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Les RH dans tous leurs états

Réformes du temps de travail : le retour de l’irrésistible tentation de « l’oisiveté » ?

Les engrenages du temps. Pixabay

L’histoire des réformes du temps de travail en France est un long parcours : la législation relative à la durée du travail a évolué par grandes étapes [Barthelemy, 1998]. On pense notamment à l’année 1936 marquée par la mise en œuvre des 40 heures et la création des congés payés. Puis l’année 1982 correspond, elle, à la mise en place des 39 heures. Le temps libéré pour les salariés permet de s’adonner aux loisirs et de trouver le repos bien mérité par les travailleurs. L’objectif politique est de leur donner du temps.

En 1993, changement de décor, Pierre Larrouturou crée le Comité d’action pour le passage rapide aux 4 jours sur 5 (Cap 4J/5), il prône le principe du partage du travail. Il s’agit alors de « travailler moins pour travailler tous » (Aznar, Gorz, 1993). Le travail à vie, à temps plein serait fini. Cette proposition prend aujourd’hui tout son sens prospectif. L’idée n’est plus de donner du temps aux salariés mais de développer un projet social novateur qui propose à chaque individu d’équilibrer sa participation entre un système productif et un espace de liberté.

Une lente évolution de la réglementation

Au plan normatif les problématiques d’aménagement et de réduction du temps de travail ont été traitées en plusieurs étapes : la loi quinquennale de 1993 et les lois Aubry de 1998 et 2000. Viennent ensuite la loi TEPA de 2007 et enfin la loi travail de 2016.

La loi quinquennale N° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle, quant à elle, prévoit que

« à titre expérimental, lorsque les conventions ou accords d’entreprises ou d’établissements fixent un nouvel horaire collectif de travail annualisé, que celui-ci a pour effet de réduire la durée initiale de travail d’au moins 15 p. 100 et que la nouvelle organisation du temps de travail s’accompagne d’une réduction de salaire, la convention ou l’accord peut ouvrir droit, pendant trois ans, à une compensation partielle par l’État des cotisations sociales à la charge de l’employeur. »

Les lois dites « Aubry » (loi n° 98-461 du 13 juin 1998, JO du 13 et loi n° 2000-37 du 19 juin 2000 JO du 20), toutes deux suivies de nombreux décrets prévoient à partir du 1er février 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et 1er janvier 2002 pour les autres, une durée légale hebdomadaire du travail abaissée de 39 heures à 35 par semaine soit 1600 heures par an. Une circulaire d’explication de plus de 200 pages, (circulaire du 3 mars 2000) tente d’en clarifier le contenu (Richevaux 2001)

Les très grandes possibilités de flexibilité alors offertes par la loi doivent permettre de compenser le coût des périodes non travaillées. En effet,

« la caractéristique principale de la presque totalité des accords conclus en application des lois relatives à la réduction du temps de travail réside dans une nouvelle organisation du travail. » (Bloch-London, 2000)

Du débat des « heures sup » à la loi travail

Par la suite, les promesses de campagne du candidat Nicolas Sarkozy qui proposait de « travailler plus pour gagner plus » sont mises en œuvre avec la loi TEPA (loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat). Instaurée en octobre 2007, la loi TEPA instaure une défiscalisation des heures supplémentaires, dans le but d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés.

La rémunération des heures supplémentaires et complémentaires (pour les travailleurs à temps partiel) est en effet alors exonérée d’impôt et de cotisations salariales de sécurité sociale.

Dans les entreprises d’au moins 20 salariés, le salaire correspondant à des heures supplémentaires est majoré de 25 %. Les entreprises bénéficient d’une réduction forfaitaire des cotisations sociales portant sur les heures supplémentaires.

Cette loi est abrogée par le gouvernement de François Hollande dès son installation : dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires et complémentaires effectuées depuis le 1er septembre 2012 n’ouvrent plus droit à la réduction de cotisations salariales. Seules les entreprises de moins de 20 salariés conservent une déduction de cotisations patronales.

La loi travail publiée en août 2016 a instauré la prépondérance de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de temps de travail, de congés ou d’heures supplémentaires. Ainsi, quand une négociation concernant la durée du travail donne lieu à un accord majoritaire dans une entreprise, celui-ci prime sur les accords de branche. La durée légale du travail reste fixée à 35 heures, mais un accord d’entreprise peut prolonger la durée du travail de 44 à 46 heures sur 12 semaines.

La loi Travail prévoit également que les salariés puissent être consultés par référendum pour approuver un accord d’entreprise.

Et maintenant, quels changements ?

Le programme du candidat Macron prévoyait un maintien de la durée légale du travail à 35 heures. Cependant il souhaitait, dans la droite ligne de la loi travail déjà promulguée, permettre aux entreprises d’y déroger grâce à des « accords négociés majoritaires » au niveau des branches ou des entreprises afin de « négocier d’autres équilibres ». La mesure pourrait permettre, par exemple, aux jeunes de travailler plus de 35 heures et aux seniors de travailler 30 ou 32 heures par semaine.

Actuellement pour mémoire, la durée légale hebdomadaire demeure de 35 heures (seuil de déclenchement des heures supplémentaires) et 1 607 heures annuelles (incluant la journée de solidarité créé en 2004).

Ces évolutions successives interrogent sur le sens et la place de la notion de temps de travail. Il semblerait qu’il s’agisse d’une variable d’ajustement. La réglementation relative au temps de travail évolue avec la société : conjoncture économique, place des loisirs et de la famille, valeur travail. Limiter le temps de travail libère le salarié pour vaquer librement à d’autres occupations. Le temps moyen travaillé en France reste supérieur à 35 heures (37,5 heures en moyenne). Laisser s’installer l’oisiveté en diminuant le temps de travail en réponse à une problématique économique pose notamment la question de l’implication de chacun dans son entreprise, mais dans la société également !

Le président Macron et son gouvernement se sont d’ores et déjà attelés à la réforme du Code du travail. Cette réforme se ferait par ordonnances. La loi travail avait déjà consacré la « primauté » donnée aux accords majoritaires d’entreprise, en ce qui concerne le temps de travail. Ce principe devrait perdurer et s’étendre aux conditions de travail et à la gestion des heures supplémentaires. Désormais, en matière de temps de travail, le chef d’entreprise devrait être le maître en son royaume.

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