Pour les parents, la pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires ont engendré de nouveaux défis, en réduisant leur système de soutien social, en menaçant leur sécurité économique et en limitant l’accès aux services essentiels.
L’augmentation des problèmes de santé mentale, de la consommation d’alcool et des pensées suicidaires pendant la pandémie est d’ailleurs bien documenté chez les parents.
Pourtant, nous savons peu de choses sur les effets spécifiques de la Covid-19 sur les parents d’un nouveau-né, et encore moins des impacts sur leur couple et leur expérience parentale.
Notre recherche s’est penchée sur cette question et montre que les conséquences de la pandémie pourraient ne pas être que négatives sur ces parents.
Enquête auprès des parents de nourrissons
Depuis septembre 2018, nous recueillons un échantillon représentatif de parents québécois (1 900 parents de bébés âgés de 0 à 6 mois) dans le cadre du Projet Couples Parentaux. Ce projet étudie le rôle des traumatismes interpersonnels et des relations de couple sur l’expérience parentale.
Dans le cadre de cette enquête, nous avons examiné les effets de la pandémie sur les mères et les pères de nourrissons. Notamment les impacts sur leur expérience parentale (alliance parentale, sentiment d’efficacité et stress), sur leur relation (attachement romantique et satisfaction relationnelle) et sur leur appréciation de la vie.
Nous étions donc intéressés à examiner les différences entre les parents recrutés avant la pandémie (printemps 2019) et ceux du premier confinement (printemps 2020), lorsque des mesures plus sévères de distanciation sociale étaient en place.
Retombées positives sur la relation de couple et la parentalité
Étonnamment, les parents de notre échantillon du printemps 2020 s’en sont sortis significativement mieux que ceux de l’année précédente tant sur le plan parental que relationnel.
Les pères ont rapporté moins d’attachement évitant et de stress parental, tandis que les mères ont affiché une meilleure satisfaction de vie en général. Tant les pères que les mères ont rapporté une meilleure satisfaction relationnelle et une alliance parentale plus forte.
Le seul élément qui semble avoir diminué pendant le confinement concerne la perception des mères quant à leur capacité et leur efficacité à prodiguer des soins. Une explication possible tiendrait au fait que 45 % des mères interrogées avaient d’autres enfants à la maison et qu’elles ont peut-être dû jouer le rôle de figure éducative. Le fardeau supplémentaire que représente la gestion des apprentissages à la maison aurait pu en amener plus d’une à se sentir moins efficace.
Pour ces mères, il est également possible que l’isolement et la perte du soutien des proches, notamment les conseils de parents et d’amis, aient entraîné un manque d’assurance quant aux soins à dispenser à leur nourrisson.
Dans l’ensemble, le confinement obligatoire généralisé semble toutefois avoir été plutôt bénéfique pour les parents, qui ont rapporté une amélioration dans leur expérience de coparentalité, malgré les nombreux défis auxquels ils ont été confrontés. Toutefois, cet effet positif se limiterait à la période de confinement.
Il est possible que le confinement ait permis aux parents de passer plus de temps ensemble et de s’adapter à l’arrivée de leur nourrisson. Nombre d’entre eux n’avaient plus besoin de faire la navette entre la maison et le travail, l’école et la garderie.
Plus de 90 % des parents ont déclaré passer plus de moments positifs et de qualité avec leur partenaire et leur enfant depuis le début de la pandémie et 85 % ont déclaré se sentir plus investis dans leur rôle de parent.
Les relations familiales pendant la Covid-19
Il est également possible que les parents confinés aient pu dormir davantage. Par exemple, grâce au télétravail et à l’école en ligne, toute la famille a probablement pu rester au lit plus tard que d’habitude — ce qui peut faire une énorme différence pour de nouveaux parents souvent en carence de sommeil.
Comment mieux soutenir les parents après la Covid ?
Dans la plupart des ménages contemporains, la conciliation travail-famille est un gros défi. La politique québécoise en matière de congé parental, notamment les cinq semaines de congé de paternité non transférable, est souvent citée en modèle pour le reste du Canada. Cependant, des études récentes ont montré que les pères rencontrent encore des résistances au travail et que la plupart d’entre eux ne prennent pas le congé de manière continue.
Nos résultats vont dans le sens d’autres études qui ont montré que l’avantage clé de la pandémie aura été de renforcer les liens au sein de la famille nucléaire.
Le fait que les deux parents se soutiennent émotionnellement et de manière tangible pendant les premiers mois avec le bébé permettrait de réduire l’écart entre les sexes en lien avec les soins et l’éducation des enfants et contribuerait à atténuer plusieurs aspects négatifs de la parentalité.
La pandémie arrive à son terme, espérons-le, et les parents pourront bientôt pousser un soupir de soulagement, reprendre soin d’eux-mêmes, renouer avec leurs proches et s’adapter lentement à une « nouvelle normalité ».
Même si la plupart souhaitent l’oublier, cette période aura aussi été une occasion d’apprendre et de grandir collectivement.
Nos observations mettent en évidence les avantages indéniables à ce que les deux parents aient la possibilité d’adapter leurs habitudes de travail pour répondre aux besoins d’une famille qui grandit (télétravail, réduction du temps de déplacement quotidien et horaires flexibles).
Les organisations et les décideurs devraient reconnaître que la vie est compliquée et intense pour la plupart des parents — pandémie ou non. Leur offrir plus de flexibilité et leur accorder plus de temps pour être ensemble en tant que co-parents ne peut être que bénéfique pour les individus, les familles et la société dans son ensemble.