tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/jeunes-21920/articlesjeunes – The Conversation2024-03-17T15:33:33Ztag:theconversation.com,2011:article/2252992024-03-17T15:33:33Z2024-03-17T15:33:33ZPour une éducation aux médias et à l’information (de) tous les jours<p>Ce lundi 18 mars 2024 s’ouvre la 35<sup>e</sup> édition de la <a href="https://www.clemi.fr/actions-educatives/semaine-de-la-presse-et-des-medias">Semaine de la presse et des médias dans l’école</a>. Chaque année, dans bon nombre d’établissements de la maternelle au lycée, ce rendez-vous permet de <a href="https://www.education.gouv.fr/semaine-de-la-presse-et-des-medias-dans-l-ecole-5159">« développer le goût pour l’actualité »</a>, tout en abordant avec les élèves des notions clés du travail journalistique, du décryptage de l’information, à travers des présentations du paysage médiatique ou des rencontres de rédactions.</p>
<p>Si cette manifestation a son importance, elle ne suffit bien sûr pas à mener à bien tous les objectifs énoncés ci-dessus. <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">L’observation des pratiques informationnelles enfantines et adolescentes</a>, comme l’analyse des situations d’apprentissage dans le monde scolaire mais aussi en famille, en médiathèques ou dans les communautés associatives, plaident incontestablement pour une banalisation de l’éducation aux médias et à l’information (EMI).</p>
<p>Cette éducation est une pierre angulaire du développement d’une culture générale. Comment s’y prendre pour mieux l’ancrer dans le quotidien des jeunes générations ?</p>
<h2>Une recherche d’informations quotidienne</h2>
<p>Dès l’<a href="https://edunumrech.hypotheses.org/files/2023/12/GTnum_CREM_ELN_portfolio_Dec2023.pdf">enfance</a>, les pratiques informationnelles existent et participent du développement de loisirs et d’activités. Prenons l’exemple d’Emeline, 10 ans. Passionnée de botanique, elle effectue des recherches en ligne sur les plantes. De son côté, Aiden, 7 ans, utilise YouTube pour regarder « des vidéos de dessins pour avoir des techniques et des idées », et ensuite dessiner à son tour.</p>
<p>Dès l’enfance aussi, ces pratiques d’information témoignent d’un enjeu d’intégration sociale fort. Ainsi, Rémy, scolarisé en CM2, raconte l’importance de ses recherches sur les faits de jeu de son équipe de football préférée. Il les partage avec ses frères et son père car, à la maison, on n’a plus les moyens financiers de se rendre au stade : « Quand on en parle à l’école le lundi, c’est comme si j’étais allé à Bollaert ! »</p>
<p>Cette intrication des pratiques informationnelles avec le développement d’une personnalité et de ses goûts et la volonté de prendre sa place dans le monde monte en puissance avec l’âge.</p>
<p>Les collégiens et les lycéens rencontrés sur le terrain racontent le plaisir de s’informer en groupe, de partager leurs découvertes entre pairs, de s’interroger ensemble sur les informations auxquelles ils accèdent. Dans toute leur diversité : non seulement sont évoquées les pratiques informationnelles médiatiques, dites d’actualité, mais aussi les pratiques informationnelles documentaires, extrêmement prégnantes dans la vie enfantine et adolescente.</p>
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<figcaption><span class="caption">C’est quoi une information ? Les Clés des Médias (CLEMI, mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Contrairement à une vulgate répandue, et affirmée par des études aux contours flous et purement <a href="https://www.nouvelobs.com/medias/20220121.OBS53512/le-desinteret-pour-l-actualite-progresse-surtout-chez-les-plus-jeunes.html">déclaratives</a>, les enfants et les adolescents s’informent. Ils et elles s’informent sur leurs centres d’intérêt, leurs loisirs, mais aussi des sujets de société qui leur tiennent à cœur, à la manière de ces lycéennes qui peuvent discuter longuement des violences sexistes et sexuelles. Elles effectuent une veille informationnelle rigoureuse sur le sujet par le moyen des réseaux sociaux numériques.</p>
<p>Adolescentes et adolescents s’informent avec un plaisir réel, lors de rituels qu’ils mettent en place, seuls, avec des pairs ou en <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03349651v1/file/CORDIER_Famille-numerique.pdf">famille</a>. Vasco, lycéen de 17 ans, explique combien il aime « confronter « (ses) » informations avec celles de (sa) mère avec la télé. On n’est pas souvent d’accord, mais c’est ça qui est bien, on se parle ! »</p>
<p>Ces générations tirent parti de ressources informationnelles qui échappent souvent au regard des adultes, à l’instar de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugo_Travers">Hugo Décrypte</a>, fortement plébiscité par les lycéens, ou encore des titres de presse régionale ou nationale, dont ils suivent les publications <em>via</em> les réseaux sociaux numériques. N’oublions pas non plus les créateurs et créatrices de contenu, qui tiennent une place importante dans l’écosystème informationnel des publics juvéniles, notamment pour nourrir leur curiosité envers l’information documentaire (sur la santé, la sexualité, ou encore la physique ou le cinéma).</p>
<h2>Des rituels de familiarisation à l’information</h2>
<p>Ces pratiques informationnelles ont besoin de soutien, et les enfants comme les adolescents apparaissent très demandeurs d’accompagnement dans le domaine, conscients notamment de la difficulté à évaluer l’information dans un contexte généralisé de défiance, ou encore à gérer la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/chaos-information-reseaux-sociaux-adolescents-sophie-jehel">réception des images violentes en ligne</a>. Ils sont aussi désireux de développer plus encore leurs connaissances informationnelles « pour réussir dans la vie, parce que l’information c’est un tremplin », comme le note Romane, 17 ans.</p>
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<p>Les adolescents et les jeunes adultes rencontrés en enquête font part de rituels de familiarisation à l’information qu’ils considèrent comme fondateurs dans leur parcours. C’est le cas de Morgan qui, à 24 ans, tire le fil entre une expérience quotidienne de la lecture et de la discussion autour de la presse d’actualité à l’école primaire et son appétence actuelle, à l’âge adulte, pour la presse écrite :</p>
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<p>« Tu titres “De Mon Quotidien à Mad Movies” ! (rires) Sérieusement, je suis certain, ça me vient de là, le plaisir de la presse, tu vois, de prendre de l’info dedans, de savoir que je peux la partager, comme on faisait en primaire, quoi. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres évoquent des apprentissages structurants, lesquels ont pu être observés lors d’un <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/5130">suivi longitudinal de lycéens dans leur entrée dans les études supérieures</a> et dans la vie professionnelle. À 19 ans, Julie « ne remerciera jamais assez (son professeur documentaliste) qui lui a donné les bonnes cartes pour après ! », notamment en la sensibilisant au référencement bibliographique et au travail de sourçage de l’information.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HzZDrChvgME?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">“Le smartphone, une porte d’entrée à l’information” (Sqool TV, 2023)</span></figcaption>
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<p>Malheureusement, l’étude des parcours sur le long terme, et les enquêtes de terrain en milieu scolaire, montrent la difficulté à mettre en place une progression des apprentissages en éducation aux médias et à l’information. Les temps consacrés à l’information dans la classe, à son analyse comme à sa discussion, sont trop ponctuels.</p>
<p>Or, intégrer des apprentissages informationnels au sein d’un environnement médiatique et documentaire pour le moins complexe, comprendre des concepts essentiels comme l’autorité informationnelle ou encore la ligne éditoriale, développer une <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03541492v1/document">culture des sources</a>, tout cela demande du temps.</p>
<h2>Sortir du traitement évènementiel de l’éducation à l’information</h2>
<p>Le traitement évènementiel de l’information, auquel se trouvent souvent contraints les acteurs de l’éducation aux médias et à l’information, ne permet absolument pas de relever le défi. Tout d’abord, parce que, nous l’avons vu, ce traitement n’est pas à la mesure de la quotidienneté – joyeuse – de la vie sociale des enfants et des adolescents, et des enjeux qu’ils ont à affronter chaque jour pour <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03452769/document">appréhender le flux d’informations</a> et en traiter le contenu, quel que soit son statut.</p>
<p>Ensuite, la prise en charge des problématiques informationnelles et médiatiques ne saurait se limiter à la gestion d’un évènement en général tellement chargé émotionnellement (attentats, guerres) que la prise de distance nécessaire à la structuration de connaissances n’est pas possible.</p>
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<p>Enfin, l’étude des trajectoires informationnelles des acteurs suivis sur le long terme et les interrelations avec les formations en EMI dont ils ont bénéficié montrent à quel point la dimension temporelle est cruciale. C’est ce qui favorise l’intégration de compétences et de connaissances abordées de façon répétée de manière à ce que des transferts soient envisagés et envisageables. C’est ainsi qu’en situation, dans un nouveau contexte, les jeunes concernés seront en mesure de convoquer de nouveau des ressources, des types d’usages ou de pratiques abordés.</p>
<p>Pour l’ensemble de ces raisons, c’est d’une éducation aux médias et à l’information du quotidien et au quotidien dont nos enfants et adolescents ont besoin, une éducation à la hauteur de la place qu’a l’activité informationnelle dans leur vie. C’est-à-dire une place quotidienne, profondément incarnée, sensible, joyeuse, et essentielle dans les sociabilités qu’ils mettent en œuvre, que ce soit avec la famille ou avec les pairs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Cordier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mars, la Semaine de la presse et des médias à l’école sensibilise les enfants et les adolescents au décryptage de l’actualité. Mais l’éducation aux médias est un défi à relever au jour le jour.Anne Cordier, Professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075542024-03-10T16:46:25Z2024-03-10T16:46:25ZCannabis : Des idées reçues à déconstruire !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580373/original/file-20240307-32-eazgkk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C3846%2C2572&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ces dernières années, plusieurs pays ont choisi d'encadrer l'usage du cannabis plutôt que de le prohiber. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/plantes-vertes-sur-cadre-en-metal-blanc-yovhXPl8V1M">Richard T/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>« Le cannabis amène à consommer des drogues plus dures », « le cannabis entraîne des troubles psychiatriques », « prohiber le cannabis fait baisser la consommation de cannabis », « l’autoriser fait augmenter la consommation »… Qui n’a jamais entendu, ou relayé, ces affirmations réductrices, voire erronées ?</p>
<p>Ces discours tendent à simplifier des interactions qui sont, dans les faits, très complexes. Ancrés dans un registre émotionnel et reposant sur des imaginaires caricaturaux, ils ne tiennent pas compte des données scientifiques, et empêchent la mise en place de politiques efficaces de prévention et de réduction des risques et dommages, qui les prendraient en compte. En réalité, les <a href="https://cnrs.hal.science/hal-03478935">usages du cannabis – et les conséquences de ces usages – diffèrent beaucoup selon les profils sociaux et les contextes de consommation</a>. Déconstruisons donc quelques idées reçues, avec l’aide de la recherche scientifique.</p>
<h2>Une substance très consommée</h2>
<p>Le cannabis est la <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/DACC-2022.pdf">première substance psychoactive illicite la plus consommée</a> dans notre pays : 18 millions de Français ont déjà expérimenté le cannabis au cours de leur vie. Parmi eux, 1,3 million sont des usagers réguliers (au moins 10 consommations dans le mois) et 850 000 sont des usagers quotidiens.</p>
<p>Le profil type du consommateur de cannabis est celui d’un homme jeune, mais les dernières tendances observées montrent une <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2021/usages-du-cannabis-en-france-premiers-resultats-du-barometre-sante-de-sante-publique-france-2020">augmentation de la consommation de cannabis chez les femmes et un vieillissement des consommateurs</a>, plus souvent trentenaires ou plus âgés.</p>
<p>Dans la plupart des cas, cet usage irrégulier n’occasionne pas de conséquences sociales ou sanitaires majeures, mais certains groupes tels que les adolescents et les jeunes adultes sont particulièrement exposés aux risques liés au cannabis. Les études disponibles mettent en évidence <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3069146/">qu’une personne qui consomme du cannabis sur onze pourrait développer une dépendance</a>, voire une sur six, si la consommation démarre à l’adolescence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-jeunes-et-cannabis-au-dela-des-caricatures-208160">Podcast : Jeunes et cannabis, au-delà des caricatures</a>
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<h2>Une plante à double tranchant</h2>
<p>S’il existe effectivement des risques à consommer du cannabis, ces risques ne sont pas <a href="https://esprit.presse.fr/article/marie-jauffret-roustide-et-jean-maxence-granier/cannabis-les-risques-de-la-repression-43568">efficacement prévenus</a> par le contexte politique et social dans lequel les consommations se déroulent, dont la prohibition. En effet, un tel contexte limite la possibilité d’un dialogue clair et d’une prévention efficace sur les conséquences de la consommation de cannabis. Par ailleurs, il rend aussi plus difficile le fait d’aborder les bénéfices potentiels de certaines substances actives contenues dans cette plante.</p>
<p>Car le cannabis est une <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-la-premiere-prescription-de-cannabis-medical-en-france-ou-en-est-on-179711">plante qui a aussi un intérêt médical</a>. Certaines des substances actives qu’elle contient, comme le tetrahydrocannabinol (THC) ou le cannabidiol (CBD), composent majoritairement certains médicaments prescrits dans des indications précises, comme la douleur neuropathique (douleur étant la conséquence d’une atteinte du système nerveux, suite à un accident, une intervention chirurgicale, un zona, etc.), la rigidité musculaire (spasticité) ou des formes d’épilepsie résistante aux médicaments.</p>
<p>Comment les données scientifiques peuvent-elles nous aider à y voir plus clair ?</p>
<h2>Le cannabis est-il une plante sans risque ?</h2>
<p>Rappelons que l’origine naturelle d’une substance n’est pas une garantie d’absence de risque (ou de présence de bienfait) pour le corps humain.</p>
<p>Au-delà des effets recherchés (plaisir ou autothérapeutique), les substances, comme le THC ou le CBD, peuvent aussi induire des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34282851/">effets indésirables</a>.</p>
<p>L’apparition de ces complications dépend notamment de la façon dont le cannabis est consommé, de la composition du produit (en particulier de sa concentration en THC), des vulnérabilités individuelles et du contexte de consommation.</p>
<p>Parmi les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32877036/">principaux risques liés à un usage de cannabis</a>, on peut citer diverses complications :</p>
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<li><p>neurologiques : somnolence,convulsions ;</p></li>
<li><p>cognitives : troubles de la mémoire, de l’attention et des capacités d’apprentissage ;</p></li>
<li><p>psychiques : anxiété, attaques de panique, paranoïa voire dépendance ;</p></li>
<li><p>digestives : douleurs abdominales, vomissements, prise de poids car le cannabis augmente l’appétit (effet orexigène) ;</p></li>
<li><p>hormonales et sexuelles : perturbations des cycles menstruels et altération de la qualité du sperme et troubles de l’érection et de l’éjaculation chez l’homme ;</p></li>
<li><p>cardio-vasculaires.</p></li>
</ul>
<p>Ces dernières complications sont rares, mais potentiellement graves. En effet, les décès imputables à un usage de cannabis (qui sont eux aussi très rares) sont le plus souvent associés à des troubles du rythme cardiaque, de l’hypertension, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral.</p>
<p>Des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36115751/">complications respiratoires</a> peuvent elles aussi survenir, mais elles sont directement liées à l’usage par voie pulmonaire avec combustion (joint, bang), et le plus souvent en lien avec l’utilisation de tabac.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cbd-lessentiel-a-savoir-avant-den-prendre-171970">CBD : l’essentiel à savoir avant d’en prendre</a>
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<h2>Le cannabis mène-t-il à l’usage d’autres substances plus à risque ?</h2>
<p>C’est un argument fréquent des discours des tenants de la prohibition. Apparu aux États-Unis dès les années 30, il est encore souvent brandi par les opposants à la légalisation d’accès au cannabis, pour qui consommer du cannabis conduirait inéluctablement à expérimenter d’autres drogues comme la cocaïne ou l’héroïne. On parle de « théorie de l’escalade », de « théorie du tremplin » ou de « théorie de la « porte d’entrée ».</p>
<p>La théorie de l’escalade n’a jamais été prouvée scientifiquement, il n’est pas démontré que l’usage de cannabis puisse être la cause d’un usage d’autres drogues illicites. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1156108/">Elle s’est construite sur une confusion entre lien de causalité et corrélation</a>. En effet, la plupart des usagers d’héroïne ont consommé du cannabis auparavant. Mais ils ont également consommé de l’alcool et du tabac. Or, tous les usagers d’alcool, de tabac ou de cannabis ne passent pas pour autant à l’héroïne… Autrement dit, le fait de fumer du cannabis, donc d’être exposé au THC, n’incite pas à lui seul à consommer d’autres produits.</p>
<p>Élaborée en 2002, une autre théorie est plus scientifiquement crédible : celle du « Common liability model », qui repose sur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12472629/">propension individuelle</a> à consommer des substances psychoactives. Cette dernière refléterait une vulnérabilité individuelle globale qui serait dépendante de facteurs génétiques et environnementaux, et non des substances consommées.</p>
<p>Ainsi, selon ce modèle, les individus ayant consommé du cannabis, puis de la cocaïne (ou de l’héroïne) seraient passés de l’un à l’autre à cause d’une vulnérabilité générale commune à l’usage de ces drogues. L’ordre d’initiation aux drogues refléterait alors plutôt l’ordre dans lequel les individus auraient l’opportunité d’essayer les drogues, et donc aussi de la facilité d’accès à ces drogues et de leur statut dans la société. La disponibilité grandissante de la cocaïne pourrait d’ailleurs changer l’ordre des choses.</p>
<h2>Le cannabis rend-il forcément schizophrène ?</h2>
<p>La schizophrénie est une maladie chronique et sévère qui concerne jusqu’à 1 % de la population, selon les estimations. Elle débute habituellement entre 15 et 25 ans, soit dans les mêmes tranches d’âge que celles des premiers usages de cannabis.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2022-1-page-135.htm">C’est une maladie multifactorielle</a>, qui associe non seulement des facteurs de causalité environnementaux, mais aussi génétiques (la part de l’hérédité est importante : jusqu’à 80 %).</p>
<p>Le passage d’un état de vulnérabilité psychotique (qui concerne environ 10 % de la population générale) vers la maladie schizophrénie dépend de facteurs de risque au moment de l’adolescence, parmi lesquels l’usage de cannabis semble impliqué. En effet, chez les adolescents ayant des niveaux importants de consommation, le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31664453/">risque de présenter un trouble psychotique est multiplié par 4 en moyenne</a>.</p>
<p>Les patients schizophrènes consommateurs de cannabis ont développé la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24345517/">maladie en moyenne trois ans plus tôt que les autres</a>. C’est aussi un facteur péjoratif sur la sévérité et le pronostic de la maladie. L’usage de cannabis est donc non seulement un facteur aggravant mais aussi probablement un <a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2022-1-page-135.htm">facteur explicatif, mais non suffisant</a>, de trouble psychotique.</p>
<p>Il n’est pas nécessaire de consommer du cannabis pour développer une schizophrénie, mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32459328/">15 % des nouveaux patients</a> n’auraient pas développé ce trouble s’ils n’avaient pas utilisé du cannabis. D’où la nécessité d’éviter ou retarder le plus tard possible une exposition – notamment chronique – au cannabis chez les personnes de moins de 25 ans.</p>
<h2>La prohibition fait-elle baisser la consommation de cannabis chez les jeunes ?</h2>
<p>Avant tout, il est essentiel de rappeler que les modèles politiques choisis pour encadrer les drogues n’ont que peu d’effets sur les niveaux de consommation chez les jeunes. Ainsi, la France a l’une des législations les plus répressives d’Europe. Pourtant, elle se situe en tête de classement (<a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/drogues-et-addictions-chiffres-cles/drogues-et-addictions-chiffres-cles-9e-edition-2022/">2<sup>e</sup> sur 34</a>) pour la consommation de cannabis chez les adolescents. La Suède, qui a également un modèle très répressif, se situe en fin de ce même classement.</p>
<p>Dans un contexte prohibitionniste, les campagnes de prévention adoptent le plus souvent un discours axé sur la peur et les risques. Or, cela peut avoir un effet contre-productif, et <a href="https://journals-sagepub-com.inshs.bib.cnrs.fr/doi/10.1177/001789690506400206">favoriser l’expérimentation de cannabis chez les adolescents</a></p>
<p>La prohibition du cannabis n’a donc pas tous les effets escomptés : elle ne fait pas baisser la consommation. Par ailleurs, elle a des effets néfastes, car elle ne protège pas suffisamment les consommateurs des risques éventuels.</p>
<h2>La légalisation du cannabis fait-elle augmenter sa consommation ?</h2>
<p>À l’inverse, les pays qui ont assoupli leurs législations vis-à-vis du cannabis, en optant pour des modèles axés sur la santé publique et la réduction des risques, ont des résultats plutôt encourageants concernant les tendances de l’usage chez les jeunes et la prévention.</p>
<p>C’est par exemple le cas du Québec, qui a choisi un modèle de légalisation très axé sur la santé publique. Les autorités ont observé une diminution de la consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois chez les jeunes de 15 à 17 ans (de <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/flash-surveillance/evolution-consommation-cannabis/">22 % à 19 %</a>), ainsi qu’une stabilité chez les 18-20 ans et une augmentation chez les 21-24 ans (de <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/flash-surveillance/evolution-consommation-cannabis/">39 à 43 %</a>).</p>
<p>En outre, différentes études ont montré que des politiques plus libérales vis-à-vis du cannabis <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0955395919300210">ne se sont pas accompagnées d’une augmentation importante de la consommation chez les plus jeunes</a>.</p>
<p>Par ailleurs, la légalisation du cannabis au Canada a permis de développer la sensibilisation des usagers face au risque, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/programmes/engagement-legalisation-reglementation-cannabis-canada-bilan-progres/document.html">grâce à des investissements massifs dans les campagnes de prévention</a> (108,6 millions de dollars canadiens sur 6 ans, de 2017 à 2023). Les dernières données québécoises montrent que la population a acquis une <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/flash-surveillance/evolution-normes-sociale-regard-cannabis-quelques-chiffres/">meilleure connaissance des risques liés au cannabis</a> depuis la légalisation.</p>
<h2>Quel modèle politique adopter ?</h2>
<p>Les <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/les-usages-de-substances-psychoactives-chez-les-collegiens-et-lyceens-resultats-enclass-2022/">données françaises</a> montrent une baisse de la consommation de cannabis chez les jeunes et un recul de l’âge à la première consommation chez les collégiens. Malgré cette baisse, les <a href="https://www.emcdda.europa.eu/data/stats2023/gps_en">jeunes Français âgés de 15 à 24 ans se caractérisent par un niveau de consommation de cannabis plus élevé que les autres jeunes Européens</a>. À titre d’exemple, à l’âge de 16 ans, les jeunes Français consomment deux fois plus de cannabis que la moyenne européenne : 13 % déclarent avoir consommé du cannabis dans le dernier mois, contre 7 % en Europe, <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxss2ab.pdf">selon l’enquête ESPAD</a>.</p>
<p>Face à cet échec de la prohibition à protéger les plus jeunes des risques, de plus en plus de pays choisissent une autre voie, et en particulier celle de la légalisation du cannabis.</p>
<p>Nous <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/10/9/e035148.long">manquons de recul aujourd’hui pour faire un bilan complet de ces initiatives de légalisation</a>. Toutefois, il ressort clairement des premières données disponibles que les modèles très libéraux et commerciaux mis en place aux États-Unis, qui ont fait de la vente du cannabis un symbole du capitalisme, peuvent avoir des <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/bilans/legalisation-du-cannabis-aux-usa-janvier-2021/">effets délétères</a>. En revanche, les modèles très encadrés, axés sur la santé publique, tels que ceux mis en place au Canada semblent plus <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/programmes/engagement-legalisation-reglementation-cannabis-canada-bilan-progres/document.html">prometteurs</a>.</p>
<p>La France est confrontée par ailleurs confrontée à un paradoxe : le cannabis fait le plus souvent l’objet d’un discours très alarmiste, notamment chez les politiques, alors que dans le même temps, l’alcool reste très valorisé. Pourtant, là aussi les données scientifiques sont claires : en France, la <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/l-addiction-a-l-alcool">mortalité liée à l’alcool représente 49 000 cas par an (et 7 % des décès en Europe)</a>. Mais les campagnes de prévention telles que le <a href="https://theconversation.com/alcool-et-dry-january-relever-le-defi-de-janvier-est-toujours-benefique-meme-en-cas-dechec-220556">« Dry January »</a> ne reçoivent pas le <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/addictions/alcool/enquete-comment-le-lobby-de-l-alcool-et-du-vin-fait-tout-pour-limiter-l-ampleur-du-dry-january-f5eed272-8c14-11ed-9fb2-0b86ee40425f">soutien de l’État</a>. Il reste manifestement encore des progrès à faire dans notre pays pour que les politiques des drogues soient axées sur les données scientifiques probantes…</p>
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<h2><em>Pour en savoir plus :</em></h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture de l’ouvrage « Le cannabis pour les nuls », First Éditions." src="https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture de l’ouvrage « Le cannabis pour les nuls ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/le-cannabis-pour-les-nuls-grand-format/9782412089347">First Éditions</a></span>
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<p><em>Authier N., Julia V. (avec la collaboration de Marie-Jauffret Roustide, Ivana Obradovic et Alexandre Maciuk) « Le cannabis pour les nuls », First Éditions, parution le 15 mars.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Jauffret-Roustide est sociologue, chercheure à l'Institut sur la santé et la recherche médicale (INSERM). Elle est membre du comité Stupéfiants et Psychotropes de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) et a été membre du groupe d'experts ayant produit l'avis sur l'expérimentation du cannabis à des fins médicales. Elle est membre du collège scientifique de l'Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (OFDT) et de l'Agence Européenne des Drogues (EMCDDA). Elle dirige le programme Sciences sociales, drogues et sociétés (D3S) à l'EHESS, avec le soutien de l'IRESP.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Président de la Fondation Institut Analgesia (fondation partenariale de soutien à la recherche sur la douleur chronique). Président du comité de suivi de l'expérimentation d'accès au cannabis médical de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé. (ANSM). Membre du collège scientifique de l'Observatoire Français des Drogues et Tendances addictives (OFDT). </span></em></p>Pour sortir de la caricature, les débats récurrents sur le cannabis nécessitent une argumentation moins idéologique. Loin des opinions, voici quelques vérités scientifiques sur cette plante.Marie Jauffret-Roustide, Chargée de recherche Inserm, sociologue et politiste au Centre d'études des mouvements sociaux (CEMS), InsermNicolas Authier, Professeur des universités, médecin hospitalier, Inserm 1107, CHU Clermont-Ferrand, Président de la Fondation Institut Analgesia, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189792024-02-20T14:41:12Z2024-02-20T14:41:12ZComment les lycéens se représentent l’avenir en temps de crise<p>L’adolescence a longtemps été perçue comme une période d’irresponsabilité, où l’important était surtout de « prendre du bon temps » et de profiter de l’instant présent. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, tant s’en faut. L’avenir est une préoccupation majeure, aussi bien pour les parents que pour les jeunes.</p>
<p>Plus de <a href="https://journals.openedition.org/revss/9981">80 % des lycéennes et lycéens que nous avons enquêtés</a> dans un établissement de 3 000 élèves de l’ouest de la France, socialement mixte, dans le cadre de la chaire <a href="https://www.ehesp.fr/recherche/organisation-de-la-recherche/les-chaires/chaire-enfance-bien-etre-et-parentalite/">« Enfance, bien-être et parentalité »</a> y réfléchissent au moins une fois par mois, et environ un tiers d’entre eux le font quotidiennement.</p>
<p>Si leur avenir scolaire et professionnel arrive très largement en tête de leurs préoccupations, le devenir du monde et de la société occupe une place non négligeable dans les réflexions des adolescents. L’écologie, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-sociales-53084">inégalités sociales</a> et les situations politiques nationales et internationales suscitent davantage leur intérêt et leur attention que l’avenir de leurs proches et des relations entretenues avec eux.</p>
<p>Toutefois, cette capacité à se projeter dans l’avenir n’est pas uniformément répartie dans la société. Elle est marquée par de fortes différenciations sociales : les filles et les élèves des classes supérieures sont plus enclins que les garçons et les élèves de classes populaires à s’inquiéter de leur propre avenir et de l’avenir en général.</p>
<p>Non seulement les premiers sont bien plus nombreux que les seconds à avoir des projets d’études et des projets professionnels, mais ils et elles sont également plus susceptibles de se détacher d’une vision individualiste du futur pour se questionner sur le monde de demain, et plus particulièrement sur son versant écologique.</p>
<h2>Chez les lycéens et les lycéennes, des visions de l’avenir assez contrastées</h2>
<p>Lorsqu’on leur demande à quoi leur fait penser le terme « avenir », trois mots ressortent particulièrement : le travail (64 %), l’indépendance (64 %) et le <a href="https://theconversation.com/face-au-rechauffement-climatique-passer-de-leco-anxiete-a-leco-colere-184670">réchauffement climatique</a> (40 %). Si la prégnance des mots « travail » et « réchauffement climatique » ne fait que renforcer le constat déjà établi sur l’importance de leur avenir professionnel et de leurs questionnements sur la situation écologique à venir, le recours fréquent au mot « indépendance » met en lumière un autre élément du rapport à l’avenir des jeunes : la centralité du <a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">processus d’autonomisation</a> induit par le passage de l’adolescence à la jeunesse, puis à l’âge adulte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-pandemie-redessine-les-chemins-des-jeunes-vers-lautonomie-158096">Comment la pandémie redessine les chemins des jeunes vers l’autonomie</a>
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<p>Le futur est, pour une grande partie de ces jeunes, le signe d’un détachement (tant attendu) du contrôle des adultes et des parents. L’analyse des mots que les adolescents associent à l’avenir permet de mettre en lumière quatre visions du futur, structurées par une double opposition : d’un côté, entre un rapport positif et un rapport négatif à l’avenir ; de l’autre, entre un rapport individuel et un rapport collectif au futur.</p>
<p><strong>L’avenir comme horizon incertain</strong></p>
<p>Dans la première vision, qui rassemble 45 % des enquêtés, les termes qui reviennent le plus souvent sont : « incertitude », « ailleurs » et « peur », tandis que « joie » et « liberté » font partie des mots les moins employés. Les adolescentes et adolescents de ce groupe ont une perception plus individualiste de l’avenir : s’ils sont parmi les plus nombreux à se questionner quotidiennement sur leur propre avenir, et plus précisément sur leur avenir scolaire, ils sont également les moins susceptibles de s’inquiéter de l’avenir de leur famille et de la société en général.</p>
<p><strong>L’avenir comme situation de crise(s)</strong></p>
<p>La deuxième vision, regroupant 10 % des jeunes, a également une tonalité négative et inquiète mais appliquée à une dimension plus globale et collective. Les mots les plus fréquemment utilisés sont « catastrophes sociales », « crise économique », et « réchauffement climatique ». Les termes liés à connotation plus individuelle tels que « peur », « liberté », « joie » sont peu mobilisés. Les lycéens de ce groupe apparaissent autant, voire bien plus inquiets et concernés par l’avenir de la société dans son ensemble que par leur propre futur.</p>
<p><strong>L’avenir comme période de liberté</strong></p>
<p>La troisième vision, qui réunit 30 % des enquêtés, contraste nettement avec les précédentes en ce qu’elle est largement positive. Les mots associés au futur sont « liberté » et « indépendance ». Il y a peu de traces de « peur », d’« incertitude » ou d’« inquiétude » dans les réponses. Les adolescentes et adolescents de ce groupe semblent confiants. La situation sociale et écologique à venir comme leur devenir professionnel les préoccupent peu. Seul leur futur amoureux et amical est l’objet de questionnement quotidien – sans doute parce qu’il sera au centre de leur vie (étudiante à venir).</p>
<p><strong>L’avenir comme entrée dans un monde adulte (idéalisé)</strong></p>
