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Qui sont les organisations étudiantes, quel est leur rôle et qui représentent-elles ?

Les organisations étudiantes reçues par le gouvernement. Thomas Samson/AFP

La mobilisation étudiante s'annonce importante en cette journée de grève générale du 5 décembre. Elle fait également suite aux manifestations contre la précarité étudiante, qui a vu la tragique immolation d'un étudiant à Lyon le 8 novembre. A l'aune de cette actualité, il semble pertinent de revenir sur les organisations étudiantes et ce qu’elles représentent. Nous republions ici un article publié en 2016, lors des mobilisations étudiantes contre la loi travail.

Une première assemblée générale centenaire

L’histoire du monde étudiant français est centenaire, la première Assemblée Générale Étudiante est nancéienne (cocorico) et date de 1877. Ces AGE représentaient les étudiants et avaient pour but de défendre les intérêts des étudiants et formèrent rapidement l’UNAGEF (union nationale des associations générales étudiantes de France) qui deviendra plus tard la fameuse UNEF (union nationale des étudiants de France).

L’UNEF va longtemps être la seule organisation représentative et son poids va augmenter avec la politisation des campus pendant les années 60. C’est à ce moment que se forme l’UNI (l’union nationale inter-universitaire) en 1969 qui combat l’UNEF.

En effet cette dernière penchant de plus à plus vers la gauche du spectre politique, l’UNI se constitue en opposition et donc se rapproche de la droite. Rejoignent en 1989 la FAGE (fédération des associations générales étudiantes.) puis PDE (promotion défense des étudiants) en 1994. Ces deux structures se présentent comme apartisane et refusent d’être cantonnées à une tendance politique.

Mais qu’est-ce qu’une organisation représentative étudiante (ORE) ? Officiellement sont considérées comme représentatives les structures ayant des élus dans les deux organes consultatifs de l’enseignement supérieur : le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et le centre national des œuvres universitaires et scolaires, qui a évolué depuis en « Les CROUS », rassemblement des centres régionaux des œuvres universitaires

Aujourd’hui on en dénombre trois : UNEF, FAGE et PDE. Cette représentativité permet de demander des subventions publiques, de voter et de donner leurs avis au ministère.

Pourquoi dès lors parler d’ORE et pas de syndicat ?…Car officiellement un syndicat concerne des travailleurs et non des étudiants, mais l’UNEF se présente comme « Le Syndicat étudiant » c’est à n’y rien comprendre !

En fait il faut remonter à 1946 et au congrès de Grenoble durant lequel l’UNEF déclare les étudiants comme travailleurs intellectuels et donc le nom de syndicat est logique, le tour est joué…

Tous ceux considérant les étudiants comme travailleurs intellectuels se rattachent à cette idée de syndicat, mais cela n’est pas la norme et beaucoup préfèrent l’appellation ORE.

Il existe d’autres organisations (SUD Étudiants, EMF, GUD, Cé…), mais il est préférable de se cantonner aux principales ORE. Cette présentation est rapide, et pour un historique plus complet, il suffit de se pencher sur la thèse de Thibault Pinatel, de l’université d’Aix-en-Provence.

Le rôle des organisations étudiantes

Alors quel est le rôle des ORE ? Représenter et défendre les droits des étudiants… Voilà, tout est dit ! Maintenant tout dépend de la façon dont on le fait !

Généralement sur les campus, les ORE ont des locaux où elles reçoivent les étudiants en difficulté avec leurs examens, leurs conditions d’études, les enseignants, l’administration… Elles siègent dans les conseils centraux des universités, dans les CROUS (enfin quand elles le veulent) et elles militent pour défendre leurs idées auprès du ministère avec il est vrai des résultats variables selon la majorité au pouvoir.

Mais qu’en est-il du CPE ? de la LRU ? Tentons d’expliquer.

En plus de leurs actions quotidiennes, il arrive que les ORE se mobilisent pour défendre une cause ou pour combattre un projet (de loi en général).

Il est difficile de revenir sur tous les mouvements de l’histoire du monde étudiant, mais récemment certains ont marqué les esprits : le CPE (contrat première embauche), la LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) et maintenant la Loi Travail.

Lorsque le projet de loi CPE est présenté en 2006, les étudiants y voient une attaque directe contre leur avenir et se mobilisent, la plupart des organisations se positionnant contre le projet (pas toutes – l’UNI est par exemple antigrève) et devant la violence de la mobilisation (qui regroupe aussi les mouvements de jeunesse), le projet est retiré.

Victoire, crient certains mais rapidement la loi d’autonomie des universités arrive et une nouvelle mobilisation se lance sans que la loi ne soit retirée…

En fait les mouvements étudiants sont de plus en plus difficiles et les victoires rares et c’est pour cela que de 2009-2010 à 2016, aucun mouvement d’ampleur n’a démarré…

Comment cela se déroule un mouvement étudiant ? Dans les facs s’organisent des AG (assemblée générale), et le schéma est toujours le même.

