tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/marine-29677/articlesmarine – The Conversation2023-04-20T15:59:02Ztag:theconversation.com,2011:article/2040942023-04-20T15:59:02Z2023-04-20T15:59:02ZLe Japon en passe de devenir une grande puissance militaire de l’Indo-Pacifique<p>L’organisation du <a href="https://www.g7hiroshima.go.jp/en/">G7 à Hiroshima</a> en mai prochain a vu le premier ministre japonais Fumio Kishida multiplier les initiatives diplomatiques depuis le début de l’année 2023 : tournée en Europe et aux États-Unis, sommet historique avec la Corée du Sud, <a href="https://theconversation.com/la-reaction-japonaise-a-linvasion-de-lukraine-179913">visite à Kiev</a>… Ces déplacements – où les questions de sécurité, et avant tout la guerre en Ukraine et le dossier de Taïwan tiennent une part significative – accompagnent une mutation notable de la posture stratégique globale de l’archipel.</p>
<p>En décembre 2022, le Japon a en effet publié deux nouveaux documents relatifs à sa défense, dont une <a href="https://www.mod.go.jp/j/approach/agenda/guideline/pdf/security_strategy_en.pdf">Stratégie de sécurité nationale</a> et une <a href="https://www.mod.go.jp/j/approach/agenda/guideline/strategy/pdf/strategy_en.pdf">Stratégie de défense nationale</a>.</p>
<p>Parmi les mesures annoncées, l’acquisition de moyens de « contre-attaque », c’est-à-dire la capacité de frapper des bases ennemies avec des missiles à longue portée, a été la plus commentée. Les <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2022/11/30/national/japan-buy-tomahawk-missiles/">États-Unis ont accepté de livrer des missiles de croisière Tomahawk</a> à Tokyo, un privilège jusqu’ici octroyé au seul Royaume-Uni. Washington cherche ainsi à accroître l’interopérabilité avec les Forces d’Autodéfense nippones (FAD) afin de renforcer la force de dissuasion de l’alliance dans un Indo-Pacifique sous tension.</p>
<h2>Une évolution stratégique remarquée</h2>
<p>Si la Chine et la Russie se sont empressées de dénoncer la <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2022/12/22/national/russia-on-jpn-defense-plan/">« militarisation débridée »</a> de l’archipel, on assiste en réalité, plus simplement, à une étape supplémentaire dans la normalisation de l’appareil de défense du pays.</p>
<p>Au demeurant, cela ne s’est pas fait sans à-coups. Il aura fallu attendre l’accumulation de menaces régionales résultant des premiers tirs balistiques puis nucléaires de la Corée du Nord en 1998 puis 2006 et de la crise montante autour des iles Senkaku avec la Chine depuis 2010 pour voir les cercles dirigeants nippons se montrer plus actifs dans la professionnalisation de leur outil militaire et l’acquisition de nouvelles capacités, notamment à travers le <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2011-1-page-129.htm">développement d’une défense antimissile avec l’aide des États-Unis</a>.</p>
<p>Ces derniers ont fortement encouragé et accompagné le Japon dans sa quête d’une posture stratégique plus affirmée à l’échelle régionale comme internationale. Tokyo a par ailleurs su s’adapter aux contraintes de sa <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/jp1946.htm">Constitution</a>, dont l’article 9 renonce à l’usage de la force dans les relations internationales et à l’entretien de forces armées, en soulignant le caractère défensif de sa démarche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-H2tiCgL9NU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les documents publiés ces derniers jours indiquent que Tokyo ne craint plus de s’afficher comme un acteur stratégique majeur. L’archipel confirme ainsi son rôle de premier plan et son engagement aux côtés des États-Unis dans la défense d’un Indo-Pacifique libre et ouvert <a href="https://www.mofa.go.jp/policy/other/bluebook/2020/html/fr/tokushu04.html">(<em>Free and Open Indo-Pacific, FOIP</em>)</a> et au-delà, d’un ordre international libéral mis à mal par les comportements agressifs de la Chine et la Russie.</p>
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<p>L’augmentation envisagée du budget militaire nippon à 2 % du PIB sur cinq ans, contre 1 % actuellement, pourrait classer Tokyo parmi les cinq premiers acteurs de défense mondiaux, alors qu’il se situe actuellement au <a href="https://www.iiss.org/blogs/analysis/2022/02/military-balance-2022-further-assessments">8ᵉ rang, avec un buget militaire de 49,3 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>L’exploitation de l’héritage stratégique de Shinzo Abe</h2>
<p>Shinzo Abe, ancien premier ministre (2006-2007 puis 2012-2020) <a href="https://theconversation.com/assassinat-de-shinzo-abe-quel-est-vraiment-le-poids-de-la-secte-moon-au-japon-187194">tragiquement assassiné en juillet 2022</a>, avait donné une impulsion significative au renforcement militaire de l’archipel en faisant adopter une nouvelle législation sur la sécurité nationale en 2015.</p>
<p>Désormais, les FAD peuvent faire usage de la force et porter secours à des pays amis, notamment les États-Unis, dans certaines situations mettant en jeu des intérêts nationaux vitaux (survie du Japon, menace sur les droits constitutionnels des Japonais) – et cela sans limites géographiques. Elles peuvent donc théoriquement intervenir partout.</p>
<p>Le renforcement des capacités militaires des FAD visait entre autres à donner de la substance à la promotion de ce fameux Indo-Pacifique libre et ouvert, un concept géopolitique <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/realizing-vision-of-free-and-open-indo-pacific-by-abe-shinzo-2022-09">dont Shinzo Abe a assuré avec conviction la promotion</a>. Il ralliera notamment à sa vision son homologue indien Narendra Modi dès 2015, puis Donald Trump en 2017.</p>
<p>Mettant en avant la connectivité stratégique existant entre les océans Indien et Pacifique, son approche suppose entre autres un accès libre pour l’ensemble de la communauté internationale aux mers d’Asie, à leurs principaux détroits et aux voies de navigation commerciales. Elle explique le rapprochement voulu par Abe avec les démocraties maritimes d’Asie – États-Unis, Inde et Australie – que l’expansion et l’agressivité des forces de la marine, des garde-côtes et des flottilles de pêche chinoises inquiètent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-loi-chinoise-sur-les-garde-cotes-va-t-elle-provoquer-de-nouvelles-tensions-sur-les-mers-dasie-155417">La loi chinoise sur les garde-côtes va-t-elle provoquer de nouvelles tensions sur les mers d’Asie ?</a>
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<p>Ce rapprochement s’est incarné dans l’organisation du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD), un partenariat informel créé en 2004 et que Shinzo Abe a contribué à renforcer à partir de 2007 en y arrimant solidement l’Inde et l’Australie aux côtés des États-Unis. Depuis, <a href="https://theconversation.com/le-quad-pilier-de-la-strategie-indo-pacifique-de-ladministration-biden-158966">Joe Biden a fait du QUAD le cadre élargi d’une coopération multidimensionnelle</a> se posant comme une alternative aux Nouvelles Routes de la Soie chinoises.</p>
<h2>L’impact de la guerre en Ukraine</h2>
<p>Le choc créé par <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/International-relations/Indo-Pacific/Transcript-Japan-PM-Kishida-s-speech-at-Shangri-La-Dialogue">l’invasion russe de l’Ukraine</a> a été l’un des éléments qui ont influencé la rédaction des nouveaux documents stratégiques du Japon.</p>
<p>Fumio Kishida a été parmi les premiers dirigeants asiatiques à se joindre aux pays occidentaux pour imposer des sanctions à la Russie, même si cette décision a <a href="https://www.nippon.com/fr/in-depth/a08105/">ruiné la poursuite des négociations</a> nippo-russes sur l’avenir des territoires du Nord (Kouriles pour la Russie), dont quatre îles restent disputées entre les deux pays depuis 1945.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1638470706865250305"}"></div></p>
<p>Le coup de force russe en Europe a <a href="https://theconversation.com/les-inquietantes-lecons-de-la-guerre-dukraine-pour-lavenir-de-ta-wan-185835">convaincu les cercles dirigeants japonais qu’une attaque de Taïwan par la Chine pouvait se produire</a> et que l’archipel ne pourrait rester à l’écart d’une crise dans le détroit.</p>
<p>Par ailleurs, le gouvernement japonais a mesuré combien le soutien de l’UE et de l’OTAN à l’Ukraine s’est accru dès lors que Kiev a montré sa résolution à se battre. Il en a déduit que la meilleure façon de s’assurer de l’appui des États-Unis et d’autres partenaires en cas de crise était de consentir un réel investissement dans sa propre défense.</p>
<p>C’est en ce sens qu’il faut comprendre la <a href="https://www.lopinion.fr/international/invite-a-madrid-tokyo-japon-attend-beaucoup-de-lotan-en-asie">présence de Kishida au sommet de l’OTAN</a> du 30 juin 2022 à Madrid, une première, ainsi que ses propos sur l’idée <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/29/le-japon-et-la-coree-du-sud-invites-du-sommet-de-l-otan-souhaitent-l-ouverture-de-l-alliance-a-l-asie_6132513_3210.html">que la sécurité de l’Europe et celle de l’Indo-Pacifique étaient liées</a>. L’augmentation envisagée du budget de défense japonais par la nouvelle stratégie correspond d’ailleurs à l’engagement des États membres de l’OTAN à consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires à horizon de 2024.</p>
<h2>Des changements de fond, mais une analyse géopolitique prudente</h2>
<p>Dans la nouvelle Stratégie de sécurité nationale, la perspective d’attaques de missiles contre le Japon est décrite comme une « menace palpable », d’où la nécessité pour le pays de se doter de moyens supérieurs à ses défenses existantes.</p>
<p>Ces éclaircissements renvoient à la réalité d’une forte dégradation de l’environnement proche du Japon : en août 2022, après la visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, Pékin a procédé à des exercices militaires d’ampleur, lançant notamment des missiles balistiques dont <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2022/08/04/national/japan-china-missiles-eez/">cinq ont atterri dans la zone économique exclusive du Japon</a>. Cet épisode s’est ajouté aux multiples incursions maritimes et aériennes chinoises dans les eaux territoriales et l’espace aérien des îles Senkaku (Diaoyu pour la Chine), situées à quelque 410 km de l’archipel japonais d’Okinawa.</p>
<p>Le document constate que la diplomatie et les activités militaires de Pékin sont « très préoccupantes » et représentent un « défi stratégique majeur » sans précédent pour le Japon et la communauté internationale. Quant à la Russie, depuis la guerre en Ukraine, elle constitue une « forte préoccupation de sécurité ».</p>
<p>Il est souligné que la stratégie du Japon restera « défensive » et que les « contre-attaques » ne seront utilisées que dans certaines conditions limitées. Les frappes préemptives ne sont pas autorisées.</p>
<p>Enfin, face au développement de stratégies hybrides (ingérence politique, désinformation, propagande), le Japon entend améliorer ses capacités spatiales et ses moyens de lutte contre les cyberattaques et la guerre informationnelle. <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/cybersecurite-grand-bond-avant-japon-2023">La composante de cybersécurité passera à 4 000 personnes</a> d’ici à 2027, contre 800 actuellement, ce qui permettra au gouvernement de combler d’importantes lacunes.</p>
<h2>Vers un « JAUKUS » ?</h2>
<p>L’administration Biden a salué les annonces du Japon et les grandes lignes d’une Stratégie nationale de défense qui constitue un écho à <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2022/11/8-November-Combined-PDF-for-Upload.pdf">celle qu’elle vient elle-même de publier</a>.</p>
<p>Pour les États-Unis, engagés dans une compétition multidimensionnelle avec la Chine, il convient d’utiliser au mieux l’innovation, mais aussi la mise en réseau des capacités technologiques et opérationnelles disponibles. Le partenariat <a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">AUKUS</a> signé en 2021 avec le Royaume-Uni et l’Australie, au-delà de la fourniture de sous-marins à propulsion nucléaire, implique ainsi des collaborations poussées dans des secteurs clés comme l’intelligence artificielle, le calcul quantique, l’hypersonique ou encore les capacités sous-marines autonomes.</p>
<p>Le Japon et les États-Unis coopèrent déjà étroitement en matière de technologie militaire. Les forces aériennes japonaises mettent en œuvre l’avion de combat F-35 et utilisent le système de défense antimissile Aegis, tous deux construits par l’entrepreneur américain Lockheed Martin. L’alliance avec les États-Unis est plus que jamais vitale pour Tokyo, dont la dépendance en matière de renseignement et de détection avancée est déjà forte dans le cadre de la défense antimissiles. Une dépendance qui devrait s’accroître avec l’acquisition de missiles Tomahawk, d’autant que Tokyo envisage d’en doter ses destroyers équipés du système antimissiles Aegis.</p>
<p>Au demeurant, les responsables japonais ne seraient pas hostiles à des partenariats élargis, voire à un <a href="https://www.aspistrategist.org.au/is-now-the-time-for-jaukus/">« JAUKUS »</a>. Alors que la compétition technologique avec la Chine s’intensifie, le Japon estime qu’il peut donner un avantage décisif à son grand allié américain au regard de sa maîtrise dans des secteurs de pointe comme l’intelligence artificielle, la robotique, les technologies quantiques ou les semi-conducteurs.</p>
<p>En octobre 2022, durant une visite remarquée à Canberra, Fumio Kishida a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/22/face-a-la-montee-en-puissance-militaire-de-la-chine-le-japon-et-l-australie-signent-un-pacte-de-securite-historique_6146899_3210.html">renouvelé un ancien accord</a> portant notamment sur le partage de renseignements d’origine électronique avec l’Australie. La signature a relancé les supputations sur une <a href="https://www.csis.org/analysis/resolved-japan-ready-become-formal-member-five-eyes">possible adhésion du Japon à l’alliance de renseignement « Five Eyes</a> », qui rassemble les plus proches alliés des États-Unis : le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada.</p>
<p>On l’aura compris : l’époque où le Japon était <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/07/11/tokyo-fait-la-sourde-oreille-aux-demandes-americaines-d-effort-militaire_2719940_1819218.html">« un géant économique mais un nain militaire »</a> est bel et bien révolue…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la menace que la Chine fait peser sur la région indo-pacifique, le Japon abandonne sa posture prudente traditionnelle, réarme massivement et se range résolument dans le camp des États-Unis.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980862023-01-23T18:47:44Z2023-01-23T18:47:44ZDans le secteur portuaire, des pénuries de cadres pénalisantes et surtout trop peu de dirigeantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505147/original/file-20230118-15-w47pdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6272%2C4168&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certes la parité des équipes dirigeantes est souvent respectée mais les postes les plus stratégiques ne reviennent que rarement aux femmes.</span> </figcaption></figure><p>Au niveau mondial, comme local, on observe depuis plusieurs années un double phénomène, plutôt paradoxal, dans le secteur de la logistique. D’une part, il y a un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jbl.12186">appel d’air</a> au niveau des cadres que les entreprises n’arrivent pas à combler. D’autre part, un <a href="https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace">nombre croissant de femmes formées</a> à ces emplois continue à quitter rapidement le secteur, ou bien n’y <a href="https://theconversation.com/supply-chain-management-la-lente-progression-de-carriere-des-femmes-157994">progressent que beaucoup plus lentement</a> que leurs camarades de promo masculins. Dans le domaine portuaire, les nominations l’an passé de <a href="https://www.strasbourg.port.fr/actualites/claire-merlin-nouvelle-directrice-generale-du-port-autonome-de-strasbourg/">Claire Merlin</a> et <a href="https://www.journalmarinemarchande.eu/actualite/portuaire/jerome-giraud-remplace-a-la-direction-du-port-de-toulon#:%7E:text=%C3%80%20compter%20du%201er,du%20port%20de%20Marseille%2DFos.">Christine Rosso</a>, respectivement à la tête des ports de Strasbourg et Toulon, font encore figure d’exceptions.</p>
<p>La logistique se trouve pourtant à un tournant de son évolution en devenant l’un des vecteurs principaux de la durabilité de notre économie. Le développement durable, rappelons-le, repose sur <a href="https://www.supplychaininfo.eu/piliers-developpement-durable/">trois piliers</a>, économique, environnemental et social, et la logistique recherche l’optimisation des flux sous leur contrainte : la gestion des flux doit être économiquement rentable, environnementalement viable et socialement acceptable.</p>
<p>Comme tant d’autres secteurs, la logistique a très longtemps été régie par le seul pilier économique avec pour seules contraintes, souvent marginales, celles imposées par le droit du travail. Ce fut ensuite au tour du pilier écologique de prendre de l’importance dans les choix des dirigeants. Réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, de particules fines, projets de green ports, stratégie de report modal ou encore circuits courts et livraisons du dernier kilomètre en vélo-cargo sont autant de traces d’un développement d’une conscience écologique.</p>
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<p>Le pilier social, quoique présent, reste le moins développé et souffre souvent de confusions, confiné souvent à des questions éthiques, de droit du travail et de sécurité au travail. Un des éléments les plus importants et qui constitue l’un des leviers de croissances majeurs du secteur reste pourtant la <a href="https://www.voxlog.fr/actualite/7023/non-l-intendance-ne-suivra-pas">féminisation</a>, en particulier dans les domaines portuaire et maritime.</p>
<p>Nos <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJPDLM-09-2021-0409/full/html">travaux récents</a> ont ainsi tenté de mieux comprendre les trajectoires de celles qui ont su lever les barrières qu’elles rencontrent habituellement dans le secteur.</p>
<h2>Dans un monde de « bonshommes »</h2>
<p><a href="https://link.springer.com/content/pdf/bfm:978-3-662-45385-8/1#page=5">Comme le dit notamment Niel Bellefontaine</a>, directeur de l’Université Maritime Mondiale, institution onusienne :</p>
<blockquote>
<p>« Une industrie qui transporte 90 % des marchandises mondiales a besoin d’au moins 90 % des meilleurs talents maritimes, bien qu’elle soit dominée par les hommes par tradition. L’industrie a besoin des meilleurs avocats, des meilleurs économistes, des meilleurs scientifiques, des meilleurs logisticiens, des meilleurs administrateurs, des meilleurs marins – et leur sexe n’a pas d’importance. »</p>
</blockquote>
<p>Deux chercheuses, Nancy Nix et Dana Stiffler, ont identifié <a href="http://www.awesomeleaders.org/wp-content/uploads/2016/09/SCMR1609_F_WomanInSC_REV-3.pdf">trois barrières</a> à la progression des carrières des femmes le long des chaînes d’approvisionnement. En premier lieu, on retrouve des biais inconscients qui font que, du fait de l’histoire, de la culture, des règles tacites, on pense que la logistique est un « métier de bonhomme ». Dans la bande dessinée <em>Les superhéros de la logistique</em>, on ne croise par exemple pas de super héroïne, tout au plus quelques secrétaires et des diplômées, mais aucune directrice.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526775333449367553"}"></div></p>
<p>Les réseaux informels, deuxièmement restent trop souvent des <em>old boy’s clubs</em>, et c’est pour cela que l’association <a href="https://www.wista.fr/">Wista</a> dont l’antenne française est très active dans le secteur maritime, tente de recréer du réseau entre les femmes cadres du secteur. La principale barrière reste cependant la troisième : l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.</p>
<p>L’<a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJPDLM-09-2021-0409/full/html">étude</a> que nous avons menée se concentre sur ce dernier point dans l’un des sous-secteurs logistiques parmi les plus dominés par les hommes : le portuaire.</p>
<h2>Cinq stratégies</h2>
<p>Nous avons interrogé des cadres féminines du secteur issues de 17 pays différents. Parmi elles, certaines sont des pionnières de leur profession au niveau de leur pays. Dirigeantes de terminaux, de ports ou de divisions ministérielles, certaines ont été faire de brillantes études à l’étranger, seules, laissant leurs enfants en bas âge à la maison avec des personnes de confiance car les bourses d’excellence dont elles bénéficiaient ne couvraient pas leurs frais.</p>
<p>Leurs réussites sont exemplaires et parfois bouleversantes. En les étudiant en détail, nous avons identifié cinq stratégies différentes mobilisées par ces femmes pour gérer leur brillante carrière en même temps que leur vie de famille.</p>
<p>Une première stratégie consiste à les compartimenter : il s’agit de bien séparer dans l’espace et dans le temps ces deux sphères afin qu’elles n’interfèrent pas l’une sur l’autre. Bahiya, par exemple, alloue des temps séparés à son travail et sa famille :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a un temps pour tout, un temps pour manger, se divertir, dormir, travailler, passer du temps avec sa famille. Quand je suis à la maison, je suis à la maison, je ne travaille pas. Il est rare que je ramène du travail à la maison. »</p>
</blockquote>
<p>Une deuxième consiste au contraire à trouver sans cesse des compromis, à vouloir toujours trouver le meilleur parti sans jamais compromettre un aspect aux dépens de l’autre. Valérie, mariée et mère d’une petite fille, nous dit qu’elle cherche un équilibre dans ses voyages d’affaires :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque fois c’était comme “Ok j’étais absente la semaine dernière, je ne peux pas être absente cette semaine à nouveau”. »</p>
</blockquote>
<p>Les deux stratégies suivantes se révèlent lorsqu’un événement majeur vient bouleverser le quotidien de ces femmes. Il s’agit d’un côté d’avoir une famille mais de prioriser la carrière lorsque cela est nécessaire pour l’évolution de cette dernière. Par exemple, quand Jahia, mariée et mère de deux jeunes enfants, s’est vu proposer une bourse de trois ans à l’étranger, elle n’a pas hésité :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’ai pas perdu de temps : j’ai décidé tout de suite que je partirais parce que je savais que, quand je serais de retour, j’aurais une valeur ajoutée pour ma carrière. Mes enfants et mon mari comprendraient que je n’y suis pas allé pour m’amuser, mais pour accomplir quelque chose qui m’est cher. »</p>
</blockquote>
<p>Inversement, il peut s’agir d’avoir une carrière mais de prioriser la famille lorsque cette dernière fait face à un défi majeur ou une opportunité. Yeleen, par exemple, a accepté de ralentir sa carrière pour avoir des enfants. Elle nous a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Je sais que c’est le prix que j’ai dû payer pour ne pas avoir de carrière quand j’étais très jeune : c’était la bonne décision et je ne le regrette pas. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la cinquième stratégie consiste, face à la pression sociale et familiale à quitter le secteur, voire même le monde du travail pour se concentrer exclusivement sur la vie de famille, quitte à revenir plus tard.</p>
<h2>Une parité en trompe-l’œil</h2>
<p>Le maritime est, de fait, un secteur où la norme est genrée. C’est ce que mettent en évidence nos <a href="https://www.cluster-maritime.fr/la-filiere-maritime/les-enjeux-maritimes/egalite-professionnelle-hommes-femmes/">estimations</a> établies à partir de diverses sources (des <a href="https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace">études</a> des cabinets McKinsey et Grant Thornton combinées avec des rapports d’activité de la direction des ressources humaines de l’armateur leader CMA-CGM et des données collectées par le think tank Logisthinker.</p>
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<p>La parité semble parfois atteinte au niveau d’une entreprise, mais les femmes en moyenne ne représentent qu’autour d’un tiers des cadres et un dixième des cadres supérieurs. Dans le secteur public, au sein des autorités portuaires, une représentation équitable de chaque sexe est imposée et respectée, mais dans le détail les hommes sont directeurs, directeurs adjoints, directeurs de la stratégie ou des opérations et les femmes plutôt directrices des ressources humaines, de l’administration ou de la communication.</p>
<p>Plus que les différentes stratégies que portent ces femmes, ce que nous disent nos recherches dans un secteur connu comme étant l’un des plus machos, c’est que les femmes changent la donne grâce à leur attitude résiliente et leurs combats quotidiens. Elles montrent l’exemple à leurs consœurs et servent de rôle-modèles.</p>
<p>Dans ce secteur, aux institutions fortement biaisées en direction des hommes, ces femmes constituent ce que l’on appelle des « <a href="https://agritrop.cirad.fr/583871/7/Temple-EntrepreneurInstitutionnel-Pr%C3%A9-Print.pdf">entrepreneures institutionnelles</a> ». Elles font changer la logique de l’institution, font des émules et imposent peu à peu une nouvelle norme sociale pour le bien et le profit d’un secteur stratégique, s’il en est.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Lavissière est président de Logisthinker, un think tank qui travaille sur le secteur logistique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Linh-Chi Vo et Mary C. Lavissière ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Pourtant qualifiées, beaucoup de femmes préfèrent quitter les secteurs maritimes et portuaires que beaucoup considèrent encore réservés à des « bonshommes ».Alexandre Lavissière, Professeur de Logistique, CESIT - Centre d'Excellence Supply Chain - KEDGE, Kedge Business SchoolLinh-Chi Vo, Associate dean, Université catholique de Lyon (UCLy)Mary C. Lavissière, Associate professor, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1961652023-01-04T19:57:39Z2023-01-04T19:57:39ZAu Cambodge, une base militaire comme outil d’influence pour Pékin<p>L’accord passé en 2019 entre la Chine et le Cambodge sur la base de Ream a dernièrement généré une <a href="https://www.wsj.com/articles/china-to-upgrade-ream-naval-base-in-cambodia-fueling-u-s-concerns-11654674382">vague de publications</a> et de <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Belt-and-Road/Cambodia-s-China-dependence-deepens-as-first-expressway-opens">commentaires inquiets</a>. Cet accord prévoit l’ouverture d’installations et le stationnement d’unités de l’armée chinoise sur la base navale militaire cambodgienne. Pour bon nombre d’observateurs, Pékin renforce ainsi encore davantage son emprise sur l’Asie du Sud-Est, le long du désormais célèbre <a href="https://major-prepa.com/geopolitique/strategie-du-collier-de-perles-chinois/">« collier de perles »</a> (expression désignant les points d’appui chinois le long de la principale voie d’approvisionnement énergétique depuis le Moyen-Orient).</p>
<p>Qu’est-ce qui explique un tel <a href="https://foreignpolicy.com/2022/12/05/us-china-cambodia-ream-naval-base/">regain d’intérêt</a>, près de trois ans après les <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/2022/06/06/cambodia-china-navy-base-ream">premières révélations du <em>Wall Street Journal</em></a> et les publications successives de l’<a href="https://amti.csis.org/changes-underway-at-cambodias-ream-naval-base/"><em>Asia Maritime Transparency Initiative</em></a> (CSIS-AMTI), alors même qu’il n’y a encore eu aucune matérialisation (dans le domaine militaire en tout cas) de l’accord sur le terrain ?</p>
<p>L’accroissement continu des tensions en mer de Chine méridionale, l’absence d’avancées notables sur le <a href="https://thediplomat.com/2022/07/chinese-fm-pledges-progress-on-south-china-sea-code-of-conduct/">code de conduite pour la mer de Chine méridionale</a> sur lequel la Chine et les autres pays riverains travaillent depuis près de trente ans (voir la <a href="https://www.lemonde.fr//archives/article/1992/07/24/la-conference-de-l-asean-a-manille-les-pays-d-asie-du-sud-est-restent-preoccupes-par-les-intentions-de-la-chine_3901583_1819218.html">Déclaration de Manille de 1992</a>), et la diplomatie agressive de Pékin en période de Covid ont sans doute contribué à attirer l’attention sur toute nouvelle initiative chinoise dans la région. Qu’en est-il concrètement ?</p>
<h2>Une tempête dans un verre d’eau ?</h2>
<p>La modestie des installations de la base de Ream, limitées à un seul quai et un ensemble de bâtiments logistiques et administratifs dispersés sur un périmètre de près de 77 hectares, pourrait laisser à penser qu’il y a peut-être eu un peu d’emballement médiatique après l’évocation d’une « base secrète » chinoise au Cambodge.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1533926495529205760"}"></div></p>
<p>Une impression renforcée par la présence de fonds marins de l’ordre de sept mètres de profondeur, qui ne permettent l’accostage que de navires de dimensions modestes (mille tonnes au maximum), tels que des patrouilleurs. Peu d’intérêt stratégique a priori pour la <a href="https://meta-defense.fr/2021/12/16/la-marine-chinoise-aura-recu-8-nouveaux-destroyers-sur-la-seule-annee-2021/">marine chinoise</a> dont aucune des principales unités ne pourrait profiter des installations en l’état. Et pour quel usage, alors même qu’elle dispose déjà de <a href="https://amti.csis.org/island-tracker/china/">formidables bases aéronavales</a> dans les Spratleys et les Paracels ?</p>
<p>Cependant, plusieurs éléments posent question, notamment la nature secrète et les clauses de l’accord, qui pourraient refléter l’influence qu’exerce Pékin sur l’appareil sécuritaire cambodgien et la mainmise des réseaux chinois sur l’économie du pays, notamment à Phnom Penh et sur la côte, tout particulièrement dans la région de Sihanoukville.</p>
<h2>Un accord peut en cacher un autre</h2>
<p>Officiellement, l’accord vise à moderniser les installations portuaires de la base avec le soutien technique et financier de la Chine, afin de permettre l’accueil sur site de plus gros navires et de faciliter à la marine cambodgienne la conduite de ses missions de sécurité maritime dans le golfe de Thaïlande.</p>
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<p>Pourtant, l’accord ne se limite pas à des considérations d’investissements dans les infrastructures, et il convient de rappeler que le lancement du chantier a été précédé de la <a href="https://cambodianess.com/article/second-us-built-facility-demolished-at-ream-naval-base">destruction</a> et du déménagement de bâtiments financés par les États-Unis et le Vietnam – un précédent qui a contribué à tendre les relations entre Phnom Penh et Washington.</p>
<p>De même, les clauses de l’accord n’ont jamais été rendues publiques, mais on sait désormais qu’elles incluent, outre un bail sur la moitié de la base accordé à la Chine pour une durée initiale de trente ans, renouvelable par tacite reconduction, la possibilité de construire des installations, d’accoster des navires et de stocker des armes ainsi que des munitions.</p>
<p>Chose surprenante, il aurait été constaté que le personnel militaire chinois circule armé et <a href="https://www.news.com.au/technology/innovation/military/satellite-images-of-naval-base-in-cambodia-expose-chinas-lie/news-story/1f4a7e163199333684d3cb9e4e763ed8">habillé d’uniformes cambodgiens ou en civil</a>, sur le périmètre de la base. Les soldats chinois disposeraient en outre de passeports cambodgiens.</p>
<h2>Des liens sécuritaires devenus quasi exclusifs</h2>
<p>Par ailleurs, ce n’est un secret pour personne que des liens sécuritaires extrêmement forts unissent la Chine et le Cambodge depuis la période des Khmers rouges. À l’époque, la Chine a en effet fourni au régime Khmer rouge un soutien massif pour contrer l’invasion par le Vietnam, en pleine confrontation idéologique entre la Chine et l’URSS.</p>
<p>Depuis cette période, la Chine est devenue le <a href="https://www.reuters.com/article/us-cambodia-china-idUSKBN1JF0KQ">premier fournisseur d’armes du Cambodge</a> et le rythme n’a fait que s’accélérer ces dernières années, avec un mix de dons et de ventes à prix coûtant, <a href="https://english.cambodiadaily.com/news/china-donates-heavy-weaponry-to-military-84249">240 millions de dollars</a> environ pour les dix dernières années. Un montant qui inclut des véhicules logistiques et véhicules blindés, de l’artillerie, des hélicoptères, des systèmes anti-aériens, des uniformes, des armes de petit calibre et des munitions.</p>
