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Qui sont les nouveaux mandarins de Xi ?

Le nouveau ‘Politburo’ du Parti communiste se présente à la presse , avec ses «sept mandarins», le 25 octobre 2017. Il révèle que le nom du président Xi est désormais inscrit dans la constitution chinoise. WANG ZHAO / AFP

Puissance déconcertante et hors-norme, la Chine est gérée par une poignée d'homme entourant Xi Jinping. Cette garde rapprochée est composées de personnalités parfois rivales sur l'échiquier politique interne, oeuvrant cependant de concert pour projeter la Chine comme leader mondial. Voici quelques-uns de ces acteurs de premier plan, assez méconnus en Europe et pourtant incontournables en Chine.

Les Sept Immortels

Xi Jinping reconduit dans ses fonctions de secrétaire général du PCC s'est entouré d'une nouvelle « équipe » de 6 hommes, au Comité permanent du Bureau Politique du PCC, en conservant le nombre de 7 membres (réduit de 9 à 7 depuis sa prise du pouvoir en 2012), entourés par 25 membres du bureau politique.

Les six hommes (en moyenne âgés de 64 ans) ont tous eu un parcours politique, personnel et intellectuel abouti.

La composition de ce nouveau paysage politique est en rupture relative avec le traditionnel équilibre entre les 3 lignes de force au sein de la gestion politique du pays : Ligue de la jeunesse du PCC (force plutôt conservatrice); fils d'héritiers du PCC (dont est issu Xi) et le réseau de Shanghai (force plus libérale et favorable à l'ouverture avec le monde) et ligne de force de Jiang Zemin, ancien président (1993-2003) et secrétaire général du PCC (1989-2002).

Li durant une réception au dîner organisé par le Business Council Sino-britannique en 2011. Foreign and Commonwealth Office - Flickr/Wikimedia, CC BY

Li Keqiang, actuel premier ministre, âgé de 62 ans, issu de la Ligue de la jeunesse et proche de Hu Jintao (président entre 2003 et 2013 et secrétaire général du PCC de 2002 à 2012) est reconduit dans ses fonctions. Parfois décrit comme marginalisé par la concentration des pouvoirs aux mains de Xi Jinping, il fait parti des dirigeants les plus diplômés et a occupé des postes de hautes responsabilités dans les provinces du Henan (assez pauvre) et du Liaoning (riche et ouverte sur le monde).

Il incarne le projet « Made in China 2025 » de montée en gamme de l'industrie chinoise.

Directeur du bureau général du Parti, Li Zhanshu, le «loyaliste», lors de la seconde rencontre sino-russe du Média Forum. Bureau de presse du Kremlin/Wikimedia, CC BY-NC

Li Zhanshu, fidèle d'entre les fidèles de Xi et proche conseiller, est le plus âgé des membres du Comité permanent (67 ans). Il a été gouverneur de province en transition économique et industrielle (Heilongjiang) et responsable politique de région reculée (Guizhou). Il est actuellement président du Comité permanent de l'Assemblée.

Le Secrétaire au Trésor, Jacob J. Lew avec Wang Yang le «libéral», à Pékin, 2016. Secrétariat américain au Trésor/Wikimedia, CC BY

Wang Yang, proche des réseaux de Shanghai, est plutôt libéral. Cet originaire de Suzhou (région imprégnée par l'histoire, la culture et le commerce), au coeur de la grande région urbaine de Shanghai, a été responsable politique de plusieurs grandes villes en pleine croissance (accueillant investissements étrangers et développement industriel : Chongqing et Canton). Il occupe le poste de président du Comité national de la Conférence Consultative politique du peuple chinois.

Wang Huning, intellectuel (participant à l'écriture des théories politiques), est universitaire et francophone.

Wang Huning, l'«intellectuel» et penseur des Nouvelles routes de la soie, mars 2018. WANG Zhao / AFP

Il est à la fois proche des réseaux shanghaiens depuis Jiang Zemin et respecté par Xi, notamment pour sa pensée stratégique. Il est ainsi en charge de la propagande et de l'idéologie du parti et serait à l'origine de la formulation du projet des «Nouvelles routes de la soie».

Han Zheng, très proche de Jiang Zemin, ancien chef de l'influente et riche municipalité de Shanghai, il est vice-premier ministre. Parfois perçu comme rival de Xi, il est désormais à son contact et participe à la stratégie territoriale des régions urbaines littorales.

Han Zheng «le rival» avec le président Lula en 2004. Ricardo Stuckert/Wikimedia, CC BY-NC
Zhao Leji le «jeune», pourfendeur de la corruption. Brookings

Enfin, Zhao Leji, proche de Xi Jinping, a occupé des responsabilités politiques et de gouverneur dans des régions de l'ouest (Shaanxi et Qinghai, d'où il est originaire), moins développées et au coeur de la politique de développement territorial de Pékin.

Il est aussi en charge de la lutte contre la corruption, afin d'écarter rivaux potentiels et excès de responsables politiques.

