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Où sur Terre y a-t-il le plus d’immigrés ?

Un groupe de travailleurs immigrés à Doha, au Qatar. Alex Sergeev/Wikimedia, CC BY-SA

La proportion d’immigrés varie beaucoup d’un pays à l’autre, dépassant la moitié de la population dans certains pays, alors qu’elle est inférieure à 0,1 % dans d’autres. Dans quels pays les immigrés sont-ils les plus nombreux ? De quels pays sont-ils issus ? De façon plus générale, comment les immigrés se répartissent-ils à l’échelle de la planète ? Nous dressons ici un panorama du nombre et de la part des immigrés dans les différents pays du monde.

Les États-Unis sont le pays du monde comptant sur son sol le plus grand nombre d’immigrés (personnes nées à l’étranger) : 48 millions en 2015, d’après les Nations unies. C’est près de cinq fois plus que l’Arabie saoudite (11 millions) et six fois plus que le Canada (7,6 millions) (figure en dessous). Mais proportionnellement à leur taille, ces deux derniers pays ont nettement plus d’immigrés : respectivement 34 % et 21 %, contre 15 % aux États-Unis.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).

Cinq types de pays avec un fort pourcentage d’immigrés

Si l’on rapporte de façon systématique le nombre d’immigrés à l’effectif de la population (figure en dessous), cinq types de pays à fort pourcentage d’immigrés apparaissent :

  • un premier groupe de pays, peu peuplés mais richement dotés en ressources pétrolières, où les immigrés sont parfois majoritaires. C’est dans ce groupe que l’on observe en 2015 les proportions les plus élevées sur le plan mondial : Émirats arabes unis (87 %), Koweït (73 %), Qatar (68 %), Arabie saoudite, Bahreïn et Oman avec des taux compris entre 34 % et 51 %.

  • un deuxième groupe est formé de très petits territoires, des micro-États souvent dotés d’un statut particulier, notamment sur le plan fiscal : Macao (57 %), Monaco (55 %), Singapour (46 %).

  • le troisième groupe correspond aux pays qualifiés autrefois de « pays neufs », dotés d’immenses espaces mais encore faiblement peuplés : Australie (28 %) et Canada (21 %).

  • le quatrième groupe, proche du précédent pour le mode de développement, est celui des démocraties industrielles occidentales où la proportion d’immigrés est généralement comprise entre 9 % et 17 % : Autriche (17 %), Suède (16 %), États-Unis (15 %), Royaume-Uni (13 %), Espagne (13 %), Allemagne (12 %), France (12 %), Pays- Bas (12 %), Belgique (11 %), Italie (10 %).

  • un cinquième et dernier groupe est celui des pays dits de « premier asile », qui reçoivent des flux massifs de réfugiés du fait de conflits dans un pays voisin. Le Liban hébergeait ainsi plus d’un million de réfugiés syriens ou irakiens fin 2015, soit l’équivalent de 20 % de sa population, et le Tchad, 400 000 réfugiés (3 % de sa population) originaires du Soudan.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).

Les pays de petite taille accueillent proportionnellement plus d’immigrés

La Suisse – avec 29 % d’immigrés – se situe devant les États-Unis ou la France, et le Luxembourg a une proportion encore plus élevée (46 %). Si l’attractivité du pays joue, sa taille aussi. Plus le pays est petit, plus la part de la population née à l’étranger risque d’être élevée.

En sens inverse, plus le pays est grand, plus cette part risque d’être faible. L’Inde ne compte ainsi que 0,4 % d’immigrés en 2015, et la Chine, encore moins, 0,07 %. Mais si chaque province chinoise était un pays indépendant – une dizaine de provinces ont plus de 50 millions d’habitants ; les trois plus peuplées (le Guangdong, le Shandong et le Hénan) en ont autour de 100 millions –, le taux d’immigrés serait beaucoup plus élevé. Les migrations de province à province, qui ont pris beaucoup d’importance ces dernières années, seraient en effet alors comptées comme des migrations internationales et non plus comme des migrations internes.

En sens inverse, si l’Union européenne formait un seul pays, la part des immigrés diminuerait sensiblement, puisque les ressortissants d’un autre pays de l’Union n’en feraient plus partie. L’importance relative des deux types de migration – interne et internationale – est donc fortement liée au découpage du territoire en nations.

