À en croire les sondages, l’issue des élections présidentielles aux États-Unis est relativement facile à prévoir. Somme toute, il n’y a que deux candidats et le résultat du vote dans la plupart des 50 États est déjà évident.
George H. W. Bush a été le seul président républicain à n’avoir eu qu’un seul mandat en plus de 100 ans, mais il sollicitait un deuxième mandat après 12 ans de règne républicain. Jimmy Carter est le seul président démocrate à avoir quitté la Maison-Blanche après un seul mandat de quatre ans.
Non seulement les présidents qui se portent candidats à la réélection gagnent presque toujours, mais ils gagnent avec une forte majorité. Les candidats sortants remportent plus de voix que lors de leur première campagne électorale. Dans l’histoire récente, seul Barack Obama n’y est pas arrivé.
Les Américains sont des électeurs conservateurs en ce sens qu’ils n’aiment pas le changement. Cela peut s’expliquer par le pouvoir limité de leurs présidents. Bien que ces derniers puissent se vanter de leurs objectifs et de leurs réalisations, leur capacité à susciter des changements politiques est très limitée.
Les présidents américains disposent d’une formidable tribune dont la portée s’est accrue avec l’essor des nouvelles technologies de l’information, mais ils sont loin d’être aussi puissants que d’autres dirigeants élus des pays démocrates. Le mur que le président Donald Trump a souvent promis le long de la frontière avec le Mexique lors de ses nombreux rassemblements, par exemple, est loin d’être achevé.

Limites de durée
Les présidents sont limités à deux mandats, une règle instaurée après la Seconde Guerre mondiale. Personne ne peut être élu président plus de deux fois aux États-Unis. Cela contraste avec d’autres pays démocratiques comme le Canada, où Pierre Elliott Trudeau a régné pendant 16 ans, et l’Allemagne, où Angela Merkel est toujours aussi populaire après 15 ans au pouvoir. Les électeurs américains savent que le nom de Trump apparaîtra une dernière fois sur les bulletins de vote le 3 novembre 2020.

Comme dans la Constitution canadienne, les États-Unis ont un système de gouvernement fédéral qui accorde des responsabilités importantes aux 50 États de l’Union. Ces États ont également des représentants directement élus au Capitole en tant que sénateurs et membres de la Chambre des représentants.
Cela impose des limites au pouvoir présidentiel, comme en font foi les diverses politiques sur la gestion de la pandémie de Covid-19, mais aussi en ce qui concerne le contrôle des armes à feu, la peine capitale, l’éducation, le droit du travail et de l’emploi.
Tout comme les premiers ministres canadiens doivent faire face aux exigences des provinces, les présidents américains sont confrontés à l’opposition constante des États, en particulier les plus populeux : la Californie, le Texas, la Floride et New York. Les présidents américains n’oublient jamais que la guerre de Sécession a éclaté en partie parce que les intérêts de certains États n’avaient pas été suffisamment pris en compte à Washington.

Au Canada, et dans d’autres pays gouvernés selon le modèle de Westminster, le premier ministre détient à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Le Cabinet décide des lois et des budgets qui seront votés au Parlement, et le premier ministre a la responsabilité de mettre en œuvre les décisions en tant que chef du gouvernement. Tout président américain regarde probablement avec envie l’énorme pouvoir des premiers ministres canadiens.
Batailles constantes
Le président américain, en revanche, ne dirige que la branche du gouvernement responsable de la mise en œuvre ou de l’exécution des décisions prises par les législateurs au Congrès. En conséquence, les présidents doivent se battre, faire du lobbying et négocier de manière constante avec le Congrès.
Le Congrès lui-même n’est pas monolithique, mais divisé en deux chambres — le Sénat et la Chambre des représentants — qui sont souvent à couteaux tirés en matière de législation et de budgets. Il n’y a pas ou peu de discipline de parti au Congrès, ce qui donne aux sénateurs et aux membres de la Chambre des représentants une influence considérable sur la législation et la politique.

Contrairement aux premiers ministres qui exercent généralement plus de pouvoir que les présidents américains, les députés canadiens regardent probablement avec envie la liberté dont jouissent les membres du Congrès par rapport aux priorités et aux directives de leur parti.
Non seulement le Congrès adopte des lois et établit des budgets, mais il a le pouvoir de mettre en accusation les présidents et de les destituer. Deux des huit derniers présidents — Trump et Bill Clinton — ont été mis en accusation, tandis qu’un troisième, Richard Nixon, a démissionné juste avant la procédure de destitution.

Les élections à la Chambre des représentants et au Sénat montrent également à quel point l’électorat américain est réticent à voter contre un candidat sortant. Moins de 10 % des membres du Congrès qui se présentent à la réélection sont défaits aux élections.
Tout étant relatif, la limitation de la durée du mandat, l’autorité étendue des différents États et la division constitutionnelle des pouvoirs signifient que les présidents n’ont pas une grande marge de manœuvre.
Mais les Américains aux urnes ont toujours adopté l’adage suivant : mieux vaut un mal connu qu’un bien qui reste à connaître. La question est de savoir si ce sera toujours le cas la semaine prochaine…