Réorganisation des outils de gouvernance

Depuis le 19e Congrès du PCC (octobre 2017) l'agenda politique de la République populaire de Chine s'est complété par la mise en place d'une institution, l'Assemblée populaire nationale (APN) début mars 2018. Ce qui confirme l'évolution politique envisagée, à savoir, la révision de la Constitution chinoise en mettant fin à la règle des deux mandats. Ainsi, renouvelé dans ses responsabilités de Président, Xi Jinping poursuit sa politique de réforme et de concentration des pouvoirs au delà de 2023.

À l'issue de cet évènement politique, plusieurs agences ont été créées afin de moderniser et de poursuivre les objectifs de puissance de la Chine. Trois objectifs ressortent : modernisation financière et lutte contre les risques de crise financière; lutte contre la pauvreté et enfin, lutte contre les désastres écologiques.

Moins médiatisées, plusieurs administrations d'État ont pour objectifs de démanteler la planification et encourager la natalité; de renforcer les contrôles et la gouvernance de l'immigration, de gestion des céréales ou encore des médias.

Enfin, le budget de défense de la Chine (numéro deux derrière celui des États-Unis), augmentera de 8,1 % en 2018, plus qu'en 2017.

Modernisation du secteur financier

Parmi la réorganisation politique, Xi s'est entouré d'experts de la finance et de l'économie, car les risques structurels de crise sont grands. Alors que le FMI, début avril, sous le contrôle de Christine Lagarde, inaugurait à Pékin un « Centre pour le développement de capacité Chine-FMI », la directrice générale insistait sur la nécessité de prévenir la « spirale de l’endettement » encourue par les États cibles du projet des routes de la soie et incitait les autres États membres du FMI à un investissement plus collectif au sein de ce projet.

Les Chinois promettent une ouverture plus grande de leur territoire aux investissements et un assouplissement des barrières bancaires. En effet, l’ouverture financière (sous contrôle de l'État) tient une place particulière dans l’argumentaire chinois, comme réponse aux critiques occidentales, notamment depuis le 19e Congrès.

Yi Gang, alors gouverneur adjoint de la Banque centrale de Chine, à Davos en 2013. Photo Moritz Hager/World Economic Forum from Cologny, Switzerland/Wikimedia, CC BY-SA

Fin mars, le tout nouveau patron de la Banque centrale chinoise, Yi Gang, s'est affirmé dans un discours important. Formé en partie aux États-Unis et fin connaisseur des questions macroéconomiques et financières, ce « disciple » et successeur de l'économiste et réformiste Zhou Xiaochuan (qui a passé 15 ans à ce poste), joue un rôle majeur dans la modernisation et le renforcement du contrôle des mécanismes financiers en Chine.

Deux personnages importants le soutiennent dans sa tâche: Liu He et Guo Shuqing.

Le premier, Liu He, proche de Xi Jinping et vice-premier ministre est un économiste formé à Seton Hall et Harvard (entre autres). Il participe aux négociations avec les États-Unis. Liu He est un acteur central du dossier sino-américain, entretenant un lien permanent avec les Américains pour négocier au mieux les concessions chinoises.

Le second, Guo Shuqing, président de la Commission de contrôle des banques et des assurances, a été directeur (comme Yi Gang) du fond souverain State Administration of Foreign Exchange (SAFE), chargé de la gestion des réserves de changes de Pékin.

Ces trois principaux acteurs assurent une restructuration et une modernisation des banques publiques chinoises, au demeurant, très puissantes de part leurs actifs: environ 12 000 milliards d’actifs pour les quatre plus grandes banques chinoises.

Grands projets pour asseoir la puissance chinoise

Afin d'être secondé, Xi Jinping a fait de Wang Qishan, fils de «prince rouge» (descendant de haut dirigeant du Part), son vice-président.

Celui-ci à la capacité de superviser l'essentiel des grands travaux de la République populaire. Ancien responsable de la lutte anti-corruption, très proche de Xi, son parcours est complet. Après avoir été directeur de banque d'État, il est à la tête de régions (Hainan et Pékin) puis intègre le Comité permanent entre 2012 et 2017.

Wang Qishan dans le bureau oval, avec l'ancien président des États-Unis, Barack Obama en 2009. Pete Souza - The Official White House Photostream/Wikimedia

Souvent présenté comme le projet de Xi Jinping, les Nouvelles routes de la soie constituent une stratégie globale au service de la puissance chinoise. Parmi les grands acteurs, la figure de Zhang Gaoli semble être la plus éloquente.

Lié au milliardaire hongkongais Li Ka-shing, ancien chef de Tianjin (ville portuaire de Pékin), Zhang Gaoli assure la promotion des Nouvelles routes de la soie d'abord en tant qu'ancien membre du Comité permanent et actuellement comme vice-Premier ministre. Dans ce but, il a effectué plusieurs dizaines de visites de haut vol en Asie, dans l'océan Indien et au Moyen-Orient.

La concentration des pouvoirs, l'équilibre particulier entre lignes de force (politique et régionale) et la vision stratégique de Xi Jinping dans le choix de ses soutiens politiques et membres du bureau visent ainsi à lui conférer un statut inégalé sur la scène internationale, lui permettant de poursuivre sa quête de puissance mondiale.

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