soutien chinois à la Russie s’était signalé en septembre dernier par la participation de la RPC à l’exercice Vostok 2022 en Extrême-Orient.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1566123018400796678"}"></div></p>
<p>La visite de XI Jinping à Moscou confirme que la RPC est un « foul weather friend » de la Russie, autrement dit un allié même par temps de crise : en Eurasie et à l’ONU, sur le plan économique et dans les domaines militaires, le partenariat stratégique sino-russe est réel et prétend porter une vision du monde alternative (et hostile) à celle de l’Occident. De façon plus concrète, la RPC soutient discrètement l’invasion russe en refusant d’adopter des sanctions, en alimentant le complexe militaro-industriel russe et en <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/02/21/le-plan-de-paix-chinois-pour-la-guerre-russo-ukrainienne/">proposant récemment un plan de paix russo-ukrainien</a> qui met l’accent sur les garanties de sécurité pour la Russie.</p>
<h2>De la méfiance aux rivalités</h2>
<p>Européens et Américains doivent-ils donc se préparer à contrer un bloc des régimes autoritaires dont la Chine et la Russie seraient les chefs de file, avec l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord, la Syrie ou encore les régimes d’Asie centrale ? Le risque géopolitique d’une « désoccidentalisation » du monde est réel. Mais il doit être nuancé.</p>
<p>Entre Moscou et Pékin, les sources de défiance sont réelles. La Russie redoute depuis longtemps le poids économique, démographique et militaire de la Chine, en particulier <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/face-au-trop-plein-chinois-le-grand-vide-de-la-siberie-9889570.php">dans son propre Extrême-Orient dépeuplé</a> et sous-développé. En matière de population et de PIB, le rapport est structurellement de 1 à 10 en faveur de la RPC. La tenue d’un sommet de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) à Vladivostok en 2012 répond à la volonté de Moscou de ne pas être rétrogradé au rang de faire-valoir ou de brillant second de la Chine. Et la <a href="https://www.bruxelles2.eu/2020/04/la-strategie-de-la-russie-en-arctique-une-remilitarisation-qui-coute-cher/">remilitarisation de l’Arctique par la Russie</a> a pour but de réaffirmer sa maîtrise d’une route maritime où <a href="https://theconversation.com/la-chine-a-la-conquete-des-poles-142342">Pékin affirme ses ambitions</a>, brise-glace à l’appui.</p>
<p>Quant à la Chine, elle observe une réserve évidente et constante vis-à-vis des aventures expansionnistes de la Russie : elle n’a pas reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie après la guerre russo-géorgienne de 2008. De même qu’elle n’a pas reconnu <a href="https://theconversation.com/annexions-russes-en-ukraine-la-victoire-potemkine-de-vladimir-poutine-191709">l’annexion des quatre provinces ukrainiennes prises par la Russie en septembre 2022</a>. Et son plan de paix pour l’Ukraine a pour premier point le respect de l’intégrité territoriale du pays – sans préciser si cela signifie que la Chine souhaite que la Russie abandonne le Donbass et la Crimée. Bref, sur les questions existentielles de la géopolitique russe, la RPC laisse planer l’ambiguïté, entre soutien et médiation. Le bloc présente des signes évidents d’effritement.</p>
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<p>Les rivalités entre Chine et Russie sont même ouvertes en Asie centrale, en Asie du Sud et en Afrique. De nombreuses fissures apparaissent, comme à l’époque soviétique, dès qu’il s’agit d’hégémonie régionale. Les cinq États d’Asie centrale anciennement Républiques socialistes soviétiques sont l’objet d’une rivalité presque séculaire entre les deux anciens empires. D’un côté, la Russie a nourri son influence sur place par le biais d’organisations régionales qui excluent la Chine : <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/quest-ce-que-lotsc-organisation-du-traite-de-securite-collective-212372">l’Organisation du Traité de Sécurité collective</a> (OTSC – 2002) sert de cadre à la coopération sécuritaire et militaire entre le « grand frère » russe et certaines de ses anciennes dépendances (hors Ouzbékistan) ; la <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/quest-ce-que-la-communaute-des-etats-independants-cei-et-a-quoi-sert-elle-212334">Communauté des États Indépendants</a> (CEI) et <a href="https://www.cairn.info/ramses-2022%E2%80%939782100822102-page-160.htm">l’Union économique eurasiatique (UEE)</a> donnent des cadres géographiquement et institutionnellement variables pour contrer le dynamisme chinois dans la zone.</p>
<p>Les « nouvelles routes de la soie » (OBOR puis BRI) lancées en 2013 étaient précisément destinées à secouer et contourner l’hégémonie russe : les investissements et les prêts massifs, la construction d’infrastructures ferroviaires et logistiques ainsi que <a href="https://novastan.org/fr/tadjikistan/une-base-militaire-chinoise-secrete-trouvee-au-tadjikistan/">l’installation d’une base militaire chinoise au Tadjikistan</a> ont suscité des craintes très fortes à Moscou. Le partenaire stratégique chinois cherche en effet délibérément à marginaliser la Russie dans la région.</p>
<p>Le dynamisme russe en Afrique (Centrafrique, Mali, Burkina Faso, etc.) et en Asie du Sud (Inde, Vietnam) ne doit pas être réduit à la contestation de l’Occident (et de la France) sur des fronts extra-européens. Il doit aussi être compris comme une volonté de peser dans le rapport de force bilatéral sino-russe.</p>
<p>Ainsi, c’est avant tout pour gêner la Chine que la Russie a milité en faveur de <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/474263/asie-quel-impact-aura-l-adhesion-de-l-inde-et-du-pakistan-a-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai">l’adhésion de l’Inde à l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS)</a>, qui s’est produite en 2016. Pour éviter d’être affaiblie, la RPC a répliqué en demandant l’adhésion de son allié pakistanais en même temps dans l’OCS. Intégrer l’Inde à l’OCS, c’est inviter le grand rival systémique de Pékin au sein d’une structure où la Chine risquait de dominer la Russie. Et, sur le plan bilatéral, <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/inde/l-inde-developpe-ses-relations-commerciales-avec-la-russie-malgre-la-guerre-en-ukraine-9584b8e2-efb7-11ec-a133-f9eee55ea51f">Moscou a développé depuis longtemps ses échanges avec Delhi</a> en matière de défense, de nucléaire et d’énergie, précisément pour ne pas dépendre uniquement de Pékin dans sa confrontation avec l’Occident. En un mot, pour Vladimir Poutine, le soutien de Xi Jinping est bienvenu, mais pourrait être gênant s’il était exclusif.</p>