<p>La dernière vision, qui caractérise 15 % des personnes interrogées, est également positive, mais se place, contrairement à la précédente, sous le signe d’une réalisation familiale et professionnelle plutôt que personnelle. Ce sont les termes « famille », « joie » et « travail » qui sont les plus employés, très loin devant « indépendance » ou « liberté ». Si les jeunes de ce groupe souhaitent travailler rapidement (la plupart ont une idée précise du métier qu’ils entendent exercer), c’est pour pouvoir fonder une famille ou venir en aide à leurs parents ou à leurs frères et sœurs. Ce n’est pas pour profiter d’une période de liberté. Ce qui compte c’est l’avenir des gens qui comptent pour eux.</p>
<h2>L’influence des styles d’éducation familiale</h2>
<p>Ces quatre visions de l’avenir ne se retrouvent pas de façon aléatoire dans la société. Elles dépendent des conditions d’existence des adolescentes et adolescents mais aussi et peut-être surtout des styles d’éducation familiale reçue, et notamment du niveau d’implication des pères et des mères dans les différents domaines de la vie de leurs enfants.</p>
<p><strong>Le style éducatif centré sur la réussite scolaire</strong></p>
<p>Les adolescents qui ont une vision incertaine de l’avenir se distinguent par le fait d’avoir des parents très impliqués dans leur vie scolaire et qui contrôlent constamment la vie sociale et amoureuse de leurs enfants, afin de les rendre plus enclins à s’investir pleinement, voire uniquement dans le domaine scolaire.</p>
<p>Dans ces familles de classes moyennes, la réussite scolaire est fondamentale et occupe une large part des discussions parents-enfants dans la mesure où de fortes rétributions matérielles et symboliques sont attendues de l’école et de l’investissement scolaire, d’autant plus que leurs enfants sont majoritairement en Terminale, où se posent clairement les questions d’orientation.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la politique</strong></p>
<p>Les lycéennes et lycéens qui perçoivent l’avenir comme une période de crise viennent de familles très politisées, qui accordent plus de place à l’autonomie des jeunes et où les enjeux scolaires semblent moins importants, d’une part du fait de bons résultats scolaires des enfants et d’autre part en raison d’une moindre pression à s’orienter puisqu’ils et elles sont encore en classe de Seconde ou de Première.</p>
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<p>Les parents de ces adolescents privilégient les discussions autour de sujets économiques, politiques, écologiques et sociaux, avec une attention particulière aux inégalités sociales. Il n’est donc pas surprenant de retrouver chez ces jeunes un rapport de confrontation au monde avec une forte volonté d’agir contre les injustices.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la négociation et l’autonomie</strong></p>
<p>Les lycéennes et lycéens qui conçoivent l’avenir comme une période de liberté ont eu une éducation très libérale, basée sur la négociation et l’apprentissage de l’auto-contrainte, avec une sociabilité amicale fortement valorisée. Dans ces familles plutôt issues de classes supérieures, il est important que les enfants, et notamment les garçons, soient autonomes dès leur plus jeune âge et apprennent à bien gérer et à bien contrôler le(ur) temps, dans la mesure où il s’agit de compétences jugées nécessaires pour accéder aux positions dominantes qu’ils devront occuper plus tard.</p>
<p>Mais il semble également primordial pour ces parents que leurs enfants valorisent leurs relations sociales, une sociabilité (mondaine) dans le but de créer et d’entretenir un capital social utile à l’âge adulte.</p>
<p><strong>Un style éducatif centré sur la réalisation des aspirations personnelles</strong></p>
<p>Enfin, les jeunes qui se représentent l’avenir comme une entrée dans un monde adulte idéalisé se distinguent par le fait d’avoir reçu une éducation familiale centrée sur la réalisation des aspirations personnelles. Dans ces familles appartenant aux classes populaires stables, les relations parents-enfants sont chaleureuses et se caractérisent par un fort niveau de connivence et par un soutien important des premiers à l’égard de la vie scolaire et quotidienne des seconds.</p>
<p>Si la réussite scolaire importe, elle n’est pas une fin en soi. Le but de la forte implication morale et matérielle des parents est que leur enfant puisse être heureux dans ce qu’il entreprend. Il n’est donc pas surprenant que le futur brossé par ces jeunes ressemble beaucoup à la situation familiale vécue avec leurs parents. Les niveaux de bien-être qu’elles et ils perçoivent et ressentent eux-mêmes en tant qu’enfants semblent contribuer à la volonté de reproduire cette situation pour leurs futurs enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a>
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<p>Le rapport à l’avenir des jeunes est donc loin d’être homogène et défaitiste, malgré les situations de crises économiques, écologiques ou sanitaires. En fonction de leurs conditions de vie et des styles d’éducation familiale reçue, les adolescents n’ont, d’une part, pas les mêmes dispositions à se projeter dans l’avenir et, d’autre part, pas les mêmes représentations de l’avenir et de ce qui compte ou comptera dans le futur (étude, famille, travail, etc.).</p>
<p>Aussi intéressants soient ces résultats, il convient toutefois de rappeler que les tendances repérées ici mériteraient d’être corroborées par d’autres enquêtes dans la mesure où il s’agit d’une enquête exploratoire dans laquelle les filles et les classes supérieures sont légèrement surreprésentées.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par Kevin Diter, Marine Lecœur and Claude Martin. Ces recherches sur l'avenir des lycéennes et lycéens ont aussi fait l'objet d'un <a href="https://soundcloud.com/inspe-lille-hdf/sets">podcast avec l'INSPE Lille Hauts-de-France</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218979/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Diter a reçu des financements de la caisse nationale d'allocation familiale (CNAF) et du ministère de la Culture pour des projets de recherche portant sur la construction des émotions et du sens de la justice chez les enfants. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claude Martin a reçu des financements de l'ANR dans le cadre de son activité de chercheur au CNRS. </span></em></p>La manière dont les lycéennes et lycéens envisagent l’avenir est loin d’être uniforme. Et le style d’éducation qu’ils reçoivent contribue à modeler leur vision du futur.Kevin Diter, Maître de conférences en sociologie, Université de LilleClaude Martin, Sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230412024-02-19T14:55:37Z2024-02-19T14:55:37ZUne pauvreté invisible des jeunes en milieu rural ?<p>Si l’on pense pauvreté, une réalité urbaine vient à l’esprit. La grande ville, la banlieue, le péri-urbain. Seule exception dans cet imaginaire de pauvreté de béton : les agriculteurs. <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">Leur mobilisation</a> contre leur précarité grandissante est actuellement très médiatisée. Lorsqu’ils ne sont pas sur le devant de la scène, ils restent observés avec intérêt par les <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">chercheurs</a> et les <a href="https://theconversation.com/la-fnsea-syndicat-radical-derriere-le-mal-etre-des-agriculteurs-des-tensions-plus-profondes-222438">pouvoirs publics</a>. Trois raisons à cela : ils sont particulièrement subventionnés, le maintien de leur profession joue un rôle déterminant pour les espaces ruraux et les enjeux de <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">« souveraineté alimentaire »</a> cristallisent l’attention.</p>
<p>Mais en dehors de ce corps de métier, la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/pauvres-des-champs-les-oublies-9397038">pauvreté des espaces ruraux</a> à très faible densité de population est comme invisible. Les questions de précarité et d’exclusion sociale sont très peu médiatisées lorsque l’on parle de tous les autres habitants des campagnes.</p>
<p>Depuis une vingtaine d’années, la <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1653">pauvreté monétaire</a> sur le territoire national s’accentue (elle se définit par un revenu inférieur à 60 % du revenu médian. En 2023, ce seuil est fixé à un revenu disponible de 1 102 euros par mois pour une personne seule et de 2 314 euros pour un couple avec enfants). Alors qu’en 2004, 12,6 % de Français vivaient sous le seuil de pauvreté, en 2024, ils sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2408282">14,5 %</a>. La pauvreté monétaire est plus importante dans les grands centres-villes, c’est vrai.</p>
<p>Mais ensuite, c’est dans les communes rurales dites « isolées et hors de l’influence des villes » qu’elle est la plus forte. Celles-ci accueillent environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283639">5 %</a> de la population métropolitaine. Que sait-on de cette pauvreté rurale ? Qu’en est-il notamment chez les jeunes ?</p>
<h2>Que sait-on de la pauvreté des jeunes ruraux ?</h2>
<p>Tout d’abord, pourquoi s’intéresser particulièrement <a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">aux jeunes</a> ? Il y a environ 9 millions de personnes en situation de pauvreté en France. Les jeunes de moins de 30 ans représentent à eux seuls la <a href="https://www.inegalites.fr/La-pauvrete-selon-l-age?id_theme=21">moitié de cet échantillon</a>. Ils sont <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/30_RPC/33_PAU">deux fois</a> plus susceptibles de se retrouver dans une situation de pauvreté que ne le sont les personnes de plus de 65 ans. <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-la-jeunesse--9782200631352.htm">Cela s’explique</a> à la fois par un phénomène de reproduction sociale (qui exacerbe les inégalités au fil des générations) et par une redistribution des richesses et des places en défaveur des jeunes générations. La jeunesse est particulièrement hétérogène, mais elle fait face <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/pour-une-politique-de-la-jeunesse-camille-peugny/9782021492439">dans son ensemble</a> à un contexte de <em>marée montante de la précarité</em>. Cependant, les choses ne sont pas les mêmes que l’on soit un jeune vivant en ville ou à la campagne.</p>
<p>Lorsqu’on s’intéresse aux chiffres, la pauvreté en milieu rural semble moins importante qu’en ville. Les ménages ruraux représentent un tiers de la population, mais un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7672092">quart des ménages pauvres</a>. Cela pourrait laisser penser que les espaces ruraux sont des espaces de « résistance » à la pauvreté, notamment chez les jeunes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1664648066094493696"}"></div></p>
<p>Ces chiffres sont trompeurs : ils dissimulent d’autres phénomènes. Le taux de pauvreté des urbains est supérieur à celui des ruraux, mais lorsque l’on s’intéresse aux actifs de moins de 30 ans, la pauvreté est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1893198">très similaire</a>. Les retraités, eux, sont même plus touchés par la pauvreté dans les campagnes que dans les villes. La sociologue Agnès Roche dénonce dans son ouvrage <a href="https://pur-editions.fr/product/8573/des-vies-de-pauvres"><em>Des vies de pauvres</em></a> les écrans de fumée qu’imposent les catégories administratives et notamment le découpage géographique de l’Insee qui homogénéise les différents espaces ruraux (périurbain, rural « profond », etc.) en un ensemble parfois incohérent. Difficile alors d’étudier les phénomènes de pauvreté dans un flou territorial.</p>
<p>Ainsi, là où les travaux statistiques tutoient parfois leurs limites, les enquêtes qualitatives réalisées auprès des jeunes ruraux permettent de mieux comprendre ces phénomènes. Elles se révèlent particulièrement éclairantes sur les questions de non-recours aux aides sociales et mettent à jour une <a href="https://pur-editions.fr/product/8573/des-vies-de-pauvres">pauvreté invisibilisée</a> et <a href="https://www.cairn.info/manuel-indocile-de-sciences-sociales--9782348045691-page-864.htm">stigmatisée</a> dans les campagnes.</p>
<h2>Un non-recours aux aides plus important</h2>
<p>On observe un <a href="https://theses.hal.science/tel-03559941">écart assez important</a> en fonction des territoires lorsque l’on étudie les jeunes à l’aune des aides qu’ils reçoivent. Dans le modèle français, une grande partie de la solidarité qui permet aux jeunes d’accéder à l’indépendance repose sur l’aide parentale. Ce système « familialiste » crée une <a href="https://www.cairn.info/politiques-de-jeunesse-le-grand-malentendu--9782353712908.htm">reproduction des inégalités</a> importante puisqu’il fait reposer l’avenir socioprofessionnel des jeunes sur les ressources de leurs parents, ressources inégales entre les familles et souvent en <a href="https://www.cairn.info/sociologie-des-ages-de-la-vie--9782200600501.htm">défaveur des territoires ruraux</a>. Pour autant, si la solidarité familiale est acceptée, les aides sociales sont en France particulièrement stigmatisées. Elles sont associées à l’hédonisme, à la fainéantise, à l’inaction, en bref, à <a href="https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2007-3-page-85.htm">l’imaginaire de l’assistanat</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Chez les jeunes ruraux, on observe un phénomène de <a href="https://theses.hal.science/tel-03559941">rejet plus prononcé</a> des aides sociales que chez les urbains. Le fait de vivre en milieu rural diminue d’ailleurs la probabilité de connaître de manière précise le RSA de <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-04/ER1263EMB.pdf">11,2 points</a>. Une opposition assez flagrante entre deux domaines symboliques se dessine dans le discours des jeunes avec lesquels nous nous sommes entretenus : d’une part, la figure du travailleur pauvre, et de l’autre, celle de l’assisté. Dans cette manière très manichéenne de percevoir son rapport à ces revenus, on tente de se placer du côté de ceux qui maîtrisent leurs expériences de vie par le travail. Être ou devenir « un assisté » devient une crainte telle qu’elle détourne souvent les jeunes d’aides auxquelles ils peuvent pourtant prétendre.</p>
<p>Plus que craindre pour l’image que l’on se fait de soi, c’est surtout le risque de stigmatisation que l’on craint. Être perçu comme un « assisté », c’est être localement « mal vu » et donc souffrir d’une mauvaise réputation. Dans des espaces où les réputations <a href="https://theses.fr/2016POIT5037">se font et se défont rapidement</a>, le fait d’être perçu comme « vivant aux crochets » des aides peut notamment limiter l’employabilité des jeunes. Ce non-recours aggrave la précarité des jeunes dans les campagnes. Il participe à une pauvreté plus silencieuse.</p>
<h2>Les jeunes femmes plus durement touchées</h2>
<p>Les jeunes ruraux sont plus souvent en <a href="https://www.cairn.info/revue-formation-emploi-2018-2-page-99.htm">situation d’emploi que les urbains</a> mais ils sont également sujets à des phénomènes d’<a href="https://theses.hal.science/tel-03559941">exploitation dans le travail de manière récurrente</a>. Travailler sans contrat, être sous-payé, voire pas rémunéré du tout, est fréquent dans les parcours de vie de jeunes ruraux, en particulier chez les plus précaires. Parallèlement, les jeunes qui ne sont ni en emploi, étude ou stage (<a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2023/08/21/les-ni-en-emploi-ni-en-etudes-ni-en-formation-neet-en-france-un-defi-qui-reste-a-relever_6186039_1698637.html">NEET</a>) sont particulièrement nombreux dans les espaces ruraux. Ils représentent un <a href="https://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=2886">quart des 18-24 ans</a>, contre un cinquième en ville.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1306100862708854784"}"></div></p>
<p>Les écarts entre hommes et <a href="https://theconversation.com/comment-les-stereotypes-pesent-sur-linsertion-des-femmes-non-diplomees-en-milieu-rural-174412">femmes</a> sont bien plus importants dans les campagnes. Si les territoires ruraux sont hétérogènes, on peut trouver chez les 15-24 ans, 32 % des femmes sont en activité contre 47 % des hommes. En ville, c’est 33 % des femmes de 15-24 ans et 40 % des hommes. Le chômage féminin peut être jusqu’à <a href="https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2017/2017_02_jeunesse_territoires_ruraux.pdf">deux fois supérieur</a> à celui des hommes dans certaines zones rurales.</p>
<p>Les inégalités territoriales, des politiques inadaptées et le manque d’intérêt jouent le jeu d’une pauvreté invisible et parfois trop silencieuse des jeunes en milieu rural. Leurs aspirations et leurs besoins semblent rarement pris en considération. Les politiques publiques à destination des jeunes sont urbanocentrées, et lorsque l’on s’intéresse aux habitants des territoires ruraux, il s’agit plus de « bricolage » administratif que de grands plans d’action adaptés et construits. On omet souvent la très grande hétérogénéité de ces espaces, et donc, de leurs besoins. Si la pauvreté semble numériquement plus faible dans les campagnes, elle cache d’autres phénomènes : « […] de stigmatisation, d’assignation territoriale et enferme dans une pauvreté silencieuse » comme le souligne <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2010-2-page-7.htm">Amélie Appéré De Sousa</a>, qui a collaboré avec l’Observatoire Régional de Santé Bourgogne. Il est nécessaire de ne plus penser les espaces ruraux comme en périphérie ou à la marge des réalités contemporaines. Ces espaces représentent plus des deux tiers du territoire français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Reversé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunesses font face à une montée de la précarité. Les jeunes urbains sont particulièrement étudiés, mais qu’en est-il dans les campagnes ?Clément Reversé, Sociologie de la jeunesse, sociologie des espaces ruraux, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177242024-01-31T15:56:36Z2024-01-31T15:56:36ZPourquoi le salafisme attire-t-il certains jeunes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568636/original/file-20240110-15-1xi2zx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C1629%2C3535%2C2043&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quête de soi, désaffiliation sociale, besoin d'engagement : les raisons de l'adhésion au salafisme sont multiples.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/photogaphie-en-niveaux-de-gris-dun-homme-assis-sur-un-banc-en-beton-kX9lb7LUDWc">Matthew Perry/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Samedi 2 décembre 2023, un <a href="https://theconversation.com/attaques-terroristes-conflits-comment-exister-face-aux-tragedies-du-monde-215719">terroriste</a> armé d’un couteau a tué un touriste allemand et blessé deux autres personnes. Quelques semaines après <a href="https://theconversation.com/face-aux-attaques-terroristes-comment-proteger-les-enseignants-215724">l’attentat à Arras qui a coûté la vie au professeur Dominique Bernard</a>, cet événement interroge à nouveau le processus de <a href="https://theconversation.com/terrorisme-ces-individus-instables-qui-se-dopent-aveuglement-a-la-foi-ideologique-215818">radicalisation</a> qui touche certains jeunes.</p>
<p>Il souligne l’urgence de comprendre <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-soft-power-salafiste-de-larabie-saoudite-84308">l’influence grandissante du salafisme</a> en France, courant souvent au cœur des processus de radicalisation, et les ressorts de l’adhésion à cette mouvance religieuse.</p>
<p>Si l’on s’en tient aux résultats de nos <a href="https://theses.hal.science/tel-04145508v1/document">récentes recherches</a>, ce sont les jeunes adultes dont les repères sociaux et professionnels ne sont pas encore bien établis, voire incertains, qui sont attirés par le salafisme. Et c’est pour recouvrer une stabilité identitaire qu’ils empruntent parfois le chemin de l’extrémisme. Mais alors, de quoi le salafisme est-il le nom ?</p>
<p>Les salafistes, en général, cherchent à revenir aux pratiques et aux croyances des pieux « ancêtres » – désignant les générations fondatrices de l’islam appelés <em>Al Salaf Al Sâlih</em>, considérés comme les plus authentiques. Il existerait <a href="https://www.cairn.info/qu-est-ce-que-le-salafisme--9782130557982.htm">trois formes principales de salafisme</a> :</p>
<ul>
<li><p>Le salafisme quiétiste, majoritaire, prône l’ascétisme, la retraite spirituelle et l’abstention de l’engagement politique</p></li>
<li><p>Le salafisme politique aspire à établir un État islamique fondé sur la charia (loi islamique)</p></li>
<li><p>Le salafisme djihadiste, très minoritaire, considère la violence terroriste comme un moyen légitime pour imposer sa vision de l’islam.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, toutes les personnes se revendiquant du salafisme sont très rarement impliquées dans des activités violentes. Cependant, certains aspects mis en avant par cette mouvance tel que le principe d’<em>Al-wala’ wal-bara</em> (« allégeance et désaveu ») ont pour effet d’encourager la distance sociale voire le séparatisme. Un séparatisme pouvant prendre la forme d’une désempathie ou d’une déshumanisation des autres.</p>
<h2>Pourquoi le salafisme « fait sens » pour certains jeunes ?</h2>
<p><a href="https://theses.hal.science/tel-04145508v1/document">L’enquête que nous avons menée en 2019</a> dans le cadre d’une recherche en sociologie permet de comprendre pourquoi le salafisme attire certains jeunes. À ce sujet, trois dimensions ont été révélées par nos observations :</p>
<ul>
<li><p>une quête identitaire</p></li>
<li><p>une vision du monde structurée et un mode de vie clair</p></li>
<li><p>une volonté de se démarquer et de se sentir appartenir à une communauté</p></li>
</ul>
<p>Autrement dit, l’attraction pour le salafisme trouve son origine dans sa capacité à proposer un modèle social alternatif. En fournissant des repères moraux et existentiels ; il constituerait une réponse à la <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2023-1-page-65.htm">crise d’identité et de valeurs éprouvée par ces jeunes en quête de sens</a>. En offrant une alternative radicale à une culture dominante sécularisée, mue par l’individualisme, le salafisme s’apparente, pour certains, à un sanctuaire psychique. Les propos du jeune Othmâne, l’un de nos enquêtés, sont à cet égard éloquents :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai trouvé dans l’Islam ce que je ne trouvais pas dans les autres religions… Une communauté d’accueil, une communauté chaleureuse et disponible pour moi, des frères qui me guident et me conseillent dans ce que je veux faire… C’est dans cette chaleur humaine que mon vide a été comblé et que ma vie a totalement changé <em>Hamdoulillah</em> (Dieu merci). »</p>
</blockquote>
<p>Le salafisme semble séduire en premier lieu parce qu’il offre l’occasion d’un ancrage existentiel pour ces jeunes dont l’identité n’est pas encore bien établie. Ensuite, en procurant un sentiment d’appartenance et de communauté, il constitue un bouclier contre une <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_societe_du_mepris-9782707153814">société perçue et vécue comme méprisante</a>. En d’autres termes, cette mouvance religieuse offre l’occasion d’une appartenance à une communauté de valeurs et de pratiques. Elle nourrit un sentiment de cohésion et, par ricochet, de sécurité psychique. Ces jeunes trouvent donc dans cette voie un refuge contre le sentiment d’exclusion, d’assignation à <a href="https://theses.hal.science/tel-04145508v1/document">résidence identitaire et géographique</a>.</p>
<hr>
<p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/terrorisme-ces-individus-instables-qui-se-dopent-aveuglement-a-la-foi-ideologique-215818">Terrorisme : ces individus instables qui se dopent aveuglement à la foi idéologique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Précisons aussi que les réseaux sociaux et la propagande en ligne jouent un rôle non négligeable dans ce processus d’adhésion : les <a href="https://www.cairn.info/revue-quaderni-2017-3-page-29.htm">jeunes y trouvent un soutien et une validation de leurs croyances</a>. À noter également que la frustration face aux difficultés économiques, aux discriminations ou à l’absence d’opportunités peut <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-fabrique-de-la-radicalite-laurent-bonelli/9782021397932">conduire certains à rechercher dans le salafisme un espace de rébellion</a>. Comme on peut le voir, les jeunes les plus vulnérables constituent des proies faciles.</p>
<h2>Proposer un contre-horizon</h2>
<p>En explorant la question de la perte de sens, le sociologue et philosophe allemand <a href="https://www.philomag.com/philosophes/hartmut-rosa">Hartmut Rosa</a> offre un perspective précieuse pour appréhender les questions existentielles dans les sociétés modernes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S4cSgfb2xEo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans son ouvrage <a href="https://editions.flammarion.com/remede-a-l-acceleration/9782080241900"><em>Remèdes à l’accélération</em></a>, il montre comment la vie moderne se caractérise par une accélération constante qui impacte tous les aspects de l’existence. Ces changements, de plus en plus rapides, affectent en premier lieu la relation à soi, à son bien-être et, plus largement, aux autres.</p>
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<p>Dans cet ouvrage, Rosa interroge les notions d’autonomie, de progrès, le rapport au temps et, surtout, la notion de résonance comme une forme de relation au monde susceptible de se prémunir des écueils du phénomène d’accélération. Selon le sociologue, la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/resonance-9782707193162">résonance</a> se produit lorsque les individus établissent des connexions significatives avec leur environnement humain, physique et – point important ici – transcendantal.</p>
<p>Par ailleurs, pour donner à voir les alternatives à la modernité, l’auteur distingue trois types de sujets : les surfeurs, les dériveurs et celui qui cherche un ancrage existentiel. Et c’est précisément de ce dernier groupe que peuvent émerger les comportements terroristes.</p>
<ul>
<li><p>Le surfeur est celui qui saute de vague en vague, essayant de déchiffrer et maîtriser les éléments sans y parvenir. Tout comme Sisyphe, il est condamné à la répétition et donc à ne jamais accéder au repos et au bien-être.</p></li>
<li><p>Le dériveur, quant à lui, balloté de toute part, navigue sans amer dans un océan dépourvu de havres de paix. Ce faisant, il est condamné à l’errance.</p></li>
<li><p>En contraste du surfeur et du dériveur, le troisième type de sujet est celui qui, en quête de stabilité, pour échapper à l’accélération, cherche à jeter l’ancre pour se (re)poser.</p></li>
</ul>
<p>C’est alors que les groupes terroristes (au sens large) apparaissent comme des rives stables et sécurisantes pour ces jeunes en quête d’existence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des chercheurs se sont penchés sur les raisons pour lesquelles les jeunes Français sont séduits par le salafisme. Une quête de sens existentielle semble être leur principal moteur.Djamel Bentrar, CTER à l'IUT du Mans, Le Mans Université, Le Mans UniversitéOmar Zanna, Sociologue, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211892024-01-25T15:49:10Z2024-01-25T15:49:10ZLe Canada doit mettre en œuvre des mesures de sécurité pour protéger les enfants en ligne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569360/original/file-20240109-19-9s4t5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de cas de cyberprédation a été multiplié par dix au cours des cinq dernières années au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La récente législation sur la vérification de l’âge sur les sites proposant du contenu pour adultes a donné lieu à une situation intéressante au Parlement canadien. Le 13 décembre dernier, le <a href="https://www.parl.ca/legisinfo/en/bill/44-1/s-210">projet de loi S-210</a>, soit la Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, a en effet été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes à l’issue d’un <a href="https://www.ourcommons.ca/Members/en/votes/44/1/609">vote de 189 voix contre 133</a>.</p>
<p>Étonnamment, la plupart des députés libéraux ont voté contre, car le gouvernement travaille sur son propre <a href="https://www.canada.ca/en/canadian-heritage/campaigns/harmful-online-content.html">projet de loi sur les préjudices en ligne</a>. Ce projet de loi a été promis pour la première fois en 2019, mais n’a pas encore été déposé en raison des <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/online-protection-act-1.7042880">complications plus vastes</a> qu’il soulève.</p>
<p>Avec le plein appui des conservateurs, du NPD, du Bloc Québécois et de certains députés libéraux, le projet de loi S-210 a pu faire l’objet d’un examen en comité. Il a par ailleurs été adopté par le Sénat au printemps 2023.</p>
<p>Le projet de loi S-210 prévoit qu’avant d’accéder à des sites proposant du contenu pour adultes, toute personne doive obligatoirement passer par un processus de vérification de l’âge afin de prouver qu’elle est adulte. La vérification de l’âge est déjà obligatoire pour accéder aux sites de jeux de hasard et à ceux qui vendent des produits tels que l’alcool, le tabac et le cannabis.</p>
<h2>Protéger les mineurs</h2>
<p>Une législation semblable au projet de loi S-210 a été adoptée ou mise en œuvre avec succès dans diverses parties du monde, dont <a href="https://euconsent.eu/">l’Union européenne</a>, le <a href="https://www.internetmatters.org/resources/uk-age-verification-law-for-pornography-sites-explained-parent-guide/">Royaume-Uni</a> et <a href="https://www.nytimes.com/2023/04/30/business/louisiana-kids-age-porn-law.html">plusieurs États</a> américains.</p>
<p>Pourtant, les législateurs canadiens sont divisés quant au projet de loi S-210. Les détracteurs du projet de loi ont en effet émis de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/porn-site-age-verification-proposed-bill-1.7060841">vives inquiétudes</a> au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.</p>
<p>Mes recherches doctorales portent sur les systèmes anonymes de vérification de l’âge visant à protéger la vie privée des personnes utilisatrices. Je collabore aussi volontairement avec le Conseil de gouvernance numérique du Canada à l’élaboration de <a href="https://dgc-cgn.org/standards/find-a-standard/">normes techniques pour les technologies de vérification de l’âge</a>.</p>
<p>Toute discussion sur la protection de la vie privée et la sécurité dans le cadre de la vérification de l’âge en ligne doit tenir compte de certains facteurs clés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un jeune garçon fixe l’écran d’un ordinateur portable dans l’obscurité" src="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les partisans du projet de loi S-210 affirment qu’il protégera les enfants, tandis que ses détracteurs ont émis de vives inquiétudes au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Vérification de l’âge en ligne</h2>
<p>Bien qu’il existe <a href="https://avpassociation.com/avmethods/">différents mécanismes</a> de vérification de l’âge en ligne, les méthodes les plus populaires sont la comparaison de pièces d’identité, la reconnaissance faciale et la vérification par un tiers.</p>
<p>La comparaison de pièces d’identité est une méthode courante de vérification de l’âge dans le cadre des transactions en personne. Par exemple, on doit présenter une pièce d’identité délivrée par le gouvernement, comme un permis de conduire ou une carte d’assurance maladie, lorsqu’on achète de l’alcool en magasin. De même, lors d’une transaction en ligne, une personne peut téléverser une image de sa pièce d’identité.</p>
<p>La technologie de <a href="https://www.britannica.com/technology/OCR">reconnaissance optique de caractères</a> permet ensuite d’extraire les données du document, en particulier la date de naissance. En outre, une <a href="https://www.incognia.com/the-authentication-reference/what-is-liveness-detection">vérification de légitimité</a> peut être effectuée en comparant la photo du document avec une photo instantanée de la personne afin d’en garantir l’authenticité.</p>
<p>Une personne peut également prouver son âge par l’intermédiaire d’un tiers autorisé, tels que sa société de carte de crédit ou sa banque. Cette méthode s’appuie sur les relations existantes avec ces entités de confiance et sur les informations qu’elles détiennent pour confirmer l’âge de la personne.</p>
<p>La vérification de l’âge basée sur la biométrie est un domaine émergent depuis une dizaine d’années, grâce à l’intelligence artificielle. Les chercheurs examinent <a href="https://doi.org/10.1109/MS.2020.3044872">différentes données biométriques</a> pour estimer l’âge, notamment les <a href="https://www.yoti.com/blog/yoti-myface-liveness-white-paper/">images faciales et les vidéos</a>, la <a href="https://doi.org/10.1109/ICPCSN58827.2023.00082">parole</a>, les <a href="https://doi.org/10.1109/ICACC-202152719.2021.9708286">empreintes digitales</a>, les <a href="https://doi.org/10.1109/RTSI55261.2022.9905194">signaux cardiaques</a> et <a href="https://doi.org/10.1049/ic.2013.0258">l’iris</a>.</p>
<p>Durant l’analyse faciale, une personne est invitée à fournir un égoportrait en direct sous la forme d’une image ou d’une vidéo, qui est ensuite analysée par des outils d’intelligence artificielle afin d’estimer son âge. Cette méthode a été <a href="https://iapp.org/news/a/how-facial-age-estimation-technology-can-help-protect-childrens-privacy-for-coppa-and-beyond/">testée de manière exhaustive</a> et est à présent déployée dans différents pays par diverses entités, notamment <a href="https://www.telegraph.co.uk/business/2023/12/15/google-develops-selfie-scanning-block-children-porn/">Google</a> et <a href="https://www.bbc.com/news/technology-63544332">Meta</a>.</p>
<h2>Une option moins invasive</h2>
<p>Lorsque plusieurs options sont disponibles, une personne peut choisir celles avec lesquelles elle se sent le plus à l’aise. Le projet euCONSENT est un réseau fondé par la Commission européenne pour protéger les enfants en ligne. Ce réseau a récemment mené un <a href="https://euconsent.eu/a-summary-of-the-achievements-and-lessons-learned-of-the-euconsent-project-and-what-comes-next/">projet pilote approfondi</a> sur la vérification de l’âge en ligne auprès de 2 000 enfants et adultes dans cinq pays européens.</p>
<p>Les réactions des personnes participantes ont montré que l’estimation faciale était le premier choix, préféré par 68 % d’entre elles. Les répondants la considéraient en effet comme une option facile, rapide et moins invasive. La vérification par un tiers (par l’intermédiaire d’une société de carte de crédit) était l’option la moins populaire, préférée par seulement 3 % des participants.</p>
<p>Les données personnelles des utilisateurs (pièces d’identité, images faciales ou renseignements bancaires) doivent être protégées par l’application de règlements stricts, semblables aux politiques de l’Union européenne en matière de <a href="https://gdpr-info.eu/">réglementation générale sur la protection des données</a>.</p>
<p>Le projet de loi S-210 propose de mettre en œuvre des méthodes fiables de vérification de l’âge qui collecteront les informations personnelles des utilisateurs uniquement aux fins de vérification, après quoi les données seront immédiatement détruites.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="le visage d’un homme est numérisé par son téléphone cellulaire" src="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’analyse faciale peut permettre de déterminer l’âge d’un utilisateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des RPV qui posent des défis</h2>
