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Quand un bolide spatial illumine le ciel de Bretagne

Capture d’écran des images de la météorite prises par la webcam du barrage d’Arzal dans le Morbihan. DAMGAN LA ROCHE-BERNARD TOURISME/DR

Dans la nuit du dimanche 5 septembre, le ciel s’est éclairé pendant quelques secondes au-dessus de la Bretagne. Ce flash très lumineux a été également observé dans le sud de l’Angleterre. Le site Vigie-Ciel, programme de sciences participatives qui invite à observer les étoiles filantes, rechercher des météorites et des cratères d’impact, a recueilli près de 500 rapports d’observateurs amateurs ou professionnels !

La trajectoire du bolide vue du sud de l’Angleterre (Utvard Wittgenstein).

Je suis l’un des co-fondateurs de Vigie-Ciel, et voilà ce que l’on peut dire de cet événement. Un bolide a été détecté par nos caméras, il était extrêmement lumineux, sa trajectoire était localisée à l’extrême Ouest de la péninsule de Bretagne. On parle de bolide ou de météore (synonyme d’étoile filante). Un météore est le trait lumineux observé lorsqu’une poussière interplanétaire ou un petit météoroïde pénètre dans l’atmosphère terrestre à très grande vitesse (entre 12 et 72 km/s). Un météoroïde est une petite particule de quelques millimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre qui se déplace dans l’espace. C’est elle qui donne naissance au météore si elle a la chance de pénétrer dans l’atmosphère de la Terre. Si le météoroïde est suffisamment massif, une partie de l’objet peut résister à cette entrée dans l’atmosphère, et donner naissance à une météorite (le caillou que l’on peut retrouver sur Terre).

Trajectoire calculée avec les données des caméras FRIPON. Fripon/Vigie-Ciel, Fourni par l'auteur

Notre réseau d’une centaine de caméras couvre la France, tous les 60 ou 70 kms, mais bien sûr, il n’y en a pas au large. Elles se déclenchent automatiquement quand il y a un mouvement d’objet dans le ciel. Si le même événement est filmé par différentes caméras, il est alors possible de reconstituer une trajectoire en 3 dimensions et d’estimer la vitesse de l’objet. Dimanche soir, nous avons pu capturer le bolide grâce à trois caméras. Ce n’est pas une observation optimale. En effet, lorsqu’un objet est localisé plus à l’intérieur du territoire, il peut être filmé par plus d’une dizaine de caméras, ce qui améliore grandement les estimations de taille, de vitesse et de trajectoire. De plus, le ciel était couvert dans la région.

Néanmoins, grâce à nos images, on arrive à déterminer la vitesse, et par un modèle, en estimant le freinage de l’objet, dû au frottement de l’objet aux gaz de l’atmosphère, on est capable de déterminer la taille initiale et finale. Pour un objet très gros et rapide, sa vitesse va dégringoler très rapidement, et il peut se fragmenter. Si l’objet est lent au contraire, la vitesse va baisser moins rapidement.

Selon nos premiers calculs, les principaux paramètres de l’événement sont un passage au zénith de Brest et une fin de trajectoire brillante dans la Manche à 39 km d’altitude. La vitesse initiale de 21,5 km/s (~ 77 500 km/h) et une inclinaison de 34° par rapport à l’horizontale n’ont par permis la survie d’une météorite, l’objet d’une vingtaine de centimètres, et d’environ 40 kg, s’est complètement désintégré dans l’atmosphère. On peut donc parler de météoroïde mais pas de météorite.

Un phénomène extrêmement lumineux et bruyant

Lorsqu’un fragment d’astéroïde, de planète, et parfois de comète vient à la rencontre de la Terre, il pénètre l’atmosphère à une vitesse « cosmique », allant de quelques dizaines à quelques centaines de milliers de kilomètres à l’heure.

L’atmosphère ayant une densité très supérieure à celle du milieu interplanétaire, le bolide est brutalement ralenti par cette rencontre. Il va avoir tendance à se fragmenter, tandis que l’air, violemment comprimé, est porté à des températures gigantesques, entre 10 000 et 20 000 degrés. L’air ainsi échauffé s’ionise, c’est-à-dire que des électrons sont arrachés aux atomes, et il devient ainsi un plasma qui émet de la lumière.

Ainsi, ce n’est pas l’objet lui-même, ni ses fragments, que l’on voit briller, mais l’air ionisé qui les entoure. À une altitude variable, qui dépend de la taille de l’objet, de sa vitesse et de son angle d’incidence, le phénomène lumineux s’interrompt, car le bolide s’est ralenti et la pression n’est plus suffisante pour que l’air se transforme en plasma. Les reliquats de l’objet finiront par tomber en chute libre en étant soumis aux vents qui circulent dans l’atmosphère – on parle de « vol sombre ». Ces processus sont les mêmes quelle que soit la taille de l’objet incident, mais une fine poussière n’atteindra pas le sol. Elle sera volatilisée bien avant et n’engendrera qu’une petite traînée, à savoir une étoile filante.

C’est vrai qu’un événement aussi lumineux est impressionnant, mais ce n’est pas très rare. Des objets aussi volumineux qui pénètrent l’atmosphère au-dessus de la France métropolitaine, on en a quelques-uns par an. Ces chutes sont totalement aléatoires, et peuvent se produire n’importe où.

Plusieurs témoignages ont rapporté un « bang » en plus de la trace lumineuse. Ce bruit sourd est souvent entendu par les observateurs lors de l’entrée d’un météoroïde de plusieurs dizaines de centimètres de diamètre entre dans l’atmosphère. Ce « bang » est lié à la fragmentation de l’objet qui crée une onde de choc se propageant à la vitesse du son. Cette onde en plus d’être audible peut être également enregistrée par les sismomètres lorsqu’elle touche la surface.

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