Les premières sont assez clairsemées, même si tout le monde parle d’un mouvement fort ! Surtout le discours va se radicaliser petit à petit sous l’influence de l’organisation qui organise et tout est fait pour que les paroles dissidentes se taisent ou soient marginalisées.

Le « National » a besoin pour son rapport de force avec le gouvernement de bloquer et inlassablement la question de la grève et du blocage arrive. Certains vont s’y opposer, mais l’effet de masse et le jeu des infiltrés permettent de faire taire les gens et le blocage est voté…

À ce moment, les AG vont se remplir, mais surtout pour savoir si on reprend les cours la semaine prochaine. Les AG se livrent aussi une compétition pour savoir qui bloquera le plus longtemps. De ce côté, certaines facultés sont plutôt reconnues : l’ex Nancy 2, Rennes 2, Toulouse, Paris 1…

Puis le mouvement s’arrête au retrait de la loi ou vers la période des examens…

Un super coup de pub et un regard réducteur des médias sur « le péril jeune »

Mais aujourd’hui, la mobilisation est repartie autour de la loi El Khomri dite Loi Travail… Que lui reprochent certaines ORE ? De créer des jeunes précaires et de casser le droit du travail, avancée majeure.

Mais si l’UNI est plutôt pour, PDE (au moment de l’écriture de cet article) ne dit rien, c’est la FAGE et l’UNEF qui sont les plus en avant et autant le dire de but en blanc, c’est l’UNEF qui fait la une.

Car oui les deux premières ORE n’ont pas leur même méthode : la FAGE préconise de rester vigilante et de travailler à l’amélioration de la loi avec des amendements quand l’UNEF exige le retrait pur et simple de la loi.

Pour l’UNEF, et cela sans remettre en doute les convictions de ses membres, ce mouvement tombe à point nommé. L’organisation est en difficulté en ce moment et elle est talonnée par le FAGE. Cette mobilisation est une façon de redevenir lisible, de retrouver son rôle de première organisation étudiante, fédératrice. L’UNEF appelle a dynamiser le mouvement et à le poursuivre avec déjà des appels aux blocages.

Mais peut-on blâmer l’UNEF ? Absolument pas, elle est dans son rôle, dans son idéologie et elle serait bien bête de ne pas se mobiliser. Pourquoi en parlons-nous autant ? Parce que, à en croire les médias, le « péril jeune » revient, et à la télévision et ailleurs on met en avant les risques de mouvements violents.

C’est regrettable car on devrait aussi parler du rôle de défense des étudiants qu’organisent les ORE au quotidien plutôt que de guetter le dérapage…Et se pose la question de la représentation des organisations syndicales étudiantes.

Que représentent les mouvements étudiants ?

La réalité n’est pas si claire que cela : combien d’étudiants font partie de ces ORE ? D’après l’Étudiant, seul 1 % des étudiants seraient dans une organisation étudiante et la participation étudiante aux élections dans les universités ne dépasse pas 8 %…

En fait cela dépend de comment on considère l’engagement, la FAGE par exemple regroupe des associations de filières ou des fédérations territoriales, mais tous ses étudiants dans les assos sont ils adhérents de la FAGE ? Non pas spécialement.

Concernant les résultats des élections, cela dépend vraiment des scrutins, des universités et des mobilisations.

Cependant il est patent sur le terrain que l’engagement des étudiants dans les mouvements étudiants n’est pas très fort. L’étudiant n’est pas/plus spécialement politisé que le citoyen lambda ou s’il l’est, il ne se reconnaît pas forcément dans les ORE.

Manifestation en octobre 2015. Dominique Faget/AFP

Alors si les mouvements rassemblent beaucoup de monde à Paris, cela tient peut-être à trois facteurs : une forte mobilisation du pool des militants ORE, une augmentation de ceux manifestant sans étiquette, et l’augmentation globale du nombre d’étudiants (rien que 65 000 cette année).

Le ministère de la Jeunesse et des Sports et France Stratégie ont publié un rapport sur l’engagement des jeunes et non il n’est pas moindre. Mais cet engagement se dirige de moins en moins vers des schémas politiques « classiques », mais pour prendre des formes plus individuelles, plus proches des envies personnelles de chacun.

Que représentent les ORE ? Tout comme les syndicats professionnels, ils sont les interlocuteurs du pouvoir, de possibles mobilisateurs, mais il faut regarder la vérité en face, ils ne représentent pas vraiment l’ensemble des étudiants car ces derniers ne veulent pas être dans des carcans et des règles.

Finissons sur une question, qui est aussi une constatation personnelle : quand les organisations étudiantes vont-elles vraiment se poser les bonnes questions ?

La question du rôle de l’Université, du sens de sa formation, de ce qu’implique la validation des diplômes avec toutes ses compensations… Autant d’interrogations moins politiques peut-être que celles du moment, mais tout aussi primordiales.

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