Donald Trump jouait tranquillement au golf sur son terrain de West Palm Beach, en Floride, lorsqu’il aurait été pris pour la cible d’un second attentat. Ayant remarqué un individu qui pointait une arme à feu depuis les buissons, sa garde rapprochée a ouvert le feu avant de le prendre en chasse, et finalement l’arrêter.
Le FBI estime qu’il s’agissait bel et bien d’un attentat, le second, contre l’ancien président. Le candidat républicain, qui se trouvait à une distance de 300 à 500 mètres du tireur, n’a pas été touché. Par ailleurs, l’enquête sur le premier attentat, le 13 juillet à Butler en Pennsylvanie est toujours en cours.
Ce genre de séquence en matière d’attentat n’est pas une première. Gerald Ford en a subi deux à 17 jours d’intervalle en septembre 1975, comparé à 64 jours dans le cas de Donald Trump.
Mais ce second attentat soulève néanmoins des questions troublantes quant à la tournure des événements.
De nouvelles données
Dans l’enquête qui s’amorce, c’est le profil du suspect qui attire d’abord l’attention.
Actuellement détenu, Ryan Wesley Routh, 58 ans, a un lourd passé criminel et des attaches en Caroline du Nord. Pour l’instant, il est formellement accusé de « possession d’une arme à feu par un criminel condamné » et de « possession d’une arme à feu sans numéro de série ».
En 1997, les services secrets américains ont publié une analyse des tentatives d’assassinat précédentes. Cette monographie, qui visait la prévention, présentait les questions importantes à considérer pour comprendre les attaques contre des hauts placés.
Parmi les questions importantes soulevées, il faut se demander si l’on peut identifier des schémas ou des événements dans la vie de leur auteur. Les chercheurs concluent qu’il faut porter attention aux phases critiques de leur vie — maladie, accident, fin d’une relation significative, perte de statut, échec d’un projet.
Dans le cas qui nous intéresse, le suspect aurait documenté sa tentative ratée de combattre en Ukraine. Dans les années 1990, il aurait également été impliqué dans plusieurs procès, pour lesquels il a dû verser des dizaines de milliers de dollars d’indemnités.
En février 2023, Routh a publié un essai à compte d’auteur sur Amazon. Le titre, à la fois grandiloquent et loufoque, se traduit par Guerre sans vainqueur en Ukraine : la tare fatale de la démocratie, le désistement de la démocratie et de la citoyenneté globale — Taïwan, Afghanistan, Corée du Nord et la fin de l’humanité[notre traduction]. Ce livre lui a valu, le mois suivant, une entrevue dans le New York Times dans un article intitulé Bravoure volée : des volontaires américains en Ukraine menteurs, gaspilleurs et chamailleurs [Notre traduction].
En politique comme à la guerre
Au-delà du portrait individuel, une tendance plus inquiétante qui ressort de ce second attentat concerne l’effet d’entraînement : l’environnement politique actuel incite les individus attirés par les extrêmes politiques à passer à l’action.
Cette normalisation évidente de la violence politique est sans doute liée à la forte polarisation électorale. Une étude datant de 2022 du politologue Alan Abramowitz sur l’augmentation de l’hyperpartisanerie, sa cohérence idéologique et ses conséquences aux États-Unis suggère qu’un nombre croissant d’Américains en sont venus à considérer la politique comme une forme de guerre. Dans ce contexte, les élections sont perçues comme un combat entre le bien et le mal.
Ce sentiment a trouvé un écho au troisième anniversaire de l’insurrection du 6 janvier. Dans son discours sur la défense de la démocratie américaine en tant que cause sacrée, le président Joe Biden déclarait : « Vous ne pouvez pas participer à l’affrontement politique si vous le considérez comme une guerre totale plutôt que comme un moyen pacifique de résoudre nos différends. La guerre totale, voilà ce que veut Trump ».
Dans une étude sur les causes et impacts des attentats politiques publiée en 2015, le Centre de contreterrorisme de l’Académie militaire de West Point apporte un autre éclairage sur la relation entre la polarisation politique et les attentats.
Les élections deviennent plus efficaces et pacifiques quand les griefs politiques les plus sérieux ont été pris en compte, lit-on. S’ils demeurent irrésolus, ceux-ci peuvent susciter de nouvelles violences, y compris des attentats contre des responsables politiques.
Se préparer à une surprise en octobre
Dans la politique américaine, l’expression « surprise d’octobre » décrit un événement politique qui rebat les cartes et bouleverse la campagne présidentielle à quelques semaines du scrutin.
Considérant les rebondissements de la présente course présidentielle, il est permis de redouter qu’une nouvelle « surprise d’octobre » de nature violente vienne s’immiscer dans la course.
Trump a politisé le premier attentat pendant la Convention nationale républicaine de juillet et, dans les heures qui ont suivi le second, son équipe de campagne a entrepris une nouvelle levée de fonds sur ce prétexte. Certains alliés de Trump, dont son colistier James David Vance, avaient insinué que le premier attentat découlait inévitablement de la campagne haineuse des démocrates.
Maintenant que le candidat républicain a fait l’objet de deux attentats, l’élection 2024 se caractérise désormais par la violence politique. Malheureusement, le risque que la surprise d’octobre soit une nouvelle tentative d’assassinat ne relève plus de l’hyperbole.