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Pourquoi nous détestons notre travail (ou pas)

Combien d'entre nous connaissons exactement la raison pour laquelle nous travaillons ? Lipik Stock Media / Shutterstock

Les statistiques sur l’insatisfaction au travail, le stress et l’épuisement professionnel sont à des sommets historiques. Les employés sont sans cesse confrontés à des demandes plus complexes, des contraintes de temps incompatibles avec leur vie personnelle et des tâches ardues qui ne procurent ni joie ni motivation. Faisant partie d’une génération des travailleurs qui seront sur le lieu de travail plus d’années que jamais, réfléchir aux raisons pour lesquelles nous détestons (ou pas) nos emplois est plus que jamais nécessaire.

Nous autres, chercheurs, ne devrions jamais oublier que nous n’avons jamais été les seuls à vouloir comprendre le fonctionnement secret des choses. Les artistes le font depuis toujours, et peut-être plus que tout autre parmi eux, les poètes.

Dans son discours de réception du prix Principe de Astrias, Leonard Cohen fait un travail remarquable en représentant, par la musique, la quête commune de tous les êtres humains : donner du sens à nos vies. Dans ses mots, Leonard Cohen décrit le sens comme la démarche que nous menons pour retrouver et bien utiliser trois éléments : une voix, un instrument et une chanson.

Discours de Leonard Cohen lors de la réception du prix Principe de Asturias (2011).

Peut-on utiliser les mots de Leonard Cohen comme analogie pour réfléchir à l’importance du sens dans le travail ? À travers ce parallèle pour illustrer des théories de sciences sociales, nous pouvons trouver des ressources et des exemples pour nous aider en tant qu’employeur ou employés à donner un sens à notre travail et non le détester.

Une voix – définir le bon rôle

Une voix. Jason Rosewell/Unsplash, CC BY

Chaque employé réalise-t-il les tâches les plus appropriées ? Chacun d’entre nous a-t-il finalement un rôle qui convient à sa personnalité, ses capacités, ses compétences et sa nature ? Savons-nous réellement quels sont nos traits de nos personnalités et habilités ? Le sens dans le travail vient évidemment dans un premier dans par la capacité le faire, et à bien le faire.

Rappelons tout d’abord qu’il est trop simple de faire porter au travailleur la responsabilité de son inadéquation au poste. Le plus souvent, ce sont les décisions d’organisation ou de gestion qui causent les difficultés des individus, et non l’inverse ! Ceci posé, il y a fréquemment une question d’adéquation entre la personne et le poste : c’est là tout l’enjeu de la fonction RH.

Lorsqu’un bon employé est affecté un poste inadéquat, cela va avoir des conséquences évidentes sur son intégrité personnelle, sa motivation et sa satisfaction, éléments qui déterminent la performance. La solution consiste donc à trouver des moyens pour localiser les meilleurs talents pour chaque poste. Et cette action devrait fonctionner dans les deux sens.

D’un côté, les employés peuvent évaluer leurs propres compétences et aspirations pour proposer des changements dans leur travail et responsabilités. D’autre part, les employeurs pourraient être plus ouverts en ce qui concerne les possibilités d’avancement (horizontalement ou verticalement) qu’ils offrent à leurs employés. Par exemple, des entreprises comme Facebook ou Eli Lilly encouragent les employés à effectuer des changements « inhabituels », comme passer des finances aux ressources humaines ou recevoir des rétrogradations. Elles sont conscientes que les gens changent, que les compétences changent et qu’il est donc important d’envisager les besoins de mobilité dans une perspective plus large.

L’enjeu dans ce cas est de ne pas confier un rôle de Basse à votre meilleur Ténor.

Un instrument – notre outil d’orchestration

Un instrument. Aarón Blanco Tejedor/Unsplash, CC BY

Un deuxième élément concerne les outils. Oui, la technologie a facilité beaucoup de choses au travail, et ce qui prenait habituellement de longues minutes (envoyer une lettre par fax) devient une tâche qui prend quelques secondes (un courrier électronique). Cependant, rares sont les entreprises qui associent l’évolution des outils technologiques, des espaces de travail, ou encore des services disponibles sur le lieu de travail, avec la formation et la préparation de leurs employés.

Entre les Slacks, les Trellos, les teams, les @workplace, les yammers, les SAP, les intranets, les acronymes toujours émergents tels que Ux, AI, deep learning, Ignami, AWS clouding, ainsi que les nombreuses nouvelles configurations du travail avec le « flex office » ou le télétravail, comment les entreprises peuvent-elles s’assurer que les outils sont adéquats pour le type de tâches qu’elles demandent à leurs employés de faire ? Le risque est grand de chercher dans un nouvel outil, dans la dernière nouveauté, une solution qui s’avérera inadéquate en réalité.

Par ailleurs, même lorsque l’outil est pertinent, encore faut-il qu’il soit bien utilisé – voire même simplement utilisé. Jouer d’un nouvel instrument de musique est une source de frustration et d’insatisfaction immédiates. Oui, il y a les « virtuoses » qui seront mis en avant comme exemples d’excellence, mais ces derniers ne feront que rendre plus difficile la reconnaissance de ses difficultés pour l’employé moins à l’aise.

Les entreprises doivent donc considérer que tout changement dans les routines et les outils nécessite de la formation, du temps (pour leur appropriation) et de la cohérence (en termes de type de profession, de profils et de complexité). Car il ne s’agit pas seulement de changer l’instrument, mais aussi d’apprendre à en jouer.

Une chanson – une vision

Une chanson. Dayne Topkin/Unsplash, CC BY

Que faire avec des voix magnifiques, avec des instruments coordonnés ? Bien évidemment, s’assurer de bien connaître la chanson !

L’absence de vision commune est peut-être la problématique plus courante, car elle regroupe de nombreux autres éléments de mécontentement dans l’environnement de travail. Dans son exposé intitulé How Great Leaders Inspire Action, le conférencier britannique Simon Sinek explique que, pour créer de véritables leaders, vous devez vous assurer que les autres croient en ce que vous croyez.

Simon Sinek : « Comment les grands leaders inspirent l’action » (Conférence TED, 2010).

Combien d’entre nous connaissons exactement la raison pour laquelle nous travaillons ? Non, la réponse n’est pas un résultat net ou pour satisfaire les investisseurs. La distinction entre une vision et un objectif managérial est simple à exprimer : sommes-nous ici pour transformer la société, améliorer des vies, rendre possible que les prochaines générations habitent l’espace ? Ou sommes-nous ici pour fabriquer des ordinateurs à des niveaux de qualité Six Sigma ?

La majorité de notre insatisfaction au travail provient du fait que nous ne savons pas pourquoi nous faisons ce que nous faisons, ou pour qui ; bien plus que du reste (même si l’adéquation avec le poste joue aussi).

Donc, si vous êtes mécontent de votre travail en tant que patron ou employé, posez-vous la question et demandez à vos supérieurs, pourquoi faites-vous votre boulot ? Si vous êtes complètement désenchanté par la réponse, vous avez probablement trouvé la racine du problème. Et peut-être qu’il est temps de commencer à écrire une nouvelle chanson – adaptée à votre voix et pour laquelle vous apprendrez, s’il le faut, un nouvel instrument.

Leonard Cohen. Bill Strain/Flickr, CC BY

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