<p>La situation est encore plus critique concernant la marine royale, dont la <a href="https://www.reuters.com/article/cambodia-china-idUKBKK24806720071025">totalité des quinze patrouilleurs</a> en service a été donnée en 2005 et 2007 par la Chine – un partenaire auprès de qui Phnom Penh devra donc se fournir pour l’ensemble des pièces détachées, ce qui pourrait gravement remettre en cause la souveraineté du Cambodge.</p>
<p>Dans le domaine de la formation des officiers, la Chine a fortement contribué à la création d’une académie militaire dont le programme a été conçu par le ministère chinois de la Défense et où l’enseignement est délivré aux cadets par du personnel essentiellement chinois. La formation comprend d’ailleurs un stage obligatoire de six mois en Chine.</p>
<p>Ce soutien sécuritaire tous azimuts s’accompagne également d’un soutien politique au premier ministre Hun Sen (en place depuis 1998), ce qui a poussé ce dernier à soutenir systématiquement les intérêts de Pékin, notamment en tant que président de l’<em>Asean</em>, en 2012 et 2022, ou en <a href="https://www.rfi.fr/fr/contenu/20091206-ouighours-fuite-cambodger%C3%A9fugi%C3%A9sdansleroyaume">remettant aux autorités de Pékin des Ouighours</a>.</p>
<h2>Ream, futur point d’appui de la stratégie chinoise en mer de Chine méridionale ?</h2>
<p>L’accord passé avec le Cambodge représente pour la Chine sa deuxième implantation à l’étranger après <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/djibouti-revelations-sur-la-tres-secrete-base-militaire-chinoise-qui-inquiete-les-occidentaux_831994">Djibouti</a>, exception faite des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/la-chine-accusee-de-batir-des-iles-artificielles-pour-etendre-sa-zone-maritime-1892288">installations en mer de Chine méridionale</a>. Une fois équipée, la base de Ream pourra accueillir des navires d’un poids allant jusqu’à 5 000 tonnes, soit la plupart des corvettes et frégates, et même certains destroyers de la marine chinoise.</p>
<p>Pour l’Indonésie, dont l’archipel des Natuna est situé à équidistance de Ream et des installations chinoises de <a href="https://clio-carto.clionautes.org/la-polderisation-de-fiery-cross-iles-spratleys-deuxieme-partie.html"><em>Fiery Cross Reef</em></a> (archipel des Spratley), il va sans dire que la possibilité offerte à la marine chinoise de ravitailler de part et d’autre de l’archipel ne pourra qu’entraîner une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/08/tensions-entre-pekin-et-djakarta-en-mer-de-chine-meridionale_6025220_3210.html">augmentation de la pression sur son dispositif sécuritaire et ses ressources</a>. C’est d’autant plus vrai que de <a href="https://lecourrier.vn/lindonesie-detecte-une-violation-continue-de-sa-zee-par-des-bateaux-de-peche-chinois/660496.html">nombreux affrontements</a> ont déjà eu lieu dans sa zone économique exclusive, ce qui l’a poussée à muscler son dispositif au cours des dernières années.</p>
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<p>Les autres pays de l’Asean riverains de la mer de Chine méridionale (outre l’Indonésie, c’est aussi le cas du Vietnam, des Philippines et de la Malaisie) s’inquiètent eux aussi des installations de Ream. Spécialement le Vietnam, pays voisin du Cambodge, qui a déjà connu de <a href="https://books.openedition.org/demopolis/1401?lang=fr">nombreux conflits frontaliers avec la Chine</a>, sans oublier les incidents réguliers <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/defense/36370-un-bateau-de-peche-vietnamien-coule-par-un-navire-chinois">entre navires de pêche vietnamiens et garde-côtes chinois</a>.</p>
<p>Coup médiatique, technique de revers pour intimider le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie tout à la fois, renforcement à peu de frais de son dispositif stratégique, démonstration de force à destination de l’<em>Asean</em>… il faut reconnaître que pour la Chine, l’accord passé avec le Cambodge constitue autant un fait accompli qu’un coup de maître dans ce qui s’apparente de plus en plus à un jeu de <a href="https://www.jardindechine.com/article-weiqi-ou-le-jeu-de-go-120032530.html"><em>Weiqi</em></a> : Pékin fait preuve d’un activisme tous azimuts pour avancer ses intérêts dans la région.</p>
<h2>La mise en concurrence, une technique bien huilée à Phnom Penh</h2>
<p>On le voit : d’apparence modeste, l’accord passé entre la Chine et le Cambodge sur l’octroi de facilités permanentes à la base de Ream revêt en réalité une grande importance du point de vue de la stratégie chinoise dans la région.</p>
<p>Pour ce qui est du Cambodge, cependant, il ne faudrait pas tirer de conclusions trop hâtives sur une supposée allégeance du royaume à la Chine. En son temps, le roi <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/norodom-sihanouk/">Norodom Sihanouk</a> (sur le trône de 1941 à 1955 puis de 1993 à 2004) a su mieux que quiconque multiplier les revirements d’alliances, se rapprochant successivement de la France, des États-Unis, de la Russie et de la Chine. Homme rusé, le premier ministre Hun Sen, qui exerce la réalité du pouvoir depuis 37 ans, a lui-même su naviguer d’un allié à un autre pour se maintenir au pouvoir.</p>
<p>Si les principaux partenaires commerciaux du Cambodge sont l’Union européenne et les États-Unis, le premier partenaire politique et sécuritaire est clairement la Chine. Cependant, et il faut peut-être y voir un signe, les trois fils de Hun Sen ont effectué des études militaires, non pas à Pékin mais… aux États-Unis (Hun Manet a ainsi étudié à <em>West Point</em>, Hun Manith au <em>George C. Marshall European Center for Security Studies</em> et Hun Many à la <em>National Defense University</em>) – preuve que la Chine ne contrôle pas encore tous les leviers de pouvoir dans le pays…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Blandin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pékin va moderniser une base de la marine cambodgienne, et en obtenir l’accès en contrepartie. Mais ce développement ne change pas fondamentalement la donne en Asie du Sud-Est.Benjamin Blandin, Doctorant en relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810072022-04-18T15:47:51Z2022-04-18T15:47:51ZGuerre en Ukraine : quel impact sur la politique de défense française ?<p>La guerre en Ukraine, qui engage de gros effectifs, est suivie de près dans les états-majors occidentaux. En effet, chaque conflit d’importance leur donne de précieuses informations tactiques et techniques pour adapter leurs modes opératoires. Celui en cours aura sans doute des conséquences directes sur la politique militaire de nombreux autres États, y compris la France.</p>
<p>Si des observateurs militaires officiels peuvent être envoyés auprès des deux camps, comme lors de la <a href="https://journals.openedition.org/framespa/918?lang=en">guerre russo-japonaise</a> (1905) ou pendant les <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social1-2008-1-page-13.htm">guerres balkaniques</a> (1911-1913), la pratique n’est ni systématique, ni toujours possible, notamment pour des raisons de diplomatie ou parce que les belligérants veulent maintenir le secret autour de leurs opérations. Divers moyens de renseignement, notamment les sources ouvertes qui profitent d’une profusion d’images dans les conflits actuels, permettent d’alimenter les « retours d’expérience » (Retex) pratiqués par de nombreuses armées.</p>
<h2>L’anticipation du retour aux guerres de haute intensité</h2>
<p>La guerre en Ukraine est un <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=287">conflit de haute intensité</a>. Sans avoir complètement disparu, cette forme traditionnelle d’affrontement devient désuète. Toutefois, malgré les <a href="https://www.leparisien.fr/politique/50-laureats-du-nobel-appellent-a-reduire-les-depenses-militaires-au-profit-de-la-lutte-contre-la-pauvrete-les-pandemies-et-le-rechauffement-climatique-13-12-2021-LCJWSQEZCBHWJB3GNED5LHC5QE.php">« dividendes de la paix »</a>, l’armée française a continué depuis la fin de la guerre froide à <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284108-defense-vers-un-retour-des-guerres-de-haute-intensite">se préparer</a> à des types variés d’opérations militaires, y compris de haute intensité, alors qu’en même temps ses interventions se fondaient sur le maintien de la paix ou sur des combats asymétriques contre des djihadistes en Afghanistan et au Mali. Elle a ainsi maintenu des compétences et des savoir-faire dans de nombreux domaines, comme le combat blindé mécanisé, la défense aérienne, le franchissement tactique de cours d’eau (ponts d’assaut du génie)…</p>
<p>Dans l’éventualité d’une nouvelle guerre de haute intensité, l’armée française a conservé un large panel de matériels, quoique parfois vieillissants et surtout en quantités restreintes : on parle parfois d’<a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2007-4-page-729.htm">« armée d’échantillons capacitaires »</a>, comme pour les systèmes sol-air ou les matériels du génie. Non seulement le coût unitaire de ces armes est donc élevé, mais leur quantité est aussi insuffisante pour un conflit de haute intensité.</p>
<p>En quelques semaines, les Russes semblent avoir perdu un nombre de chars plus élevé que le <a href="https://actu.fr/societe/guerre-en-ukraine-chars-avions-soldats-quelle-est-la-puissance-militaire-de-la-france_49291939.html">total de ceux possédés par la France</a>. Néanmoins, le déroulement des opérations en Ukraine n’a pas complètement surpris. Depuis quelques années déjà, l’armée française commençait à anticiper un retour à la haute intensité. De ce point de vue, les opérations à partir de 2014 dans le Donbass paraissent avoir constitué un tournant et entraîné une prise de conscience, jusqu’au parlement lui-même.</p>
<p>Une mission d’information de la commission de la défense à l’Assemblée nationale a précisément rendu, le 17 février 2022, une semaine avant le déclenchement de la guerre contre l’Ukraine, un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b5054_rapport-information">rapport « sur la préparation à la haute intensité »</a>. Tout s’y trouve déjà.</p>
<h2>L’aspect budgétaire</h2>
<p>En même temps, un gros effort financier a été entrepris depuis 2016 visant à renforcer les moyens de l’armée française, pour lui permettre de faire face aux actions terroristes, après les <a href="https://www.sudouest.fr/justice/terrorisme/2015-2020-cinq-ans-d-attentats-islamistes-meurtriers-en-france-1703731.php">attentats de 2015 et 2016</a>, d’être en mesure de répondre à un risque de conflit de haute intensité et enfin de renouveler certains parcs de matériels très anciens. Des <a href="https://www.arquus-defense.com/fr/larmee-francaise-choisit-le-vehicule-de-lavant-blinde-vab">véhicules de l’avant blindé</a> et certains hélicoptères sont en effet en service depuis la fin des années 1970, et sont deux fois plus âgés que ceux qui les utilisent.</p>
<p>Au milieu des années 2010, le montant du <a href="https://www.fipeco.fr/fiche/Les-d%C3%A9penses-militaires">budget annuel dévolu à la défense</a> était de 32 milliards d’euros : il est à près de 41 aujourd’hui. Cette évolution a été actée dans le cadre de la <a href="https://www.defense.gouv.fr/ministere/loi-programmation-militaire-2019-2025#:%7E:text=La%20Loi%20de%20programmation%20militaire,r%C3%A9parer%20et%20moderniser%20les%20arm%C3%A9es.">loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025</a>, qui a prévu une augmentation annuelle des dépenses de 1,7 milliard d’euros.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1440608170892660736"}"></div></p>
<p>Fait notable, cet engagement est actuellement respecté, ce qui n’a pratiquement jamais été le cas pour les précédentes LPM. Mais les moyens financiers ne sont qu’un aspect d’une question plus largement stratégique. Il s’agit peut-être moins de concevoir de nouveaux armements – ce qui nécessite beaucoup de temps – que de moderniser les forces et de constituer des stocks, notamment de munitions, pour tenir dans la durée.</p>
<h2>De nouvelles formes de guerre</h2>
<p>Le conflit en Ukraine a confirmé certaines évolutions récentes de l’art de la guerre. Il s’agit d’une guerre hybride, associant à la fois des formes conventionnelles, irrégulières et cybernétiques.</p>
<p>Certains avaient pu croire les conflits conventionnels révolus. Dans les années 2000, des stratèges s’interrogeaient même parfois sur la nécessité de continuer à concevoir des chars de bataille, très onéreux et servant peu. Entré en service dans l’armée française il y a près de 30 ans, le char Leclerc n’a ainsi été utilisé qu’une seule fois en opération (au Kosovo en 1999), malgré quelques dizaines d’exemplaires engagés.</p>
<p>Or, les Russes, et dans une moindre mesure les Ukrainiens, utilisent massivement des matériels et des armements lourds rappelant ceux de la guerre froide : blindés, canons de gros calibre, hélicoptères, avions d’assaut…</p>
<p>Le caractère de guerre irrégulière se retrouve dans l’emploi par les Russes de sociétés privées comme <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/qui-sont-les-mercenaires-recrutes-par-la-russie-pour-combattre-a-ses-cotes-en-ukraine-209230">Wagner</a>, qui préparent et complètent l’engagement des forces conventionnelles, et dans le recours par les Ukrainiens de milices et de forces paramilitaires capables de harceler leur adversaire.</p>
<p>Enfin, la cyberguerre se déploie de manière intensive, sans toutefois que l’Europe, qui en craignait les retombées sur ses propres systèmes, ne soit pour le moment visée. Elle est notamment le vecteur d’une guerre informationnelle. La propagande et le « bourrage de crâne » n’ont bien sûr rien de nouveau, mais l’utilisation systématique des réseaux sociaux amplifie considérablement l’effet de la communication de chacun des belligérants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-volodymyr-zelensky-est-en-train-de-gagner-la-guerre-de-la-communication-179011">Pourquoi Volodymyr Zelensky est en train de gagner la guerre de la communication</a>
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<h2>Pas de bouleversement, mais des réajustements nécessaires</h2>
<p>Ces modes d’action posent trois questions pour la définition d’une nouvelle politique militaire française.</p>
<p>D’une part, celle-ci doit prendre très largement en compte la montée en puissance de la cyberguerre. Un <a href="https://www.defense.gouv.fr/ema/commandement-cyberdefense-comcyber">commandement interarmées de la cyberdéfense</a> a été créé en 2017. Initialement conçu pour des missions défensives, il peut, depuis octobre 2021, mener des actions plus offensives dans le domaine cyber. La dernière LPM (2019-2025) planifie le renforcement de ce commandement, notamment à travers des recrutements supplémentaires. Il existe par ailleurs d’autres structures de protection des systèmes informatiques, comme l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) ou des services spécialisés de la police et de la gendarmerie.</p>
<p>D’autre part, la diversité de moyens qu’implique une guerre hybride fait que l’armée ne peut plus être la seule ou principale institution mobilisée pour répondre au conflit. Là encore, cela confirme une ancienne évolution. Dès 1906 est créé un <a href="http://www.sgdsn.gouv.fr/histoire/">Conseil supérieur de la Défense nationale</a>, au demeurant rarement réuni, qui associe plusieurs ministères. Puis la loi du 11 juillet 1938 sur « l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre » s’impose à de nombreuses structures de l’État. Enfin, l’<a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1959/01/12/l-ordonnance-sur-l-organisation-generale-de-la-defense-definit-les-attributions-des-ministres_2169779_1819218.html">ordonnance du 7 janvier 1959</a> « portant organisation générale de la défense » précise que « la politique de la défense est définie en conseil des ministres » et que les décisions en la matière sont arrêtées en comité de défense interministériel. Mais la guerre hybride fait aussi appel à des acteurs non étatiques tels que des entreprises ou des associations professionnelles (exploitants de drones civils par exemple) – ainsi qu’on le voit en Ukraine.</p>
<p>La troisième question est liée aux alliances de la France. Celle-ci ne peut pas tout faire toute seule, et se heurterait en outre rapidement à la difficulté de recruter des effectifs supplémentaires pour grossir les rangs de ses forces. En temps ordinaire, l’armée a déjà du mal <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2012/10/23/l-armee-francaise-peine-a-recruter-et-fideliser-ses-troupes_1779430_3210.html">à trouver et ensuite à fidéliser</a> suffisamment de volontaires. Le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN en 2009 y a renforcé sa position. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, il est par ailleurs beaucoup question de <a href="https://theconversation.com/la-guerre-en-ukraine-marque-t-elle-un-tournant-pour-la-defense-europeenne-180212">l’accroissement des capacités de défense de l’Union européenne</a>. Par le traité d’Amsterdam, entré en vigueur en 1999, l’UE a repris à son compte les <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM:petersberg_tasks">missions humanitaires, de maintien de la paix et de combat, dites de Petersberg</a>. En 2001, un état-major de l’Union européenne a été créé. Bien que sans grands moyens, il a piloté plusieurs opérations limitées dans les Balkans et en Afrique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Quel rôle pour la diplomatie de défense dans la politique étrangère française ?</span></figcaption>
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<p>La montée en puissance de l’armée française passera donc par une politique de défense clairement définie, au travers notamment des relations entre l’UE et l’OTAN, ainsi que par le développement de l’<a href="https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-des-conflits-futurs/nouveaux-enjeux-interoperabilite-2021">interopérabilité des forces</a>.</p>
<p>La guerre en Ukraine signifiera, pour la politique militaire de la France, des réajustements, notamment en termes capacitaires. En revanche, elle ne devrait pas déboucher sur un bouleversement stratégique, <a href="https://www.dw.com/fr/allemagne-d%C3%A9fense-bundeswehr-annonces-changement-espagne-littoral-changement-climatique/av-60971919">contrairement à l’Allemagne</a> par exemple. Il est d’ailleurs révélateur que, depuis le début de la guerre, Paris n’ait fait aucune annonce officielle concernant une éventuelle hausse supplémentaire de ses dépenses militaires, hormis une simple déclaration du président de la République, Emmanuel Macron, visant à <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/emmanuel-macron-souhaite-augmenter-le-budget-de-l-armee-s-il-est-reelu-82e65148-a5f5-11ec-aac6-9b43f61131bc">« amplifier » l’effort en la matière</a>, mais sans précision chiffrée. L’autre candidate à l’élection présidentielle, Marine Le Pen, a dit en revanche son <a href="https://www.laprovence.com/actu/en-direct/6656997/defense-marine-le-pen-veut-porter-le-budget-des-armees-a-55-milliards.html">intention de porter le montant de ces dépenses à 55 milliards par an</a> à partir de 2027 (contre les 50 milliards envisagés par la LPM pour 2025), et de <a href="https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/presidentielle-le-programme-de-defense-de-marine-le-pen-tourne-le-dos-a-leurope-1400406">retirer la France du commandement militaire intégré de l’OTAN</a> (comme entre 1966 et 2009).</p>
<p>Il n’en reste pas moins que, dans l’état actuel des choses, les lignes de force de la politique militaire de la France ont été anticipées par la loi de programmation militaire et par le rapport de la mission d’information parlementaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Boniface ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La guerre de haute intensité est de retour en Europe. L’état-major français suit de très près les développements militaires sur le terrain.Xavier Boniface, Professeur d'histoire contemporaine, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1814032022-04-15T12:00:44Z2022-04-15T12:00:44ZDe la perte du croiseur « Moskva » au naufrage de la Russie en Ukraine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458307/original/file-20220415-16-zljx8m.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1409%2C875&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le naufrage du navire amiral de la Flotte de la mer Noire entraînera-t-il toute la Russie par le fond ?</span> <span class="attribution"><span class="source">1976_niko/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Il est tentant de voir dans la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/guerre-en-ukraine-le-moskva-a-coule-un-naufrage-plus-que-symbolique">perte du croiseur russe <em>Moskva</em></a> le symbole d’un naufrage plus large : celui de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.</p>
<p>D’abord, cet événement a une portée opérationnelle, d’autant plus que la Flotte russe de la mer Noire ne peut être renforcée par la Flotte du Nord via les détroits des Dardanelles et du Bosphore, que la Turquie a <a href="https://www.7sur7.be/monde/la-turquie-ferme-le-bosphore-et-le-detroit-des-dardanelles-a-tous-les-navires-militaires%7Ea833020b/">fermés</a> depuis le début de l’« opération militaire spéciale » lancée par le Kremlin. Mais il a, surtout, une signification politique : la perte du principal navire russe à proximité des côtes ukrainiennes paraît illustrer le renversement progressif du rapport de force militaire, médiatique et stratégique entre l’Ukraine et la Russie.</p>
<h2>Sur le plan militaire, un rapport du faible au fort</h2>
<p>Qu’elle résulte d’une attaque ukrainienne (comme l’affirme Kiev) ou d’un incendie accidentel (comme le prétend Moscou), la disparition du croiseur <em>Moskva</em>, navire amiral de la Flotte de la mer Noire, met en évidence plusieurs aspects essentiels de la confrontation militaire en cours.</p>
<p>Admis au service actif en 1983, ce navire de plus de 12 000 tonnes, initialement baptisé <em>Slava</em> (Gloire), est un héritage de l’URSS, conçu dans les années 1970 par les ingénieurs soviétiques pour mener la deuxième guerre froide, celle de <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-brejnev-lantiheros-153946">l’ère Brejnev</a>, à une époque où les forces armées soviétiques étaient déployées sur tous les continents. Retiré du service pendant une décennie, de 1990 à 2000, il a contribué au renouveau des armées russes consacré par le <a href="https://www.frstrategie.org/publications/autres/modernisation-larmee-russe-enseignements-engagements-ukraine-syrie-2016">grand plan de modernisation</a> lancé en 2009 par Vladimir Poutine.</p>
<p>Son naufrage constitue le symbole des limites de cette modernisation des forces armées conduite pendant plus d’une décennie dans toutes les dimensions (air, terre, mer, cyber) pour affirmer la puissance de la Russie au loin (en Syrie depuis 2015) mais aussi à proximité de ses frontières (Caucase, Baltique, mer Noire, Atlantique Nord). En d’autres termes, la combinaison de l’héritage militaire soviétique et de la modernisation poutinienne des forces ne suffit pas à emporter une victoire militaire, décisive, nette et incontestable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1514893730372857857"}"></div></p>
<p>Depuis le début de l’invasion, en février, malgré les importantes pertes <a href="https://www.statista.com/statistics/1293492/ukraine-war-casualties">civiles</a> et <a href="https://www.aa.com.tr/en/russia-ukraine-war/russia-claims-14-000-ukrainian-soldiers-killed-16-000-wounded-in-war/2545990">militaires</a> subies par l’Ukraine, malgré la destruction de plusieurs <a href="https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-90-de-la-ville-assiegee-de-marioupol-detruite-selon-son-maire-20220404">villes</a> et de nombreuses <a href="https://abcnews.go.com/International/cost-damage-ukraines-infrastructure-amid-russias-invasion/story?id=83719126">infrastructures</a>, et malgré la supposée supériorité des forces armées russes, Moscou n’a pas atteint ses objectifs avoués : changer le gouvernement ukrainien et imposer au pays un statut de stricte neutralité.</p>
<p>Pour l’Ukraine, qui <a href="https://www.politico.eu/article/ukraine-war-strike-moskva-ship-missile-cruiser-go-fuck-yourself/">revendique d’avoir coulé le navire</a> comme une action d’éclat – cet épisode constitue tout un symbole d’espoir sur le plan militaire : longtemps <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220119-l-arm%C3%A9e-ukrainienne-un-poids-plume-face-au-rouleau-compresseur-russe">critiquée</a>, très récemment <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/russieneivisions/defense-ukrainienne-une-reforme-difficile-face-defis">réformée</a> et ne bénéficiant jusqu’à récemment que d’un soutien limité de la part des Occidentaux, l’armée ukrainienne prend ainsi sa revanche sur la supposée invincibilité de l’armée russe et sur un bâtiment qui a paralysé son action en mer. Au prix de nombreuses pertes, elle a en effet mis en échec une invasion déployée sur au moins quatre axes, appuyée par une aviation de premier rang et rompue aux opérations extérieures.</p>
<p>En outre, la disparition du <em>Moskva</em> a un effet direct sur la dimension maritime de l’invasion russe. Si Marioupol à l’est et Odessa à l’ouest sont des objectifs stratégiques de la Russie, c’est parce que la conquête de ces villes constituerait pour Moscou le parachèvement stratégique de l’annexion de la Crimée. En effet, elle lui permettrait de refaire de la mer Noire le « lac russe » qu’il était durant l’ère soviétique et de priver l’Ukraine de façade maritime. Mais une telle conquête repose largement sur la capacité des navires russes à appuyer depuis la mer l’assaut mené sur la terre ferme…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1497306713438969863"}"></div></p>
<p>Du naufrage d’un croiseur de 40 ans à la victoire sur la Russie, il y a un saut important, mais cet épisode souligne l’évidence : sur le plan militaire, l’Ukraine parvient à établir un rapport du faible au fort qui prive la Russie de la victoire qu’elle cherche depuis près de deux mois.</p>
<h2>Dans l’espace médiatique, un conflit de générations</h2>
<p>Le sort du <em>Moskva</em> est rapidement devenu l’enjeu d’un conflit bien éloigné de la mer Noire et des opérations navales. Depuis plusieurs heures, il incarne l’affrontement des récits.</p>
<p>D’un côté, la Russie minimise l’événement comme elle essaie d’atténuer l’impression de son <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/world/europe/putin-says-that-russia-cant-be-isolated/articleshow/90798688.cms">isolement international</a>, de minimiser le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/guerre-en-ukraine-comment-l-armee-russe-minimise-ses-pertes-considerables_2170539.html">nombre de ses soldats tués en Ukraine</a> et de récuser les <a href="https://www.rfi.fr/en/international/20220310-russia-rejects-war-crime-genocide-claims-following-mariupol-hospital-attack">accusations de crime de guerre</a>.</p>
<p>La communication de guerre de Moscou est rodée par l’expérience : elle avait déjà <a href="https://www.france24.com/fr/20151021-russie-syrie-propagande-intervention-militaire-campagne-mediatique-kremlin-poutine">donné sa mesure</a> dès le début de l’opération russe en Syrie. Elle est également appuyée sur la maîtrise d’<a href="https://www.lepoint.fr/monde/russie-l-usine-de-trolls-tourne-a-plein-regime-18-02-2020-2363138_24.php">« usines à trolls »</a> omniprésents sur les réseaux sociaux, et relayée par des médias traditionnels de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/guerre-en-ukraine-poutine-impose-un-controle-total-sur-linformation_fr_62233ff7e4b012a2628b1bd6">plus en plus contrôlés par le gouvernement</a> au nom de l’Union sacrée, de l’effort de guerre et de la fidélité à la patrie.</p>
<p>Toutefois, dans le cas de la perte du <em>Moskva</em>, la communication officielle russe s’illustre par son archaïsme : puisant sa matrice dans la propagande officielle issue de l’URSS, retrempée au culte de la personnalité télévisé du président russe, elle répète des thèmes si classiques qu’ils paraissent rabâchés et peinent à mobiliser. Tout entière structurée par la « verticale du pouvoir » qui, comme à l’ère soviétique, fait apparaître le chef seul au sommet du pouvoir et de la maîtrise, elle martèle à l’envi que la Russie fait l’objet d’un complot médiatique occidental qui déforme à dessein la réalité, comme dans le « simple » incendie accidentel sur le <em>Moskva</em>. En somme, une communication issue du XX<sup>e</sup> siècle équipée des technologies du XXI<sup>e</sup> siècle… exactement comme le <em>Moskva</em>, modernisé avec des équipements des années 2000.</p>
<p>La stratégie médiatique de l’Ukraine, elle, rompt avec le XX<sup>e</sup> siècle. Ce constat vaut en général pour la communication du président Zelensky et, en particulier, concernant l’épisode de la perte du <em>Moskva</em> – un navire qui avait déjà été moqué par l’Ukraine au début de la guerre, quand les marins ukrainiens de l’ïle aux Serpents, menacés par cet immense croiseur et sommés de se rendre, lui avaient répondu en des <a href="https://www.vice.com/en/article/jgm3mk/ukraine-russian-warship-go-fuck-yourself">termes peu amènes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1514885206628569088"}"></div></p>
<p>S’adressant directement aux opinions publiques et aux leaders politiques du monde entier, souvent dans leur propre langue, mettant en évidence des particuliers, résistants ou victimes de l’invasion russe, et pointant toutes les fissures du dispositif militaire russe, le président ukrainien et les agences de communication publiques ukrainiennes maîtrisent la grammaire des médias contemporains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-volodymyr-zelensky-est-en-train-de-gagner-la-guerre-de-la-communication-179011">Pourquoi Volodymyr Zelensky est en train de gagner la guerre de la communication</a>
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<p>Renonçant à monopoliser le récit, donnant à la communication officielle les apparences de la téléréalité presque spontanée, la communication ukrainienne actuelle est évidemment influencée par la précédente carrière de Zelensky, mais également par l’expérience acquise depuis la crise de 2014. Les agences publiques et privées mènent des contre-attaques virales face à la propagande russe grâce aux médias sociaux. En somme, dans la sphère médiatique comme dans les villes ukrainiennes, le gouvernement ukrainien mène une guerre de partisans qui privilégie le mouvement, l’esquive et les équipements légers, à l’instar des missiles anti-navires et anti-chars… et des vidéos auto-réalisées du président ukrainien.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1514862418165444614"}"></div></p>
<p>Dans le conflit entre Ukraine et Russie pour la conduite du récit, l’asymétrie des moyens et l’hétérogénéité des stratégies sont frappantes dans le cas du <em>Moskva</em>. D’un côté, une propagande d’État guindée, basée sur le déni systématique. De l’autre, une nouvelle génération de communicants, réactifs et agiles.</p>
<h2>Victoire improbable, négociations impossibles</h2>
<p>La perte du croiseur <em>Moskva</em> souligne également l’état du rapport de force politique et diplomatique entre une Russie qui peine à remporter la victoire et une Ukraine durablement affaiblie. Ce navire avait en effet permis à la Flotte de la mer Noire de la Russie de faire jouer sa supériorité militaire. Grâce à sa puissance de feu, la Russie avait établi un <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/europe/russia-ukraine-black-sea-coast-b2035317.html">blocus des côtes ukrainiennes</a>, entravant et la vie économique des régions du sud du pays et l’affirmation de la souveraineté ukrainienne dans ses propres eaux territoriales.</p>
<p>Aujourd’hui, la perte de ce navire n’est pas un « game changer » : elle ne consacre ni la défaite de la Russie, ni la victoire de l’Ukraine. Il ne précipite pas non plus des pourparlers de cessez-le-feu et prépare encore moins des négociations de paix. À l’instar de bien des épisodes de la guerre, cet événement ne laisse pas entrevoir d’issue. C’est tout le tragique de cette guerre : des succès symboliques sont possibles mais des victoires définitives semblent exclues. De sorte que les hostilités semblent devoir s’éterniser, au prix de multiples vies humaines, en particulier parmi les civils ukrainiens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181403/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour la Russie, les conséquences militaires de la perte du « Moskva » sont réelles, mais l’effet le plus important est symbolique.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710282021-11-02T18:03:18Z2021-11-02T18:03:18Z« Guerre de la pêche » entre Londres et Paris : les leçons de l’Histoire<p>Le différend qui oppose le Royaume-Uni à la France au sujet des territoires de pêche s’est dernièrement intensifié. Le jeudi 28 octobre, les autorités françaises ont <a href="https://www.lefigaro.fr/international/brexit-paris-pret-au-combat-pour-ses-pecheurs-face-a-londres-20211028">saisi un chalutier britannique</a>. Londres a immédiatement réagi en convoquant l’ambassadrice de France.</p>
