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Donald Trump s'adresse à ses partisans quelques heures avant une violente attaque contre le Capitole à Washington. Photo AP/Jacquelyn Martin)

Quelle sera la suite pour Trump ?

L’un des piliers principaux de la politique américaine est que les présidents déchus lors des élections acceptent la transition vers une nouvelle administration dans la dignité. De même, les présidents sortants ne sont pas poursuivis ni emprisonnés pour leurs actions pendant qu’ils étaient au pouvoir.

Cela diffère nettement d’autres pays démocratiques comme le Brésil et la Corée du Sud, où des présidents défaits ont été régulièrement emprisonnés lorsque leurs adversaires ont pris le pouvoir.

En incitant ses partisans à prendre d’assaut le Capitole, Donald Trump a lui-même enclenché un processus qui pourrait mettre fin à sa présidence avant le 20 janvier. Il pourrait se voir accusé de crimes après avoir quitté ses fonctions et l’héritage qu’il a tant cherché à créer en serait terni.

Trump s’est engagé à assurer « une transition du pouvoir en douceur, ordonnée et sans heurts » dans un message vidéo publié plus de 24 heures après le chaos au Capitole, qui a fait au moins cinq morts.

La question qui peut se poser maintenant est : pourquoi s’être battu si longtemps contre les résultats des élections de novembre ?

Il aurait pu accepter dès lors, avec classe, la défaite de novembre, alors qu’il était évident que Joe Biden avait gagné. Libéré de la nécessité de se plier à sa base idéologique, il aurait pu utiliser les deux derniers mois de sa présidence pour lutter contre la pandémie de Covid-19, panser ses blessures, faire rayonner le Parti républicain et faire preuve d’ouverture envers ses opposants.

La politique est différente des affaires

Apparemment, ce premier président de l’histoire américaine sans expérience politique au préalable ne comprend pas la différence entre la politique et les affaires. En politique, les gagnants et les perdants ne s’écrasent pas mutuellement et n’entravent pas les processus et les institutions politiques.

Les hommes politiques d’expérience, tous partis confondus, savent qu’ils peuvent avoir un jour besoin les uns des autres et qu’ils doivent coopérer pour gouverner une nation.

La police tient des manifestants sous la menace d’une arme alors qu’ils sont allongés sur un sol de marbre
La police du Capitole tient des manifestants sous la menace d’une arme près de la Chambre des Représentants, à l’intérieur du Capitole, le 6 janvier 2021. AP Photo/Andrew Harnik

Après avoir ouvert une brèche postélectorale sans précédent, Donald Trump est maintenant confronté à la possibilité que le 25ᵉ amendement de la Constitution des États-Unis soit invoqué. Les dirigeants démocrates et même certains républicains le réclament.

Le 25e amendement permet au vice-président, appuyé par la majorité du Cabinet, de démettre un président de ses fonctions s’il juge que le commandant en chef est inapte à exercer ses pouvoirs et ses responsabilités.

Cependant, le fait que le 25e amendement doit être invoqué par le vice-président Mike Pence, un allié de Trump depuis plus de quatre ans, est en soi un obstacle majeur. Aussi, toute tentative officielle de destituer le président moins de deux semaines avant l’assermentation du président élu Joe Biden pourrait provoquer une division idéologique encore plus grande dans un pays déjà très polarisé.

Pence regarde en bas
Pence officie une session conjointe de la Chambre et du Sénat pour confirmer les votes du Collège électoral lors de l’élection présidentielle de novembre, après l’assaut du Capitole par des partisans de Trump. Erin Schaff/The New York Times via AP, Pool

Aucun ancien président n’a été accusé de comportement criminel après un mandat dans toute l’histoire des États-Unis. Une convention non écrite et portée par l’élite politique veut qu’une telle action puisse affaiblir la fonction de président et la politique américaine. Accuser un ancien président d’un acte criminel ouvre la porte à ce que le prochain président soit également accusé pour des raisons partisanes, créant ainsi un cercle vicieux.

À l’heure actuelle, conformément à la tradition américaine, Donald Trump n’a été ni accusé ni inculpé d’un quelconque délit. Cependant, une fois qu’il aura quitté ses fonctions, au moins une enquête criminelle sera ouverte à New York concernant l’une de ses entreprises et d’autres enquêtes pourraient suivre.

Ford et Nixon

Aucun président ne s’est lui-même gracié pendant son mandat et aucun n’a cherché à « s’autopardonner » de manière préventive pour des accusations n’ayant pas encore été portées, comme l’envisagerait Trump.

Le seul cas qui s’y apparente s’est produit en 1974, lorsque le président Gerald Ford a gracié son prédécesseur, Richard Nixon, pour obstruction à la justice.

Sur cette photo de janvier 1974, Gerald Ford et Carl Albert, président de la Chambre des représentants, écoutent Nixon prononcer son discours sur l’état de l’Union
Sur cette photo de janvier 1974, Gerald Ford et Carl Albert, président de la Chambre des représentants, écoutent Nixon prononcer son discours sur l’état de l’Union lors d’une session conjointe du Congrès à Washington. AP Photo

Tout effort de Trump pour invoquer un autopardon se heurterait à sa propre déclaration faite dans un tweet de juin 2018 où il disait « Pourquoi ferais-je cela, alors que je n’ai rien fait de mal ? » Un autopardon, même s’il est finalement jugé constitutionnel, ternirait l’héritage du président qui l’a demandé.

Toutefois, l’hyperpolarisation croissante de la politique américaine et le comportement scandaleux de Trump pourrait changer la donne quant à la protection accordée par la classe politique aux anciens présidents.

Joe Biden et ses partisans pourraient en venir à la conclusion que Donald Trump doit être inculpé à la fin de son mandat à la fois pour le sanctionner et servir un avertissement aux futurs titulaires de la fonction.

Trump rejoindrait Nixon

Par ailleurs, si les enquêtes sur les entreprises de Donald Trump aboutissent à des accusations, l’administration Biden pourrait aussi décider de lui accorder un pardon conformément au précédent établi par le pardon de Nixon par Ford.

Cela permettrait de préserver une partie de la dignité de la fonction de président tout en punissant Trump par l’ajout son nom aux côtés de Nixon en tant que seul président gracié. Ironiquement, le sort et l’héritage éventuels de Trump pourraient être entre les mains de l’adversaire contre qui il s’est battu obstinément.

Guardian News.

Les affronts de Donald Trump à l’égard de la démocratie américaine – fondée sur le transfert pacifique et digne du pouvoir après une élection – auront des conséquences pour les années à venir. Les futurs présidents verront, souhaitons-le, la fin du mandat de Donald Trump comme une leçon de ce qu’il ne faut pas faire.

This article was originally published in English

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