<p>Les <a href="https://www.pcmag.com/how-to/what-is-a-vpn-and-why-you-need-one">réseaux privés virtuels</a> (RPV) sont souvent utilisés pour échapper à la vérification de l’âge. Les personnes utilisatrices font transiter le trafic Internet par des serveurs situés dans différents endroits, ce qui donne l’impression qu’elles accèdent au contenu à partir d’une région où il n’y a pas de restrictions d’âge.</p>
<p>Ce problème peut être résolu par les <a href="https://www.apnic.net/ip-geolocation-service-providers/">services de géolocalisation IP</a>, qui comparent la localisation déclarée d’une personne avec son adresse IP réelle, ce qui permet d’identifier toute divergence.</p>
<h2>Protéger les enfants</h2>
<p>Outre la préparation technologique, la sensibilisation de la société s’avère également cruciale pour garantir l’adoption appropriée de mesures de vérification de l’âge, ce qui nous ramène aux aspects législatifs.</p>
<p>Le nombre de cas de cyberprédation <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/social-media-online-child-luring-reports-spike-canada-1.6739824">a été multiplié par dix</a> au cours des cinq dernières années au Canada. Des incidents tragiques sont survenus où des enfants se sont suicidés après avoir été victimes d’abus en ligne. En octobre dernier, un <a href="https://urldefense.com/v3/__https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/police-link-suicide-of-12-year-old-prince-george-b-c-boy-to-online-sexual-extortion-1.7041185__;!MtWvt2UVEQ!DF5HkrmBKV19KkIeKL-ea2wsl0zQDjXailbkNU8v_hglKA5S_bli3hS-fFnKq-jM1tMU5hYhryCzTQawM4J5fnd%24">garçon de 12 ans s’est suicidé en Colombie-Britannique</a> après avoir été victime de sextorsion virtuelle.</p>
<p>La question est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant que des mesures ne soient mises en place pour protéger les enfants ? Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu d’aller de l’avant et de sécuriser les espaces en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221189/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Azfar Adib a reçu des financements de MITACS.</span></em></p>La cyberprédation des enfants est en forte hausse au pays. Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu de sécuriser les espaces en ligne.Azfar Adib, Public Scholar & PhD Candidate, Electrical and Computer Engineering, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207932024-01-21T07:07:01Z2024-01-21T07:07:01ZLes jeunes africains pourraient perturber les États autoritaires, mais ils ne le font pas : voici pourquoi<p>L'Afrique a la <a href="https://www.un.org/ohrlls/news/young-people%E2%80%99s-potential-key-africa%E2%80%99s-sustainable-development#:%7E:text=Africa%20has%20the%20youngest%20population,to%20realise%20the%20best%20potential.">plus population jeune la plus importante au monde</a>. D'ici 2030, <a href="https://www.prb.org/resources/africas-future-youth-and-the-data-defining-their-lives/">75%</a> de la population africaine aura moins de 35 ans. Le nombre de jeunes Africains âgés de 15 à 24 ans devrait atteindre <a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2023/06/27/investing-in-youth-transforming-afe-africa">500 millions</a> en 2080. </p>
<p>Bien que la dynamique démographique varie sur le continent, la plupart des pays subsahariens ont un <a href="https://www.wilsoncenter.org/blog-post/africas-median-age-about-19-median-age-its-leaders-about-63">âge médian inférieur à 19 ans</a>. Le Niger est le pays le plus jeune du monde avec un âge médian de 14,5 ans, tandis que l'Afrique du Sud, les Seychelles, la Tunisie et l'Algérie ont des âges médians supérieurs à 27 ans. </p>
<p>Ces données démographiques constituent une <a href="https://www.brookings.edu/articles/three-myths-about-youth-employment-in-africa-and-strategies-to-realize-the-demographic-dividend/">force de croissance potentielle</a>. Toutefois, le potentiel du dividende démographique de l'Afrique a été éclipsé par les préoccupations des gouvernements et des donateurs internationaux concernant la relation entre les fortes populations de jeunes, les taux de chômage et l'instabilité politique. </p>
<p>De nombreux pays ayant une forte population de jeunes et des taux élevés de chômage et de sous-emploi des jeunes <a href="https://ugapress.org/book/9780820348858/the-outcast-majority/">vivent dans la paix</a>. Mais le discours politique dominant soutient que les jeunes chômeurs constituent une menace pour la stabilité. </p>
<p>En outre, le rôle des jeunes dans les manifestations populaires - comme au <a href="https://www.cmi.no/publications/7420-after-the-uprising-including-sudanese-youth">Soudan en 2019</a> - a suscité de grandes attentes quant à leur rôle dans la lutte contre les gouvernements autocratiques et la contribution à la démocratie. </p>
<p>En tant que politologue et sociologue, nous souhaitons comprendre l'interaction entre les jeunes et les régimes autocratiques, d'autant plus que les autocraties élues <a href="https://alinstitute.org/images/Library/RetreatOfAfricanDemocracy.pdf#page=1">s'imposent</a> en Afrique. </p>
<p>Les autocraties électorales sont des régimes élus au pouvoir en utilisant des stratégies autoritaires. Celles-ci comprennent la manipulation des élections et la répression de l'opposition, des médias indépendants et de la société civile.</p>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre recherche</a> se concentre sur les interactions entre les jeunes et les régimes en Éthiopie, au Mozambique, en Ouganda et au Zimbabwe. Il s'agit dans tous les cas d'autocraties électorales.</p>
<p>Ces régimes sont conscients de l'importance de leur population de jeunes qui les défient parfois. <a href="https://theconversation.com/bobi-wine-has-shaken-up-ugandan-politics-four-things-worth-knowing-about-him-153205">Bobi Wine</a>, musicien populaire devenu candidat à la présidence, en est un exemple. </p>
<p>Les quatre pays étudiés ont également connu des guerres civiles, au cours desquelles les groupes armés victorieux ont pris le pouvoir et y sont restés depuis la fin de la guerre. Cela a créé une dynamique particulière entre les gouvernements rebelles vieillissants et la majorité des jeunes.</p>
<p>Dans des contextes autocratiques comme ceux-ci, les efforts visant à responsabiliser les jeunes peuvent facilement être manipulés pour servir les intérêts du régime. Certains jeunes peuvent décider de jouer le jeu et de saisir les opportunités offertes par les acteurs du régime. D'autres peuvent y résister. Certains saisissent les opportunités en espérant qu'elles servent leurs propres intérêts et non ceux du régime. Cependant, cela pourrait reproduire des formes de clientélisme. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-gained-power-in-ethiopia-with-the-help-of-young-people-four-years-later-hes-silencing-them-195601">Abiy Ahmed gained power in Ethiopia with the help of young people – four years later he's silencing them</a>
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<p>Tout cela est important parce que l'avenir de la démocratie est en jeu et que l'utilisation des opportunités offertes par l'État pourrait contribuer à la reproduction de l'autoritarisme.</p>
<p>Nos équipes de recherche dans chaque pays ont <a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">étudié</a> la panoplie de politiques mises en place par les gouvernements pour “s'occuper” des jeunes. Elles ont notamment accordé des prêts aux jeunes entrepreneurs et mis en place des conseils de jeunes et des quotas de jeunes dans les institutions politiques. </p>
<p>Nous avons constaté que les stratégies ciblées sur les jeunes - qui visent essentiellement à promouvoir l'emploi et la participation politique - font partie des règles du jeu dans les quatre pays que nous avons étudiés. Les programmes d'emploi et d'entreprenariat sont suscpetibles de faire l'objet d'abus par le biais des réseaux clientélistes du parti au pouvoir et ont été orientés vers les partisans du régime. </p>
<h2>Les jeunes ne parviennet pas à sauver la démocratie</h2>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre recherche</a> a révélé que les jeunes d'Éthiopie, du Mozambique, d'Ouganda et du Zimbabwe se sentaient lésés par le fait que ces opportunités étaient canalisées vers les partisans du régime. Ils ont également une restriction des opportunités pour s'exprimer de manière significative. Les institutions mises en place pour permettre la participation des jeunes ont été cooptées et ont manqué d'indépendance par rapport aux gouvernements. </p>
<p>Certains jeunes expriment leurs griefs par des manifestations en faveur de la démocratie, comme au <a href="https://www.reuters.com/world/africa/violent-protests-break-out-mozambique-after-local-elections-2023-10-27/">Mozambique en octobre 2023</a>. Mais dans l'ensemble, <a href="https://www.theafricareport.com/221141/why-africas-youth-is-not-saving-democracy/">la jeunesse africaine n'est pas en train de sauver la démocratie</a>. </p>
<p>Ils ne sont pas plus en train de contrer la tendance <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17531055.2022.2235656">croissante</a> de l'autocratisation sur le continent, où les gouvernements en place de plus en plus <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/60999">concentrent le pouvoir</a> entre les mains de l'exécutif. Nos recherches l'ont confirmé au Zimbabwe, au Mozambique, en Éthiopie et en Ouganda.</p>
<h2>Études de cas par pays</h2>
<p>Au <a href="https://www.cmi.no/publications/8797-the-risk-of-authoritarian-renewal-in-zimbabwe-understanding-zanu-pf-youth">Zimbabwe</a>, le Zanu-PF est au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1980. Le parti au pouvoir et bon nombre de ses dirigeants, aujourd'hui vieillissants, se servent de leur passé de vétérans de la guerre de libération des années 1970 <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01436590600842472?casa_token=B53EF1Ev0XcAAAAA:7W-Izw-iDMuOCRc8RZiW8UcDpXn7kH5E-siDc2W1ux_L9w1WpyB-2mnTSMzmAXrLM5YmfFCx3Mlo4YA">pour conserver leur emprise sur le pouvoir</a>. </p>
<p>Pour ce faire, ils créent des récits autour de l'histoire de la libération du pays et du patriotisme, et accusent la génération “née libre” (ceux qui sont nés après l'indépendance) d'avoir trahi la guerre de libération. Cela délégitime tout mécontentement que les jeunes pourraient ressentir. Le Zanu-PF cible les jeunes parmi ses <a href="https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/handle/20.500.12413/14906">larges variétés d'options stratégiques</a> pour se maintenir au pouvoir.</p>
<p>Au <a href="https://www.cmi.no/publications/8798-poorly-designed-youth-employment-programmes-will-boost-the-insurgency-in-mozambique">Mozambique</a>, le Frelimo, le parti au pouvoir, a remporté toutes les élections depuis 1992. Le parti a concentré le pouvoir et les ressources entre les mains de l'élite politique. Les jeunes continuent d'être sous-représentés et ont de grandes difficultés à accéder aux ressources. Cette situation, qui s'ajoute à d'autres dynamiques de conflit, a contribué à une insurrection dans la région septentrionale de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17531055.2020.1789271">Cabo Delgado à partir de 2017</a>. Elle est dirigée par un groupe religieux radical appelé localement Al-Shabaab, ou parfois “machababo” (les jeunes).</p>
<p>Les manifestations organisées par les jeunes en <a href="https://www.cmi.no/publications/7829-neglect-control-and-co-optation-major-features-of-ethiopian-youth-policy-since-1991">Éthiopie</a> ont contribué à la chute en 2018 du parti au pouvoir depuis 1991. Elles ont également conduit à <a href="https://theconversation.com/how-change-happened-in-ethiopia-a-review-of-how-abiy-rose-to-power-110737">l'arrivée au pouvoir</a> d'Abiy Ahmed cette année-là. </p>
<p>La mobilisation des jeunes a depuis <a href="https://theconversation.com/abiy-ahmed-gained-power-in-ethiopia-with-the-help-of-young-people-four-years-later-hes-silencing-them-195601">été réduite au silence</a>. Seuls les loyalistes ont accès aux programmes de création d'emplois. On a également assisté à une militarisation des mouvements ethniques dominés par les jeunes. On l'a vu, par exemple, avec le <a href="https://www.theafricareport.com/322001/ethiopia-understanding-the-fano-and-the-fate-of-amhara/">groupe Fano Amhara</a> dans la guerre du Tigré en <a href="https://theconversation.com/ethiopia-tigray-war-parties-agree-pause-expert-insights-into-two-years-of-devastating-conflict-193636">2020-2022</a>.</p>
<p><a href="https://www.cmi.no/publications/8801-moving-ugandas-national-development-planning-to-the-grassroots-whats-in-it-for-youth">L'Ouganda</a> a été un pionnier dans l'institutionnalisation de la participation des jeunes à la prise de décision. L'engagement des jeunes dans les structures politiques est considéré comme un outil de contrôle du gouvernement. Nous avons constaté que les jeunes politiciens estimaient que ce système de représentation imparfait offrait des opportunités de mobilisation à la fois contre et en faveur du régime actuel. Les jeunes candidats qui se présentent à l'un des sièges du parlement réservés aux jeunes, par exemple, ne peuvent pas facilement se soustraire à la tutelle du parti au pouvoir.</p>
<h2>La voie à suivre</h2>
<p>La jeunesse africaine est très diversifiée. Cependant, elle a souvent été caractérisée comme étant soit <a href="https://www.un.org/africarenewal/magazine/december-2019-march-2020/african-youth-and-growth-violent-extremism">violente</a>, soit comme <a href="https://press.un.org/en/2019/sc13968.doc.htm">des artisans du changement et militants de la paix</a>. Ces caractérisations représentent les extrémités opposées d'un spectre. </p>
<p><a href="https://www.cmi.no/projects/2177-nfr-youth-in-africa">Notre projet de recherche</a> a impliqué une diversité de jeunes dans différentes positions et en mouvement constant entre les différentes parties du spectre. Cela nous a permis de mieux comprendre la façon dont ils se comportent et réagissent face à la manière dont les régimes cherchent à les gérer.</p>
<p>Selon nous, la recherche et les initiatives politiques en faveur des jeunes dans les États autoritaires doivent reconnaître que les interventions bien intentionnées en faveur des jeunes peuvent reproduire les politiques autoritaires lorsqu'elles sont canalisées vers les militants du parti. </p>
<p>Les interventions visant à promouvoir la création d'emplois et l'autonomisation des jeunes devraient exercer un contrôle sur la manière dont les jeunes bénéficiaires sont sélectionnés et les fonds déboursés afin d'éviter toute interférence de la part d'acteurs partisans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220793/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lovise Aalen est financée par le programme Norglobal du Conseil norvégien de la recherche (subvention n° 288489).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marjoke Oosterom a reçu un financement du Conseil de la recherche économique et sociale (ESRC).</span></em></p>La jeunesse africaine ne s'oppose pas à l'aggravation de l'autocratie sur le continent.Lovise Aalen, Research Professor, Political Science, Chr. Michelsen InstituteMarjoke Oosterom, Research Fellow and Cluster Leader, Power and Popular Politics research cluster, Institute of Development StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201662024-01-17T16:47:02Z2024-01-17T16:47:02ZL’éducation physique et sportive à l’école : quels défis en année olympique ?<p>Si des programmes comme les « 30 minutes d’activité quotidienne » à l’école mettent l’accent sur la lutte contre la sédentarité, la mission des cours d’éducation physique et sportive va bien au-delà.</p>
<p>La promotion de l’activité physique et sportive a été décrétée <a href="https://www.grandecause-sport.fr/">« Grande cause nationale en 2024 »</a> en France. L’objectif est de tirer profit de l’organisation des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeux-olympiques-21983">Jeux olympiques et paralympiques</a> (JOP) en France pour insuffler une dynamique dans le pays et « améliorer l’éducation, la santé, l’inclusion et de rendre notre société plus solidaire ».</p>
<p>L’ambition est de faire du sport un bien culturel commun et un levier des politiques publiques permettant de garantir un <a href="https://theconversation.com/le-futur-heritage-des-jo-de-paris-2024-deja-en-question-90761">héritage immatériel</a>, afin d’inciter la population à davantage d’activité physique et de pratique sportive.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-jeux-olympiques-de-2024-suffiront-ils-a-donner-le-gout-du-sport-aux-jeunes-193815">Les Jeux olympiques de 2024 suffiront-ils à donner le goût du sport aux jeunes ?</a>
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<p>À l’école, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse cherche à <a href="https://theconversation.com/les-cours-deducation-physique-et-sportive-consistent-ils-seulement-a-faire-du-sport-203804">encourager les jeunes à « bouger »</a> pour lutter contre la sédentarité. Le choix a été fait d’expérimenter des dispositifs comme les <a href="https://theconversation.com/30-minutes-dactivite-physique-a-lecole-un-dispositif-contre-la-sedentarite-a-questionner-212817">« 30 minutes d’activité physique quotidienne »</a> plutôt que de renforcer les heures d’éducation physique et sportive (EPS) obligatoires.</p>
<p>Mais pour (re)donner envie aux <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807359161-les-jeunes-et-le-sport">jeunes de faire du sport</a> de manière durable, il ne s’agit pas simplement de le décréter. Les Jeux peuvent-ils impulser une révolution culturelle du sport en France ? Quel est le rôle de l’éducation physique et sportive pour faire face aux défis d’aujourd’hui ?</p>
<h2>Donner aux jeunes le goût de disciplines sportives, au-delà de l’envie de « bouger »</h2>
<p>Les campagnes de communication concernant les bienfaits de l’activité sportive sur la santé se multiplient et les décideurs politiques <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/15612">s’appuient prioritairement sur des savoirs médicaux</a> pour justifier ces discours. Cette visée hygiéniste ne peut suffire <a href="https://www.researchgate.net/publication/320991568_Eduquer_a_la_sante_par_l%27activite_physique_quelles_connaissances_et_quels_modeles_de_sante_en_EPS">au développement global et à long terme des enfants et des adolescents</a>.</p>
<p>Le goût pour une activité physique ou sportive nécessite de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36334885/">percevoir le plaisir associé à cette expérience</a>. C’est la clé d’un engagement durable mais cela n’a rien d’automatique et suppose des expériences positives régulières. En éducation physique et sportive, il s’agirait donc de multiplier les situations valorisantes afin de laisser des <a href="https://hal.univ-lille.fr/hal-02525815v2/document">« traces positives et mémorables »</a> aux élèves. Celles-ci doivent alors être source d’émotions mais aussi d’apprentissages, permettant aux élèves de tisser un rapport durable à l’activité physique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Faire bouger les ados c’est pas évident. Mais les encourager c’est important (Santé publique France, 2022).</span></figcaption>
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<p>Les enseignants jouent donc un rôle fondamental d’autant que l’engagement durable dans le sport est marqué par d’importantes inégalités, les aspirations et les goûts sportifs variant <a href="https://www.theses.fr/2019AIXM0624">selon le milieu social ou encore le sexe</a>.</p>
<p>Le système éducatif français donne à l’éducation physique et sportive (EPS) un rôle essentiel, puisque cette discipline scolaire est obligatoire pour l’ensemble d’une génération d’élèves de la maternelle au lycée. C’est à travers elle que les corps des jeunes vont être façonnés, à partir d’une culture ouverte à différentes activités sportives.</p>
<h2>Promouvoir l’égalité face au sport</h2>
<p>Les <a href="https://www.paris2024.org/fr/dates-jeux-olympiques-paris-2024/">Jeux de Paris</a> seront les premiers totalement paritaires (10 500 athlètes, 50 % de femmes, 50 % d’hommes). Cette avancée ne doit pas masquer des réalités sociales, se traduisant par une appropriation inégale de la pratique sportive par les jeunes filles et les jeunes garçons. Malgré une volonté politique revendiquant la parité dans le sport, <a href="https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_-_rapport_annuel_2023_etat_du_sexisme_en_france.pdf">l’égalité peine à se traduire en actes</a>.</p>
<p>Le choix et l’investissement dans les activités culturelles et sportives sont <a href="https://www.cairn.info/revue-science-et-motricite-2005-1-page-63.htm">liés pour partie à la socialisation familiale</a>. Se pose alors la question de l’éducation et de l’accès à la pratique sportive pour les enfants ne bénéficiant pas d’un environnement social favorable ni de <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2022-1-page-58.htm">l’héritage culturel et sportif de leurs parents</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-competition-eloigne-t-elle-les-filles-du-sport-212207">La compétition éloigne-t-elle les filles du sport ?</a>
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<p>L’EPS s’appuie sur des disciplines sportives comme le basket-ball ou l’athlétisme très fortement connotées sur le plan de la <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-sports_ecole_societe_la_difference_des_sexes_feminin_masculin_et_activites_sportives_annick_davisse_catherine_louveau-9782738465801-130.html">construction des identités sexuées</a>. Cela a pour conséquence une meilleure réussite des garçons par rapport aux filles.</p>
<p>Les inégalités de réussite en EPS peuvent s’expliquer par le <a href="https://journals.openedition.org/rfp/146">poids des représentations et des normes socioculturelles</a>. Les modalités d’évaluation ne peuvent nier les différences naturelles entre les sexes. Des barèmes différenciés sur les niveaux de performance sont ainsi proposés pour des activités comme l’athlétisme.</p>
<p>Mais les enseignants cherchent aussi à déconstruire les discours socioculturels pouvant normaliser les corps sexués. Les cours d’EPS sont l’occasion pour toutes et tous de pratiquer des activités ensemble et de lutter contre les croyances et les préjugés.</p>
<p>En EPS, les formes de pratiques mixtes se développent et se diffusent au sein de fédérations sportives comme celle du handball. Par exemple, en <a href="https://www.aeeps.org/productions/1673-atelier-de-pratique-handball-avec-pascale-jeannin.html">« Hand à 4 »</a>, l’objectif est de permettre à chacune et chacun d’accéder aux mêmes chances de réussite, donc d’être capable de tirer et de marquer. Pour cela, le contact entre les joueurs est aménagé. Il est autorisé mais la neutralisation est supprimée afin que chacun puisse s’exprimer sans appréhension. Autre règle adaptée, le tir indirect est obligatoire. Le tir avec rebond est autorisé comme la « roucoulette », le lob ou « chabala » pour réduire la « charge affective » du gardien de but.</p>
<p>Le but est ainsi de favoriser l’inclusion de toutes et tous – en tenant compte des différences morphologiques et physiques des élèves. L’EPS participe à cet enjeu d’égalité des chances.</p>
<h2>Le sport pour mieux se connaître</h2>
<p>Dans la société, se diffuse une <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2011-2-page-17.htm">« sportivisation des mœurs et des corps »</a> influençant la construction identitaire et sportive de soi. L’adolescence constitue une période délicate concernant le rapport au corps, particulièrement exposé à l’ère des réseaux sociaux.</p>
<p>L’enseignement de l’EPS vise alors à former des citoyens ayant un esprit critique quant aux dérives potentielles du sport et de l’individualisme. En musculation par exemple, il convient d’endiguer cette dérive narcissique et égocentrique en proposant des formes de pratiques centrées sur l’idée de <a href="https://hal.science/hal-03160626">« faire ensemble »</a> pour s’entraîner et progresser.</p>
<p>La finalité de l’EPS consiste à rendre progressivement l’élève autonome au niveau de sa motricité, à lui donner des clés pour pratiquer seul ou à plusieurs dans sa vie future. L’EPS cherche ainsi à favoriser l’épanouissement individuel de l’élève en lui permettant de s’accomplir, d’agir, mais aussi de mieux se connaître. En musculation, l’élève doit être capable d’analyser son ressenti en lien avec une charge soulevée pour comprendre si son programme est adapté à son thème d’entraînement ainsi qu’à ses ressources et s’il maîtrise les paramètres du mouvement, les contenus sécuritaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sport-comment-les-reseaux-sociaux-transforment-les-pratiques-des-jeunes-207440">Sport : comment les réseaux sociaux transforment les pratiques des jeunes</a>
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<p>Il s’agit d’un véritable apprentissage par le « corps » répondant à une visée d’émancipation de tous. En effet, l’inégale maîtrise du corps chez les jeunes a pour conséquence une forme de hiérarchisation sociale. Les individus les plus à l’aise avec leur corps sont valorisés, au détriment des autres pouvant être <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Stigmate-2092-1-1-0-1.html">stigmatisés</a> ou exclus.</p>
<p>Aujourd’hui, les jeunes sont nombreux à visionner quotidiennement des vidéos sur <em>Youtube</em>, à se connecter à des applications offrant des programmes d’entraînement de culture physique. Le numérique interroge donc le modèle de transmission du savoir à l’école et en EPS.</p>
<p>L’objet connecté a pris une place considérable au sein des habitudes des sportifs. La technologie demeure un outil qu’il est utile de savoir maîtriser. Cela représente un véritable enjeu en termes d’éducation. En EPS, il est nécessaire pour les élèves de développer un regard critique et lucide sur les programmes proposés, sur la manière d’aborder les informations.</p>
<p>L’école participe à la formation du futur citoyen en lui permettant de faire des choix éclairés par rapport aux évolutions des loisirs sportifs. Les enseignants transmettent ainsi une culture motrice et des outils nécessaires plus tard à la pratique régulière et pérenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Dietsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si des programmes comme les « 30 minutes d’activité quotidienne » à l’école mettent l’accent sur la lutte contre la sédentarité, la mission des cours d’éducation physique et sportive va bien au-delà.Guillaume Dietsch, Enseignant en STAPS, Agrégé d'EPS, UFR SESS-STAPS, Université Paris-Est Créteil, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196912024-01-17T14:46:59Z2024-01-17T14:46:59ZComment un simple vélo peut changer la vie des jeunes en milieu défavorisé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568465/original/file-20240109-19-24agn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C989%2C717&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’organisme Cyclo Nord-Sud a mis sur pied, en 2023, le projet pilote Construis ton vélo!.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Notre état de santé dépend en partie de nos modes de déplacement. Le temps que l’on consacre à nos trajets en vélo, en voiture ou en transport en commun peut en effet avoir un effet positif ou négatif sur notre santé physique et mentale.</p>
<p>Or, l’organisation de notre quartier favorise certains modes de transport plus que d’autres.</p>
<p>C’est le <a href="https://urbanisme.umontreal.ca/fileadmin/amenagement/URB/Realisations-etudiantes/Expo-des-finissants/EFFA-2012/Analyser/SICG.pdf">cas du quartier Saint-Michel à Montréal</a>, dont la planification urbaine est centrée sur la voiture. De plus, il s’agit de l’un des quartiers les plus défavorisés du Québec. Ainsi, les personnes qui ne possèdent pas de voiture dépendent des transports publics, ce qui leur impose des trajets plus longs et plus éprouvants.</p>
<p>En raison d’une circulation mal adaptée et dangereuse pour les déplacements actifs, le vélo est le grand absent des modes de transport dans Saint-Michel. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les habitants, puisque ce mode de transport favorise la participation sociale et présente de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale.</p>
<p>C’est dans cette visée que l’organisme <a href="https://cyclonordsud.org/">Cyclo Nord-Sud</a> a mis sur pied, en 2023, le projet pilote <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8WP3JOv963g"><em>Construis ton vélo !</em></a>, lauréat de l’Incubateur civique de la <a href="https://www.mis.quebec/">Maison de l’innovation sociale</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un programme parascolaire offert aux jeunes d’une école secondaire du quartier Saint-Michel, encadré par des bénévoles responsables, soit leur professeur d’éducation physique et un coach en mécanique. Les élèves ont été amenés à construire leur vélo de A à Z en binôme pendant 18 semaines. Ils ont donc terminé le programme avec, en poche, un vélo assemblé et de multiples connaissances pratiques en mécanique vélo.</p>
<p>Notre équipe de chercheurs en kinésiologie du <a href="https://sap.uqam.ca/">département des sciences de l’activité physique</a> de l’UQAM a collaboré avec Cyclo Nord-Sud pour comprendre les effets du projet du point de vue des participants. Concrètement, nous avons mené des groupes de discussion avec les élèves et analysé ce qui a été exprimé. Ce travail a d’ailleurs fait l’objet d’une <a href="https://osf.io/preprints/osf/vys83">publication académique</a> dans la revue <em>Santé Publique</em>.</p>
<h2>L’approche humaine et le sentiment d’accomplissement</h2>
<p>Une retombée importante du programme est le sentiment de fierté et d’accomplissement. Ces sentiments, nourris par les relations que les jeunes ont entretenues avec les bénévoles encadrants, ont permis d’instaurer un climat d’apprentissage agréable non seulement entre les élèves, mais aussi avec le coach mécanique et l’enseignant.</p>
<p>Par exemple, un des jeunes exprimait avoir ressenti de la fierté lors des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Tout ce que je fais ici j’étais fier […] t’es tout le temps en train d’avancer et j’étais tout le temps près de finir mon vélo, j’étais fier de ça.</p>
</blockquote>
<h2>Un environnement d’apprentissage bienveillant</h2>
<p>Les jeunes ont souvent évoqué la différence entre être dans une salle de classe ou à l’école en général. L’ambiance plus libre des ateliers s’opposait ainsi à l’atmosphère scolaire plus rigide.</p>
<p>Ils ont également souligné l’effet relaxant des ateliers, et son rôle parfois thérapeutique. Le fait que ce soit une activité parascolaire pourrait expliquer le sentiment de bien-être exprimé par les jeunes.</p>
<p>Un participant exprimait d’ailleurs l’effet positif de l’attitude des bénévoles encadrants :</p>
<blockquote>
<p>Ce que j’apprécie aussi, c’est qu’il (l’enseignant) était là pour nous soutenir […] tu te sens pas inférieur et il est là pour t’aider, mais en même temps il est là pour apprendre avec toi, c’est ça que je trouvais très important.</p>
</blockquote>
<h2>Faire les choses pour soi, pas pour un vélo</h2>
<p>Les jeunes ont soulevé qu’avant de débuter le programme, leur motivation principale à y participer était d’avoir un vélo gratuit.</p>
<p>Or, leur motivation à se présenter aux ateliers a évolué au fil du temps : au-delà du vélo, l’ambiance agréable leur donnait envie de revenir chaque semaine.</p>
<p>Un jeune témoigne d’ailleurs qu’il revenait chaque semaine, car il avait toujours du plaisir pendant des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Moi, je dirais au début, c’était compliqué […] on savait pas beaucoup de choses […] mais y’avait la plupart de nos amis qui étaient là […] et ça veut dire que je savais que quand j’allais arriver ici, j’allais rigoler et m’amuser.</p>
</blockquote>
<h2>Être plus autonome pour bouger</h2>
<p>Plusieurs jeunes ont soulevé certaines difficultés à se déplacer en transport en commun, souvent dû au fait qu’ils habitent loin des lieux fréquentés.</p>
<p>En effet, les participants ont rapporté que les horaires d’autobus du quartier sont complexes et que les trajets sont longs.</p>
<p>Leur nouveau vélo est alors devenu un élément essentiel qui contribue positivement à leur autonomie de déplacement. Ils ont aussi identifié le vélo comme étant un moyen de favoriser leur participation sociale et leurs opportunités de participer à diverses activités.</p>
<p>À la question <em>Qu’allez-vous faire de votre vélo maintenant ?</em>, l’un des jeunes a répondu :</p>
<blockquote>
<p>Je sais que ça va m’être utile parce que je travaille pas loin, et ça peut me permettre de m’y rendre pendant l’été, de me prendre moins de temps, ou même d’aller au parc si j’ai envie, c’est utile dans la vie de tous les jours.</p>
</blockquote>
<p>Le programme <em>Construis ton vélo</em> désire se développer à plus grande échelle au Québec (sous réserve de financements) et s’améliorer.</p>
<p>À travers cette initiative, le vélo permet de réunit l’éducation et la santé. Et les participants gagnent en autonomie ainsi qu’en compétences.</p>
<p>Gageons que ce genre de programme, combiné à davantage d’infrastructures cyclables agréables et sécuritaires, pourrait contribuer à la santé et au bien-être de tout un chacun.</p>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/219691/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Célia Kingsbury a reçu des financements des Instituts de recherche en santé du Canada. Elle travaille en collaboration avec l'organisme Cyclo Nord-Sud. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paquito Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet article explore les retombées d’un projet pilote offert à des élèves en milieu défavorisé par l’organisme Cyclo Nord-Sud visant à promouvoir l’utilisation du vélo comme mode de transport.Célia Kingsbury, Candidate au doctorat en promotion de la santé, Université de MontréalPaquito Bernard, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200732024-01-16T16:17:40Z2024-01-16T16:17:40ZFrance : une jeunesse décadente ?<blockquote>
<p>« Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. »</p>
</blockquote>
<p>Ces mots ne sont pas ceux d’un politicien ou d’un chroniqueur sur une chaîne d’information en continu. Ce sont les termes employés par l’un des pères de la philosophie, <a href="https://www.cairn.info/la-generation-y-et-le-luxe--9782100702442-page-1.htm">Socrate</a>, il y a environ vingt-cinq siècles. Croire que les <a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">jeunes</a> de notre époque sont plus dégénérés, plus impolis, plus « ensauvagés », n’est pas quelque chose de récent. 500 ans avant Socrate, sur une <a href="https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_1F793C2634AE.P001/REF.pdf">tablette d’argile babylonienne,</a> on peut lire :</p>
<blockquote>
<p>« La jeunesse d’aujourd’hui est pourrie jusqu’aux tréfonds, mauvaise, irréligieuse et paresseuse. Elle ne sera jamais comme la jeunesse du passé et sera incapable de préserver notre civilisation. »</p>
</blockquote>
<p>L’inquiétude de la décadence, de la perte de la solidarité et de la fraternité n’est pas nouvelle. Si on charge toujours la jeunesse de maux, quoiqu’elle fasse, génération après génération, peut-être que l’âge ne fait rien à l’affaire ?</p>
<p>Un nombre important de <a href="https://www.cairn.info/les-jeunes-europeens-et-leurs-valeurs--9782707145703-page-39.htm">recherches</a> s’intéresse à la jeunesse en la comparant aux cohortes précédentes. Les résultats n’indiquent pas de « décadence ». Mais alors, pourquoi ces accusations à répétition ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients</a>
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<h2>Des fainéants hédonistes ?</h2>