<p>Cet épisode survient dans un contexte marqué par des tensions croissantes autour des <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/licences-de-peche-post-brexit-on-vous-explique-la-nouvelle-passe-d-armes-entre-la-france-et-le-royaume-uni_4829241.html">licences de pêche</a>, que les bateaux français doivent désormais, du fait du Brexit, obtenir pour avoir le droit de continuer de travailler dans les eaux britanniques. Face aux nombreux rejets de demandes de licences dont se plaignent les pêcheurs normands (notamment à Jersey), le gouvernement français a menacé de soumettre les entreprises de pêche britanniques à une bureaucratie harassante, voire d’interdire aux chalutiers anglais l’accès aux ports de l’Hexagone, et même de couper l’alimentation électrique des îles anglo-normandes.</p>
<p>De son côté, le gouvernement britannique a menacé de prendre des mesures de rétorsion et a mis des navires de la Royal Navy en état d’alerte, au cas où les pêcheurs français tenteraient de bloquer ces îles. Les discussions visant à résoudre le problème n’ont jusqu’ici <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/11/01/licences-de-peche-post-brexit-londres-demande-a-paris-de-retirer-ses-menaces_6100568_3210.html">pas permis d’aboutir à une solution définitive</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1454095992123498507"}"></div></p>
<p>Ces événements font suite à des affrontements antérieurs lors des négociations sur le Brexit, mais ils s’inscrivent aussi dans une histoire plus longue. La comparaison la plus évidente pourrait être les <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa7600258901/guerre-de-la-morue-a-l-abordage">« guerres de la morue » des années 1950 et 1970</a>, durant lesquelles le Royaume-Uni tenait le rôle inverse. À l’époque, l’Islande avait mis fin à un accord antérieur et exclu les pêcheurs britanniques des eaux territoriales islandaises.</p>
<p>En réalité, les conflits relatifs à la pêche remontent à bien plus loin encore. Un rappel de l’histoire de ces disputes autour des eaux territoriales et de l’accès aux ressources maritimes peut nous aider à comprendre pourquoi ces questions restent encore étroitement liées à l’identité nationale moderne – et pourquoi les deux gouvernements ont réagi de manière aussi spectaculaire.</p>
<p>Au début des années 1600, par exemple, la république des Sept Provinces Unies des Pays-Bas possédait la <a href="http://expositions.bnf.fr/marine/arret/06.htm">plus grande flotte de pêche d’Europe</a>. Un avocat écossais, William Welwod, <a href="http://name.umdl.umich.edu/A14929.0001.001">a écrit</a> que la surpêche effectuée par cette flotte en mer du Nord menaçait les stocks marins de la région – un argument qui a donné à Londres un prétexte pour défier la domination néerlandaise et récupérer une partie des précieuses ressources. Les intérêts des dirigeants britanniques étaient, en l’occurrence, plus économiques qu’écologiques. Ils ont donc essayé d’imposer de nouvelles licences et taxes aux <a href="https://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo-histoire/595156/les-britanniques-et-la-mer-du-xviie-siecle-au-brexit">navires de pêche néerlandais</a>. Mais les efforts de la Royal Navy – à l’époque sous-financée, mal équipée et inefficace – pour faire appliquer cette politique se sont révélés largement insuffisants. Plus agiles et rapides, les navires hollandais pouvaient littéralement se permettre de tourner autour de leurs poursuivants britanniques.</p>
<h2>La « mer fermée »</h2>
<p>Au XVII<sup>e</sup> siècle, les Britanniques et les Néerlandais se sont fait la guerre trois fois pour la suprématie commerciale et maritime. Les politiques de pêche s’inscrivaient donc dans le cadre d’un conflit plus large autour de la souveraineté maritime. C’est de ce débat qu’est né le droit international moderne.</p>
<p>Le conflit a commencé avec la publication en 1609 de <a href="http://diue.unimc.it/e-library/mer_fr.pdf"><em>Mare liberum</em></a> (De la liberté des mers) par l’avocat et diplomate néerlandais <a href="https://www.herodote.net/Le_plus_fort_n_a_pas_tous_les_droits-synthese-2168.php">Hugo Grotius</a>. Dans ce texte, il proclame que personne ne peut contrôler la mer ou empêcher les autres de pêcher et de commercer. Ce livre était à l’origine destiné à l’empire portugais, qui tentait d’empêcher les Néerlandais de commercer dans l’océan Indien. Mais ses idées ont également été suscité une levée de boucliers en Grande-Bretagne.</p>
<p>Encouragés par les <a href="https://www.highlandtitles.fr/2018/02/la-maison-stuart-les-monarques-decosse/">monarques Stuart</a>, William Welwod et d’autres auteurs, dont l’avocat et député <a href="http://www.droitphilosophie.com/article/lecture/ouverture-presentation-de-john-selden-45">John Selden</a>, ont répondu à Grotius pour défendre les eaux territoriales de la Grande-Bretagne. L’influent ouvrage de John Selden, <a href="http://expositions.bnf.fr/lamer/grand/106.htm"><em>Mare Clausum (Traité sur la politique de la mer)</em></a>, remet en question les affirmations d’Hugo Grotius et s’appuie sur des exemples historiques pour démontrer que les États ont le droit de revendiquer des parties de la mer.</p>
<p>Remontant jusqu’aux Romains et aux Grecs, l’avocat britannique mentionne aussi des États qui lui sont contemporains, comme Venise, et a fouillé dans l’histoire de l’Angleterre médiévale pour trouver des précédents appropriés, mais souvent douteux, notamment du temps du roi saxon Alfred au IX<sup>e</sup> siècle. John Selden fait grand cas du programme de construction navale lancé par Alfred, mentionné dans diverses chroniques saxonnes, mais <a href="https://doi.org/10.1111/1095-9270.12421">celui-ci était très probablement exagéré</a>.</p>
<p>La culture populaire a elle aussi participé d’une réécriture de l’histoire pour justifier les revendications britanniques sur la mer. La célèbre chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rB5Nbp_gmgQ">« Rule, Britannia ! »</a>, qui est scandée chaque année lors de la dernière soirée du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Proms">festival des Proms</a>, a été écrite au XVIII<sup>e</sup> siècle dans le cadre <a href="https://ota.bodleian.ox.ac.uk/repository/xmlui/bitstream/handle/20.500.12024/K030406.000/K030406.000.html">d’une mascarade de cour</a> qui dépeignait Alfred (encore une fois, de manière plutôt douteuse) comme un héros naval, censé mettre la Grande-Bretagne sur la voie de son destin maritime.</p>
<p>Ces idées étaient bien sûr facilement manipulables à des fins de <em>realpolitik</em>. Lorsque les Néerlandais ont à leur tour tenté d’interdire aux Britanniques de commercer dans l’océan Indien, les négociateurs anglais ont cité les écrits d’Hugo Grotius <a href="https://archive.org/details/sovereigntyofsea00fultiala">à leurs homologues néerlandais</a> (parmi lesquels, ironiquement, se trouvait Grotius lui-même).</p>
<h2>L’ouverture</h2>
<p>Au XVIII<sup>e</sup> siècle, ces différends ont abouti à un large accord sur les eaux territoriales en Europe (la <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271409-les-oceans-ont-ils-des-frontieres">« limite des trois milles »</a>, basée sur la portée d’un coup de canon), ainsi qu’à l’acceptation générale du principe de la liberté de la mer.</p>
<p>Tout au long des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, avec l’expansion de l’empire britannique et la recherche agressive de nouveaux marchés, le gouvernement anglais a adopté l’idée de la liberté des mers. Bien que les dirigeants du pays n’aient pas abandonné l’idée des eaux territoriales, ceux qui interrompaient le commerce britannique, généralement au nom de leur propre souveraineté maritime, étaient qualifiés de « pirates » et souvent <a href="https://doi.org/10.1017/S0165115311000301">détruits</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429716/original/file-20211102-13-dj9qqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de l’Empire britannique en 1886.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Forgemind Archimedia/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces préoccupations ont <a href="https://popsciences.universite-lyon.fr/le_mag/lepineux-compromis-du-partage-des-oceans/">resurgi au cours du XXᵉ siècle</a>, à la fois en <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2015-1-page-56.htm">raison du développement d’armes d’une portée supérieure</a> à trois miles et de l’importance croissante de l’accès au pétrole et aux autres ressources naturelles sous-marines.</p>
<p>Certains pays ont revendiqué des eaux territoriales s’étendant jusqu’à 200 miles en mer. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 (influencée, en partie, par les guerres de la morue) <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1985-v16-n4-ei3023/701927ar.pdf">visait à résoudre certaines de ces questions</a> mais plusieurs nations, dont les États-Unis, ne l’ont jamais ratifiée officiellement.</p>
<p>Si le différend actuel sur la pêche reprend à certains égards des arguments exprimés par le passé, il existe aussi une différence importante. Aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, la pêche <a href="https://www.heritage.nf.ca/articles/en-francais/exploration/18e-siecle-peche.php">était économiquement vitale</a> pour la Grande-Bretagne. En 2019, le secteur ne représente plus que <a href="https://www.bbc.co.uk/news/46401558">0,02 % de l’économie nationale</a>. Il dépend également de la coopération avec l’Union européenne, puisque près de la moitié des prises annuelles du Royaume-Uni y sont exportées.</p>
<p>La position intransigeante des gouvernements britannique et français dans ce conflit peut donc sembler excessive. Elle reflète toutefois le statut symbolique permanent de la pêche et de la souveraineté maritime, un statut qui a fait l’objet de débats répétés depuis au moins le XVII<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Richard Blakemore ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux comprendre la passe d’armes actuelle entre le Royaume-Uni et la France sur les droits de pêche, un détour par l’Histoire s’impose.Richard Blakemore, Associate Professor in Social and Maritime History, University of ReadingLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1698582021-10-21T21:11:39Z2021-10-21T21:11:39ZSi la Russie coupe les câbles sous-marins, l’Europe peut perdre son accès à Internet<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449542/original/file-20220302-23-19aar7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1500%2C999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le navire-espion russe Yantar serait capable de trancher les câbles sous-marins par lesquels transite l’essentiel du réseau Internet européen. </span> <span class="attribution"><span class="source">Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les fonds marins constituent plus que jamais un terrain d'affrontement qu'il faut maîtriser pour être prêt à se défendre. Les forces armées occidentales envisagent désormais le scénario cauchemardesque d'un <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/new-atlanticist/cord-cutting-russian-style-could-the-kremlin-sever-global-internet-cables/">black-out total d’Internet en Europe</a>, puisque 99% du réseau mondial passent par les câbles sous-marins.</p>
<p>La création d’un programme européen destiné à accroître les capacités de l'UE en matière 1) de prévention contre les attaques visant ces infrastructures et 2) de réparation des dommages qu'elles pourraient infliger devient plus urgente que jamais. </p>
<p>Les navires russes, « de pêche » ou « océanographiques », et qui sont généralement collecteurs de renseignements, sillonnent de plus en plus les côtes de la France et de l’Irlande par lesquelles passent ces autoroutes de l'information. </p>
<p>On rappellera que le <a href="http://www.opex360.com/2021/08/20/le-navire-espion-russe-yantar-repere-pres-de-deux-cables-de-telecommunications-au-large-de-lirlande/">Yantar</a>, navire « océanographique » qui dispose d'un mini-sous-marin de type AS-37, a pu plonger <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/un-navire-russe-soupconne-de-se-livrer-a-des-operations-despionnage-au-large-de-lirlande-1412415">en août 2021</a> jusqu'à 6 000 mètres de profondeur au large des côtes irlandaises, en suivant la route des câbles <a href="https://spds.fr/2021/08/30/la-guerre-des-fonds-marins-quand-les-abysses-font-surface/">Norse et AEConnect-1</a> qui relient l'Europe aux États-Unis. </p>
<p>La Russie, qui avait coupé les câbles ukrainiens en 2014, aurait donc la capacité de répéter l’opération sur l’ensemble de l’Europe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1497249184205975552"}"></div></p>
<p>Même si l'on a tendance à croire que nos smartphones, ordinateurs et autres machines sont liés les uns aux autres via l’espace, l’essentiel – près de 99 % du trafic total sur Internet – est ainsi assuré par les lignes sous-marines, véritable « colonne vertébrale » des télécommunications mondiales. </p>
<p>On compte plus de 420 cables dans le monde, totalisant 1,3 million de kilomètres, soit plus de trois fois la distance de la Terre à la Lune. Le record : 39 000 kilomètres de long pour le câble <a href="https://www.submarinenetworks.com/systems/asia-europe-africa/smw3">SEA-ME-WE 3</a>, qui relie l’Asie du Sud-Est à l’Europe de l’Ouest en passant par la mer Rouge.</p>
<h2>Un enjeu vital</h2>
<p>On estime que plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2017-3-page-19.htm">10 000 milliards de dollars de transactions financières <em>quotidiennes</em></a>, soit quatre fois le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830613#figure1_radio2">PIB <em>annuel</em> de la France</a>, transitent aujourd’hui par ces « autoroutes du fond des mers ». C’est notamment le cas du principal système d’échanges de la finance mondiale, le <a href="https://www.swift.com/fr/swift-en-francais">SWIFT</a> (<em>Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications</em>), qui vient d'être interdit à de nombreuses banques russes.</p>
<p>La sécurité de ces transactions est une question politique, économique et sociale. C’est un enjeu majeur qui a longtemps été ignoré. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6dkiqJ_IZGw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Avec 36 nouveaux câbles, l’année 2020 fut marquée par un nombre record de déploiements.</span></figcaption>
</figure>
<p>Or, l’extrême concentration géographique des câbles, notamment au niveau de leur point d’atterrissement (<a href="https://www.marseille-port.fr/projets/cables-sous-marins">Marseille</a>, <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/penmarch-29760/penmarc-h-depuis-1959-penmarc-h-est-reliee-l-amerique-6675661">Bretagne</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=K_nnUbX7uuQ">Cornouailles</a>…), les rend particulièrement vulnérables.</p>
<p>*<em>D'où l'inquiétude après l'invasion de l'Ukraine initiée par la Russie. *</em></p>
<h2>Une infrastructure très sensible</h2>
<p>Ces infrastructures sont aujourd’hui aussi cruciales que les gazoducs et les oléoducs. Mais sont-elles aussi bien protégées ?</p>
<p>Les câbles sous-marins modernes utilisent la fibre optique pour transmettre les données à la vitesse de la lumière. Or, si à proximité immédiate du rivage les câbles sont généralement renforcés, le diamètre moyen d’un câble sous-marin n’est pas signifativement supérieur à celui d’un tuyau d’arrosage :</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/z8din7hS8Ok?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les câbles sous-marins, cibles de toutes les convoitises, France 24, 10 juin 2021.</span></figcaption>
</figure>
<p>Depuis plusieurs années, les grandes puissances se livrent une <a href="https://www.anoraa.org/articles/20995-quest-ce-que-la-guerre-hybride">« guerre hybride »</a>, mi-ouverte mi-secrète, pour le contrôle de ces câbles. Alors que l’Europe <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/cybersecurity/">se concentre de plus en plus sur les menaces de cybersécurité</a>, l’investissement dans la sécurité et la résilience des infrastructures physiques qui sous-tendent ses communications avec le monde entier ne semble pas aujourd’hui une priorité.</p>
<p>Or, ne pas agir ne fera que rendre ces systèmes plus vulnérables à l’espionnage et aux perturbations qui coupent les flux de données et nuisent à la sécurité du continent.</p>
<p>On recense en moyenne chaque année plus d’une centaine de <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/les-cables-sous-marins-talon-d-achille-de-l-internet-mondial-jean-luc-vuillemin">ruptures de câbles sous-marins</a>, généralement causées par des bateaux de pêche traînant les ancres.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426405/original/file-20211014-23-1rj1wm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coupe du câble sous-marin Kanawa reliant la Guyane à la Martinique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Orange</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est difficile de mesurer les attaques intentionnelles, mais les mouvements de certains navires commencèrent à attirer l’attention dès 2014 : leur route suivait les câbles sous-marins de télécommunication.</p>
<p>Les premières attaques de l’ère moderne datent de 2017 : câbles Grande-Bretagne–USA, puis France–États-Unis, arrachés par les chalutiers d’une <a href="https://www.washingtonpost.com/world/europe/russian-submarines-are-prowling-around-vital-undersea-cables-its-making-nato-nervous/2017/12/22/d4c1f3da-e5d0-11e7-927a-e72eac1e73b6_story.html">grande puissance coutumière de l’emploi de forces irrégulières</a> lors de tensions internationales. Si ces attaques demeurent inconnues du grand public, elles n’en sont pas moins préoccupantes, et démontrent la capacité de puissances extérieures à couper l’Europe du reste du monde. On rappellera qu’en 2007, des pêcheurs vietnamiens ont coupé un câble sous-marin afin d’en récupérer les matériaux composites et de tenter de les revendre. Le Vietnam perdit ainsi près de 90 % de sa connectivité avec le reste du monde pendant une période de trois semaines. Une attaque de ce type est extrêmement facile à réaliser, y compris par des acteurs non étatiques.</p>
<h2>Couper des câbles sous-marins, une pratique de guerre ancienne et éprouvée</h2>
<p>Les récentes attaques subies par des câbles transportant le trafic voix et données entre l’Amérique du Nord et l’Europe donnent l’impression qu’il s’agit d’un fait nouveau. Or ce n’est pas le cas : la France et le Royaume-Uni <a href="https://books.openedition.org/igpde/3199?lang=fr">ont déjà vécu cette expérience</a>… aux mains des Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Ces câbles faisaient partie du réseau mondial de télégraphie par câblogrammes.</p>
<p>De même, les États-Unis ont eux-mêmes coupé des câbles en temps de guerre comme moyen de perturber la capacité d’une puissance ennemie à commander et contrôler ses forces distantes.</p>
<p>Les premières attaques de ce type ont eu lieu en 1898, lors de la <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/amsudant/guerre_hispano-americaine.htm">guerre hispano-américaine</a>. Cette année-là, dans la baie de Manille (aux Philippines), l’USS Zafiro <a href="https://warontherocks.com/2015/11/silencing-the-enemy-cable-cutting-in-the-spanish-american-war/">coupa le câble reliant Manille au continent asiatique</a> afin d’isoler les Philippines du reste du monde, ainsi que le câble allant de Manille à la ville philippine de Capiz. D’autres attaques spectaculaires contre les câbles eurent lieu dans les Caraïbes, plongeant l’Espagne dans le noir quant à l’évolution du conflit à Porto Rico et à Cuba, ce qui contribua largement à la victoire finale des États-Unis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dMr079BPp7Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La coupure du câble de Cienfuegos durant la guerre hispano-américaine, le 11 mai 1898.</span></figcaption>
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<p>Sensible aux exploits, à l’époque très médiatisés, des « valorous seamen », le Congrès attribuera à ces marins <a href="https://www.cmohs.org/recipients/page/1?conflicts%5B%5D=spanish-american-war">51 des 112 médailles d’honneur</a> décernées au titre de la guerre hispano-américaine.</p>
<h2>Les trois grandes causes de risque</h2>
<p>De nos jours, trois tendances accélèrent les risques pour la sécurité et la résilience de ces câbles.</p>
<ul>
<li><p>La première est le <a href="https://theconversation.com/the-worlds-data-explained-how-much-were-producing-and-where-its-all-stored-159964">volume croissant des données</a> circulant sur les câbles, ce qui incite les États tiers à espionner ou à perturber le trafic.</p></li>
<li><p>La seconde est l’intensité capitalistique croissante de ces installations, qui mènent à la création de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ACE_-_Africa_Coast_to_Europe">consortiums internationaux impliquant jusqu’à des dizaines de propriétaires</a>. Ces propriétaires sont distincts des entités qui fabriquent les composants des câbles et de celles qui posent les câbles le long du fond océanique. La multipropriété permet de baisser les coûts de manière substantielle, mais elle permet en même temps l’entrée dans ces consortiums d’acteurs étatiques qui pourraient utiliser leur influence pour perturber les flux de données, voire les interrompre dans un scénario de conflit.</p></li>
</ul>
<p>À l’autre bout du spectre, les GAFAM ont aujourd’hui les capacités financières et techniques de <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-10-04/facebook-et-google-sont-derriere-linstallation-du-plus-long-cable-sous-marin-du-monde-long-de-45-000-km-682ae356-1f39-48ae-bc15-ea9fbc2fda80">faire construire leurs propres câbles</a>. Ainsi le <a href="https://la-rem.eu/2020/09/google-inaugure-dunant-en-france-son-second-grand-cable-sous-marin-detenu-en-propre/">câble Dunant</a>, qui relie la France aux États-Unis, appartient-il en totalité à Google.</p>
<p>Les géants chinois se sont également lancés dans une stratégie de conquête sous-marine : il en va ainsi du <a href="http://www.peacecable.net/">câble Peace</a>, reliant la Chine à Marseille, propriété de la société <a href="http://www.hengtonggroup.com/en/home/company/index.html">Hengtong</a>, considérée par le gouvernement chinois comme un <a href="https://www.axios.com/sale-of-huaweis-underseas-cables-could-leave-risks-unaddressed-388845c5-efa8-413d-95d2-06fe93de9c06.html">modèle d’« intégration civilo-militaire »</a>.</p>
<p>Une autre menace, l’espionnage, nécessite des sous-marins spécialement équipés, ou des submersibles opérant à partir de navires, capables d’intercepter, voire de modifier, les données transitant dans les câbles à fibres optiques sans les endommager. À ce jour, seuls la Chine, la Russie et les États-Unis disposent de tels moyens.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SOx0DrUxSJ4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cyberguerre sous les mers, Géopolitis, 5 mars 2017.</span></figcaption>
</figure>
<p>Le point le plus vulnérable des câbles sous-marins est cependant l’endroit où ils atteignent la terre : les <a href="https://www.submarinenetworks.com/stations">stations d’atterrissage</a>. Ainsi, la commune de <a href="https://www.google.com/maps/place/L%C3%A8ge-Cap-Ferret/@44.7249062,-1.2956161,11z/data=!3m1!4b1!4m5!3m4!1s0xd54a1a2dbc63bbf:0x40665174816e260!8m2!3d44.795454!4d-1.147783">Lège-Cap-Ferret</a> (33), en bordure du Porge où va être construit le local d’interface entre le câble franco-américain <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/le-cable-sous-marin-reliant-le-porge-aux-etats-unis-est-sorti-de-terre-1632584773">« Amitié »</a>, est-elle devenue ces derniers temps un véritable nid d’espions, selon des sources informées.</p>
<p>Mais la tendance la plus préoccupante est que de plus en plus de câblo-opérateurs utilisent des systèmes de gestion à distance pour leurs réseaux câblés. Les propriétaires de câbles les plébiscitent car ils leur permettent de faire des économies sur les coûts de personnel. Cependant, ces systèmes ont une sécurité médiocre, ce qui expose les câbles à des risques de cybersécurité.</p>
<h2>Il est nécessaire de développer une force de sécurisation des câbles</h2>
<p>Face aux menaces physiques pesant sur les câbles, le Japon et les États-Unis ont récemment lancé une série d’initiatives visant à sécuriser ces infrastructures.</p>
<p>Les programmes de l’Administration maritime américaine promeuvent le développement et le maintien d’une marine marchande « adéquate et suffisante, capable de servir en tant qu’auxiliaire naval et militaire en temps de guerre ou d’urgence nationale », à travers des dotations en fonds propres, <a href="https://www.umt.edu/research/ORSP/guidelines/capitalexpenditures.php"><em>CAPEX grants</em></a>, aux chantiers navals privés construisant notamment des navires capables de réparer les câbles sous-marins.</p>
<p>Les câbliers sont généralement conçus autour de grandes cuves qui stockent la fibre optique puis la mettent en place. Pour une telle opération, ces navires ont besoin de puissance et d’agilité : leurs générateurs produisent jusqu’à 12 mégawatts d’électricité qui alimentent cinq hélices, permettant au bâtiment de se déplacer dans plusieurs dimensions.</p>
<p>Il existe aujourd’hui une quarantaine de câbliers dans le monde. <a href="https://www.iscpc.org/information/cableships-of-the-world/?items=0">La France en possèderait 9</a>, dont un seul pour la maintenance de tous les câbles de l’Atlantique Nord jusqu’à la mer Baltique : le <a href="https://marine.orange.com/fr/flotte/pierre-de-fermat/">Pierre de Fermat</a>, basé à Brest.</p>
<p>Ces navires sont capables d’appareiller en moins de 24 heures en cas de dommage détecté sur le câble. À bord, un équipage d’une soixantaine de marins dispose de <a href="https://marine.orange.com/fr/engins-sous-marins/hector/">drones sous-marins</a> et <a href="https://marine.orange.com/fr/engins-sous-marins/la-charrue-elodie/">d’autres instruments</a> permettent la réparation. Ainsi le Pierre de Fermat a-t-il pu inspecter et réparer très rapidement le câble transatlantique endommagé par une puissance tierce, en 2017.</p>
<p>Mais qu’adviendrait-il en cas d’attaques multiples ? Ni la France, ni le Royaume-Uni ne disposent aujourd’hui des moyens nécessaires à la défense et à la réparation de ces câbles en cas d’attaques simultanées.</p>
<p>L’exécutif américain s’est récemment penché sur la question. Outre l’extension du SSGP, <a href="https://www.maritime.dot.gov/grants-finances/small-shipyard-grants"><em>small shipyard grant program</em></a>, il a encouragé l’Administration maritime à enrôler diverses associations émanant de la société civile, tel l’<a href="https://propellerclub.us/">International Propeller Club</a>, dans le cadre de programmes visant à minimiser ces menaces. L’idée est de créer une sorte de « milice des câbles sous-marins », capable d’intervenir rapidement en cas de crise. Le Propeller Club compte plus de 6 000 membres et a récemment obtenu une aide de 3,5 milliards de dollars destinée à l’industrie maritime dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.</p>
<p>La France est le point d’entrée de la plupart des câbles reliant l’Europe au reste du monde.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1440669533157556227"}"></div></p>
<p>Le coût pour les seules finances publiques françaises d’un programme de sécurité des câbles sous-marins serait cependant prohibitif, quand bien même la société civile y serait largement associée, sur le modèle américain.</p>
<p>De même, la création d’un « Airbus des câbles sous-marins » capable de rivaliser avec les GAFAM dont la part de marché pourrait passer de 5 % à 90 % en 6 ans, ne pourra à l’évidence devenir réalité qu’à condition que l’Europe en fasse un thème clé.</p>
<p>Dans un contexte d’accroissement des tensions internationales, la question de la création d’un programme européen modelé sur les programmes américain et japonais, visant à l’augmentation des opérations de dissuasion des attaques de ces infrastructures et au développement d’une capacité de construction et de réparation à la hauteur des enjeux, mérite d’être posée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Besanger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les grandes puissances se livrent une guerre sans merci pour le contrôle des autoroutes de l’information sous-marines. Quels enjeux pour l’Europe ?Serge Besanger, Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1686902021-10-01T13:22:30Z2021-10-01T13:22:30ZLa Russie face au traité AUKUS sur les sous-marins nucléaires<p>Les réactions mondiales face au nouveau pacte de sécurité, dit AUKUS, signé entre l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni ont été pour le moins mitigées. La Chine et la France ont immédiatement critiqué l’accord, tandis que d’autres pays, comme le Japon et les Philippines, l’ont accueilli plus favorablement.</p>
<p>La Russie, l’une des rares autres nations armées de sous-marins à propulsion nucléaire, s’est montrée plus discrète et plus prudente dans sa réaction initiale.</p>
<p>Le Kremlin a limité <a href="https://iz.ru/1222495/2021-09-16/v-kremle-vyskazalis-ob-alianse-ssha-velikobritanii-i-avstralii">ses commentaires officiels</a> à une déclaration soigneusement rédigée stipulant que :</p>
<blockquote>
<p>« Avant de prendre position, nous devons comprendre les buts, les objectifs et les moyens. Il faut d’abord répondre à ces questions. Il y a peu d’informations pour l’instant. »</p>
</blockquote>
<p>Certains diplomates russes se sont toutefois joints à <a href="https://www.lefigaro.fr/international/sous-marins-la-chine-denonce-une-clique-irresponsable-20210916">leurs homologues chinois</a> pour exprimer leur inquiétude quant au fait que le développement de sous-marins à propulsion nucléaire par l’Australie (avec l’aide des Américains et des Britanniques) porterait atteinte au traité de non-prolifération nucléaire et « <a href="https://tass.com/world/1339043">accélérerait une course à l’armement</a> » dans la région.</p>
<p>Ils ont aussi suggéré que la construction de la flotte australienne de sous-marins nucléaires devrait être <a href="https://tass.com/politics/1339095">supervisée</a> par l’Agence internationale de l’énergie atomique – une proposition à laquelle Canberra ne donnera sans doute pas suite.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-sous-marins-nucleaires-sont-un-choix-militaire-judicieux-pour-laustralie-face-a-la-chine-168202">Pourquoi les sous-marins nucléaires sont un choix militaire judicieux pour l’Australie face à la Chine</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>« Le prototype d’une OTAN asiatique »</h2>
<p>À mesure que l’on en apprenait plus sur le nouveau pacte de sécurité, la rhétorique des responsables du Kremlin a commencé à changer.</p>
<p>Après que l’ancien ambassadeur australien aux États-Unis, Joe Hockey, a <a href="https://www.skynews.com.au/australia-news/defence-and-foreign-affairs/hockey-aukus-a-gamechanger-against-china-russias-increasing-capabilities/video/b3e6af09203e4d47d76be02f8b1037dd">audacieusement déclaré</a> que l’AUKUS était destiné à contrer non seulement la puissance de la Chine dans la région indo-pacifique, mais aussi celle de la Russie, le secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie, Nikolaï Patrouchev, <a href="https://aif.ru/politics/russia/cepnaya_reakciya_haosa_nikolay_patrushev_o_chuzhdyh_rossii_soyuzah_i_cennostyah">qualifiait le pacte</a> de « prototype d’une OTAN asiatique ». Il ajoutait :</p>
<blockquote>
<p>« Washington essaiera d’impliquer d’autres pays dans cette organisation, principalement pour mener des politiques anti-chinoises et anti-russes. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1440366714860998656"}"></div></p>
<p>Ce changement de rhétorique ne devrait pas surprendre l’Australie. La Russie considère <a href="https://rusemb.org.uk/press/2029">depuis longtemps</a> que toute modification de la sécurité régionale – la création de nouvelles alliances, par exemple, ou le déploiement de nouveaux systèmes d’armes – constitue un risque militaire qui appelle une réponse.</p>
