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Qu’ont les économistes à dire sur la morale ?

Sur des questions comme l’évasion fiscale ou les véhicules autonomes, l’économie expérimentale remet la morale au cœur du questionnement des scientifiques.

« L’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens rares susceptibles d’être utilisés différemment ». C’est ainsi que l’économiste anglais Lionel Robbins de la London School of Economics caractérisait l’objet de la science économique dans un célèbre texte de 1932. Même si certaines expériences s’avèrent relativement anciennes, à l’instar des questionnements sur le risque, l’économie dite « comportementale » reste pourtant un champ disciplinaire assez récent. Cela peut sembler paradoxal au regard de cette définition canonique. Elle a néanmoins trouvé sa consécration avec en particulier le « Nobel » d’économie reçu par Daniel Kahneman et Vernon Smith en 2002.

Si, comme l’explique Nicolas Jacquemet (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) dans ce cinquième et dernier épisode, les économistes sont longtemps restés mal à l’aise vis-à-vis de la morale, l’économie comportementale la remet au cœur des débats scientifiques. Ainsi dans ses travaux se demande-t-il pourquoi si peu d’individus se livre à l’évasion fiscale : étant donné les gains à réaliser et la faible probabilité d’être attrapé, il serait en effet logique, d’un point de vue purement rationnel, de voir la population frauder en masse. Ses expériences, alimentées par des travaux de psychologie sociale articulés autour d’une cabine téléphonique, tentent alors d’identifier la part morale qui guide nos comportements.

De leur côté, Jean‑François Bonnefon (Toulouse School of Economics) et le MIT entreprennent même de mettre à jour les normes morales qui nous gouvernent. Quelles décisions devrait prendre un véhicule autonome qui serait contraint de se crasher sur un individu ? Choisir de sauver l’homme plutôt que l’animal ? L’enfant plutôt que la personne âgée ? Le projet de moral machine qu’il présente a recueilli des centaines de milliers de réponses, en partie déterminées par le pays du répondant. De quoi indiquer aux décideurs les souhaits de la population et adopter une posture normative ? Pas si sûr nous dira-t-il…

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