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« Parcours connectés » : accompagner la formation des enseignants dans la transformation numérique

Testing effect… Dierk Schaefer/Flickr, CC BY

Le projet « Parcours connectés » dans lequel ma thèse s’inscrit est parmi les 22 lauréats de l’appel à projets e-FRAN (espaces de formation, de recherche et d’animation numérique). E-FRAN vise à soutenir des projets de transformation de l’École et la création de « territoires éducatifs d’innovation numérique » en prenant appui sur la recherche. Cet appel à projets a été lancé dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir par la mission sur le numérique éducatif confiée au recteur Jean‑Marc Monteil. L’objectif est notamment de créer une communauté scientifique de niveau international en matière de numérique éducatif et de favoriser le transfert des résultats de la recherche vers l’école en stimulant les interactions entre les laboratoires et le terrain.

Les projets sélectionnés sont liés à de la recherche appliquée. Ils réunissent des acteurs variés de l’éducation et de la recherche dans le domaine : des laboratoires et les instituts auxquels ils sont rattachés (CNRS, INRIA), des entreprises (dont un certain nombre de start-up), des établissements scolaires (du primaire au lycée), des établissements d’enseignement supérieur, des ESPE, et enfin plusieurs associations.

Nous sommes environ une cinquantaine de doctorant·e·s à avoir bénéficié d’une bourse de thèse dans le cadre d’e-FRAN et dans des disciplines variées allant de l’informatique à l’ergonomie en passant par la psychologie sociale, les neurosciences, la psychologie cognitive, en bien entendu les sciences de l’éducation.

Un projet impliquant laboratoires, associations, start-up… et doctorants

Un tel projet implique un ensemble de partenaires très variés. C’est l’association Synlab, porteur de Parcours connectés qui pilote et coordonne les actions menées par les différents parties prenantes.

En dehors du comité « recherche » impliquant 4 laboratoires, l’ESPE de Créteil est également impliquée, ainsi que la start-up Didask avec qui je travaille en étroite collaboration.

Le projet Parcours connectés emploie en tout trois doctorant·e·s rattachés à un laboratoire du consortium (Niluphar Ahmadi, en thèse de psychologie cognitive au Laboratoire de Psychologie : Cognition, Comportement, Communication de l’université de Rennes 2 et Benoît Choffin, en thèse d’informatique au Laboratoire de Recherche Informatique à Paris-Saclay).

Mieux comprendre et accompagner la formation des futurs professeurs

Deux grands axes guident le développement et le suivi de Parcours connectés :

  • Un premier axe qui se concentre sur des expérimentations à l’ESPE de l’académie de Créteil à la fois sur la partie formation initiale des étudiants qui se préparent au métier de professeurs des écoles, mais aussi sur l’accompagnement des néo-titulaires qui ont tout juste obtenu leur diplôme. Plusieurs cohortes sont suivies sur les 4 années du projet.

  • Un second axe se concentre sur des expérimentations de recherche à la fois fondamentale et appliquée. D’une part, il vise à mieux comprendre les mécanismes sous jacents de l’apprentissage ; mais aussi à réaliser l’évaluation et l’amélioration de la plate-forme numérique d’enseignement créée par la start-up Didask, partenaire du projet.

Mon projet de thèse est directement lié à ce 2e axe, Didask est en fait mon terrain d’expérimentation !

Des premiers résultats sur l’optimisation des apprentissages

Je m’intéresse à l’optimisation des apprentissages par le prisme de la psychologie cognitive. Ces vingt dernières années, de nombreux travaux de recherche ont été réalisés, répliqués et démontrés dans divers contextes d’apprentissage sur les stratégies qui permettent de maîtriser et mémoriser durablement de nouvelles connaissances.