<h2>Vendre ses propres sous-marins nucléaires</h2>
<p>Quelles sont donc les options que la Russie pourrait envisager comme réponse à la signature de l’AUKUS ?</p>
<p>Étant donné que Moscou considère plutôt le pacte comme un risque politique et militaire, mais pas encore comme une menace, ses réponses immédiates se limiteront probablement à des manœuvres politiques et à la saisie d’opportunités.</p>
<p>Peut-être la Russie pourrait-elle voir l’accord sur les sous-marins comme un précédent qui lui donne l’occasion de promouvoir sa propre technologie de sous-marins nucléaires auprès des parties intéressées dans la région. Ce n’est pas seulement une hypothèse : cela a été suggéré par des <a href="https://www.mk.ru/politics/2021/09/17/ssha-otkryli-yashhik-pandory-na-rynke-atomnykh-podlodok.html">experts militaires</a> ayant des liens étroits avec le ministère russe de la Défense.</p>
<p>Historiquement, la Russie s’est abstenue de partager sa technologie de sous-marins nucléaires, qui est considérée comme l’une des meilleures au monde, et est certainement supérieure aux capacités naissantes de la Chine.</p>
<p>Jusqu’à présent, Moscou n’a conclu que des accords de location avec <a href="https://www.indiatoday.in/india-today-insight/story/why-the-us-won-t-give-india-nuclear-submarines-1854818-2021-09-20">l’Inde</a>, permettant à sa marine d’utiliser des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire de fabrication soviétique et russe depuis 1987. Mais cela n’a pas impliqué de transfert de technologie.</p>
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<p>Si la Russie décidait de commercialiser ses sous-marins à propulsion nucléaire auprès d’autres nations, les acheteurs potentiels ne manqueraient pas. Comme l’a <a href="https://www.mk.ru/politics/2021/09/17/ssha-otkryli-yashhik-pandory-na-rynke-atomnykh-podlodok.html">suggéré un expert de la question</a>, le Vietnam ou l’Algérie sont des marchés potentiels – mais il pourrait y en avoir d’autres. Selon lui, un nouveau marché pour les sous-marins à propulsion nucléaire est en train de se créer.</p>
<h2>Étendre sa force sous-marine dans le Pacifique</h2>
<p>À plus long terme, la Russie ne négligera pas non plus l’évidence : le nouveau pacte unit deux nations dotées de l’arme nucléaire (les États-Unis et le Royaume-Uni) et une Australie qui sera bientôt dotée de sous-marins nucléaires.</p>
<p>La portée accrue des futurs sous-marins australiens pourrait les amener à opérer dans le Pacifique ouest et nord-ouest, des zones où la marine militaire russe est régulièrement présente.</p>
<p>Si les systèmes d’armement embarqués à bord de ces sous-marins devaient avoir l’Extrême-Orient russe ou certaines parties de la Sibérie à leur portée, cela changerait la donne pour Moscou.</p>
<p>En tant que superpuissance nucléaire, la Russie devra en tenir compte dans sa planification stratégique. Cela signifie que l’Australie doit surveiller de près les activités militaires de la Russie dans le Pacifique au cours des prochaines années.</p>
<p>Au cours des douze prochains mois, par exemple, la flotte russe du Pacifique devrait recevoir au moins trois sous-marins à propulsion nucléaire.</p>
<p>Deux de ces sous-marins de quatrième génération (classe Yasen-M) sont <a href="https://nationalinterest.org/blog/buzz/bad-news-russia-and-china-have-submarines-nearly-good-navy-190524">technologiquement supérieurs</a> à ceux actuellement construits par les Chinois et seraient <a href="https://www.navalnews.com/naval-news/2021/08/how-russias-yasen-m-submarine-compares-to-the-u-s-navys-block-v-virginia/">presque comparables</a> aux sous-marins nucléaires américains envisagés comme option pour l’Australie.</p>
<p>Le troisième est un sous-marin modifié de 30 000 tonnes de la classe Oscar II <a href="https://www.navyrecognition.com/index.php/naval-news/naval-news-archive/2021/april/9946-belgorod-submarine-with-status-6-poseidon-will-be-a-part-of-pacific-fleet.html">Belgorod</a> converti pour transporter plusieurs super-torpilles nucléaires <a href="https://www.popularmechanics.com/military/weapons/a36110992/russia-poseidon-apocalypse-torpedo-updates/">capables</a> de détruire de grandes bases navales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1120688968792723456"}"></div></p>
<p>D’ici à 2028, j’estime que la marine russe sera dotée d’au moins quatorze sous-marins à propulsion nucléaire et de six sous-marins d’attaque conventionnels dans le Pacifique.</p>
<p>Si la Russie commence à considérer l’AUKUS comme une menace militaire, il faut s’attendre à ce qu’elle se dote d’autres sous-marins encore. Leur zone d’opérations pourrait également être étendue à la mer de Chine méridionale, et au-delà.</p>
<h2>Vers une coalition maritime Russie-Chine ?</h2>
<p>Le scénario le plus dramatique verrait la Russie et la Chine former une coalition maritime pour contrer la puissance militaire combinée du pacte AUKUS.</p>
<p>Compte tenu de l’approfondissement des <a href="https://www.defence.gov.au/adc/publications/ajdss/documents/volume3-number1/strategic-reality-check-russia-china-defence-cooperation-alexey-muraviev.pdf">relations de défense entre la Russie et la Chine</a>, en particulier dans le domaine naval, cela ne semble pas irréaliste.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laustralie-face-a-la-chine-la-montee-des-tensions-156807">L’Australie face à la Chine : la montée des tensions</a>
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<p>Mais il est peu probable que cette éventuelle coalition devienne une véritable alliance maritime, et encore moins la base d’un <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/india/quad-nations-to-kick-off-4-day-malabar-naval-war-games-with-eye-on-china/articleshow/85649928.cms">bloc</a> plus large impliquant d’autres pays. Néanmoins, si la Russie et la Chine devaient coordonner leurs activités navales, ce serait une mauvaise nouvelle pour l’AUKUS.</p>
<p>En cas d’escalade des tensions, Moscou et Pékin pourraient considérer l’Australie comme le maillon faible du pacte. Dans son langage grandiloquent habituel, le journal chinois <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202109/1234460.shtml">Global Times</a> a déjà qualifié l’Australie de « cible potentielle pour une frappe nucléaire ».</p>
<p>C’est peut-être un scénario tiré par les cheveux, mais en entrant dans la course aux sous-marins nucléaires dans la région indo-pacifique, l’Australie va intégrer un club d’élite, dont certains membres sont des adversaires. Et il est possible que cela conduise à une sorte de guerre froide navale dans la région indo-pacifique.</p>
<p>Les sceptiques diront peut-être que Moscou ne fera probablement que parler mais n’agira pas, et que les risques posés par la Russie à l’Australie sont minimes. Espérons que ce soit le cas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexey D Muraviev ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du fait de la signature du fameux traité AUKUS, la Russie, qui possède ses propres sous-marins nucléaires, pourrait renforcer sa flotte et, aussi, commercialiser certains appareils…Alexey D Muraviev, Associate Professor of National Security and Strategic Studies, Curtin UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1687862021-10-01T13:22:28Z2021-10-01T13:22:28ZAUKUS : la France, grande perdante du duel américano-chinois<p>Vue d’Europe, l’annulation par l’Australie de la commande de douze sous-marins à propulsion diesel-électrique construits en partenariat avec l’industriel français Naval Group, suivie de l’annonce de l’acquisition de huit unités américano-britanniques à propulsion nucléaire fait débat, voire suscite le scandale. L’analyse des orientations stratégiques des protagonistes, de leur vision de l’Indo-Pacifique et de la place qu’y tient la Chine fournit quelques éléments d’explication.</p>
<p>Un partenariat de sécurité nouveau, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/press-briefings/2021/09/15/background-press-call-on-aukus/">l’AUKUS, rassemblant les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni</a>, vient d’apparaître, avec l’objectif d’une coopération industrielle, militaire et technologique renforcée, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et du cyber afin de faire contrepoids à l’expansion multidimensionnelle de la Chine dans l’Indo-Pacifique. La marginalisation délibérée de la France dessine les contours d’une stratégie exclusivement américaine de l’Indo-Pacifique, compris comme un espace de <em>containment</em> de la puissance chinoise.</p>
<p>Cette « sécuritisation » du concept d’Indo-Pacifique affaiblit la diplomatie coopérative et les partenariats alternatifs proposés tant par la France que par l’Union européenne qui, au lendemain de l’annonce de l’AUKUS, rendait publique sa <a href="https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/104126/joint-communication-indo-pacific_en">Stratégie de Coopération pour l’Indo-Pacifique</a>.</p>
<p>La naissance de l’AUKUS projette une image troublante : celle d’une alliance élitiste, occidentale et nucléaire dans laquelle une grande partie des États littoraux d’Asie du Sud-Est et d’Océanie ne se reconnaîtront pas. Plus encore, elle traduit une <em>hubris</em> américaine sur laquelle il convient de s’interroger.</p>
<h2>L’Australie en quête d’une réassurance de sécurité américaine</h2>
<p>Sous l’angle stratégique, la <a href="https://foreignpolicy.com/2021/09/20/australia-aukus-nuclear-submarines-china/">décision du gouvernement Morrison</a> de se doter de plates-formes sous-marines plus performantes en termes de discrétion, de vitesse et d’endurance à la mer peut s’expliquer.</p>
<p>Les relations avec la Chine se sont <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/la-chine-menace-de-bombarder-laustralie-si-elle-intervient-dans-un-conflit-sino-taiwanais-1402855">notoirement dégradées</a> ces deux dernières années. Mais au-delà de la protection des approches maritimes de l’île, ces futurs sous-marins sont dimensionnés pour des missions de dissuasion et de recueil de renseignements loin des côtes nationales et de l’Océanie.</p>
<p>Des patrouilles en mer de Chine du Sud et probablement dans le détroit de Taïwan sont également envisageables, ce qu’escompte sans doute le commandement américain. Sa stratégie semble en effet d’essayer de contenir la présence navale chinoise dans la première chaîne d’îles, c’est-à-dire du Japon aux côtes indonésiennes, en incluant Taïwan.</p>
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<p>Même à propulsion nucléaire, ce qui aurait été techniquement réalisable, le Barracuda français ne pouvait apporter la garantie de sécurité traditionnelle octroyée par le grand frère américain à Canberra dont le parapluie nucléaire. Or, depuis la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, l’Australie est restée alignée sur les options stratégiques des États-Unis.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rupture-par-laustralie-du-contrat-du-siecle-etait-previsible-168247">Pourquoi la rupture par l’Australie du « contrat du siècle » était prévisible</a>
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<p>Le choix par Canberra d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) américain permettrait aux États-Unis de disposer d’une flotte de submersibles puissants, interopérables, équipés de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/syrie/les-tomahawks-ces-missiles-americains-qui-ont-bombarde-la-syrie_3058073.html">missiles de croisière Tomahawk</a>, à laquelle s’ajouteraient les moyens britanniques. Cela renforcerait considérablement la posture de dissuasion américaine face à la Chine, avec des capacités de frappe en profondeur supplémentaires. Les futurs SNA australiens pourraient également assurer des fonctions d’escorte et de protection lors de déploiements de groupes de combat américains.</p>
<p>Or, non seulement la France ne peut offrir cette garantie diplomatico-militaire américaine, mais elle propose une « troisième voie » à la région afin d’échapper au poids déstabilisant de la compétition sans merci que se livrent les États-Unis et la Chine – une troisième voie qui n’était pas acceptable pour Joe Biden. Elle est donc écartée d’emblée de la constitution de cette coalition de démocraties maritimes à laquelle sa qualité d’alliée transatlantique lui donnait pourtant un accès incontestable.</p>
<h2>L’organisation d’une dissuasion maritime intégrée contre la Chine</h2>
<p>Du point de vue américain, ce nouveau partenariat comble une vulnérabilité géopolitique. Depuis les années 1980, <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/pacte_du_Pacifique/136722">l’ANZUS (Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis)</a>, le système d’alliance mis en place par les États-Unis en 1951 pour contenir l’expansion communiste en Asie, était inactif, en raison de la posture antinucléaire de la Nouvelle-Zélande.</p>
<p>Pour autant, <a href="https://ras-nsa.ca/fr/publication/comprendre-lalliance-des-cinq-yeux-five-eyes/">l’accord Five Eyes</a>, issu de la Seconde Guerre mondiale et désignant l’alliance des cinq services de renseignement des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, avait continué à fonctionner. Les échanges s’étaient intensifiés avec la lutte contre le terrorisme et désormais dans le suivi des activités de la Chine.</p>
<p>Des accords entre Canberra et Washington ont structuré la relation de défense bilatérale. Le <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/australia-us-defence-deal-what-it-means">« Force Posture Agreement », FPA, signé en 2015</a>, prévoit un soutien logistique mutuel entre les deux armées, dont le positionnement d’équipements et la rotation annuelle de jusqu’à 2 500 marines américains à Darwin. Il vient d’être renforcé par la mise en place, dans la foulée de l’AUKUS, de la <a href="https://www.defence.gov.au/initiatives/usfpi/">Enhanced Force Posture Initiative</a> qui parachève cette intégration logistique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-quad-pilier-de-la-strategie-indo-pacifique-de-ladministration-biden-158966">Le Quad, pilier de la stratégie indo-pacifique de l’administration Biden ?</a>
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<p>L’administration Biden a relancé le QUAD, ce dialogue de sécurité créé en 2007 rassemblant quatre puissances maritimes indopacifiques (les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde). En deux réunions qu’il a lui-même présidées face à ses homologues, une en mars et l’autre en septembre 2021, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/09/24/fact-sheet-quad-leaders-summit/">Joe Biden a défini une feuille de route</a> destinée à fournir une alternative au projet chinois de BRI, <em>Belt and Road Initiative</em>, en mettant l’accent sur des problématiques de sécurité élargie : production de vaccins, changement climatique, construction d’infrastructures, autonomie des chaînes d’approvisionnement, cybersécurité.</p>
<p>Ces thématiques sont très présentes dans la stratégie indopacifique européenne. Or, la France ne fait pas formellement partie du QUAD, ni même du format QUAD plus – un mécanisme complémentaire destiné à en élargir le réseau de partenaires – bien qu’elle participe activement à de nombreux exercices d’entraînement navals avec ses membres.</p>
<p>L’AUKUS marque l’ambition renouvelée des États-Unis dans le Pacifique avec la concrétisation du <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2013-2-page-7.htm">pivot vers l’Asie</a>, ce redéploiement militaire et politique amorcé par la présidence Obama. L’actuelle administration y apporte le concept de <a href="https://insidedefense.com/insider/austin-calls-integrated-deterrence-block-china">dissuasion intégrée</a>, c’est-à-dire la mise en réseau d’alliés, de partenariats et de capacités, et devrait par ailleurs diffuser une nouvelle stratégie pour l’Indo-Pacifique. Ce virage vers le « tout militaire » ne manquera pas de faire réagir, voire surréagir la Chine mais aussi l’Iran ou la Russie.</p>
<h2>La marginalisation des approches indopacifiques française et européenne</h2>
<p>Dans ce contexte de reprise en main américaine, la relégation française était prévisible. La France paie ici une revendication d’autonomie stratégique qui ne fait pas sens aux yeux de Washington, dont la priorité est de rééquilibrer le plus rapidement la balance des forces en présence dans l’Indo-Pacifique. Le fait qu’elle n’ait pas été associée à l’évolution de l’appréciation des besoins stratégiques de l’Australie, avec laquelle pourtant son partenariat se renforçait, en dit long sur l’alignement américain de Canberra, qui n’en demeure pas moins, pour Paris, un voisin avec qui la coopération reste inévitable.</p>
<p>La France est en effet un <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asie-oceanie/l-espace-indopacifique-une-priorite-pour-la-france/">pays riverain de l’Indo-Pacifique</a> et possède des intérêts stratégiques à défendre du fait de sa présence dans les bassins indien et océanien de la région. Elle y dispose d’une vaste <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/zone-economique-exclusive-zee">Zone économique exclusive (ZEE)</a> à contrôler et est elle-même confrontée à des menaces – trafics, pêche illégale, atteintes à la biodiversité, changement climatique – qui affectent ses voisins insulaires dans le sud de l’océan Indien et l’Océanie. Les opérations d’influence et la politique d’investissements chinoises dans l’ensemble du Pacifique préoccupent autant Paris que Canberra et Washington.</p>
<p>Les ambitions de puissance régionale de la France s’adossaient précisément à des partenariats avec des acteurs clés de la région, dont l’Inde, l’Australie et le Japon. Ce dernier, qu’inquiète l’agressivité des revendications maritimes chinoises, a d’ailleurs plutôt <a href="https://www.aa.com.tr/fr/politique/le-ministre-japonais-de-la-d%C3%A9fense-kishi-salue-laccord-tripartite-aukus/2373689">favorablement accueilli l’AUKUS</a>.</p>
<p>Dès 2012, lors du forum du Shangri La sur la sécurité en Asie, la France évoquait déjà les défis stratégiques communs de la région, dont la sécurité maritime, point majeur de ses interventions suivantes. En 2016, soulignant l’importance d’y défendre le droit de la mer, <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/199480-declaration-de-m-jean-yves-le-drian-ministre-de-la-defense-sur-limpl">elle s’était engagée à des déploiements réguliers de sa marine dans la région</a> en proposant des patrouilles coordonnées des forces navales européennes afin d’y maintenir une présence visible et d’y entretenir l’usage approprié de la liberté de navigation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423337/original/file-20210927-13-1gfoy6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La France, présente en Indo-Pacifique depuis longtemps, vient de convaincre l’Europe d’adopter une approche coordonnée vis-à-vis de la région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère des Armées</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’AUKUS, et ce qu’il implique de conséquences stratégiques et militaires, affecte la France mais aussi l’UE. La France, seul pays membre de l’Union présent en Indo-Pacifique avait réussi à convaincre l’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres États membres d’adopter une approche coordonnée vis-à-vis de cet espace maritime dont la stabilité est vitale pour la prospérité de l’Europe.</p>
<p>La création de l’AUKUS au moment où <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/281546-ue-une-nouvelle-strategie-europeenne-dans-la-region-indo-pacifique">l’UE rend publique une approche de l’Indo-Pacifique basée sur la coopération</a>, les partenariats et la recherche d’un dialogue politique avec la Chine met crûment en relief les divergences de fond entre les analyses américaines, européennes et françaises.</p>
<p>Plus encore, l’UE, en se présentant comme une puissance stabilisatrice, est jugée velléitaire par une administration américaine qui est en train de faire le tri parmi ses alliés, partenaires et soutiens. Pour Washington, elle ne constitue pas un acteur susceptible d’apporter une contribution visible à la sécurité régionale en dépit de certaines initiatives de renforcement des capacités maritimes littorales.</p>
<p>Autrement dit, l’Union est disqualifiée, si ce n’est exclue, au moment où, poussée par la France, elle cherche à conceptualiser son approche géopolitique globale et à se positionner comme une puissance stratégique, notamment dans le secteur de la sécurité maritime. Confrontée à l’obsession anti-chinoise de Joe Biden, la présidence française de l’UE prévue en 2022 s’annonce complexe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168786/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus que pour des sous-marins nucléaires, l’Australie a fait le choix des États-Unis pour les garanties de sécurité qu’ils lui fournissent. La France et l’Europe vont devoir se repositionner.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1682472021-09-20T20:44:35Z2021-09-20T20:44:35ZPourquoi la rupture par l’Australie du « contrat du siècle » était prévisible<p>Si la création de la nouvelle alliance <a href="https://www.courrierinternational.com/article/analyse-avec-le-pacte-aukus-washington-et-canberra-se-jettent-leau-pour-contrer-pekin">AUKUS</a> – Australie, Grande-Bretagne, États-Unis – représente un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/crise-des-sous-marins-une-rupture-majeure-de-confiance-declare-jean-yves-le-drian_4776043.html">« coup dans le dos »</a> porté à la France, une « trahison » impensable « entre alliés », l’annulation unilatérale par l’Australie du contrat d’achat de sous-marins français constitue, quant à elle, un camouflet pour la diplomatie française.</p>
<p>Mais cette annulation était-elle si inattendue ? La réponse est non, et ce pour plusieurs raisons historiques, culturelles et diplomatiques.</p>
<h2>Les enjeux du contrat pour la France</h2>
<p>Rappelons d’emblée les enjeux de ce fameux <a href="https://www.challenges.fr/challenges-soir/sous-marins-australiens-l-histoire-secrete-du-contrat-du-si%C3%A8cle_28184">« contrat du siècle »</a>, dont l’accord de principe a été entériné entre Paris et Canberra en avril 2016, avant une signature officielle en décembre de la même année. Fer de lance de cette politique stratégique, la France devait doter l’Australie de sous-marins Barracuda à propulsion diesel-électrique pour un montant de 34 milliards d’euros, engageant Naval Group sur une durée de 25 ans.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"725057279872081920"}"></div></p>
<p>Il s’agissait pour la France de développer un <a href="https://au.ambafrance.org/IMG/pdf/texte_final_declaration__cle84c526.pdf">partenariat clef</a> avec la nation la plus importante du Pacifique Sud, partenariat qui aurait dû sceller une entente étroite et durable sur un demi-siècle, renforçant ainsi le maillage diplomatique, stratégique et militaire français dans un espace au cœur de <a href="https://actu.fr/loisirs-culture/apres-l-oceanie-convoitee-voici-l-indo-pacifique-les-nouvelles-routes-de-la-soie_43684596.html">toutes les convoitises</a>.</p>
<p>Ce plan, à la fois judicieux – car il proposait une <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/fr_a4_indopacifique_16p_2021_v7_cle4ebee1.pdf">troisième voie diplomatique</a> pour la région, libérée de l’étau sino-américain – et ambitieux – car il entendait donner une force de projection inédite à la France (et dans son sillage à l’Europe) dans la zone Indopacifique – comprenait cependant deux faiblesses qui auront eu raison de lui et des ambitions françaises.</p>
<h2>Les États-Unis dans le Pacifique</h2>
<p>Premièrement, il convient de rappeler que si l’Océanie demeure à ce jour le plus petit continent en termes économiques et démographiques, les États-Unis le contrôlent et le surveillent depuis 1945. Ils disposent d’un <a href="https://www.pacom.mil/About-USINDOPACOM/">réseau de bases militaires</a> dans toute la région, y ont des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/United_States_Miscellaneous_Pacific_Islands">territoires en propre</a>, des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_libre-association">associations politiques anciennes</a> et un <a href="https://geoimage.cnes.fr/fr/geoimage/hawai-lile-doahu-et-la-base-aeronavale-de-pearl-harbor-un-site-geostrategique-pour-la">État</a> de leur fédération.</p>
<p>Profitant d’un tout relatif recul de leur présence dans le Pacifique sous l’administration Obama (dont Joe Biden était le vice-président), la Chine a considérablement durci sa <a href="https://www.areion24.news/2020/02/13/la-chine-a-la-conquete-de-lindo-pacifique/">politique expansionniste</a> dans la <a href="https://asiepacifique.fr/chine-militarisation-mer-de-chine-meridionale-asiepacifiquenews/">zone</a>, ce qui a à son tour suscité, ces <a href="https://fmes-france.org/lopportunisme-naval-chinois-dans-le-pacifique-ouest-se-poursuivra-t-il-en-2021-par-arnaud-peyronnet/">trois dernières années</a>, un revirement américain.</p>
<p>Et c’est ici que la carte australienne entre dans la partie. Les Américains souhaitent l’annulation du contrat passé par Canberra avec la France et son remplacement par un contrat passé avec Washington – ce qui leur permettra d’assurer leur mainmise sur une flotte de sous-marins qu’ils auront construits eux-mêmes. Les États-Unis retournent ainsi à la doctrine du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-23kmhc3P8U">« avec nous ou contre nous »</a> initiée en <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2006-4-page-25.htm">2001</a> : ils ne peuvent plus, dès lors, tolérer de troisième voie dans le Pacifique. Cette inflexibilité américaine ne peut que conduire à une escalade des tensions entre Washington et Pékin ; en outre, elle se traduit par un comportement inamical des États-Unis à l’égard de leurs alliés, à commencer par la France.</p>
<h2>L’Australie britannique à la recherche d’un grand frère</h2>
<p>Deuxièmement, le Quai d’Orsay et l’Élysée ont été victimes de leur propre méconnaissance de l’univers mental des Australiens en croyant pouvoir inverser à leur profit plus de deux cents ans d’histoire diplomatique australienne.</p>
<p>Rappelons ici que l’Australie contemporaine est issue d’une <a href="https://www.herodote.net/26_janvier_1788-evenement-17880126.php">colonie de déportation pénitentiaire</a> établie par les Britanniques en 1788. D’autres colonies sont progressivement établies, puis celles-ci <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9d%C3%A9ration_de_l%27Australie">s’unissent en 1901</a>, toujours au sein de l’Empire britannique, donnant à l’Australie la structure fédérale qu’on lui connait aujourd’hui. Les premières lois votées par le jeune Parlement interdisent alors l’entrée sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Australie_blanche">sol australien aux personnes déclarées non blanches</a>, en réalité les personnes non anglo-saxonnes.</p>
<p>Au cours de la Première Guerre mondiale, les troupes australiennes se battent au sein de l’armée britannique qui les contrôle de bout en bout. L’Australie étant un loyal sujet de Sa Majesté, <a href="https://www.aph.gov.au/About_Parliament/House_of_Representatives/Powers_practice_and_procedure/00_-_Infosheets/Infosheet_20_-_The_Australian_system_of_government">Elizabeth II demeure à ce jour son chef d’État</a>. De 1788 à 1941, la sécurité de l’Australie est entièrement <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Singapore_strategy">assurée par la Royal Navy</a> et quelques petites frégates australiennes.</p>
<p><a href="https://www.nma.gov.au/defining-moments/resources/fall-of-singapore">Coup de tonnerre en 1941</a> : les Britanniques abandonnent le verrou militaire constitué par Singapour et de facto tout engagement à l’Est de cette zone, prenant de court les Australiens qui, horrifiés, se retrouvent sans défense face au risque de voir les Japonais déferler sur le Pacifique. Persuadée (à tort, de toute évidence) de l’imminence d’une invasion japonaise, l’Australie met en place une <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Brisbane_Line">ligne d’abandon</a> de son territoire septentrional et de repli de sa population tout en appelant officiellement l’Amérique à son secours via les <a href="http://john.curtin.edu.au/audio/00434.html">ondes radiophoniques</a>.</p>
<p>Or après l’humiliation de Pearl Harbor, les États-Unis recherchent des bases dans le Pacifique. Résultat : entre <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_Brisbane">1942 et 1945</a>, une personne sur dix se trouvant sur le sol australien est un GI américain. Originellement britannique, l’Australie s’américanise alors pour le plus grand plaisir des Australiens, qui transforment leurs habitudes culturelles, de consommation et surtout leur politique diplomatique. Quatre-vingts ans plus tard, le tournant de 1941-1942 structure encore profondément les choix géostratégiques australiens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cest-fini-can-the-australia-france-relationship-be-salvaged-after-scrapping-the-sub-deal-168090">C'est fini: can the Australia-France relationship be salvaged after scrapping the sub deal?</a>
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<p>Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les Australiens font tout pour continuer à bénéficier de la protection des États-Unis. Le pays ne compte en effet que 8 millions d’habitants et Canberra décide en conséquence d’engager une politique emblématique surnommée le <a href="https://www.naa.gov.au/learn/learning-resources/learning-resource-themes/society-and-culture/migration-and-multiculturalism/populate-or-perish-australias-postwar-migration-program">« peuplement ou la mort »</a> en ouvrant ses frontières aux non-Anglo-Saxons à partir de 1945 et aux « non-Blancs » dans les années 1970.</p>
<p>Membre fondateur en 1951 de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ANZUS">l’ANZUS</a> (une alliance avec les États-Unis et le voisin néo-zélandais), l’Australie devient la clef de voûte du système de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pine_Gap">défense anti-missiles</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Station_de_communications_navales_Harold_E._Holt">d’écoute américain</a> dans le Pacifique pendant la Guerre froide, ce qui fait d’elle une cible privilégiée pour Moscou en cas de guerre nucléaire. Et elle accueille toujours sur son sol des <a href="https://apjjf.org/2013/11/45/Richard-Tanter/4025/article.html">bases américaines</a> majeures et opérationnelles qui la désignent depuis longtemps aux yeux de Pékin comme un satellite de Washington.</p>
<h2>La doctrine diplomatique des « great and powerful friends »</h2>
<p>L’annulation du contrat géant avec Naval Group, si elle est <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/sous-marins-naval-group-le-siderant-coup-de-poignard-de-l-australie_780738">brutale</a>, n’est donc pas totalement inattendue, d’autant plus que les Australiens avaient selon eux manifesté leur mécontentement auprès de Paris <a href="https://www.afr.com/politics/federal/90b-french-subs-project-could-sink-20210224-p575e5">à plusieurs reprises</a>. La perception en France d’un revirement de stratégie est en réalité une démarche cohérente pour l’Australie, en droite ligne avec 200 ans de tradition diplomatique australienne soutenue par la population locale.</p>
<p>Soyons clairs : l’alliance proposée par la France, si elle était louable, n’en demeurait pas moins insolite et inhabituelle. Ce moment n’aura été qu’une parenthèse. Les <a href="https://au.news.yahoo.com/the-china-crisis-australia-wont-be-able-to-escape-040410205.html">fortes tensions</a> avec la Chine de ces trois dernières années ont fait revenir durablement l’Australie dans le giron américain.</p>
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<p>Il faut ici souligner que la diplomatie australienne repose tout entière sur la doctrine des <a href="https://www.abc.net.au/ra/australia/pdf/great_power.pdf">« grands et puissants amis »</a>. Jusqu’en 1942 lors de la ratification du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Statut_de_Westminster_de_1931">Statut de Westminster</a> par le Parlement australien, les décisions diplomatiques du pays étaient prises à Londres puisque l’Australie était un dominion. Depuis 1945, ces mêmes décisions sont toujours prises en accord avec Washington. L’Australie a suivi les Américains en <a href="https://www.awm.gov.au/articles/atwar/korea">Corée</a>, au <a href="https://www.awm.gov.au/articles/event/vietnam">Vietnam</a>, en Irak – <a href="https://www.awm.gov.au/articles/atwar/gulf">1990</a> puis <a href="https://www.awm.gov.au/research/guide/iraq">2003</a> – et en <a href="https://www.awm.gov.au/articles/event/afghanistan">Afghanistan</a>. En dépit de contingents très modestes mais logiques au regard d’une faible population, le soutien australien permet aux États-Unis de déguiser leurs actions en coalition internationale.</p>
