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Des milliers d'évangéliques américains participent à un rally en faveur du candidat évangélique Franklin Graham, sur une place près du Capitol de Nashville, au Tennessee, le 3 mai 2016. (AP Photo/Erik Schelzig)

Qui sont les évangéliques et comment influencent-ils les élections ?

Qu'ont en commun les récentes élections américaines, brésiliennes et dans une moindre mesure, ontariennes ?

Elles ont toutes subi l'influence, à différents degrés, d'un groupe qu'on appelle communément les « évangéliques ». Mais qui sont-ils ? Et quels sont leur réel impact dans nos démocraties ?

Derrière les Républicains aux États-Unis

Après deux ans de gouvernement Trump, les Américains demeurent plus polarisés que jamais. Les élections de mi-mandat du 6 novembre dernier l'ont démontré clairement.

De leur côté, les groupes évangéliques qui appartiennent à ce qu’on appelle communément la droite chrétienne ou religieuse le sont moins: en effet, on estime que 81% des évangéliques blancs, soit 61% des 62 millions d'évangéliques aux États-Unis, ont voté en faveur de l'actuel président américain. Et sa popularité demeure forte parmi cet électorat.

Or, lors des élections de mi-mandat, 75% des évangéliques blancs, dit « nés de nouveau », ont soutenu des candidats républicains.

Mais l’impact des groupes évangéliques associés à la droite chrétienne ne s'est pas limité qu'aux États-Unis. Leur influence a également été ressentie lors des récentes élections brésiliennes, avec la victoire de Jair « messie » Bolsonaro. Les sondages estiment que 70% des quelques 56 millions d’évangéliques au Brésil ont voté pour le nouveau président.

Des supporters de Jair Bolsonaro pleurent de joie après l'annonce de son élection à la présidence du Brésil, le 28 octobre 2018, à Rio de Janeiro. (AP Photo/Silvia Izquierdo)

Qui sont les évangéliques ?

Malgré la présence de ces groupes religieux dans le paysage politique aux États-Unis, les chercheurs ont peine à définir ce que constitue le mouvement « évangélique ». Pour un politicien américain, le terme « évangélique » peut désigner un Républicain chrétien blanc, tandis que pour un pasteur cette expression caractérise davantage une personne « né de nouveau » (Born Again).

Le terme « évangélique » provient du vocable « évangile » qui signifie « bonne nouvelle ». Être « évangélique » pourrait désigner un individu, une église ou un organisme qui s’adonne à la proclamation de la bonne nouvelle de Jésus-Christ comme sauveur du monde. Mais une telle définition est trop large, car elle pourrait caractériser l’activisme de bien d’autres groupes religieux qui ne se définissent pas comme étant évangéliques (Catholiques, Mormons, Témoins de Jéhovah, etc.).

Certains théologiens de confession évangélique cherchent à préciser davantage les composantes de la croyance et de l’activisme du mouvement évangélique ou tentent de redéfinir l’identité évangélique à l'ère de la postmodernité.

Mais à l’heure actuelle, le « quadrilatéral évangélique » (evangelical quadrilateral) proposé par l'historien David Bebbington est la définition que privilégie encore beaucoup de chercheurs du mouvement évangélique. Bebbington précise qu’il y a quatre traits distinctifs du mouvement « évangélique »: (1) la conversion ou l’expérience d’une « nouvelle naissance » ; (2) le biblicisme ou l’idée que la Bible est le fondement de la foi ; (3) le crucicentrisme ou la centralité du message de la crucifixion de Jésus et de ses effets salvateurs ; (4) l’activisme ou le prosélytisme évangélique et l’action sociale.

L'évangélisme politique

Dans l'actuel contexte politique des États-Unis, est-ce que la mobilisation politique autour de causes communes telles que l'opposition à l’avortement et aux droits LGBTQ, et la liberté religieuse sont des caractéristiques de l'« évangélisme » d’aujourd’hui ?

Il est vrai qu'il existe plusieurs sous-cultures évangéliques, et toutes ne sont pas actives politiquement. Mais une bonne majorité d'électeurs se réclamant de cette tradition ont tout de même voté en faveur de Trump et de ses politiques. Les supporteurs évangéliques de Donald Trump estiment que le président américain se range maintenant de leur côté de la guerre culturelle. La nomination du juge conservateur Brett Kavanaugh à la Cour Suprême est un geste en faveur des aspirations qu’ils ont de pouvoir un jour renverser Roe vs. Wade, et de s’opposer aux droits des LGBTQ.

Un bon nombre de dirigeants influents du mouvement évangélique américain se sont aussi réjouis de la décision du transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.

Selon leur interprétation de certains textes bibliques, Jérusalem est la capitale d’Israël seulement, et cette ville doit jouer un rôle prépondérant à la fin des temps. Or, pour certains groupes évangéliques, la décision de Trump de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël permettrait à l’état hébreu de mettre en place une stratégie pour la reconstruction de leur temple. C’est d’ailleurs l’événement qui, pour certains croyants évangéliques, déclenchera le retour du Christ sur terre et conduira le monde au jugement dernier. Il n'est donc pas surprenant que certains dirigeants évangéliques aient comparé Donald Trump à la figure messiannique de Cyrus le Grand, roi de Perse (décédé en 530 av. notre ère).

Le president Donald Trump s'adresse à la presse avant de s'envoler pour le sommet du G20, à Buenos Aires, le 29 novembre 2018. Les évangéliques estiment que le président américain se range de leur côté de la guerre culturelle. Certains de leurs dirigeants le compare à la figue messianique de Cyrus le Grand. (AP Photo/Evan Vucci, File)

Mais les groupes évangéliques appartenant à la droite religieuse visent aussi à transformer la société américaine par l’établissement de politiques favorisant la liberté religieuse (principalement, celle du christianisme), et de lois législatives inspirées de la Bible.

En effet, la mouvance d’un nationalisme chrétien se fait ressentir par le biais du « Project Blitz », une initiative peu connue qui a été lancée en 2015. Depuis 2017, plus de 70 projets de lois ont été introduits, accordant aux individus le droit de discriminer les personnes LGBTQ, de forcer les écoles à afficher sur leurs murs le slogan « In God We Trust », et de chercher à dicter les droits des femmes en matière de sexualité et de reproduction.

Les évangéliques et la politique canadienne

Au Canada, entre 8% et 10% de la population s'identifie comme étant de confession évangélique. Mais cela ne signifie pas que la droite religieuse est absente au Canada !

Déjà en 2010, la journaliste canadienne Marci McDonald tire la sonnette d’alarme: certains groupes catholiques et évangéliques de la droite religieuse se mobilisent politiquement. Plus récemment, la droite religieuse s’est félicitée de la victoire de Doug Ford en Ontario, et Tanya Granic Allen, une ancienne candidate du Parti Conservateur de l'Ontario, a tenté, sans succès, de passer la résolution visant à supprimer l'enseignement et la promotion de la théorie des genres des écoles et des programmes d'éducation en Ontario.

L’impact de la droite religieuse risque aussi de se faire ressentir lors de la prochaine élection en Alberta, en mai 2019, où Jason Kenney, chef du Parti conservateur uni, pactise avec des acteurs et groupes liées à la droite religieuse. Et l’an prochain, à l’élection fédérale, les groupes évangéliques pourraient aussi apporter leur appui au Parti d’Andrew Scheer.

En conclusion, nous devons être conscients du poids politique de la droite religieuse, même au Canada. Ces groupes savent comment se mobiliser autour de causes communes, et discrètement réseauter avec la classe politique en vue d'altérer nos droits et libertés chèrement acquis.

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