<p>L’argumentaire d’un soi-disant déclin générationnel tient d’abord à la thématique de l’inactivité de la jeunesse. Les jeunes ne voudraient plus travailler. La comparaison avec les cohortes précédentes est difficile à établir quant au rapport au travail : les générations « jeunes » d’aujourd’hui sont largement <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-ecole-peut-elle-sauver-la-democratie-francois-dubet/9782021459708">plus diplômées</a> et <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2489498#figure1_radio4">leur chômage</a> est passé de 7,9 % en 1975 à 17,3 % en 2023 avec un pic en 2013 à 23,4 % des actifs. De surcroit, le marché du travail se dégrade : les diplômes connaissent une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-inflation-scolaire-marie-duru-bellat/9782020851688">inflation importante</a>, leur faisant perdre de la valeur et les emplois précaires sont de plus en plus nombreux. En clair, il ne fait pas bon être jeune et vouloir travailler. Dans les années 80, 17 % des jeunes (15-24 ans) étaient touchés par la précarité de l’emploi. Aujourd’hui, c’est le cas pour <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100782310">53 %</a> d’entre eux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"853200420629614593"}"></div></p>
<p>La période du baby-boom n’a pas été exempte de violence, de pauvreté ou de difficultés de la vie, mais ils ont connu ce que l’historien et politologue Jean-François Sirinelli qualifie de 4 P <a href="https://www.scienceshumaines.com/generation-sans-pareille_fr_38280.html">« Progrès, prospérité, plein-emploi et paix »</a>.</p>
<p>En comparaison, au vu des conditions contemporaines, l’idée d’être forgé par l’épreuve, c’est-à-dire « d’apprendre » par des situations difficiles ou une succession d’épreuves, semble être un simple abandon de notre jeunesse : la perte d’une solidarité intergénérationnelle. Il ne faut pas omettre la détresse qu’implique le fait de vivre sans CDI, dans l’incertitude face à son avenir et dans la vulnérabilité permanente. On accuse les jeunes de phénomènes dont ils sont victimes, avec de forts clichés : selon un sondage Ipsos-<em>Le Monde</em>, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2011/11/23/le-jugement-severe-des-francais-sur-la-jeunesse_1608043_3224.html">53 %</a> des Français trouvent les jeunes paresseux et 63 % les jugent égoïstes.</p>
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<h2>Des jeunes désengagés ?</h2>
<p>Pourtant les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/pour-une-politique-de-la-jeunesse-camille-peugny/9782021492439">travaux récents</a> sur les valeurs des jeunes en France et en Europe montrent que les jeunes <a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">ne sont pas désengagés</a>, qu’ils ne sont <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">pas égoïstes</a> et qu’ils sont solidaires. Les jeunes de notre époque ont des valeurs qui sont très proches de celles des générations précédentes. S’ils sont moins intéressés par les questions d’immigration et bien plus par celles de l’écologie, les valeurs comme la famille, <a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">l’engagement</a>, la citoyenneté, etc., restent toutes aussi importantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a>
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<p>Pour ce qui est de la question de l’engagement politique, s’il est certain que le vote des jeunes est moins important, ils ne sont pas pour autant désengagés de la politique. Leurs <a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">modalités d’engagement évoluent</a> et se cristallisent sur des <a href="https://www.cairn.info/les-citoyens-qui-viennent--9782130785552.htm">actions directes</a> (manifestations, pétitions, etc.). Finalement, les valeurs et l’engagement des jeunes ne sont pas moindres, mais différents. Il est vrai que les jeunes se détournent de l’engagement politique « classique » qui ne semble plus rien leur apporter, mais <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-zoom-de-la-redaction/des-jeunes-qui-s-engagent-au-service-des-autres-5130526">ils s’engagent</a> de manière massive sur les questions d’environnement ou de société.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CmMgYhxuQKB/?hl=fr","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>La critique envers la jeunesse n’est pas fondamentalement différente de celle des années 1960-70 : le « judéo-bolchévisme universitaire » est devenu de « l’islamo-gauchisme » et le mouvement de libération est qualifié de « wokisme » – terme étonnamment utilisé péjorativement en France alors qu’il signifie littéralement « l’éveil » ou « être éveillé ». Les jeunes générations, car elles amènent souvent avec elles des contestations et de nouvelles manières de percevoir et vivre le monde, ont souvent été la cible de ce type de critiques. Dans les années 60 l’expression « cheveux longs, idées courtes », nous ramène finalement aux critiques des mouvements sociaux que l’on associe à ce « wokisme ». Les critiques des luttes sociales ne sont pas seulement générationnelles, mais semblent dépendre des tensions entre les <a href="https://presses.ens.psl.eu/collections_28_sciences-sociales_jeunesse-et-classes-sociales_978-2-7288-0525-9.html">âges de la vie</a>. Ces tensions se concentrent particulièrement autour de ces mouvements de pensées et leurs avancées sociales. Elles brisent le sentiment de fraternité, comme avec le livre de Brice Couturier, <a href="https://www.fnac.com/a15552213/Brice-Couturier-Ok-millennials"><em>Ok millennials</em></a>, qui ne repose sur aucune donnée sérieuse et ne se rend même pas compte que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas des <em>millennials</em> (ces derniers ont entre 30 et 45 ans).</p>
<h2>Colère et solidarité intergénérationnelle</h2>
<p>Est-ce à dire que tous les jeunes sont des travailleurs acharnés et des militants engagés ? La jeunesse n’est pas exempte de défaut ni de colère. Les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/tous-inegaux-tous-singuliers-francois-dubet/9782021496673">inégalités se multiplient</a>, le climat se dégrade – les derniers étés ont été les plus chauds de l’Histoire. Face à de tels constats, il n’est pas surprenant que la jeunesse puisse ressentir une certaine forme de colère. Celle-ci n’est pas seulement synonyme de violence chez les jeunes. Elle est également porteuse d’engagements et de changement social. Les manifestations et les mouvements sociaux, très largement mobilisés par les jeunes, sont souvent alimentés par une colère ; un « ras-le-bol ». Qu’il s’agisse des marches pour le climat, des manifestations liées à la réforme des retraites ou encore des rassemblements face aux violences policières, cette émotion peut être mobilisée. À travers l’Histoire, des mouvements de/avec des jeunes ont amené à des avancées sociales (Mai 68, mouvement afro-américain pour les droits civiques, printemps arabes, mouvements amérindiens pour le droit à l’eau, etc.).</p>
<p>Les jeunes ne sont ni désengagés, ni <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">moins fraternels</a>, ni déconnectés de la réalité. Et comme le souligne le sociologue Tom Chevalier :</p>
<blockquote>
<p>« La jeunesse n’est pas juste un mot, c’est une <a href="https://www.puf.com/la-jeunesse-dans-tous-ses-etats">métonymie</a>. »</p>
</blockquote>
<p>C’est une partie qui permet de définir un tout. Il est central de se concentrer sur la jeunesse pour repenser un modèle de société plus ouvert, humaniste et fraternel. La nécessité est alors celle d’une réelle solidarité intergénérationnelle. Celle-ci s’opposerait à l’<a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/sois-jeune-et-tais-toi-9782228931632">adultisme actuel</a> qui laisse le pouvoir aux ainés, sous l’égide d’une plus grande capacité liée à l’âge supposé. Cela ne veut pas dire que les discriminations en fonction de l’âge ne touchent que le jeune. Les séniors sont également victimes de discriminations, notamment vis-à-vis de l’accès à l’emploi. Il semble néanmoins complexe de parler de « jeunisme » dans un <a href="https://www.cairn.info/jeunesses--9782724638554-page-47.htm">contexte aussi délétère</a> pour les jeunes des générations actuelles. En clair, des discriminations vis-à-vis de l’âge existent pour les plus jeunes comme pour les plus âgés, mais un contexte générationnel vient s’ajouter à celles-ci. Il se trouve être particulièrement en défaveur des <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-la-jeunesse--9782200631352.htm">cohortes les plus récentes</a>. Le prisme de pensée des âges de la vie reste attaché à l’idée d’une hiérarchie par l’âge, ce qui, dans un contexte de crise, augmente les écarts – notamment économiques – entre les plus jeunes et leurs ainés.</p>
<p>La jeunesse est une minorité démographique. Elle ne peut pas s’en sortir seule dans le contexte actuel. Elle va faire face de plein fouet à une succession de crises, notamment à un potentiel désastre écologique. Victime de décisions du passé, elle a besoin d’une solidarité intergénérationnelle. Pour cela, il est central d’écouter et de soutenir notre jeunesse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Reversé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si on charge toujours la jeunesse de maux, quoi qu’elle fasse, génération après génération, peut-être que l’âge ne fait rien à l’affaire ? Décryptage.Clément Reversé, Sociologie de la jeunesse, sociologie des espaces ruraux, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208732024-01-14T16:27:41Z2024-01-14T16:27:41ZEstimer l’âge d’un mineur par radiographie peut se révéler discriminatoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568588/original/file-20240102-25-3ibjop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=215%2C98%2C5775%2C3889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Radiographie des os de la main d'un enfant</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/film-xray-normal-both-hands-child-324011912">Puwadol Jaturawutthichai/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En termes généraux, la maturité peut se définir comme le processus de croissance et de développement biologique, psychologique et émotionnel qu’une personne connaît tout au long de sa vie. Mais existe-t-il un moyen objectif de la mesurer ?</p>
<p>La réponse est oui. Parmi les procédés utilisés pour déterminer la maturité d’un individu, on trouve principalement les radiographies, qui <a href="https://bds.ict.unesp.br/index.php/cob/article/view/271">permettent d’estimer en toute sécurité</a> (<em>par exemple dans le cas des radiographies panoramiques dentaires, ndlr</em>) l’âge biologique des enfants et des adolescents. D’autres radiographies analysent <a href="https://pjms.com.pk/index.php/pjms/article/view/4295">l’aspect des différents noyaux d’ossification des os de la main</a>.</p>
<p>Grâce à cette méthode simple, les experts peuvent à la fois diagnostiquer et suivre les <a href="https://journals.lww.com/indjem/fulltext/2014/18001/hand_x_ray_in_pediatric_endocrinology__skeletal.9.aspx">troubles endocriniens et génétiques affectant la population infantile</a> et résoudre les <a href="https://cms.galenos.com.tr/Uploads/Article_41656/JCRPE-13-251-En.pdf">questions juridiques et d’asile liées à l’immigration des enfants</a>. Le fait que son utilisation soit répandue parmi les spécialistes en pédiatrie et en médecine légale est principalement due au rapport coût-bénéfice imbattable de la procédure par rapport à d’autres méthodes d’évaluation de la maturité du squelette chez les enfants.</p>
<h2>La radiographie du poignet contient beaucoup d’informations</h2>
<p>Mais que regarde-t-on exactement sur la radiographie ? Il existe deux catégories de méthodes radiologiques pour déterminer l’âge, les méthodes numériques et les méthodes qualitatives.</p>
<p>Les méthodes numériques se basent sur une radiographie du poignet et du <a href="https://www.ch-carcassonne.fr/imgfr/files/AppareilLocomoteur.pdf#page=7">carpe</a> gauche. Elles attribuent un score en fonction du degré de maturité observé en différents points d’ossification qui se développent de manière séquentielle avec l’âge.</p>
<p>Si l’on compare trois radiographies de la main, d’un enfant, d’un jeune et d’un adulte, on constate d’emblée que, dans l’enfance, les os du carpe sont loin d’avoir atteints la taille et la forme définitives qu’ils auront à l’âge adulte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567546/original/file-20240102-19-k49eug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La radiographie des mains et des articulations du poignet gauche (vue de face) permet de calculer l’âge osseux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Suttha Burawonk/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Les méthodes qualitatives reposent sur la comparaison <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-intelligent-and-fuzzy-systems/ifs190779">d’une radiographie du carpe</a> ou <a href="https://www.researchgate.net/publication/258768450_Reliability_of_panoramic_radiography_in_chronological_age_estimation">d’une radiographie panoramique dentaire (<em>orthopantomographie</em>)</a> et d’une image de référence disponible dans un atlas radiologique. Cet atlas est organisé en suivant, de manière chronologique, les différents stades de développement de l’os jusqu’à sa maturité.</p>
<p>Malgré leur généralisation dans la pratique professionnelle, une <a href="https://www.mdpi.com/2075-4418/13/19/3124">étude récente</a> suggère que ces méthodes pourraient introduire des biais significatifs dans l’interprétation du résultat du test. Surtout parce qu’on génère d’importantes erreurs quand on tente d’estimer l’âge d’un enfant non caucasien en utilisant comme référence une radiographie prise sur des enfants caucasiens, une pratique qui est à la <a href="https://www.cairn.info/revue-memoires-2022-1-page-12.htm">base de toutes les méthodes actuelles de détermination de l’âge osseux</a>.</p>
<p>(<em>En France, le <a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=%C3%A2ge%20osseux">dictionnaire de l’Académie de médecine</a> indique que « l’âge osseux ne correspond pas forcément à l’âge civil du patient, ni à son âge statural. Le stade de développement osseux du sujet examiné est comparé à des références élaborées à partir de radiographies d’enfants d’âge, de sexe, d’ethnie et d’origine différents », ndlr</em>).</p>
<p>De ce qui précède, on peut déduire que, si on ne tient pas compte de l’énorme diversité ethnique des mineurs qui sont présents dans notre zone géographique, le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00330-018-5792-5">calcul de l’âge biologique des enfants qui appartiennent à des ethnies non caucasiennes pourrait se révéler inexact</a>. Dans le cas particulier des enfants d’origines africaines, il a été observé que les méthodes radiologiques ont tendance à <a href="https://sajr.org.za/index.php/SAJR/article/view/1348">surestimer leur âge</a>. Dans <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S8756328223000583">toutes les études publiées à ce jour</a>, il leur est attribué un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2665910723000075">âge supérieur à leur âge chronologique</a>.</p>
<h2>Une mauvaise appréciation de leur âge peut entraîner des problèmes pour les migrants africains</h2>
<p>Le problème est encore plus prononcé lorsque ces enfants arrivent sur le sol européen dans le cadre de la crise migratoire que connaît le continent africain depuis plusieurs décennies. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-limmigration-en-france-quels-enjeux-218289">Dossier : l’immigration en France, quels enjeux ?</a>
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<p>Les biais d’interprétation mentionnés ci-dessus peuvent conduire les pays qui accueillent des mineurs non accompagnés, comme c’est le cas en Espagne, à limiter l’inclusion des adolescents qui n’ont pas encore atteint leur majorité dans leurs systèmes de protection de l’enfance, en les considérant comme des adultes.</p>
<p>(<em>En France, un examen radiologique ne peut constituer l’unique fondement de la détermination de l’âge d’une personne mineure. Le ministère de la justice français rappelle le <a href="https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/2023-06/guide_euprom_2023.pdf#page=61">cadre strict dans lequel cet examen peut être pratiqué</a>, ndlr</em>).</p>
<p>Face à cette situation, les professionnels de santé impliqués à la fois dans les soins cliniques et dans la recherche doivent être clairs sur les principes éthiques qui régissent notre pratique professionnelle. Premièrement et avant tout, nous devons avertir sur le fait qu’utiliser une procédure biaisée peut conduire à une discrimination qui découlera de l’utilisation inappropriée d’informations cliniques. C’est le cas, en particulier, lorsque ces informations peuvent affecter l’accès aux politiques sociales d’accueil en lien avec la santé, l’éducation et la protection des enfants migrants.</p>
<p>De plus, nous ne pouvons ignorer que la prise de décision basée sur des tests diagnostiques qui n’ont pas encore été validés selon des critères ethniques pourrait accélérer les refus d’admission à la frontière, contrevenant ainsi au <a href="https://euaa.europa.eu/sites/default/files/Asylum-Procedures-JA-FR.pdf">principe de non-refoulement</a> promu par l’Union européenne.</p>
<p>Le respect des droits de l’homme est la base fondamentale pour tous les professionnels qui travaillent dans le réseau d’aide aux enfants migrants. Nous devons promouvoir, par le biais de la coopération technique, l’avancement des connaissances scientifiques visant à garantir, par des mesures de protection plus solides et plus fiables, l’intérêt des enfants migrants qui arrivent à nos frontières en fuyant la faim et la misère.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les radiographies peuvent donner lieu à une discrimination raciale, en particulier, lorsqu’elles sont utilisées pour estimer l’âge de jeunes migrants qui sont encore mineurs.Sebastián Eustaquio Martín Pérez, Doctorate in Medical and Pharmaceutical Sciences, Development and Quality of Life, Area of Radiology and Physical Medicine, Department of Physical Medicine and Pharmacology, Universidad de La LagunaIsidro Miguel Martín Pérez, MD/PhD Candidate, Doctorate in Medical and Pharmaceutical Sciences, Development and Quality of Life, Universidad de La LagunaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181622023-12-20T19:56:05Z2023-12-20T19:56:05ZQuand l’IA permet de sonder les aspirations des jeunes : regard sur le projet Youth Talks<p>Les jeunesses du monde entier ont un rôle à jouer face aux enjeux majeurs auxquels nos sociétés doivent faire face, du changement climatique aux inégalités croissantes, en passant par l’effondrement de la biodiversité et l’instabilité politique. Pourtant, 76 % des jeunes leaders de demain pensent que la <a href="https://symposium.org/category/voices-of-the-leaders-of-tomorrow-report/">génération plus âgée ignore leurs intérêts vitaux, et 50 % des dirigeants séniors partagent cet avis</a>.</p>
<p>Si nous souhaitons, ensemble, bâtir un futur plus juste et durable, il devient essentiel de comprendre quelles sont les aspirations des jeunes générations, leurs craintes et leurs espoirs.</p>
<p>Dans cette optique, des initiatives nationales ou internationales, publiques ou privées, ont cherché à mieux comprendre ces jeunesses à travers différentes enquêtes. On peut citer celles de <a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">The Conversation</a>, de <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/une-jeunesse-plurielle-enquete-aupres-des-18-24-ans">l’Institut Montaigne</a>, du <a href="https://european-youth-event.europarl.europa.eu/fr/beyond-eye/youth-survey/">Parlement européen</a>, du <a href="https://www.weforum.org/publications/youth-recovery-plan/">World Economic Forum</a>, de <a href="https://www.deloitte.com/global/en/issues/work/genzmillennialsurvey-2022.html">Deloitte</a>, de <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000383615">l’Unesco</a>… Ces études permettent souvent un éclairage nouveau sur différents enjeux, et la robustesse de leurs résultats repose sur la participation d’un grand nombre de personnes (entre 1000 et 27000) mais les réponses des participants s’appuient sur un cadre prédéfini puisqu’ils et elles ne peuvent souvent sélectionner qu’un choix parmi une série de propositions, et/ou donner leur avis via des échelles graduées (appelées échelles <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89chelle_de_Likert">Likert</a>, du type « Pas du tout d’accord » – « Tout à fait d’accord »).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients</a>
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<p>Pour capter la parole de cette génération dans toutes ses nuances et sa complexité, l’étude <a href="https://youth-talks.org/">Youth Talks</a> a adopté une autre démarche avec l’utilisation de technologies avancées basées sur l’I.A. Retour sur cette initiative à l’échelle mondiale qui permet de faire ressortir toute la richesse et la diversité de leurs perspectives.</p>
<h2>Renouveler les enquêtes qualitatives sur la jeunesse avec l’IA</h2>
<p>Youth Talks, projet de la Fondation <a href="https://www.higheredforgood.org/">Higher Education for Good (HE4G)</a>, regroupe plus de 55 partenaires, dont les <a href="https://www.unprme.org/">Principles for Responsible Management Education</a> (PRME) des Nations unies et le <a href="https://www.clubofrome.org/">Club de Rome</a> (à l’origine du fameux rapport Meadows – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Limites_%C3%A0_la_croissance">Les limites à la croissance</a>), ainsi que des universités de premier plan, des organisations mondiales de jeunesse et des institutions politiques. Près de 2300 jeunes ambassadeurs et ambassadrices de toutes les régions du monde soutiennent et promeuvent activement le projet dans leurs communautés.</p>
<p>Grâce à ces multiples collaborations, la première édition de cette consultation a reçu près d’un million de contributions de plus de 46000 jeunes dans 212 pays et territoires, sous différents formats d’expression (texte, images, bandes sonores ou vidéos), ce qui en fait aujourd’hui la plus grande consultation mondiale des jeunesses (15-29 ans) reposant sur des questions ouvertes. Également, pour donner voix, corps et visages à ces multiples jeunesses, une <a href="https://youtu.be/n79yKQyWRIM">série de 80 entrevues</a> a été réalisée dans le monde entier.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566293/original/file-20231218-23-776d0i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=325&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte des participants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etude Youth Talks</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’obtention de ce type de données, à cette échelle, représente un défi certain, qui ne peut être relevé par une approche traditionnelle de recherche qualitative. Une plate-forme d’intelligence collective massive spécialement dédiée a été développée, qui a su affronter trois enjeux majeurs :</p>
<ul>
<li><p>s’assurer que les multiples fonctions restent simples et accessibles pour favoriser l’inclusion ;</p></li>
<li><p>gérer un très grand nombre de connexions simultanées ;</p></li>
<li><p>gérer les multiples caractères linguistiques (latin, chinois, arabes).</p></li>
</ul>
<p>Mais la réelle innovation se situe dans l’analyse des données, qui ne peut, elle non plus, reposer sur des méthodes traditionnelles. Ainsi, de nombreux algorithmes d’intelligence artificielle permettant le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Traitement_automatique_du_langage_naturel">traitement automatique du langage naturel</a> (Natural Language Processing – NLP), la reconnaissance d’image, la conversion de données audio en texte, et l’analyse sémantique ont permis l’identification de différents thèmes et sous-thèmes. Cette analyse a été encadrée et finalisée par une équipe d’experts.</p>
<p>Finalement, la consultation utilise un échantillonnage dit de commodité : c’est l’accessibilité, la capacité et la volonté des personnes qui ont permis leur participation. <a href="https://youth-talks.org/wp-content/uploads/2023/10/YouthTalks_MethodologyNote_en_compressed.pdf">Différentes analyses statistiques</a>, pilotées par un comité scientifique dédié, ont toutefois permis de valider la représentativité de cet échantillon. Cela procure un certain degré de confiance dans le fait que les idées et les tendances révélées par cette consultation ne sont pas de simples artefacts d’un groupe de participants autosélectionnés, mais reflètent un sentiment plus large parmi les jeunesses mondiales.</p>
<h2>Diversité et tensions : les résultats clés de Youth Talks</h2>
<p>Les résultats, <a href="https://youth-talks.org/results/">accessibles en ligne</a>, donnent un aperçu des aspirations et des craintes des jeunesses du monde. L’un des thèmes dominants mis en évidence par Youth Talks est l’importance que les jeunes accordent à la compréhension et à l’apprentissage des valeurs humaines (respect, solidarité, ouverture d’esprit, empathie). Ils et elles souhaitent que cet apprentissage soit au cœur de l’éducation, ce qui reste très éloigné des pratiques actuelles. Les jeunesses du monde mettent les éducateurs d’aujourd’hui au défi de transformer ce qu’ils enseignent, de se concentrer sur la nécessité de réapprendre à vivre ensemble et d’interagir harmonieusement les uns avec les autres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566296/original/file-20231218-23-qc9vw8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pour construire ce futur désirable, ce que nous devons tous apprendre à l’école est….</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etude Youth Talks</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Lorsqu’il leur est demandé ce qu’ils et elles souhaitaient pour le monde de demain, la priorité des jeunes, où qu’ils soient ou presque, est la paix. La protection environnementale vient après, surtout dans certaines régions du monde comme l’Afrique et l’Amérique du Sud. Les jeunes souhaitent moins de guerres, moins de violence et plus d’harmonie. Lorsqu’on leur demande, en miroir, ce qui les inquiète le plus à propos de l’avenir du monde, la guerre et les conflits armés arrivent également en tête, juste derrière la détérioration de l’environnement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566297/original/file-20231218-19-c3sqs8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quand je pense au futur, ce que je souhaite pour le monde….</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etude Youth Talks</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Un clivage clair et significatif entre les jeunes occidentaux et leurs homologues du reste du monde sur certaines questions clés a également été mis en évidence. Les jeunes occidentaux semblent plus ancrés dans des préoccupations matérielles, tandis que ceux du reste du monde semblent animés par la crainte de rêves non réalisés et d’aspirations non satisfaites. Leur situation financière est la principale préoccupation des jeunes occidentaux : environ 30 % d’entre eux l’ont mentionnée comme leur priorité, contre seulement 10 % des autres participants.</p>
<p>Bien que les jeunes semblent prêts à faire beaucoup de sacrifices pour que la société progresse dans la direction qu’ils et elles souhaitent, Youth Talks a révélé d’importantes disparités quant à l’ampleur et à la nature des sacrifices qu’ils et elles sont prêts à consentir. Les jeunes occidentaux semblent moins disposés à renoncer au confort matériel pour permettre un progrès social plus large : 25 % d’entre eux l’ont mentionné comme quelque chose qu’ils n’étaient pas prêts à abandonner, contre moins de 5 % des participants ailleurs dans le monde, qui eux craignent davantage de devoir renoncer à leurs ambitions, à leur identité ou à leur famille et à leurs proches.</p>
<p>Par ailleurs, en Europe, si 40 % des participants se disent prêts à réduire leur consommation matérielle, 28 % résistent fermement à l’idée d’un tel sacrifice. Ces tensions au sein de nos sociétés sont importantes et ne peuvent être ignorées par les décideurs.</p>
<p>Bien sûr, ces quelques enseignements ne sont qu’un simple aperçu de la richesse des résultats de Youth Talks. En faire pleinement sens requiert prudence et humilité, et nécessite une approche scientifique multidisciplinaire. Nous lançons donc un appel aux chercheurs et chercheuses du monde entier pour qu’ils et elles puissent tirer le meilleur parti de l’opportunité unique que représente la richesse des données qui ont été collectées afin qu’ils et elles contribuent, par leurs travaux, à construire un avenir qui réponde aux attentes des jeunes d’aujourd’hui.</p>
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<p><em>Kristy Anamoutou est la CPO & COO du partenaire technique du projet Youth Talks, Bluenove, a participé à l’écriture de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218162/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marine Hadengue est CEO de la Higher Education for Good Foundation</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yoann Guntzburger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment faire entendre les voix de la jeunesse du monde entier ? À l’heure du défi climatique et de l’explosion des inégalités, le projet Youth Talks explore leurs aspirations et leurs craintes.Yoann Guntzburger, Professeur en management, SKEMA Business SchoolMarine Hadengue, Professor of Innovation & Entrepreneurship, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2153532023-12-17T15:37:58Z2023-12-17T15:37:58Z« L’envers des mots » : Âgisme<p>Si le terme d’âgisme reste, en France, peu employé en comparaison avec d’autres pays francophones, il a commencé à se diffuser au cours de ces dernières années.</p>
<p>Sa définition ne fait pas consensus. Pour les uns, à l’instar du gérontologue américain <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/d-ou-ca-sort/d-ou-ca-sort-du-lundi-02-janvier-2023-3600079">Robert Butler</a> qui a forgé la notion en 1969 par analogie avec celles de racisme et de sexisme, il s’agit d’un « processus de stéréotypage et de discrimination systématiques contre les personnes, parce qu’elles sont vieilles ». Pour d’autres, comme <a href="http://www.agisme.fr/">l’Observatoire de l’âgisme</a>, elle désigne les discriminations fondées sur l’âge, quel que soit l’âge.</p>
<p>Ces deux acceptions ne sont cependant pas irréconciliables. On peut, en effet, considérer que les traitements inégaux selon l’âge peuvent concerner tant les jeunes que les vieux, tout en reconnaissant que, dans les sociétés modernes marquées par des changements technologiques et sociaux de plus en plus rapides et par l’obsolescence accélérée des connaissances, l’âgisme anti-vieux est structurellement accentué.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vieillir-lage-est-il-un-bon-repere-200760">Vieillir : l’âge est-il un bon repère ?</a>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2009-3-page-11.htm">L’âgisme</a> opère à différents niveaux. Tout d’abord, il imprègne les représentations, qu’elles soient conscientes ou inconscientes. Le test d’association implicite de Harvard montre ainsi que la grande majorité des gens, y compris les plus âgés, ont tendance à associer spontanément des <a href="https://implicit.harvard.edu/implicit/france/">qualificatifs positifs à des visages jeunes</a> et des qualificatifs négatifs à des visages âgés.</p>
<p>L’âgisme prend ensuite une forme institutionnalisée à travers des dispositifs de politique sociale qui ouvrent (et ferment) des droits sur un critère d’âge et créent donc des inégalités de traitement fondées sur ce seul critère. Que l’on songe au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/revenu-de-solidarite-active-rsa-25071">revenu de solidarité active</a> (RSA), qui est réservé, sauf dans des cas particuliers, aux plus de 25 ans. Que l’on songe aussi aux systèmes de retraite, organisés autour de critères d’âge qui se révèlent ambivalents : d’un côté, ils déclenchent l’ouverture de droits sociaux protecteurs et, de l’autre, ils peuvent être facteurs d’exclusion du marché du travail, comme lorsque, dans les années 1980, les possibilités de cumul entre emploi et retraite ont été fortement limitées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-vieillir-est-peu-a-peu-devenu-synonyme-de-travailler-plus-124936">Comment vieillir est peu à peu devenu synonyme de travailler plus</a>
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<p>L’âgisme institutionnel peut aussi être indirect lorsqu’une politique apparemment neutre est en fait désavantageuse pour certains groupes d’âge (comme c’est le cas, par exemple, avec la dématérialisation des services publics, qui exclut de fait une partie de la population âgée de services auxquels elle avait auparavant accès).</p>
<p>Enfin, l’âgisme se déploie à travers tout un ensemble de pratiques individuelles qui relèvent d’intentionnalités différentes. Les unes sont peu réfléchies et se nourrissent des représentations négatives, homogénéisantes et dépréciatives (comme lorsque les jeunes sont considérés comme pas assez engagés dans leur travail et les plus âgés incapables de s’adapter). D’autres pratiques témoignent d’une sorte d’indifférence aux besoins et au point de vue des plus jeunes ou des plus âgés dont la parole se trouve dépréciée car pèse sur eux une présomption d’incompétence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-numerisation-des-administrations-produit-tensions-et-exclusion-207049">La numérisation des administrations produit tensions et exclusion</a>
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<p>Certaines pratiques encore relèvent d’un âgisme « bienveillant » : partant d’une bonne intention et cherchant à venir en aide à des personnes du fait de leur âge, elles n’en sont pas moins discriminantes (par exemple lorsque, dans le bus ou le métro, quelqu’un se lève pour céder sa place à un autre voyageur qu’il perçoit comme âgé, suscitant l’incompréhension, voire la colère de celui-ci qui se sent traité comme un « vieux »).</p>
<p>L’âgisme reste en France relativement bien toléré et suscite moins souvent l’indignation que le racisme et le sexisme. Sa réalité est même parfois contestée au motif que les retraités sont, dans notre pays, plutôt bien traités d’un point de vue économique, leur niveau de vie étant équivalent à celui des actifs. Il importe cependant de souligner, à la suite de la sociologue <a href="https://cems.ehess.fr/membres/juliette-rennes">Juliette Rennes</a>, que <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2020-6-page-725.htm">l’âgisme se joue en fait sur un autre plan</a>, celui de l’oppression culturelle.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/215353/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Caradec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Discrimination contre les personnes âgées ou discriminations fondées sur l’âge, quel qu’il soit ? La définition du terme « âgisme » ne fait pas consensus.Vincent Caradec, Sociologue, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195352023-12-10T15:48:06Z2023-12-10T15:48:06ZOpioïdes : Aux États-Unis, les overdoses sont en augmentation chez les adolescents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/564502/original/file-20231107-21-ue8q0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5674%2C3771&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour limiter le risque de décès dus à la drogue, il est important de vérifier régulièrement la santé mentale des adolescents.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/multiracial-male-and-female-friends-sitting-in-royalty-free-image/1439953643?phrase=teens&adppopup=true">DigitalVision/Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Aux États-Unis, les overdoses mortelles sont en constante augmentation. Entre mai 2022 et mai 2023, elles ont coûté la vie à plus de <a href="https://www.cdc.gov/nchs/nvss/vsrr/drug-overdose-data.htm">112 000 Américains</a>, selon les <em>Centers for Disease Control and Prevention</em>, soit une augmentation de 37 % par rapport à la période qui s’étalait de mai 2019 à mai 2020.</p>
