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Sociologue, Université de Lille

Je travaille, depuis une vingtaine d’années, sur la population âgée – ce vaste ensemble que l’on avait coutume d’appeler les « personnes âgées » et que l’on désigne aujourd’hui plus volontiers sous le vocable de « seniors ». Mes recherches s’inscrivent donc principalement dans le champ de la sociologie de la vieillesse. Au cours de ces années, j’ai donné plusieurs orientations – successives ou parallèles – à mes travaux.

Plusieurs des recherches que j’ai réalisées peuvent être considérées comme des contributions à une sociologie des modes de vie à la retraite :

recherche sur la réorganisation de la vie conjugale au moment de la cessation d’activité ;
recherche sur la formation d’un nouveau couple après la retraite ;
recherche sur le veuvage ;
recherche sur les relations entre grands-parents et petits-enfants ;
recherche sur les usages des technologies par les retraités ;
recherche sur le rapport des retraités à la télévision et à la radio ;
recherche sur l’engagement dans l’aide à un proche (conjoint, parent) âgé dépendant ;
recherche sur les vacances des retraités.

Ces travaux se situent à l’interface de la sociologie de la vieillesse et d’autres champs de la sociologie (notamment la sociologie de la famille, la sociologie des usages, la sociologie des médias ou encore la sociologie des loisirs).

Au-delà de l’étude des modes de vie à la retraite, j’ai cherché, au cours des dernières années, à adopter un point de vue plus dynamique en m’intéressant non plus à la vieillesse, mais au vieillissement. Je me suis ainsi demandé comment appréhender sociologiquement le processus et les expériences du vieillissement après la retraite et, pour répondre à cette question, j’ai développé successivement deux orientations de recherche.

La première orientation a consisté à travailler sur les transitions biographiques, comme la retraite ou le veuvage, en les appréhendant comme des moments de réaménagement de l’existence et de transformation possible de l’identité et, d’un point de vue méthodologique, comme des points d’observation privilégiés de ces transformations.

La seconde orientation de recherche s’est efforcée de cerner les changements plus diffus, plus progressifs qui se produisent au fur et à mesure que les personnes qui vieillissent se trouvent confrontées à des difficultés nouvelles, qui trouvent leur origine à la fois dans des transformations physiologiques (des problèmes de santé, des limitations fonctionnelles, une fatigue accrue) et dans les transformations de l’environnement humain et matériel (la disparition de ses contemporains ; des proches qui se font davantage protecteurs ; un monde extérieur moins accueillant, dans lequel les vieilles personnes sont confrontées aux manifestations variées de l’âgisme). Ces difficultés – socialement différenciées – sont constitutives de ce que j’ai appelé l’« épreuve » du vieillir (ou l’épreuve du grand âge puisqu’elle advient principalement aux âges élevés). Elles conduisent à une progressive transformation du rapport à soi et au monde dont j’ai dégagé quatre manifestations, esquissant ainsi une caractérisation sociologique du vieillir et de ses enjeux :

- Tout d’abord, l’étude du processus de reconversion des activités et des relations (ce que la sociologie du vieillissement francophone appelle la « déprise ») amène à souligner l’enjeu, pour les plus âgés, de la conservation de prises sur le monde.

- Ensuite, l’analyse des tensions de l’identité – entre « être » et « avoir été », entre « devenir vieux » et « être vieux » – permet de mettre en évidence l’enjeu, pour les personnes très âgées, de la préservation du sentiment de leur valeur sociale.

- Parallèlement, le développement des limitations fonctionnelles et du besoin d’aide, pose la question du maintien du pouvoir de décider par soi-même, c’est-à-dire de l’autonomie décisionnelle.

- Enfin, le sentiment croissant d’étrangeté au monde pose la question du maintien d’espaces de familiarité avec lui.

Tout en approfondissant les orientations précédentes, notamment à travers l’encadrement de travaux de thèse, et tout en poursuivant le travail d’animation et de structuration du champ de la sociologie de la vieillesse et du vieillissement que j’ai entrepris (à travers mon engagement au sein de différents réseaux, la rédaction d’un manuel ou encore la coordination récente d’un ouvrage collectif avec Cornelia Hummel et Isabelle Mallon), mes travaux s’infléchissent aujourd’hui dans une triple direction :

1) Tout d’abord, j’ai engagé un ensemble de recherches sur la maladie d’Alzheimer, qui visent à mieux comprendre le vécu de la maladie par les personnes diagnostiquées ainsi que par leurs proches, en accordant une place centrale aux personnes malades (avec lesquelles il est possible de réaliser des entretiens lorsqu’elles se situent à un stage léger ou précoce) et à leurs interactions avec leurs proches. L’objectif est à la fois de penser ce que le vieillissement des personnes malades peut avoir de spécifique (mais aussi de commun) avec le vieillissement dit « normal » et de contribuer au développement d’un point de vue sociologique sur la maladie. J’ai obtenu plusieurs financements pour travailler sur ces questions (2 post-doc de deux ans et un post-doc de 3 ans) ainsi qu’une allocation de recherche du Conseil Général du Nord.

2) Parallèlement, j’ai commencé à développer une réflexion sur la place de l’âge dans les sociétés contemporaines, tant dans la structuration des parcours de vie que dans les expériences individuelles. Une recherche (réalisée avec Alexandra Poli et Claire Lefrançois dans le cadre d’un contrat avec la DREES/MiRe), qui visait à retracer l’apparition et la diffusion, dans les années 2000, en France, de la notion de « discrimination sur l’âge » m’a, en effet, convaincu que nous vivons aujourd’hui un moment de remise en cause de la légitimité de l’âge comme critère de scansion des parcours de vie. Cette nouvelle préoccupation de recherche plaide pour un décloisonnement des sociologies spécialisées des âges, sur lequel j’ai travaillé en menant, avec Cécile Van de Velde, Maître de Conférences à l’EHESS et spécialiste de la jeunesse, une mise en regard des questionnements et des controverses scientifiques qui existent dans les champs de la sociologie de la jeunesse et de la sociologie de la vieillesse francophones et anglo-saxons.

3) Enfin, le rapprochement de la politique de la vieillesse et de la politique du handicap (avec, notamment, la création en 2004 de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) m’a encouragé à élargir mes préoccupations de recherche au champ du handicap. En août 2009 et en février 2012, j’ai ainsi obtenu des financements de la DRESS/MiRe, de l’IRESP et de la CNSA pour une recherche portant sur la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), appréhendée tant du point de vue du fonctionnement des institutions délivrant cette reconnaissance que du côté des personnes qui en font la demande (recherche menée en collaboration avec Jean-Sébastien Eideliman, MCF à Lille 3, et Louis Bertrand, recruté pendant trois ans en post-doc). En juin 2010, j’ai obtenu un autre financement de la DRESS/MiRe et de la CNSA, cette fois-ci pour une recherche doctorale portant sur le passage à la retraite des personnes en situation de handicap mental (recherche doctorale de Muriel Delporte).

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