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Pics de pollution aux particules fines : les détecter et les prévenir

Évolution des concentrations de PM₂,₅ modélisées en janvier 2017 par Prevair. Prevair, CC BY-NC-ND

La France, mais aussi une large partie de l’Europe, a été touchée cet hiver par des épisodes de pollution aux particules fines. Définies par la limite supérieure de leur diamètre, ces particules microscopiques sont appelées PM2,5 et PM10 lorsqu’elles sont respectivement inférieures à 2,5 ou 10 micromètres (µm).

Elles ont des effets nocifs avérés sur notre santé car elles pénètrent dans notre système respiratoire ; les plus fines peuvent même rejoindre notre circulation sanguine. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, la pollution de l’air serait responsable de 467 000 morts prématurées chaque année en Europe.

Ces particules peuvent provenir de sources naturelles (sel de mer, éruptions volcaniques, feux de forêts…) ou d’activités humaines (transports, chauffage, industrie…).

Qu’est-ce qu’un pic de pollution ?

Les pics de pollution correspondent à des dépassements de seuils réglementaires d’alerte définis en 2008 par l’Union européenne et transposés dans le droit français fin 2010.

En vertu de ces réglementations, le premier niveau de gravité (appelé « seuil d’information du public et de recommandation ») est atteint pour les particules PM10 à partir de 50 µg par mètre cube d’air (m³) dans l’air ambiant ; le niveau d’alerte est déclenché, lui, à partir de 80 µg/m³.

Pour les PM2,5, il n’y a pas de procédure de déclenchement mais seulement une valeur limite fixée à 25 µg/m³ en moyenne annuelle.

Cette réglementation montre cependant de sérieuses limites : les seuils de concentrations « massiques » – qui désignent la masse totale de particules dans 1 m³ d’air et qui servent à évaluer la dangerosité de la pollution aux particules fines – restent supérieurs aux valeurs recommandées par l’OMS. Ces dernières sont ainsi fixées pour les PM10 à 20 µg/m³ en moyenne annuelle et 50 µg/m³ en moyenne journalière, pour tenir compte de l’exposition chronique et à court terme.

Par ailleurs, le seul paramètre pris en compte dans les réglementations européenne et française concerne la concentration massique. Ni la concentration en nombre (c’est-à-dire le nombre de particules par m³ d’air), ni la composition chimique des particules n’interviennent dans le déclenchement des alertes.

Enfin, les particules encore plus fines, inférieures à 1 µm – principalement générées par les activités humaines – ne sont pas réglementées, alors que ce sont potentiellement les plus nocives.

Comparaison de la taille des particules microscopiques avec un cheveu et un grain de sable. US-EPA

Comment sont-ils détectés ?

En France, le ministère de l’Environnement a délégué à des associations agréées et regroupées au sein de la Fédération Atmo France, la mission de surveiller la qualité de l’air et les polluants réglementés sur l’ensemble du territoire. Elles sont soutenues dans cette mission par le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air.

Ces associations mettent en œuvre des mesures automatiques de concentrations en polluants et d’autres dispositifs de suivi pour une meilleure compréhension des phénomènes observés, telles que la composition chimique des particules ou les conditions météorologiques.

Ces mesures peuvent se combiner à des approches de modélisation des concentrations en particules, grâce notamment à la plateforme nationale de prévision Prevair ; le calcul de l’historique des masses d’air peut aussi être utilisé pour connaître la provenance des particules. Il est donc possible aujourd’hui d’interpréter de manière relativement fine les phénomènes à l’origine de l’augmentation des concentrations.

Décryptage d’un cas concret

Le graphique ci-dessous, issu d’observations menées par notre département de recherche et de mesures réalisées par Atmo Hauts-de-France, illustre un exemple de pics de pollution ayant touché cette région en janvier 2017.

Durant cette période, des conditions anticycloniques ont favorisé la stagnation des masses d’air au-dessus des zones d’émission des polluants ; par ailleurs, les températures froides ont entraîné une augmentation des émissions (notamment liées au chauffage résidentiel au bois) et la formation de particules dites « secondaires », formées suite à des réactions chimiques dans l’atmosphère.

Données V. Riffault/SAGE (projets Cappa et Climibio), CC BY-NC-ND

Les graphes montrent l’évolution sur plusieurs jours des concentrations massiques en PM10 et PM2,5 à la station de surveillance de Lille Fives, ainsi que celles de plusieurs espèces chimiques mesurées dans les PM1 à 4 km de là sur le campus de l’université de Lille.

On observe que la quasi-totalité des particules se trouvait dans la fraction PM2,5, ce qui exclut des évènements naturels tels qu’une remontée de poussières désertiques, relevant plutôt de la gamme 2,5 à 10 µm. En début et en fin de période, les particules présentent même plutôt des tailles inférieures à 1 µm.

L’épisode de pollution démarre le vendredi soir, le 21 janvier, et se poursuit tout le week-end, malgré un trafic routier plus faible ; cela s’explique par une combustion de bois accrue (comme le suggère le traceur m/z 60 correspondant à un fragment du levoglucosan, une molécule émise par la pyrolyse de la cellulose présente dans le bois).

La combustion de bois et d’autres formes de combustion (comme le trafic ou certaines industries) émettent également du dioxyde d’azote (NO₂) sous forme gazeuse ; ce dernier peut se transformer en acide nitrique (HNO₃) par réaction avec les radicaux hydroxyles (•OH) présents dans l’atmosphère.

Lorsque les températures sont suffisamment froides, HNO₃ va se combiner à l’ammoniac (NH₃), issu des activités agricoles, pour former du nitrate d’ammonium (NH₄NO₃) solide : ce sont les particules « secondaires ».

En fin de week-end, avec des conditions météorologiques plus favorables à la dispersion et à l’élimination des polluants, on note une décroissance des concentrations en particules fines.

Pour cet épisode, les très faibles concentrations en sulfates permettent d’exclure une contribution des centrales à charbon d’Allemagne et d’Europe de l’Est. Il s’agit donc bien d’une pollution locale et régionale, liée à des activités humaines, qui s’est accumulée en raison de conditions météorologiques défavorables.

Comment les éviter ?

Les conditions météorologiques n’étant pas contrôlables, les leviers d’action reposent essentiellement sur une réduction des émissions de polluants.

La réduction de la formation de particules secondaires impliquera, par exemple, une limitation des émissions de NO₂ liées au trafic routier via la circulation alternée ou sélective ; pour les émissions de NH₃, il faudra agir sur les pratiques agricoles (épandages et méthodes d’élevage).

Pour les émissions dues au chauffage au bois, le remplacement des dispositifs les plus anciens par d’autres plus propres permet une meilleure combustion et donc des émissions réduites en particules fines ; ceci peut être complété par un investissement dans l’isolation des logements.

Ces mesures ne doivent cependant pas faire oublier, rappellons-le, l’exposition chronique des populations à des concentrations en particules fines dépassant les seuils recommandés par l’OMS. Cette pollution est insidieuse et a des impacts sanitaires délétères à moyen et long terme, avec notamment l’apparition de maladies cardio-vasculaires, respiratoires et de cancers du poumon.

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