<p>En grande majorité, les personnes décédées étaient des adultes. On note cependant une augmentation sans précédent des overdoses fatales chez les adolescents : le nombre de décès mensuel est passé de <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">31 en juillet 2019 à 87 en mai 2021</a> (la période la plus récente pour laquelle des données sont disponibles).</p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=0nERiGAAAAAJ&hl=en&oi=ao">chercheur, je travaille sur les consommations de drogues</a>. Mes travaux se focalisent sur les spécificités existant au sein des différents groupes d’âge. Lorsque l’on s’intéresse aux décès par overdose, on constate d’importantes différences entre les adolescents et les adultes, non seulement en matière de types de drogues impliqués, mais aussi de genre des consommateurs ou d’origine ethnique.</p>
<p>En raison de ces différences, les groupes qui doivent être considérés comme à haut risque ne sont pas les mêmes chez les adolescents et chez les adultes. Les stratégies mises en place pour prévenir les overdoses doivent en tenir compte.</p>
<h2>Qui sont les victimes ?</h2>
<p>Lorsque les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont examiné les données correspondant aux jeunes Américains âgés de 10 à 19 ans, ils ont constaté que, <a href="https://www.cdc.gov/nchs/products/databriefs/db457.htm">comme pour les adultes</a>, la <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">plupart des adolescents décédés d’une overdose de drogue étaient de sexe masculin</a>. Cependant, on constate également que la proportion de jeunes filles parmi ces décès adolescents est plus élevée que la proportion de femmes dans les classes d’âge adulte.</p>
<p>Chez les préadolescents et les adolescents, plus de deux garçons meurent d’une overdose de drogue pour chaque fille de ce groupe d’âge. Chez les adultes, le rapport est plutôt de trois hommes pour deux femmes.</p>
<p><iframe id="ipOYD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ipOYD/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La proportion d’overdoses mortelles <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">chez les adolescents caucasiens non hispaniques est nettement plus élevée</a> que chez leurs pairs non caucasiens – <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7146a4.htm">plus encore que chez les adultes</a> (<em>de juillet 2019 à décembre 2021, sur 2231 adolescents décédés par overdose, plus des deux tiers (69,0 %) étaient de sexe masculin, et étaient en majorité considérés comme <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">« blancs non hispaniques »</a> (59,9 %), ndlr</em>).</p>
<h2>Le fentanyl souvent en cause</h2>
<p>Une autre différence entre adolescents et adultes se situe au niveau des substances à l’origine de ces overdoses mortelles.</p>
<p>Chez les adultes, les consommateurs qui utilisent <a href="https://nida.nih.gov/research-topics/trends-statistics/overdose-death-rates">plus d’une drogue ont plus de risques de mourir d’une overdose</a> que ceux qui n’utilisent qu’une seule drogue. Les combinaisons les plus couramment constatées impliquent le fentanyl, un puissant analgésique opioïde (<em>les opioïdes sont des substances <a href="https://www.e-cancer.fr/Dictionnaire/O/opioide">aux effets similaires à ceux de l’opium</a>, ndlr</em>). Il s’agit de l’un des opioïdes les plus puissants disponibles : on estime qu’il est environ <a href="https://www.cdc.gov/stopoverdose/fentanyl/index.html">100 fois plus puissant que la morphine</a>, un autre opioïde très puissant souvent utilisé en milieu hospitalier.</p>
<p>Lors des usages détournés, le fentanyl est souvent associé soit à un autre opioïde, par exemple un médicament délivré uniquement sur ordonnance, soit <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/13/health/polysubstance-opioids-addiction.html?searchResultPosition=1">à un stimulant</a>, tel que la cocaïne ou la méthamphétamine.</p>
<p><a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">Chez les adolescents</a>, le principal responsable des overdoses mortelles est le fentanyl seul : il est impliqué dans 84 % d’entre elles, et 56 % de toutes les overdoses impliquaient uniquement cette molécule.</p>
<p><iframe id="tJnR5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tJnR5/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les adolescents et les préadolescents ont généralement peu de tolérance aux opioïdes, car ils n’y ont souvent pas été exposés auparavant, et la grande puissance du fentanyl les rend <a href="https://sf.gov/information/about-fentanyl">plus susceptibles de faire une overdose</a>.</p>
<p>Nombre d’entre eux ingèrent accidentellement du fentanyl en prenant des comprimés contrefaits qu’ils croient être des opioïdes délivrés sur ordonnance ou des stimulants. Il arrive aussi que ces cachets contiennent d’autres drogues illicites, sans qu’ils ne le sachent.</p>
<p>Ce constat est cohérent avec nos résultats de recherche, qui indiquent que les <a href="https://doi.org/10.1111%2Fajad.13289">usages détournés des opioïdes délivrés sur ordonnance ont diminué</a> entre 2015 et 2019 chez les adolescents et les jeunes adultes. Cela concorde également avec d’autres données montrant que les décès liés aux <a href="https://nida.nih.gov/research-topics/trends-statistics/overdose-death-rates">overdoses impliquant de l’héroïne ont eux aussi diminué</a> au cours des dernières années.</p>
<p>Cette utilisation involontaire augmente le risque d’overdose, car les personnes qui ne sont pas conscientes qu’elles prennent du fentanyl ont moins de chances d’avoir à portée de main de <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-la-naloxone-puissant-antidote-aux-overdoses-dopio-des-121149">la naloxone, un médicament utilisé comme antidote aux overdoses dues aux opioïdes</a>, ou des <a href="https://www.nmhealth.org/publication/view/general/6756/">bandelettes de test pour détecter le fentanyl</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-la-naloxone-puissant-antidote-aux-overdoses-dopio-des-121149">Connaissez-vous la naloxone, puissant antidote aux overdoses d’opioïdes ?</a>
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<p>Être préparé peut pourtant changer l’issue d’une overdose : l’analyse des décès survenus chez des adolescents a en effet montré que dans 67 % des cas un <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">témoin était présent et aurait pu intervenir</a>. La naloxone n’a été administrée que dans moins de la moitié de ces cas, alors que cette substance empêche le fentanyl et d’autres opioïdes de provoquer une overdose en bloquant l’accès aux récepteurs opioïdes dans le cerveau.</p>
<p><iframe id="7zauq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7zauq/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Peu ou pas d’antécédents</h2>
<p>Seul un adolescent sur dix décédé d’une overdose de drogue présentait un <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">historique de traitement pour un problème d’usage de substances</a>, et seul un sur sept avait déjà fait l’expérience d’une overdose non mortelle. Par ailleurs, les adolescents victimes d’une overdose mortelle n’avaient généralement pas de problème avec l’alcool ou d’autres substances, des prémices qui constituent habituellement des <a href="https://americanaddictioncenters.org/adult-addiction-treatment-programs/know-is-someone-on-drugs">facteurs de risque et doivent généralement alerter</a>.</p>
<p>Ce constat souligne l’importance pour les parents d’aborder avec leurs enfants les questions liées à l’usage de substances, et ce <a href="https://www.samhsa.gov/talk-they-hear-you/parent-resources/why-you-should-talk-your-child">dès l’âge de 12 ans</a>. Il a été constaté que l’expression de leur désapprobation a tendance à <a href="https://www.samhsa.gov/sites/default/files/TTHY-Mini-Broch-Bleed-2020.pdf">prévenir ou à retarder la prise de drogue</a>. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il peut être irréaliste, voire inutile, d’espérer que ses enfants ne recourront jamais à aucune substance psychotrope – après tout, la <a href="https://www.samhsa.gov/data/sites/default/files/reports/rpt39443/2021NSDUHFFRRev010323.pdf">plupart des adultes boivent de l’alcool, au moins occasionnellement</a>.</p>
<p>En tant que parent, il peut être plus judicieux d’insister auprès de ses enfants sur le fait qu’à leur âge, le cerveau est encore en construction et <a href="https://doi.org/10.1080%2F10550490701756146">subit de ce fait des changements rapides et importants</a>. Éviter de consommer des drogues ou de l’alcool pendant sa jeunesse permet donc de <a href="https://www.addictionpolicy.org/post/prevention-101-delay-the-onset-of-first-use">favoriser un développement cérébral sain</a>.</p>
<h2>Que peut-on faire d’autre ?</h2>
<p>Il est important d’avoir de la naloxone à disposition. Ce médicament potentiellement salvateur est facile à utiliser, mais le <a href="https://www.npr.org/2023/08/30/1196874196/over-the-counter-narcan-may-be-too-expensive-for-some-people-advocates-fear">coût de sa version en vente libre</a>, qui <a href="https://www.goodrx.com/naloxone">peut dépasser aux États-Unis 50 $ pour deux doses</a>, le rend inaccessible pour certaines des personnes qui en ont le plus besoin. </p>
<p>Il faut néanmoins l’envisager comme le pendant d’une assurance automobile : on préfère éviter d’avoir à y recourir, mais il est important d’en souscrire une malgré tout, au cas où quelque chose tournerait mal.</p>
<p>Et même si son propre enfant ne s’essaiera jamais à la consommation d’aucune drogue, le fait d’avoir de la naloxone sur lui pourrait lui permettre d’être en mesure d’intervenir et de sauver un ami qui ferait une overdose.</p>
<p>À ce sujet, tout le monde devrait être formé à reconnaître les <a href="https://www.cdc.gov/stopoverdose/fentanyl/index.html">symptômes d’une overdose d’opioïdes</a> : respiration superficielle (de petits volumes d’air sont inspirés et expirés, gonflant au minimum les poumons) ou inexistante, difficultés à rester conscient, peau froide et moite. Face à une telle situation, il faut être prêt à intervenir rapidement.</p>
<p>Pour conclure, un dernier point est particulièrement important à souligner : plus de quatre adolescents sur dix victimes d’une overdose fatale <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">avaient des antécédents de problèmes de santé mentale</a>. Cela concorde avec <a href="https://doi.org/10.1097%2FCHI.0b013e318172ef0ld">nos propres travaux</a>, qui ont établi un lien, chez les adolescents, entre une <a href="https://doi.org/10.1097/ADM.0000000000001131">santé mentale moins solide et un mésusage d’opioïdes</a>. Cette forte association entre <a href="https://doi.org/10.1007%2Fs00127-021-02199-2">problèmes de santé mentale et overdoses de drogue</a> existe aussi chez les adultes.</p>
<p>Pour cette raison et bien d’autres, telle que <a href="https://www.cdc.gov/childrensmentalhealth/data.html">l’augmentation des taux de dépression chez les adolescents</a>, je recommande à tous les adultes (non seulement aux professionnels de santé, mais aussi à ceux qui comptent des préadolescents et des adolescents parmi leurs proches), de rester attentifs à l’évolution de leur santé mentale. Et au moindre doute, de recommander un traitement si l’on est soignant, ou de consulter un professionnel dès que possible si on ne l’est pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ty Schepis est financé par le National Institute on Drug Abuse et la US Food and Drug Administration. Le Centre de recherche translationnelle sur la santé de l'Université d'État du Texas a également apporté son soutien à ses travaux.</span></em></p>Chez les adolescents américains, les garçons sont plus susceptibles de mourir d'une overdose que les filles. Le fentanyl, un opioïde 100 fois plus puissant que la morphine, est très souvent en cause.Ty Schepis, Professor of Psychology, Texas State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188672023-12-06T17:42:10Z2023-12-06T17:42:10ZDérèglement climatique : une fracture générationnelle, vraiment ?<p>Le <a href="https://www.la-croix.com/planete/mobilisation-climat-est-elle-affaire-jeunes-2023-09-12-1201282361">discours commun</a> dépeint les <a href="https://theconversation.com/topics/jeunes-21920">jeunes</a> comme très largement mobilisés pour le <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">climat et l’écologie</a> tandis que les plus âgés poursuivraient leurs actions polluantes et se désintéresseraient du <a href="https://theconversation.com/topics/changement-climatique-21171">dérèglement climatique</a>. Vraiment ?</p>
<p>La dernière livraison de l’étude <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2023-tableau-dune-france-en-colere">« Fractures françaises »</a>, déjà évoquée dans un <a href="https://theconversation.com/si-la-societe-francaise-deprime-est-ce-vraiment-la-faute-aux-vieux-217106">précédent article</a>, montre que 57 % de la population est consciente de la réalité du changement climatique dû à l’activité humaine. Cela reste assez modeste au regard du consensus scientifique et médiatique et de ce que le pays a traversé comme événements météorologiques ces dernières années. Ce taux tend même à diminuer, puisqu’en 2022, on comptait 61 % de convaincus.</p>
<p>En termes d’âge, les écarts sont significativement peu significatifs en la matière, contrairement au niveau d’éducation. La formulation de la question est toujours un élément à prendre en compte pour comparer les réponses données par les sondeurs. Aussi, dans une <a href="https://www.institut-viavoice.com/dereglement-climatique-et-societe-enquete-viavoice-septembre-2023/">autre étude</a>, à la question très fermée « Diriez-vous que le réchauffement climatique est un fait scientifique incontestable ? », 70 % des Français répondent par l’affirmative. Ce score n’est que de 59 % pour ceux qui ont niveau de formation inférieur au bac et 76 % pour ceux qui disposent d’un niveau au-delà du bac. 17 points d’écart.</p>
<p>De même si 10 % de la population ne sait pas répondre à cette question, le chiffre passe de 5 % dans les catégories supérieures à 15 % chez les CSP-. Surtout, parmi les 70 % ayant répondu par l’affirmative, 55 % déclarent que c’est « avant tout lié aux activités humaines ». Là encore, l’effet formation est prégnant : le taux de réponse positive passe de 46 % à 60 %, selon le niveau scolaire.</p>
<p>Sur de nombreux autres thèmes, l’effet âge ne semble pas toujours le facteur explicatif le plus percutant.</p>
<h2>Qui doit agir ?</h2>
<p>Au-delà de la prise de conscience, la question se pose de qui doit faire des efforts. Selon l’étude <em>Fractures Françaises</em>, 67 % des Français sont d’accord avec l’idée de « modifier en profondeur les modes de vie », les moins de 35 ans étant un peu plus convaincus avec 71 % d’accord contre 66 % chez les seniors. En revanche, les écarts sont plus forts s’il s’agit de « demander des sacrifices financiers ». Si 56 % des moins de 35 ans se disent en accord avec cette proposition, on chute à 41 % chez les plus de 60 ans.</p>
<p><iframe id="IFhXd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/IFhXd/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À la question de savoir quel est le levier le plus efficace pour limiter le changement climatique, les « changements dans les modes de production des entreprises » sont mis en avant par 36 % de la population. Avec à nouveau des différences très notables en termes d’âge et de catégorie sociale : 40 % des moins de 35 ans sont de cet avis contre seulement 31 % des seniors. 38 % des cadres et 43 % des professions intermédiaires partagent cet avis, contre seulement 32 % des ouvriers et 29 % des retraités.</p>
<p><iframe id="7YLYs" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7YLYs/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="oH6Ge" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oH6Ge/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’espoir mis dans la science reste très réduit avec 15 % de la population « votant » pour le progrès technique. Les jeunes un peu plus, à 18 % et les 35-59 ans, bien moins, à 13 %. Les seniors étant à 15 %. À noter qu’en termes de catégorie sociale, les plus confiants dans les capacités d’innovation scientifique sont les ouvriers (18 %).</p>
<h2>Points de convergence</h2>
<p>Si des différences entre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generations-39137">générations</a> existent parfois, elles restent néanmoins peu significatives sur un grand nombre de questions. Ainsi à propos de l’idée de changer ses modes de vie, pour 68 % de la population, « ce n’est pas aux Français de faire des efforts », mais aux entreprises ou à l’État. Notons que 70 % des moins de 35 ans défendent cette ligne contre 66 % des seniors. Quel que soit l’âge, c’est mieux si c’est le voisin, l’État ou les entreprises qui se bougent…</p>
<p>Pour autant, selon l’étude <a href="https://www.lecese.fr/actualites/le-rapport-annuel-sur-letat-de-la-france-le-cese-adopte-lavis">« État de la France »</a> du Conseil économique social et environnemental (Cese), 80 % de la population déclarent que « minimiser son impact personnel est une réelle préoccupation » ; 33 % affirment même qu’elle est très importante. Les moins de 35 ans s’accordent à 83 % sur cette affirmation (32 % très important), les plus de 60 ans, sont à 82 % sur la même ligne (34 % très important).</p>
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<p>La vraie distinction réside entre hommes et femmes, ces dernières étant 84 % à être préoccupées contre 76 % chez les hommes. Un écart de 8 points.</p>
<p>Certes, les actions les plus prisées pour minimiser son impact personnel restent celles les moins coûteuses (90 % disent avoir adopté, ou pensent le faire, des gestes de l’économie circulaire ou encore 81 % ont modifié ou vont le faire leurs habitudes de consommation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1702688573340753958"}"></div></p>
<p>Concernant des actions plus onéreuses, l’âge prend largement le dessus par rapport aux différences de sexe ou de catégories sociales, mais dans des directions diverses. Ainsi, si 64 % de la population affirment avoir ou prévoir des travaux de rénovation thermique, les seniors sont 67 % dans ce cas et les moins de 35 ans, 52 %. Une différence de 15 points. Le fait d’être ou non propriétaire de son logement – qui est fortement corrélé à l’âge – joue cependant certainement dans la réponse.</p>
<p>À l’inverse, si 34 % des Français disent disposer ou souhaiter acquérir un véhicule électrique, les moins de 35 ans s’inscrivent à 41 % dans cette optique, contre seulement 26 % des seniors. Encore un écart de 15 points. Sans doute que, la situation géographique et l’éloignement des centres urbains – plus prononcés chez les seniors que chez les moins de 35 ans-influence-t-elle la réponse.</p>
<h2>Des facteurs plus puissants que l’âge</h2>
<p>Selon l’étude ViaVoice, si 63 % de la population s’estime bien informée à propos du dérèglement climatique, il y a une différence de 31 points entre les cadres (80 %) et les ouvriers qui sont seulement 49 % de cet avis. Le niveau de formation influe aussi très directement sur le sentiment d’être bien informé : 52 % pour les personnes disposant d’un diplôme inférieur au bac et 70 % pour ceux qui ont plus que le bac. Rappelons que les anciennes générations ont vécu à un moment où l’accès au bac restait fort limité.</p>
<p>Au-delà, si 80 % de la population se dit à titre personnel intéressés par les questions liées au dérèglement climatique, seulement 37 % se disent très intéressés, 47 % pour les plus de 65 ans. Notons aussi que 79 % de la population s’inquiète des conséquences du dérèglement climatique, c’est-à-dire plus que les gens qui estiment que ce phénomène est prouvé scientifiquement… L’écart en termes d’inquiétude ne relève pas de l’âge mais d’abord de la catégorie sociale : les cadres sont 89 % dans ce cas, contre 76 % des CSP-. Une différence de 13 points.</p>
<p>Par ailleurs, chez ceux qui reconnaissent l’existence du dérèglement climatique, 44 % estiment savoir ce qu’ils pourraient faire à leur niveau pour « lutter encore plus contre le dérèglement climatique ». Si 31 % des plus de 65 ans sont de cet avis, les plus jeunes ont beaucoup moins de doutes. Ils sont 52 % à être convaincus de ce qu’il faut faire. Un écart de 21 points.</p>
<p><iframe id="87bD3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/87bD3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Est-ce la traduction d’une plus grande compétence et implication des plus jeunes, ou le témoignage d’une plus grande modestie des plus âgés ? Différentes études ont montré que les différentes générations ne donnent pas nécessairement la même valeur écologique aux mêmes gestes.</p>
<p>Le plastique est par exemple bien plus <a href="https://www.mysweetplanete.com/2019/12/27/91-des-moins-de-35-ans-se-disent-inquiets-a-cause-de-la-pollution-plastique/">mal vu par les jeunes</a> que par les anciennes générations pour qui ce fut un gain d’usage et un symbole de modernité. Autre exemple, se déplacer en trottinette électrique apparaît pour les moins de 35 ans à la fois comme un acte fort en termes de symbolique écologique et une manière de se déplacer moderne et facile. Pour les plus âgés, elle est vue comme un danger pour le piéton et une <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/trottinettes-en-libre-service-a-paris-les-jeunes-les-plebiscitent-les-plus-de-45-ans-sen-mefient-27-09-2022-FRAQBXLVD5HQZFOMZ6JNQ3VGEA.php">prise de risque dans l’usage</a>, pour un bénéfice environnemental discutable comparé à la marche à pied ou au transport en commun. L’imaginaire joue bien son rôle.</p>
<p>Savoir ou faire ? Selon ViaVoice, ceux qui reconnaissent la réalité du dérèglement climatique sont 65 %, seulement, à vouloir agir davantage, dont 16 % à répondre « oui tout à fait ». La variable formation apparaît discriminante puisque ce volontarisme passe de 56 % pour les « bac – » à 70 % pour les « bac + ».</p>
<p>L’âge joue assez sensiblement sur les imaginaires liés aux questions climatiques mais le niveau d’éducation, la situation sociale et le sexe sont, en fonction des thèmes, des critères souvent bien plus puissants. La réussite de la transition énergétique ne passera pas par un imaginaire d’opposition entre les générations, mais de la capacité à proposer, à la fois un récit commun, et des politiques de soutien adaptées aux conditions sociales et aux modes de vie des personnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Guérin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le facteur âge ne joue pas toujours dans la direction que l’on imagine spontanément pour expliquer les comportements environnementaux. Ce n’est d’ailleurs souvent pas la variable la plus puissante.Serge Guérin, Professeur INSEEC GE. Sociologue, directeur de MSc « Directeur des établissements de santé », INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173172023-11-29T17:22:07Z2023-11-29T17:22:07ZLes jeunes en première ligne face à la crise du logement<p>La crise du logement se donne particulièrement à voir au travers de ce que l’on nomme en statistiques le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1809">« taux d’effort »</a>. Il s’agit du pourcentage du revenu des ménages consacré à l’habitation principale. Chez les jeunes ménages locataires de moins de trente ans, parmi lesquels souvent des étudiants, il atteindrait plus de 60 % selon un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b4817_rapport-information">rapport d’information</a> de l’Assemblée nationale alors qu’il est en moyenne de 23 % pour l’ensemble de la population.</p>
<p>Même en tenant compte des aides, ce taux reste deux fois supérieur à celui de l’ensemble de la population de l’Assemblée nationale de décembre 2021 sur le logement et la précarité́ des étudiants, apprentis et jeunes actifs. Il était mesuré en effet à 22 % pour les 18-25 ans, 18,5 % pour les 25-29 ans et 10,3 % pour la population générale.</p>
<p>La crise immobilière actuelle, marquée par un ralentissement des transactions en raison notamment d’un renchérissement du crédit, masque en réalité une crise plus large d’accès au logement, dont les plus jeunes sont aujourd’hui les premières victimes. Les difficultés des « 18-29 ans », c’est-à-dire plus de 9,2 millions de personnes en 2021, <a href="https://injep.fr/publication/les-chiffres-cles-de-la-jeunesse-2021/">14 % de la population française</a>, ne sont certes pas nouvelles mais la tension locative semble aujourd’hui atteindre son paroxysme : il ne suffit plus d’avoir un emploi pour espérer trouver et accéder à un logement.</p>
<h2>L’offre ne suit pas la demande</h2>
<p>Il s’agit autant d’une crise de la demande que d’une crise d’offre. Du côté de la demande, les jeunes locataires ont de moins en moins les moyens de se loger. Hormis le taux d’effort cité plus haut, cette classe d’âge de la population reste marquée par une fragilité, pour une part structurelle en raison du délai entre la fin des études et le premier emploi : le chômage concerne <a href="https://fr.statista.com/statistiques/474246/chomage-des-jeunes-en-france/">plus de 15 % des 15-24 ans</a> (contre 8,5 % pour la population générale) en 2023. De surcroît, les jeunes sont majoritairement face à un marché de l’emploi qui ne leur est pas favorable et qui s’est dégradé : 12,9 % des 15-29 ans (17,8 % pour les 25-29 ans) ne se trouvaient ni en emploi, ni en étude ou formation en 2021.</p>
<p><iframe id="7Vq4M" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7Vq4M/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le logement des jeunes (étudiants ou jeunes actifs notamment) reste une problématique récurrente en France depuis longtemps. Alors que le parc social a été conçu à l’origine pour accueillir les jeunes ménages, la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/19462-comment-faciliter-lacces-au-logement-social">baisse du taux de rotation</a> et le vieillissement de la population occupante limitent aujourd’hui son accès aux plus jeunes, les conduisant à se reporter par défaut vers le parc privé locatif beaucoup plus cher.</p>
<p>Ainsi, le parc social enregistre une diminution importante et de long terme des locataires de moins de 30 ans, <a href="https://www.union-habitat.org/sites/default/files/articles/pdf/2019-09/conseil_social_-_jeunes_-_avis_n3_1.pdf">passant de 24 à 8 %</a> entre 1984 et 2013, au profit notamment des plus de 65 ans qui sont, au contraire, de plus en plus nombreux à y trouver une place. On observe une hausse de 7 points parmi les titulaires des baux sociaux (22 % en 2013) à appartenir à cette tranche d’âge et de 10 points chez les 50-64 ans (30 % en 2013) sur la même période.</p>
<p>Aujourd’hui, le premier logement d’un jeune en décohabitation est majoritairement un logement locatif dans le parc privé, le secteur social offrant <a href="https://www.union-habitat.org/actualites/quels-logements-pour-les-jeunes-dans-le-parc-social">peu de places aux nouvelles générations</a>. En 2020, l’Insee recensait autour de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7666867?sommaire=7666953">72 % de locataires</a> parmi les ménages de moins de 25 ans dans le parc locatif privé (contre 22 % pour la population générale) presque essentiellement de logements de petite taille très demandés et de plus en plus rares et onéreux et entre 16 et 20 % dans le parc social (17 % pour la population générale). Pour les jeunes de moins de 25 ans, ce ratio concernant le locatif privé s’est accru très fortement, passant successivement de 57 % en 2013 à plus de 72 % en 2020.</p>
<p><iframe id="VcSg1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/VcSg1/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La crise liée aux tensions sur le pouvoir d’achat du côté de la demande se double ainsi d’une crise de l’offre, liée à une insuffisance du nombre de logements. Cette tendance est encore plus marquée pour la population étudiante. Selon l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), l’offre élargie de logements aux étudiants ne répondait en réalité aux besoins que de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/283178-lacces-au-logement-pour-les-jeunes-une-urgence-absolue">18 % de ceux ne vivant pas chez leurs parents en 2019</a>.</p>
<p>Le Crous, notamment, l’opérateur historique de l’État, accueillant avec des loyers plafonds des étudiants sous plafonds de ressources et prioritairement boursiers, logeait 35 % des 215 000 étudiants dans les années 1960 (dénominateur plus large que celui cité auparavant car il intègre les étudiants logeant chez leurs parents : ils sont <a href="https://www.ove-national.education.fr/wp-content/uploads/2022/08/Fiche-CDV2020-Logement.pdf">32 %</a> dans ce cas aujourd’hui). Ces résidences ne peuvent, en 2019, loger que <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b4817_rapport-information#_Toc256000014">25 % des boursiers de l’État</a>.</p>
<p><iframe id="ht9bI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ht9bI/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Par ailleurs, les résidences sociales pour jeunes actifs conventionnés – qui répondent aux enjeux de précarité et de mobilité professionnelle des jeunes (notamment les résidences sociales et foyers de jeunes travailleurs, les résidences jeunes actifs) – ne satisfont selon l’Union professionnelle du logement accompagné (Unafo) qu’une trop faible part de la <a href="https://www.unafo.org/app/uploads/2022/07/UNAFO-Chiffres-nationaux-Jeunes-juin-22-toweb.pdf">demande exprimée</a> et ne peuvent s’adresser qu’aux personnes les plus en précarité.</p>
<p>Le phénomène concerne à la fois la région Île-de-France, qui concentre 26 % de la population estudiantine (733 000 étudiants dont 367 000 dans Paris), mais également aujourd’hui toutes les autres régions et notamment les métropoles et villes moyennes. Ainsi, à <a href="https://www.capital.fr/immobilier/logements-etudiants-decouvrez-les-villes-ou-la-tension-immobiliere-est-la-plus-forte-1438644">Lyon et à Rennes</a>, ce sont plus de quatre demandes pour une offre tandis que le marché locatif des petites surfaces reste tendu et souvent échappe pour les résidences étudiantes avec service à l’encadrement de loyers.</p>
<p><iframe id="sW66s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sW66s/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>L’État veut accélérer le rythme</h2>
<p>Dans le parc social, et dans la continuité du « plan 60 000 logements étudiants » lancé en 2018, les <a href="https://www.union-habitat.org/actualites/quels-logements-pour-les-jeunes-dans-le-parc-social">bailleurs sociaux</a> tentent de renforcer depuis quelque temps une offre de logements destinée aux jeunes (résidences sociales, foyers de jeunes travailleurs ou résidences universitaires en gestion directe ou indirecte). Plus récemment, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé un <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/logement/crise-du-logement-le-gouvernement-prete-main-forte-a-la-construction-1c2cfeb8-8481-11ee-9b65-2282e6d4bdd9">plan d’action pour favoriser la construction de logements, notamment pour les étudiants</a>, au travers d’un <a href="https://www.selexium.com/actualites/crise-logement-plan-soutien-construction/">plan de relance des logements sociaux</a>.</p>
<p>La situation reste néanmoins très critique et complexe dans le parc locatif privé, conséquence de la <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2013-2-page-189.htm">financiarisation de l’immobilier</a> observée depuis deux décennies qui a conduit à une envolée des prix immobiliers, entretenue par une période de taux bas, et des loyers en déconnexion avec les revenus des ménages. Les nombreux dispositifs fiscaux, développés depuis plus d’une décennie, notamment en faveur de l’investissement locatif en LMNP (loueur de meublé non professionnel) ont réorienté majoritairement le parc résidentiel privé vers une offre locative de petits meublés de courte durée. Ceux-ci sont de surcroît non soumis à l’encadrement des loyers, offrant des taux de rentabilité comparativement bien plus élevés, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/26/crise-du-logement-face-a-la-proliferation-des-meubles-de-type-airbnb-le-gouvernement-pret-a-serrer-la-vis_6202424_3234.html">déséquilibrant et raréfiant structurellement le parc résidentiel locatif</a>, notamment dans les villes universitaires et touristiques.</p>
<p>Le dispositif très attractif de l’investissement locatif en LMNP est en train de se rabattre sur la niche de marché du logement des étudiants et des jeunes actifs alors que la crise des bureaux et du logement en accession à la propriété menace l’activité immobilière des promoteurs. Plusieurs programmes immobiliers de résidences services étudiantes privées et de résidences de <em>coliving</em> non conventionnées, mises en location sous le statut LMNP, ou non, voient le jour. Si elles apportent une réponse partielle à la demande <a href="https://ingridnappi.com/2021/11/03/la-reconversion-des-bureaux-en-logements-peut-elle-repondre-a-la-crise-du-logement/">et à la crise du bureau</a> post-Covid, elles concourent néanmoins paradoxalement à renforcer la crise du logement des plus démunis, dans un contexte de forte pénurie et de surenchère du foncier. Cela compromet dans de nombreux cas, le développement et la faisabilité économique de l’offre publique de logements conventionnés dédiée aux jeunes.</p>
<hr>
<p><em>L’autrice tient à remercier Tommy Veyrat, Directeur de l’URHAJ Île-de-France et Nicolas Delesque, Universités & Territoires, pour leurs contributions à la réflexion et à la documentation de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ingrid Nappi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunes, plus souvent locataires, peinent de plus en plus à se loger. Le parc social en particulier paraît plus difficile d’accès pour ce public structurellement plus en situation de précarité.’.Ingrid Nappi, Économiste, professeur HDR au département SEGF (Sciences économiques, Gestion, Finance), École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2182642023-11-28T17:13:08Z2023-11-28T17:13:08ZMédias : les jeunes ont envie d’une information qui leur ressemble<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561102/original/file-20231122-17-6jk9h8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C38%2C5168%2C3406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes ont un rapport à l'information différent de celui de leurs aînés, mais subissent peut-être davantage la fatigue émotionnelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/livre-de-lecture-de-personne-2118463/">Pexels/Hasan Zahra</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Beaucoup d’idées simples (quand elles ne sont pas tout bonnement fausses) circulent sur le rapport des adolescents et jeunes adultes à l’information. Ils manqueraient d’appétence pour l’information, seraient frivoles dans leurs centres d’intérêt, délaisseraient la télévision, seraient plus prompts à être bernés par les fake news…</p>
<p>Ces idées reçues trahissent une incompréhension des adultes vis-à-vis d’une jeunesse qui n’adoptent pas tous leurs réflexes et usages lorsqu’il s’agit de s’informer. Et un <a href="https://www.meta-media.fr/2021/03/13/consommation-media-le-fossee-se-creuse-entre-les-generations.html">fossé générationnel s’est en effet creusé</a> en la matière qui engendre des incompréhensions et des jugements de valeur hâtifs.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