Le nombre des émigrés est difficile à mesurer

Tout immigré est aussi un émigré pour le pays qui l’a vu naître. Même s’il s’agit des mêmes personnes à l’échelle mondiale, quand on s’intéresse à un pays particulier et que l’on souhaite en connaître la population des émigrés, les informations disponibles sont souvent moins bonnes que pour les immigrés. Les pays sont sans doute moins soucieux de dénombrer leurs émigrés que leurs immigrés, les premiers n’étant plus résidents, et n’occasionnant plus de dépenses publiques sous forme d’équipements et d’infrastructures, contrairement aux seconds. Mais les émigrés contribuent souvent de façon importante à l’économie de leur pays de départ par l’envoi d’argent et, dans certains cas, ils peuvent toujours voter, ce qui justifie de mieux connaître leur population.

La moins bonne connaissance des émigrés tient également aux sources statistiques. Les arrivées de migrants sont mieux enregistrées que les départs. Et le nombre d’émigrés est souvent estimé à partir des statistiques sur les immigrés dans les différents pays d’accueil.

Des migrants d’Amérique centrale sur le chemin des États-Unis (ici au Mexique, en février 2019, à Piedras Negras, État de Coahuila). Julio Cesar Aguilar/AFP

Le nombre d’émigrés varie beaucoup d’un pays à l’autre. L’Inde se trouve en tête en l’an 2015, avec près de 16 millions de personnes nées dans ce pays et vivant dans un autre pays (figure en dessous). Le Mexique occupe la seconde place avec plus de 12 millions d’émigrés, vivant principalement aux États-Unis.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).

En termes de proportion, la Bosnie-Herzégovine détient un record : on compte un Bosnien vivant à l’étranger pour deux vivant au pays, ce qui signifie que le tiers des personnes nées en Bosnie-Herzégovine ont émigré (figure en dessous). L’Albanie est dans une situation proche, ainsi que le Cap-Vert, pays insulaire dénué de ressources.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).

Le Japon, fermé aux migrations dans les deux sens

Certains pays sont à la fois des terres d’immigration et d’émigration. C’est le cas, par exemple, du Royaume-Uni, qui compte 8,4 millions d’immigrés et 4,7 millions d’émigrés en 2015.

Les États-Unis comptent un nombre appréciable d’expatriés (2,9 millions en 2015), mais comparativement aux immigrés (48 millions à la même date), c’est dix-sept fois moins.

La France est dans une situation intermédiaire : d’après les décomptes dans les recensements du monde entier, elle compterait 2,9 millions d’expatriés en 2015, soit autant que les États-Unis, mais 40 % de moins que le Royaume-Uni ; ses émigrés seraient quatre fois moins nombreux que ses immigrés.

Enfin, certains pays paraissent relativement fermés jusqu’ici aux migrations, et dans les deux sens. C’est le cas par exemple du Japon, qui compte à la fois peu d’immigrés (seulement 1,7 % de la population en 2015) et peu d’émigrés (0,6 %).

Les immigrés, moins de 4 % de la population mondiale

Les immigrés seraient, au total, 258 millions en 2017, d’après les Nations unies. Ils ne représentent qu’une faible minorité de la population mondiale (3,4 %), la plupart des humains vivant dans leur pays de naissance.

La proportion d’immigrés n’a que très légèrement augmenté au cours des dernières décennies : elle était de 2,9 % il y a trente ans (en 1990), et de 2,3 % il y a 55 ans (en 1965). Elle a sans doute également peu changé en cent ans.

En revanche, la répartition des immigrés n’est pas la même qu’il y a un siècle. L’un des changements survenus depuis est le « renversement des flux migratoires », entre le Nord et le Sud, selon l’expression d’Alfred Sauvy, les pays du Sud fournissant désormais une part importante des migrants internationaux.

Gilles Pison (à partir des données des Nations unies).

Ceux-ci se répartissent aujourd’hui en trois groupes d’importance numérique à peu près égale (figure au-dessus) :

  • les migrants nés au Sud et vivant au Nord (89 millions en 2017 d’après les Nations unies) ;

  • les migrants Sud-Sud (97 millions), qui ont migré d’un pays du Sud vers un autre pays du Sud ;

  • les migrants Nord-Nord (57 millions).

Le quatrième groupe des personnes nées au Nord et ayant migré au Sud, qui dominait il y a un siècle, est nettement moins important numériquement (14 millions).

Les flux de migrants générés depuis 2015 par les conflits au Moyen-Orient, malgré leur importance notamment en Europe, n’auront pas sensiblement modifié le tableau mondial des migrations internationales.


Cet article s’appuie sur « L’Atlas de la population mondiale », Gilles Pison, 2019, Autrement.

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