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Royaume-Uni, année zéro

Londres, le jour d'après. Daniel Sorabji/AFP

La croissance européenne risque de subir un contre-coup, et les relations entre Londres et l’UE vont se dégrader. Premières leçons de la victoire du « out » et esquisse d’une possible relance.

Le résultat du référendum britannique est sans appel : une majorité de votants a décidé de sortir de l’Union européenne. Ce qu’il va advenir du Royaume-Uni et de l’Union européenne dans les prochaines années reste particulièrement incertain. Selon les prévisions économiques de l’OCDE et du FMI, la croissance européenne va subir un contrecoup malheureux à un moment où elle était déjà bien fragile. Au-delà de la croissance, ce sont toutes les relations entre l’île et le continent qui vont se dégrader.

Il y a d’ores et déjà quelques leçons à tirer et quelques félicitations à décerner après ce vote.

Bravo, Mister Cameron !

Bravo à David Cameron pour commencer, quel champion ! Il n’a pas trouvé mieux, pour unir le camp conservateur lors d’une élection nationale, de promettre un référendum qui concerne tous les Européens, et pas seulement les Britanniques. Cette manœuvre politicienne en dit long sur le respect de Cameron pour l’Union européenne. Sa défaite – il a soutenu, mollement, le camp du maintien – en dit long sur le respect des Anglais à son égard. Quant aux Irlandais et aux Écossais qui semblent avoir massivement voté en faveur du camp du maintien, leur vote fait désormais craindre un éclatement du Royaume-Uni, alors oui, vraiment, bravo Monsieur Cameron !

Leçon numéro 1 : le destin d’un continent vaut mieux qu’un calcul politicien.

Leçon numéro 2 : la dimension territoriale est cruciale ; la rupture entre les élites de la grande métropole de Londres et le reste de l’Angleterre est consommée. Il est vraisemblable qu’elle est tout autant présente en France. Le projet européen, s’il se poursuit, doit s’adresser à tous, et clairement.

Bravo aux instituts de sondage britanniques ! La victoire du camp du maintien était donnée pour quasi-certaine jeudi 23 mai et – patatras ! – le contraire se produit. Les instituts savent-ils que les électeurs britanniques peuvent voter par courrier, bien avant le jour de l’élection, et que ceux qui le font ne sont plus sensibles aux arguments de la campagne électorale, ou à ses tragédies ?

Bravo aux marchés financiers et à leur clairvoyance ! Optimistes un jour, pessimistes le lendemain. Faut-il rappeler que la séparation avec le Royaume-Uni prendra certainement plusieurs années ? Que les bourses chutent, soit, quoique les opérateurs devraient avoir la décence se s’être prémunis contre un choc anticipé !

La réaction des marchés financiers à Londres, le 24 juin au matin. Daniel Sorabji/AFP

Bravo aux dirigeants européens, enfin, pour leur compromission envers le Royaume-Uni en février dernier. Pour les inciter à rester dans une Union, de moins en moins étroite, ils ont accepté de la rendre encore plus à la carte. Non content de ne pas participer à l’espace Schengen ou à l’euro (la monnaie, pas le championnat de foot !), le Royaume-Uni allait pouvoir discriminer l’accès aux prestations sociales au détriment des ressortissants européens non britanniques. Compromission inutile : caramba, encore raté !

Le mot de la fin à Churchill

Leçon numéro 3 : plutôt que de se compromettre avec un État qui n’a jamais joué le jeu de la coopération européenne, il vaut sans doute mieux approfondir l’intégration européenne en y mettant les moyens. Il y faut donc des moyens financiers à la fois pour relancer l’économie, atténuer les divergences économiques et sociales, accélérer la transition écologique mais aussi pour assurer la sécurité.

Il faut aussi de nouveaux dispositifs institutionnels en imposant, par exemple, à la Banque centrale européenne qu’elle assure un rôle de prêteur en dernier ressort qui éviterait les épisodes spéculatifs sur les dettes publiques, ou en libérant les investissements publics européens du carcan des règles budgétaires. Pas sûr qu’une réunion, prévue samedi 25 juin 2016, entre les chefs d’État et de gouvernement des six États fondateurs de l’Union européenne aille dans la bonne direction : après avoir perdu un membre, ont-ils décidé d’en écarter 21 de plus ? Étrange façon d’envisager la coopération autour d’un projet commun.

Le mot de la fin pour Winston Churchill. Il avait vu juste : il était pour les États-Unis d’Europe, mais sans le Royaume-Uni. Cette fois, c’est fait !

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