<p><strong>À lire aussi :</strong></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a></p></li>
</ul>
<hr>
<p>Heureusement, de nombreuses données d’enquête permettent de dresser un portrait très différent des jeunes face à l’information, y compris l’enquête exclusive « Jeune(s) en France ». Il apparaît notamment que les jeunes restent intéressés par les actualités, mais pas forcément les mêmes que leurs parents et grands-parents, pas avec la même priorité thématique, pas sur les mêmes supports.</p>
<h2>Des pratiques d’information qui explorent davantage de nouveaux supports</h2>
<p>Dans l’imaginaire social des pratiques d’information jugées les plus sérieuses et légitimes, on trouve une série d’usages établis : être abonné à un journal ou un magazine de presse écrite (régional ou national) ; regarder un journal télévisé (souvent en famille) ; écouter une tranche matinale d’information sur une des grandes radios périphériques ; manifester un intérêt prononcé pour les informations citoyennes par excellence que sont l’actualité politique, économique et sociale ou internationale ; affirmer une fidélité à un média qui devient son média quotidien et à quelques figures journalistiques phares et donc leur faire confiance durablement.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les études sur la consommation d’informations dressent un panorama des pratiques de la jeunesse française contemporaine assez divergentes. Tout d’abord le rendez-vous matinal avec les tranches infos des radios est en voie d’affaiblissement notable chez les jeunes. Selon le <a href="https://www.kantarpublic.com/fr/barometres/barometre-de-la-confiance-des-francais-dans-les-media/barometre-2023-de-la-confiance-des-francais-dans-les-media">baromètre annuel de la confiance dans les médias</a> Kantar/<em>La Croix</em>, fin 2022, 26 % des 18-24 ans écoutent la radio pour s’informer contre 42 % des 35 ans et plus.</p>
<p>Les jeunes perdent le réflexe de la radio d’actualité au réveil, soit qu’ils écoutent des radios plutôt musicales, soit qu’ils se jettent avec gourmandise sur leur smartphone pour accéder à leurs comptes de réseaux socionumériques. Soit qu’ils ouvrent la télévision du côté d’une chaîne d’information continue.</p>
<p>Leurs pratiques d’information sont beaucoup plus digitales que celle de leurs aînés, ils sont même souvent pionniers dans le développement de nouveaux supports pour s’informer, que ce soit historiquement Facebook, ou l’application Discover au sein de Snapchat, et plus récemment TikTok ou Twitch par exemple. 54 % s’informent chaque jour via les réseaux socionumériques fin 2022, contre 17 % des plus de 65 ans. Les médias ne s’y trompent pas qui multiplient les productions sur ces supports en espérant capter l’attention des plus jeunes pour les fidéliser un jour, <a href="https://cahiersdujournalisme.org/V2N6/CaJ-2.6-R051.pdf">comme avec Snapchat</a>.</p>
<p>Les jeunes goûtent aussi avec joie aux podcasts pour trouver des informations qu’ils ne trouvent pas forcément ailleurs ou aiment les formats vidéo courts comme peuvent leur offrir des chaînes en ligne comme Brut ou Loopsider.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3Z6HnUJ3hcw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chaine Hugo Décrypte est devenue une référence incontournable de l’information, ici son interview d’Emmanuel Macron en septembre 2023.</span></figcaption>
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<p>Ils apprécient également le style de traitement de l’information plus décontracté que dans les médias traditionnels, avec un code vestimentaire et un parler qui leur ressemble (chaîne You Tube Hugo décrypte), un ton mêlant désir d’informer et de distraire (l’émission télévisée <em>Quotidien de Barthès</em> : fin 2022, 29 % des 18-24 ans regardent ce type d’émission tous les jours contre 14 % seulement des plus de 65 ans), animations graphiques et stories de Snapchat…</p>
<p>Déjà dans <a href="https://www.editions-msh.fr/livre/info/">notre étude début 2016</a> auprès de 1 820 étudiants, 74 % de ceux qui déclaraient s’informer via Facebook reconnaissaient que les informations reçues étaient un mixte entre infos sérieuses et divertissement. Autant de formats que la plupart de leurs aînés ne fréquentent pas, voire ignorent jusqu’à leur existence.</p>
<h2>Des pratiques d’information différentes entre les générations</h2>
<p>Cela ne signifie néanmoins pas que les jeunes se détournent totalement de la télévision pour s’informer. Elle reste bien présente dans leur patchwork informationnel. D’après le baromètre Kantar/<em>La Croix</em>, 42 % des 18-24 ans déclaraient regarder un journal télévisé tous les jours (contre 73 % chez les plus de 65 ans, il est vrai).</p>
<p>Ils ont recours aux chaînes d’information continue surtout si un événement fort survient. À cette occasion d’ailleurs, les réflexes de visionnage en famille resurgissent, la télévision restant fédératrice d’audience en temps de crise. On l’a bien vu durant la pandémie. En mars 2020, <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/tv-et-nouvelles-images/jt-grand-gagnant-confinement-pas-netflix/">selon Médiamétrie</a>, 57 % des 15-24 ans ont regardé la télé contre 36 % un an avant. Dans la catégorie des 15-34 ans, les JT de TF1 et France ont cumulé 1,3 million de téléspectateurs en plus chaque soir.</p>
<p>En revanche, les jeunes regardent plus volontiers l’information produite par les chaînes de télévision sur un autre support que l’écran télé. Leur smartphone, ou leur ordinateur pourra chez certains offrir un accès prioritaire à ces programmes, et sans attacher une importance aussi grande qu’avant à la ritualité des horaires fixes, comme la fameuse et désormais dépassée <a href="https://theconversation.com/le-journal-televise-francais-un-rituel-populaire-au-service-du-public-207162">« grande messe du 20h »</a>.</p>
<h2>Un faible engagement partisan qui induit une autre hiérarchie de l’information</h2>
<p>C’est aussi sur les priorités thématiques que les jeunes se distinguent en partie de leurs aînés. Relevons d’abord que dans l’enquête exclusive The Conversation, la note d’intérêt des 18-24 ans pour les rubriques jugées les plus prestigieuses ne sont jamais en dessous de 5 sur 10 : politique nationale 5,54 ; économie 5,46 ; politique internationale 5,38.</p>
<p>Et dans ces notes transparaissent un écart sociologique, bien connu dans l’ensemble de la population entre les moins diplômés (note moyenne d’intérêt pour l’actualité en dessous de 5/10) et les plus diplômés (note supérieure à 6/10). Mais ce résultat sur la politique est tout à fait en phase avec une difficulté de la jeunesse à se passionner pour l’action politique et partisane traditionnelle.</p>
<p>L’enquête pour The Conversation montre ainsi que l’engagement partisan est jugé peu désirable au contraire de l’engagement pour des causes précises (environnement, égalité hommes/femmes, luttes contre les discriminations…).</p>
<p>Engagement pour des causes qui explique que les jeunes vont chercher une information politique ailleurs que dans les médias traditionnels qui abordent encore massivement la politique par le truchement des luttes partisanes, des groupes parlementaires, etc. En lieu et place, les jeunes trouvent dans des médias plus de niche mais plus engagés, une offre informationnelle adaptée à leur engagement par les causes. On songe au bon écho reçu chez les jeunes femmes aux <a href="https://www.telerama.fr/radio/les-meilleurs-podcasts-feministes-pour-faire-exploser-le-patriarcat-5516-7011938.php">podcasts féministes</a> ou dénonçant des discriminations de genre ou de sexe, par exemple.</p>
<p>D’autres rubriques d’information bénéficient donc de meilleures notes dans l’enquête précitée. Arrive en tête la culture (ce qui tord définitivement le cou au cliché d’une jeunesse mal informée, car abêtie) avec la note de 7, puis les sujets science et environnement (6,63) ou les sujets dits de société (dans lesquels leurs combats sont souvent traités) avec 5,9. L’enjeu environnemental correspondant à ces deux dernières catégories. Pas de totale dépolitisation de l’information dans la jeunesse donc, mais une politique autrement, ce qui induit une information politique ailleurs, sur d’autres canaux, avec d’autres tiers de confiance (blogueurs par exemple plutôt que chroniqueurs politiques à l’ancienne).</p>
<h2>Le désir pour une autre information</h2>
<p>Et sur la culture, il faut aussi noter que ce n’est pas la même culture que leurs aînés. C’est aussi un facteur expliquant le désir de trouver sur d’autres médias une information qui leur parle, qui correspond à leurs goûts. Car les médias traditionnels ont tendance à privilégier les pratiques et acteurs culturels les plus établis et conformes aux canons d’une culture traditionnelle (variété française et rock, considérés comme par les jeunes comme des « musiques de vieux », expositions de peinture, littérature consacrée depuis les grands classiques jusqu’aux prix littéraires de l’année, films d’auteur, festivals d’art lyrique et de musique classique).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QGYkf30fTiQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des sites comme Konbini reflètent des codes informationnels et des intérêts plus proches des 18-24 ans.</span></figcaption>
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<p>Ce qui revient pour ces médias <em>mainstream</em> à exclure peu ou prou, le rap, le raï, la R’n’B Mix, les jeux vidéo, les films d’horreur, les mangas, certains programmes de téléréalité…</p>
<p>Mais après tout, leurs parents ou grands-parents n’ont-ils pas fait de même, en écoutant les radios libres musicales, ou en achetant une presse jeunesse de leur temps, comme <a href="https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2010-2-page-87.htm?contenu=article"><em>Salut les copains</em></a>, rock et folk ou plus tard <a href="https://www.slate.fr/story/111689/presse-ados-excitait"><em>Podium</em></a> ?</p>
<h2>Des jeunes plus touchés par la fatigue informationnelle</h2>
<p>La baromètre annuel de la confiance dans les médias nous aide à y voir plus clair sur toutes ces différences générationnelles. Dans l’enquête publiée en janvier 2023, 68 % des 18-24 ans déclarent suivre l’actualité avec un grand intérêt, certes contre 80 % pour les 35 ans et plus, mais on est loin de l’apathie informationnelle.</p>
<p>Et sur la confiance dans les divers supports médiatiques pour exposer une information fiable, difficile de trouver des divergences significatives entre les générations. Les jeunes conservent la même confiance toute relative dans les médias que leurs aînés. Toutefois, la confiance dans les médias Internet est nettement plus forte que celle des plus âgées, témoignant du fait qu’ils les pratiquent et qu’ils ont su trouver des médias de confiance dans cet univers où le meilleur côtoie il est vrai le pire. 48 % des 18-24 ans pensent que les faits se sont passés plutôt comme les médias en ligne en parlent, contre 29 % seulement des plus de 35 ans qui pensent ça.</p>
<p>Et dans le <a href="https://www.la-croix.com/economie/Barometre-medias-rapports-linfo-differents-selon-ages-2023-11-22-1201291825">nouveau baromètre annuel</a> Kantar/<em>La Croix</em> de novembre 2023, 24 % des 18‐34 ans disent s’informer via des influenceurs (comme Hugo décrypte), contre seulement 6 % des plus de 35 ans. Le tiers de confiance est donc moins une figure de journaliste connu et reconnu. Les jeunes font davantage confiance que leurs aînés à des figures qui leur ressemblent et qui leur offrent une relation vécue comme plus horizontale et égalitaire, dans la façon de leur parler, dans le choix des sujets, dans les valeurs véhiculées.</p>
<p>Un point de vigilance sur le rapport des jeunes à l’information concerne le sentiment de fatigue informationnelle. Nous sommes tous confrontés à un défi anthropologique majeur : notre capacité à être tenus informés de tout ce qui se passe de terrible de par le monde est quasi illimitée mais notre capacité à agir n’a pas progressé, ce qui nous confronte fatalement à un sentiment d’impuissance très frustrant voire décourageant :</p>
<blockquote>
<p>« A quoi bon continuer à s’informer sur la misère du monde, si cela me déprime et génère un profond sentiment d’impuissance ? »</p>
</blockquote>
<p>On ajoutera la multiplication des sollicitations permanentes à s’informer (alertes <em>push</em> sur nos téléphones, messages partagés sur nos réseaux socionumériques, chaînes d’information continue…) qui peuvent provoquer une saturation. Le sentiment se développe donc que l’information est anxiogène, démoralisante.</p>
<p>Si toutes les tranches d’âge sont touchées, les études montrent que les jeunes la ressentent plus que d’autres. En 2022, 15 % des Français <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-et-la-fatigue-informationnelle-mutations-et-tensions-dans-notre-rapport-a-linformation/">se déclarent épuisés ou stressés</a> par les informations reçues « régulièrement » et 35 % « de temps en temps ». Dans l’évaluation de l’état d’esprit des jeunes face à l’information, dans l’étude pour The Conversation, on constate que jusqu’à 41 % peuvent se déclarer « inquiets », 34 % fatigués et 25 % angoissés. Sentiments négatifs plus prégnants chez les jeunes femmes, qui sont plus inquiètes (48 % vs 33 % des hommes) plus fatiguées (39,5 % vs 26 %), plus angoissées (31,8 % vs 18 %).</p>
<p>Et dans le baromètre Kantar/<em>La Croix</em> de janvier 2023, le sentiment de « lassitude » face à l’information est le plus fort chez les 18-24 ans (58 %) contre 47 % chez les 65 ans et plus. Et deux raisons majeures explique cette lassitude chez eux : « je me sens angoissé ou impuissant face aux informations » (33 %) et « les médias ne parlent pas des sujets importants pour moi » (30 %). Et ici l’effet générationnel est massif puisque seulement 16 % des 35 ans et plus pensent cela. Il faut dire que sur les causes qui les mobilisent (racisme, lutte contre les discriminations, environnement…) les médias leur donnent à voir de nombreux exemples déprimants (bavures policières, violences, dégâts climatiques).</p>
<p>On voit que la relative défiance des jeunes vis-à-vis des médias traditionnels d’information n’est pas un retrait total, dédaigneux et irresponsable, mais bien le symptôme d’une difficulté de ces médias à s’adresser aux jeunes, à capter leur intérêt en offrant des contenus renouvelés, qu’ils vont donc chercher ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218264/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une récente étude confirme que les jeunes n’adoptent pas les mêmes réflexes et usages d’information que leurs aînés, ce qui génère une incompréhension des adultes allant jusqu'aux clichés injustes.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris-Panthéon-Assas), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2157522023-11-27T17:17:13Z2023-11-27T17:17:13ZLes adolescents et les jeunes adultes face à leur identité de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560779/original/file-20231121-3914-b90cuu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C103%2C2995%2C1890&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Gender fluid », « non-binaires », « queer » ou bien encore « genre ». La palette des auto-determinations de genre augmente progressivement, jusqu’à épouser des formes jusque-là inconnues. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/mode-femmes-poser-modeles-7391040/">Polina Tankilevitch/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les jeunes adultes et adolescent·e·s d’aujourd’hui adoptent, vis-à-vis de leur identité de genre, des représentations et des pratiques qui bousculent beaucoup les adultes et les institutions. En témoignent d’ailleurs un nombre important de productions cinématographiques ou <a href="https://www.cairn.info/revue-l-ecole-des-parents-2022-3-page-58.htm">littéraires</a>.</p>
<p>Ecole, famille ou espaces de santé : de nécessaires réajustements administratifs, politiques et relationnels sont aussi en cours. Mais que savons-nous de ces « nouvelle » identités de genre ?</p>
<p>« Gender fluid », « non-binaires », « queer » ou bien encore « genre ». La palette des autodéterminations de genre augmente progressivement, jusqu’à épouser des formes jusque-là inconnues. C’est dire combien les identités de genre ont subi depuis quelques décennies d’importantes modifications. Premièrement, elles se sont autonomisées de la médecine ou des catégories mentales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
<p><strong>À lire aussi :</strong></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/18-25-ans-des-jeunes-etonnamment-optimistes-et-resilients-217935">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-sengagent-218165">Comment les jeunes s’engagent</a></p></li>
</ul>
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<p>Du « transsexualisme » d’antan, il ne reste plus grand-chose, au bénéfice d’un terme parapluie plus englobant et moins pathologisant : les <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2012-3-page-263.htm">transidentités</a>. Deuxièmement, ces notions se sont multipliées. En 2020, une enquête sur la santé des personnes LGBTI porte à 43 le nombre d’identités de genre et de sexualité recensées parmi les réponses auto-administrées dans le <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/sante-lgbt-les-minorites-de-genre-et-de-sexualite-face-aux-soins/">questionnaire de l’étude</a>. Mais au fond, de quoi parle-t-on en réalité ?</p>
<p>Pour le dire clairement, il s’agit là de personnes qui ressentent ou expriment une identité de genre non conforme (partiellement ou totalement, définitivement ou momentanément) à ce qui est attendu, du fait de l’attribution de sexe à la naissance, par les normes de genre.</p>
<h2>Des « folles » aux queers</h2>
<p>Ces « nouvelles » identités de genre rappellent parfois des terminologies anciennes, depuis modifiées. On pense ainsi <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/folles_de_france-9782707152572">« aux folles »</a> qui aujourd’hui s’identifient plus à des personnes queers.</p>
<p>Ces identités comportent quelques caractéristiques. D’une part, elles apparaissent plus chez les minorités de sexualité que dans la population hétérosexuelle. Cette déconstruction des catégories de genre au sein des minorités sexuelles est ainsi documentée par des études récentes qui prouvent que les gays et les lesbiennes se sentent respectivement beaucoup moins masculins et féminines que <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-10-page-1.htm">leurs homologues hétérosexuel·le·s</a> et que la part des personnes se déclarant « non-binaires » ou « gender fluide » est principalement <a href="https://hal.science/hal-04179130/document">concentrée au sein de la population LGBTI</a>.</p>
<p>Mais ces études sont aussi parvenues à démontrer que ces appellations sont fortement générationnelles. Récemment apparues (en France particulièrement), tardivement défendues par des identifications médiatiques positives et reprises par les réseaux sociaux, elles se concentrent principalement chez les mineur·e·s et les jeunes adultes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-lunivers-du-drag-francais-rencontre-le-grand-public-192965">Quand l’univers du « drag » français rencontre le grand public</a>
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<h2>Mais de « combien » de jeunes parlons-nous ?</h2>
<p>Une question reste en suspens : combien sont-ils ces mineurs « trans » ou ces mineurs « non binaires » ? Avant de répondre à cette question, il faut comprendre que le mode de calcul de cette population n’est pas aisé : d’une part car ce sont des expressions de genre encore bien souvent tues, d’autre part il existe une « boite noire » en matière de mesure, si l’on focalise la quantification à partir des centres hospitaliers – que beaucoup ne fréquentent pas.</p>
<p>Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28838353/">premières mesures</a> font état d’environ 1 % de la population que l’on pourrait identifier comme « trans » au sens large, mais aussi « non-binaires » ou « gender fluide ». Évidemment, ces identifications ne se superposent jamais parfaitement. Les mineurs trans sont par exemple plus nombreux à avoir recours à des bloqueurs hormonaux que les jeunes non binaires.</p>
<p>Mais d’autres méthodes ont fini par voir le jour, comme le recensement dans des établissements scolaires (ce qui n’est pas réalité en France). Ainsi, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, des enquêtes localisées parviennent à fournir des chiffres oscillants entre 1 % et 1,2 % d’un effectif <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24438852/">d’élèves et d’étudiant·e·s</a>.</p>
<p>Aux côtés des identités, on trouve également des mineurs qui entament des démarches de changement de prénom ou de genre. En France les centres hospitaliers offrent des protocoles d’accompagnement à ces mineurs et publient <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0222961722001672">régulièrement des résultats issus de leurs cohortes</a>.</p>
<p>En 2022, l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) publie un premier chiffre relatif à la prise en charge des demandes d’ALD (affections longue durée) en concertation avec la CNAM (Caisse nationale de l’Assurance maladie) et relève 294 mineurs bénéficiant d’une prise en charge (principalement pour des hormonothérapies ou des prises de bloqueurs hormonaux).</p>
<p>Cette cohérence des données semble indiquer un part relativement faible de jeunes s’identifiant comme trans ou non-binaires. Nous sommes donc loin <a href="https://www.huffingtonpost.fr/medias/article/dans-quotidien-elisabeth-roudinesco-choque-avec-des-propos-sur-les-personnes-trans_178027.html">d’une épidémie</a>.</p>
<p>Et quand bien même les chiffres augmenteraient, les effectifs restent excessivement faibles. On observe donc qu’entre la mesure statistique d’un phénomène et son traitement médiatique, un gouffre semble se dessiner. Néanmoins, ces faibles pourcentages semblent provoquer <a href="https://theconversation.com/le-wokisme-ou-limport-des-paniques-morales-172803">« une panique morale »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-t-comme-transgenre-168429">« Les mots de la science » : T comme transgenre</a>
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<h2>Des affirmations de soi diverses</h2>
<p>Et si nous expliquions l’expression de ces identités par autre chose que des « troubles », des « confusions d’adolescents », des « erreurs » et des « influences néfastes » ? Et si nous regardions du côté des identifications qui rendent possibles les récits et les affirmations de soi ?</p>
<p>Ceci viendrait alors expliquer d’autres données, obtenues par sondage et dont on pourrait interroger la solidité, mais qui indiquent par exemple que « 11 % des adultes interrogés par <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20190327.OBS2526/ni-homme-ni-femme-14-des-18-44-ans-se-disent-non-binaires.html">YouGov</a> pour <em>L’Obs</em> ne se reconnaissent pas dans la dichotomie de genre femme/homme » ou bien encore qu’« en 2020, selon un sondage Ifop, 22 % des 18-30 ans déclarent ne pas se reconnaître dans le schéma <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/entretien-les-termes-non-binaire-a-genre-font-desormais-partie-du-vocabulaire-courant-7115403">« fille ou garçon »</a>.</p>
<p>Que disent ces éléments chiffrés ? À défaut de révéler des expériences intimes durables ou stabilisées, ils donnent une indication sur la <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2016-2-page-7.htm">« détraditionnalisation » des identités de genre chez certains jeunes</a>.</p>
<p>Car au-delà des enjeux de chiffrage, ces questions apparaissent aujourd’hui dans de nombreux contextes embarrassés de devoir les traiter (pensons à l’école notamment).</p>
<p>Si la parole se libérée c’est également que des identifications positives, à l’image de l’homosexualité jadis sont aujourd’hui <a href="https://www.cairn.info/revue-l-ecole-des-parents-2022-3-page-52.htm">possibles</a>.</p>
<h2>Une modification dans les imaginaires</h2>
<p>Loin d’un « effet de mode » ou d’un fantasme médiatiquement produit, on assiste plutôt à des modifications dans les imaginaires qui accompagnent les expressions de ces nouvelles identités de genre.</p>
<p>Les films comme <em>Petite Fille</em> de Sébastien Lichshitz (2020) ont très largement participé à une meilleure visibilité de cette question – non sans une polémique importante autour de sa sortie. Sébastien Lifshitz filme alors le quotidien de Sasha, une jeune enfant transgenre, scolarisée en primaire. Au-delà de Sasha, ce sont les membres de sa famille qui sont suivis dans leurs combats quotidiens et notamment de sa mère, Karine, pour que son école reconnaisse son identité de genre.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Petite Fille</em>, Sébastien Lifshitz, 2020.</span></figcaption>
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<p>Le succès télévisuel du documentaire met un coup de projecteur sur l’existence des mineurs trans. Pour autant, de nombreuses zones d’ombres demeurent en matière de connaissance de cette population. Des récits de parents viennent remplir un besoin croissant d’informations sur ce sujet : on pense notamment au livre <a href="https://www.decitre.fr/livres/mon-ado-change-de-genre-9782875574466.html"><em>Mon ado change de genre</em></a> d’Élisa Bligny (2020).</p>
<p>Au côté des récits de vie, des productions fictionnelles – comme des bandes dessinées – sont publiées à destination du jeune public (on soulignera notamment <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/appelez-moi-nathan-9782228921626"><em>Appelez-moi Nathan</em></a> de Catherine Castro et Quentin Zuttion, ou bien encore <em>Léo et Sasha</em> d’Elisa Bligny). Mais il faut également compter sur les séries. Les personnages trans ou non binaires (pensons à la série <em>Heart Stopper</em>) diffusent-ils aussi des imaginaires et des récits positifs, loin de toute honte ou culpabilisation.</p>
<h2>Des violences ordinaires récurrentes</h2>
<p>Mais pouvons-nous pour autant en conclure que cette visibilité crée moins de stigmatisations ? Une récente enquête de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) souligne <a href="https://www.cncdh.fr/sites/default/files/2022-05/CNCDH%20Rapport%202022%20Droits%20LGBTI%2C%20pdf%20web.pdf">« une adhésion globalement faible aux stéréotypes sur les LGBT »</a>.</p>
<p>Pourtant, les chiffres des violences LGBTphobes ne diminuent pas, comme en attestent les rapports de <a href="https://www.sos-homophobie.org/informer/rapport-annuel-lgbtiphobies/ra-2022">SOS Homophobie</a>. On observe alors que le changement des imaginaires ne donne pas toujours lieu, immédiatement du moins, à un changement dans les pratiques.</p>
<p>Et si les imaginaires de la diversité des genres accompagnent les personnes concernées vers plus d’affirmation, elles touchent encore trop diversement les personnes non concernées.</p>
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<p>_L'auteur a récemment publié <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/289697-jeunesse-de-nouvelles-identites-de-genre">« Jeunesse : de nouvelles identités de genre? » (Documentation française)_</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Alessandrin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Gender fluid », « non binaires », « queer »… La palette des autodéterminations de genre augmente progressivement parmi les jeunes générations. Décryptage.Arnaud Alessandrin, Sociologue, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184462023-11-27T17:14:20Z2023-11-27T17:14:20ZOffrir un téléphone portable à son enfant : à quel âge et dans quelles conditions ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561286/original/file-20231122-15-lsw1by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=411%2C9%2C5819%2C4138&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avant d'offrir un téléphone à un enfant, l'essentiel est de savoir à quoi l'appareil va servir.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/content-african-american-teenage-girl-lying-2081784520">Pressmaster/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Je consacre mes recherches aux jeunes et à leurs usages d’Internet, pour étudier ce qu’ils font en ligne, ce qu’ils en pensent et la manière dont leurs opinions diffèrent de celles de leurs parents.</p>
<p>Je reçois souvent des questions de parents qui s’interrogent sur les pratiques numériques de leurs enfants. L’une des plus fréquentes est de savoir quand leur acheter un téléphone portable et comment assurer leur sécurité lorsqu’ils en ont un. Voici quelques points de repère sur ces enjeux clés.</p>
<h2>S’interroger sur l’utilité du smartphone pour l’enfant</h2>
<p>Quel âge un enfant doit-il avoir pour recevoir son premier téléphone ? Je crains fort de décevoir les parents qui me posent cette question en ne leur indiquant pas d’âge précis. Mais, de fait, l’essentiel est de savoir à quoi le téléphone va servir – et c’est en fonction de cela qu’on se demandera quand cela pourra convenir à tel enfant ou tel autre.</p>
<p>Selon le <a href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0027/255852/childrens-media-use-and-attitudes-report-2023.pdf">rapport 2023</a> de l’autorité britannique de régulation des communications, l’Ofcom, 20 % des enfants de trois ans vivant outre-Manche possèdent aujourd’hui un téléphone portable. Mais peut-être celui-ci ne sert-il qu’à prendre des photos, à jouer à des jeux simples et à passer des appels vidéo supervisés par la famille.</p>
<p>La question la plus importante est de savoir à partir de quel moment les enfants peuvent avoir un téléphone personnel connecté à Internet, qu’ils peuvent utiliser sans surveillance pour interagir en ligne avec d’autres personnes.</p>
<p>Lorsqu’un enfant est à l’école primaire, il est fort probable qu’il soit la plupart du temps sous la supervision d’un adulte. Il est soit à l’école, soit à la maison, soit avec des amis et des adultes de confiance, soit avec d’autres membres de sa famille.</p>
<p>Le besoin de prendre contact avec un adulte qui serait à distance n’est peut-être pas si important – mais c’est à vous de réfléchir aux besoins spécifiques de votre enfant.</p>
<p>En général, le passage du primaire au collège est le moment où les enfants commencent à s’éloigner plus de leur domicile, ou à s’impliquer dans des activités scolaires ou extrascolaires avec des amis et où il devient plus important donc d’avoir un moyen de contacter son domicile. Nombre de jeunes que j’ai interrogés citent cette entrée en sixième comme date de leur premier mobile.</p>
<h2>Sensibiliser l’enfant aux risques numériques</h2>
<p>Comment s’assurer ensuite que le téléphone est utilisé en toute sécurité ? Tout d’abord, si votre enfant a accès à Internet, quels que soient son âge et l’appareil qu’il utilise, il est essentiel d’avoir avec lui une conversation sur ces enjeux de sécurité.</p>
<p>Les parents ont un rôle à jouer dans la sensibilisation aux risques numériques, même s’il faut éviter de dramatiser et garder en tête qu’une grande partie de ces expériences <a href="https://theconversation.com/why-children-dont-talk-to-adults-about-the-problems-they-encounter-online-202304">ne sont pas dangereuses</a>.</p>
<p>J’ai mené des <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-88634-9">recherches de fond</a> sur les dangers liés à Internet. Dans ce cadre, j’ai développé avec mes collègues un certain nombre de <a href="https://www.headstartkernow.org.uk/digital-resilience/parent-digital-offer/">ressources pour les parents</a>, élaborées avec l’aide de plus de 1 000 jeunes.</p>
<p>Ce que ces jeunes disent le plus, c’est qu’ils veulent savoir à qui s’adresser lorsqu’ils ont besoin d’aide. Ils veulent être sûrs qu’ils recevront un soutien, et non d’être réprimandés ou de se voir confisquer leur téléphone. La première étape consiste donc à rassurer votre enfant en lui disant qu’il peut venir vous voir s’il a des problèmes et que vous l’aiderez sans le juger.</p>
<p>Il est également important de discuter avec lui de ce qu’il peut faire ou ne pas faire avec son appareil. Il peut s’agir, par exemple, de fixer des règles de base concernant les applications qu’il peut installer sur son téléphone et le moment où il doit l’éteindre en fin de journée.</p>
<p>Vous devriez également explorer les paramètres de confidentialité des applications que votre enfant utilise, afin de vous assurer qu’il ne peut pas être contacté par des inconnus ou accéder à des contenus inappropriés.</p>
<h2>Ajuster l’accompagnement parental à l’âge de l’enfant</h2>
<p>Les parents me demandent parfois s’ils devraient pouvoir surveiller le téléphone de leur enfant, soit en contrôlant directement l’appareil, soit en utilisant une « safetytech », un logiciel installé sur un autre smartphone et qui permet d’accéder aux communications de l’enfant.</p>
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<img alt="Un père et son fils regardent un téléphone portable." src="https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561044/original/file-20231122-23-pkqa2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il est important d’avoir des conversations ouvertes sur les usages des téléphones portables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/father-son-using-smart-phone-outdoor-2084154532">Khorzhevska/Shutterstock</a></span>
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<p>Je pense qu’il est important d’en discuter aussi avec votre enfant. Si vous voulez qu’il s’adresse à vous en cas de problèmes en ligne, il faut qu’un rapport de confiance soit établi, donc si vous envisagez de surveiller son téléphone, parlez-lui-en ouvertement plutôt que de le faire en cachette.</p>
<p>Il semble raisonnable d’exercer une supervision parentale sur le téléphone d’un enfant quand il est en primaire, de la même manière que vous ne le laisseriez pas se rendre chez un camarade sans au préalable vous être assuré de l’invitation auprès de l’autre parent.</p>
<p>Cependant, lorsque votre enfant grandit, il peut ne pas vouloir que ses parents voient tous ses messages et toutes ses interactions en ligne. La <a href="https://www.unicef.org.uk/what-we-do/un-convention-child-rights/">Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant</a> stipule clairement qu’un enfant a droit au respect de sa vie privée.</p>
<h2>Géolocaliser son enfant : dans quel but ?</h2>
<p>J’ai discuté avec des familles qui géolocalisent les appareils des uns et des autres de manière ouverte et transparente, et c’est une décision qui leur appartient. Mais j’ai aussi parlé à des enfants qui trouvent très effrayant qu’un de leurs amis soit suivi par ses parents.</p>
<p>La question qui se pose ici est de savoir si les parents s’assurent que leur enfant est en sécurité ou s’ils veulent savoir à son insu ce qu’il fait en ligne. J’ai eu une conversation particulièrement mémorable avec une personne dont l’ami était extrêmement contrarié que sa fille ait changé d’appareil et donc de ne plus pouvoir la suivre. Lorsque j’ai demandé l’âge de la fille, on m’a répondu qu’elle avait 22 ans.</p>
<p>Il convient également de se demander si ce type de technologies n’est pas en réalité faussement rassurant. Elles permettent aux parents de savoir où se trouve leur enfant, mais pas nécessairement de savoir s’il est en sécurité.</p>