<h2>Le dilemme européen</h2>
<p>La visite de Xi Jinping à Moscou rappelle à l’Occident un risque géopolitique structurant : depuis deux décennies, les deux grandes puissances nucléaires et technologiques eurasiatiques ont convergé sur tous les plans pour contester ouvertement sa vision du commerce mondial, des relations internationales ainsi que des structures dédiées à la sécurité globale et régionale.</p>
<p>Le défi est de taille, en particulier pour les Européens qui voisinent depuis toujours avec la Russie et commercent depuis longtemps avec la Chine. Mais le véritable défi est-il de les traiter comme un bloc idéologiquement homogène dans une logique de confrontation ? Ou bien n’est-il pas plutôt, comme cherche à le faire Emmanuel Macron lors de son déplacement à Pékin, de jouer des rivalités internes pour désolidariser ces puissances eurasiatiques en compétition ouverte dans au moins trois zones ? </p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Russie et la Chine coopèrent étroitement et s’opposent souvent ensemble à l’Occident. Ces deux puissances ne constituent pas, pour autant, un bloc soudé face aux États-Unis et à l’UE.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998032023-02-14T20:35:10Z2023-02-14T20:35:10ZEscroquerie et finance internationale : les leçons de la chute de Gautam Adani, troisième fortune mondiale<p>Le 24 janvier 2023, le <em>hedge fund</em> (fonds spéculatif) new-yorkais Hindenburg Research, fondé en 2017 par Nathan Anderson en référence au dirigeable allemand qui avait explosé en vol aux États-Unis en 1937, publie une <a href="https://hindenburgresearch.com/adani/">étude</a> de 106 pages intitulée « Adani Group : comment la troisième fortune mondiale a monté la plus grande escroquerie de l’histoire des affaires ».</p>
<p>Hindenburg dénonçait un conglomérat particulièrement opaque de 578 filiales – nombre d’entre elles dans des juridictions offshore comme les Caraïbes et sans activité opérationnelle – avec pas moins de 6 025 relations croisées entre elles particulièrement propices à la cavalerie financière.</p>
<p>Il relevait des fraudes comptables éhontées, une corruption des autorités indiennes à grande échelle, du blanchiment d’argent et enfin des manipulations de cours qui auraient artificiellement gonflé la capitalisation boursière des sept sociétés cotées détenues par Adani Group à huit fois leur valeur réelle, expliquant la fulgurante progression de la fortune du fondateur du groupe, Gautam Adani, de <a href="https://www.forbes.com/sites/chasewithorn/2022/09/27/the-2022-forbes-400-list-of-richest-americans-facts-and-figures/?sh=2622bd8218e4">20 milliards dollars en 2020 à plus de 143 milliards dollars</a> selon le classement Forbes de septembre 2022.</p>
<p>Ces révélations ont immédiatement déclenché une vague de panique à la Bourse de Bombay. Les actions du groupe ont perdu 15 % en 24 heures et plus de 50 % au 13 février 2023 entraînant <a href="https://www.economist.com/business/2023/02/01/what-next-for-gautam-adanis-embattled-empire">l’annulation in extremis d’une augmentation de capital</a> de 2,5 milliards dollars prévue le 31 janvier. En conséquence, la valeur boursière du groupe est passée en moins de deux semaines de 250 milliards de dollars à moins de 125 milliards de dollars réduisant d’autant la fortune du magnat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623654952810827780"}"></div></p>
<p>En réponse à cette attaque solidement argumentée le directeur financier d’Adani, Jugeshinder Singh a rapidement publié un document de 413 pages qualifiant les allégations du fonds spéculatif de combinaison particulièrement pernicieuse de désinformation sans fondement. Selon Adani, l’étude n’avait <a href="https://www.businesstoday.in/latest/corporate/story/hindenburg-copy-pasted-our-disclosures-did-no-research-says-adani-group-cfo-jugeshinder-singh-368030-2023-01-30">d’autre but que de discréditer le groupe</a> pour empêcher l’augmentation de capital en cours, rappelant que les plus hautes juridictions indiennes avaient toujours rejeté les accusations de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fraude-21144">fraude</a> contre le groupe.</p>
<h2>Chevaliers noirs</h2>
<p>Hedge fund spécialisé dans la vente à découvert, Hindenburg n’en était pas à son coup d’essai : en 2020, le fonds avait déjà démontré que la société Nikola, un constructeur de camions à hydrogène, était une <a href="https://hindenburgresearch.com/nikola/">gigantesque arnaque</a>. Hindenburg <a href="https://www.lantenne.com/Le-fondateur-de-Nikola-reconnu-coupable-d-avoir-trompe-les-investisseurs_a60395.html">a fait condamner son fondateur</a> par une cour fédérale de New York et empocher de substantiels gains en anticipant la faillite de la société et la chute de son cours de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bourse-25542">bourse</a>.</p>
<p>La question de la légitimité des ventes à découvert revient donc en force en Inde. Cette technique consiste à emprunter des titres d’une société cotée avec engagement de les restituer à leur propriétaire à une date ou pendant une période fixée à l’avance, puis à les vendre en bourse dans l’espoir de les racheter rapidement moins cher en encaissant la plus-value.</p>
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<p>Bien qu’aucune étude scientifique n’ait jamais prouvé leur toxicité (au contraire, cette pratique accroît la liquidité du marché et permet aux vendeurs de trouver une contrepartie acheteuse en cas de panique des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marches-financiers-25050">marchés financiers</a>), la vente à découvert a toujours <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/ventes-decouvert">mauvaise réputation</a> chez certains régulateurs comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France.</p>
<p>Pour ses adeptes, elle comporte toutefois des risques bien plus grands que les achats d’action car si le cours d’une action peut tomber à zéro il n’y a théoriquement pas de limite à la hausse d’une action (comme le dit l’adage boursier <em>sky is the limit</em>, le ciel est la seule limite) lorsque des acheteurs sont prêts à payer n’importe quel prix.</p>
<p>Cette mésaventure s’est concrétisée en janvier 2021 pour les vendeurs à découvert de l’action Gamestop vendue à 5 dollars dans l’attente d’une faillite vraisemblable pour une société de la vieille économie disruptée par la vague des nouvelles technologies. Mais sous le coup d’une action concertée des « gamers » devenus apprentis traders, le cours de l’action s’enflamma jusqu’à… 483 dollars le 28 janvier. Le soufflé est depuis largement retombé mais l’action se traitait encore autour de 50 dollars six mois plus tard et à 20 dollars aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gamestop-quand-les-gamers-activistes-mettent-a-genoux-les-goliaths-de-la-finance-154854">GameStop : quand les gamers activistes mettent à genoux les Goliaths de la finance</a>
