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Le laboratoire créatif

Se laisser prendre au piège !

Créativité… Braden Kowitz/Flickr, CC BY-SA

Cette chronique se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.

Notre conversation créative se poursuit, merci chers lecteurs d’avoir partagé ce qu’est une conversation réussie pour vous. J’ai retenu quelques mots clés : cela exige de prendre le temps nécessaire, d’être disponible, d’apprendre à écouter (même lorsque nous sommes en désaccord), de garder un esprit ouvert, d’être curieux des autres, d’accorder de l’importance aux lieux (un bon repas, une maison de campagne, en voyage…).

Vous avez aussi écrit que les heureux hasards s’invitent dans une conversation réussie. Et que toute conversation participait à notre évolution personnelle. Marina Hogard affirme qu’il est essentiel de revoir notre rapport à la conversation. « Elle est nécessaire pour s’enrichir, faire passer des émotions, comprendre l’autre, etc. Les robots seront-ils vraiment capables d’aller au-delà d’un simple compagnonnage ?

De plus, cette absence de contact est à prendre en compte, on peut au cours d’une conversation, ajuster son corps, son écoute par les oreilles ; qu’en est-il des robots ? La conversation est un véritable art ». Jean Florent, pour sa part, est à peu près persuadé que des robots arriveront rapidement à entretenir des conversations de meilleure qualité qu’avec la plupart des humains qui nous entourent, y compris les plus proches et au sein des familles.

Si vous n’avez pas lu la première chronique et les commentaires, c’est ici.

Cette semaine, la réflexion porte sur les pièges dans lesquels nous pouvons parfois nous enfermer par souci d’efficacité.

Art numérique, Pierre Guité.

En tant qu’humains, nous apprenons de nouveaux concepts à partir de quelques exemples seulement. Alors que pour des machines, il faut des centaines, voire des milliers d’exemples.

Il est très difficile, à l’heure actuelle, de faire mieux. Les chercheurs en intelligence artificielle se penchent sur les différentes approches possibles afin de résoudre ce problème. Ils s’inspirent de nos propres stratégies d’apprentissage.

Sans que nous en ayons conscience, nous utilisons des stratégies complexes. Nous avons recours à des biais intuitifs pour identifier des caractères communs dans un ensemble d’objets. Ces biais nous forcent, par exemple, à considérer un problème de classification sous un certain angle, à l’exclusion des autres, et de formuler à partir de quelques spécimens des règles qui permettent de ranger des objets dans des catégories qui mettent en lumière leurs attributs et leurs modes de fonctionnement.

Notre propension à extraire très rapidement des concepts abstraits à partir d’un nombre limité d’exemples peut être mise à profit dans le domaine de l’innovation.

Un exemple historique est celui de John Babbage qui au XIXe siècle s’est inspiré des métiers à tisser de l’époque pour en déduire des modes de fonctionnement dont il s’est servi pour mettre au point les toutes premières machines à calculer programmables, les ancêtres des ordinateurs d’aujourd’hui.

Selon le physico-chimiste Didier Roux, titulaire de la chaire de l’innovation au Collège de France, deux principes dominants sont à l’origine des innovations : la convergence et l’accident.

Les deux principes exigent à la fois une ouverture d’esprit et une prise de risque.

La convergence, en effet, consiste à confronter deux domaines très divergents et à déduire de l’un des concepts (très souvent abstraits) comment ils peuvent s’appliquer à l’autre domaine, pour résoudre un problème ou pour améliorer nos connaissances.

En ce qui concerne le deuxième principe, celui de l’accident, il nous plonge au cœur même de ce qu’est une existence humaine : l’expérience. L’expérience est à la base de l’évolution, et toute expérience exige une série d’essais et d’erreurs, et ainsi une incontournable prise de risques.

On se plaît à répéter que l’époque actuelle fait face à des crises sans pareilles : crise écologique, crise économique, crise politique. Or, la racine même du mot crise, du grec krisis, est selon Edgar Morin un moment privilégié dans un processus d’évolution.

En situation de crise, plusieurs choix s’offrent aux décideurs. Et pour faire le bon choix, il faut être prêt à expérimenter, tester plusieurs solutions, aller voir ailleurs, essayer ce qui n’a pas encore été fait, et explorer au préalable ce qui s’est fait ailleurs.

Les recherches actuelles en intelligence artificielle nous rappellent à notre nature humaine essentielle : des observateurs, des expérimentateurs, des innovateurs. Voilà qui nous sommes ! Le cerveau humain recèle des ressources d’apprentissage insoupçonnées. C’est à nous de ne pas nous laisser piéger (dans nos vies personnelles et dans nos entreprises) lorsque les processus d’exploration et d’innovation deviennent trop encadrés, trop formatés.

Pour ma part, dans des réunions de création (avec moi-même ou avec les autres), j’aime bien accueillir des imprévus pour créer un peu de désordre dans les processus. Lorsque l’inattendu se produit, il est toujours intéressant d’observer ce qu’il advient. J’enseigne souvent la créativité en marchant dans la ville ou dans les musées. Un doctorant qui travaille chez CAE m’a dit avoir déposé plusieurs brevets après l’atelier.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Vous laissez-vous coincer dans des processus qui vous empêchent d’être aussi créatifs que vous pourriez l’être si vous vous sentiez plus libres ? Avez-vous des astuces qui vous aident à sortir de vos habitudes ? Avez-vous une anecdote à partager où les principes de convergence ou d’accident vous ont mené à une découverte ? Que pouvons-nous faire pour encourager davantage l’innovation dans nos organisations ?

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