<p>Comme dans le cas de la surveillance du téléphone, il convient de se demander si ce mode du contrôle crée les conditions idéales pour que l’enfant vous consulte en cas de problème, ou si des conversations ouvertes et un environnement de confiance mutuelle y seraient plus propices.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andy Phippen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>A partir de quel âge un enfant peut-il avoir un téléphone portable ? Au-delà de cette question qui préoccupe les familles, un certain nombre de discussions sur les usages numériques s’imposent.Andy Phippen, Professor of IT Ethics and Digital Rights, Bournemouth UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179352023-11-26T15:41:03Z2023-11-26T15:41:03Z18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561311/original/file-20231123-23-10xms0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte difficile, les jeunes sont plus positifs qu’on ne le pense face aux défis de demain, plus matures aussi et se définissent principalement par les causes qu’ils défendent en privilégiant des modes d’action dans la sphère privée plutôt que dans un espace public qui ne les inspire pas.</p>
<p>Tels sont les principaux enseignements de l’enquête exclusive réalisée en octobre auprès des 18-25 ans pour The Conversation France par le cabinet d’études George(s).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
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<p>Alors que de nombreux sondages montrent les inquiétudes des parents pour leur progéniture, les jeunes interrogés sont majoritairement optimistes en pensant à l’avenir (71 %) et environ un quart d’entre eux se disent « très optimistes » mais ils envisagent leurs leviers d’action dans un cadre familial ou amical plutôt que collectif.</p>
<p><iframe id="bjzi3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bjzi3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ils se déclarent aussi adultes à 86 % et font de l’autonomie financière une condition primordiale de leur vie future.</p>
<h2>Un engagement qui se matérialise dans la sphère privée</h2>
<p>L’un des faits frappants de l’étude est que la confiance exprimée est ancrée dans l’environnement proche, alors que la famille (à 45 %) et les amis (41 %) sont les éléments qui les rendent « très heureux ».</p>
<p>Les jeunes interrogés déclarent se définir en premier lieu à travers les causes qu’ils soutiennent, principalement d’ordre environnemental et sociétal : gaspillage alimentaire, défense de l’environnement, lutte contre les violences faites aux femmes, combat contre le racisme et les discriminations…</p>
<p>Mais cet engagement, qui est donc au cœur de leur identité, est à la fois un engagement personnel et citoyen.</p>
<p>La mobilisation ou l’appartenance à un parti politique ou à un syndicat ne représentent ainsi pas à leurs yeux des preuves fortes d’engagement. Pas plus que la participation à une manifestation ou la signature d’une pétition, traduisant un réel fossé entre leurs préoccupations et la possibilité de les exprimer dans le monde qui les entoure.</p>
<p>Plusieurs formes de « dons » sont en fait mises en avant par rapport au fait de s’engager : aider une personne dépendante ou malade (83 %), donner de son temps en général (80 %), faire des dons d’argent (75 %) sont largement cités.</p>
<p><iframe id="oEwS0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oEwS0/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’engagement est à la fois proximal et intime. Il témoigne d’une véritable résilience et prend tout son sens à travers les actions et les gestes du quotidien. Interrogés sur « les personnes dont l’exemple vous donne envie de vous engager, de vous mobiliser », ils citent tout d’abord leurs parents, puis des « gens de leur génération qu’ils ont rencontrés » et en troisième « des membres de leur famille ».</p>
<p>Reste une singularité, même si seulement 16 % d’entre eux estiment que leurs « opinions politiques » contribuent à dire qui ils sont et que l’on connaît les faibles taux de participations des jeunes aux élections, 79 % considèrent toujours le vote comme une preuve d’engagement.</p>
<p>Un élément apparemment contradictoire mais qui semble traduire le décalage entre la représentation politique actuelle et celle que l’on aimerait et qui déclencherait l’envie de participer aux scrutins.</p>
<h2>Une maturité assumée face au contexte économique</h2>
<p>Être autonome financièrement (à 58 %), avoir une situation professionnelle stable (à 46 %), bénéficier d’un logement à soi (à 40 %)… ces trois éléments sont les premiers qui sont pris en considération par les 18-25 ans comme étant constitutifs d’un passage à l’âge adulte.</p>
<p>Une vision qui traduit la réalité d’une génération qui doit aussi faire à une certaine précarité. Il faut noter d’ailleurs que 41 % des 18-25 ans estiment que leur santé mentale et physique est très importante pour comprendre qui ils sont et en font donc une pierre angulaire de leur équilibre.</p>
<p>La question de l’orientation scolaire ou professionnelle montre des divergences. Une majorité des jeunes interrogés (56 %) estiment ainsi avoir le sentiment d’avoir vraiment pu choisir cette orientation mais chez les actifs, c’est le fait d’avoir un métier qui ne correspond pas à leur diplôme qui domine (à 53 %).</p>
<p>Face au travail, les jeunes sont à la fois très raisonnés et très exigeants, projetant une véritable maturité. Parmi les choses considérées comme « très importantes » figurent l’ambiance de travail (51 %), mais aussi la rémunération et les avantages matériels (50 %), le niveau de responsabilité (31 %) et le temps libre (44 %). La possibilité d’évoluer (43 %) est jugée plus importante que les valeurs et engagements de l’entreprise (34 %).</p>
<p><iframe id="rcIHf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rcIHf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autant de constats qui semblent privilégier une approche très pragmatique face au travail, loin des déclarations que l’on peut voir de ci et là sur certaines quêtes de sens priorisées sans grande considération matérielle.</p>
<h2>Une ambiguïté face aux médias</h2>
<p>Parce qu’ils trouvent leurs repères dans cet environnement de proximité, les jeunes interrogés apparaissent très ambigus face au monde renvoyé par les médias.</p>
<p>Quand ils décident de s’informer, la priorité n’est pas donnée à la politique ou à l’économie. Ils préfèrent se tourner vers de l’actualité culturelle (note d’intérêt déclaré de 7,05/10), liée à l’environnement, la santé ou la science (6,63) ou au sport (6,21). Sans surprise par rapport à notre constat sur l’engagement, l’intérêt déclaré est beaucoup plus faible pour la politique nationale (5,54) ou internationale (5,38).</p>
<p>Face à l’actualité, ils se disent à la fois inquiets (41 %) et curieux (36 %), fatigués (33 %) et optimistes (24 %). Mais l’angoisse (25 %) et la méfiance (29 %) n’aboutissent pas forcément à de l’indignation (14 %) ou de la mobilisation (10 %).</p>
<p><iframe id="9mYCQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9mYCQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un point à souligner : les jeunes femmes se déclarent en moyenne plus inquiètes que les hommes (48 % vs 33 %), plus fatiguées (39,5 % vs 26 %), angoissées (31,8 % vs 18 %) ou dépassées (29,6 % vs 19,5 %).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Rousselot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enquête exclusive de The Conversation France sur les 18-25 ans montre une jeunesse positive et qui s’engage dans la sphère privée pour relever les défis du futur.Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181652023-11-26T15:41:00Z2023-11-26T15:41:00ZComment les jeunes s’engagent<p>Contrairement à ce qui est souvent mis en avant dans les discours dominants, les jeunes n’ont pas démissionné de tout investissement dans la chose publique. Des enquêtes récentes ont montré qu’ils sont même plus engagés que les moins jeunes, relativisant certaines idées reçues, les décrivant comme massivement repliés sur un individualisme frileux et enfermés dans une apathie civique. En tout cas dans la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Alors que 72 % des 18-24 se considèrent engagés (9 points de plus que la moyenne), dont 17 % « très engagés », <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-sur-le-fil-de-lengagement/">55 % seulement des personnes âgées de 65 ans et plus se disent engagées</a>, soit 8 points de moins que la moyenne (63 %), selon les données d’une enquête de 2021.</p>
<p>Dans l’enquête <em>Jeunes en France</em>, commanditée par The Conversation et réalisée dans la première quinzaine d’octobre 2023 par l’institut George(s), ce sont six jeunes sur dix parmi les 18-24 ans qui se disent <em>engagés</em>, et parmi eux, 12 % <em>très engagés</em>. Seul un tiers des jeunes (35 %) se départit de toute idée d’engagement.</p>
<p>Si l’engagement de la jeunesse en France est palpable, reste à comprendre ce que recouvre cette disposition à l’engagement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
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<h2>Leurs déclinaisons de l’engagement</h2>
<p>Alors même que la participation au vote s’affaiblit dans les nouvelles générations, plus perplexes face au choix électoral qui leur est offert, l’attachement au principe de l’élection continue de s’imposer dans leur conception d’une citoyenneté engagée. Ainsi observe-t-on un écart entre la norme du vote, qui reste forte, et la pratique, qui s’amenuise.</p>
<p>Certes, c’est dans cet écart que peut s’engouffrer une certaine fragilisation de la démocratie, en tout cas dans sa dimension d’organisation de la représentation politique. Mais la reconnaissance de la matrice du modèle d’engagement démocratique que représente le vote résiste. Dans l’enquête « Jeune(s) en France », lorsqu’ils sont invités à sélectionner et à hiérarchiser les preuves d’engagement qui sont pour eux les plus significatives (réponse <em>tout à fait</em>), c’est <em>le vote</em> qui apparaît en premier dans les réponses des jeunes, à égalité avec le fait <em>d’être aidant et de s’occuper d’une personne dépendante ou malade</em> (39 % respectivement de leurs réponses). S’impose ensuite le fait de <em>donner de son temps aux autres en général</em> (34 %).</p>
<p><iframe id="Mu9yh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Mu9yh/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’importance accordée à ces preuves d’engagement est emblématique de la façon dont les jeunes générations articulent aujourd’hui l’engagement pour le collectif et l’engagement au niveau individuel. Ils considèrent l’engagement sur les deux scènes, citoyenne et personnelle, politique et intime. Ainsi <em>être membre d’un mouvement ou d’une association</em> est une activité considérée comme <em>tout à fait</em> une preuve d’engagement par 31 % des jeunes, mais aussi le fait <em>d’emménager avec quelqu’un</em> (32 %). Et c’est du reste dans ces deux registres aussi que s’expriment et prennent forme leurs engagements concrets, nous le verrons.</p>
<p>L’individuation des engagements a nettement progressé, ce qui ne veut pas dire que toute dynamique collective a disparu. Il n’y a plus un seul collectif référentiel, ni non plus plusieurs grands collectifs faisant système, mais de multiples collectifs, plus fragmentés, plus dispersés, qui définissent autant d’ancrages identitaires et autant de vecteurs d’engagements circonstanciés et contextualisés. Les allégeances politiques et syndicales traditionnelles sont minimisées : <em>être membre d’un parti politique</em> n’est considéré comme tout à fait une preuve d’engagement que par 22 % des jeunes et <em>être membre d’un syndicat</em> que par 20 %.</p>
<p>L’on remarquera enfin, que la protestation politique – <em>participer à une manifestation</em>, <em>participer à une grève</em>, ou encore <em>participer à un blocage d’une université ou d’une entreprise</em> (respectivement 23 %, 22 % et 17 %), ne sont pas particulièrement une preuve d’engagement à leurs yeux. En revanche, le fait de choisir en priorité des produits respectueux de l’environnement, les dons d’argent ou encore le boycott d’entreprises apparaissent plus haut dans la hiérarchie (respectivement 31 %, 29 % et 27 %).</p>
<p>Ce passage en revue des registres d’engagement rend compte de la réalité de la place de la politique dans leurs conceptions de l’engagement, mais cette place coexiste avec d’autres dimensions relevant du domaine de la vie personnelle et privée (<em>avoir un enfant</em>, <em>signer un CDI</em>, respectivement 26 % et 31 % des réponses).</p>
<h2>Leurs pratiques d’engagement</h2>
<p>S’il existe en matière d’engagement un écart entre la norme et la pratique, il existe aussi un décalage entre l’intention et le passage à l’acte. Les jeunes mettent en œuvre des engagements concrets qui ne correspondent pas nécessairement à la hiérarchie avec laquelle ils déclinent les dimensions de l’engagement à leurs yeux les plus significatives. Néanmoins, à ce jeu, on observe davantage de correspondances que de dissonances.</p>
<p>En termes de passage à l’acte, et parmi les engagements mentionnés, c’est le fait de <em>s’informer</em> qui est la pratique la plus citée : plus des deux tiers des jeunes (68 %) reconnaissent <em>s’informer</em> régulièrement (<em>je l’ai déjà fait plusieurs fois</em>). Vient ensuite la capacité de <em>donner de son temps aux autres en général</em> mentionnée par plus de la moitié d’entre eux (52 %) qui reconnaissent l’avoir fait plusieurs fois. En troisième position, on retrouve <em>le vote</em> : 48 % ont déjà voté à plusieurs reprises. On constate la coexistence de la scène personnelle et collective, l’attention portée à l’engagement citoyen et à l’altruisme moral qui les rend disponibles aux autres.</p>
<p><iframe id="zZ9XZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zZ9XZ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’espace de la vie privée et des interactions personnelles offre aux jeunes un débouché à des pratiques d’engagement que l’on pourrait qualifier de proximité. Leur confrontation à la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/autre-a-distance_9782738157621.php">gestion de la pandémie de Covid-19</a> ces deux dernières années a été l’occasion d’éprouver à la fois leurs capacités de résilience personnelle et collective, faisant preuve d’initiatives en plus grand nombre que les plus âgés pour apporter de l’aide à leur entourage.</p>
<p>Des solidarités étudiantes notamment ont pu s’exprimer. Des groupes de discussion sur les réseaux sociaux ont été créés par les jeunes (29 % des 18-24 ans et 26 % des 25-34 ans contre 14 % de l’ensemble des Français). Cela représente un nombre assez considérable de personnes impliquées et s’efforçant à leur manière de contribuer à <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/en-immersion-jerome-fourquet/9782021467376">réduire les conséquences négatives de la pandémie</a> dans la vie quotidienne des Français. De façon nettement plus marginale mais significative de ces engagements de proximité, 8 % des Français ont fait à cette occasion du soutien scolaire en direction des jeunes en difficulté, et les jeunes ont été plus nombreux à s’engager dans ce type d’activité (18 % des 18-24 ans et 14 % des 25-34 ans), et 7 % ont organisé des <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-sur-le-fil-de-lengagement/">groupes de soutien et d’échange pour des personnes seules</a> ou en difficultés psychologiques.</p>
<p>La mise en œuvre concrète de l’engagement fait aussi apparaître un certain nombre d’actions protestataires qui, si elles ne sont pas apparues comme les plus emblématiques de l’engagement pour eux au plan normatif, occupent néanmoins une place significative dans leur expérience politique : 31 % disent avoir signé à plusieurs reprises une pétition, 23 % ont boycotté plusieurs fois des produits ou des entreprises, 18 % ont participé à une manifestation plusieurs fois aussi, et 14 % à une grève, 11 % à un blocage d’entreprise ou d’université.</p>
<p>Cette relative familiarité avec la culture politique protestataire est une caractéristique de la <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/politiquement-jeune/">politisation des jeunes générations</a> dans la plupart des démocraties européennes, dont la France. Mais l’enquête fait apparaître aussi un nombre non négligeable de jeunes mentionnant <em>être ou avoir été membre d’un parti politique</em> (19 %) ou <em>d’un syndicat</em> (16 %). Ces proportions sont importantes, même si l’on retiendra que de toutes les formes d’engagement, ce sont celles qui font le plus l’objet d’un repoussoir : respectivement 59 % et 60 % des jeunes n’envisagent en aucun cas de le faire. En revanche, le secteur associatif apparaît nettement plus attractif : 44 % des jeunes ont pu adhérer à ce type d’organisation, 27 % <em>ne l’ont jamais fait mais pourrait le faire</em>, seuls 30 % <em>n’envisagent pas de le faire</em>. Dans ce registre bénévole et militant, la disponibilité des jeunes est réelle.</p>
<p>La participation numérique est consistante : 39 % des jeunes reconnaissent partager à plusieurs reprises des contenus sur les réseaux sociaux qui sont des vecteurs d’information, de communication et potentiellement de mobilisation. Les jeunes utilisent les ressources du numérique : ils sont 40 % à partager leurs opinions sur les réseaux sociaux (contre 27 % des Français en moyenne), et 43 % à relayer des <em>posts</em> d’influenceurs sur les causes qui leur tiennent à cœur (<a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/politiquement-jeune/">contre 25 % en moyenne</a>).</p>
<p>Enfin, la question environnementale est un vecteur de plus en plus actif pour mobiliser les jeunes : 40 % déclarent avoir à plusieurs reprises choisi en priorité des produits respectueux de l’environnement et de la société.</p>
<h2>Un engagement pour des causes</h2>
<p>Certains enjeux forts tels que l’écologie et les inégalités occupent une place prépondérante dans le répertoire de leurs préoccupations et peuvent susciter un passage à l’acte d’engagement. Le répertoire d’actions s’est élargi, notamment en raison d’une diversification des causes à défendre.</p>
<p>Parmi les causes qui mobilisent le plus les jeunes interrogés dans le cadre de l’enquête « Jeune(s) en France », le <em>gaspillage alimentaire</em> arrive en premier, suivi par la <em>défense de l’environnement</em>. Plus de quatre jeunes sur dix reconnaissent s’être déjà engagés pour l’une d’entre elles (respectivement 45 % et 43 %), et une proportion quasi équivalente déclare qu’ils pourraient envisager de s’engager pour les défendre (respectivement 39 % et 41 %). L’attention portée aux questions des discriminations et des violences s’impose également. La <em>lutte contre les violences faites aux femmes</em> mobilise plus de quatre jeunes sur dix, et les jeunes femmes en plus grand nombre (46 % contre 30 % des jeunes hommes), ou encore le <em>combat contre le racisme et les discriminations</em> (42 % déjà engagés, et 39 % qui pourraient s’engager). Le <em>bien-être animal</em> est aussi un point d’attention : 42 % des jeunes se sont déjà engagés pour cette cause.</p>
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<p>On notera pour finir que si le patriotisme n’est pas une valeur d’engagement qui domine, il témoigne néanmoins d’un certain regain visible dans plusieurs enquêtes récentes, une évolution que l’enquête « Jeune(s) en France » enregistre aussi. Un jeune sur cinq (20 %) reconnaît que c’est une cause pour laquelle il s’est déjà engagé et 40 % déclarent envisager de le faire. Dans les répertoires d’engagement, les traces de l’antimilitarisme se sont au fil du temps effacées. Aujourd’hui, ce sont près des deux tiers des jeunes Français (65 %) qui affirment que si besoin est ils seraient prêts à <a href="https://www.bva-xsight.com/sondages/les-francais-et-l-engagement/">s’engager pour défendre leur pays</a> en cas de conflit, et un sur deux (51 %) se dit prêt à risquer sa vie pour cela.</p>
<p>On voit ainsi cohabiter dans la jeunesse française une diversité d’engagements effectifs ou potentiels, allant du plus proche au plus lointain, de l’humanitaire au militaire, en passant par les engagements relevant de l’altruisme moral et de la solidarité au fondement de nos démocraties et du vivre ensemble.</p>
<h2>L’importance de la socialisation familiale</h2>
<p>Les résultats de l’enquête « Jeune(s) en France » confirment l’importance du modèle parental dans la formation des engagements présents et à venir de leur progéniture et la place de la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/toi-moi-et-la-politique-anne-muxel/9782020962490">« politisation intime »</a> qui opère dans le cadre du microcosme familial, notamment au travers des discussions. <a href="https://sciencespo.hal.science/view/index/identifiant/hal-03459728">Si l’on ne parle pas que de politique dans la famille</a>, loin de là, c’est néanmoins dans le cadre familial que l’on en parle le plus.</p>
<p>Les processus de <a href="https://hal.science/hal-03609521/">socialisation politique</a> au sein du groupe primaire que constitue la famille jouent toujours un rôle déterminant dans la fabrique des citoyens. Plus de la moitié (56 %) des jeunes interrogés dans l’enquête citent en tout premier leurs parents pour évoquer les personnes dont l’exemple a pu leur donner envie de s’engager et 52 % d’autres membres de leur famille.</p>
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<p>Cela n’exclut pas le rôle et l’importance des agents de la socialisation secondaire, à savoir les pairs ou encore d’autres interlocuteurs notamment dans le cadre scolaire. Ainsi les jeunes sont-ils nombreux à évoquer les gens de leur génération (52 %) ou des gens plus âgés (49 %) qu’ils ont rencontrés, mais aussi des professeurs (40 %). Les deux instances de la socialisation que sont la famille et l’école, décisives dans l’expérience juvénile et l’apprentissage de la citoyenneté, ont donc du point de vue des jeunes toujours une réalité et une efficacité.</p>
<p>Les influenceurs agissant sur les réseaux sociaux ou les journalistes n’arrivent que loin derrière (respectivement 29 % et 27 %). Mais de loin, ce sont les personnalités politiques, les autorités religieuses, soit des tutelles institutionnelles et idéologiques, qui arrivent en dernier (respectivement 25 % et 19 %).</p>
<p>On retiendra des résultats de l’enquête « Jeune(s) en France », la vitalité des forces d’engagement dans les jeunes générations, mais d’un engagement qui s’est affranchi des vecteurs institutionnels et traditionnels. Celui-ci s’est privatisé et se vit sans doute de façon plus intermittente, voire changeante que par le passé, étant plus dépendant des enjeux de l’actualité et d’une sensibilité à des causes jugées essentielles, dans un répertoire allant du plus universel au plus particulier.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de l’enquête exclusive « Jeune(s) en France » réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet d’études George(s).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Muxel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'engagement des jeunes représente une nouvelle dynamique entre individuel et collectif. L'attachement au vote reste fort, même si la jeunesse est sceptique face au choix électoral du moment.Anne Muxel, Directrice de recherches (CNRS) au Cevipof, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037802023-11-22T17:21:02Z2023-11-22T17:21:02ZPermis de conduire : les stéréotypes de genre influencent-ils les taux de réussite ?<p>Depuis le 1er janvier 2024, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/01/02/permis-de-conduire-a-17-ans-combien-de-jeunes-sont-concernes-qu-est-ce-que-ca-va-changer_6178978_4355771.html">l'âge légal pour passer le permis de conduire</a> est de 17 ans. Mais pour l'obtention de ce précieux sésame, filles et garçons ne sont pas en position d’égalité. En France, l’écart entre les taux de succès des unes et des autres est proche de 10 points au niveau des épreuves pratiques, alors que les taux de réussite sont les mêmes à l’épreuve théorique – soit le passage du Code de la route. L’écart est le même que l’on considère la population dans son ensemble ou qu’on se focalise sur les jeunes.</p>
<p>Les travaux de recherche sur l’accès au permis de conduire sont principalement centrés sur les causes du déclin de la détention de permis. La question du genre y est peu présente.</p>
<p>Quand elle est évoquée, c’est essentiellement pour voir comment, dans le temps long, le taux d’accès des femmes au permis de conduire a augmenté jusqu’à converger vers celui des hommes. On approche d’une situation de parité au milieu des années 1990. La fin du rattrapage des hommes par les femmes en matière d’accès au permis de conduire est d’ailleurs présentée comme l’un des déterminants du plafonnement de l’usage automobile, ou hypothèse du <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/peak-car-la-baisse-de-la-mobilite-automobile-est-elle-durable/"><em>peak car</em></a>.</p>
<h2>Le permis de conduire, un atout pour l’emploi</h2>
<p>Les études sur le différentiel d’accès au permis de conduire entre les femmes et les hommes sont donc rares et les constats divergent selon les pays. Les femmes sont désavantagées dans la réussite au permis au Royaume-Uni ou en Finlande, mais pas en Suède ni aux Pays-Bas. En France, le taux de réussite à l’examen pratique du permis de conduire automobile est de <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/etudes-et-medias/info-intox/les-filles-reussissent-moins-lexamen-pratique-b-que-les-garcons-info-ou">53,4 % pour les femmes contre 62,7 % pour les hommes en 2018</a>, soit un écart de 9,3 points. Cet écart se réduit légèrement d’une année à l’autre, puisqu’il était de 11,6 points en 2009.</p>
<p>Alors que les femmes réussissent aussi bien que les hommes l’épreuve théorique du permis de conduire, pourquoi ont-elles en France un taux de réussite de 10 points inférieur à celui des hommes à l’épreuve pratique du permis B ? Pourquoi réussissent-elles mieux l’épreuve théorique (70 %) que l’épreuve pratique (56 %) ? Pourquoi les hommes réussissent-ils mieux l’épreuve pratique alors qu’ils composent ensuite 86 % des conducteurs de moins de 24 ans tués sur la route ?</p>
<p>L’enjeu est d’importance. Le permis de conduire est l’examen le plus passé en France, avec près de 1,3 million de candidats chaque année. Sa réussite conditionne largement l’insertion professionnelle et sociale des personnes, en particulier <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0094119016300547">celle des jeunes les moins diplômés</a>. Une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01441647.2020.1747569">méta-évaluation récente</a> s’appuyant sur 93 études a mesuré quantitativement l’impact de l’accès à un véhicule sur les situations d’emploi. Il s’avère que la possession d’un véhicule augmente la probabilité d’être en emploi, en particulier pour les bénéficiaires de minima sociaux.</p>
<p>Les différences d’accès au permis de conduire entre les hommes et les femmes ont donc des conséquences potentielles sur l’insertion professionnelle et les trajectoires de vie des individus. Le respect du principe d’égalité recouvre aussi un enjeu fort pour les pouvoirs publics qui jouent un rôle de régulateur pour les centres de formation à la conduite et pour les centres d’examen.</p>
<h2>Les attentes des formateurs influencées par les stéréotypes de genre</h2>
<p>Nous nous intéressons au rôle joué par les stéréotypes de genre dans l’accès au permis de conduire. Les stéréotypes associés à la conduite ont été étudiés par les psychologues chez les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1369847811000337">adolescents</a> et les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1369847815001230">adultes</a>. Ils reposent sur une vision essentialiste où les compétences de conduite et les prises de risque au volant seraient directement liées au sexe biologique. Par ailleurs, des études par testing ont montré que les stéréotypes sexués sur le permis de conduire étaient utilisés par les employeurs pour qui le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2011-4-page-33.htm">permis moto</a>, par exemple, envoie un signal de genre tout autant que de mobilité.</p>
<p>L’influence des stéréotypes de sexe – de manière générale et de manière spécifique à la conduite – a été suggérée comme <a href="https://hal.science/hal-01670593/">potentiel facteur explicatif</a> des différences dans la réussite de l’examen pratique du permis B. Ces stéréotypes peuvent être définis comme des croyances sociales sur ce que signifie dans une société donnée le fait d’être un homme ou une femme et ce qui est valorisé pour chaque sexe en termes d’apparence physique, d’attitudes, d’intérêts, de traits psychologiques, de relations sociales et d’occupations.</p>
<p>Les stéréotypes sur la conduite des femmes reposent sur une croyance sociale en l’incapacité des femmes à gérer les situations stressantes, demandant des prises de décisions rapides, comme le sont les situations routières. Au contraire, le fait d’être un homme amènerait une compétence naturelle pour la conduite, associée à des comportements à risque et infractionnistes. En ce sens, l’homme est considéré comme le prototype du conducteur, par rapport auquel la femme conductrice est définie de façon antonyme.</p>
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<figcaption><span class="caption">Thionville : une bourse pour financer le permis de conduire à des jeunes contre 70 heures de travail (France-3 Grand Est, 2022).</span></figcaption>
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<p>Ces stéréotypes peuvent également influencer les performances des individus. La littérature scientifique sur les effets de menace du stéréotype pose l’hypothèse que, lors d’une tâche évaluative, la mise en <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-12938-001">saillance du stéréotype négatif</a> visant un groupe va avoir un effet direct sur les performances des membres du groupe. Ce phénomène a, par exemple, été largement étudié sur les performances des filles en <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychologie-sociale-2014-3-page-13.htm">mathématiques</a> et a été récemment montré auprès des femmes dans le cadre de la conduite automobile. Des études montrent que l’activation du stéréotype négatif de la femme au volant auprès de femmes conductrices a un effet perturbateur sur leurs performances au volant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-pour-les-garcons-le-francais-pour-les-filles-comment-les-stereotypes-de-genre-se-perpetuent-a-lecole-202392">Les maths pour les garçons, le français pour les filles ? Comment les stéréotypes de genre se perpétuent à l’école</a>
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<p>Les stéréotypes de genre créent aussi chez les éducateurs des attentes et des pratiques différenciées en fonction du sexe de l’apprenti. Ce phénomène, connu sous le nom de socialisation de genre, a été déjà bien étudié dans les pratiques éducatives parentales et a également été montré chez les enseignants. Pour autant, il n’existe à notre connaissance aucune étude sur l’effet du sexe de l’apprenti sur les attentes et les comportements des formateurs et des examinateurs dans le domaine de la conduite automobile.</p>
<h2>Un testing sur les auto-écoles</h2>
<p>Pour explorer cette hypothèse, nous avons réalisé une expérimentation par <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00036846.2023.2203459">test de correspondance</a>. L’objectif du test est de déceler d’éventuelles différences de traitement entre des candidats et des candidates à la préparation du permis de conduire de la part des auto-écoles. Il s’agit de vérifier si des stéréotypes de genre en matière de compétences de conduite, pouvant s’élargir aux difficultés d’apprentissage et de réussite au permis de conduire, sont intégrés par les acteurs de la formation et de l’accompagnement au permis B.</p>
<p>Nous avons fait le choix d’un protocole très simple où une paire de candidats, semblables en tous points sauf par leur étiquette de sexe, effectuent des demandes d’informations aux mêmes auto-écoles. En premier lieu, nous avons créé deux identités fictives de candidats au passage du permis de conduire, une fille et un garçon, âgés de 21 ans, en utilisant des prénoms et des noms très répandus en France (Thomas Bernard et Léa Martin).</p>
<p>Nous avons rédigé deux messages de demandes d’information destinés à des auto-écoles sur le coût du permis de conduire et le nombre d’heures nécessaires, chaque message étant envoyé soit par Thomas, soit par Léa, de façon à ce que chaque auto-école reçoive deux messages différents mais équivalents.</p>
<p>Ensuite, nous avons constitué une base d’adresses d’auto-écoles représentative au niveau national, en sélectionnant au hasard 500 établissements parmi l’ensemble des établissements enregistrés au titre du code APE – NAF 8553Z, pour lequel environ 13 500 sociétés sont immatriculées en France.</p>
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<p>Sur cette base, on dispose d’un échantillon de 176 auto-écoles réparties sur le territoire français. Les résultats de l’étude montrent que le fait d’être une femme affecte positivement à la fois la probabilité d’obtenir une information sur le volume horaire mais également le nombre d’heures proposées. Une auto-école propose en moyenne un nombre d’heures de conduite plus élevé de près de 2 heures aux femmes qu’aux hommes.</p>
<p>En conclusion, il s’avère effectivement que le sexe de l’apprenti influence les appréciations des formateurs avant même le début de la phase d’apprentissage, les amenant à déterminer la durée et le contenu des apprentissages en fonction de croyances socialement partagées sur les compétences des hommes et des femmes au volant.</p>
<p>Dès lors que ces pratiques ont des conséquences dommageables sur l’accès à la conduite des femmes et partant, sur leur insertion sociale et professionnelle, le constat sollicite une intervention du régulateur. Dans ce domaine qui est celui des discriminations, il existe une large gamme d’actions publiques qui vont d’un rappel du cadre de la loi et du principe d’égalité des candidats à la mobilité routière, à des actions de formations et de sensibilisation des auto-écoles, qui sont des structures agréées par l’État.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Anne a reçu des financements de l'I-Site Futur pour réaliser une partie de la collecte des données d'un article cité en référence.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Axelle Granié, Sylvain Chareyron et Yannick L’Horty ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Une jeune femme qui s’inscrit dans une auto-école bénéficie-t-elle de la même formation qu’un jeune homme ? Regard sur ces différences d'accès au permis de conduire, accessible désormais à 17 ans.Denis Anne, Professeur associé, Université Gustave EiffelMarie-Axelle Granié, Directrice de Recherches en Psychologie Sociale du Développement, Université Gustave EiffelSylvain Chareyron, Maître de conférences en Sciences économiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Yannick L’Horty, Économiste, professeur des universités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136112023-11-13T19:33:58Z2023-11-13T19:33:58ZRéussite étudiante : en quoi les premières semaines à l’université sont-elles décisives ?<p>La réussite ou l’échec dans l’enseignement supérieur sont souvent mesurés de manière quantitative, en pourcentages par filières et types de baccalauréat obtenus, ou encore selon l’<a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/cereq_-_parcours_scolaires_et_insertion_professionnelle_-_etude_fs_-_sept2023.pdf">origine socioprofessionnelle des parents</a> sans prendre suffisamment en compte d’autres facteurs plus qualitatifs. Ainsi la réussite est mesurée selon le taux de réussite de la L1 à la L2 ou encore selon l’obtention en trois ou quatre ans de la licence.</p>
