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Six choses à savoir sur les tueries de masse aux États-Unis

L'arrivée des secours lors de la fusillade au « Pulse » d'Orlando le 12 juin. City of Orlando Police Department, CC BY-ND

L’Amérique vient de connaître une nouvelle tuerie de masse, qui a visé la boîte de nuit « Pulse » à Orlando, en Floride. C’est la fusillade la plus meurtrière de l’histoire des États-Unis.

En tant que criminologue, j’ai passé en revue des recherches récentes dans l’espoir de démystifier les idées reçues que j’entends se glisser dans les discussions qui surgissent à chaque fois qu’une tuerie de masse se produit.

Plus d’armes ne vous met pas plus en sécurité

Une étude que j’ai menée sur les tueries de masse indique que ce phénomène ne se cantonne pas aux États-Unis :

  • Des fusillades ont en effet eu lieu dans 25 autres pays riches entre 1983 et 2013, mais le nombre d’événements de la sorte aux États-Unis dépasse de loin celui de n’importe quel autre État inclus dans l’étude sur le même laps de temps.
  • En dehors des États-Unis, l’Allemagne est en tête du classement, avec sept fusillades.
  • Dans l’ensemble des 24 pays industrialisés restants, 41 tueries de masse ont eu lieu.
  • Les États-Unis recensent presque le double du nombre de fusillades qui se sont produites dans l’ensemble des 24 autres pays sur la même période de 30 ans :

Autre résultat significatif : les taux de tueries de masse et de possession d’armes à feu sont fortement corrélés. Plus une population en possède, plus un pays est exposé aux fusillades. Cette corrélation reste élevée même quand on ôte les États-Unis de la liste.

L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime a tiré des conclusions similaires, selon lesquelles les pays présentant les plus hauts niveaux de possession d’armes à feu affichent aussi les taux d’homicides par armes à feu les plus élevés.

Mon étude met également en lumière une corrélation importante entre les chiffres de victimes de tueries de masse et de morts par armes à feu en général. Cependant, ce rapport semble être principalement causé par le nombre considérable de morts par armes à feu aux États-Unis, et disparaît quand l’analyse ne prend pas en compte ce pays.

Les fusillades sont plus fréquentes

Une étude publiée récemment par le Harvard Injury Control Research Center prouve que la fréquence des tueries de masse augmente au fil du temps. Les chercheurs ont mesuré cette augmentation en déterminant la durée qui s’écoule entre deux tueries de masse. Selon eux, cette durée est passée de 200 jours en moyenne sur la période de 1983 à 2011 à 64 jours depuis 2011.

Ce qui est le plus alarmant, c’est que cette tendance va à l’opposé de l’évolution des taux d’homicides volontaires. Ils ont baissé de presque 50 % aux États-Unis depuis 1993, et de 40 % en Europe entre 2003 et 2013.

La limite des ventes est efficace

En vertu du deuxième amendement de la Constitution américaine, les États-Unis ont adopté des lois permissives sur le port d’armes, à l’inverse de la plupart des pays développés, qui ont des lois restrictives.

Second amendement à la Constitution des États-Unis. YouTube, CC BY-ND

D’après un ouvrage précurseur écrit pas les criminologues George Newton et Franklin Zimring, les lois permissives de détention d’armes se réfèrent à un système dans lequel tout le monde – excepté certaines catégories de personnes – peut se procurer une arme à feu. Dans ce cas, un individu n’a pas à justifier l’achat, et c’est à l’autorité qui délivre les permis de refuser une acquisition.

Au contraire, les lois restrictives se réfèrent à un système dans lequel les individus qui veulent acheter des armes à feu doivent démontrer aux autorités compétentes qu’ils ont des raisons valables d’en détenir une – par exemple, pour l’utiliser dans un centre de tir ou pour chasser – et faire preuve de « bonne conduite ».

Le type de réglementation choisi a des impacts considérables : les pays dont les lois sont plus restrictives comptent moins de décès par armes à feu et un taux plus faible de possession de ces armes.

Les comparaisons historiques peuvent être erronées

À partir de 2008, le FBI a défini très précisément les tueries de masse, les limitant aux cas où un individu – ou plusieurs en de rares circonstances – « tue quatre personnes ou plus (sans compter le tireur) au cours d’un même événement, généralement au même endroit ».

En 2013, le FBI a modifié cette définition, remplaçant les « tueries de masse » par l’identification d’un « tireur actif » comme « individu activement engagé dans le meurtre ou la tentative de meurtre de personnes dans une zone confinée et peuplée ». Ce changement signifie que l’agence inclut désormais les événements au cours desquels moins de quatre personnes meurent, mais où de nombreuses autres sont blessées, tels que la fusillade de 2014 en Nouvelle-Orléans.

Cette redéfinition a impacté directement le nombre de cas compris dans les recherches, et affecté la comparabilité entre les études menées avant et après 2013.

Exposition et vente d'armes au Houston Gun Show. M&R Glasgow/flickr, CC BY-ND

Encore plus troublant, certains chercheurs sur les tueries de masse, comme le criminologue James Alan Fox de la Northeastern University, ont intégré à leurs études plusieurs types d’homicides multiples qui ne peuvent être assimilés à des tueries de masse – par exemple, les familicides et les règlements de comptes entre gangs.

Dans le cas d’un familicide, les victimes sont exclusivement des membres de la famille et non des passants touchés par hasard. Les meurtres entre gangs sont en général commis pour de l’argent ou pour punir des gangs rivaux, ou encore contre un membre qui a trahi son propre gang. De tels homicides ne devraient donc pas faire partie de l’analyse des tueries de masse.

Toutes les tueries de masse ne sont pas dues au terrorisme

Les journalistes décrivent parfois les tueries de masse comme une forme de terrorisme intérieur, mais cette comparaison peut induire en erreur. Il n’y a aucun doute sur le fait que les tueries de masse sont « terrifiantes » et « terrorisent » la communauté qu’elles frappent. Néanmoins, les tueurs actifs impliqués dans ce genre d’événements n’ont pas tous un message politique à délivrer ou une cause à défendre.

Par exemple, la fusillade dans une église de Charleston en Caroline du Sud en juin 2015 était un crime haineux, mais n’a pas été jugée par le gouvernement fédéral comme un acte terroriste.

Neuf personnes sont décédées dans la tuerie de l’église de Charleston. The All-Nite Images/Flickr, CC BY-SA

La majorité des tireurs actifs sont des employés persécutés, mécontents, et souffrent de problèmes de santé mentale. Des motivations personnelles ou politiques diverses – souvent la revanche ou la quête de pouvoir – les poussent à agir, en général sans intention d’affaiblir la légitimité du gouvernement.

Le contrôle des antécédents fonctionne

Dans la plupart des systèmes de contrôle des antécédents mis en place dans les pays développés, les citoyens ont l’obligation de s’entraîner au maniement des armes, d’obtenir un permis de chasse ou de fournir la preuve de leur adhésion à un stand de tir.

Ils doivent également prouver qu’ils n’appartiennent pas à un « groupe interdit » comme les malades mentaux, les criminels, les enfants ou les individus capables de commettre des crimes violents – ceux dont le casier judiciaire mentionne une atteinte à la vie d’autrui.

Voilà le fond du problème. Avec ces dispositions, la plupart des tireurs actifs américains se seraient vu refuser l’achat d’une arme à feu.

Note de l’éditeur : cet article a été mis à jour le 12 juin 2016. Il a été publié le 3 décembre 2015.

Traduit de l'anglais par Diane Frances.

This article was originally published in English

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