<h2>Entre sécurité et souveraineté, le choix est fait pour l’Australie</h2>
<p>Dans ces conditions, comment Paris a-t-il pu penser pouvoir bouleverser cette fidélité, et retourner cette mentalité coloniale si puissamment ancrée en Australie ?</p>
<p>Le projet militaire et diplomatique de la France avec l’Australie était une <a href="https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/10/c3852600ccbecbccb2fa05ecf147fa307a79ac17.pdf">magnifique ambition</a> mais reflète aussi malheureusement une méconnaissance de ce que les Australiens conçoivent comme les principaux enjeux de la région de l’Indopacifique. La France souhaite maintenir la paix dans la région, <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/apr/25/australian-defence-minister-says-conflict-over-taiwan-involving-china-should-not-be-discounted">l’Australie pense à tort ou à raison</a> qu’une guerre est hautement probable entre la Chine et Taïwan – et donc entre la Chine et les Américains, auxquels les Australiens apporteraient leur soutien.</p>
<p>Pour la France, la souveraineté est l’alpha et l’oméga de toute action internationale, dans une tradition gaulliste partagée par l’ensemble de l’échiquier politique français. Cette notion de souveraineté est un cadre d’action qui s’impose pour de nombreux officiels français. Or, l’Australie n’a jamais été véritablement souveraine au sens où nous concevons et comprenons cette notion. Elle ne le souhaite pas non plus car ce qui compte pour les Australiens n’est pas tant la souveraineté que la sécurité, imaginaire ou réelle. À cet égard, la France n’a ni l’envergure ni les capacités militaires des États-Unis pour « amarrer » l’Australie à sa politique indopacifique.</p>
<p>La spoliation des terres aborigènes et la situation géographique même de l’Australie incitent ses citoyens à se penser assiégés depuis 1788. Dès cette époque, on y crie que les <a href="https://www.abc.net.au/news/2012-12-10/aussies-study-french-invasion-plan-for-sydney/4419168">Français</a> veulent envahir le continent, puis on s’y alarme des velléités <a href="https://www.rbth.com/history/330300-how-australia-prepared-for-war-with-russia">russes</a>, <a href="https://www.penguin.com.au/books/invading-australia-japan-and-the-battle-for-australia-1942-9781742284859">japonaises</a>, et enfin <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/jul/09/australians-fear-attack-from-china-almost-as-much-as-taiwanese-do-survey-finds">chinoises</a>. L’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Tomorrow,_When_the_War_Began_(film)">imaginaire de l’invasion</a> demeure prégnant.</p>
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<p>Ce complexe de Massada affaiblit considérablement la possibilité de devenir une nation autonome non alignée, l’Australie recherchant avant tout la protection, quitte à enrager des alliés qu’elle transforme en adversaires. L’histoire dira si l’Australie a fait le bon choix. Les Australiens sont en tout cas convaincus qu’il n’y en a pas d’autre possible. En attendant, <a href="https://www.abc.net.au/news/2021-09-19/malaysia-indonesia-criticise-australian-submarine-about-face/100474056">Canberra s’isole</a> de toute évidence dans le Pacifique en ayant franchi un point de non-retour par le renforcement de la trans-opérationnabilité de ses armements avec ceux de l’armée américaine.</p>
<p>Après avoir été brièvement tentés par le multipolarisme, les États-Unis font machine arrière et dépoussièrent le vieux bloc anglo-saxon qui par le passé a su nuire à l’Europe continentale et notamment à son développement politique. Il ne faut donc pas se tromper de cible : Canberra n’est ici qu’un petit pion dans la <a href="https://www.fr24news.com/fr/a/2021/09/biden-met-la-france-et-lue-en-colere-avec-une-nouvelle-alliance-indo-pacifique-entre-laustralie-et-le-royaume-uni-actualites-sports-emplois.html">stratégie américaine</a> vis-à-vis de la France et surtout de l’Union européenne.</p>
<p>Par le passé, l’Australie n’a fait que passer d’une influence à une autre. Canberra n’a jamais fait cavalier seul, consciente qu’elle ne faisait pas le poids sur la scène internationale. Cependant, et c’est cela qui paraît aberrant et incompréhensible aux yeux de Paris, elle ne souhaite pas non plus s’en donner les moyens en développant ses propres systèmes de défense autonomes. Paradoxalement, et au-delà des discours nationalistes, Canberra semble incapable de se penser « australienne », c’est-à-dire en possession d’un destin propre et indépendant au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Au contraire, l’Australie se voit encore et toujours comme une île à la recherche d’un protecteur et à ses yeux, la France ne peut tenir ce rôle entre la Chine et les États-Unis. C’est donc à la fois un manque de confiance en soi, un manque de moyens et surtout un manque d’investissements et de développement <a href="https://theconversation.com/cest-fini-can-the-australia-france-relationship-be-salvaged-after-scrapping-the-sub-deal-168090">d’industries stratégiques</a> propres qui condamne aujourd’hui l’Australie à un rôle de nation-enfant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Fathi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour l’Australie, le dilemme était simple : se conduire en nation souveraine et respecter le contrat passé avec la France, ou privilégier sa sécurité et son lien de longue date avec Washington.Romain Fathi, Senior Lecturer, History, Flinders UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1532622021-07-25T16:39:02Z2021-07-25T16:39:02ZBioplastiques, alimentaire, cosmétiques ou médicaments – les 1001 ressources des algues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408665/original/file-20210628-23-aay94g.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C30%2C5113%2C3825&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Culture et collecte d’algues en Corée du Sud.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les végétaux, terrestres ou marins, captent le gaz carbonique et accumulent des réserves d’énergie sous forme d’huiles et de sucres pour assurer leur survie dans toutes les situations. La biotechnologie permet aujourd’hui d’accéder et exploiter ces réserves, dites « biomasses », pour pallier à la problématique de la diminution des réserves fossiles et leurs transformations par l’industrie chimique. Parmi ces réserves, la biomasse algale représente un potentiel largement sous-exploité dans le monde.</p>
<p>Les grandes algues marines que l’on retrouve sur nos côtes sont appelées macroalgues, par opposition aux micro-algues, invisibles à l’œil nu, qui ne sont constituées que d’une cellule. L’exploitation de ces macroalgues ne date pas d’aujourd’hui. Les premières consommations d’algues datent de près de 17 000 ans, <a href="https://www.researchgate.net/publication/5383160_Monte_Verde_Seaweed_Food_Medicine_and_the_Peopling_of_South_America">selon des fouilles archéologiques</a>.</p>
<p>Les macroalgues sont cultivées en Asie et sont plutôt collectées en Europe, plus particulièrement en Bretagne, Irlande et Norvège. Depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle et l’ère de l’industrialisation, des grands groupes, comme Cargill Food Ingredients, Dupont/Danisco ou CP Kelco, relayés aujourd’hui par des PME, mettent en place l’extraction des fibres d’algues, les polysaccharides. Ces grosses molécules sont les gélifiants des macroalgues, et sont à la base de nombreux ingrédients texturants, aussi appelés hydro-colloïdes, et utilisés dans l’industrie agroalimentaire. Ainsi, nos yaourts, flans et dentifrices, ainsi que de centaines d’autres produits contiennent des sels d’alginate (E401-405) ou des carraghénanes (E407), qui créent ou améliorent leur consistance. Dans ces procédés d’extraction chimique, seuls 30 à 40 % de la masse sèche de l’algue sont extraits et utilisés, le reste est très peu valorisé ou part à la poubelle.</p>
<h2>Des points communs avec les composants de la peau et des muqueuses</h2>
<p>Brune, rouge ou verte, les fibres présentes dans ces différentes familles de macroalgues, avec des compositions et structures chimiques originales et très variées, présentent bien d’autres vertus que leur caractère gélifiant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412137/original/file-20210720-13-1ccc5t7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Culture de Saccharina latissima, ou kombu royal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est leur caractéristique d’être hautement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sulfate">sulfatées</a> qui les rend particulièrement intéressantes, car elles ont ce point commun avec les composantes glucidiques des animaux, par exemple ceux trouvés dans les muqueuses ou dans la peau. Les groupements sulfates sur les polysaccharides leur confèrent une résistance à des environnements riches en sels, et leur permettent de mieux capter et retenir de l’eau et des ions.</p>
<p>Cette propriété est évidemment recherchée en cosmétique. Mais les molécules sulfatées jouent également un rôle clé dans de nombreux processus de défense (l’attaque par un pathogène) ou de signalisation (donner le « mot d’ordre » de communication de cellule à cellule). Ainsi, la similitude avec des molécules donnant des signaux d’alerte chez les animaux, mais également chez les plantes, fait des polysaccharides sulfatés des molécules intéressantes pour stimuler les réactions de défense. Par exemple la laminarine, polysaccharide de stockage chez les algues brunes, est commercialisée sous le nom de « Iodus 40 », utilisable en plein champ, et qui <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC59202/">peut remplacer</a> une partie des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC527195/">traitements par des insecticides</a>.</p>
<h2>Mangez des algues pour leur valeur nutritionnelle</h2>
<p>Les algues sont extrêmement diverses : il en existe plus de 72 000 espèces, réparties dans 3 lignées différentes. Leur composition biochimique peut ainsi varier énormément d’une espèce à l’autre. Certaines algues sont très riches en protéines et ont ainsi la vertu de remplacer et apporter les protéines nutritives de viandes. Cette richesse en protéines permet potentiellement aussi la disponibilité de <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf502420h">« peptides bioactifs »</a> – de petits morceaux de protéines pouvant être bénéfiques pour la santé animale et humaine, dû à leur activité antimicrobienne, par exemple. D’autres algues regorgent d’oligo-éléments comme le zinc, le sélénium, ou encore de vitamines essentielles, comme la vitamine B12 que l’on se procure aussi par la <a href="https://ciqual.anses.fr/">consommation de viande</a>. Toutes sont particulièrement riches en minéraux et d’autres éléments rares comme l’iode, mais aussi en fibres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408663/original/file-20210628-15-1w4qulu.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rayon de supermarché en Corée du Sud.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Potin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces fibres sont en fait composées des gélifiants alimentaires mentionnés plus haut ainsi que d’autres chaînes de sucres complexes, qui composent la majorité du poids sec des algues et en particulier de leur paroi cellulaire. Seule une infime partie de ces « sucres » ou polysaccharides <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2010/09/medsci20102610p811/medsci20102610p811.html">est réellement digérée</a>. Les algues sont donc une source intéressante de fibres alimentaires, mais aussi de <a href="https://www.mdpi.com/2076-3921/8/9/406/htm">composés prébiotiques</a>, issus de ces fibres, qui favorisent un bon équilibre du microbiote intestinal – ce que l’on appelait auparavant la « flore intestinale ».</p>
<p>Pas tellement riches en lipides, elles sont en général constituées de « bon gras », c’est-à-dire notamment des acides gras mono – et polyinsaturés, comme les fameux oméga-3 et -6, par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/acides-gras-trans-limites-par-lue-que-se-passe-t-il-au-niveau-moleculaire-pour-quils-soient-nocifs-157791">Acides gras « trans » limités par l’UE : que se passe-t-il au niveau moléculaire pour qu’ils soient nocifs ?</a>
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<p>Les algues sont aussi des organismes photosynthétiques : comme les plantes terrestres, elles utilisent l’énergie du soleil pour leur croissance. Pour cela elles ont besoin de molécules spéciales, les pigments, dont la chlorophylle fait partie. Les algues contiennent donc de la chlorophylle, mais également d’autres types de pigments, comme la phycoérythrine que l’on trouve chez les algues rouges, ou la fucoxanthine chez les algues brunes. Ces pigments, ainsi que certains composés phénoliques, qui sont des composés algaux proches des <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/les-gouts-et-les-couleurs-du-monde">tannins, comme ceux trouvés dans le vin ou le thé</a>, sont des <a href="https://www.mdpi.com/1660-3397/18/8/384/htm">antioxydants avérés</a>.</p>
<p>Les algues représentent ainsi des alternatives intéressantes pour apporter de nombreux éléments essentiels pour notre santé, sans pour autant apporter trop de sucres, en dépit de leur composition majoritairement constituée de ces derniers.</p>
<h2>Comment extraire ces molécules des algues ?</h2>
<p>Dans le domaine des macroalgues, la biotechnologie permet d’avoir accès à des molécules difficiles à extraire ou à produire. En effet, les cellules d’algues sont protégées par une paroi épaisse constituée de plusieurs types de molécules complexes, qui représentent une réserve de carbone, la biomasse.</p>
<p>Les enzymes, de petits ciseaux moléculaires que l’on peut produire par la biotechnologie permettent de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25136767/">découper spécifiquement certains composants de la paroi des algues</a>. En effet, les microorganismes, bactéries et champignons, vivant en association avec les macroalgues en tirent leur besoin en carbone pour la génération d’énergie. Pour ce faire, ils sont équipés d’outils spécifiques, les enzymes, permettant de décomposer les chaînes de sucres complexes en briques unitaires (l’hydrolyse enzymatique), sans pour autant en détruire leur spécificité ou originalité, et qui sont facilement assimilables par les microorganismes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Hydrolyse des glucides. Source : Dave Bélanger, Cégeps.</span></figcaption>
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<p>Appliquée à la biotechnologie, l’utilisation des mêmes outils, les enzymes, permettra d’améliorer l’extraction de certaines molécules d’intérêt, et aussi d’obtenir des fragments originaires des gros polymères, plus actifs, car plus assimilable par les organismes. Ces molécules d’intérêt seront également plus faciles à produire de manière standardisée, grâce aux « ciseaux spécifiques » que sont les enzymes, et en contraste avec le découpage hasardeux en extraction chimique, comme cela est nécessaire pour l’industrie pharmaceutique par exemple.</p>
<p>Coûteuse, car nécessitant également la production des enzymes, l’hydrolyse enzymatique présente cependant une façon proche du naturel de <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/agrocarburants-biocarburants-recherche-enzyme-12515.php4">décomposer cette biomasse précieuse et riche en éléments exploitables</a>. En effet, l’hydrolyse enzymatique se fait en milieu neutre et à température ambiante. De plus, une enzyme spécifique ne dégrade qu’une composante en laissant intacte tous les autres, et ceux-ci peuvent ainsi également être valorisés, avec des étapes successives – c’est le principe de la « biorafinerie »). Enfin, l’utilisation d’une enzyme dégradant une composante peut faciliter l’extraction d’une deuxième composante de façon plus efficace ou plus rentable.</p>
<p>Ainsi, des chercheurs de l’Académie des Sciences de Chine ont récemment publié des travaux démontrant l’action de petits sucres extraits d’algues brunes, et de l’alginate en particulier, <a href="https://www.nature.com/articles/s41422-019-0216-x">sur les stades précoces de la maladie d’Alzheimer chez la souris</a>. D’après cette étude, des sucres issus des algues rééquilibrent des désordres du microbiote intestinal (dérèglement maladif, appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dysbiose">« dysbiose »</a>), ce qui a pour effet de diminuer la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27814521/">neuroinflammation subie dans le cerveau</a> et impliquée dans le déclenchement de la maladie.</p>
<h2>Les algues regorgent de composants intéressants pour les matériaux de demain</h2>
<p>Souples et solides à la fois, les algues ont parfois un aspect qui rappelle celui du plastique. De fait, les composants de leur paroi ont bien des points communs, mécaniquement parlant, avec le plastique. À Saint-Malo, l’entreprise Algopack a conçu un matériau plastique fabriqué à 100 % à base d’algues, une première mondiale. Pour sa production, les déchets de l’industrie des algues peuvent être utilisés, ainsi que des algues cultivées localement. Mais cela fonctionne également avec la biomasse constituée par les algues prolifératives qui envahissent les côtes caraïbéennes par exemple. En fin de vie, les objets fabriqués avec ce plastique sont compostables : enfouis directement dans le jardin, ils pourront fertiliser le potager.</p>
<p>Enfin, les algues vertes comme la laitue de mer (algue appartenant au genre Ulva et à la base des marées vertes) produisent une petite molécule, l’« acide acrylique », bien connue des fabricants de plastiques, vernis, peintures et colles. À l’heure actuelle, l’acide acrylique est un dérivé de pétrole. Bien que les quantités produites par les algues soient pour le moment beaucoup trop faibles pour répondre aux besoins croissants du marché (<a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cargill-ifpen-et-axens-sassocient-domaine-chimie-biosourcee#">plus de 6 millions de tonnes en 2020</a>), les techniques d’extraction pourraient s’améliorer avec l’utilisation des enzymes, et les mécanismes qu’utilise l’algue pour le produire (la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biosynth%C3%A8se">« biosynthèse »</a>) commencent à être décryptés. Ces avancées pourraient dans le futur ouvrir la voie à des procédés propres de synthèse de l’acide acrylique grâce à la biotechnologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les macroalgues sont une fantastique ressource, très versatile et largement sous-exploitée. D’où viennent leurs propriétés et comment les utilise-t-on ?Mirjam Czjzek, Directrice de recherche CNRS, équipe de glycobiologie marine, Station biologique de Roscoff, Sorbonne UniversitéDiane Jouanneau, Ingénieure de recherche CNRS, Station Biologique de Roscoff, Sorbonne UniversitéPhilippe Potin, Directeur de recherche CNRS, Station biologique de Roscoff, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1340552020-03-18T20:43:58Z2020-03-18T20:43:58ZRéguler son stress en situation de confinement : les leçons du monde militaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321365/original/file-20200318-1977-w6kdtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C11%2C985%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les personnes à bord des sous-marins respectent certains principes spécifiques pour modérer l'anxiété liée au confinement. </span> <span class="attribution"><span class="source">Noraismail / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La période de confinement « renforcée », annoncée par le chef de l’état dans son allocution du 16 mars 2020, confronte tous les Français à une situation inédite qui remet en question une large partie de leurs habitudes. La combinaison de ces deux caractéristiques met à l’épreuve nos capacités d’adaptation. Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir donner une réponse adéquate à ce problème et nous ressentons donc un stress fort.</p>
<p>Comme la recherche l’a montré, le stress n’est autre <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=i-ySQQuUpr8C&oi=fnd&pg=PR5&dq=Lazarus+%26+Folkman,+1984">qu’une réaction à une inadaptation</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ap4Tyo7UaOg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Restez chez vous », demande Emmanuel Macron aux Français (BFM TV, le 16 mars 2020).</span></figcaption>
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<p>Dans notre cas, la réaction de stress est d’autant plus forte que nous sommes sommés de nous adapter dans deux sphères distinctes de manière simultanée : la sphère du travail où nous devons radicalement faire évoluer nos manières de travailler, et la sphère privée où nous devons également revoir nos façons de fonctionner ensemble.</p>
<h2>Activer les facteurs modérateurs</h2>
<p>Les études récentes sur les <a href="https://theconversation.com/covid-19-point-par-point-des-recommandations-dexperts-pour-reduire-les-effets-psychologiques-negatifs-lies-au-confinement">effets du confinement</a> en Chine montrent sans surprise des niveaux d’anxiété très élevés, une régulation émotionnelle difficile (beaucoup de colère ressentie) et de nombreux cas de stress post-traumatique quand le confinement dépasse les 10 jours.</p>
<p>La recherche sur le stress nous montre qu’à situation de stress identique, un individu souffrira moins de symptômes s’il sait activer un certain nombre de facteurs dits modérateurs.</p>
<p>Ces facteurs permettent de diminuer les effets d’une situation objectivement stressante sur la réaction psychophysiologique d’un individu. Ces modérateurs sont souvent présents dans notre façon de vivre quotidienne mais, en période de confinement, leur mise en œuvre est bien plus difficile et nécessite un effort conscient et l’acquisition de nouvelles habitudes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321367/original/file-20200318-1905-1nswzgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En situation de confinement, un effort conscient reste nécessaire pour ne pas céder au stress.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SibFilm/Shutterstock</span></span>
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<p>Issus de la recherche sur le stress en général, et sur le stress du confinement tel que <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-01932033v1/html_references">vécu dans les sous-marins</a>, voici un ensemble de principes qui, sans être exhaustifs, peuvent nous être utiles dans cette période difficile.</p>
<h2>Un rythme dans les activités journalières</h2>
<p>Maintenir des activités planifiées (temps de travail, temps de pause, etc.) dans nos journées à la maison permet deux choses :</p>
<ul>
<li><p>Garder notre esprit orienté vers l’action plutôt que sur la rumination : les études montrent clairement que la rumination (c’est-à-dire le fait de penser de façon continue aux aspects négatifs d’une situation) renforce les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/rumination-distraction-and-mindful-selffocus-effects-on-mood-dysfunctional-attitudes-and-cortisol-stress-response/7EFD50DEAF9936351B9798F4B1B5F3D9">effets d’une situation stressante</a>. Maintenir des actions simples et planifiées (se lever aux mêmes horaires, s’habiller comme pour une journée de travail, s’imposer des plages de travail pour soi et pour les enfants bien précises, etc.) permet de nous donner un sentiment de contrôle sur l’organisation de nos journées et nous laisse moins de « bande passante » pour ruminer.</p></li>
<li><p>Rester au plus proche de nos rythmes physiologiques classiques : tout changement nécessite de l’adaptation et génère donc du stress, y compris lorsqu’on modifie nos rythmes biologiques. Nous fonctionnons mieux physiquement et psychologiquement quand nous pouvons maintenir un certain nombre d’habitudes, notamment nos rythmes de sommeil et d’alimentation.</p></li>
</ul>
<p>En d’autres termes, restez au plus près de vos rythmes physiologiques habituels et résistez au maximum à la tentation « déstructurante » du <em>binge watching</em> (visionnage boulimique) et du <em>snacking</em>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321351/original/file-20200318-1905-iwtn51.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’échelle du nombre de pas quotidien de l’OMS.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.who.int/dietphysicalactivity/publications/pacific_pa_guidelines.pdf">OMS.</a></span>
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</figure>
<p>Conservez également un minimum de mouvement et de respiration dans nos journées. Les recommandations l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont claires : pour bien fonctionner, notre organisme a besoin d’un minimum de mouvement qui puisse solliciter notre système respiratoire et cardiaque. D’où leur recommandation des <a href="https://www.who.int/dietphysicalactivity/publications/pacific_pa_guidelines.pdf">10 000 pas par jour</a>.</p>
<h2>Bien vivre le confinement</h2>
<p>Comme en période de confinement il peut être difficile de maintenir un minimum de mouvement, voici quelques pistes qui permettent de maximiser les possibilités de mouvement dans nos journées :</p>
<ul>
<li><p>Fractionner ses courses de première nécessité pour maintenir au minimum une sortie par jour.</p></li>
<li><p>Bannir l’ascenseur</p></li>
<li><p>Faire son ménage plus fréquemment</p></li>
<li><p>Pratiquer des mouvements type renforcement, gainage, et/ou des étirements 10 minutes par jour (de multiples tutoriels sont à notre disposition).</p></li>
<li><p>Partager nos émotions et renforcer nos liens sociaux</p></li>
</ul>
<p>La régulation des émotions et le lien social sont deux facteurs clés de gestion du stress, notamment en <a href="http://www.assproscientifique.fr/lettre-mensuelle-asspro-scientifique/lettre-asspro-scientifique-juin-2013/sous-marins-savoir-reconnaitre-ses-emotions-pour-mieux-gerer-son-stress">situation de confinement</a>. Réguler nos émotions signifie d’abord être en mesure de les reconnaître chez nous puis de les utiliser au service d’une meilleure relation avec les autres. Dans ce cadre, échanger avec notre entourage et notre réseau social sur nos émotions est un élément-clé. Cela nous demande de mettre des mots sur ce que nous ressentons, permettant ainsi d’améliorer notre capacité d’identification de nos émotions. Cela nous permet également de réaliser que nous ne sommes pas seuls à éprouver des émotions négatives.</p>
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<span class="caption">Les réseaux sociaux permettent de nommer l’émotion dans les échanges avec autrui, et donc de mieux la maîtriser.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Prostock/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Dans l’échange téléphonique ou électronique avec les membres de notre réseau (ou plutôt de nos réseaux aujourd’hui multiples), nous pouvons en outre identifier les bonnes pratiques des autres pour faire face à la situation et nous en inspirer.</p>
<ul>
<li>Enfin, profiter du ralentissement de notre rythme quotidien pour renforcer nos liens avec ceux qui nous sont chers est un facteur protecteur en termes de stress.</li>
</ul>
<h2>Être un exemple pour nos enfants</h2>
<p>Parmi les facteurs stressants de la situation que nous vivons, il y a la responsabilité que nous avons vis-à-vis de nos enfants. Nous leur devons une forme de réassurance, sans mensonge, mais surtout une exemplarité en termes de gestion du stress. S’ils nous voient dans l’incapacité de gérer notre stress, ils pourraient douter de leurs propres capacités à y faire face.</p>
<p>Et la situation qu’ils vivent déjà comme inquiétante pourrait devenir fortement anxiogène. Pour minimiser ce risque et les rendre plus aptes dans le futur à gérer leur propre stress, voici quelques pistes :</p>
<p>D’abord, expliquer à nos enfants que les capacités de gestion du stress s’apprennent et peuvent se peaufiner tout au long de notre vie : c’est ce que le monde militaire a à nous enseigner. Nous pouvons préparer les individus à mieux faire face au stress en leur transmettant dès leur formation initiale un ensemble de <a href="https://books.google.fr/books/about/Comprendre_et_pratiquer_les_Techniques_d.html?id=vjWmxQEACAAJ&redir_esc=y">techniques d’optimisation du potentiel</a>, qu’ils pourront ensuite approfondir dans des exercices de préparation une fois dans leurs unités.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321359/original/file-20200318-1972-1271lqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le monde militaire, les formations sensibilisent au fait que les capacités de gestion du stress peuvent s’améliorer avec l’expérience.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Presslab/Shutterstock</span></span>
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<p>Il en est de même pour nous civils : nous pouvons apprendre les principes de base de la gestion du stress dès l’école et les peaufiner au cours de nos expériences professionnelles et personnelles.</p>
<h2>Ouvrir la discussion sur le stress</h2>
<p>Deuxième piste : accepter qu’il y ait des pics de stress et échanger avec nos enfants sur les effets de ce stress au niveau du corps, des émotions et des pensées. Comme les articles récents l’ont suggéré, dire à nos enfants que cette situation est objectivement stressante pour tous va leur permettre d’accepter plus facilement leur propre stress et d’en comprendre les raisons.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321368/original/file-20200318-1977-13bm1rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Objectiver la difficulté de la situation permet aux enfants de mieux accepter leur propre stress.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizkes/Shutterstock</span></span>
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<p>De plus, ouvrir avec eux la discussion sur les effets de ce stress va les aider à identifier leurs symptômes de stress dans toute leur diversité (corps, tête et cœur) et à les vivre comme naturels. Cette absence de jugement sur leurs ressentis leur permettra d’être connectés à l’ici et maintenant, et d’orienter leur esprit vers les solutions d’adaptation possibles plus sereinement.</p>
<p>Dans cette situation exceptionnelle qui exige une adaptation forte et rapide dans les sphères privées et professionnelles, nous devons garder à l’esprit que le stress peut se réguler et que c’est dans l’échange et la co-construction avec les autres que nous trouverons les ressources pour faire face.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134055/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tessa Melkonian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon les études qui portent notamment sur la vie dans les sous-marins, garder un rythme de vie planifié ou encore accepter les pics de stress permet de préserver son calme.Tessa Melkonian, Professeur en management et comportement organisationnel, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1185652019-12-17T17:42:52Z2019-12-17T17:42:52ZPrendre la température des navires pour prévoir leur durée de vie<p>Est-il possible de réaliser une simple prise de température pour repérer les points de fragilité et éviter des avaries dès la conception d’un navire ? Notre équipe de chercheurs de l’Institut de Recherche Dupuy de Lôme (IRDL), basé sur le site de l’ENSTA Bretagne, travaille à l’utilisation de telles mesures thermiques pour prévoir la durée de vie en fatigue des structures, c’est-à-dire leur capacité à résister à un effort relativement faible mais répété un grand nombre de fois.</p>
<p>Pourquoi s’intéresser à cette fatigue des matériaux ? À force de répétitions, des fissures peuvent apparaître et se propager dans le matériau jusqu’à le briser. Un exemple est célèbre : celui de l’Erika, un pétrolier qui coula au large de la Bretagne, en décembre 1999 avec plus de 30 000 tonnes de fioul lourd à son bord. Durant ses 22 années de service, le navire avait pourtant connu de plus fortes tempêtes que celle qui brisa le pont de ce navire en deux morceaux. Mais la structure de ce bateau s’est fatiguée au fil des années.</p>
<p>Parfois, de tels accidents se traduisent par un lourd bilan humain. Dans l’aviation, 4 vols commerciaux ont subi des avaries par fatigue causant la mort de 67 personnes. En 1998, la rupture de la roue d’un train en Allemagne coûta la vie à 101 personnes. Plus récemment, en 2016, la rupture par fatigue d’un engrenage de la boîte de vitesse d’un hélicoptère Super Puma a tué 13 personnes. Au-delà de son coût financier et de l’impact environnemental, la maîtrise de la rupture par fatigue des structures dans tous les domaines est donc un sujet vital.</p>