Pourtant, ces résultats robustes sont peu diffusés et exploités pour créer des outils et environnements d’apprentissage fondés sur des preuves ; alors que certaines méthodes d’apprentissage peu efficaces persistent. L’hétérogénéité dans les classes est toujours bien présente, et à l’heure où l’on valorise la personnalisation des parcours d’apprentissage et la formation tout au long de la vie, peu de dispositifs permettent vraiment de répondre à ses problématiques et besoins (du moins en France…).

L’intuition de Didask a été de se dire que le numérique est un environnement très intéressant pour permettre à toute personne d’apprendre et acquérir de nouvelles compétences, se former à tout âge, et à son rythme. De plus, les fondateurs de Didask ont compris que les résultats de la recherche en psychologie pouvaient tout à fait être intégrés dans l’essence même d’une plate-forme d’enseignement/pour la formation.

Un résultat particulièrement significatif a attiré l’attention de Son Thierry Ly, président et co-fondateur de Didask : l’effet de récupération en mémoire (testing effect en anglais). Cet effet se définit comme le bénéfice sur la mémorisation de nouvelles informations lorsque celles ci sont entraînées et testées par un exercice de recherche en mémoire par rapport à une méthode plus passive de relecture répétée.

Autour du « testing effect »

L’architecture de la plate-forme Didask a été pensée et développée autour de l’apprentissage par la récupération en mémoire, en mettant au cœur des formations l’utilisation de quiz et exercices variés pour engager activement les apprenants et consolider la mémorisation à long terme de nouvelles informations. Lors de la création des contenus de formation, des ressources pédagogiques sont implémentées en appui des quiz, et peuvent prendre différentes formes : vidéos, articles, illustrations, textes, powerpoint… Les utilisateurs apprennent via les quiz, et peuvent accéder à la partie théorique du cours quand ils le souhaitent.

Testing effect (test-enhanced learning) in learning theory.

Lorsque j’ai commencé ma thèse, une question restait encore ouverte dans la littérature sur le testing effect, et intriguait également beaucoup Didask : à quel moment est-il plus opportun et bénéfique de faire les quiz d’entrainement ? Après après eu recours à la ressource pédagogique, autrement après avoir lu le cours ? ou avant même d’y accèder, sans avoir lu le cours ? Nous avons donc réalisé avec mon équipe de recherche et Didask une expérimentation sur de nombreux apprenants (285) pour répondre à cette question de l’emplacement optimal des quiz par rapport à la lecture des contenus d’apprentissage.

Nous avons trouvé que l’entrainement par des quiz après la lecture des contenus permettaient une meilleure mémorisation qu’un entrainement avec des quiz avant de lire les contenus du cours. Ces deux méthodes d’apprentissage menaient à des performances supérieures par rapport une méthode d’apprentissage sans quiz, avec une simple relecture des contenus (l’article associé à cette expérience a été soumis dans une revue internationale).

Suivi et impacts du projet e-FRAN

Synlab assure le suivi des différentes sous-projets de Parcours connectés, notamment en réunissant le consortium régulièrement dans l’année. Cela nous permet de faire un point de l’avancement de chacun, de tisser des collaborations inter-laboratoires, et de présenter la suite des événements. Du côté de mon laboratoire, une nouvelle expérimentation est en cours, de nouveaux résultats sont donc attendus pour la rentrée !

Plusieurs livrables sont inclus dans le projet et transmis directement à la Caisse Des Dépôts qui se matérialisent par des rapports intermédiaires faisant office de bilan ; et la mise en ligne d’une formation à destination des enseignants sur des compétences transversales (coopération, climat de classe, attention et concentration, créativité, pédagogies actives) sur Didask.

Enfin, le premier colloque e-FRAN a été organisé en janvier 2018 afin de réunir tous les projets lauréats, ce qui a permis une première rencontre de tous les acteurs impliqués aussi bien du côté éducation nationale que côté recherche. Les doctorant·e·s ont pu présenter leurs travaux, ce qui a permis d’apprécier la diversité des projets financés et implantés partout en France. Dans cette logique de créer un écosystème autour du numérique éducatif tout en créant un vivier de futur·e·s chercheur·e·s.

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