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Le Plateau Mont-Royal
Vue aérienne du Plateau Mont Royal, à Montréal, l'un des quartiers les plus densément peuplés au Canada. (Shutterstock)

Pour préserver la biodiversité, il faut rendre les villes plus compactes, circulaires et vertes

Comment mieux protéger les espèces vivantes soumises aux pressions croissantes des activités humaines ? Cette question est au cœur des discussions de la COP15, qui se tient actuellement à Montréal.

Le développement des villes fait partie de la solution, à condition de limiter leur étalement, de promouvoir l’économie circulaire et de favoriser la cohabitation entre les activités humaines et les différentes espèces végétales et animales qui y vivent.

Professeur en études urbaines à l’Université du Québec à Montréal, mes activités de recherche portent sur les indicateurs de durabilité urbaine et les démarches de durabilité dans les petites et moyennes municipalités du Québec.

Vu du ciel de Tokyo
Tokyo, avec le temple Sensoji à l’avant-plan. La métropole japonaise est l’une des villes les plus densément peuplées au monde, mais elle conserve de nombreux espaces verts. (Shutterstock)

Les villes nuisent à la biodiversité, mais contribuent à la préserver

Les villes n’occupent que 3 % de la superficie de la planète, mais elles sont responsables d’une grande partie de la perte de biodiversité mondiale à l’extérieur de leurs frontières. On parle ici de l’extinction de nombreuses espèces vivantes dans les régions rurales et les pays tropicaux en raison de la destruction d’habitats naturels.

Dans quel but ? Répondre aux besoins en ressources naturelles et en énergie afin de loger, nourrir, vêtir et prendre soin de la population. Deux tiers de ces besoins se trouvent dans les villes et ils sont jusqu’à cinq fois plus élevés dans les villes des pays les plus riches.

En même temps, les villes contribuent à préserver la biodiversité mondiale en concentrant les populations dans des zones limitées et en isolant ainsi les activités humaines des environnements où se concentrent d’autres espèces vivantes. Cela implique toutefois une cohabitation entre les activités humaines et les autres espèces qui vivent dans les villes. Et cette cohabitation n’est pas toujours facile.

On observe notamment des problèmes liés à la fragmentation des habitats naturels pour la construction de routes et de bâtiments. Ou encore, l’introduction d’espèces exotiques et envahissantes. Et c’est sans parler de la pollution urbaine (matières résiduelles, bruits), qui nuit aux habitats et à la survie de nombreuses espèces végétales et animales en ville.

Vue aérienne de Dacca, capitale du Bangladesh, la ville la plus densément peuplée au monde, avec 43 797 habitants au km carré. Elle manque d’espaces verts et l’air y est irrespirable pour ses 15 millions d’habitants. (Shutterstock)

Pourtant, les villes dépendent de cette biodiversité pour prospérer économiquement. Par exemple, les rendements des cultures visitées par les insectes pollinisateurs comme les abeilles produisent un approvisionnement alimentaire plus stable et aident à figer les prix des denrées alimentaires. La biodiversité préserve aussi la qualité des sols, ce qui limite le recours aux engrais et pesticides chimiques dont les coûts sont habituellement supportés par les habitants des villes.

Les villes dépendent aussi de cette biodiversité pour maintenir sa population en santé. Par exemple, les écosystèmes riches en biodiversité filtrent l’eau et éliminent les polluants avant qu’ils ne puissent contaminer la source d’eau potable des villes. Pensons aussi aux bénéfices psychologiques du contact avec la nature et des avantages qu’offrent les espaces verts pour les activités physiques.

Promouvoir et faciliter l’économie circulaire

Afin de préserver cette biodiversité des plus importantes pour les activités humaines, l’un des rôles que les villes peuvent jouer est de créer sur leur territoire les dispositifs urbains propices à l’économie circulaire. On parle ici des infrastructures, de l’aménagement du territoire et des services publics qui favorisent le développement de certaines activités économiques basées sur la réduction de la quantité de ressources vierges consommées, l’intensification de l’usage des produits, le prolongement de leur durée de vie et la valorisation des ressources en leur donnant une nouvelle vie.

un. jardin communautaire, avec un édifice à logements à l’arrière-plan
Un jardin communautaire au cœur de Paris, une des villes les plus densément peuplées de la planète. (Shutterstock)

De tels dispositifs en faveur de l’économie circulaire contribueront à freiner les taux d’extinction de la biodiversité. Comment ? En réduisant la pression qu’exerce la consommation urbaine de ressources sur les habitats naturels situés en dehors de leurs frontières. Rappelons que les villes consomment à elles seules plus de 75 % des ressources naturelles mondiales que procurent ces habitats naturels.

Rendre les villes plus compactes

Les villes devront aussi demeurer plus compactes, c’est-à-dire utiliser l’espace de manière à limiter l’étalement urbain sur les milieux naturels ou agricoles environnants ainsi que les besoins de transport. Cela implique notamment de créer des milieux de vie attractifs pour les individus et les familles, indépendamment de leur niveau de revenu. Il s’agit donc pour les villes de favoriser sur leur territoire des opportunités de formations et d’emplois diversifiés permettant de maintenir et d’attirer les jeunes.

Il s’agit aussi d’utiliser l’espace urbain de façon créative afin de colocaliser les services de proximité et les options de logements pour des niveaux de revenus différents. Elles devront également offrir diverses options de transport actif et collectif abordables, efficaces, accessibles et sécuritaires desservant les lieux de vie et de travail.

Préserver et accroître la biodiversité urbaine

Enfin, les villes devront accorder une plus grande priorité à la biodiversité dans leur planification, sous peine de perdre un grand nombre de bénéfices qu’elle leur procure. Soulignons, par exemple, l’assainissement de l’air et de l’eau, la réduction des eaux de ruissellement, l’atténuation des effets du changement climatique ou encore l’augmentation de la valeur des propriétés.

Il n’est pas non plus utopique de penser que les villes peuvent, elles aussi, fournir des bénéfices à la biodiversité en retour de ce qu’elle leur apporte. Selon une étude publiée dans Bioscience, les villes contribuent plus qu’on ne le pense à la biodiversité. Par exemple, elles servent de lieu de refuge à un nombre croissant d’espèces animales qui sont de plus en plus menacées par la perte grandissante d’habitats et le changement climatique.

Une pancarte annonce la présence de coyotes, dans un parc au nord de l’île de Montréal. De plus en plus d’animaux sauvages trouvent refuge dans les parcs urbains. La Presse canadienne/Ryan Remiorz

Au-delà des mesures que les villes mettent de l’avant, comme la protection des espaces naturels, la plantation d’arbres et les incitatifs à réduire la pollution urbaine, elles devront déployer des stratégies pour assurer la qualité de vie des autres espèces vivantes en ville et prévenir ainsi leur extinction.

Par exemple, il faudra veiller à la santé des pollinisateurs en limitant l’introduction d’espèces exotiques et en favorisant une végétation diversifiée. Poursuivre les recherches susceptibles d’approfondir notre compréhension de la faune et de la flore urbaines en évolution constante sera aussi vital pour l’avenir de la biodiversité.

Pour amplifier les impacts des politiques nationales en matière de biodiversité, les États gagneraient donc à soutenir les initiatives pilotées par les villes. Car celles-ci auront une double responsabilité. Celle de préserver la biodiversité sur leur territoire et à l’extérieur de leurs frontières. C’est celle-là qui assure leur approvisionnement en ressources et dont dépend leur prospérité.

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