<p>Dans le domaine maritime, notamment, car les navires sont des structures en acier complexes et imposantes, assemblées principalement par soudage. Au cours de leur cycle de vie, ces structures sont soumises à de nombreuses et très différentes sollicitations mécaniques, dépendantes des conditions de mer, qui vont inévitablement affecter leur longévité. Les cordons de soudure sont très souvent le point faible de ces structures : c’est là que s’amorcent les premières fissures. Le défi des ingénieurs consiste à concevoir les coques de navires en garantissant une durée de vie la plus fiable et la plus longue possible.</p>
<p>Pour alimenter leurs modèles de prévisions, les ingénieurs et chercheurs ont besoin de réaliser des essais de fatigue. L’approche classique de ces mesures consiste à appliquer une sollicitation (traction, flexion…) cyclique à des éprouvettes prélevées dans le matériau d’étude, jusqu’à rupture de l’éprouvette. À un niveau de chargement donné est donc associé un nombre de cycles à rupture. L’aspect aléatoire du phénomène de fatigue oblige à tester un nombre important d’éprouvettes (au moins une vingtaine) pour obtenir une confiance suffisante dans les résultats et pour réaliser une analyse statistique. Les essais étant souvent exécutés à l’aide de machines hydrauliques ou électromécaniques permettant d’appliquer un chargement à une fréquence limitée (maximum une dizaine de cycles par seconde), les campagnes d’essais de fatigue peuvent nécessiter plusieurs semaines d’essais et ainsi représenter un coût important.</p>
<h2>Accélérer les essais</h2>
<p>Aussi, au fil des années, plusieurs pistes pour accélérer les essais de fatigue ont été développées.</p>
<ul>
<li><p>Une première solution consiste à réaliser les essais en parallèle sur plusieurs machines. Cela demande évidemment un investissement machine important ainsi qu’un espace de travail d’envergure.</p></li>
<li><p>Une seconde solution réside dans l’utilisation d’une machine à haute fréquence de sollicitation (piézoélectrique). Cela semble optimal mais la haute fréquence peut en réalité faire intervenir d’autres mécanismes d’endommagement impactant l’endurance du matériau que l’on n’observe pas aux fréquences de sollicitations d’utilisation. De plus, la taille des échantillons que l’on peut tester dans ces machines est limitée et ne permet donc pas des essais sur de petites structures.</p></li>
<li><p>Une troisième approche est fondée sur l’analyse de la signature thermique de l’éprouvette soumise à une sollicitation répétée : c’est ici qu’intervient la mesure de température. Lorsqu’un matériau est sollicité, sa température augmente. Les chercheurs disposent d’outils leur permettant d’identifier la source de l’échauffement (mécanismes dissipatifs) et peuvent alors écrire un modèle (sous forme de lien mathématique) pour relier la température de l’éprouvette à sa durée de vie. Les essais d’auto-échauffement développés pour appliquer cette approche thermique ne nécessitent que quelques éprouvettes et permettent donc de réduire considérablement le temps des essais. Dans notre laboratoire, l’IRDL, nous travaillons au développement de cette approche à partir notamment de moyens expérimentaux multi-échelle.</p></li>
</ul>
<h2>Courbes de fatigue</h2>
<p>Pour rentrer un peu dans le détail, les essais dits d’auto-échauffement consistent à mesurer l’évolution de la température d’une éprouvette sous sollicitation cyclique. Dans le cas des études sur éprouvette matériau (géométrie d’éprouvette classique), cette mesure est réalisée à l’aide d’un moyen de mesure simple, le thermocouple. Le signal thermique est ensuite utilisé comme donnée d’entrée d’un modèle mécanique qui permet d’obtenir les courbes de fatigue nécessaires aux ingénieurs des bureaux d’études pour le bon dimensionnement des pièces mécaniques en fatigue. Cette approche appliquée aux éprouvettes simples a déjà été validée sur de nombreux matériaux (aciers, alu, composites, élastomères…) et est aujourd’hui considérée comme une technique mature.</p>
<p>L’enjeu majeur pour les chercheurs est maintenant d’étendre le cadre d’utilisation de cette méthode à des situations plus complexes par exemple l’étude de structures soudées. Les essais d’auto-échauffement nécessitent alors un moyen de mesure plus sophistiqué, une caméra infrarouge, pour permettre une mesure de température en plusieurs points (2D). La mise en place des essais nécessite alors d’essentielles précautions thermiques pour obtenir des mesures fiables et précises. Le modèle mis en place pour une éprouvette simple doit également être repensé pour intégrer les spécificités des assemblages soudés ou du type de structure étudié.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/307097/original/file-20191216-124036-wdbxyk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mesure de champs de température sur joint soudé par caméra infrarouge.</span>
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<p>Les études basées sur les essais d’auto-échauffement se sont développées dans notre laboratoire à travers la réalisation de plusieurs projets de recherche, en partenariat avec de nombreux industriels (ArcelorMittal, Naval Group, PSA Group, Safran, SNCF, Vibracoustic, Poclain Hydraulics…) issus de domaines très variés (aéronautique, automobile, naval…). Tous les efforts fournis sur ce thème de recherche permettront alors pour le secteur naval, de réduire, dès la phase de conception des navires, le nombre d’avaries liées à la fatigue des assemblages soudés. Les outils développés grâce à ces recherches seront également intéressants pour un très grand nombre de systèmes mécaniques où les soudures peuvent représenter un point faible vis-à-vis de la fatigue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Carteron réalise une thèse CIFRE en partenariat avec l'Institut de Recherche Dupuy de Lôme et Naval Group.</span></em></p>Est-il possible de réaliser une simple prise de température pour repérer les points de fragilité et éviter des avaries dès la conception d’un navire ?Loïc Carteron, Doctorant, ingénieur mécanicien, Institut de Recherche Dupuy de Lôme, ENSTA BretagneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/979462018-06-14T19:43:40Z2018-06-14T19:43:40ZLes îles militarisées en mer de Chine du Sud : la partie émergée de la puissance de frappe de Pékin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223033/original/file-20180613-32327-1dgzk3o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C43%2C3473%2C2004&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La 'Grande muraille de sable' créée par Pékin. Vue aérienne de l'archipel Xisha. Pékin a fait émerger des territoires afin de mieux les réclamer en mer de Chine du sud.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/steveconstantineiksan/8326581718"> Steve Iksan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>En dépit d’un semblant de détente en Asie entre Donald Trump et Kim Jong‑un, la « guerre d’influence en mer de Chine entre Pékin et Washington ne va pas cesser quels que soient les développements sur le dossier nord-coréen » notait le correspondant du journal <em>Le Monde</em> Gilles Paris, envoyé spécial à Singapour, lors <a href="https://www.lemonde.fr/international/live/2018/06/12/donald-trump-kim-jong-un-suivez-en-direct-leur-rencontre-historique-a-singapour_5313212_3210.html">d’un live</a> avec les lecteurs du quotidien.</p>
<p>Début juin, le sentiment était le même au <a href="http://www.scmp.com/news/china/diplomacy-defence/article/2149062/france-britain-sail-warships-contested-south-china-sea?utm_source=emarsys&utm_medium=e-mail&utm_content=20180604&utm_campaign=scmp_international&aid=190131336&sc_src=e-mail_2256567&sc_llid=1087">sommet annuel du Shangri-La Dialogue à Singapour sur les enjeux de sécurité en Asie-Pacifique</a>.</p>
<p>La ministre française des Armées, Florence Parly avait particulièrement rappelé l’urgence <a href="https://www.straitstimes.com/asia/france-urges-countries-to-respect-international-law-in-south-china-sea">au respect du droit international en mer de Chine du Sud</a> et que la zone était marquée par la compétition entre pays plus que par la coopération régionale <a href="http://www.opex360.com/2018/06/04/face-aux-defis-securitaires-de-region-indo-pacifique-mme-parly-defend-multilateralisme-cooperation/">qu’il convenait, selon elle, de soutenir</a>.</p>
<h2>Une économie bleue pour la Chine</h2>
<p>La Chine – historiquement plutôt tournée vers sa profondeur continentale – a en effet profondément modifié son rapport à la mer et à son littoral, et ce depuis l’avènement de Deng Xiaoping, l’homme de l’<a href="https://books.google.ca/books?id=mDS0GW7FH_0C&pg=PA179&dq=#v=onepage&q&f=false">ouverture économique et des réformes</a>.</p>
<p>Pékin a certes signé la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) en 1982 et a ratifié en 1996 (contrairement aux États-Unis), le texte autorisant l’exploitation de la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/zone-economique-exclusive-zee">zone économique exclusive</a>. Mais ce faisant, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/economics/l-economie-de-la-mer-en-2030_9789264275928-fr#page19">son économie maritime n’a cessé alors de prendre de l’ampleur</a>.</p>
<p>Les années 1980 avaient vu le lancement d’une politique de la mer qui s’est intensifiée dans les années 1990, notamment avec l’urbanisation accrue et la conteneurisation des activités portuaires (<a href="https://www.lantenne.com/Classements-des-ports-mondiaux_a26954.html">8 des plus grands ports au monde sont en Chine</a>). Dans la décennie suivante et particulièrement depuis 2012, Pékin a ensuite accentué ses investissements dans l’<a href="http://www.ecfr.eu/publications/summary/blue_china_navigating_the_maritime_silk_road_to_europe">économie maritime et la Marine chinoise</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YpOddwL4kfE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le président Xi Jinping passe en revue la Marine chinoise (China Global Television Network).</span></figcaption>
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<p>Lors de son discours d’ouverture du <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/7409">18ᵉ Congrès du Parti communiste chinois, le 8 novembre 2012</a>, le président Hu Jintao avait ainsi déclaré : « nous veillerons, dans le domaine maritime, à élever notre capacité d’exploitation des ressources, à développer l’économie et à protéger l’environnement écologique tout en sauvegardant fermement les droits et intérêts de notre État, tout cela afin d’accroître la puissance nationale en la matière », et à « défendre résolument ses droits et ses intérêts maritimes ».</p>
<p>Par la suite, en 2013, lors d’une <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=HER_150_0172">réunion du bureau politique du PCC, Xi Jinping</a> déclare : « faire de l’économie maritime l’un des piliers de l’économie nationale » puis en 2015 : « abandonner la mentalité terrienne pour devenir une puissance maritime […] afin de protéger la souveraineté nationale ».</p>
<h2>La mer de Chine méridionale au cœur des tensions</h2>
<p>La mer de Chine du Sud est l’objet de fortes tensions et d’enjeux sécuritaires opposant la Chine à ses voisins (en particulier vietnamien et philippin) et aux États-Unis. Sur <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/07/12/dix-questions-pour-comprendre-le-conflit-en-mer-de-chine-meridionale_1465463">cette mer bordée par 8 pays</a> (les Philippines, la Chine, l’Indonésie, le Vietnam, Brunei, la Malaisie, Singapour et Taiwan), circule près d’un tiers du commerce maritime mondial. Dès les années 1970, l’armée chinoise occupe des îles et récifs des Paracels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223166/original/file-20180614-32310-1j0g36c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Véron</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La Chine revendique une souveraineté sur plus de 80 % des 2,5 millions de km<sup>2</sup> de la mer, délimitée par une ligne en dix traits (depuis 2015) incluant Taiwan. Cette ligne recoupe les ZEE des pays riverains de cette mer.</p>
<p>D’emblée, cette mer fait l’objet de disputes territoriales, en particulier pour l’exploitation des ressources halieutiques et en hydrocarbures. En 2014, la Chine installe une <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2014/05/14/the-1-billion-chinese-oil-rig-that-has-vietnam-in-flames/?noredirect=on&utm_term=.fa915263c5a7">plate-forme pétrolière (Haiyang Shiyou 981)</a> dans les eaux territoriales du Vietnam, avant de la démonter, provoquant un incident diplomatique assez vite réglé.</p>
<p>Le principe de <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/10/31/si-la-liberte-de-navigation-est-bafouee-en-mer-de-chine-elle-le-sera-partout_5208141_3216.html">libre circulation dans les eaux internationales</a> est perturbé par cette revendication et par la présence affirmée de la Chine, remettant en cause le droit maritime international.</p>
<p>La Chine pèse d’ailleurs de tout son poids économique et diplomatique pour ne pas laisser se créer d’opposition coordonnée par ces voisins désunis en Asie du sud-est.
Or, le droit ne semble pas permettre de <a href="https://amti.csis.org/philippines-launches-spratly-repairs/">répondre aux tensions dans la zone</a>, ce qui, pour l’instant, donne l’avantage à Pékin, notamment face à son voisin philippin.</p>
<p>Malgré des témoignages de « réchauffement » entre les deux pays, divers incidents montrent bien les limites d’une possible alliance maritime philippino-chinoise, comme l’ont révélé les <a href="http://french.xinhuanet.com/2018-06/12/c_137248074.htm">témoignages de pêcheurs philippins</a>, se disant harcelés par les garde-côtes chinois.</p>
<p>Moins d’un mois auparavant, le président Duterte a même déclaré qu’il « irait en guerre » si la Chine franchissait la ligne rouge de s’approprier unilatéralement les <a href="https://www.questionchine.net/mer-de-chine-et-asean-enjeux-de-la-rivalite-entre-la-chine-et-les-etats-unis">réserves d’hydrocarbures de la mer de Chine du sud</a>.</p>
<p>Ces déclarations ont rapidement été tempérées par la réalité des liens économiques et diplomatiques entre la Chine et les Philippines (partage des ressources naturelles, commerce bilatéral en pleine expansion).</p>
<h2>Occupation des îles</h2>
<p>La revendication chinoise (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=3sGNZDrPMbY">fondée sur une prétendue présence historique</a>) se double d’une occupation très active des récifs et de la transformation de certains îlots et récifs en <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2015/07/30/world/asia/what-china-has-been-building-in-the-south-china-sea-2016.html">îles par poldérisation et artificialisation</a>. C’est-à-dire, une création de territoire grâce à des travaux de bétonisation des récifs et hauts-fonds.</p>
<p>Cela permet alors à Pékin de requalifier juridiquement ces zones en îles et d’y associer une ZEE sur 200 milles nautiques, soit environ 370 km.</p>
<p><a href="http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20160521-spratleys-vietnam-chine-polders-iles-artificielles-recifs-sable-terre-strate">L’archipel des Spratleys</a> (notamment l’île Woody, Subi, Fiery Cross et Mischief) rassemble le plus grand nombre d’artificialisations et devient un prolongement logistique pour la Chine dans la zone, parfois surnommée par les Américains la <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2015/04/13/01003-20150413ARTFIG00089-pekin-construit-une-grande-muraille-de-sable-en-mer-de-chine.php">« Grande muraille de sable »</a>.</p>
<p>Directement administré par la province de Hainan, ce territoire maritime fait l’objet d’une <a href="https://asialyst.com/fr/2017/02/09/mer-de-chine-pekin-continue-militariser-iles-paracels/">militarisation croissante</a> dénoncée par les États-Unis, mais aussi d’un développement touristique, voire immobilier, afin de marquer durablement la présence chinoise (plus d’une vingtaine d’avant-postes dans les Paracels).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223027/original/file-20180613-32307-1pby7rv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ces îlots n’ont jamais été habités mais ont été l’objet de revendications, comme la « micro-nation » appelée Royaume de l’Humanité « fondée » par Franklin Meads au début du XXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Eles_Spratleys#/media/File:Flag_of_the_Kingdom_of_Humanity.svg">Wikipedia</a></span>
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<p>La Chine a opéré <a href="https://www.nytimes.com/2018/05/04/world/asia/china-united-states-lasers-pilots.html">plusieurs déploiements importants depuis le mois d’avril</a> : 48 navires dans les eaux de mer de Chine du sud puis autour de l’île de Taiwan.</p>
<p>Puis, en mai dernier, plusieurs vols de bombardier stratégique chinois ont été opérés depuis l’île de Woody – archipel des Paracels (accompagnées du déploiement de missiles antinavires et antiaériens, de l’installation de systèmes de brouillage des communications). La Chine y développe ainsi des capacités militaires de type <a href="https://www.files.ethz.ch/isn/165710/201317.pdf"><em>Anti-access</em> (A2) et <em>Acess-Denial</em> (AD)</a> (interdiction et déni d’accès) afin de faire la mer de Chine une zone tampon, pour protéger son territoire continental.</p>
<p>La présence militaire se double d’une présence civile permanente par l’installation d’administration, d’activités économiques et de <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/07/08/croisieres-soleil-et-patriotisme-a-la-chinoise_1465050">circuits touristiques encouragés par les autorités</a> afin de promouvoir auprès de la population chinoise, patriotisme et « grandeur du territoire chinois ». Ce tourisme politique permet de faire connaître les enjeux stratégiques à la population chinoise, de peupler la zone avec des civils et de diversifier l’économie insulaire.</p>
<h2>Une confrontation sino-américaine en mer ?</h2>
<p>La <a href="https://theconversation.com/soja-americain-contre-gadgets-chinois-les-nouvelles-victimes-de-la-guerre-entre-washington-et-pekin-95239">confrontation commerciale entre les deux grandes puissances</a> se complexifie désormais par les tensions autour de la liberté de navigation et de la souveraineté en mer de Chine du sud.</p>
<p>L’intensité des activités militaires chinoises dans la zone reflète les missions de l’US Navy entre mars et juin afin de protéger le droit à la libre navigation. Le porte-avions USS <em>Carl Vinson</em> avait ainsi <a href="http://www.bbc.com/news/world-asia-43282579">fait escale à Da Nang au Vietnam en mars</a>, signalant le renforcement des liens stratégiques des États-Unis dans l’arrière-cour asiatique de la Chine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223029/original/file-20180613-32304-1ca56pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les navires américains patrouillent durant une opération « liberté de naviguer » en mer de Chine du sud, en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/FONOPs_during_the_Obama_Administration#/media/File:USS_Ronald_Reagan_leads_a_formation_of_Carrier_Strike_Group_Five_and_Expeditionary_Strike_Group_Seven_Ships._(29761493042).jpg">US Navy/Wikipedia</a></span>
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<p>L’Amiral Davidson, futur commandant en chef du pacifique (devenu US Indo-Pacific Command depuis le 1<sup>er</sup> juin) a déclaré devant le Sénat que la militarisation des îlots contestés constituait « un sérieux défi pour les États-Unis ». Cette reconfiguration du dispositif stratégico- militaire fait écho au retour et au renforcement du concept <a href="https://theconversation.com/l-indo-pacifique-au-dela-du-slogan-94251">« Indo-pacifique »</a> dominé par les Américains.</p>
<p>Dans le même temps, les États-Unis par la voix du nouveau chef de la diplomatie, Mike Pompeo, écartaient la Marine chinoise de l’<a href="http://www.pacom.mil/Media/News/News-Article-View/Article/1535723/us-navy-announces-26th-rim-of-the-pacific-exercise/">exercice organisé tous les deux ans, RIMPAC</a> (« Rim of the Pacific »), exercice aéronaval le plus important de la planète. Alors que cette dernière avait été invitée lors des sessions de 2014 et 2016.</p>
<h2>Une force de frappe déjà prête</h2>
<p>Pékin dispose désormais d’une <a href="http://www.opex360.com/2018/04/21/selon-chef-detat-major-marine-nationale-faire-face-a-quatre-defis/">Marine dont les capacités</a> (navires de plus en plus sophistiqués, technologies avancées et armements modernisés) et les démonstrations de force ont considérablement cru depuis une décennie. L’ambition de devenir la première Marine de guerre dans la zone à horizon 2049 semble ainsi sur la bonne voie, en parallèle des objectifs du développement des <a href="http://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/10/Asias-Focus-45-octobre-2017.pdf">« nouvelles routes de la soie ».</a></p>
<p>De plus, la Chine souhaite se doter d’une force de <a href="http://ultimaratio-blog.org/archives/8318">dissuasion nucléaire permanente à la mer</a> et veut avoir accès aux eaux profondes du Pacifique afin de rivaliser avec les États-Unis.</p>
<p>Les risques d’escalades dans la zone ne sont donc pas exclus, d’autant plus que les récents événements dans la région testent aujourd’hui sa fragilité. Et que la Chine, elle, a montré qu’elle était capable de <a href="http://www.scmp.com/news/china/diplomacy-defence/article/2150226/china-puts-missiles-back-contested-south-china-sea?utm_source=emarsys&utm_medium=e-mail&utm_content=20180611&utm_campaign=scmp_international&aid=190131336&sc_src=e-mail_2263048&sc_llid=9954&sc_lid=152322071&sc_uid=uZWb7BYqBT&utm_source=emarsys&utm_medium=e-mail">déployer (et de retirer) des systèmes d’arme</a> à n’importe quel moment.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97946/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que le sommet de l’OCS, le G7 et la rencontre Kim/Trump rappellent la montée en puissance de la Chine et les enjeux de sécurité, la mer de Chine méridionale concentre tensions entre puissances.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur, responsable de la géographie et de la géopolitique à l’Inalco, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/832342017-10-12T19:07:33Z2017-10-12T19:07:33ZCombien coûterait le retour du service national en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189780/original/file-20171011-16660-11s1f25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Appelés du contingent à l'exercice de lancer de grenade (France - Oise - 1996)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pierbou/2105877968/in/photolist-4d6b9Q-pQU6Zt-bhiYsg-WqrhVF-SwKqFo-aEZHeG-YpM61M-8uW6hF-8uW6E4-RbNmCG-FtxMoF-CcFwq6-J3GtnF-H59JgS-RB6QvQ-CEs6DD-Vi316J-8LZDLd-7jCiPH-dWB3Qo-dWB3EQ-dWvqDX-dWvqdM-mKEVT2-7jCj4F-dWvpT4-dWB4xW-dWvqnv-4d6sLE-dWB3M3-VdpsVc-4d8989-4d8ftQ-dWvqNx-bY5BNy-dWvqMc-4d6ukf-4d3TTp-4d7WDf-dWB4nG-4d48Dv-4d82aq-4d41Kc-4d7R6J-4d4cPD-4d3SjV-4d3LvV-4d4h6z-4d3N2e-dWB44S">Pierre Boureau / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La Suède vient de <a href="http://lemde.fr/2yYkKOz">rétablir la conscription</a> à l’été 2017. En France, les <a href="http://bit.ly/2yXDtKc">débats sont récurrents</a> sur le sujet. Ils sont issus de deux réflexions. La première considère le service national comme une solution éventuelle pour pérenniser la posture permanente de sécurité à installer face au terrorisme (avec les opérations Vigipirate ou Sentinelle).</p>
<p>La seconde vise à retrouver la logique d’instruction civique du modèle de la Troisième République qui était basé sur l’école et le service national, les deux figures tutélaires de l’instituteur et du capitaine se complétant pour diffuser un message sur les valeurs de la République de Jules Ferry ou de Gambetta, les droits et les devoirs du citoyen.</p>
<p>Cet article propose une analyse des coûts budgétaires du service national pour cerner les raisons qui rendent la fin de sa suspension peu crédible, voire impossible.</p>
<h2>Le cadre démographique</h2>
<p>Il est assez simple de se donner une idée des volumes associés à la conscription en France. En 2015, l’<a href="http://bit.ly/2y90PQ9">ensemble des militaires</a> représentent 202 964 hommes et femmes, après des niveaux historiquement bas en 2012. En 1995, les appelés représentaient un volume de 212 500 jeunes gens, répartis entre les trois armées, la Gendarmerie, le service des essences et le service de santé. Les « spécialistes » (médecins, informaticiens, bouchers, menuisiers, mécaniciens, etc.) représentaient alors 52 000 personnes en année pleine. Ces chiffres sont à rapprocher <a href="http://bit.ly/2y3CmLD">d'une population totale française</a> alors à peine inférieure à 60 millions d’habitants et 760 000 naissances, ou par classe d’âge (contre 67 millions et environ 785 000 naissances en 2016).</p>
<p>Si le service national est décrié à l’époque, c’est pour trois raisons majeures : il frappe les jeunes Français de façon tout à fait inégalitaire ; il propose des « occupations » très peu attractives et le plus souvent fort peu connectées aux missions militaires réelles ; il est devenu très coûteux à l’institution militaire et au budget de l’État. Pour aggraver le tout, les politiques ont décidé de ne plus envoyer les appelés en opérations extérieures depuis la Guerre du Golfe (1991).</p>
<h2>Quelques références de calcul</h2>
<p><a href="http://bit.ly/2wziBId">L'analyse budgétaire du service national</a> suppose de prendre en compte plusieurs composantes. Les dépenses liées à ces opérations vont se répartir entre rémunérations (Titre 2 en jargon budgétaire) et coûts de fonctionnement (Titre 3) qui comprennent tous les coûts de formation et d’opérations. Il sera également nécessaire de prendre en compte les dépenses en capital (Titre 5) qui couvriront les coûts d’infrastructure et d’investissement.</p>
<p>Toutes ces dépenses ne représentent pas les mêmes masses budgétaires.</p>
<p>La rémunération des appelés a toujours été considérée comme dérisoire par les intéressés. Dans les années 1990, un appelé du contingent était « soldé » entre 100 et 150 euros par mois si on convertit les 450 à 750 francs de l’époque en euros courants 2017. À titre de comparaison, la loi française impose aujourd’hui une gratification minimale de 504 euros mensuels aux étudiants en stage. C’est la masse totale qui pose donc un problème budgétaire quand on multiplie par 212 000 garçons comme c’était le cas en 1995, et a fortiori par 425 000 si on enrôle les jeunes gens des deux sexes sous les drapeaux. L’enveloppe totale variera selon la durée du service.</p>
<p><a href="http://bit.ly/2gexUjB">Le rapport parlementaire rédigé sur le service national en 1995-1996</a> par le sénateur Serge Vinçon faisait état de besoins d’encadrement pour chaque durée de service national « court » envisagé à l’époque : 8 500 militaires d’active « équivalents temps plein » pour l’encadrement de 25 000 appelés pendant un service militaire d’un mois, qui deviennent 17 000 ETP pour deux mois et 50 000 appelés, ou encore 25 000 ETP pour trois mois et 75 000 appelés. On notera que ces chiffres représentent moins de 10 % d’une classe d’âge (garçons et filles) aujourd’hui.</p>
<p>À titre de comparaison, en 2015, les militaires du rang, sous-officiers et officiers de la Marine nationale représentent 36 331 militaires et ceux de l’Armée de l’air 42 607 militaires (source : <a href="http://bit.ly/2yEvFke">« Bilan social de la Défense 2016 »</a>). Sans entrer dans les détails précis d’une analyse par fonction et par grade, il est facile de comprendre que le besoin d’encadrement entraînerait de très forts besoins budgétaires (Titre 2). Pour se donner une idée des masses budgétaires relatives à la rémunération des engagés qui assureront l’encadrement et la formation des appelés, il faut se souvenir que les effectifs cités pour 2015 correspondent à des rémunérations à peine inférieures à 3 milliards d’Euros pour l’Armée de l’air et un peu plus de 2,5 milliards pour la Marine nationale.</p>
<h2>Une équation budgétaire insoluble</h2>
<p>Tout calcul simple est forcément caricatural. Si on imagine de gérer l’ensemble d’une classe d’âge dans le cadre d’un service de trois mois, alors on doit imaginer quatre incorporations de plus de 175 000 jeunes gens chacune, qui vont au moins représenter 50 000 ETP à recruter dans les forces uniquement pour gérer les appelés, les incorporer, les former, et éventuellement les encadrer sur le terrain.</p>
<p>En volume, cela revient à recruter plus de personnels que le total actuel de l’Armée de l’air. Rien qu’au titre des rémunérations et charges sociales (Titre 2), le problème budgétaire serait donc de « trouver » entre 300 millions (quatre incorporations de 175 000 jeunes pour 3 mois de service national à 150 euros par mois) et 1 milliard d’Euros (les mêmes pour 504 euros par mois) pour les soldes des appelés et 3 milliards d’Euros pour les soldes de l’encadrement dédié. Si on dépasse trois mois de service national, tous ces chiffres explosent.</p>
<p>En outre, la question de la faisabilité de ces recrutements va se poser… Chacun se souvient que les missions de formation des appelés n’étaient pas les plus attractives pour les militaires « d’active ». Pour ne rien gâcher, ces chiffres sont en plus évalués sur une base de service national à trois mois. Toute augmentation de la durée du service alourdira la facture à la fois budgétaire et humaine. Dans la simulation à quatre vagues d’incorporation, les appelés se succèdent. S’ils doivent coexister en parallèle sous l’uniforme, les besoins en encadrement et en infrastructures seront démultipliés.</p>
<p>Cette analyse succincte nécessite encore d’ajouter les deux questions des moyens (Titre 3) et des infrastructures (Titre 5). Il faut habiller ces jeunes gens, les loger et les nourrir. Il faut aussi ouvrir des logements et des casernes, acheter les armes, les munitions d’exercice et les systèmes de communication pour les entraînements et les missions.</p>
<p>Jusqu’à présent, le ministère des Armées a pris le parti de réduire le nombre des bases de Défense pour rationaliser ses coûts de structure, et aussi de vendre les sites militaires inutilisés pour générer des recettes dans le budget de l’État. Revenir en arrière ne sera pas simple, car de nombreuses casernes ont déjà été cédées ou détruites. À nouveau, la question de la faisabilité se pose.</p>
<h2>Quelle efficacité attendre ?</h2>
<p>La question de l’utilité du service national s’est déjà posée dans les années 1990 ; elle est toujours liée à la définition des objectifs.</p>
<p>Dans l’ancien temps du service national à 10 ou 12 mois, la vie de l’appelé passait par plusieurs phases : un mois pour l’instruction militaire élémentaire (apprendre à manipuler un fusil d’assaut et à ne pas être dangereux pour soi ou pour ceux qu’on est supposé protéger) ; puis autour de cinq mois pour apprendre les tactiques et doctrines opérationnelles de base pour partir en mission en tant que soldat au sein d’une unité constituée ; puis quelques mois pour mûrir et, enfin, parfois, mettre en œuvre ce qui a été appris. À tout cela, il faut ajouter un mois de « permissions ».</p>
<p>Les militaires considéraient dans les années 1990 qu’un service national de 10 mois n’était plus « rentable » car trop peu de temps était dévolu aux missions réelles. La question majeure reste aujourd’hui la même qu’il y a vingt ans : dans quelles missions emmener un appelé ? Si c’est pour assurer la relève sur une mission de type Sentinelle, et a fortiori pour partir en Afrique ou au Levant lutter contre les ennemis de la France, il y a fort à parier que les appelés d’un service militaire « court » de trois ou dix mois ne disposent pas des compétences minimales pour aller sur le terrain.</p>
<p>Tous les chiffres mentionnés dans cette analyse rapide sont donc largement sous-estimés car il faudrait augmenter la durée du service national pour donner quelque efficacité aux appelés. L’équation budgétaire semble impossible à résoudre, mais elle n’est qu’un élément technique de l’analyse. Si les appelés ne sont pas utilisés pour des missions « militaires », pourquoi les incorporer sous l’uniforme ?</p>
<p>La question budgétaire montre que le rétablissement du service national suppose de mobiliser des sommes énormes qui sont hors de portée des très maigres ressources budgétaires de l’État sauf à augmenter les impôts de façon très significative ou à réallouer les ressources au détriment de nombreux ministères. Ces sommes seraient bien plus efficaces si elles permettaient d’apporter plus de moyens aux militaires professionnels, ou de mobiliser plus de réservistes.</p>
