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La température se réchauffe plus rapidement dans l’Arctique que partout ailleurs dans le monde. Les conduites d’eau potable et d’égout d’Iqaluit, au Nunavut, se fissurent en hiver à cause des déplacements de terrain. La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick

On sait maintenant pourquoi l’Arctique se réchauffe à une vitesse record

Un des premiers modèles climatiques qui a servi à étudier les effets des changements climatiques provoqués par l’humain sur notre planète a prédit que l’Arctique allait se réchauffer de deux à trois fois plus vite que la moyenne mondiale.

Quarante ans plus tard, cette « amplification arctique » a été constatée de visu. Le réchauffement record de l’Arctique et la fonte spectaculaire de la banquise ont de graves conséquences sur les écosystèmes fragiles de la région.

Mais pourquoi l’Arctique s’est-il davantage réchauffé que les tropiques et les latitudes moyennes ? Nous savons maintenant que c’est en partie causé par de faibles concentrations de gaz à effet de serre très puissants, des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (SACO) telles que les chlorofluorocarbures (CFC).

Un gaz miraculeux ?

La couche d’ozone est une partie de la stratosphère située à une distance de 20 à 50 kilomètres de la surface de la Terre et qui absorbe les rayons ultraviolets nocifs du soleil. Les substances qui appauvrissent la couche d’ozone sont de puissants gaz à effet de serre qu’on connaît surtout pour leur impact dévastateur sur la couche d’ozone.

Les SACO ont été inventés dans les années 1920. On les a présentées comme des « gaz miraculeux » pouvant servir de réfrigérants, de solvants et de propulseurs dans les réfrigérateurs, les climatiseurs et les matériaux d’emballage. Ce n’est que dans les années 1980, après avoir découvert un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, que les scientifiques ont compris à quel point ces produits étaient dangereux pour la couche d’ozone.

En 1987, 197 pays ont accepté de cesser progressivement leur consommation de substances qui appauvrissent la couche d’ozone en ratifiant le protocole de Montréal. Le succès de cet accord international historique a permis de réduire les émissions de CFC à près de zéro. Cependant, le rétablissement de la couche d’ozone se fait lentement, car les CFC restent dans l’atmosphère pendant des décennies.

Les climatologues qui s’intéressent aux SACO et à leurs conséquences sur le climat ont surtout observé leur effet sur la couche d’ozone. L’impact climatique direct de ces substances a été considéré comme peu important, étant donné leur faible concentration dans l’atmosphère, et a été très peu étudié.

Expériences à l’aide de modèles climatiques

Mes collègues et moi-même avons cherché à savoir comment les SACO ont pu influencer le réchauffement climatique de la fin du 20e siècle, de 1995 à 2005. Nous avons choisi cette période à cause de l’augmentation rapide de ces substances dans l’atmosphère qu’on a pu y observer. Depuis le début des années 2000, leur concentration atmosphérique a diminué.

Pour aborder ce genre de problèmes, les climatologues peuvent avoir recours à des modèles informatiques de la Terre afin de comprendre les effets de différents phénomènes – comme les éruptions volcaniques – et des gaz à effet de serre – comme le méthane – sur la température de l’air, la circulation océanique, les précipitations, et ainsi de suite.

Un motoneigiste circule sur la glace près d’Iqaluit, au Nunavut. La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick

Pour étudier la contribution des SACO au réchauffement à la fin du 20e siècle, nous avons fait des simulations sur la période allant de 1955 à 2005 à l’aide d’un modèle climatique. Dans l’une des simulations, on a intégré tous les facteurs historiques du climat : ceux qui contribuent au réchauffement, comme le dioxyde de carbone, le méthane, l’oxyde nitreux et les substances qui appauvrissent la couche d’ozone, et ceux qui refroidissent le climat, comme les particules volcaniques. L’autre simulation prenait en compte ces mêmes facteurs, à l’exception des SACO.

C’est une des premières fois qu’on isole le rôle des substances qui appauvrissent la couche d’ozone. En général, les expériences avec des modèles climatiques qui examinent l’impact de différents facteurs climatiques évaluent tous les gaz à effet de serre ensemble.

La comparaison des deux simulations a permis de voir que le réchauffement de la planète était réduit d’un tiers et celui de l’Arctique de moitié lorsqu’on excluait les SACO.

L’amplification arctique

Pourquoi les SACO ont-elles un aussi grand impact malgré leurs très faibles concentrations atmosphériques ? Premièrement, on sait depuis longtemps que ces produits chimiques sont des gaz à effet de serre très puissants. Deuxièmement, le réchauffement provoqué par le dioxyde de carbone était, à la fin du 20e siècle, partiellement annulé par le refroidissement causé par les particules présentes dans l’atmosphère, ce qui a fait en sorte que les CFC et d’autres SACO ont contribué de manière importante au réchauffement.

Enfin, nous savons que le phénomène de l’amplification arctique résulte de rétroactions dans le système climatique qui accentuent le réchauffement, et c’est exactement ce que nous constatons avec nos simulations. Dans la simulation sans SACO, les rétroactions climatiques se sont avérées plus faibles, et on a observé une moindre amplification arctique.

Le réchauffement climatique pourrait prolonger de deux mois la saison de croissance à Nuuk, au Groenland, d’ici la fin du 21e siècle. AP Photo/David Goldman

Dans le cadre de nos prochaines recherches, nous tenterons de comprendre les variations dans les rétroactions, mais en attendant, nos travaux démontrent clairement l’impact significatif des SACO sur le climat de l’Arctique.

Les signataires du protocole de Montréal ne pensaient pas aux changements climatiques il y a 30 ans. Pourtant, des études comme les nôtres soulignent le rôle important que jouera cet accord dans l’atténuation du réchauffement, étant donné que les concentrations de substances qui appauvrissent la couche d’ozone diminuent au fil du temps.

Cela dit, sans une réduction massive des émissions de dioxyde de carbone au cours des prochaines décennies, les gains que nous obtiendrons grâce au protocole de Montréal seront rapidement annulés. D’autres mesures sont nécessaires pour protéger l’Arctique, et notre planète.

This article was originally published in English

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