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Quelles sont les faiblesses de cabinets d’audit sanctionnées par leur tutelle aux USA ?

Boris Dzhingarov/Flickr, CC BY

Le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB) a été créé en 2002 aux États-Unis par la loi Sarbanes-Oxley (SOX) afin de superviser la qualité des audits menés par les cabinets d’audit. La loi SOX lui impose de contrôler tous les ans les cabinets ayant plus de 100 clients cotés (les Big Ten) et tous les trois ans les autres cabinets (les non–Big Ten).

Le contrôle des auditeurs

Pour ce faire, le PCAOB adopte une méthodologie fondée sur l’évaluation de l’organisation interne des cabinets et sur le contrôle d’un échantillon de mandats d’audit. Les déficiences relevées sont publiées dans des rapports d’inspection.

Cependant, quand des violations de la loi SOX, des règles d’éthiques ou normatives ou des règles du PCAOB sont enregistrées, le PCAOB peut infliger des sanctions aux cabinets et/ou à leurs collaborateurs qu’il publie dans ses rapports disciplinaires. Cet article se propose d’étudier sur la période 2005-2014, la nature et les caractéristiques des déficiences d’audit qui ont conduit à des sanctions.

L’analyse des rapports disciplinaires du PCAOB sur cette période a permis d’identifier 18 types de déficiences reliées dans la majorité des cas à un problème de compétence (83 %) que d’indépendance (17 %). D’une façon générale, ces déficiences sont plus fréquentes dans les petits cabinets d’audit (moins de 100 clients cotés) mais ne semblent pas être liées à la taille des cabinets d’audit.

Cinq groupes de déficiences

Ces déficiences peuvent être regroupées en cinq catégories :

  1. Les déficiences reliées à la conduite de la mission d’audit : Cette catégorie renferme 4 types de violations. D’abord la « non-exécution des procédures d’audit adéquates et appropriées », qui est présente dans 48 % des cas. Ensuite, « l’absence de preuves de fond justifiant l’opinion d’audit » (41 %). « L’absence du recul et du scepticisme nécessaire vis à- vis des informations présentées par le client » arrive en troisième position (30 %). Enfin, « l’absence de réaction appropriée face à des soupçons de fraudes » (19 %).

  2. Les problèmes de coopération avec le PCAOB : Cette catégorie renseigne sur les différentes irrégularités « volontairement » commises par les cabinets dans leurs rapports avec le PCAOB. La falsification des documents d’audit par certains cabinets est la manœuvre la plus fréquente (44 %) à laquelle ont recours certains cabinets pour dissimuler des insuffisances ou manquements dans leurs dossiers d’audit. Il peut s’agir d’un ajout d’information, de la création d’un document, de la correction antidatée d’un document, etc. La non-coopération avec le PCAOB vient en seconde position avec une fréquence de 31 %. Si les cabinets et/ou leurs collaborateurs ne veulent pas coopérer avec le PCAOB, c’est souvent parce qu’ils ont connaissance des irrégularités que comportent leurs dossiers qu’ils souhaitent dissimuler.

  3. L’organisation interne des cabinets : cette catégorie regroupe principalement les faiblesses organisationnelles et celles liées au système de contrôle qualité du cabinet. Elle regroupe aussi d’autres faiblesses liées à la planification d’audit, à la préparation des documents d’audit, à des manquements aux standards et procédures du PCAOB. Il peut s’agir enfin des faiblesses qui ont été déjà relevées par le PCAOB dans ses rapports d’inspection et qui n’ont pas été corrigées par le cabinet dans le délai de 12 mois suivant la notification du PCAOB. L’ensemble de ces faiblesses sont présentes dans 22 % des rapports disciplinaires et concernent plus particulièrement les cabinets ayant moins de 100 clients cotés.

  4. Le non-respect des normes US GAAP : cette anomalie touche la compétence technique des cabinets et/ou leurs collaborateurs en ce qui concerne la maîtrise des normes comptables. La non-identification d’un manquement aux US GAAP a été signalée dans 25 % des rapports disciplinaires du PCAOB.

  5. L’indépendance : Des problèmes relatifs à l’indépendance des cabinets ont été enregistrés dans 17 % des cas. Il s’agit par exemple du cas de cumul de mandats de commissariat aux comptes et de travaux de conseil pour le même client, ce qui strictement interdit par la loi.

Les sanctions

Les sanctions infligées par le PCAOB sont de différentes sortes et peuvent toucher les cabinets en tant que personnes morales mais aussi leurs associés ou collaborateurs. Les résultats de cette étude révèlent que les personnes semblent être plus sanctionnées que les cabinets (92 % contre 67 %).

Les sanctions les plus fréquentes, aussi bien pour les cabinets que les personnes, sont liées d’abord, à l’interdiction permanente et temporaire d’être enregistré au PCAOB. Ensuite aux blâmes et amendes qui restent rares notamment pour les personnes. Les Big Ten sont moins sanctionnés que les non–Big Ten, voire jamais sévèrement sanctionnés (aucune révocation permanente ou annulation temporaire de l’enregistrement au PCAOB). Il semblerait que, comme les Big Ten sont contrôlés tous les ans, le PCAOB leur accorde souvent la possibilité de corriger leurs déficiences, ce qui explique en partie la non-gravité de leurs peines. Les non–Big Ten sont moins inspectés, mais semblent être plus sévèrement sanctionnés.

Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur les caractéristiques différenciant les cabinets dont les rapports d’inspection présentent des déficiences mais qui ne sont pas sanctionnés de ceux sanctionnés. Gilbertson et Hernon (2009), ont trouvé que les cabinets sanctionnés ont généralement plus de déficiences notées dans leur rapport d’inspection. Ils ont aussi trouvé que les cabinets déficients sont généralement plus petits, ont grandi rapidement et ont un plus grand nombre de clients comparativement aux cabinets pour lesquels le PCAOB n’a pas infligé de sanctions. Concernant les caractéristiques des clients des cabinets défaillants, les auteurs trouvent qu’ils ont tendance à être plus petits et dans de moins bonnes conditions financières que ceux des cabinets non sanctionnés.

Enfin, quelles sont les caractéristiques des cabinets non–Big Ten qui n’ont jamais été sanctionnés par le PCAOB ? Newman et Oliverio (2009) ont étudié cette question en interrogeant un échantillon de 115 associés parmi les cabinets qui n’ont jamais eu de rapport avec déficiences, sur les facteurs pouvant expliquer la qualité de leurs audits. Ils ont conclu que les facteurs les plus importants sont la revue systématique, à temps et minutieuse du processus d’audit, les niveaux globaux de connaissance et de compétence de l’équipe d’audit en US GAAP et la compétence et l’habilité de l’associé responsable du dossier dans la gestion de l’équipe d’audit.


Cet article a été co-écrit avec Najoua Elommal (Professeur Associé à l’EMLV Léonard de Vinci Pôle Universitaire, Business Lab), il est adapté de R. Manita, N. Elommal, « Audit Deficiencies Leading to PCAOB Sanctions : A Study of PCAOB Reports Between 2005 and 2014 », Gestion 2000, mai 2015, Vol. 32, No. 3, p. 17-41.

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