<p>Ceux qui parcourent les débats des années 1990 comprennent vite que la fin de la suspension du service national ne provoquera pas un enthousiasme débordant chez les jeunes gens qui interrompront leurs études ou retarderont leur entrée sur le marché du travail. Qui prendra le risque de perdre les votes des appelés et de leurs familles ? Et le vote de tous ceux qui seront déçus par les réaffectations budgétaires de tous ces milliards d’euros ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David W. VERSAILLES a développé le début de cette recherche alors qu'il était en poste au sein de la Direction des affaires financières du Ministère de la Défense (Observatoire économique de la Défense). Les idées présentées dans ce texte sont celles de l'auteur et n'engagent en rien le ministère des Armées. </span></em></p>Les débats politiques font état régulièrement d’un retour du service national en France. Analyse du coût budgétaire de ce rétablissement éventuel. Quel « retour sur investissement » ?David W. Versailles, Chair professor, strategic management and management of innovation, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/833192017-08-31T19:35:29Z2017-08-31T19:35:29ZExpédition La Pérouse : qu’est-il arrivé aux survivants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184210/original/file-20170831-22597-8akroc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Louis XVI donnant ses instructions finales au Comte de La Pérouse en 1785, avant qu'il embarque pour sa mission fatale dans l'hémisphère sud. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.sl.nsw.gov.au/collection-items/louis-xvi-giving-final-instructions-comte-de-la-perouse-1785-1911-painted-edouard">State Library of NSW </a></span></figcaption></figure><p>Le destin des survivants de l’<a href="http://www2.sl.nsw.gov.au/archive/discover_collections/society_art/french/perouse/index.html">expédition menée par Jean‑François de Galaup, Comte de La Pérouse</a> reste un mystère, depuis la disparition de ses frégates, <em>L’Astrolabe</em> et <em>La Boussole</em>. Après avoir quitté Botany Bay en mars 1788, les bateaux ont disparu, semble-t-il, dans l’immensité du Pacifique.</p>
<p>L’expédition partit du port de Brest en 1785. Les deux navires, transportant pas moins de 225 officiers, équipiers et scientifiques, étaient remplis de provisions et de marchandises. Les hommes avaient embarqué pour un voyage de quatre ans dans le Pacifique, sur les traces des exploits du Capitaine James Cook. Le roi Louis XVI soutenait l’opération, et avait même contribué à en dessiner les plans et l’itinéraire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183887/original/file-20170829-5071-yptlr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Portrait du Comte de La Pérouse, circa 1792.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.portrait.gov.au/portraits/2012.80/la-perouse">National Portrait Gallery, Canberra</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Pérouse avait également pour mission d’enquêter sur la nouvelle colonie britannique en Australie. Il arriva au large de Botany Bay, en Nouvelle-Galles du Sud, en janvier 1788, juste à temps pour voir la <em>First Fleet</em> d’Arthur Philip mouiller l’ancre, et fut témoin des débuts de la colonisation européenne sur le continent. Pendant six semaines, les Français installèrent leurs campements sur les rives nord de la baie, devenue aujourd’hui la banlieue sud-est de Sydney, qui porte le nom de La Pérouse.</p>
<p>Avant de partir en Australie, La Pérouse avait confié des lettres aux Britanniques, qu’ils devaient transmettre au Ministère français de la Marine. Il y expliquait comment il prévoyait de quitter l’océan Pacifique via le détroit de Torres, la voie d’eau étroite qui sépare l’Australie et la Nouvelle-Guinée, affirmant qu’il serait de retour en France d’ici juin 1789. Mais à cette date, point de frégates : l’attente fit place à l’inquiétude. En 1791, l’Assemblée nationale commanditait une expédition à la recherche du navigateur, sans succès. L’anecdote raconte que le roi Louis XVI, sur le chemin de la guillotine, en 1793, demanda à ceux qui le menaient à l'échafaud : « Avons-nous des nouvelles de La Pérouse ? »</p>
<p>C’est un capitaine irlandais particulièrement obstiné qui a finalement résolu l’énigme, presque quatre décennies plus tard. En 1826, Peter Dillon découvrit des objets venus d’Europe à Tikopia, dans les îles Salomon. Selon les habitants, ils provenaient d’une île voisine appelée Vanikoro. Dillon eut l’intuition qu’ils venaient des navires de La Pérouse. Il obtint finalement le commandement du navire d’enquête <em>La Recherche</em> et aborde à Vanikoro en 1827, où il découvre le sort terrible de <em>L’Astrolabe</em> et de <em>La Boussole</em> : les deux frégates se sont abîmées sur les récifs frangeants de l’île, lors d’une tempête. Les artefacts collectés par Dillon furent emmenés à Paris, où on les identifia comme des objets appartenant bel et bien aux navires de l’expédition La Pérouse.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184212/original/file-20170831-22617-1y3onwz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cartographie des îles du Pacifique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9dition_de_La_P%C3%A9rouse#/media/File:Voyage_de_La_P%C3%A9rouse_autour_du_monde_(No._15)_BHL15849653.jpg">Duboy-Laverne, P. D. ; La Pérouse, Jean‑François de Galaup ; Milet de Mureau, Louis Marie Antoine Destouff ; Mourelle de la Rúa, Francisco Antonio ; Pingré, Alexandre Guy</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les habitants de Vanikoro ont également raconté que les survivants de l’expédition La Pérouse avaient passé plusieurs mois à construire une petite goélette à deux mâts, en utilisant à la fois le bois des forêts denses de l’île et du bois d’épaves. Une fois l’embarcation terminée, ils se sont lancés sur les flots.</p>
<p>Ce qu’il est advenu de ce navire et de son équipage, si désireux de rentrer en France reste un mystère complet. Des livres et des articles sur La Pérouse posent inlassablement les mêmes questions : le navire est-il jamais sorti de la lagune de Vanikoro, ou a-t-il été attaqué par des autochtones en pirogue ? Si le bateau est sorti de la lagune, a-t-il coulé ? Ou les survivants sont-ils morts de soif ou de faim en mer ? Ou encore, ont-ils fait naufrage ailleurs dans le Pacifique ?</p>
<p>Un article de 1818 contient peut-être un indice sur le sort du navire qui tenta de quitter Vanikoro. Dans son numéro de décembre 1818, le <em>Courrier de Madras</em> relate en effet comment, en septembre de cette année-là, les navires <em>Claudine</em> et <em>Mary</em>, qui voguaient, depuis Sydney, en direction de Calcutta, ont jeté l’ancre sur l’île de Murray dans l’archipel du détroit de Torres. C’est là qu’ils ont ils ont porté secours à un marin indien, Shaik Jumaul, qui avait survécu au naufrage du navire marchand le <em>Morning Star</em> quatre ans plus tôt, au large de la côte nord du Queensland.</p>
<p>À bord du <em>Mary</em>, Shaik Jumaul a été interrogé au sujet de ses expériences sur l’île. Il a raconté qu’il avait vu des épées et des mousquets sur les îles, « fabriqués différemment de ceux des Anglais », ainsi qu’une boussole et une montre en or. Quand il a demandé aux insulaires où ils avaient obtenu ces objets, un vieil homme lui a expliqué comment, 30 ans plus tôt, un navire s’était échoué sur la Grande Barrière de Corail, à l’approche de Murray Island. Des hommes blancs avaient quitté le bateau sur de petites embarcations en bateaux, mais dans les combats qui s’ensuivirent ils périrent tous, sauf un jeune garçon, qui fut épargné et élevé par les habitants de l’île comme l’un des leurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183930/original/file-20170830-23666-1fmf7pu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ouest de Murray Island et les îles voisines de Waier et Dauar, le 1ᵉʳ décembre 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Garrick Hitchcock</span></span>
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</figure>
<p>De fait, la liste d’équipage de l’expédition mentionne un marin, François Mordelle, originaire de la ville portuaire de Tréguier en Bretagne. S’agissait-il du dernier survivant de l’expédition La Pérouse ? L’article mettant en vedette la description du naufragé fut repris par de nombreux journaux en Australie, en Grande-Bretagne, en France et ailleurs et les observateurs firent le lien avec l’expédition La Pérouse. Puis on oublia l’histoire de Shaik Jamaul.</p>
<p>La chronologie semble coïncider, car c’est bien 30 ans plus tôt, fin 1788 ou début de 1789, que les survivants de l’expédition ont quitté Vanikoro dans leur petit navire. Les historiens ne rapportent pas la présence d’un autre navire européen dans la région à cette époque.</p>
<p>Le détroit de Torres, qui comprend la partie nord de la Grande Barrière de Corail, est doté de récifs, de rochers et de bancs de sable. Il est souvent décrit comme un « cimetière marin », car plus de 120 bateaux ont sombré dans ses eaux traîtres. Le navire signalé par Shaik Jumaul fut le premier naufrage connu dans ce détroit et, de fait, dans la partie orientale du continent australien.</p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.retronews.fr/embed-journal/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel/09-avril-1827/149/1277143/1" frameborder="0"></iframe>
<p>Est-ce que l’expédition s’est achevée par une tragédie dans le nord de l’Australie ? Avec les découvertes à venir sur le site de l’épave (sur la Grande barrière de Corail ou dans les îles), nous en aurons peut-être la confirmation.</p>
<p>Il y a cependant un mystère associé à l’expédition La Pérouse que nous ne résoudrons probablement jamais. Les insulaires ont en effet montré à Shaik Jamaul les vêtements du jeune marin, pleurant en se remémorant comment, un soir, il quitta l’île en pirogue avec deux jeunes filles. Ses amis de l’île sont partis à leur recherche, mais ne les ont jamais revus. Cherchait-il à revenir en France ? A-t-il subi un accident en mer ? Ou a-t-il connu un troisième naufrage, fatal celui-là ? Ce fut le dernier homme de l’équipage, un survivant, un naufragé. Bien que son identité et son destin restent mystérieux, sa mémoire subsiste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Garrick Hitchcock ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 1826, on découvrit des objets venus d’Europe à Tikopia, dans les îles Salomon : venaient-ils de l’Astrolabe et de la Boussole, les navires disparus de La Pérouse ?Garrick Hitchcock, Honorary Senior Lecturer, School of Culture, History and Language, Australian National UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/808402017-07-12T19:59:47Z2017-07-12T19:59:47ZRendre aux armées leur vraie place<p>Depuis qu’il a été élu président de la République, Emmanuel Macron a multiplié les signes propres à l’installer dans sa fonction de chef des armées. « En choisissant de remonter les Champs-Élysées à bord d’un véhicule militaire, le nouveau président envoie un signe fort à un pays traumatisé par la menace terroriste », écrivait un journaliste au soir de son investiture, le <a href="http://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/investiture-emmanuel-macron-a-enfile-son-costume-de-chef-des-armees_2190955.html">14 mai</a>. L’après-midi même, le nouveau Président s’était aussi rendu à l’hôpital militaire Percy pour une visite aux blessés de guerre, à huis clos. Depuis les visites se sont enchaînées, de celle – à Gao le 19 mai – auprès des militaires de l’opération Barkhane au spectaculaire hélitreuillage pour rejoindre le sous-marin nucléaire, <em>Le Terrible</em>, le 4 juillet.</p>
<p>Le ministère de la Défense est devenu ministère des Armées. Au-delà des questions de périmètres, théoriquement inchangés, les mots ont leur importance : le terme « armées » revient au premier plan institutionnel, donnant au militaire un rôle central dans l’histoire immédiate de la défense nationale.</p>
<p>Il y a certes une part d’affichage et de communication dans ces choix, mais les symboles comptent dans un pays dont la relation entre la société, le monde politique et les armées s’est longtemps caractérisée par une valse-hésitation entre une lointaine indifférence et une condescendance polie.</p>
<h2>Le soutien de l’opinion, pas de Bercy</h2>
<p>La question se pose alors de la politique qui sera réellement menée après cette introduction martiale du quinquennat. Bien des acteurs et des spectateurs attentifs de l’actualité militaire étaient dans une expectative inquiète, pour ne pas dire plus, <a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/budget-de-la-defense-en-baisse-le-gouvernement-philippe-ne-tient-pas-ses-promesses-743512.html">sur le sort budgétaire</a> effectivement réservé aux armées. Ils n’ont désormais plus guère de doute sur l’<a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/07/12/la-vraie-ponction-du-budget-des-armees-au-dela-de-1-milliard-d-euros_5159523_823448.html">issue des arbitrages en cours</a>.</p>
<p>Parce qu’on a légèrement freiné l’inexorable courbe de la réduction des effectifs militaires après les attentats de 2015, parce qu’on a beaucoup parlé de guerre au cours du dernier quinquennat et que certains ont adopté des postures viriles, parce que les candidats à l’élection présidentielle ont presque tous brandi les fameux 2 % du PIB comme un but à atteindre, certains ont pu croire que les préoccupations sur les moyens alloués à la défense nationale n’avaient plus lieu d’être. À tort.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"882294413296369665"}"></div></p>
<p>Quelques observateurs légitimement obstinés ne cessent de le rappeler : les <a href="https://lavoiedelepee.blogspot.fr/2017/06/notre-armee-en-route-vers-le-big-crunch.html">saignées des décennies précédentes</a> sont loin d’être compensées. Il serait bon que <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/mali/guerre-au-mali/video-mali-le-general-vincent-desportes-deplore-le-manque-de-moyens-de-l-armee-francaise_2266681.html">leurs voix</a>, heureusement plus présentes qu’elles n’ont pu l’être par le passé dans le paysage médiatique, ne deviennent pas peu à peu une petite musique de fond avec laquelle on compose sans vraiment en tenir compte.</p>
<p>Les responsables politiques devraient y être d’autant plus attentifs que les Français semblent bien être prêts à entendre un discours qui aille en ce sens : 82 % souhaitent que le budget de la Défense soit maintenu ou augmenté (<a href="http://www.opex360.com/2017/07/10/les-francais-ont-une-bonne-image-de-leurs-armees-et-estiment-quelles-nont-pas-les-moyens-de-leurs-missions/">IFOP-DICoD, mars 2017</a>) et 66 % sont en faveur d’une augmentation et d’une modernisation des forces conventionnelles françaises pour en maintenir la crédibilité. Enfin, 55 % des Français considèrent que le budget actuel de la Défense est insuffisant pour que les armées puissent remplir leurs missions de défense (IFOP-DICoD, mai 2017), soit 20 points de plus qu’en 2012. Resterait alors à utiliser ces nouveaux moyens pour une politique générale d’emploi des forces qui soit cohérente au regard des ambitions affichées.</p>
<h2>Le sens de l’action militaire</h2>
<p>Or, cet objectif ne sera jamais atteint si les responsables politiques n’ont pas le souci de rendre aux armées une identité narrative qui ait du sens, pour reprendre les <a href="http://www.esprit.presse.fr/article/ric%C5%93ur-paul/l-identite-narrative-12865">mots de Paul Ricœur</a> dont on sait qu’ils sont chers au cœur du président de la République. Rappelons-le, l’identité narrative des armées peut difficilement être cohérente si elle ne renvoie pas, peu ou prou, à une trame épique. Rendre cette identité aux armées, c’est accepter d’ordonner toute décision et toute parole qui les concerne à une fin supérieure : la compréhension du sens de l’engagement militaire, tout entier orienté vers le combat et vers la possibilité de donner la mort et de la recevoir au nom de la nation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177860/original/file-20170712-9330-q585i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Opération Sentinelle à Strasbourg en février 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e1/Strasbourg_op%C3%A9ration_Sentinelle_f%C3%A9vrier_2015-4.jpg/640px-Strasbourg_op%C3%A9ration_Sentinelle_f%C3%A9vrier_2015-4.jpg">Claude Truong-Ngoc</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que les interrogations sont nombreuses sur le <a href="https://theconversation.com/le-service-militaire-objet-de-fantasmes-politiques-75503">projet de service national obligatoire</a> qui n’aurait aucune fonction strictement militaire, alors que l’opération Sentinelle dure et mobilise toujours 7 000 soldats en permanence pour une mission dont l’utilité réelle, dans ce format, est <a href="http://mars-attaque.blogspot.fr/2016/09/debat-strategique-sentinelle-france-operations-territoire-national.html">débattue</a>, la question de cette identité épique se pose. On ne peut affirmer vouloir faire des guerres (et les gagner) et demander à ceux qui la font de jouer massivement et durablement des rôles qui ne sont pas les leurs.</p>
<p>Il s’agit bien sûr, à court terme, d’une question de moyens (on y revient toujours). Il s’agit aussi, à moyen et long terme, de la compréhension par la société tout entière du sens de l’action militaire.</p>
<h2>Les gestes et les paroles du Président</h2>
<p>L’expression « outil militaire » (ou « outil de défense ») est désormais passée dans le langage courant. À tort, on ne s’interroge pas assez sur les significations induites par ces mots anodins. En certains contextes d’analyse des équilibres institutionnels, ils peuvent être légitimes, mais à force d’être répétés à tout bout de champ, ils disent aussi une réalité regrettable : les armées sont devenues le couteau suisse que les dirigeants politiques peuvent sortir de leur poche lorsque, confrontés aux échecs réels ou supposés d’autres institutions ou structures sociales, il leur semble que la pente à remonter est trop ardue.</p>
<p>Après des décennies d’effacement des réalités combattantes d’un imaginaire national blessé par les souvenirs guerres françaises du XX<sup>e</sup> siècle, cet usage durable des armées, dans des fonctions qui ne devraient être qu’annexes et conjoncturelles et que l’on survalorise pourtant, est au cœur d’un malaise devenu, depuis les années 1970, un objet médiatique récurrent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MJjipVZODmY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La considération qu’un Président accorde aux armées par ses gestes et ses paroles n’est pas sans importance. D’autres chefs de l’État, en leur temps, n’ont même pas su répondre à cette mission première qui était la leur. Jacques Chirac a ainsi peiné à donner du sens à la mort de neuf soldats français, à Bouaké, en Côte d’Ivoire, en novembre 2004. Quant à Nicolas Sazkozy, il a promis une impossible transparence aux familles des dix défunts d’Uzbin en Afghanistan, en août 2008, donnant l’impression qu’une enquête sur le déroulement de l’embuscade pourrait dissiper le « brouillard de la guerre ». Par leurs mots malheureux, ils ont relégué des faits d’armes au rang de simples faits divers.</p>
<p>Sur ce plan, des lignes, semble-t-il, ont bougé. La dimension combattante des engagements militaires français n’est plus occultée par des responsables politiques qui ne seraient pas prêts à en assumer les conséquences. Le nouveau président de la République a manié abondamment les symboles depuis son élection. Reste à ce que cette considération affichée soit suivie de décisions qui rendent aux armées une identité épique cohérente et non seulement de façade.</p>
<p>Si les armées continuent d’être considérées comme le palliatif de tous les dysfonctionnements sociaux tandis que Bercy demeure le décisionnaire ultime des moyens de notre puissance, le malaise continuera de coller aux semelles de ceux qui combattent au nom de leurs concitoyens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80840/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Chéron a reçu des financements du CEHD (Cente d'études historiques de la Défense) pour sa thèse entre 2006 et 2009 puis de l'IRSEM (Institut de recherches stratégiques de l'Ecole militaire) pour son post-doctorat en 2011 et 2012.</span></em></p>On ne peut affirmer vouloir faire des guerres (et les gagner) et demander à ceux qui la font de jouer massivement et durablement des rôles qui ne sont pas les leurs.Bénédicte Chéron, Historienne, chercheur-partenaire au SIRICE, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/782952017-05-24T16:14:04Z2017-05-24T16:14:04ZLa non-défaite de Trafalgar<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170806/original/file-20170524-31373-4kxfcg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C1%2C786%2C547&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque nationale de France</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous vous proposons cet article en partenariat avec <a href="https://www.retronews.fr/">RetroNews</a>, le site de presse de la <a href="http://www.bnf.fr/fr/acc/x.accueil.html">Bibliothèque nationale de France</a>.</em></p>
<hr>
<blockquote>
<p>« Vous êtes du nombre de ceux qui se sont bien battus, vous prendrez votre revanche. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que Napoléon encouragea les capitaines de vaisseaux <em>Magendie</em> et <em>Villemadrin</em>, qui avaient commandé respectivement le <em>Bucentaure</em> et le <em>Swiftsure</em> à la bataille de Trafalgar, <a href="https://www.retronews.fr/journal/journal-de-l-empire/20-mai-1806/47/1033439/3">comme le relate le 20 mai 1806 le <em>Journal de l’Empire</em></a>.</p>
<p>La défaite infligée, le 21 octobre 1805, à l’escadre franco-espagnole au large du cap de Trafalgar par l’escadre britannique commandée par l’amiral Nelson, n’avait pas été passée sous silence par la presse officielle de l’Empire français, mais la présentation de l’événement était abordée d’une manière très différente de celle de l’éclatante victoire terrestre française d’Austerlitz.</p>
<p>En guerre contre l’Autriche et la Russie, dans les plaines de Moravie, Napoléon ne semble avoir été informé par son ministre de la marine, Denis Decrès, que le 18 novembre 1805 de la bataille de Trafalgar :</p>
<blockquote>
<p>« Je reçois votre lettre relative au combat de Cadix. J’attends les détails ultérieurs que vous m’annoncez, avant de me former une opinion décisive sur la nature de cette affaire. En attendant, je m’empresse de vous faire connaître que cela ne change rien à mes projets de croisières ; je suis même fâché que tout ne soit pas prêt. » (Correspondance de Napoléon)</p>
</blockquote>
<p>Des références au « combat de Trafalgar » <a href="https://www.retronews.fr/journal/journal-de-l-empire/20-mai-1806/47/1033439/3">ne semblent apparaître dans la presse française</a> qu’après Austerlitz, mais contrairement à cette dernière bataille, dont le déroulement fut relaté, le 17 décembre par le <em>Journal de l’Empire</em> avec le détail sur les forces en présence et les pertes, le lecteur devait bien deviner que Trafalgar, au contraire, était une défaite.</p>
<p>Pour le lecteur du <em>Journal de l’Empire</em>, Trafalgar était <a href="https://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/08-fevrier-1806/427/1601157/7">surtout associé à la mort de lord Nelson</a>. <a href="https://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/15-janvier-1806/427/1593161/7">Ses funérailles</a>, le contenu de son testament, les collectes faites au profit des <a href="https://www.retronews.fr/journal/journal-de-l-empire/14-janvier-1806/47/1033379/2">familles des matelots anglais tués lors de la bataille</a>, semblaient préoccuper la presse française davantage que l’ampleur du désastre franco-espagnol.</p>
<p>Le 26 janvier 1806, la paix de Presbourg avec l’Autriche signée et la Prusse rangée aux côtés de la France, le <em>Journal de l’Empire</em> publia entre autres une lettre de Londres dans laquelle le premier ministre anglais William Pitt fut rendu responsable de toutes les défaites de la 3<sup>e</sup> coalition :</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui M. Pitt s’aperçoit qu’en se faisant une affaire personnelle de cette guerre, il est devenu personnellement responsable de tous les événements ; toutes les défaites sont tombées sur lui ; l’humiliation le poursuit ; et son nom qui a eu quelque temps un si grand crédit en Europe, va devenir dans notre pays même le plus sûr moyen de désigner l’ambitieux sans capacité. »</p>
</blockquote>
<p>Relativisant l’importance accordée par la presse britannique à la prise, le 19 janvier 1806, du Cap de Bonne-Espérance aux Hollandais, alliés des Français, le journal anglais <em>Bell’s Messenger</em>, <a href="https://www.retronews.fr/journal/journal-de-l-empire/12-mars-1806/47/1032991/2">cité par le <em>Journal de l’Empire</em></a>, fait un commentaire prémonitoire au sujet de l’affrontement avec la France :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est ni à Trafalgar, ni au Cap de Bonne-Espérance qu’a pu se décider le grand procès qui existe entre la France et l’Angleterre ; et si nous ne voulons désormais signer de paix que celle qui abaisseroit la prépondérance de notre ennemi, il faut nous résoudre à ébranler tous les états du Continent, qui sont à présent ou gagnés à sa cause, ou enchaînés par sa puissance. »</p>
</blockquote>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.retronews.fr/embed-journal/journal-de-l-empire/12-mars-1806/47/1032991/2?fit=599.74.609.447" frameborder="0"></iframe>
<p>Lorsque l’<a href="https://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/08-fevrier-1806/427/1601157/7">espoir de la conclusion d’une paix avec la France</a> apparut, les rédacteurs de ces journaux prévoyaient assez clairement la guerre qui allait embraser l’Europe pendant encore une dizaine d’années et que seule la victoire terrestre de l’Europe coalisée termina. Mais d’une autre manière qu’on ne le présente souvent.</p>
<p>En encourageant et décorant les officiers de marine, comme Lucas ou Infernet, qui s’étaient vaillamment battus à Trafalgar et <a href="http://www.retronews.fr/journal/journal-de-l-empire/06-mai-1806/47/1033465/2">dont l’action fut minutieusement décrite par le <em>Journal de l’Empire</em></a> (avec cependant des erreurs sur les noms des navires, <a href="https://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/07-mai-1806/427/1602371/6">corrigés quelques jours plus tard</a>), Napoléon faisait clairement comprendre qu’il n’avait pas abandonné la partie de la guerre sur mer, alors qu’à ce moment-là, le blocus continental n’était pas encore décrété. Il aurait déclaré à Lucas et Infernet : « Si tous mes vaisseaux s’étaient conduit comme ceux que vous commandiez, la victoire n’aurait pas été incertaine ».</p>
<p>Dans d’autres récits, les <a href="https://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/18-mars-1806/427/1592025/6">rédacteurs du <em>Journal de l’Empire</em></a> mettaient en doute la victoire anglaise. Mettre en valeur ses propres victoires et minimiser ses défaites fait sans doute partie de la propagande d’un gouvernement en guerre. En attendant, ni la poursuite des opérations navales de ravitaillement des colonies, ni les efforts de construction navale entrepris après 1805, ne semblent indiquer que Napoléon ait considéré Trafalgar comme mettant un terme définitif à la guerre navale contre l’Angleterre.</p>
<p>Il fallait attendre la chute de Napoléon pour voir paraître dans la presse française officielle des interprétations érigeant Trafalgar en événement. Ainsi, le 20 avril 1814, après la première abdication de l’Empereur, le <em>Journal des débats politiques et littéraires</em> publia une lettre factice de l’amiral Villeneuve, « adressée à Bonaparte » et qui aurait paru dans un journal anglais.</p>
<p>Villeneuve y aurait rendu Napoléon, traité de tyran, <a href="https://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/07-mai-1806/427/1602371/6">responsable de la ruine de la marine française</a> et lui aurait promis sa punition certaine. Faisant l’éloge des marins britannique, la presse de la Restauration <a href="http://www.retronews.fr/journal/ark12148cb327510949/07-mai-1806/427/1602371/6">allait même jusqu’à affirmer aucune bataille navale n’avait été livrée depuis Trafalgar</a> « parce que cette mémorable action avait balayé les mers de tout ennemi qui aurait pu les disputer ».</p>
<p>Mais ce n’est que le 20 février 1816 que le <em>Moniteur universel</em> <a href="https://www.retronews.fr/journal/gazette-nationale-ou-le-moniteur-universel/20-fevrier-1816/149/1375321/2">faisait écho des débats parlementaires britanniques</a> au sujet de l’érection d’un « monument national commémoratif de la décisive et signalée bataille de Trafalgar ». Certains députés, associant Trafalgar à Waterloo, demandèrent même de n’ériger qu’un seul monument pour les deux batailles. Napoléon étant alors à Sainte-Hélène, on prenait conscience alors qu’une époque était révolue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicola Todorov ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La défaite infligée aux Français à Trafalgar en 1805 fut presque entièrement passée sous silence par la presse.Nicola Todorov, Chercheur associé au centre d'histoire du XIXe siècle, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759902017-04-13T19:44:09Z2017-04-13T19:44:09ZLa défense, pour quoi faire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/165070/original/image-20170412-25888-nro3tv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un Rafale sur le pont d'envol du porte-avions _Charles de Gaulle_.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pascalsubtil/1125408098/in/photolist-dv25Cy-cPEihQ-2Hs1BU-2Hmu3Z-2HmQX6-2HmjDp-2HruN9-2HrSBu-2HmLGa-2HrhxW-2HmAL4-2HqW8y-2HmuRF-2HrPVo-2HmVyi">Pascal Subtil/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question est de <a href="http://melenchon.fr/2017/03/31/geopolitique-defense-service-de-paix/">Jean‑Luc Mélenchon</a>, dans le débat du 4 avril, et il faut reconnaître qu’elle a sa pertinence. Car les divergences entre les principaux candidats de l’élection présidentielle de 2017 tiennent finalement moins dans le renforcement de l’outil de défense lui-même – tous l’appellent de leurs vœux – que dans l’utilisation qu’ils souhaitent en faire.</p>
<p>Après les attentats de 2015-2016, le consensus sur un renforcement de l’armée et de la sécurité est à l’ordre du jour. Mais après l’élection de Donald Trump et les menées de Vladimir Poutine (en Ukraine comme en Syrie), les visions stratégiques divergent.</p>
<h2>Des moyens pour la défense</h2>
<p>Après deux Livres blancs sur la défense et la sécurité en 2008 et <a href="http://www.defense.gouv.fr/actualites/memoire-et-culture/livre-blanc-2013">2013</a>, marqués par une réduction du format des armées, le retour du tragique sur le territoire national et dans l’environnement stratégique immédiat de l’Europe a imposé de reconsidérer la question. À la veille du scrutin des 23 avril et 7 mai, l’augmentation du budget est une nécessité reconnue : à 2 % du PIB pour les uns (<a href="https://en-marche.fr/article/discours-emmanuel-macron-politique-defense-video">Emmanuel Macron</a>, <a href="https://www.fillon2017.fr/projet/defense/">François Fillon</a>) ; à 3 % sur un quinquennat pour d’autres (<a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/marine-le-pen-promet-un-effort-de-defense-a-3-du-pib-en-2022-669351.html">Marine Le Pen</a>, de façon moins certaine <a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/01/06/benoit-hamon-propose-de-porter-a-3-le-budget-de-l-etat-pour-la-defense-et-la-securite_5058994_4854003.html">Benoît Hamon</a>), tandis que Jean‑Luc Mélenchon refuse de raisonner en chiffres, encore moins avec ceux de l’OTAN (qui fixe la norme des 2 %).</p>
<p>L’idée d’une révision du dispositif Sentinelle est également partagée : la présence massive de militaires sur le territoire national après les attentats n’est pas appelée à perdurer (Macron, Hamon), sans doute à être redimensionnée (Fillon). De la même manière, l’utilité d’un nouveau Livre blanc ou d’une revue de défense nationale après l’élection, exercice devenu consubstantiel de l’ouverture d’un nouveau quinquennat, est largement reconnue. La tâche serait confiée directement au chef d’état-major des armées en cas de victoire de François Fillon.</p>