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<p>Dans l’affaire Adani, Hindenburg avait constaté qu’après la flambée des cours de ses actions de +800 % en 3 ans, le ratio cours/bénéfice (le PER) des titres se situait à un niveau stratosphérique de 125 fois les bénéfices. Pour le hedge fund, rien ne justifiait ce ratio pour un groupe gérant de lourds investissements d’infrastructure aux rendements stables et récurrents, donc très éloignés du monde des valeurs dites à forte croissance.</p>
<p>À titre de comparaison, le PER des sociétés cotées se situent habituellement entre 15 et 20 fois les bénéfice et celui de l’indice Nasdaq des valeurs technologiques américaines restait en dessous de 30 au sommet du boom des valeurs de technologie fin 2021. Il était toutefois clair que l’étroitesse du marché comme du flottant du groupe (le pourcentage des actions détenues par les minoritaires et donc susceptibles d’être vendues sans délai) facilitait grandement la manipulation des cours.</p>
<h2>Capitalisme de connivence</h2>
<p>Le groupe créé par Gautam Adani s’est développé depuis les produits de base et les infrastructures vitales pour un pays émergent. Aujourd’hui, il possède entre autres des mines de charbon en Australie et en Indonésie et une soixantaine d’infrastructures en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a>, incluant 13 ports dont celui de Mundra sur la côte ouest, le premier port commercial de l’Inde, ainsi que la seconde cimenterie du pays et des lieux stratégiques de stockage de céréales.</p>
<p>Dans une économie qui, comme en Russie ou en Chine, s’est depuis une trentaine d’années lentement convertie à la libre concurrence à partir d’un système socialiste inefficace, la proximité du pouvoir est souvent la meilleure manière d’obtenir des licences. Or Gautam Adani est originaire de l’État du Gujarat (ouest du pays) et a en 2003 obtenu de Narendra Modi, le premier ministre actuel alors ministre en chef de cet État, l’autorisation de créer une zone économique spéciale sur d’anciens marécages pour en faire un ensemble portuaire qu’il a d’ailleurs efficacement réalisé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du port de Mundra dans le Gujarat (Ouest de l’Inde)" src="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509737/original/file-20230213-28-7vr4le.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue du port de Mundra dans le Gujarat (Ouest de l’Inde).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_port_of_Mundra_in_Gujarat.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2019, Adani, pourtant sans la moindre compétence dans le domaine, a curieusement remporté l’appel d’offres de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/01/l-empire-ebranle-du-milliardaire-indien-adani_6160044_3234.html">privatisation des principaux aéroports</a> décidée par le gouvernement fédéral de… Narendra Modi. Plus surprenant, en 2020 il parvient à prendre le contrôle de l’aéroport de Mumbai après que son opérateur historique – qui ne souhaitait pas vendre – a fait l’objet d’un raid de l’agence gouvernementale de répression des fraudes.</p>
<p>Encore plus inquiétant, cette fois pour la liberté d’expression, il rachète en 2022 une chaîne d’information, Delhi Television, notoirement hostile au gouvernement Modi, là encore après que son propriétaire a fait l’objet de plusieurs enquêtes du bureau central d’enquête, l’équivalent du FBI en Inde. Cet achat réduit un peu plus la pluralité de l’information dans un pays classé seulement <a href="https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-libert%C3%A9-de-la-presse-2021-le-journalisme-est-un-vaccin-contre-la">150ᵉ sur 180 États pour la liberté de la presse</a> par l’Organisation non gouvernementale (ONG) Reporters sans frontières.</p>
<h2>Adani touché mais pas coulé</h2>
<p>Malgré un endettement du groupe de 20 milliards dollars et la récente remontée des taux d’intérêt, la survie de l’empire Adani n’est toutefois pas en danger. Le groupe reste un opérateur sérieux dans ses domaines d’activité. Ses sociétés disposent d’actifs tangibles de grande valeur qui génèrent 25 milliards de dollars par an de chiffre d’affaires pour un bénéfice net récurrent de 1,8 milliard de dollars et des investissements annuels de 5 milliards de dollars.</p>
<p>L’affaire Adani ne soulève donc pas de question sur la gestion opérationnelle du groupe mais bien plutôt sur sa gouvernance et la facilité avec laquelle des dirigeants majoritaires peuvent manipuler sans contrôle leur cours de bourse à Mumbai.</p>
<p>Nul doute que les investisseurs institutionnels étrangers exigeants en matière de fiabilité du reporting et de gouvernance y regarderont désormais à deux fois avant d’investir dans des sociétés indiennes détenues par les magnats locaux. Cependant, les besoins en infrastructures d’un pays qui est devenu cette année le <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/content/World-Population-Prospects-2022">plus peuplé de la planète</a> sont si considérables que le pays n’a d’autre choix pour attirer les investisseurs que d’améliorer sa crédibilité financière en renforçant le pouvoir, l’indépendance et l’efficacité des autorités de marché comme des auditeurs externes.</p>
<p>D’ailleurs, une des premières conséquences positives de l’affaire a été la <a href="https://economictimes.indiatimes.com/markets/stocks/news/sebi-probes-adanis-links-to-investors-as-modis-office-is-briefed/articleshow/97797910.cms?from=mdr">réaction de la Securities and Exchange Board of India</a> (SEBI) qui a dû demander – bien tardivement et sous la pression d’un analyste financier étranger – des informations sur les propriétaires des sociétés offshore accusés d’avoir agi pour le compte d’Adani, dans un délai de 6 mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de la Société française des analystes financiers (SFAF). </span></em></p>La fonte soudaine de la valeur du groupe indien fondé par Gautam Adani devrait inciter les investisseurs et les autorités du pays à surveiller davantage les manipulations des cours de bourse.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896422022-11-16T14:39:56Z2022-11-16T14:39:56ZComment la culture du millet traditionnel pourrait aider les paysans en Inde à faire face aux aléas climatiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495419/original/file-20221115-14-wx66iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C13%2C4594%2C2573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une jeune femme agricultrice devant son champ de millet, dans les Jawadhu Hills, au Tamil Nadu. </span> <span class="attribution"><span class="source">B.Sajaloli</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec le changement climatique, la <a href="https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1980_num_33_131_2946">culture du riz inondée en Inde</a> est aujourd’hui doublement menacée par l’ampleur des épisodes de sécheresses et, a contrario, par la violence des précipitations.</p>
