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Réforme du lycée : que sont devenus les enseignements scientifiques ? (1)

La calculatrice est-elle la seule activité commune aux enseignements scientifiques jusqu'au bac ? Spencer Platt / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Les 25 et 26 novembre, l’Académie des Sciences se penchait sur la question de l’orientation dans les parcours scientifiques du bac-3 bac +3. Les professeurs ont témoigné que les programmes scientifiques du lycée en vigueur depuis 2011 avaient détruit l’idée même de continuum -3+3.

L’enseignement supérieur scientifique souffre en effet d’un malentendu : le bac S n’est pas perçu par les élèves et leurs familles comme un bac scientifique, mais comme un bac généraliste, celui qui ouvre le plus de portes.

Métiers mal identifiés

Sur 180 000 bacheliers S, la moitié seulement se dirige vers des filières scientifiques : 35 000 s’inscrivent en première année d’études de santé et 60 000 s’orientent vers les autres filières scientifiques du supérieur (licences universitaires, classes préparatoires, écoles d’ingénieurs post-bac, IUT et BTS).

Parmi les ressorts de l’orientation, nous distinguerons l’intérêt pour les disciplines enseignées, la conviction qu’on réussira dans la filière choisie, que ce soit de façon directe ou après réorientation, les perspectives d’emploi en fin de cursus, l’utilité sociale et l’intérêt des métiers sur lesquels débouchent ces cursus.

Dans les filières scientifiques, les perspectives d’emploi sont bonnes et ça se sait, mais, hors carrières médicales, les métiers ne sont pas bien identifiés par les jeunes.

Quant à l’intérêt pour les disciplines enseignées et l’auto-évaluation des chances de réussite, pour que ces deux facteurs déterminants jouent correctement leur rôle dans l’orientation, il faudrait donner une image juste et non faussée des sciences dès l’enseignement secondaire. Depuis la dernière réforme du lycée, cette condition n’est pas réalisée.

Liens coupés

A l’occasion de cette réforme, partant du postulat que les mathématiques avaient un effet repoussoir sur les jeunes – postulat qu’aucune étude sérieuse ne confirme, au contraire – les concepteurs des programmes de physique et chimie ont délibérément coupé les liens entre sciences physiques et mathématiques, abandonnant toute modélisation, toute mise en équations.

Ces programmes n’en sont pas moins ambitieux sur le papier, mais traités de façon très superficielle dans un horaire réduit. Parallèlement, la géométrie, parce qu’elle était jugée trop difficile, a presque complètement disparu des programmes de mathématiques, coupant ainsi encore un peu plus les ponts entre mathématiques d’une part et physique et technologie de l’autre.

L’introduction bienvenue d’un volume important de statistiques et de probabilités a été mal conduite, réduisant ce domaine propice à l’apprentissage et l’exercice du raisonnement à un empilement de « boîtes noires », de formules à apprendre et d’exercices stéréotypés.

Enfin, parce que les disciplines en place craignent de perdre du terrain, l’informatique n’est pas enseignée de façon générale dans les lycées, pas même dans la filière S, alors que tous les champs de l’enseignement supérieur scientifique ont des interactions fortes avec la science informatique.

Calculatrice

Comment le futur bachelier S peut-il se faire une idée juste des sciences enseignées dans le supérieur et de ses chances d’y réussir dans ces conditions ? Sans trop caricaturer, on pourrait dire que, jusqu’au bac, la seule activité commune aux différents enseignements scientifiques est l’utilisation d’une calculatrice.

Ces cloisonnements entre les disciplines amènent dans les premiers cycles scientifiques des jeunes qui découvrent que « faire de l’informatique » ce n’est pas jouer à des jeux vidéo, que « faire de la physique » nécessite de manipuler des équations et faire des raisonnements complexes, choses auxquelles ils ne se sont pas préparés.

Les risques d’échec en licence et de réorientations vers des filières non scientifiques sont accrus d’autant. Inversement, des élèves qui auraient pu aimer les sciences s’en détournent alors qu’ils auraient fait de bons scientifiques.

Le pays en a besoin, les jeunes ne demandent que ça, les formations sont en place pour les accueillir dans le supérieur : qu’est-ce qu’on attend ?

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