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Lutter contre la sédentarité des enfants : quel bilan pour les bus pédestres ?

Apparu dans les pays anglo-saxons, le ramassage scolaire piéton s'est développé en Suisse à la fin des années 1990 et en France dans les années 2000. (Ici, un Pédibus à Lausanne) Éléonore Pigalle, Author provided

Devenue au cours des années 1960 symbole de liberté et d’autonomie, en pleine période d’expansion urbaine et d’accélération des déplacements, la voiture est aujourd’hui remise en question. À l’heure où l’on prend conscience des impacts irréversibles causés par les activités humaines sur la nature et le climat, ce mode de transport dérange.

De fait, les automobilistes sont souvent désignés comme les premiers responsables de la pollution atmosphérique et sonore, de la congestion, des difficultés de stationnement, de l’insécurité routière ou encore de la consommation de l’espace.

Et si l’engagement pour l’environnement commençait sur le chemin de l’école ? Pour encourager les individus à changer d’eux-mêmes leurs comportements et se déplacer autrement, la puissance publique multiplie outils et événements.

Parmi ceux qui ciblent le jeune public, il en est un qui a été largement institutionnalisé, médiatisé et même recommandé par le premier ministre Édouard Philippe dans le dernier rapport du Comité interministériel de la sécurité routière : le Pédibus (aussi appelé Carapatte).

Un ramassage scolaire alternatif

Comme son nom le laisse entendre, le Pédibus est un ramassage scolaire piéton où les enfants sont encadrés par des accompagnateurs bénévoles. À l’instar d’un mode de transport public, il fonctionne avec des itinéraires, des horaires et des arrêts situés au plus proche du domicile des participants.

La plupart du temps, les lignes ne dépassent pas un kilomètre et peuvent se mettre en route le matin, le midi et le soir. Le trajet est déterminé en concertation avec les parents, la municipalité et les écoles. Mais son organisation repose entièrement sur l’implication, la motivation et la disponibilité des parents.

Le Pédibus, l’alliance idéale entre écologie et socialisation ?

Le concept est apparu en 1992, et sa paternité est généralement attribuée à l’Australien David Engwicht, dans un contexte où un nombre croissant d’élèves sont accompagnés à l’école en voiture. Ensuite, l’idée s’est développée dans des pays anglo-saxons comme le Canada et la Nouvelle-Zélande avant d’essaimer en Europe continentale, plus précisément à Lausanne, en Suisse romande, à partir de 1998, et en France dans les années 2000.

Un système international. Éléonore Pigalle
Le Pédibus, une solution alternative à l’automobile. Joël Yerpez

En plus d’être présenté comme une solution alternative à l’automobile, le Pédibus est paré par ses promoteurs de nombreuses vertus. Il favoriserait l’activité physique des enfants et réduirait l’obésité. Il améliorerait aussi la sécurité sur le chemin de l’école et permettrait l’apprentissage des règles de la circulation routière, sans oublier son caractère convivial, renforçant les liens de voisinage. Des atouts sur lesquels la littérature scientifique dresse en fait un bilan plus mitigé.

Des bénéfices discutés

Un certain nombre d’effets positifs ont été mis en avant. D’abord, le Pédibus, en participant à l’animation de la vie de quartier, favorise la socialisation des enfants. En matière de santé, des études menées aux États-Unis et en Écosse rapportent un impact réel sur l’activité physique, même si certains chercheurs concluent à une inefficacité en matière de prévention contre l’obésité.

En ce qui concerne la sécurité routière, il est difficile de conclure en faveur des bénéfices vu l’état actuel des publications scientifiques. Il serait possible de s’attendre à un gain, si le Pédibus visait un public d’enfants qui venaient initialement seuls à l’école.

Il s’avère que traverser la rue en groupe plutôt que seul, réduit les risques d’accident, puisque les piétons sont mieux perçus par les automobilistes. De la même manière, une étude réalisée en Nouvelle-Zélande montre un effet significativement positif de l’accompagnement sur le risque de blessures des enfants piétons lors des trajets domicile-école.

Mais s’il s’agit de substituer le Pédibus à la voiture, le progrès en matière de sécurité routière reste incertain. En effet, une étude note que « le transfert de la marche à pied vers l’automobile contribue à l’amélioration de leur sécurité ». Enfin, du point de vue de la psychologie, le Pédibus retarderait l’apprentissage de l’autonomie dans les déplacements, puisque les enfants se reposeraient sur les accompagnants.

Un choix parental

Voilà qui questionne un autre effet du Pédibus : ne repousserait-il pas les enjeux de sécurité routière à l’arrivée au collège, où les enfants seront seuls face à la circulation routière ? En ce sens, le dernier rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière rapporte un pic d’accidents, tués ou blessés hospitalisés des enfants piétons dès l’entrée au collège, notamment chez les garçons.

Au-delà de ces réserves qui marquent la littérature scientifique, il faut voir que le déploiement des Pédibus reste marginal et difficile à pérenniser. En plus d’être essentiellement présentes dans les quartiers favorisés, la plupart des lignes de Pédibus n’excéderaient pas deux ans. Quand certaines voient le jour, d’autres meurent : la motivation des parents bénévoles s’use, les enfants grandissent, etc. Ainsi, ce contraste entre discours promotionnels et littérature scientifique interroge les limites de politiques publiques essentiellement fondées sur des stratégies de communication et mettant l’accent sur la responsabilité individuelleet la morale.

Néanmoins, sous réserve d’une distance raisonnable, ce dispositif permet de réduire le nombre de trajets domicile-école et donc de gagner du temps. Pour certains parents, le Pédibus complète un mode de vie éducatif et peut être rassurant en permettant un meilleur contrôle des déplacements de leurs enfants.

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