<p>Par exemple, fin juin 2022, dans l’Assam, État du nord-est de l’Inde, les inondations issues de pluies sept fois plus importantes que la normale saisonnière ont été si meurtrières qu’elles ont jeté des centaines de milliers d’habitants sur les routes de l’exil et emporté des milliers d’hectares de rizières et de grenier. De même, de mars à mai 2022, la canicule a été si intense (près de 50° à l’ombre le vendredi 13 mai à l’ouest du Tamil Nadu) qu’elle a affecté la production de blé, décimé le bétail, asséché rivières et réserves d’eau, et eu de graves conséquences en <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/05/18/chaleur-en-inde-et-au-pakistan-avec-plus-de-500c-le-mercure-saffole-10302921.php">termes de santé humaine</a>.</p>
<p>Le programme de recherche PATAMIL, <a href="http://citeres.univ-tours.fr/spip.php?article3515">« Équité alimentaire et projets alimentaires de territoire, région Centre–TAMIL Nadu, regards croisés »</a>, lancé en janvier 2022, émet l’hypothèse que les cultures traditionnelles, moins sensibles aux aléas climatiques et nutritivement riches, sont plus adaptées au changement climatique contemporain. Supportant mieux les fortes chaleurs et les déficits en eau, elles améliorent également le régime alimentaire des petits producteurs qui n’ont pas les moyens de consommer leur propre riz. Les millets, notamment la variété Raghi, particulièrement sobre et résistante, contribuent dès lors à la sécurité alimentaire des paysans indiens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un épi de petit millet, septembre 2022" src="https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495324/original/file-20221115-11-hgachz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un épi de petit millet, septembre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">B. Sajaloli</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Abordant ainsi la question de l’adaptation au changement climatique, la recherche met à disposition des travaux scientifiques (en lien avec l’expertise des associations présentes sur les territoires) qui incitent les agriculteurs à se retourner vers des cultures moins gourmandes en eau et en produits phytosanitaires afin de nourrir une population croissante.</p>
<p>Le projet suit et analyse les impacts des activités d’ONG partenaires du projet comme la <a href="http://www.dhan.org/about-us.php">Dhan Foundation</a>. Créée en 1997, la foundation est une organisation professionnelle du développement qui œuvre pour la réduction de la pauvreté, l’équité, la sensibilisation écologique. Elle accompagne depuis une dizaine d’années, les petits agriculteurs engagés dans la culture du millet.</p>
<p>Dans l’État du Tamil Nadu, les terrains choisis se situent dans le territoire de Pondichéry, à Maduraï et dans les Jawadhu Hills, situées sur une extension des Ghats orientaux qui, très vallonnées, bénéficient d’un climat plus frais et sont pionnières dans la réintroduction du millet (figure 2).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les terrains d’étude au Tamil Nadu" src="https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495325/original/file-20221115-25-5b0w6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sites investis par le programme PATAMIL.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Si, jusqu’à l’Indépendance indienne (1947), le petit millet était la culture principale, la Révolution verte a permis une formidable augmentation des récoltes céréalières par l’introduction de variété de riz inondé (paddy). La culture des millets est alors devenue marginale, confinée dans les parcelles impropres à la culture du riz et pratiquée par des castes défavorisées : depuis 50 ans, <a href="https://www.terramillet.com/un-atout-face-au-r%8Echauffement/les-millets-dans-le-monde/l-importance-des-millets-en-inde/">42 % de la surface en millet a été remplacée</a>) par d’autres cultures céréalières (riz, blé et maïs) alors que l’instauration d’un <a href="https://nfsa.gov.in/portal/PDS_page">programmation de redistribution publique</a> (Public Distribution System, PDS) par l’État indien a rendu le riz garant de la sécurité alimentaire.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ainsi, de nombreuses recettes traditionnelles ayant comme ingrédient principal le millet, jadis à la base de l’alimentation quotidienne, sont aujourd’hui oubliées : il s’agit dès lors que la réorientation des cultures accompagne la réintroduction du goût pour les millets sur les tables ainsi que dans les chaînes de distribution et de restauration. L’ambition est donc de remettre au goût du jour, via la capitalisation du patrimoine culinaire historique, des mets tombés en désuétude auprès des classes moyennes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Recettes à base de raghi.</span></figcaption>
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<h2>Faire évoluer les pratiques</h2>
<p>La question de l’adaptation au changement climatique passe donc par l’évolution des pratiques et des goûts alimentaires. Le programme de recherche se situe ainsi à la convergence entre les sciences agronomiques, les sciences humaines et la promotion de la gastronomie traditionnelle.</p>
<p>Par leurs qualités nutritives, leur résistance aux variations climatiques, la sobriété de leurs besoins en eau et engrais, et leur faible demande en travail manuel, les millets répondent <a href="https://www.idrc.ca/sites/default/files/sp/Documents%20EN/idsrc-small-millets-big-potential.pdf">aux enjeux posés par le changement climatique</a> à tel point qu’ils attirent maintenant l’attention du gouvernement central, notamment en ce qui concerne les solutions aux problèmes de malnutrition.</p>
<p>Ce regain d’intérêt soudain doit toutefois tirer les leçons de la Révolution verte, notamment en veillant à ne pas remplacer la monoculture du riz pas la monoculture du millet. Se pose donc la question de la conservation des différentes espèces de petit millet, entre autres par la valorisation des cultures et des savoirs indigènes, mais aussi par le développement de politiques différenciées adaptées à la variété de situations locales.</p>