<p>Est-ce un échec d’avoir une licence en quatre ans, mais en ayant mieux approfondi ses connaissances ou en ayant précisé son projet professionnel ? Est-ce une réussite d’obtenir un master 2 en 5 ans à l’issue duquel on se rend compte que l’on s’est trompé d’orientation ? De même, si les étudiants qui ont déjà connu un redoublement ou un échec au baccalauréat antérieur ont une tendance à décrocher plus vite que les autres, peu d’études montrent ce qu’ils sont devenus quelques années plus tard.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-universites-americaines-accueillent-leurs-nouveaux-etudiants-189252">Comment les universités américaines accueillent leurs nouveaux étudiants</a>
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<p><a href="https://www.persee.fr/doc/forem_0759-6340_1987_num_18_1_1211">Pour Bernard Charlot</a>, même si des facteurs sociaux existent, ils n’expliquent pas tout. Pour essayer de comprendre à partir de quel moment l’expérience étudiante se transforme en réussite ou en échec, il est intéressant de se pencher sur l’histoire personnelle de l’étudiant, sur son expérience.</p>
<p>Dans cette logique dont nous avons tenté, dans une <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/les-100-premiers-jours-a-l-universite-9782806636522/">recherche ethnographique</a>, à partir de journaux d’étudiants inscrits dans une vingtaine d’universités plus ou moins grandes et d’entretiens formels et informels de mieux comprendre les enjeux des premières semaines à l’université : comment les étudiants vivent-ils cette entrée dans un nouveau monde éducatif ? Quelles stratégies de travail développent-ils ? Quels sont leurs projets professionnels et personnels ?</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/sdt/37761">Alain Coulon</a> avait déjà évoqué que la réussite universitaire était liée à la capacité d’insertion active des étudiants dans le milieu universitaire et l’hypothèse pourrait être formulée que tout se joue dans les 100 premiers jours de l’étudiant à l’université et que cette capacité à s’insérer dépend de facteurs qui ne sont pas seulement liés au rapport au savoir académique et à ses prérequis.</p>
<h2>Une population étudiante hétérogène</h2>
<p>L’université depuis les années soixante a connu l’explosion de ses effectifs. Selon <a href="https://journals.openedition.org/lectures/57412">Hugrée et Poullaouec</a>, de 2008 à 2021, le nombre d’étudiants a augmenté de 25 %, pendant que dans le même temps le budget chutait de 12 %. Les effectifs dans l’enseignement supérieur français ont été multipliés par 8 en 50 ans pour des raisons à la fois démographiques et académiques. En effet, selon les mêmes auteurs, plus de 80 % d’une génération obtient un baccalauréat contre 10 % au début des années 60. Les trois quarts d’entre eux s’inscrivent à l’université.</p>
<p>Le terme d’étudiant correspond à une facilité de définition pour constituer une notion commune. Pourtant l’étudiant type n’existe pas. <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1994_num_35_4_4353">François Dubet</a> a proposé la construction d’une typologie de l’expérience étudiante à travers la combinaison de trois dimensions élémentaires : la nature du projet poursuivi, le degré d’intégration dans la vie universitaire et l’engagement dans une « vocation » intellectuelle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Poitiers : rentrée universitaire à la fac d’histoire (France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2020).</span></figcaption>
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<p>Les objectifs pour lesquels les lycéens s’inscrivent dans l’enseignement supérieur sont très variés : la connaissance pour la connaissance, la volonté de préparer un métier, être étudiant pour être étudiant, la volonté de se tester dans des études considérées difficiles, la possibilité de réfléchir à des projets variés… Pour prendre une métaphore sportive, on distingue également plusieurs catégories d’étudiants arrivant à l’université :</p>
<ul>
<li><p>les sprinters : on essaie d’aller vite sur deux ou trois ans et de ne pas perdre de temps pour intégrer en admission parallèle une école d’ingénieur, de gestion ou de commerce ;</p></li>
<li><p>les marathoniens : on sait que l’université va être un long parcours et on pense que l’on a le temps de s’y habituer. Même s’il y a un échec en première année, cela ne présage pas de problèmes futurs ;</p></li>
<li><p>les battus d’avance : on sait ou l’on pense que l’on n’a pas le niveau. On est là pour participer mais sans en avoir l’entraînement et sans trop connaître les règles du jeu.</p></li>
</ul>
<p>Certains étudiants sont encore dans une phase de recherche et de découverte personnelle, d’autres sont dans une logique d’apprentissage de l’autonomie à la fois scolaire et personnelle. Cet apprentissage de l’indépendance est plus ou moins progressif et se vit différemment selon les étudiants. Parfois, les champs des possibles se transforment en impasses.</p>
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<p>Isoler des facteurs de réussite ou d’échec comme certaines <a href="https://www.institutmontaigne.org/expressions/reussite-et-echec-en-premier-cycle-universitaire-en-france-comment-en-juger">études</a> l’ont fait en mettant en avant la nature du baccalauréat obtenu est pertinent sur le plan de la rationalité, mais ne rend pas compte de l’intrication et de la complexité de chaque facteur les uns avec les autres. L’échec ou la réussite correspond bien à une nébuleuse d’interactions qui dépasse l’analyse causale et statistique. La socialisation des premières semaines est bien un indicateur de l’affiliation universitaire comme en témoigne une étudiante en économie-gestion qui explique cette montée en puissance de doutes sur l’utilité de son entrée dans l’enseignement supérieur :</p>
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<p>« Au fil des premières semaines, j’ai vécu beaucoup de choses. J’ai commencé un travail le soir après les cours et les week-ends qui m’a fait rencontrer d’autres personnes. J’ai aussi rencontré un garçon un peu plus âgé que moi qui travaille depuis deux ans comme commercial après un BTS. Son travail a l’air de le passionner et je me demande si des études courtes n’auraient pas été plus intéressantes. Je me sens en plus assez isolée à la fac. J’ai quitté mes parents et mes amis du lycée en septembre et puis, depuis presque trois mois à la fac, j’ai le sentiment qu’on n’apprend pas la vie à l’université. Donc aujourd’hui, j’ai plein de doutes, même si je pense avoir réussi mes partiels. »</p>
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<h2>Un accueil qui compte dans le sentiment d’affiliation à l’établissement</h2>
<p>Plusieurs raisons d’affiliation ou de mise à distance apparaissent dans les témoignages des étudiants et qui correspondent à des moments vécus lors des premières semaines de l’enseignement supérieur. La découverte des locaux, d’abord, est souvent une surprise plus ou moins bonne pour les étudiants, comme l’exprime un participant de l’enquête :</p>
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<p>« Déjà, j’étais dans un lycée qui n’était pas terrible, mais là, c’est pas une université, c’est un HLM. Ce sont des bâtiments construits dans les années soixante-dix. La plupart des TD sont dans des préfabriqués qui datent des années quatre-vingt. Les toilettes sont dans un état lamentable. On amène son papier toilette, parce qu’il n’y en a pas toujours. J’entendais à la radio la ministre parler d’excellence de l’université. Faudrait qu’elle vienne chez nous… »</p>
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<p>D’autres étudiants sont plus satisfaits : </p>
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<p>« On a l’impression d’être dans une famille, on a un local avec des fauteuils, on peut se connecter au WIFI et les profs viennent souvent dans ce local. C’est très sympa de discuter aussi avec les étudiants de L2 ou de L3. »</p>
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<p>L’accueil lors des premiers jours est particulièrement important. Il va ensuite être un facteur plus ou moins fort d’intégration :</p>
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<p>« La responsable de filière est venue nous parler dix minutes, ensuite on a eu notre premier cours. Elle ne nous a pas donné d’horaires pour nous recevoir et l’accueil était un peu froid. J’ai l’impression que c’était une corvée pour elle. »</p>
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<p>Dans d’autres cas, l’impact paraît plus fort pour l’intégration :</p>
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<p>« On a eu une demi-journée d’intégration super ; la majeure partie des profs est venue se présenter pu, par groupe de 15, des étudiants de L2 nous ont fait visiter les locaux, les salles infos. Ils nous ont montré où étaient les bureaux des secrétariats, de l’association sportive, du BDE. On s’est senti très pris en charge. C’était bien et en plus, cela nous fait avoir des contacts avec des étudiants de 2<sup>e</sup> année. »</p>
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<h2>Étudier et changer de cadre de vie</h2>
<p>L’entrée à l’université correspond à la période où on l’on va quitter ses parents pour la première fois de manière durable. C’est un moment qui est assez peu évoqué lorsque l’on parle d’échec ou de réussite à l’université et pourtant ce moment est crucial pour les primo-étudiants qui expérimentent cette nouvelle vie. L’un dit :</p>
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<p>« C’est impossible de dormir dans ma résidence universitaire. Tous les soirs, c’est la fête dans un studio. J’ai essayé de me plaindre, mais on me fait passer pour une rabat-joie. Mais au bout d’un moment c’est intenable de ne dormir que quatre heures par nuit. »</p>
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<p>Une autre ajoute :</p>
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<p>« Les premiers temps, c’est un peu débile à avouer, mais j’avais un peu peur le soir… on se rend compte que les parents, ils sont peut-être souvent chiants, mais c’est rassurant d’être chez eux. »</p>
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<p>La mobilité géographique, notamment le passage d’une petite ville à une grande ville (ou d’un bourg à une ville moyenne) est un élément encore marquant pour beaucoup d’étudiants. Quelques étudiants se brûlent encore aux lumières de la ville.</p>
<p>Aller à l’université représente une suite de ruptures : quitter son lycée, sa famille, sa ville, sa province. Plus ces ruptures sont nombreuses et plus le risque d’isolement est réel :</p>
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<p>« C’est pas évident lorsque je me retrouve dans ma chambre du CROUS le soir devant mon ordinateur. Les autres résidents de mon palier sont plus âgés, donc le contact ne se fait pas facilement. »</p>
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<p>À ces nouvelles configurations s’ajoutent aussi les temps des nouvelles socialisations, de constitution d’un réseau d’amis, d’adaptation à la prise de notes notamment en amphithéâtre, d’organisation des tâches domestiques dont les témoignages montrent leurs effets sur la réussite ou l’échec lors du premier semestre à l’université.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quelles-conditions-les-outils-numeriques-aident-ils-les-etudiants-a-reussir-186175">À quelles conditions les outils numériques aident-ils les étudiants à réussir ?</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pinte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée à l’université ne marque pas seulement un cap en termes d’exigences de formation. C’est aussi un bouleversement des cadres de vie qui peut influer sur la réussite étudiante.Gilles Pinte, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172302023-11-12T16:15:02Z2023-11-12T16:15:02ZAvec la pandémie, les abandons d’études ont-ils augmenté à l’université ?<p>La pandémie de Covid-19 a bouleversé les trajectoires académiques de nombreux étudiants. Qu’ils aient été novices dans l’enseignement supérieur ou déjà engagés dans leur parcours universitaire, ceux-ci ont été confrontés à une situation sans précédent : la fermeture des universités et la transition vers l’apprentissage en ligne ont transformé le rapport à l’éducation.</p>
<p>Les salles de classe virtuelles sont devenues la nouvelle norme, et les interactions en personne ont cédé la place à des relations à distance. Outre l’aspect social, la qualité de l’apprentissage a été mise à l’épreuve. Les défis techniques et la variabilité de l’accès à Internet ont entraîné des inégalités dans la participation et l’engagement des étudiants. Les méthodes d’enseignement en ligne, bien que nécessaires, ont laissé de côté les interactions pédagogiques, impactant l’efficacité de l’apprentissage.</p>
<p>L’ensemble de ces facteurs a eu des répercussions profondes sur l’expérience des étudiants. De nombreux jeunes ont exprimé des sentiments de solitude, d’isolement, et d’incertitude quant à leur avenir académique. En somme, la pandémie a généré une transformation radicale de l’expérience étudiante, parfois au point de décourager certains étudiants, qui ont été contraints d’abandonner leurs études.</p>
<h2>Les répercussions de la pandémie sur les choix d’orientation</h2>
<p>Il est essentiel de prendre en considération que la pandémie n’a pas seulement eu un impact immédiat en interrompant les cours à l’échelle mondiale, mais elle a également eu des effets sur l’acquisition de connaissances. Des études menées dans plusieurs pays estiment que la pandémie a entraîné une <a href="https://www.researchgate.net/publication/367558783_A_systematic_review_and_meta-analysis_of_the_evidence_on_learning_during_the_Covid-19_pandemic">chute d’environ 35 % résultats scolaires sur une année académique</a>. Les élèves les moins privilégiés semblent avoir été les plus durement touchés par cette perte d’apprentissage, ce qui a aggravé les inégalités éducatives déjà existantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-scolaires-des-risques-du-confinement-sur-les-plus-vulnerables-135115">Inégalités scolaires : des risques du confinement sur les plus vulnérables</a>
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<p>La perturbation de l’éducation due à la pandémie de Covid-19 va avoir des conséquences qui vont au-delà de la simple diminution des performances académiques, influençant également les choix futurs des étudiants. En Suède, une étude récente met en lumière que la <a href="https://www.iza.org/publications/dp/15107/from-epidemic-to-pandemic-effects-of-the-Covid-19-outbreak-on-high-school-program-choices-in-sweden">pandémie a influencé les choix d’orientation des étudiants</a> en réduisant l’intérêt pour les formations professionnelles dans des secteurs fortement touchés comme l’hôtellerie et la restauration.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">Le mystère de la « Grande démission » : comment expliquer les difficultés actuelles de recrutement en France ?</a>
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<p>Cette tendance reflète les inquiétudes des étudiants quant à la stabilité et à la viabilité de certaines carrières à la lumière des perturbations économiques provoquées par la pandémie. Ainsi, les conséquences à long terme du Covid-19 sur l’éducation et les perspectives professionnelles des étudiants sont à surveiller de près.</p>
<p>En France, une analyse approfondie du comportement des étudiants à l’université révèle une <a href="https://www.researchgate.net/publication/374978342_Dropping_Out_of_University_in_Response_to_the_Covid-19_Pandemic">chute notable de 10,6 % dans la probabilité des étudiants de poursuivre leurs études suite la pandémie de Covid-19</a>. Cette réduction du taux de réinscription est d’autant plus préoccupante qu’elle équivaut à la somme des baisses observées durant la décennie précédente. Ces chiffres mettent en évidence un phénomène inquiétant puisque ces décrochages se traduisent par des opportunités sur le marché du travail moindres pour les étudiants concernés.</p>
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<p>De plus, les taux de présence aux examens n’ont pas montré de variations significatives l’année de la pandémie. Cela suggère que la diminution des taux de réinscription ne peut être attribuée à une augmentation de l’absentéisme, mais plutôt à d’autres facteurs liés à la crise sanitaire. Cette situation suscite des interrogations majeures quant à la manière dont les étudiants ont été touchés par la pandémie et la manière dont elle a affecté leurs perspectives académiques et professionnelles.</p>
<h2>Des facteurs démographiques et universitaires à prendre en compte</h2>
<p>Les répercussions de la pandémie sur les étudiants varient considérablement en fonction de diverses caractéristiques démographiques et de leur niveau d’études. Nos résultats montrent que les étudiants en premier et deuxième cycle universitaire ont été les plus durement touchés, avec une baisse significative d’inscriptions de 20,9 % et 17,3 % respectivement par rapport à l’année précédente.</p>
<p>De même, les étudiants inscrits dans des domaines liés aux sciences, à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques (STEM) ont subi une diminution encore plus marquée des taux de réinscription, ce qui met en évidence les défis particuliers auxquels ces étudiants ont dû faire face en raison des restrictions liées à la pandémie.</p>
<p>Une autre tendance qui mérite d’être soulignée est que les hommes semblent avoir été davantage affectés par la pandémie que les femmes, du moins en ce qui concerne l’abandon des études. Cette disparité entre les sexes dans les taux de réinscription met en lumière la nécessité de prendre en compte les facteurs socio-démographiques dans l’élaboration de politiques éducatives pour atténuer les conséquences de la pandémie sur les étudiants.</p>
<p>Lors du déconfinement, les différentes régions ont été soumises à des restrictions sanitaires d’intensités variables. Notamment, les zones situées à l’est ont été classées en zone rouge, ce qui a entraîné un processus de déconfinement plus progressif, marqué par la mise en place de mesures de restriction supplémentaires pendant une brève période. Au sein de ces zones, il est intéressant de noter qu’il ne semble pas y avoir eu d’effet significatif découlant de ces mesures additionnelles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-corps-a-t-il-encore-sa-place-dans-lenseignement-a-distance-157915">Le corps a-t-il encore sa place dans l’enseignement à distance ?</a>
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<p>Cette observation suggère que ce n’est pas tant l’intensité des politiques de restrictions qui a influencé les comportements de réinscription des étudiants, mais plutôt l’expérience globale du confinement en elle-même. Ce constat souligne une nouvelle fois l’importance de comprendre les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32861840/">répercussions émotionnelles et psychologiques de la pandémie sur les étudiants</a>, qui ont dû faire face à des bouleversements majeurs dans leur parcours éducatif.</p>
<p>La compréhension des effets de la pandémie sur les étudiants revêt une importance cruciale, car elle permet de mieux appréhender les défis auxquels sont confrontés les étudiants dans un monde post-pandémie. Il est impératif que les décideurs politiques prennent en compte les leçons tirées de cette période sans précédent afin de bâtir un avenir éducatif plus résilient et équitable pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217230/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Etienne Dagorn a bénéficié d'un financement de la Région Île-de-France (Chaire en sciences humaines et sociales, EX061002 - 21010352) pour la réalisation de cette recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léonard Moulin a bénéficié d'un financement de la Région Île-de-France (Chaire en sciences humaines et sociales, EX061002 - 21010352) pour la réalisation de cette recherche.</span></em></p>La pandémie de Covid-19 a perturbé la pédagogie et l’organisation des études supérieures, avec des conséquences à long terme sur les choix d’orientation des jeunes.Etienne Dagorn, Postdoctoral fellow, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLéonard Moulin, Research fellow, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171542023-11-07T17:37:44Z2023-11-07T17:37:44ZSanté mentale dégradée des jeunes : chronique d’une crise annoncée<p>Pandémie de Covid-19, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ukraine-21219">guerre en Ukraine</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-israelo-palestinien-147107">guerre entre Israël et le Hamas</a>, attentats terroristes, assassinats d’enseignants, crise climatique, intensification du rythme scolaire et de travail – la santé mentale des jeunes, exposés à ces évènements violents, semble au plus bas et a rarement autant été un objet de débat public.</p>
<p>Que sait-on réellement des difficultés psychologiques des adolescents et jeunes adultes en France ? Quels sont les groupes les plus à risque ? Quelles peuvent être les raisons de cette dégradation ? Que faire pour que les choses s’améliorent ?</p>
<h2>Avant même le Covid, un risque de dépression élevé chez les collégiens et lycéens français</h2>
<p>Grâce à un appareil statistique robuste, la santé mentale des collégiens et des lycéens en France est documentée depuis plus de 20 ans. Mais la plupart de ces données restent méconnues du grand public.</p>
<p>L’étude <a href="https://www.ehesp.fr/wp-content/uploads/2021/06/8-Fiche-EnCLASS-2018-sante-mentale.pdf">Enclass</a>, qui fait partie du dispositif d’enquête européen Health and Behavior in School-Aged Children (HBSC) et qui a interrogé environ 11 000 jeunes a montré qu’en 2018, 32 % des élèves de 4<sup>e</sup> et 3<sup>e</sup> étaient à risque de dépression, en particulier les filles (41 % vs. 23 % des garçons). Respectivement 13 % et 5 % des filles et des garçons avaient des symptômes nécessitent des soins.</p>
<p>Au lycée, le risque de dépression augmente, avec 36 % des jeunes (45 % des filles et 27 % des garçons) concernés et, respectivement, 18 et 8 % des garçons et des filles ayant un trouble dépressif nécessitant une prise en charge médicale.</p>
<p>Ces indicateurs se sont dégradés dans le temps, la proportion de jeunes rapportant des signes de nervosité et d’irritabilité ayant augmenté entre 2010 et 2018 (de 21 à 28 % pour la nervosité et de 22 à 27 % pour l’irritabilité, chez les collégiens concernés). De la même manière, la proportion d’adolescents indiquant avoir des difficultés à s’endormir a également connu une hausse (de 31 à 37 % entre 2010 et 2018).</p>
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<img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site Fil Santé Jeunes. Il est écrit « Appelle nous au 0800 235 236 » et on voit des photos de la poche de jeunes personnes." src="https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fil Santé Jeunes est la ligne téléphonique de référence pour les jeunes de 12 à 25 ans. Anonyme et gratuite, elle est accessible par chat, téléphone, mail et sur filsantejeunes.com, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.</span>
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<h2>Un mal-être en augmentation aussi chez les jeunes adultes</h2>
<p>Ces niveaux de mal-être psychologique sont élevés par rapport à ceux observés dans d’autres pays européens. Chez les jeunes adultes, la tendance est similaire. Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale/depression-et-anxiete/documents/article/prevalence-des-episodes-depressifs-en-france-chez-les-18-85-ans-resultats-du-barometre-sante-2021">Baromètre Santé</a>, une enquête réalisée par Santé publique France auprès d’un échantillon représentatif de la population française, montre qu’entre 2005 et 2021, la prévalence de la dépression est passée de 9 % à 20 % chez les 18-24 ans et de 8 % à 15 % chez les 25-34 ans. Aucun autre groupe de la population ne connaît une dynamique si délétère ni une santé mentale aussi dégradée.</p>
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<h2>Des symptômes qui perdurent même après le Covid</h2>
<p>La détérioration de la santé mentale des jeunes a été particulièrement marquée à partir de la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a causé <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5432509">plus de 116 000 décès</a>.</p>
<p>En 2020, d’après les données de l’étude <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/confinement-du-printemps-2020-une-hausse-des-syndromes-depressifs">ÉpiCov</a>, menée conjointement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Direction de la recherche et des études statistiques (Drees) du ministère des Affaires sociales auprès d’un échantillon représentatif de plus de 100 000 personnes, 22 % des 15 à 24 ans déclaraient des symptômes de dépression (par rapport à 13 % dans l’ensemble de la population), c’est-à-dire un taux deux fois plus élevé qu’avant la pandémie de Covid-19.</p>
<p>La prévalence de la dépression chez les jeunes a ensuite baissé entre 2020 et 2021, mais dans une moindre mesure comparé au reste de la population. Fin 2021, 14 % des 15-24 ans participant à EpiCov déclaraient des symptômes correspondant à un trouble dépressif.</p>
<p>L’enquête <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-Covid-19">Coviprev</a>, menée par Santé publique France auprès d’un échantillon de 2 000 personnes entre mars 2020 et décembre 2022, a aussi montré des taux élevés de symptômes d’anxiété (43 %) et de dépression (22 %) chez les 18-24 ans, qui ont perduré après la fin de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Ces tendances sont confirmées par les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/sante-mentale-des-jeunes-des-conseils-pour-prendre-soin-de-sa-sante-mentale">données médicales</a> qui montrent une augmentation des recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires chez les 11-24 ans depuis 2021 et qui restent à des niveaux élevés en 2023.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/suicide-des-adolescents-comment-prevenir-le-passage-a-lacte-162064">Suicide des adolescents : comment prévenir le passage à l’acte ?</a>
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<h2>L’adolescence, une période charnière pour la santé mentale future</h2>
<p>Les troubles psychiatriques fréquents, dont la dépression, les troubles anxieux et les troubles liés à l’alcool ou aux drogues, touchent au total une personne sur quatre au cours de la vie et représentent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1600-0047.2004.00327.x">15 % de la morbidité totale au sein de la population</a>. Dans près de 50 % des cas, ces troubles surviennent au moment de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-04300-010">transition entre l’adolescence et l’âge adulte</a> et, dans près d’un cas sur deux, ils persistent au cours de la vie.</p>
<p>L’adolescence et le moment de l’entrée dans la vie adulte, où se jouent également le devenir scolaire, professionnel ainsi que l’insertion sociale des personnes sont des périodes charnières, au cours desquelles une dégradation de la santé mentale peut avoir des effets irrémédiables sur la santé future mais aussi sur le devenir des individus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cannabis-mais-aussi-alcool-et-tabac-chez-les-jeunes-une-consommation-de-drogues-en-baisse-206796">Cannabis, mais aussi alcool et tabac : chez les jeunes, une consommation de drogues en baisse ?</a>
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<h2>Les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés davantage affectés</h2>
<p>Dans ce domaine, comme vis-à-vis d’autres problématiques de santé, les jeunes issus de groupes sociaux défavorisés ont un risque élevé d’avoir des problèmes de santé mentale et, en même temps, ce sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour accéder à des soins de qualité. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-022-03038-6">Ceux dont les parents n’ont pas d’emploi ou ont des revenus faibles sont les plus concernés</a> par des difficultés émotionnelles et psychologiques, surtout si leur famille connaît une <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/european-psychiatry/article/abs/emotional-and-behavioral-difficulties-in-children-growing-up-homeless-in-paris-results-of-the-enfams-survey/125E1F045B48FE8E325BD3DED182B562">situation de précarité aiguë telle que le fait de ne pas avoir de logement fixe</a>. Or <a href="https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12888-022-04438-5">l’accès aux soins de santé mentale spécialisés est moins fréquent</a> pour les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés.</p>
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<img alt="Page d’accueil du site nightline.fr" src="https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le site nightline.fr propose un accompagnement par et pour les étudiants.</span>
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<p>Depuis la pandémie de Covid-19, on se soucie, à juste titre, de la <a href="https://theconversation.com/comment-la-crise-sanitaire-affecte-la-sante-mentale-des-etudiants-163843">santé mentale des étudiants</a>. Mais les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2022.904665/full">données de l’étude EpiCov</a> indiquent que, parmi les jeunes adultes de 18 à 24 ans, ce sont ceux qui ne sont ni en formation ni en emploi qui souffrent des taux de dépression les plus élevés, tandis que chez les 25-30 ans, il s’agit de ceux qui sont au chômage.</p>
<h2>Pauvreté, pression scolaire, Internet… des facteurs de risque en augmentation</h2>
<p>La <a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=78092">survenue et la persistance des problèmes de santé mentale sont multifactorielles</a>. Elles traduisent à la fois des mécanismes génétiques, des expositions et facteurs de risque spécifiques à l’individu (par exemple l’exposition à des situations de violence, à des évènements de vie adverses, etc.), ainsi que des facteurs collectifs (par exemple une crise sanitaire, politique ou économique).</p>
<p>Une augmentation de la prévalence des symptômes d’anxiété et de dépression chez les adolescents et jeunes adultes, telle qu’observée au cours des vingt dernières années, ne peut pas être expliquée par des facteurs génétiques qui n’évoluent pas dans le temps – elle ne peut traduire que des changements dans le repérage des problèmes de santé mentale ou une augmentation de la fréquence des facteurs de risque. Il n’est pas exclu qu’il soit plus facile aujourd’hui qu’hier d’identifier et de rapporter des problèmes psychologiques dans une enquête, de se confier à des proches ou de se tourner vers un soignant pour cette raison.</p>
<p>Si, comme le suggèrent certaines <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19373710/">études</a>, la littératie en santé mentale – c’est-à-dire les connaissances sur la santé mentale de la population et la capacité à repérer les difficultés psychologiques – s’améliore et la stigmatisation des problèmes de santé mentale recule, on ne peut que s’en réjouir, car il s’agit d’étapes nécessaires pour pouvoir prendre soin de soi et demander de l’aide à son entourage ou à un soignant.</p>
<p>Néanmoins, il semblerait également que la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10964-023-01800-y">fréquence de certains facteurs de risque ait cru</a> : proportion de familles monoparentales, niveau de pauvreté, inégalités sociales, pression scolaire, auxquels s’ajoutent de nouvelles expositions telles que l’utilisation importante d’Internet (notamment des jeux vidéo et des réseaux sociaux).</p>
<h2>La répétition d’évènements violents également dommageable</h2>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022395621002181">survenue d’évènements violents tels que des attentats terroristes peuvent aussi avoir un impact sur la santé mentale des jeunes</a>, y compris parmi ceux qui ne sont pas directement victimes. En effet, la survenue de violences peut fragiliser les personnes sur le plan psychologique, causer des symptômes d’anxiété, les amener à se couper des autres. La répétition de ce type d’évènements, par nature imprévisibles, semble particulièrement dommageable.</p>
<h2>La pédopsychiatrie à bout de souffle</h2>
<p>Face à l’augmentation de la fréquence des problèmes de santé mentale des jeunes, le système de santé – à bout de souffle comme le rappellent de multiples <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/24/oui-par-manque-de-moyens-la-pedopsychiatrie-doit-depuis-des-annees-trier-les-enfants_6151352_3232.html">tribunes</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/08/en-france-en-2022-des-enfants-et-adolescents-meurent-de-souffrance-psychique-par-manque-de-soins-et-de-prise-en-compte-societale_6133925_3232.html">éditoriaux</a> sur la pédopsychiatrie et la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-pedopsychiatrie">Cour des comptes en 2023</a> – ne peut pas tout.</p>
<p>La prévention et le repérage des difficultés psychologiques des enfants et adolescents reposent principalement sur d’autres acteurs dont les parents, mais aussi les adultes présents à l’école, à l’université ou travaillant dans des associations culturelles et sportives qui accompagnent des millions de jeunes dans des activités de loisirs au quotidien.</p>
<h2>Multiplier les dispositifs d’accompagnement</h2>
<p>La diffusion des connaissances et l’amélioration de la littératie en santé mentale sont nécessaires pour mieux repérer les jeunes en souffrance. De même, la multiplication des dispositifs facilement accessibles peut favoriser l’accompagnement voire l’accès aux soins avant la survenue d’une crise sévère qui conduit à l’hôpital telle qu’une tentative de suicide : lignes téléphoniques, à l’image de <a href="https://www.filsantejeunes.com/">Fil Santé Jeunes</a> qui fait référence, sites Internet permettant d’avoir des informations fiables sur la santé mentale, applications smartphones ou autres programmes d’e-santé permettant d’accéder à des programmes brefs, notamment de mentalisation, relaxation ou méditation, aidant à gérer les symptômes de stress.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site du 3114" src="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 3114 est le numéro national de prévention du suicide mis en place par le gouvernement.</span>
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<h2>Mal-logement, familles monoparentales, violences… agir sur les déterminants sociaux</h2>
<p>Cependant, une véritable politique de prévention des problèmes de santé mentale des jeunes nécessite des efforts intersectoriels pour modifier des déterminants au-delà du système de santé : lutte contre la pauvreté et le mal-logement, accompagnement renforcé des familles monoparentales, prise en charge des problèmes de santé mentale des parents et prévention des violences – dans le contexte familial, à l’école et sur Internet – ainsi qu’une remise en question du système de compétition scolaire auquel les jeunes sont confrontés de plus en plus tôt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217154/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les projets de recherche de Maria Melchior sont financés par des bourses/appels d’offres publics français et européens. Mais elle n'est pas rémunérée via ce biais.</span></em></p>Le Covid, les attentats et les conflits armés impactent la santé mentale des jeunes déjà dégradée par des déterminants sociaux majeurs comme la pauvreté, le mal-logement ou le contexte familial.Maria Melchior, Epidémiologiste, Directeur de recherche, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.