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La façon dont nous réagissons à cette pandémie est très variable et dépend surtout des multiples facettes de notre personnalité et de nos traits de caractère. Shutterstock

Qui a dit que les introvertis aimaient être confinés ? La réalité est beaucoup plus nuancée…

Depuis le début de la pandémie, une idée circule dans les médias et réseaux sociaux voulant que les extravertis et les introvertis gèrent la crise différemment. Plusieurs affirment que les introvertis s’adaptent mieux à la distanciation sociale et à l’isolement que les extravertis.

Certains suggèrent même que les introvertis « apprécient » la pandémie, car elle leur offre une rare chance de s’appuyer sur leurs forces.

Selon les théories de la personnalité, l’extraversion-introversion est un des axes psychologiques fondamentaux selon lesquels les gens se différencient. Les extravertis auraient généralement plus d’énergie et feraient preuve d’une plus grande sociabilité que les introvertis. Leur humeur s’améliore au contact des autres, alors que ce serait plutôt l’inverse chez les introvertis.

Intuitivement, il est donc naturel de penser que les introvertis s’en sortent mieux que les extravertis pendant les périodes d’isolement. Or cette affirmation n’est soutenue que par des preuves anecdotiques et non des preuves scientifiques. Et celles-ci tendent de plus en plus à rejeter l’idée que les introvertis apprécient les confinements. Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir est que la façon dont nous réagissons à cette pandémie est très variable et dépend surtout des multiples facettes de notre personnalité et de nos traits de caractère.

Faire face au confinement

En psychologie, l’extraversion est associée à un plus grand bien-être, au bonheur et à la santé mentale. Malgré l’isolement social dont nous avons fait l’expérience depuis le début de la pandémie – un phénomène qui, dit-on, convient aux introvertis –, les faits suggèrent que le bien-être des extravertis s’est remarquablement maintenu pendant les confinements successifs.

En effet, des études récentes ont montré que l’introversion était prédictive d’une solitude, d’une anxiété et d’une dépression plus graves après les changements provoqués par la pandémie. L’extraversion, quant à elle, était corrélée à des niveaux plus faibles d’anxiété et à une probabilité moindre d’éprouver des problèmes de santé mentale pendant le confinement.

Ces résultats ont été confirmés par une étude longitudinale récente qui a suivi 484 étudiants américains pendant tout le semestre du printemps 2020. Au fur et à mesure de la progression de la pandémie, les introvertis ont connu une augmentation de leur stress, tandis que les étudiants plus extravertis ont signalé une légère diminution de leur stress.

Il est intéressant de noter que la tendance s’est inversée en ce qui concerne l’humeur : les extravertis ont eu tendance à connaître une détérioration de leur humeur pendant la période initiale de la pandémie, tandis que les introvertis ont connu une légère amélioration de l’humeur.

Si ces résultats semblent valider les affirmations selon lesquelles les introvertis s’en sortent mieux que les extravertis en cas de confinement, il est important de noter que malgré une diminution du bien-être des extravertis, ceux-ci rapportent être de meilleure humeur en général que leurs pairs introvertis.

Les partys virtuels des extravertis

Certains facteurs liés au mode de vie peuvent expliquer en partie ces résultats. Au fur et à mesure que la pandémie se déroulait, même les extravertis qui vivaient seuls ont pu trouver des applications de communication comme Zoom, Houseparty et Clubhouse pour maintenir leur vie sociale.

De même, les introvertis qui avaient accueilli le confinement avec une certaine joie ont pu découvrir rapidement que d’être enfermés avec ses colocataires ou la famille n’apportait pas la solitude qu’ils attendaient.

Mais ces résultats sont également conformes à ce que les psychologues s’attendent de la part des extravertis, même en période de crise. De nombreuses théories expliquent pourquoi ils ont tendance à se sentir mieux en général. Certains chercheurs mettent de l’avant le soutien offert par le réseau social élargi des extravertis, tandis que d’autres soulignent les liens entre l’extraversion et les activités saines.

Une étude particulièrement pertinente réalisée récemment a porté sur les réactions d’adaptation des extravertis en période de crise. Elle a révélé que l’extraversion était liée à des stratégies d’adaptation plus axées sur la résolution de problèmes, comme la recherche d’un soutien émotionnel. Ces tendances sont cohérentes avec l’association bien documentée entre l’extraversion et un plus grand optimisme.

Les cinq traits de la personnalité

Derrière ces diverses explications se cache un autre principe consensuel des psychologues : la personnalité est multiforme, et ce sont les différentes combinaisons de traits de personnalité qui déterminent notre comportement et notre bien-être.

Prenons l’exemple de la théorie des cinq facteurs de la personnalité, l’une des théories les plus populaires en psychologie. Outre le spectre de l’extraversion et de l’introversion, la théorie tient compte de quatre autres traits de caractère : l’ouverture (ouverture à de nouvelles expériences, à de nouveaux sentiments et à de nouvelles idées) ; la conscience (organisation, autodiscipline et détermination) ; l’agréabilité (serviabilité, coopération et bon caractère) ; et le névrosisme (instabilité émotionnelle).

Une pièce d’échec pion au milieu d’un diagramme circulaire reprenant les mots des cinq traits de personnalité
Une théorie courante en psychologie soutient que nos personnalités peuvent être décomposées en cinq traits principaux. Olivier Le Moal/Shutterstock

Ces autres traits influencent également la façon dont les gens réagissent à la pandémie. Si l’extraversion est souvent associée à des activités saines, c’est le caractère consciencieux qui prédit le mieux les comportements liés à la santé. De même, si les extravertis ont tendance à avoir un réseau social plus étendu que les introvertis, c’est l’agréabilité qui est un élément prédicteur de la qualité de ce réseau social.

En d’autres termes, la mesure extroversion-introversion est à elle seule beaucoup trop simpliste pour être utilisée seule lorsque nous réfléchissons à la réponse des gens à la pandémie. Lorsqu’il s’agit de faire face au confinement, différentes combinaisons de traits de personnalité peuvent entraîner des comportements très différents.

Au-delà de la personnalité

Outre les traits de personnalité, nous suivons tous des forces motivationnelles, généralement guidées par des valeurs et des croyances, qui pourraient également influencer notre comportement et notre bien-être pendant le confinement.

Même une personne présentant des niveaux élevés d’extraversion et de conscience, ce qui laisse présager un ensemble de comportements sains pendant le confinement, pourrait voir son bien-être affecté par ses valeurs.

Une personne matérialiste, par exemple, pourrait être contrainte d’adopter des comportements d’adaptation néfastes, tels que les achats impulsifs en ligne. Une étude a d’ailleurs révélé que ce type d’achats avait augmenté pendant la pandémie – comme mécanisme d’adaptation à des états émotionnels négatifs.

Ces forces motivationnelles peuvent guider notre comportement autant que notre personnalité, et notre bien-être pendant la pandémie sera déterminé par la façon dont toutes ces forces se croisent et interagissent.

Même si l’extraversion ou l’introversion peut être une mesure révélatrice de nos vies, elle passe à côté de l’image beaucoup plus complexe et intrigante du comportement humain, que les psychologues continuent à étudier avec intérêt pendant la pandémie.

This article was originally published in English

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