<p>Même l’idée d’une réintroduction, sous une forme ou une autre, d’un service national, fait son chemin. Si la <a href="https://theconversation.com/drafts/75503/edit">proposition d’Emmanuel Macron</a> d’un service « de durée courte un [mois], obligatoire et universel » a été la <a href="http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/service-national-selon-macron-serait-15000-postes-l-encadrement-122392">plus commentée</a>, Marine Le Pen (trois mois) et Jean‑Luc Mélenchon (9 à 12 mois) y sont également sensibles.</p>
<h2>Des postures stratégiques opposées</h2>
<p>Une fois cet hymne à la défense nationale entonné, la feuille de route prend des couleurs différentes. D’une manière générale, la tendance occidentaliste la plus dure – qualifiée parfois, et sans doute rapidement, de « néoconservatisme à la française » – est pratiquement absente du paysage. Comment pourrait-il en être autrement, alors que l’atlantisme a perdu de son sens avec un <a href="https://theconversation.com/le-president-americain-peut-il-etre-lennemi-71566">Président américain sceptique sur l’OTAN</a>, et que Vladimir Poutine fait figure désormais de défenseur à la fois de l’Occident, de l’autoritarisme et de l’intervention militaire ?</p>
<p>Mais justement, c’est Moscou, et non plus Washington, qui sert maintenant de ligne de partage, au point que des renversements d’alliance se profilent. C’est clairement le cas chez Jean‑Luc Mélenchon qui prône une sortie de l’OTAN, un rapprochement avec la Russie, et ouvre la perspective à terme – il est le seul à aller aussi loin – à une dénucléarisation progressive de la France, donc à une renonciation à la dissuasion, que les autres candidats se gardent bien d’envisager.</p>
<p>Marine Le Pen, très liée également à Moscou, critique elle aussi l’Allemagne, et, comme on le sait, souhaite sortir des coopérations européennes. Même François Fillon, moins virulent dans sa remise en cause de l’Alliance atlantique et qui laisse à l’Allemagne sa place centrale dans les partenariats, évoque une redéfinition des « priorités géographiques et stratégiques », et un nouveau dialogue avec la Russie, en abondant dans le sens d’un <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/23/estimer-que-la-paix-passe-par-la-redefinition-des-frontieres-est-surprenant_5099276_3232.html">débat sur les frontières en Europe</a>, ce qui va dans le sens souhaité par le Kremlin.</p>
<p>Benoît Hamon reste quant à lui prudent, sceptique sur cet engouement russe et, comme Emmanuel Macron, s’en tient au constat que l’Europe est notre principal cercle d’appartenance, sans doute notre meilleure garantie de sécurité collective, qu’il convient de revitaliser : un quartier général européen pour le candidat du PS, un Fonds européen de défense et la réactivation des groupements tactiques pour le leader d’En Marche !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165071/original/image-20170412-25865-tnfiog.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La France ne possède qu’un seul porte-avions, le <em>Charles de Gaulle</em> (ici en 2012, dans la baie de Naples).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/33200530@N04/8204670288/in/photolist-dv25Cy-cPEihQ-2Hs1BU-2Hmu3Z-2HmQX6-2HmjDp-2HruN9-2HrSBu-2HmLGa-2HrhxW-2HmAL4-2HqW8y-2HmuRF-2HrPVo-2HmVyi">CucombreLibre/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les frappes américaines sur la Syrie, décidées par Donald Trump et opérées dans la nuit du 6 au 7 avril à la suite d’une probable utilisation d’armes chimiques par le régime de Damas contre des civils, a encore illustré ce <a href="http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/04/07/frappes-americaines-en-syrie-les-reactions-des-candidats-a-la-presidentielle_5107608_3218.html">fossé entre les candidats</a>. Benoît Hamon et Emmanuel Macron, sur la même ligne que le gouvernement français actuel, soutenaient ces frappes. Marine Le Pen marquait sa déception vis-à-vis d’une administration Trump qu’elle avait pourtant courtisée et François Fillon évoquait un « danger pour la paix », sans doute embarrassé dans ce contexte par des propos antérieurs très favorables au régime baasiste.</p>
<p>La défense comme repli d’un côté (avec la sortie de nos cercles d’appartenance traditionnels), la défense comme élément d’un nouvel horizon de partenariats internationaux plus inclusifs de l’autre (par exemple Emmanuel Macron et sa vision de la Méditerranée et de l’Afrique, <a href="http://www.rfi.fr/emission/20170405-emmanuelle-macron-politique-internationale">« d’Alger au Cap »</a>) : voilà sans doute le grand clivage, au-delà de l’instrument militaire lui-même.</p>
<h2>Des chantiers structurels</h2>
<p>Le débat, au moins, est vif, et il est nécessaire, même si le dissensus auquel il donne lieu actuellement peut être dangereux. La plupart des candidats sont conscients de la nécessité de remettre la défense au cœur des préoccupations nationales et de travailler sur le lien armée-nation, des échéances difficiles à venir et de leur coût (modernisation des forces et surtout de la dissuasion dans les prochaines années), même s’ils n’offrent pas encore de réponse définitive à quelques questions urgentes (comme celle de la construction d’un second porte-avions).</p>
<p>Ils prennent des risques – ce que l’on peut saluer même si l’on ne partage pas leurs opinions – en évoquant ouvertement des options tranchées sur l’Europe, sur l’OTAN, sur la Russie, et même sur les relations à entretenir avec des régimes aussi condamnables que celui de Bachar al-Assad. D’autres questions plus thématiques ou géographiques (le dispositif français en Afrique, la pertinence ou pas de s’engager dans les problématiques asiatiques comme les tensions en mer de Chine du Sud…) ne pourront être abordées qu’une fois les équipes dirigeantes constituées, et le seront sans doute alors.</p>
<p>Mais des questions plus structurantes restent en suspens et mériteront des réflexions de fond. Elles dépassent le seul cadre d’un Livre blanc, sont liées à des débats de politique étrangère, et doivent être conduites collectivement par des équipes renouvelées. À commencer par celle de la question de la pertinence de l’intervention militaire, d’abord décriée, parfois problématique, mais consubstantielle de l’<em>habitus</em> français sur la scène internationale, indétachable de son rang politique international.</p>
<p>Cette question renvoie à celle du type de puissance que la France souhaite être, à la fois en intensité (niveau de puissance, moyens à mettre en œuvre) et en orientation (type de message qu’elle veut faire passer dans le monde, avec quels partenaires, pour quels combats). Et cette discussion sur la puissance impose elle-même d’aborder le niveau, la densité, la qualité du débat stratégique en France. Débat qui doit être conduit par un panel large de participants, et non confisqué par quelques cercles (ce que personne ne souhaite imposer pour l’heure), en associant – au-delà des responsables politiques – les militaires, les analystes extérieurs à l’État (chercheurs, think tanks, intellectuels…), et les autres citoyens. Vaste programme, disait-on en d’autres temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les divergences entre les principaux candidats tiennent moins dans le renforcement de l’outil de défense lui-même – tous l’appellent de leurs vœux – que dans l’utilisation qu’ils souhaitent en faire.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/752752017-04-02T21:30:22Z2017-04-02T21:30:22ZComment gérer le problème du bruit marin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/162928/original/image-20170328-30778-1t8naks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C67%2C1965%2C1247&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dauphins comme les baleines sont très sensibles au bruit marin. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/za-photos/7467814536/in/photolist-cnUv63-aaUoBL-NvGZT-HKrm7G-bs5YNf-qJj3ov-22PQYZ-poTC4K-a2yPoi-9riLiy-5RzsK9-a4qrra-dtRUcs-7RoKu9-4ZFB8p-vVydAD-8DArtv-75eeAX-LZtbh5-5gXwYe-pqPUqs-aaki7i-iBXSgP-hHzKGU-owBeDr-3hsBVk-JwCsNd-p2JpUT-4koYN7-3hsMqX-fL5Yew-9SUtc7-fvt8yi-i2VKB7-fB2dGm-dqbhGv-62HUmu-p9NPVW-fB2jBA-NvHLD-JyLQan-fvt8vV-anrbKf-5Fow8g-8VF3Kf-djJFv1-69VZ39-7g223q-JyLNZ6-pH3hmV">Jolene Thompson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Longtemps préservé des effets négatifs de l’activité humaine, l’océan pose désormais un problème de gestion, que ce soit en raison de la pollution par les <a href="https://theconversation.com/la-presence-des-microplastiques-dans-locean-nettement-revue-a-la-hausse-52951">sacs plastiques</a> ou de l’<a href="https://theconversation.com/explorer-le-futur-des-oceans-pour-agir-maintenant-sur-le-changement-climatique-49557">acidification des eaux</a>. Plus récemment, un autre enjeu est apparu à l’agenda, le <a href="https://gargantua.polytechnique.fr/siatel-web/linkto/mICYYYT8URY">bruit marin</a>. Car le monde marin, que l’on disait être celui du silence, est devenu celui du vacarme.</p>
<p>Ce problème a des causes multiples : on peut citer l’intensification du trafic maritime, avec notamment la multiplication des porte-conteneurs, des navires de croisière et des grands navires de pêche ; la multiplication des projets de champs d’éoliennes sur les côtes ; et les campagnes d’exploration pétrolière. Toutes contribuent à l’augmentation du niveau de pollution acoustique sous-marine.</p>
<h2>Des perturbations multiples</h2>
<p>La faune se trouve profondément affectée par cette montée du bruit. Même si l’on ne dispose pas d’une connaissance synthétique et définitive de l’impact du bruit sur l’ensemble de la vie sous-marine, il existe un faisceau <a href="https://gargantua.polytechnique.fr/siatel-web/linkto/mICYYYT8URY">d’indices graves et concordants</a> montrant que le problème doit être traité sur une grande échelle et rapidement.</p>
<p>À l’évocation de ces perturbations, on pense bien évidemment d’abord aux mammifères marins, comme les baleines à bec ou les bélugas qui communiquent par le son à la <a href="http://web.pdx.edu/%7Ezelickr/sensory-physiology/articles/2013-articles/for-2013-05-15/Full%20Text%20Part%20I_6.pdf">saison des amours ou dans leurs activités de chasse</a> et dont les échanges sont perturbés. <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-les-echouages-massifs-de-cetaces-75178">Des échouages</a> ont notamment été mis en relation avec l’utilisation de sonars civils et militaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"844796530468933633"}"></div></p>
<p>Mais certains poissons, comme la morue, émettent également des sons et leur reproduction peut donc être <a href="http://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A391860&dswid=7447">affectée par le bruit ambiant</a>. Encore plus inquiétant, des <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/100124/abstract">études récentes</a> ont montré que des espèces ne percevant pas le bruit, tels les calamars géants, peuvent elles aussi subir des dommages. Le problème est donc plus sérieux qu’on ne le soupçonnait, et il tend à <a href="http://epic.awi.de/22144/1/Sla2010a.pdf">s’aggraver au fil du temps</a>.</p>
<h2>Des initiatives pour limiter le bruit</h2>
<p>La gestion de ce problème suppose de mettre au point des systèmes de mesure, relativement simples, mais fiables et utilisables. Elle suppose aussi le déploiement de techniques qui, dans les trois grands domaines industriels concernés – industrie pétrolière, énergies renouvelables (éoliennes marines) et navigation – existent d’ores et déjà.</p>
<p>Il est en effet possible de concevoir de <a href="http://www.aquo.eu/">nouveaux navires moins bruyants</a> (coque, hélices, moteurs, boîtes de vitesse) pour un surcoût raisonnable. Ces systèmes sont plus coûteux à adapter sur la flotte existante et moins efficaces, mais des changements de comportements peuvent être envisagés : la réduction de la vitesse diminue par exemple le bruit, tout en générant des économies de carburant.</p>
<p>L’industrie pétrolière a créé une structure commune, le <a href="http://www.soundandmarinelife.org/">Sound and Marine Life Joint Industry Programme</a>, pour développer des méthodes d’exploration moins dangereuses pour la faune sous-marine : elles sont actuellement testées et il faut s’assurer qu’elles sont aussi performantes que les anciennes méthodes pour un coût raisonnable.</p>
<p>Dans les zones de travaux bruyants, il est possible de <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-mers-ont-des-oreilles">déployer des observateurs</a> de la présence de mammifères (MMO pour Marine Mammal Observers). Ceux-ci connaissent des limites : leur déploiement dépend des conditions de mer et il est difficile par faible visibilité ou de nuit. Mais les chercheurs développent des <a href="http://www.quiet-oceans.com/?page_id=20">systèmes plus sophistiqués</a> de repérage des mammifères marins utilisant des capteurs.</p>
<h2>Cartographier les zones de bruit et réguler</h2>
<p>Pour que ces techniques soient mises en œuvre rapidement, des systèmes de régulation et d’incitation sont nécessaires.</p>
<p>Ils peuvent s’appuyer sur des cartes permettant de mesurer le bruit en temps réel dans les zones les plus sensibles. Des équipes de chercheurs ont par exemple <a href="https://biasproject.wordpress.com/">cartographié le bruit dans la mer baltique</a> aux différentes saisons et aux différents moments de la journée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/163431/original/image-20170331-16304-r16b6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une carte sonore élaborée dans le cadre du projet BIAS. Elle caractérise le niveau de son produit par les navires les plus bruyants en mer baltique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/BIAS-Baltic-Sea-Information-on-the-Acoustic-Soundscape-507219909290796/">BIAS/Facebook</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans un contexte toujours marqué par l’incertitude, ces outils cartographiques peuvent aider à prendre les bonnes décisions en permettant de définir plus précisément les zones à protéger et la manière de les protéger.</p>
<p>Ceci ne constitue bien évidemment qu’une étape. Les océans représentent 70 % de la surface de la planète. Le problème de gestion qui se pose l’est à une échelle jusqu’ici jamais rencontrée, impliquant une multiplicité d’acteurs de statuts très divers (États, entreprises de différents secteurs, scientifiques, ONG) qui doivent partager de la connaissance et élaborer collectivement des solutions. Tout est bien évidemment affaire de financement. Il ne s’agit ni d’arrêter l’activité humaine sur et sous les océans, ni de lui imposer des coûts excessifs, tout en la rendant nettement moins bruyante.</p>
<p>On pourra à ce titre renvoyer aux <a href="https://gargantua.polytechnique.fr/siatel-web/linkto/mICYYYT8URY">travaux publiés</a> à l’occasion de la Conférence internationale sur le bruit sous-marin qui a réuni à <a href="http://www.debatinginnovation.org/?q=RacketOceans">Paris en septembre 2016</a> chercheurs, industriels et régulateurs (Commission européenne, autorité du port de Vancouver). Ces travaux synthétisent les questions liées au problème du bruit dans les océans et constituent une base pour les actions et régulations à adopter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75275/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Explorations pétrolières, navigation, éolien offshore… Le monde sous-marin est devenu terriblement bruyant, une situation inédite qui fait peser de nombreuses menaces sur la faune marine.Héloïse Berkowitz, Chercheure associée, École polytechniqueHervé Dumez, Professeur à l’École polytechnique, directeur du Centre de recherche en gestion (École polytechnique) et de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation, président de la Société Française de Management, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/624552016-07-27T20:28:14Z2016-07-27T20:28:14ZL’art au service de la science : retour sur l’incroyable expédition Baudin (1800-1804)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/132071/original/image-20160726-7045-v3bale.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En-tête des courriers de l’expédition. Auteur inconnu. Estampe sur papier. </span> <span class="attribution"><span class="source">Muséum d’histoire naturelle, Le Havre</span></span></figcaption></figure><p>Quatre cents dessins de la Collection Lesueur du Muséum d’histoire naturelle du Havre, ainsi que des manuscrits, cartes et objets provenant des Archives nationales et d’autres musées français viennent de prendre le large, direction l’Australie pour une expédition itinérante.</p>
<p>Ces documents et objets proviennent de l’extraordinaire voyage de découverte (1800-1804) aux Terres australes commandé par le capitaine Nicolas Baudin. Au cours de ce voyage, ce sont plus de 100 000 échantillons et 2 500 espèces encore inconnues des Européens qui furent collectés.</p>
<p>Cette exposition exceptionnelle en six escales – Adélaïde, Launceston, Hobart, Sydney, Canberra, Fremantle – intitulée « The Art of Science : Baudin’s Voyagers 1800-1804 », s’inscrit dans le projet de mémoire partagée entre la France et l’Australie : « Imagination, explorations, souvenirs : l’histoire commune de la France et l’Australie ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129296/original/image-20160705-19121-1mxmp6c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Lagostrophus fasciatus</em> (lièvre wallaby rayé). Péron and Lesueur, 1807, Australie occidentale. Aquarelle et encre sur papier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum d’histoire naturelle, Le Havre</span></span>
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<p>En prélude, l’exposition <a href="http://www.lehavre.fr/sites/all/files/presse/2016-04-27-cp_museumduhavre-paris-australie2_0.pdf">« L’œil et la main »</a> se visite jusqu’au 30 août 2016 à l’ambassade d’Australie de Paris. On peut y admirer une cinquantaine de dessins de la Collection Lesueur.</p>
<p>En Australie, de juillet 2016 à décembre 2018, l’exposition « L’art au service de la science : Les voyageurs de l’expédition de Nicolas Baudin 1800-1804 », inaugurée officiellement le 7 juillet dernier au <a href="http://maritime.history.sa.gov.au">Musée de la marine de Port Adélaïde</a>, témoigne simultanément de la remarquable qualité du travail artistique et scientifique du voyage, de la redoutable complexité de son déroulement et de la diversité des travaux effectués.</p>
<h2>Une période tourmentée</h2>
<p>L’histoire du voyage du Capitaine Nicolas Baudin parti à la découverte des côtes des Terres australes (l’Australie) encore inconnues des Européens est captivante à plus d’un titre. Au lendemain de la Révolution, les Français furent projetés dans une série de bouleversements politiques, institutionnels, sociaux et culturels.</p>
<p>Quelques mois avant que le voyage ne fût décidé, Napoléon Bonaparte prenait le pouvoir en déclarant « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée. Elle est finie ». Sous son gouvernement, un « Empire des sciences » se substitua aux idéaux des Lumières et de la Révolution française.</p>
<p>C’est dans ce contexte que, le 19 octobre 1800, le capitaine Baudin, aux commandes de la corvette <em>Le Géographe</em>, et le capitaine Jacques Félix Emmanuel Hamelin, aux commandes de sa consœur <em>Le Naturaliste</em>, quittèrent Le Havre sous les applaudissements. L’expédition embarquait plus de savants que celles de La Pérouse et de d’Entrecasteaux : à Paris, une vingtaine avait été officiellement sélectionnée par l’Institut national (l’Institut de France) : des astronomes, des zoologistes, des botanistes, des minéralogistes, des ingénieurs-géographes, des peintres dessinateurs et des jardiniers-botanistes.</p>
<p>Cependant, dix d’entre eux abandonnèrent l’expédition à l’escale de l’Isle de France (île Maurice, alors française) pour cause de maladie ou d'autres raisons. Parmi ces défections, figuraient les trois artistes officiels de l’expédition, Lebrun, Milbert et Garnier que Baudin remplaça par Charles-Alexandre Lesueur et Nicolas-Martin Petit, engagés comme aides-canonniers, mais dont les exceptionnels talents de dessinateurs avaient été reconnus par le capitaine.</p>
<p>La rivalité quasi continuelle entre la France et l’Angleterre, depuis 1793 jusqu’en 1815, compliqua aussi le voyage. Ainsi, en réplique au voyage de Baudin, le capitaine britannique Matthew Flinders fut envoyé en 1801 à bord de l’<em>Investigator</em> pour faire aussi la reconnaissance hydrographique des côtes de l’Australie encore inconnues de l’Europe.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/132171/original/image-20160727-5629-1yvoz81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Profils de côtes. « Vue de la pointe du Papillon lorsqu’elle reste à l’Est 8˚Sud et le Cap Le Lievre au Nord 35˚Ouest. Le 18 Germinal An 10 à 5h du soir ». Terre Napoléon (Australie méridionale), Côte Est. À la fin de cette journée, à 17h, Baudin aperçut un autre voilier qui arrivait de l’ouest dans sa direction. C’était l’<em>Investigator</em>, avec Matthew Flinders à son bord. Charles-Alexandre Lesueur ou Nicolas-Martin Petit. Aquarelle et encre sur papier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives nationales de France/Fornaserio et al., Wakefield Press (2016)</span></span>
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<p>Son expédition était également un voyage de découverte dont le projet avait été défendu par le Président de la <em>Royal Society</em>, Joseph Banks. Il transportait également une équipe de savants, notamment le botaniste Robert Brown. Flinders traversa les océans en hâte pour tenter de découvrir avant ses rivaux français les parties des côtes australes encore blanches sur les cartes européennes. Les deux expéditions se rencontrèrent le 8 avril 1802 dans la Baie de la Rencontre (Encounter Bay), Flinders ayant reconnu le premier la partie ouest de la côte méridionale et Baudin la partie est.</p>
<p>Baudin eut aussi des difficultés à asseoir son commandement et gagner la confiance de son équipage. Les maladies, tels le scorbut et la dysenterie qui ravageaient les voyages au long cours, emportèrent ses compagnons de route, les zoologistes Levillain et Maugé, et le jardinier Riedlé ; il fut ainsi privé de ses plus fidèles, si ce n’est de ses uniques, soutiens.</p>
<p>Baudin fut aussi confronté au fait qu’une partie des jeunes élèves officiers issus de la noblesse prérévolutionnaire, dont plusieurs encore adolescents, avaient des attitudes méprisantes, le considérant indigne de son commandement. Le capitaine ne venait pas de la marine royale, prestigieuse, mais de la marine marchande, et il avait offert ses services à la maison des Habsbourg d’Autriche avant de rejoindre la Révolution.</p>
<p>Néanmoins, la courte paix d’Amiens donna l’occasion à Baudin et à son équipage de prolonger leur séjour à Port Jackson (Sydney) pendant l’hiver austral 1802, où les savants eurent du temps d’observer de près la colonie anglaise et d’échanger avec les Aborigènes.</p>
<h2>Un laboratoire flottant</h2>
<p>Malgré tout, Baudin mena sa mission scientifique à son terme et l’on compara l’expédition à un <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160932707000828">« laboratoire flottant »</a>.</p>
<p>Elle permit un travail de reconnaissance et de collecte considérable. À bord se trouvaient des instruments de mesure, dont quatre chronomètres récents de l’horloger Louis Berthoud (deux par corvette). Ces montres marines permettaient de mesurer les longitudes en mer plus facilement et plus rapidement qu’avec des observations astronomiques, mais leur « marche » devait être constamment vérifiée. La montre numéro 31 est actuellement exposée à Adélaïde.</p>
<p>Un instrument curieux, le dynamomètre, avait aussi été embarqué. Conçu par Edmé Régnier pour mesurer la force musculaire des hommes et des animaux, le zoologiste et anthropologue François Péron s’en servit pour évaluer de façon comparative la force des populations dites « sauvages » et celle des populations qualifiées de « civilisées ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129288/original/image-20160705-19107-1e85tt6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dynamomètre conçu par Régnier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musée de l’armée</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://ahrf.revues.org/13079">En plaçant</a> les premières du côté des « faibles » et les secondes du côté des « forts », Péron contribua à sévèrement discréditer la doctrine du « bon sauvage » et ses philosophes, et tout spécialement Jean-Jacques Rousseau qui évoquait <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1231452">« la bonne constitution des sauvages »</a>.</p>
<h2>Découverte ou conquête ?</h2>
<p>L’origine de ce que les Européens nommèrent « voyages de découverte » remonte à des expéditions comme celle de Christophe Colomb. Le principe sous-jacent de ces voyages reposait sur ce que Marshall appela plus tard la « doctrine de découverte » (1823), où la notion de conquête, quelle qu’en soit sa forme, était latente. Cependant, Flinders et Baudin interprétèrent ce principe différemment selon les perspectives et les intérêts de leurs pays respectifs.</p>
<p>Dans le cas de l’expédition Baudin, il s’agissait de conquête du savoir : les savants embarqués suivaient avec zèle les instructions et questionnaires concoctés dans les bureaux parisiens pour rapporter en France de nouvelles connaissances potentiellement utiles.</p>
<p>Dans le cas de Flinders, les intentions anglaises étaient plus pragmatiques. Elles s’inscrivaient dans une politique coloniale initiée par James Cook qui, en 1770, avait pris possession de la côte Est de la Terre australe au nom du souverain britannique, et concrétisée en 1788 par l’envoi de « la Première flotte » (onze navires avec une majorité de détenus) commandée par <a href="http://adb.anu.edu.au/biography/phillip-arthur-2549">Arthur Phillip</a> qui établit la colonie de Port Jackson.</p>
<h2>Deux brillants artistes à bord</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1306&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1306&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129663/original/image-20160707-30690-173kxzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1306&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Portrait d’une femme aborigène se tenant debout. Nicolas-Martin Petit, 1802, South Cape, Tasmanie. Aquarelle, gouache, encre et mine de plomb sur papier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum d’histoire naturelle, Le Havre</span></span>
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</figure>
<p>L’information collectée prit en partie la forme de toute une série de profils côtiers, de dessins, d’aquarelles, et de portraits d’Aborigènes réalisés par Lesueur et Petit, travaillant en très étroite collaboration avec les officiers et les savants. Petit se consacra de préférence aux portraits des Aborigènes, tel celui de Arra-Maïda et de sa petite fille douillettement endormie sur son dos, et Lesueur à ceux des animaux. Le voyage de Baudin rapporta aussi des partitions musicales de chants aborigènes, preuve d’un échange transculturel insolite.</p>
<p>Les dessins de la faune australe avec des espèces que les Européens découvraient, tels que les éléphants de mer, les kangourous et les émus nains, sont au cœur de l’exposition. Certains spécimens furent capturés vivants pour pouvoir être ramenés en France. Mais seuls quelques-uns y arrivèrent sains et saufs ; pourtant, Baudin ordonna à quelques savants et officiers de leur céder leurs cabines pour rendre leur voyage plus supportable ! Parmi eux, deux très beaux émus nains, dont l’espèce s’est depuis éteinte, vécurent de longues années au jardin de la Malmaison puis à la ménagerie du Jardin des plantes. Le corps naturalisé de l’un d’eux fait maintenant partie des collections du Muséum d’Histoire naturelle de Paris.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129297/original/image-20160705-19103-dulonf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Dromaius novaehollandiae</em> (émeu d’Australie, probablement une image composite). Charles-Alexandre Lesueur, Kangaroo Island. Aquarelle et mine de plomb sur vélin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum d’histoire naturelle, Le Havre</span></span>
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<p>L’aquarelle de Lesueur où des éléphants de mer se prélassent tranquillement sur une plage de King Island dégage une impression de grande tendresse. En personnifiant leurs yeux sombres et alertes, leurs longs cils, leurs petites moustaches effilées, leurs proboscis en forme de tire-bouchons, le travail de Lesueur témoigne d’un grand sens de l’observation et d’une grande humanité.</p>
<p>À cette époque, des phoquiers anglophones « massacraient » impitoyablement et massivement ces phoques pour leur huile, et Péron <a href="https://books.google.com.au/books?id=I_daAAAAQAAJ&hl=fr&redir_esc=y">mit en garde</a> du risque de « l’affaiblissement sensible et irréparable » de leur population. Menacés d’extinction, leurs effectifs se sont heureusement pour partie reconstitués dans quelques iles sub-antarctiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129664/original/image-20160707-30718-1skt0al.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><em>Mirounga leonine</em> (éléphant de mer). Charles-Alexandre Lesueur, King Island, Bass Strait. Aquarelle et encre sur papier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum d’histoire naturelle, Le Havre</span></span>
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</figure>
<p>Les profils de côtes des deux artistes, tout en permettant de visualiser les reliefs littoraux, incorporent aussi des scènes où le territoire des Aborigènes de l’Australie méridionale se profile de façon transcendante depuis les rivages. Ces scènes exhalent un sentiment de proximité et d’élégance renforcé par un style dépourvu d’artifices. Un panache de fumée solitaire au symbolisme poignant tourbillonne dans l’un des arrière-plans parallèles. Il manifeste que la région du Coorong est habitée par le peuple Ngarrindjeri depuis des millénaires. Il révèle une histoire qui appartient au passé et au présent.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129290/original/image-20160705-19113-11k18qt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mollusques et zoophytes. Gravure à partir d’un dessin de Charles-Alexandre Lesueur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Royal Geographical Society of South Australia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les dessins et aquarelles sur la vie marine, avec des espèces alors inconnues des Européens, comme l’_Acanthaluteres spilomelanurus, _dépourvu de nageoire ventrale, sont imprégnés du souffle de la vie. Les <a href="http://www.cineaqua.com/images/velins/Meduses_poetes-aquarium-de-paris.pdf">représentations de méduses par Lesueur</a> reproduisent avec une étonnante précision leurs bras et tentacules tout en possédant toutes les qualités qui permettent de rendre – et animer – leur représentation.</p>
<h2>La vie des objets</h2>
<p>Il est désormais admis que, tout comme les personnes, les objets, artefacts et œuvres d’art ont leur propre biographie. Le <a href="http://maa.cam.ac.uk/dr-jody-joy-senior-curator-archaeology-">conservateur et archéologue Jody Joy</a> souligne ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« La biographie d’un objet ne doit pas se réduire à la simple histoire de sa naissance, de sa vie et de sa mort. La biographie est relationnelle, et la biographie d’un objet est formée de la somme des liens qui la constituent. »</p>
</blockquote>
<p>Cette exposition et ses escales garantissent que de nouveaux chapitres vont venir s’ajouter à la vie déjà bien longue et continue de ces œuvres et objets remarquables – ayant survécu à leurs créateurs, et même, dans le cas de l’ému nain, à leurs congénères disparus.</p>
<hr>
<p><em>Un catalogue richement illustré édité par <a href="https://www.adelaide.edu.au/jmcoetzeecentre/publications/fornasiero/">Jean Fornaserio</a>, <a href="http://interactions.history.sa.gov.au/2015/10/introducing-lindl">Lindl Lawton</a> et <a href="http://www.adelaide.edu.au/directory/john.westsooby">John West-Sooby</a> et publié par <a href="http://www.wakefieldpress.com.au">Wakefield Press</a> accompagne la tournée de cette grande exposition franco-australienne. Chaque musée renouvellera régulièrement la sélection des dessins exposés pour assurer la préservation des œuvres qui doivent retourner dans l’obscurité après une période d’exposition de quelques mois.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Il y a un peu plus de 200 ans, le capitaine français prit le large à la découverte de l’Australie. Avec son équipage composé de scientifiques, il en captura les beautés naturelles.Christine Judith Nicholls, Senior Lecturer in Australian Studies, Flinders UniversityDany Breelle, Research associate, Flinders UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.