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Objets connectés, un pari pas toujours gagnant pour les clients

Dans le monde de l’Internet des objets, un produit a plus de valeur si ses fonctionnalités évoluent et s’enrichissent avec le temps. PopTika / Shutterstock

Alors que la PlayStation 5 vient à peine d’être dévoilée, il est probable que ses acheteurs devront, avant de pouvoir y jouer, s’armer de patience pour y faire toutes les mises à jour d’usage.

Même si par nature l’industrie du jeu vidéo se prête particulièrement à cette tendance, l’imbrication croissante des logiciels dans les produits physiques n’épargne a priori aucun secteur.

Notre vie quotidienne est ainsi de plus en plus imprégnée d’objets connectés, allant des montres, frigos, micro-ondes, voitures… jusqu’aux plus improbables, dont les toilettes ! Si ces produits apportent d’indéniables avantages, il est cependant important de s’interroger également sur les limites et les contraintes qui les accompagnent.

Un marché en croissance et porteur de promesses

Le marché des objets connectés grand public (communément qualifié d’Internet des objets – ou IoT pour Internet of Things) est évalué à 248 milliards de dollars en 2020, avec une estimation à 1 567 milliards à l’horizon 2025. Discutables, ces chiffres n’en révèlent pas moins une tendance lourde de connectivité des objets du quotidien.

En effet, outre des objets naturellement dépendants de logiciels (ordinateurs, smartphones, tablettes, liseuses numériques, etc.), tout bien matériel est aujourd’hui susceptible d’être connecté.


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Côté entreprises, cela transforme profondément les dynamiques concurrentielles. Côté consommateurs, nous vivons dans un monde dans lequel les fonctionnalités de produits aussi simples qu’un miroir ou un canapé peuvent évoluer et en accroître la valeur d’usage au fil du temps.

Cette connectivité, et l’évolutivité qui en résulte, génèrent de multiples avantages : programmation et automatisation (pour des volets, des luminaires, etc.) qui facilitent la vie, gains de temps, dépannage à distance, etc. Sans compter que ces perfectionnements progressifs sont supposés diminuer la fréquence de remplacement des produits et induire des gains écologiques substantiels.

La domotique consiste à centraliser le contrôle des différents systèmes de la maison (chauffage ou prises électriques par exemple) pour notamment permettre des gains d’énergie. goodluz/Shutterstock

Alors qu’il était auparavant nécessaire de racheter la nouvelle version d’un produit qui ne pouvait être mis à jour, le client peut maintenant bénéficier d’améliorations constantes – voir par exemple les casques intra-auriculaires sans fil de la marque Jabra dont la récente mise à jour en a enrichi l’ergonomie et les fonctionnalités.

Le risque d’une expérience initiale dégradée

Cependant, tout n’est pas rose au pays des produits connectés. Avant de bénéficier de ces améliorations futures, les clients doivent aussi être prêts à vivre tout d’abord une expérience de consommation dégradée. Ceci n’est pas un problème lorsque l’entreprise est transparente sur ce point et permet au consommateur de choisir en connaissance de cause.

Ainsi, certains achètent volontairement un produit dont la valeur d’usage n’est pas optimale, mais dont le fabricant promet qu’elle sera accrue au fur et à mesure. Cela est courant sur les plates-formes de financement participatif (ou crowdfunding) comme Kickstarter, Ulule ou KissKissBankBank, sur lesquelles les clients achètent des produits dont ils savent qu’ils seront mis à jour ensuite pour leur permettre d’en profiter pleinement.

Par exemple, les acheteurs du petit robot éducatif Winky, dont le but est d’initier les enfants à la programmation, savaient en le commandant sur Ulule qu’ils recevraient une version non finalisée, laquelle serait ensuite dotée de modules complémentaires via des mises à jour de l’application.

Mais toutes les entreprises n’ont pas le même degré de transparence quant au niveau d’aboutissement initial de leur offre. Qu’il s’agisse d’une démarche volontaire ou que cela soit lié à des problèmes de développement imprévus, le résultat est finalement le même pour le client commandant un produit dont il ne peut que partiellement bénéficier.

Vidéo de la chaîne M6 présentant le robot éducatif et évolutif Winky.

Ainsi, les acquéreurs de la Volkswagen ID3 recevront en septembre 2020 un véhicule dont le système d’infotainment (infodivertissement) et d’affichage tête haute ne seront au mieux activés qu’à la fin de l’année – ce qu’ils ignoraient à la commande.

Attention aux mauvaises surprises ultérieures

Ceci nous amène en outre à souligner la capacité qu’ont dorénavant les entreprises de limiter leurs produits après leur vente. En effet, certains peuvent être dégradés, voire devenir totalement inutilisables. Ils perdent alors tout ou partie de la valeur d’usage pour laquelle les clients ont payé. Ceci entraîne alors des phénomènes de codestruction de valeur dommageables pour les clients. Pareils cas se sont multipliés ces dernières années.

C’est par exemple le cas de l’Echo Look, une caméra à activation vocale doublée d’un haut-parleur commercialisée par Amazon mi-2017 au prix de 200 dollars. Couplé à une application et à un système d’intelligence artificielle alimenté par des spécialistes de la mode, cet appareil se voulait un assistant personnel donnant des conseils de style sur la base des photos ou vidéos prises par les utilisateurs.

Après l’avoir enrichi de nouvelles fonctionnalités courant 2018, Amazon a cependant annoncé en mai que le service s’arrêterait le 24 juillet 2020. À cette date, l’appareil sera alors totalement inutilisable et bon à jeter, ce qui au passage ne joue pas en faveur de l’argument écologique évoqué plus haut (même si Amazon incite explicitement à les recycler).

Au-delà du cas de l’arrêt du produit ou de son support, l’intégration logicielle donne aussi au producteur un niveau de contrôle supérieur sur les usages des clients. Ceci peut lui permettre de capter une part de valeur plus importante, voire même de la capter à plusieurs reprises – par exemple, dès que le produit change de propriétaire.

L’entreprise Tesla a, à cet égard, défrayé la chronique à de multiples reprises. En juin 2019, par exemple, ce constructeur de véhicules électriques a informé des clients ayant acheté une Model 3 Standard Range (mais livrée avec la configuration logicielle de la version Model 3 Standard Range Plus) d’une mise à jour vers la version de base pour laquelle ils avaient payé.

Le véhicule perdrait alors 10 % de son autonomie, ainsi que de nombreux services tels que le streaming de musique embarqué, la navigation avec visualisation du trafic en direct ou encore les sièges chauffants. Après y avoir goûté sans les avoir demandées, les clients souhaitant conserver ces fonctionnalités devaient débourser pas moins de 4 500 dollars.

Quelques mois plus tard, c’est un client ayant acheté une Tesla d’occasion lors d’une vente aux enchères qui eut la désagréable surprise de constater que le fabricant en avait retiré, sans aucune notification préalable, les options de pilote automatique.

À la suite d’un audit à distance de la voiture, le constructeur avait détecté que le propriétaire n’avait pas payé pour cette option, qu’il a donc retirée via une mise à jour (l’affaire, très médiatisée, s’est finie par une communication de Tesla indiquant qu’il s’agissait d’une erreur et la remise en fonction de l’autopilot).

Le monde de connectivité dans lequel nous sommes rentrés est donc porteur de très nombreux avantages, mais ceux-ci ne doivent pas nous faire perdre notre esprit critique à leur égard ; tout comme il est important d’intégrer les risques de piratage des objets connectés qui peuvent les accompagner et impliquent de prendre certaines précautions.

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