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Physique quantique : record de froid pour des électrons

Système de mesure ultra sensible, centré autour d'un réfrigérateur à dilution au Laboratoire de photonique et de nanostructures. Laboratoire de Photonique et de Nanostructures, Author provided

La physique quantique se manifeste quand il fait froid. Vraiment très froid. Des températures proches du zéro absolu permettent de s’affranchir des fluctuations thermiques pour mettre en évidence uniquement les phénomènes quantiques. Pour comprendre comment les lois de la physique quantique s’appliquent dans un circuit électrique, il faut donc pouvoir réduire la température des électrons dans les circuits. Déterminer précisément la température électronique est également impératif pour confronter la théorie aux expériences. Avec mes collègues physiciens du Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies (C2N), nous avons développé un dispositif inédit pour relever ces défis.

Un défi expérimental

Les techniques cryogéniques permettent aujourd’hui de refroidir de larges conducteurs massifs sous le millikelvin (mK). Pour des circuits quantiques, le record est jusque-là à 3,7 mK pour un circuit relativement grand, de quelques millimètres. Transférer ces très basses températures aux électrons dans de plus petits circuits encore est un formidable défi expérimental. En effet, la température des électrons peut alors très facilement, à la moindre perturbation, se désolidariser de la température du support (ou substrat hôte). Comme si l’eau dans le bac à glaçons ne ressentait pas le froid de ce bac placé au réfrigérateur : diminuer la température du substrat ne diminue plus celle des électrons. Pour réduire la température électronique d’un facteur 10, l’apport maximal de chaleur aux électrons doit ainsi être diminué d’un facteur 100 000.

Une difficulté inhérente aux circuits quantiques est qu’ils sont connectés par des lignes électriques. En connectant un objet mésoscopique, (c’est-à-dire de quelques centaines de nanomètres) à très faible température à des instruments macroscopiques à température ambiante, ces lignes dissipent inévitablement un peu de puissance directement dans le fluide électronique. La température des électrons s’en trouve augmentée par rapport à celle du réfrigérateur. Il faut donc effectuer la mesure directement in situ, dans le circuit.

Trois thermomètres indépendants

Le challenge est considérable car, pour cette mesure, il faut plusieurs thermomètres électroniques directement dans le même dispositif. En effet, seul l’accord quantitatif des lectures de température par plusieurs thermomètres permet de démontrer expérimentalement la validité d’une méthode thermométrique, donc la validité de la valeur mesurée. Chaque thermomètre se fonde sur un phénomène physique différent pour mesurer une température : l’indépendance des méthodes est une condition du succès.

Dans notre étude publiée dans la revue Nature Communications, nous avons optimisé le dispositif pour minimiser l’apport de chaleur aux électrons. Nous avons aussi utilisé un système ajustable in situ pour réaliser trois thermomètres électroniques primaires, ne nécessitant aucun étalonnage. L’ajustement se fait par effet de champ, c’est-à-dire par l’application d’une tension électrique réglable qui permet de modifier la forme du circuit.

Vers des températures toujours plus basses

Les trois thermomètres ont donné des valeurs concordantes. Nous avons donc démontré expérimentalement la validité de ces méthodes thermométriques dans le régime des ultra-basses températures. Et la valeur mesurée est un record : la température électronique dans le circuit étudié est de 6 mK, soit moins 273,144 degrés Celsius, la plus basse température jamais atteinte pour des électrons se propageant dans des circuits micrométriques ou nanométriques.

De telles avancées vers de plus basses températures électroniques sont d’abord pertinentes pour l’exploration fondamentale des phénomènes quantiques. En effet, le concept de température imprègne les lois de la physique de sorte qu’établir précisément la thermométrie, c’est-à-dire valider les méthodes de mesure de température, est essentiel pour la compréhension quantitative des phénomènes quantiques. De plus, leur connaissance approfondie est indispensable au développement de nouvelles technologies quantiques. Enfin, soulignons que les techniques développées et démontrées dans ce travail ouvrent la voie à de nouvelles percées, vers des températures encore plus basses.

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