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<p><em>Le programme de recherche PATAMIL « Équité alimentaire et projets alimentaires de territoire, région Centre–TAMIL Nadu, regards croisés » (financé par la région Centre–Val de Loire, 2022-2025) aborde la question de l’adaptation au changement climatique par le biais de la justice et de l’équité alimentaires.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189642/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Face aux enjeux posés par le changement climatique sur les pratiques agricoles, les millets, notamment la variété Raghi, contribuent à la sécurité alimentaire des paysans indiens.Laura Verdelli, Maître de conférences en Aménagement de l'espace et Urbanisme, Université de ToursBertrand Sajaloli, maître de conférences, département de géographie, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1888442022-08-16T12:45:29Z2022-08-16T12:45:29ZDe quoi Salman Rushdie est-il le symbole ?<p>La ville de Chautauqua, située au sud-ouest de Buffalo dans l’État de New York, est connue pour ses conférences d’été. C’est un lieu où les gens viennent chercher la paix et la sérénité. Salman Rushdie, grand écrivain et intellectuel influent, avait déjà pris la parole dans ce cadre. </p>
<p>Le vendredi 12 août, il était invité à parler d’un sujet qui lui tient à cœur : la situation critique des écrivains en Ukraine et la responsabilité éthique des États-nations libéraux à leur égard. Tout au long de sa carrière, Rushdie a défendu sans relâche la liberté d’expression des écrivains.</p>
<p>Dans le public – environ 2 500 personnes – se trouvait Hadi Matar, 24 ans, originaire du New Jersey, qui a sauté sur scène et a poignardé Rushdie au cou et à l’abdomen.</p>
<h2>La fatwa et le spectre de la mort</h2>
<p>Il y a plus de 30 ans, le 14 février 1989, l’ayatollah Ruhollah Khomeiny, 88 ans, alors chef spirituel de l’Iran, a condamné Rushdie à mort par une fatwa, une décision légale prise en vertu de la charia en vigueur dans le pays. Il était déclaré coupable de blasphème contre le prophète Mahomet dans son roman <a href="https://www.google.fr/books/edition/Les_versets_sataniques/dzZQEAAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0"><em>Les versets sataniques</em></a>.</p>
<p>Sa faute la plus grave ? Avoir suggéré que Satan lui-même avait déformé le message délivré par Muhammad à l’ange Gabriel. Il s’agit, bien entendu, de souvenirs hallucinatoires du personnage apparemment dérangé du roman, Gibreel Farishta. Mais en assimilant l’auteur et le narrateur, la fatwa fait de Rushdie le responsable des paroles et des actions d’un personnage. Et qui mérite donc d’être condamné.</p>
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<p>Le blasphème contre Mahomet est un crime impardonnable dans l’islam, exprimé par le célèbre dicton farsi : « Prenez les libertés que vous voulez avec Allah ; mais faites attention à Mahomet ».</p>
<p>Depuis la fatwa lancée contre lui, le spectre de la mort poursuit Rushdie, même si le gouvernement iranien a ostensiblement retiré son soutien à cette condamnation, mais sans concéder qu’une fatwa émise par un spécialiste qualifié de l’islam – ce qu’était Khomeiny – pouvait être révoquée. Rushdie lui-même n’a pas toujours pris ces menaces au sérieux : ces dernières années, il vivait plus librement, se passant souvent de gardes du corps.</p>
<p>Bien que l’écrivain ne soit plus sous respirateur, ses blessures restent graves. Comme l’a dit <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/14/salman-rushdie-est-sur-la-voie-du-retablissement-apres-son-agression-affirme-son-agent_6138033_3210.html">son agent Andrew Wylie</a>, il risque de perdre un œil et peut-être même l’usage d’un bras. Il se rétablira, mais il semble peu probable qu’il redevienne le conteur d’autrefois, tel que je l’ai connu lors de mes visites à l’Université d’Emory, en Géorgie, où pendant cinq ans, de 2006 à 2011, il a été écrivain résident, et où ses archives ont été installées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/why-salman-rushdies-the-satanic-verses-remains-so-controversial-decades-after-its-publication-102321">Why Salman Rushdie’s ‘The Satanic Verses’ remains so controversial decades after its publication</a>
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<h2>Exposer les lignes de faille entre l’Orient et l’Occident</h2>
<p>Nous ne savons pas ce qui a motivé Hadi Matar à agir ainsi, mais son action ne peut être dissociée de la fatwa de 1989, <a href="http://content.time.com/time/subscriber/article/0,33009,957110-3,00.html">racontée par le magazine <em>Time</em></a> dans une tribune intitulée « Traqué par une foi enragée : Le roman de Salman Rushdie ouvre une faille entre l’Orient et l’Occident ».</p>
<p>Rushdie a fait la couverture du <em>Time</em> le 15 septembre 2017, lorsque le magazine a dressé son portrait et fait l’éloge de son nouveau roman, <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/pochebabel/la-maison-golden"><em>La Maison Golden</em></a>. Dans le <a href="https://time.com/4920053/salman-rushdie-trump-golden-house/">portrait qui lui est consacré</a>, Rushdie réfléchit aux conséquences de la fatwa et de la controverse autour des <em>Versets Sataniques</em> sur la façon dont ses écrits sont perçus. L’humour, dans ses livres, a été négligé, explique-t-il, et ses œuvres ultérieures ont souffert de « l’ombre de l’attaque » portée aux <em>Versets Sataniques</em>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1161&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1161&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479020/original/file-20220814-50124-qnaxe2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1161&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les <em>Versets sataniques</em> ont été publiés il y a plus de 30 ans – quelques années avant la naissance de l’agresseur de Rushdie, Hadi Matar. Mais l’insulte à l’islam ressentie par les détracteurs de l’écrivain semble avoir perduré.</p>
<p>Le débat en cours sur Rushdie (comme le laissait entendre la tribune du <em>Time</em> de 1989 sur la fatwa) met en évidence des lignes de faille entre l’Occident et Orient qui étaient jusqu’alors restées cachées. Ces lignes de faille instaurent, selon les arguments de l’auteur, une différence radicale entre la responsabilité artistique en Occident et en Orient (ce dernier étant défini de manière étroite comme l’Orient islamique et ce que V.S. Naipaul <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1998/07/17/v-s-naipaul-juge-la-realite-islamique_3673296_1819218.html">appelait</a> les nations des « convertis » islamiques).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-de-30-ans-apres-leur-publication-les-versets-sataniques-de-salman-rushdie-toujours-controverses-188697">Plus de 30 ans après leur publication, « Les versets sataniques » de Salman Rushdie toujours controversés</a>
