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Sauver le dugong de Nouvelle-Calédonie, mission possible !

Avec sa nageoire caudale triangulaire et son beau chant mélancolique, le dugong serait à l’origine du mythe des sirènes conté par Homère dans l’« Odyssée ». Matthieu Juncker, Author provided

Unique mammifère herbivore strictement marin, le dugong – aussi appelé vache marine – est le seul représentant de la famille des Dugongidae. Réparti de l’Afrique de l’Est au Vanuatu, ce cousin du lamentin est protégé par plusieurs textes internationaux et inscrit sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le dugong est soumis à des pressions anthropiques croissantes. Il a déjà disparu dans de nombreux pays comme l’île Maurice, les Maldives, et le Cambodge et son statut de conservation est inconnu dans la moitié de son aire de répartition, comme en Nouvelle-Calédonie par exemple.

Situé dans le pacifique sud-ouest, l’archipel néo-calédonien se trouve à l’extrémité est de l’aire de répartition mondiale du dugong. La présence de cet animal charismatique dans les eaux calédoniennes a constitué l’une des raisons de son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.

Les travaux de recherche sur les dugongs de Nouvelle-Calédonie ont commencé en juin 2003 avec les premiers comptages aériens. À l’époque, la population fut évaluée à environ 2 000 dugongs. Cinq ans plus tard, de nouvelles estimations faisaient état de la moitié seulement des individus !

Le documentaire « Dugongs » réalisé par Pierre de Nicola (2014).

Inquiets de ces résultats et conscients de la nécessité de mieux préserver l’espèce, l’Agence des aires marines protégées en partenariat avec un groupe technique restreint – réunissant les trois provinces, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le sénat coutumier, l’État, WWF-NC et l’Opération cétacés – ont lancé en 2010 un « plan d’actions dugong » (PAD) pour une durée de cinq ans.

Dans ce cadre, plusieurs actions de recherche ont été menées entre 2010 et 2015. Une étude des populations a souligné la faible diversité génétique et montré un taux élevé de consanguinité, pointant un isolement géographique de la population. Le statut et l’écologie de l’espèce ont alors été précisés dans le cadre d’une étude doctorale menée en cotutelle entre l’IRD et l’université de James Cook en Australie (disponible en français et en anglais) ; la place du dugong dans la société néo-calédonienne a en outre été abordée grâce à une étude anthropologique mêlant savoirs traditionnels et pratiques actuelles.

Le dugong se nourrit d’herbes - plus de 40 kg par jour - qu’il broute dans les eaux peu profondes. Matthieu Juncker, Author provided

Identifier les principales menaces

Les résultats de ces différentes démarches suscitent à la fois inquiétude et espoir. Inquiétude parce que les comptages supplémentaires réalisés en 2011 et 2012 ont confirmé qu’il ne restait plus qu’un millier de dugongs en Nouvelle-Calédonie ; par conséquent, chaque individu compte pour la survie de la population. Ce statut précaire, confirmé par les analyses génétiques, se traduit par une fragilité des dugongs et sans doute une faible capacité de résilience. En d’autres mots, chaque animal tué par l’homme frappe directement la population.

Le croisement des données disponibles sur le comportement des animaux, la répartition des habitats préférentiels et le réseau actuel d’aires marines protégées, ainsi que le diagnostic identifiant les principales menaces, a permis de déterminer les zones où les mesures de conservation et de gestion devront être mises en place afin d’améliorer la protection de l’espèce en Nouvelle-Calédonie.

Carte de distribution et de densité des dugongs autour de la Grande-Terre de Nouvelle-Calédonie. Christophe Clerguer, Author provided

Plusieurs espaces sensibles ont été identifiés au regard des menaces qui pèsent sur les dugongs – tels les prises accidentelles dans les filets de pêche ou encore les collisions avec les embarcations marines. Reste désormais à adapter la réglementation relative à ces activités. On sait aujourd’hui où se trouvent précisément les dugongs et où ils sont le plus abondants. Ces zones à fortes concentrations devront être préservées des menaces anthropiques si l’on veut sauvegarder la population.

Les déplacements des dugongs percés à jour

Grâce au balisage de quelques animaux, le secret de leurs déplacements a été découvert ; on a aussi appris qu’ils utilisaient aussi bien les lagons que les zones externes des récifs de la Grande-Terre de Nouvelle-Calédonie. On sait désormais que les dugongs peuvent parcourir plus de 100 km pour se déplacer entre des zones à forte concentration. Ces déplacements, qui vont bien au-delà des frontières des provinces, montrent que la population de dugongs de Nouvelle-Calédonie doit être gérée à une échelle écologique pertinente et indépendante des limites géographiques administratives.

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La préservation des dugongs passe aussi par l’éducation et la communication sur les menaces qui pèsent sur cette espèce emblématique. Un important travail de sensibilisation a ainsi été effectué pour différents publics.

Le PAD 2010-2015 s’achève donc sur une note d’espoir : les nombreux outils mis en place ces cinq dernières années vont permettre d’améliorer la conservation et la gestion des dugongs de cet archipel du bout du monde.

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