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<p>Ce discours de la différence radicale avait déjà fait son nid dans l’érudition humaniste européenne, comme l’a indiqué Edward Said dans son livre magistral de 1979, <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-orientalisme-edward-w-said/9782757853078"><em>Orientalisme</em></a>. Nombreux sont ceux qui ont affirmé que les <em>Versets sataniques</em> de Salman Rushdie ont offert un point de mire au débat – avec un objet tangible que l’on pouvait désigner comme l’exemple définitif de l’antagonisme de l’Occident envers l’Islam.</p>
<p>Pour la plupart des lecteurs qui apprécient l’autonomie du roman en tant qu’œuvre d’art, il s’agit d’une lecture erronée, voire trompeuse, de la relation entre l’art et l’histoire. Mais comme le montre la récente agression au couteau de Rushdie, cette lecture est encore puissante.</p>
<p>Malheureusement, Rushdie est massivement identifié (par certains) à des sentiments anti-islamiques. Cela a détourné l’attention de sa réussite en tant qu’auteur de certains des meilleurs romans écrits au cours du XX<sup>e</sup> siècle – un grand écrivain dont le nom est régulièrement avancé comme un potentiel lauréat du prix Nobel de littérature.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/why-i-still-support-charlie-hebdo-47795">Why I still support Charlie Hebdo</a>
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<h2>Plus qu’un écrivain</h2>
<p>Salman Rushdie, musulman indien, est né dans un foyer musulman laïque, et a grandi avec les livres et le cinéma. Le souhait de longue date de son père, Ahmed Rushdie, était de réorganiser le Coran de manière chronologique.</p>
<p>Rushdie est né quelques mois avant l’indépendance de l’Inde. L’Inde qu’il a connue avant son départ pour le prestigieux pensionnat anglais de Rugby, en 1961, était le pays indiscutablement laïque de Nehru. Cette vision libérale, que l’Inde semble avoir perdue, a guidé son écriture et a été la source d’inspiration de son deuxième roman, <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070402632-les-enfants-de-minuit-salman-rushdie/"><em>Les enfants de minuit</em></a> (1981), qui eût un succès spectaculaire et fût récompensé par le prix Booker, et de l’accueil critique réservé à ses romans plus créatifs, à savoir <a href="https://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio/La-honte#"><em>La honte</em></a> (1983), <a href="https://lcp.gallimard.fr/en/opds/products/le-dernier-soupir-du-maure?current_country_id=20&current_store_id=1513"><em>Le dernier soupir du Maure</em></a> (1995), <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070327249-la-terre-sous-ses-pieds-salman-rushdie/"><em>La terre sous ses pieds</em></a> (1999) et <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070399055-l-enchanteresse-de-florence-salman-rushdie/"><em>L’enchanteresse de Florence</em></a>.</p>
<p>Comme un autre écrivain de la diaspora indienne mondiale, V.S. Naipaul, Rushdie était venu en Occident dans le but de devenir romancier. La fatwa l’a radicalement transformé en quelque chose de plus qu’un écrivain : il est devenu une icône culturelle représentant l’importance de la liberté d’expression d’un écrivain.</p>
<p>Cette revendication de liberté est différente de la liberté d’expression générale dont jouissent ceux qui vivent dans les démocraties libérales. La liberté de l’écrivain est d’un autre ordre. Il s’agit d’une liberté acquise par le travail et l’excellence artistique. Cette liberté est conditionnelle : elle n’est pas offerte à n’importe quel écrivain. Elle doit être gagnée, en entrant dans le canon de la littérature mondiale, mais pas forcément en fonction d’une définition européenne de ce qui fait littérature. L’ensemble de l’œuvre de Rushdie indique qu’il l’a méritée.</p>
<p>Mais nous ne pouvons pas en rester là. L’expérience de Rushdie pose également la question de savoir comment négocier cette liberté à travers les cultures, en particulier celles qui sont régies par des absolus moraux et religieux soigneusement définis.</p>
<p>La violente hystérie engendrée par le traitement magique de Mahomet par Rushdie dans <em>Les versets sataniques</em> s’est finalement limitée à une petite minorité. Mais c’est souvent cette petite minorité qui ne parvient pas à lire les absolus de manière allégorique, comme ils devraient l’être.</p>
<p>L’agression de Chautauqua n’aurait pas dû se produire. Mais c’est le prix que l’art paie périodiquement, surtout lorsqu’il est pris comme bouc émissaire facile pour solder des différences historiques complexes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vijay Mishra reçoit des fonds du Conseil australien de la recherche pour ses livres sur Salman Rushdie : « Annotating Salman Rushdie »( Londres : Routledge, 2018) et « Salman Rushdie and the Genesis of Secrecy » (Londres : Bloomsbury, 2019). Pendant un mois, chaque année, de 2010 à 2012, il a travaillé sur les archives de Salman Rushdie à l'université Emory.</span></em></p>La fatwa lancée contre lui en 1989 a transformé Salman Rushdie en icône culturelle représentant l’importance de la liberté d’expression de l’écrivain.Vijay Mishra, Emeritus Professor of English and Comparative Literature, Murdoch UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845032022-06-20T14:08:16Z2022-06-20T14:08:16ZLa neutralité de l’Inde face à l’invasion russe en Ukraine pose des questions sur la solidarité internationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468303/original/file-20220610-43412-y4e3wh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3781%2C2773&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Illustrations de Joe Biden et Vladimir Poutine dans les rues de Mumbai, en Inde, le 21 février 2022. L'Inde se positionne comme neutre et refuse de condamner la Russie pour avoir envahi l'Ukraine. Cette position en dit long sur les nouvelles dynamiques géopolitiques dans le monde.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rafiq Maqbool)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/02/27/la-russie-felicite-linde-pour-son-abstention-lors-du-vote-sur-lukraine-a-lonu">L’Inde s’est abstenue de voter lors de plusieurs résolutions de l’ONU</a> visant à condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie.</p>
<p>Cette position que le gouvernement indien qualifie de « neutre » est révélatrice des dynamiques géopolitiques dans le monde et nous en apprend sur le rôle des pays émergents sur la scène internationale, ainsi que sur les répercussions du conflit dans le Sud Global.</p>
<p>Candidate au doctorat en science politique, spécialiste de l’Inde, de la politique de l’environnement et en études critiques du développement, mes recherches m’amènent à constamment me questionner sur la solidarité internationale et transnationale, essentielle avec les crises actuelles et futures.</p>
<h2>La position de l’Inde face à l’invasion russe en Ukraine</h2>
<p>Le discours de l’Inde face à l’Ukraine est <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-60552273">principalement axé sur le droit international</a>. Le gouvernement indien défend l’importance de la souveraineté et du respect de l’intégrité territoriale des États pour assurer la préservation de l’ordre mondial. Il a demandé la cessation immédiate des violences et des hostilités, sans toutefois mentionner explicitement la responsabilité de Moscou.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468308/original/file-20220610-31880-q7v7ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">T. S. Tirumurti, représentant permanent de l’Inde auprès des Nations unies, est entouré du ministre irlandais de la Défense et du représentant permanent de l’Ukraine auprès des Nations unies, lors d’une éunion du Conseil de sécurité des Nations unies, le 19 avril 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/John Minchillo)</span></span>
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<p><a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/india-provides-7-725-kg-of-humanitarian-aid-to-ukraine-101651854620406.html">Le pays a tout de même apporté du support humanitaire à l’Ukraine</a>. À deux reprises, l’Inde a assuré la livraison de médicaments, de matériel médical et de secours.</p>
<p>Puis, à la mi-avril, le <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-61151880">gouvernement a annoncé pouvoir « nourrir le monde »</a> en comblant le manque d’exportation de blé grandement affecté par le conflit. À eux seuls, l’Ukraine et la Russie exportent plus du quart du blé mondial. L’Inde est quant à elle la deuxième plus grande productrice de blé.</p>
<p>Le gouvernement indien a toutefois fait volte-face le 16 mai en <a href="https://ici.radio-canada.ca/rci/fr/nouvelle/1883825/cereales-embargo-ukraine-guerre-">interdisant les exportations de cette denrée</a>, sauf autorisation spéciale. Il soutient qu’il se doit d’assurer sa production nationale, sa propre sécurité alimentaire et celle de ses pays voisins vulnérables. Les vagues de chaleur qui secouent le pays risquent effectivement d’affecter grandement les récoltes.</p>
<h2>Les raisons géopolitiques derrière un tel positionnement</h2>
<p>En plus de la position historique « non-alignée » de l’Inde face aux affaires internationales, plusieurs autres motivations géopolitiques expliquent son positionnement face au conflit en Ukraine.</p>
<p>1) Au niveau sécuritaire, <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/defence/russias-share-of-arms-import-to-india-fell-from-69-in-2012-17-to-46-in-2017-21-report/articleshow/90218483.cms?from=mdr">l’Inde dépend grandement de la Russie pour son équipement militaire et de défense</a>. Bien qu’elle ait diversifié ses achats et ses partenariats en matière de coopération de défense, en signant notamment des contrats avec Israël, la France et les États-Unis, sa part d’équipement de défense acheté à la Russie se tient toujours tout près de 50 % pour la période 2017-2021.</p>
<p>Les relations tendues avec la Chine expliquent aussi la réticence de l’Inde à se positionner fermement contre les actions de la Russie. L’Inde et la Chine ont des relations conflictuelles depuis plusieurs décennies et ont même connu des tensions militaires en 2020. Un rapprochement trop rapide de l’Inde avec les États-Unis, notamment par une condamnation assumée des actions de la Russie, poserait le risque que la Chine décide plutôt de renforcer ses liens avec la Russie et le Pakistan, encerclant l’Inde.</p>
<p>2) L’Inde entretient des relations historiques avec la Russie. Depuis 1955, <a href="https://www.news9live.com/knowledge/veto-power-what-is-it-and-how-many-times-russia-has-used-it-in-favour-of-india-155567">cette dernière a utilisé son véto six fois au Conseil de sécurité pour la protéger de décisions concernant ses actions</a>, notamment en lien avec la question de l’indépendance du Cachemire. Pour l’Inde, elle est donc un partenaire « fiable ».</p>
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<img alt="Vladimir Poutine et Narendra Modi s’enlacent" src="https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468306/original/file-20220610-43412-xd2eub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président russe Vladimir Poutine et le premier ministre indien Narendra Modi se saluent avant leur rencontre à New Delhi, en Inde, le 6 décembre 2021. (AP Photo/Manish Swarup, File).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Manish Swarup, File)</span></span>
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<p>3) Cela fait plusieurs années déjà que l’Inde tente de se tailler une place sur la scène internationale. <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/defence/indias-multi-alignment-policy-can-provide-an-answer-to-current-geo-politics-cica-head/articleshow/91207042.cms">Sa position peut même être qualifiée de multi-alignée</a> : elle crée des partenariats et maintient des relations avec plusieurs pays, participe de plus en plus au sein d’organisations internationales et utilise ces canaux pour promouvoir ses intérêts. Cette stratégie ne fait que se refléter dans ses actions face au conflit ukrainien : elle préfère ne pas se prononcer pour s’assurer de conserver ses liens tant avec l’est que l’ouest.</p>
<p>4) L’Inde semble plutôt tirer profit de cette position dans le conflit. D’abord, depuis le début des hostilités, <a href="https://www.reuters.com/markets/commodities/russia-jumps-4th-position-oil-supplier-india-tanker-data-2022-05-17/">elle a par exemple réussi à importer du pétrole</a>, de l’huile de cuisson et de tournesol à faible coût en provenance de la Russie.</p>
<p>Ensuite, son interdiction posée sur les exportations de blé semble plutôt renforcer sa <a href="https://www.businessworld.in/article/India-s-Unusual-Wheat-Diplomacy/01-06-2022-430924/">« diplomatie alimentaire »</a>. Le gouvernement indien a fait preuve d’impulsivité en déclarant en avril vouloir nourrir la planète. Il était déjà grandement prévisible que les récoltes allaient être affectées <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Canicule_de_2022_en_Inde_et_au_Pakistan">par une vague de chaleur sans précédent, depuis mars</a>, causée par le changement climatique. La seule manière d’assurer une augmentation massive des exportations était d’offrir du financement et des bonus afin d’aider la production. Or, le gouvernement de Narendra Modi a préféré se retirer et ouvrir la porte aux négociations bilatérales.</p>
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<img alt="Un homme transporte du blé" src="https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468307/original/file-20220610-26-3vi5au.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un agriculteur indien transporte du blé récolté dans un champ à la périphérie de Jammu, en Inde, le 28 avril 2022. Une vague de chaleur inhabituellement précoce en Inde a réduit les rendements de blé et conduit le gouvernement à en interdire les exportations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Channi Anand)</span></span>
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<h2>Ne pas sous-estimer le rôle des pays émergents</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/why-india-chose-a-path-of-proactive-neutrality-on-ukraine-182403">Le professeur à l’École d’études internationales de l’université Jawaharlal Nehru de Delhi, Swaran Singh, qualifie la position de l’Inde de « neutralité proactive »</a>. Même si elle ne se positionne pas clairement face au conflit, elle agit quand même sur plusieurs fronts pour défendre ses propres intérêts. Le Brésil et l’Afrique du Sud aussi ont opté pour une telle position.</p>
<p>Le président brésilien Jair Bolsonaro <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/4/22/russia-ukraine-war-whats-behind-brazils-neutral-position">n’a pas non plus dénoncé les actions de la Russie, réitérant son partenariat avec le pays</a>. La Russie fournit 23 % du 40 millions de tonnes d’engrais que le Brésil importe pour supporter sa production de soja, dont il est le principal exportateur mondial. Tout comme l’Inde, le Brésil a une tradition diplomatique de ne pas se positionner dans les affaires internationales.</p>
<p>De même, <a href="https://theconversation.com/african-countries-showed-disunity-in-un-votes-on-russia-south-africas-role-was-pivotal-180799">l’Afrique du Sud a aussi évité de condamner la Russie</a>. Le président Cyril Ramaphosa a mentionné que les voies de la négociation et du dialogue sont à privilégier au-delà des sanctions économiques et des condamnations dans les arènes internationales. Cela dit, l’Afrique du Sud se démarque tout de même de l’Inde et du Brésil en ce qu’<a href="https://www.ft.com/content/9a2e1947-6870-4d88-81dc-a38e126393ad">elle dénonce surtout la manière dont l’Occident traite certains des défis internationaux</a>.</p>
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<img alt="Cinq hommes habillés en noir prennent la pose" src="https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468309/original/file-20220610-24020-s9crcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, le premier ministre indien Narendra Modi, le président chinois Xi Jinping, le président russe Vladimir Poutine et le président brésilien Jair Bolsonaro se tiennent avant la photo de groupe lors du sommet des économies émergentes des BRICS, au palais Itamaraty, à Brasilia, le 14 novembre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eraldo Peres)</span></span>
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<p>Cette position commune invite à ne pas sous-estimer le rôle des pays dits émergents sur la scène internationale. Ils représentent plus de 40 % de la population mondiale, sont extrêmement riches en ressources naturelles et sont activement engagés dans le développement de la coopération Sud-Sud.</p>
<h2>Le Sud Global et les limites de la « neutralité »</h2>
<p>Les impacts dans le Sud Global de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sont importants, notamment dans l’approvisionnement alimentaire. Les prix des engrais, des denrées de base comme le blé et de l’essence augmentent dramatiquement dans les pays du Sud Global. À l’instar de l’Inde, plusieurs sont dans l’obligation de limiter leur exportation de denrées alimentaires, de sorte que des pénuries alimentaires mondiales sont à prévoir pour les populations les plus vulnérables.</p>
<p>Par exemple, la <a href="https://www.ips-journal.eu/topics/democracy-and-society/the-time-to-support-the-global-south-is-now-5925/">corne de l’Afrique connaît sa pire sécheresse depuis 40 ans et environ 20 millions de personnes sont menacées de famine</a>. La guerre en Europe affecte directement la capacité de ces pays à obtenir des aliments de base et de l’engrais qui proviennent essentiellement de l’Ukraine et de la Russie.</p>
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<img alt="Un homme peint une illustration d’une femme en larmes" src="https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468305/original/file-20220610-45569-oin2ra.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le professeur d’art Sagar Kambli réalise une peinture sur l’offensive russe en Ukraine sur un trottoir devant son école d’art à Mumbai, lei 24 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rajanish Kakade)</span></span>
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<p>La position de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud se justifie par des raisons géopolitiques, les liens qu’ils entretiennent avec la Russie, leur tradition de non-alignement ou par la volonté de dénoncer également les actes de l’Occident. Il est toutefois inquiétant de constater qu’ils ne dénoncent pas plus fermement les actes de violence de la Russie.</p>
<p>En se positionnant comme « neutre », ces États éclipsent la partie la plus importante : la <a href="https://www.cbc.ca/listen/cbc-podcasts/1059-nothing-is-foreign/episode/15905538-why-the-global-south-isnt-taking-sides-in-the-ukraine-russia-war">nécessité de dénoncer les guerres, les violences et les actions impérialistes</a>. Les intérêts nationaux occupent ainsi davantage les discussions que les vies humaines qui sont violentées et enlevées par l’armée russe et par l’insécurité alimentaire.</p>
<p>Avec des gouvernements nationalistes de droite au Brésil et en Inde, leur réticence à dénoncer les actes de la Russie est inquiétante pour la reconfiguration géopolitique mondiale, et l’état des droits humains dans le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184503/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Viens ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Inde se positionne comme neutre dans la guerre que mène la Russie en Ukraine. Elle semble en tirer profit. Mais cela n’augure rien de bon pour les droits humains dans le monde.Catherine Viens, Candidate au doctorat en science politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.